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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Élaboration des programmes de l'enseignement scolaire – Principales questions en suspens

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Academic year: 2021

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ELABORATION DES PROGRAMMES DE L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

(colloque franco-américain, INRP Lyon, 2005; texte non publié) Seconde partie :

PRINCIPALES QUESTIONS EN SUSPENS Jean-Louis MARTINAND, UMR.STEF, ENS Cachan

Dominique Raulin a présenté le schéma d’élaboration des programmes scolaires aujourd’hui en France, depuis une dizaine d’années, en répondant aux questions : qui fait quoi, qui est responsable de quoi ? D. Raulin est incontestablement le mieux placé pour cette présentation, par ses responsabilités au Conseil national des programmes, et auparavant à la Direction des lycées et collèges du Ministère.

Je souhaite pour ma part compléter son exposé par quelques remarques, du point de vue du curriculum, qui s’intéresse aussi aux pratiques et donc aux moyens matériels et humains de la mise en œuvre, et pas seulement aux « programmes ». Mon expérience sur cette question a pour base :

• un engagement dans la conception, l’essai et l’évaluation de projets d’éducation scientifique ou technologique pour l’école primaire et l’école moyenne (1972-1977) ; • la conception générale d’un ensemble de manuels pour élèves et de « guides du

maître » pour les sciences physiques à l’école moyenne (1977-1980), de guides de formation des enseignants en sciences physiques et technologie pour l’école primaire (1995) et la technologie pour l’école moyenne (1998) ;

• un rôle de conseiller auprès du Conseil national des programmes pour l’enseignement des sciences (1990-1992), et de co-président du Groupe technique disciplinaire pour la technologie (collège) (1995-2000) ;

• une activité de chercheur en Sciences de l’éducation spécialisé en didactique des sciences et des techniques, sur la caractérisation des objectifs de l’éducation scientifique et technologique, sur l’enseignement possible et l’apprentissage de la « modélisation scientifique et technologique » (et pas seulement des faits, concepts et modèles), enfin sur la « didactique comparée » des diverses matières scolaires du point de vue des curriculums.

Avant de passer aux « questions en suspens » annoncées par D Raulin, je voudrais présenter deux remarques.

Posons-nous la question : qu’est-ce qui fait que la procédure décrite d’élaboration des programmes peut fonctionner même lorsqu’il y a des oppositions ? Je pense qu’elle s’appuie sur des conceptions qui ont une longue histoire, avec des continuités et quelques discontinuités, histoire implicitement mais largement partagée sous forme de connivence entre les partenaires, aussi bien pour l’école dans son ensemble que dans chaque matière (au moins la plupart d’entre elles). Les origines historiques de ces conceptions me paraissent être d’une part la ratio studiorum des collèges de Jésuites de la fin du XVIème siècle pour l’enseignement secondaire, et le plan d’études pour l’enseignement primaire de la fin du XIXème siècle. Dans les deux cas, nous avons une tradition française des « curriculums sur programme national », contrairement à la tradition anglaise avant le National curriculum par exemple. Ce qui n’est pas dans le programme va en grande partie « de soi » : emplois du temps, manuels, formation initiale et expérience vécue des enseignants et d’une partie des parents. La notion de curriculum, dont le

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développement serait à la charge d’équipes locales est une notion étrangère à la tradition éducative française actuelle. Cela n’exclut pas parfois des matières « exotiques », comme les deux heures de « plein air » inscrites dans les emplois du temps du second degré pour les élèves de 11-13 ans dans les années 1950, ni des programmes très courts, renvoyant donc à la tradition, aux « instructions » et finalement aux manuels, comme ceux de Sciences naturelles de 1969, avec « les vertébrés et les plantes à fleurs » (11-12 ans) et « les invertébrés et les plantes sans fleurs » (12-13 ans).

La seconde remarque concerne l’accélération du rythme de changement des programmes depuis le début de la décennie 1970-1980, pour l’ensemble des niveaux et des matières. En physique par exemple, cas typique, au-delà des mises à jour par quelques retraits et ajouts, c’est une même structure des programmes de lycées qui a prévalu de 1902 à 1977. Les générations de manuels se reproduisent alors sans grand changement tout au long de cette période. Depuis 1977 au contraire, les programmes qui se sont succédé sont construits sur des conceptions de la physique scolaire très différentes, depuis l’accent mis sur les lois de conservation fondamentales, à la mise en évidence des grandeurs caractéristiques d’un phénomène, de leurs relations quantitatives et de leurs valeurs caractéristiques. Pendant son temps d’activité, un enseignant d’aujourd’hui doit enseigner successivement selon des points de vue assez différents. La question essentielle qui se pose à lui lors d’un changement de programme est donc : que faut-il maintenir, que faut-il changer ? Or nous constatons à ce propos un paradoxe : alors qu’un « nouveau » programme est avant tout une correction radicale ou légère, tous les textes de programmes se présentent comme s’ils surgissaient sans histoire et pour l’éternité, alors même qu’ils changent fréquemment. Ils ne mettent pas l’accent sur les continuités et discontinuités, sur les arguments pour et contre, les avantages et les inconvénients du changement. Si la procédure décrite par D. Raulin pousse à l’explicitation et à la publicité des avis des partenaires et instances au-delà des cercles professionnels restreints, dans un processus d’élaboration qui est une construction-négociation mois occulte, il n’est pas sûr que les enjeux soient bien identifiables par tous les partenaires, ni que les problèmes de légitimation et de validation aient trouvé des solutions vraiment satisfaisantes.

Revenons maintenant aux « questions en suspens » de D. Raulin. 1. Critères de déclenchement d’un changement de programme.

Quels sont en effet les déséquilibres et insatisfactions qui « déclenchent » ? On ne peut négliger ici deux forces : d’une part les interventions diverses de groupes et de personnalités plus ou moins légitimes, d’autre part la « pulsion programmatique » des Ministres de l’éducation qui pensent trouver des réponses aux problèmes qu’ils rencontrent tout en se déchargeant de « l’élaboration concrète », et laisser une trace dans l’histoire alors que le prochain changement l’effacera. Dans ces conditions, l’analyse des problèmes de « scolarisation » des élèves, et des mutations du contexte social, économique, technique, culturel , qui impliquent « mise à jour » et parfois rénovation ou refondation, est de fait rarement effectuée de manière systématique, critique et prospective.

Deux questions font rarement l’objet de réflexions ou d’études. La première est celle de « l’obsolescence des programmes ». Dans le cadre français des curriculums à programmes, on constate qu’après un changement, les deux ou trois années qui suivent sont décisives pour l’adoption et surtout l’innovation nécessaire à la mise en œuvre. Ceux qui n’adoptent pas le programme ne changeront pas : il n’y a pas « diffusion ». Mais ceux qui l’adoptent perdent assez rapidement au bout de quelques années leur créativité à partir du programme. C’est une raison fondamentale au changement qui demanderait des études empiriques pour chacune des matières. La seconde question concerne les changements majeurs. D’autres procédures ont été employées pour préparer des modifications plus profondes: Commissions d’experts particulières, déclarations du Conseil national des programmes, « Consultations nationales ». La Commission

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Bourdieu-Gros est la plus connue de ces vingt dernières années. Le problème est qu’aucun de ces groupe de réflexion et de proposition ne s’appuie sur la conception et l’exploration de solutions possibles et viables, loin des pratiques et contenus du moment, car il ne juge pas utile, et est peut-être incapable de mener le travail d’analyse, d’invention et d’élaboration nécessaires : par ignorance, mais aussi par carence de recherches prospectives. Or il ne s’agit pas tant d’envisager « ce qu’il faudrait dire aux élèves » que ce qu’on pourrait faire avec eux, dans quelles conditions, avec quels moyens, pour quelles visées.

Il s’agit de penser en « curriculum possible ». 1. Evaluation des programmes.

La question a déjà été abordée avec l’idée de déséquilibre, d’obsolescence : en quoi le programme à évaluer est-il un outil technico-politique de solution aux déséquilibres et insatisfactions ?

Cependant, l’évaluation des programmes suppose une réflexion préalable sur deux questions. Quelle est, d’abord, l’efficace propre d’un programme, ou plutôt d’un curriculum « prescrit » (et d’ailleurs en partie auto-prescrit) ? Alors que ce qui est en question est le curriculum « réel » induit par la mise en œuvre du programme, et donc l’usage que les divers acteurs vont faire du programme et de ses incarnations à l’école (on devrait d’ailleurs plutôt penser « curriculum « produit » et même co-produit par les enseignants et les « apprenants »), les réponses aux questions de savoir quel est le bon objet de l’évaluation et qui est expert pour cette évaluation ne sont donc pas du tout évidentes. Il y a besoin d’ « épreuves de réalité », mais elles risquent d’être bien peu prédictives.

Par ailleurs, si un programme est d’abord un acte de nature politique, qu’il soit défini, décidé et appliqué au niveau national ou local, il appartient à un monde ou il y a mise en œuvre et rectification, mais pas « expérimentation » au sens précis du terme. Par exploration préalable des possibles, on peut apprécier quelques conséquences, conditions et implications de la mise en œuvre du programme ; par observation et enquêtes sur ses manifestations on peut inférer les caractéristiques majeures des curriculums réels (et « cachés »), avec leurs évolutions, et on peut en tirer des enseignement pour les rectifications et les infléchissements souhaitables. Et en cherchant à caractériser et expliquer les différences entre curriculums prescrits et curriculums produits, c’est à dire en modélisant ce qui pourrait être appelé le curriculum « potentiel » que les acteurs de l’éducation sont capables de concevoir et mettre en oeuvre « ici et maintenant », on peut dégager les appuis et obstacles aux changements souhaitables.

Il s’agit donc ici de penser curriculum réel et curriculum potentiel, sans illusion technocratique sur les conséquences de décisions de programmes.

3) Critères de choix des contenus.

En réalité, le plus souvent, il n’y a pas vraiment « choix »concernant les contenus lors de la mise au point de la plupart des programmes français aujourd’hui. Il y a plutôt affrontement ou au moins concurrence sur ce qui pourrait être appelé la « vulgate » de la matière, et bricolage sur le texte soumis à discussion et décision. On est habituellement loin du travail de problématisation (à quels enjeux sociétaux et éducatifs les contenus répondent-ils ?), de construction et même d’invention des contenus pour l’enseignement et l’apprentissage, d’élaboration didactique d’accompagnement qui seraient nécessaires.

A nouveau, deux questions devraient faire l’objet pour cela de réflexions approfondies. La première concerne le prescrit, l’interdit éventuel, et le non-prescrit dans le programme et donc dans le curriculum « formel » ; du point de vue du curriculum, qu’est-ce qui « fait norme » dans le programme, mais aussi hors programme (conséquences des ressources matérielles et humaines, et des traditions intériorisées), et qu’est-ce qui est ouvert, non « normé » formellement et finalement réellement ?

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ont en tête. Alistair Ross (Curriculum. Construction and Critique. London : RoutledgeFalmer, 2004) évoque trois grands types idéaux de curriculums :

• « content-driven curriculum », celui où un enseignant professe et « vit une matière », par exemple une discipline, avec ses élèves ;

• « objectives-driven curriculum », celui qui est « piloté par des buts», par exemple des compétences, à atteindre du point de vue des apprenants ;

• « process-driven curriculum », celui ou un pédagogue infléchit le développement des jeunes dans un flux d’activités.

Actuellement, force est de constater la tendance à restreindre toute action éducative scolaire au type de curriculum « piloté par les compétences », pas seulement à cause de l’idéologie néolibérale pour l’éducation et la formation.

4) Conditions d’accompagnement et de mise en œuvre.

En fait, la question a apparemment été déjà abordée précédemment à l’occasion des trois premières. Que ce soit une « bonne » question n’est pas vraiment évident. Dans la perspective adoptée, ne vaudrait-il pas mieux maintenant répondre au besoin suivant, de nature intellectuelle (pour permettre l’élaboration avec des expertises différentes et sans trop de remises en questions) et institutionnelle (pour permettre le débat et l’avis ou la décision selon les responsabilités et capacités politiques ou professionnelles des partenaires) : le besoin de différencier et de relier divers « plans d’élaboration, de décision et de négociation», qu’il ne faut donc pas concevoir comme des niveaux hiérarchiques.

Il s’agirait de distinguer, en première approximation trois plans:

• plan « politique ». Quelles missions, exclusives et obligatoires, une matière ou une « éducative » devrait–elle assumer dans le curriculum global de l’école pour qu’elle soit « instituée »? Sur ce plan les formulations en termes de finalités ne sont qu’un moyen pervers de consensus mou, et de détournement par les professionnels ; elles ne permettent pas l’expression de choix politiques nets ;

• plan « stratégique » ou programmatique. Quelles seraient des orientations directrices conformes aux missions du plan politique et dessinant la figure spécifique de la « matière » ou de l’action éducatives (types d’activités, moyens, contenus, compétences ou dispositions visées…), dans leur complémentarité avec les autres matières et actions éducatives ?

• plan « didactique ». Quelle serait la « matrice » de la matière ou de l’action éducative, ou plutôt du curriculum qui lui correspond ? Quels seraient les principes de progressivité, les modalités d’évaluation ? Quelle « technicité » les enseignants devraient-ils mettre en œuvre, que faudrait-il faire avec eux dans une formation-accompagnement de cette mise en œuvre d’un nouveau curriculum sur programme ? Les « questions en suspens » posées par D. Raulin ont été approchées dans le cadre conceptuel que suggère théoriquement le concept de curriculum. Certes l’idée de curriculum est multiple : curriculum « formel » qui se donne à voir dans les prescriptions et moyens imposés ; curriculum « possible », explicité et exploré trop peu souvent avant les élaborations de programmes ; curriculums « réels », reconstitués à partir des observations , des traces et des enquêtes sur ce que font et vivent les enseignants et les apprenants, curriculum « potentiel », inféré pour rendre compte des écarts entre formel et réel ; curriculum « caché » dont le sens se construit pour les élèves et les familles, ou les employeurs, en partie à l’insu même des acteurs du curriculum. Si cela ne simplifie pas la tâche d’élaboration de programmes, poser ainsi les questions est sans doute la seule façon de conjuguer inventivité, objectivité, rigueur et démocratie.

Références

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