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Principes de protection du patrimoine architectural mondial = Legal and theoretical aspects of architectural conservation

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(2)
(3)

PRINCIPES DE PROTECTION DU PATR:U.10INE

ARCmTECTURAL MONDIAL

(LEGAL AND lHEORETICAL

ASPECTS

OF

ARCHITECTURAL CONSERVATION)

Sonia

LEBESGUE

Institute of ComparativeLaw

McGill University, Montreal

July

1999

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research inpartial fulfùment of the requirements of the degree of Master ofL~ws

(4)

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(5)

ABSTRACT

This thesis analyses the international legal protection of the world built heritage. ft points out the democratic and cultural values of the architectural patrimony as a source of knowledge, self-identification, social and rustorical continuity of peoples, md as a source of common enrichment of mankind. It examines the extent to wruch this cultural heritJge relates to natural and human environments, and reasserts the need to prevent monuments or.tny of their original fabrics from removal for the illicit trade of artefacts worldwide. It argues in favour of the continued commitment of sovereign States and of international society as a whole in order to preserve the cultural rights of present and future generations as stated in the Conventions and Recommendations of the United Nations Org~isation for Education, Science and Culture. Ir emphasizes the interest to impiement the international law of architectural conservation in peacetime and wartÎme and to improve means of cooperation and emergency assistance for the safeguard of the common heritage. For the integration of the legaI instruments of conservation and their formai recognition by governments, with the help of professionai experts in several international organisations, provide the actual basis for an increasing number of conservation programs in different regions of the world. A further significant territorial development of the law of architectural conservation is the involvement of local communities in the preservation and management of cultural sites and buildings, as participatory and decentralized means of conservation strongly impact on the social development of people and their political organisation.

(6)

REMERCIEMENTS

Au Professeur René Provost, directeur de cette thèse, dont les conseils de fond et de méthode m'ont aidée

à

poursuivre mes travalLX de recherche et de réflexion, je tiens

à

adresser mes pius sincères remerciements; j'ai particulièrement apprécié ia constante disponibilité et l'écoute dont

il

a fait preuve

à

mon égard tout au long de ce travail.

Ma reconnaissance va également au personnel de l'Institut de Droit Comparé de IUniversité NIcGill auprès duquel j'ai pu bénéficier d'une expérience aussi riche que plaisante durant les dernières années.

De même, Je remerCIe le Professeur Annrnarie Adams de l'Ecole d'Architecture de IUniversité McGill de m'avoir pennis de suivre son enseignement du cours d' « Hi~ire de

l'architecture» en qualité d'auditrice libre

à

la session d'hiver 1998.

Je souhaiterais en outre exprimer ma sympathie aux membres du Centre du Patrimoine Mondial de 1UNESCO qui ont inspiré le thème de mon étude et facilité mes recherches

à

l'issue d'un stage effectué dans cette institution

à

Paris en 1997.

Enfm,

j'aimerais témoigner

à

MonsieurHerny McDonald de ma plus entière gratitude pour son aimable soutien dans ce projet, ainsi qu'à mes parents.

(7)

1

RESUME

Le présent mémoire propose une analyse juridique de la protection internationale des sItes et monwnents de Ï'architeeture mondiale.

n

examine les valeurs démocratiques et culturelles de cet héritage, source de connaissance, d'identité, de continuité historique et sociale des peuples et d'enrichissement collectif pour l'humanité. il postule Pimportance particulière du processus d'identification du patrimoine-conservé dans son environnement naturel et hwnain et réaffirme la nécessité de coordonner les moyens de lutte contre la dégradation et le démembrement des éléments authentiques de l'architecture face

à

la menace permanente du trafic d'objets d'art. A la lueur des préceptes contenus dans les Conventions et Recommandations de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, cette étude tend alorsàétablir la responsabilité des Etats souverains et de la communauté internationale dans son ensemble envers les droits culrurels des générations présentes et futures et se prononce en faveur de l'adoption par les Etats du droit international de la conservation architectUrale en temps de paix comme en temps de conflit anné, de l'institution de structures et de mécanismes de coopération et d'assistance d'urgence pour la sauvegarde de cet héritage. De fait, la reconnaissance publique de ce droit par les gouvernements, soutenue par l'expertise internationale d'organismes spécialisés, pennet de renforcer les actions menées par les régions et les collectivités locales sur le patrirncme, qui sont d'ailleurs de plus en plus impliquées dans la préservation et la gestion des sites. Car la conservation de l'architecture constitue un enjeu non négligeable du développement des peuples dès lors qu'elle est assortie de procédés de gestion décentralisée du patrimoine

rural

et urbain dans la perspective de la revitalisation socioculturelle et politique du territoire.

(8)

SOMMAIR.E

INTRODUCTION 1

CHAPITRE l - THEORIE DE LA CONSERVATION: LEGITIMITE DU DROIT DU

PATRThl0INEARCHITECTURAL 7

Section A - Fondements du droit du patrimoine architectural mondial.. 8

1 - Valeurs éthiqueset cultllrelles 9

1. 1 - "lhéariecielafJeYCI!Ptiur.... ..• .•. .•. 10

1.1.1. Perception '" 10 1.1.2. Connaissance , '" '" ." '" 11 1.1.3. Reconnaîssmce , 12 1.2 - Va/airestlJétitple 14 1.2.1. Le Beau 14 1.2.2. Le Bel ordre , .16 1.2.3. Le Bon ordre 18 1.3 - Vtl/eztr~te ••• ••••..•••....•, 21 1.3.1.Nlémoire ,. '" '" 21 1.3.2. rYlémoire collective '" .23 1.3.3. Mémoire civique , '" 25

2 - Lapropriété culturelle internationale 29

2.1 - Lapropriété

aJrztndle

, .,

30

2.1.1.Théorie généraledesbiens '" 30

2.1.2.C01lllI1unauté d'affectation , 31 2.1.3. L'IntérêtPublic _ .34 2.2 - LefJalrÎ1rlJÛ1eTrD"lClial 'H 37 2.2.1. L'internationalismeculturel , 37 2.2.2.Conscience morale... . 39 2.2.3. Responsabilité collective...•..•... _41 2.3 - Lepatriminecarmunde 11fzmaniJé(portéejuridique) ... ...•..., 44

2.3.1. Humanité _.44

2.3.2. EqtÙtéintergénérationelle 47

(9)

Section B - Objectifs de protection du patrimoine architectural mondiaL 54

1-Eléments de défmition 56

1.1 - TeJ7l!tuzœsWufrales 57

1.1.1. Patrimoines 57

1.1.2. Monuments historiques 59

1.IJ.P<ltnmnine de prnximité .. '. .. . 61

1.1.4. Patrimome moderne

64-1.2 - Lepabirr1oD7earr:JJi.tectJtralpaysag!r... .•. .. 66

1.2.1.Paysages Cl.Ùttlrels 66

1.2.2. Jardins historiques 68

1.2.3. Patrimoinevernaculaire , '" 70

1.3 - LaCorrœnticn{XJltYlaprot8:tiondupabirr1oD7emœdial, adtureletnaturel 73

1.3.1. Valeur Upiverselle E.xceptionnelle 73

., R ' .. , 75

1.3._. epresentatlVlte ..

1.3.3.Aumenticité 71

1.3.4.Intégrité 80

2 - L'architeetlJre en mouveIt1et1t 83

2.1 - Elérnerzts111OiJi1es de l'arditB::tltre .•• .•• ••• •.• .. 84

2.1.1.Fi.xité, mobilité 84

2.1.2.Lien de destination 87

2.1.3.Complexes historiques et décoratifs ' , '" 89

2.2 - Le traficdbbjetsmdJiter::t:ziraJDC 93

2.2.1.Lelibre-échange 93

2.2.2.Lenationalismeculturel 96

2.2.3.Pillagesculturels... .. 99

2.3 - LalsttteC'Dl"ltrf!letrafù: dJoIJjetsd~ 102

2.3.1.Commerce illicite... .. 1

œ

2.3.2. La Convention sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation,

l'exportationetletransfertdepropriétéillicites des biensculturels 105

2.3.3.Critiques 106

(10)

CHAPITRE II - lA CONSERVATION INTEGREE: L'ADAPTATION AUX

NOUVFAUX ENJEUX DU PATRIl\10INE ARCIDTECTURAL MONDIAL 116

Section A - La coopération internationale pour la conservation du patrimoine architectural

mondiaL 118

1- Lacoopération interétatique 119

1.1 - Les~i9nesde la crx:J[iraticJn _ 120

1.1.1. Les campagnes de sauvegarde intern;}uonales de iÜl\lt.SCO 12û

1.1.2.Le Comité du patrimoine mondial 123

1.1.3. Le Fonds du patrimoine mondial L25

1.2 - LesvicissitJJtiesde la crx:J[iration... .., L29

L.2.L. Bilan politique... L29

1.2.2. L'intégration du droit international Dl

1.2.3. Lareconnaissance juridictionnelle du droit international 134 1.3 - Lassistanœdinwzœ(propJsititnspourrenfurœrlaccop!ratiln) , 137 1.3. L.La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel en temps de conflit armé 137

L.3.2.L'intervention de sauvegarde du p;}trimoine

.l·n

1.3.3. L'association internationale du Bouclier Bleu '" '" '" L·B

2 - Rôledes organisations internationales 146

2.1 -Qrpnisatimsnm~tœmurmtalesdecr:n.~tm:hitectllraie 147

2.l.L. ONGnationales L.f.7

2.1.2. ONGinternationales 149

2.1.3. Communautés épistémicpJes 152

2.2 - Lesmganimesdecr:nsenrltionaffiliés à l'UNE

seo

154

2.2.1. L1COMOS 154

2.2.2. L1CŒ.OM 158

2.3 -Les a'iJ!1'lf1!S

cie

~iru:errratia1al.•. ...160

2.3.1.Ledéveloppement écoculturel 160

2.3.2.LaBanque Mondiale 162

2.3.3. Le PNlJD 164

(11)

Section B - Développements territoriaux de la conservation du patrimoine architectural

mondial 170

1 - Développements régionaux 172

1.1 - Régiazali9ne 173

1.1.1.Unité régionale 173

1.1.2.Patrirnoin.e régional 174

1.2 - Tendurœs defacurN!YWtion en Amatie etdanslesEtats araœs 176

1.2.1.Tradition 176

1.2.2.~loderrùsation 179

1.2.3.Tentatives de conciliation 180

1.3 - Tendurœs defacurN!YWtionerz EllYOfJe 183

1.3.1.Politique des enjetL'C 183

1.3.2. Lasituationàl'Est 184

1.3.3.LUnion Européenne 187

1.3.4.LeConseilde l'Europe .188

1.4 - Tendurœs de lacurN!YWtioneJ'lAméritpœ 191

1.4.1.Décentralisation 191

l04._.'Le patnmome. . nOir. aIllencam" ' .au.'CE U 'tats- rus 1 _9'

1.4.3. La coopérationrégionaledanslesCaraibes 194

2 - Développements locaux 197

2.1 - Lacr:J11Se'1'Wtiazintign!een77lilieunuair:uttoehtr:ne 198

2.1.1.Autodétennination despeuples 198

2.1.2.La gestion participativedupatrimoineruralautochtone 201

2.2 - Laconserwtimintign!edam!es 7JiJleslJistoriLpœs . 204

2.2.1.FonctionsetÙturelles delaville 204

2.2.2. Laplanification desauvegardeetd'urbanisme 107

CONCLUSION...•...•...•...•..214

(12)

INTRODUCTION

« Preservation is a completely artificial procedure, interfering with natural processes

ofdecay and obsolescence. Preservation philosophies are therefore necessarily artificial. They are generally used to justify an approach already decided upon ».

If The idea chat there can he alternative philosophical appro,tChes to the preservation of buildings is seriously misleading. Correctness cannat be watered down; you shoetld either do

ajob properlyornot do it at aU».

Petrist IfA sound philosopby is one which points in the right general direction· that oftnuhfulness. Its precise application must depend on the building and ils circumstances.

If

1 am in command ofall the faces, then the building itselfwill tell me what to do »,

Pragmatic1

1 . Ces quelques lignes empruntées au théoricien anglais John Earl, spécialiste contemporain de la conservation de l'architecture, semblent introduire fort

à

propos le contenu de la présente étude consacrée

à

la sauvegarde et

à

la protection du patrimoine architectural mondial. Au cœur de toute préoccupation pour les réalisations de l'architecture se trouve la croyance dans certaines valeurs de ces biens matériels qui appelle le désir de les voir durer, et l'on peut même remarquer que la plupart des monuments, du moment où ils sont conçus, revêtent « le sens le plus ancien et véritablement originel d'œuvre créée de la main de l'homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant, dans la conscience des générations futures, le souvenir de telle action ou de telle destinée (ou des combinaisons de l'une et de

1

J.

Earl,Building Conservation Philosophy,Whiteknights, The College of Estate Management, 1996 à la p.

(13)

l'autre) ».! En refusant de considérer d'autres dimensions que celle exclusivement utilitaire et conjoncturelle de la structure bâtie, la proposition cynique mentionnée ci-dessus nous paraît alors erronée et insatisfaisante dans la perspective humaniste de l'architecture que nous souhaitons adopter au long de ce travail.

A l'exact opposé se situe le punste, qui semble quant àlui préférer les dogmes

à

la

historiques constitue en soi une discipline scientifique et technique avec ses propres logiques et modes de fonctionnement, son propre jargon: par ( conservation» il

faudrait ainsi entendre l'ensemble des procédés qui permettent d'empêcher la dégradation d'un lieu tandis que la « préservation» tendrait plutôt

à

neutraliser sa détérioration et que la « restauration» désignerait la remise en état de quelque chose de vétuste:' En terme juridique cependant, la «conservation» peut inclure toute une gamme de mesures de protection et de mise en valeur du patrimoine participant au respect du caractère significatif des lieux considérés et s'entend donc plus largement de l'ensemble des actions requises pour assurer les conditions de survie d'un monument, d'un site ou d'un ensemble historique. Elle désigne la protection physique des monuments contre tout traitement dangereux au sens large et suggère la coordination des moyens de lutte contre les empiètements visuels et le vandalisme, depuis les méthodes préventives jusqu'à la manière punitive.-+

C'est pourquoi, loin de référer

à

des concepts figés, notre thèse consistera davantage

à

questionner les principes et mécanismes qui nous semblent les plus à même de fournir une compréhension globale du problème et, peut-être, de défendre avecpragmatisme la sauvegarde du patrimoine architectural mondial à l'heure actuelle. Nous privilégierons

2A. Riegl,Le culte moderne des monuments,Paris, Seuil, 1984àla p. 35.

3Pour une présentation en profondeur de ces notions, voirlaCharte australienneSUTla conserrJation des

lieux de signification culturelle (Charte de Burra), ICaMaS, avril 1988 à l'adresse Internet http:/h",ww.icomos.org/docs/burra. charter.html (1erjuin 1999). Voir aussi P.

J.

Fowler,The Past in Contemporary Society, Then, Now,London, Rouùedge, 1992àla p. 9.

.. Voir laCharte internationalepOUTla conseruation et la restauration des monuments et des sites (Charte de

Venise), rCOMaS, 24 mai 1964 àl'adresse Internet http://www.icomos.org/venise chaner.html (1er juin 1999).

(14)

alors trois a..xes de réflexion en particulier: celui qui tend

à

faire de la conservation des

éléments subsistants du Ratrimo' e une préoccupation première, soit le princi e de 1r

~~ ,.~

Y'''A(Zé!'(\ .

, / prudence; le précepte~'honnêteté, en uite, selon lequel

il

s'agit de retracer la cohérence "

, /

VIsuelle des formes de maniere a leur redonner leur importane symbolique . s

ri

~.-~

société; enfin, le précepte d'adéquation qui cherche

à

établir les liens importants entre les éléments du bâti et l'enseri'M-..."""'rchitectural, et entre un bâtiment et sa fonction

commun~ut~ire.5

2. De fait, ces orientations sont confrontées

à

la grande diversité des menaces qui

pèsent sur les ouvrages architecturaux: outre les dégâts naturels causés par le climat, ,p 1, , ·er0510n et es catac ysmes ou ceux1 1 d' ..ongine b' l '10 oglque, l"actIon de l'homme sur sonCO

tvt

~fAfJE?INCl'

. d \ . d . 1 d '1 TC

enVIronnement est sans oute a craIn re tout autant sinon p us quan on salt es ~E~é~E~ot

problèmes de pollution atmosphérique et chimique et ceux engendrés par les vibrations

~A~N(

qui proviennent de la concentration de véhicules motorisés dans les sociétés

contemporaines.1> La croissance démographique, l'urbanisation, la densité de population et l'industrialisation massive ont conduit

à

asphyxier certaines régions du globe par une surabondance d'asphalte et d'infrastructures imposantes, trop souvent élaborées sans souci aucun de préservation du paysage avoisinant; les voies de communication se sont développées pour répondre aux besoins des populations au point de dénaturer l'équilibre interne et l'harmonie d'innombrables sites; une multitude de secteurs désertés par leurs populations connaissent un délabrement rapide pendant que d'autres souffrent de la surexploitation de leurs ressources culturelles ...7

Dans une tentatIve de classer méthodiquement les types de dangers qui devraient motiver plus particulièrement l'intervention du législateur, un juriste du début du siècle a alors distingué entre plusieurs fléaux qui restent d'actualité et que l'on peut nommer

; Voir la présentation de ces principes par H. Stavel inCode pratique, Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine canadien, Ottawa, Minister of SupplyandServices Canada, 1996àla p. 19.

6Voir le ch. 2, c Causes of DecayinMaterialsandStructures ,. in B. M.FeildentConsertlation ofHistorie Buildings,LondontButterwonh Scientific, 1982àla p. 89.

(15)

«le péril destructeur », «le préril restaurateur» et «le péril exportateur ».S Le «péril destructeur» désigne le vertige de destruction de ce qui se dressait fièrement hier avant qu'une partie de la population ou de la puissance publique ne s'arroge le droit de rompre avec le passé. Il véhicule l'ignorance et l'oubli, le refus de la différence qui reste bien sûr au vif de la problématique culturelle tant notre siècle a produit d'exemples de tels ravages dépassant en volume et en étendue ceux que les peuples, les cultures et ce qu'il, peuvent produire de meilleur ~lvaient connu j1J~que là. C'est aussi !e premier

l

avoir interpelé l'opinion publique internationale et

à

avoir fait l'objet d'une réglementation spécialisée avec laConvention de La Haye de 1954.9

En second lieu, «le péril exportateur», même s'il peut paraître surprenant d'en

entendre parler

à

propos d'immeubles, n'est cependant que trop réel. On a vu des hommes transporter de toutes pièces

à

des milliers de kilomètres de distance des constructions qui semblaient liées au sol pour toujours... Or le vol et l'acheminement par petits morceaux de vestiges d'un héritage inestimable sont le triste résultat de la corruption qui r~gne au profit de quelques « charognards de la culture

»,

d'où l'instauration en 1970 d'un autre instrument de l'UNESCO, la Convention concernant les mesures

à

prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culture/s, dans le but d'amener les autorités

à

se confronter aux exigences de la conservation in situ pour tenter d'enrayer le pillage et le trafic de joyaux architecturaux au moyen d'une politique internationale de surveillance et de contrôle des échanges de biens culturels.10

Parallèlement, «le péril restaurateur», semble faire figure de «bon apôtre qui, tout en protestant de ses intentions d'une pureté absolue, arrive par des voies détournées au

S F. Cros-Mayrevieille,Delaprotection des monuments historiques et artistiques, des sites et des paysages,

Paris, Sirey, 1907àla p.18.

9VoirlaConvention pOUTlaprotection des biens culturels en cas de conflit armé (Convention deLaHaye),

14-mai 1954 inConventions et recommandations de l'UNESCO relativesà laprotection du patrimoine culturel,

Paris, UNESCO, 1990àlap. 15.

laConvention SUT les mesuresàprendre pOUT interdire et empêcher ['importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens ollturels,14 novembre 1970,ibid.àlap. 59.

(16)

même résultat» que les autres périls.11 Il fait référence

à

certaInes idéologies de la conservation des monuments qui,

à

la différence de la théorie initiale de John Ruskin, ne prônent pas la conservation intégrale du monument tel qu'il nous est parvenuIl,

mais postulent davantage que la restauration est une œuvre d'art où

il

y a apport de création, ce qui peut se traduire par des restaurations apparentes ou encore par une restauration critique esthétique ct historique.13 Le risque d'outrepasser certaines limites éthiques et de ne Fas respecter les valeurs essentielles d'intégrité, d';luthenticité et de représentativité du patrimoine architectural tel que les défend d'ailleurs la Convention

pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturelde 1972est donc bien réel et ...,

1

devra également être pris en compte dans le cadre d'une stratégie globale de lutte pour ùc:."(\

o~

.

s'\.~

la sauvegarde des sites et des monuments.H .,#-.f.tr~

3. Assurément,

il

existe un phénomène de préoccupation croissante autour du sort des biens culturels particulièrement menacés, les enjeux liés

à

leur protection étant d'envergure. Par la présente étude nous cherchons alors

à

rendre compte de la place et du rôle du droit international dans la problématique de la conservation du patrimoine architectural mondial, c'est

à

dire de la régulation des impératifs traditionnels de sauvegarde du patrimoine et de la valorisation des sites d'intérêt architectural. De nombreux colloques ont procédé

à

l'analyse du patrimoine immobilier des populations et de leur droit, admettant pour la plupart la difficulté d'identifier les valeurs sociales et les critères juridiques qui permettent de cerner le concept de patrimoine architectural.15

Tous reconnaissent que la démultiplication des interventions et des acteurs conduit

11M. Parent,«Pour sortir de l'âge de pierre.Le Monde(11 août 1985) Il.

12 Voir

J.

Ruskin, The Seven Lamps of Architecture, New York, Wüey, 1880. Voir notamment les sept

paradigmes de l'architecture élaborés par cet auteur: «sacrifice », 4Cvérité., «force ., «beauté », 4(vie .,

«souvenir» et4(obéissance ».

:3 Voir l'étude des théoriciens élaborée par C. RenyinPrincipes et critères de restauration et d'insertion: le

patrimoine architectzlTal d'intérêt public au Québec,Québec, Ministère des Affaires Culturelles, 1991àla p.

5.

1. Convention pour la sauvegarde du patrimoine mondial, culturel et naturel, 16 novembre 1972 in

Conventions et recommandations de ['UNESCO relatives à la protection du patrimoine culturel, supranote 9

àla p. 105.

(17)

désormais

à

repenser complètement la politique de ce patrimoine.16

C'est dans un esprit similaire que nous souhaitons

à

notre tour soulever quelques questions de fond pour une meilleure compréhension du phénomène : de quelle volonté procède la préservation et la mise en valeur du milieu bâti ? - àquel titre sauvegarder l'architecture, et d'ailleurs quelle architecture? A quelle logique obéissent les principes de protection appliqués sur

la

scène internationale? . qui 3uper\'-ise la conservation, selon quelle dynamique ? Tels vont être les fils directeurs de notre réflexion sur les voies et moyens d'élargir les horizons dans la perspective d'assurer le plus grand respect de la diversité des cultures et des patrimoines dans la pratique de la conservation, réflexion en faveur d'une responsabilité collective de la communauté internationale envers l'héritage monumental des peuples.

Aussi proposons nous de suivre un schéma allant du plus général au particulier où nous aborderons en deux actes la théorie de la conservation (chapitre

n

et son intégration aux nouveaux enjeux mondiaux (chapitre II). Dans les limites de notre entreprise, il s'agira d'identifier les différentes composantes du droit international du patrimoine architectural, c'est

à

dire dans un premier temps les sujets de ce droit (fondements de la législation, chapitre l - section A) ainsi que ses objets (objectifs de protection, chapitre l - section B), avant d'évaluer les mécanismes internationaux de la protection (modes de coopération, chapitre II - section A) et leurs retombées territoriales (développements régionaux et locaux, chapitre II - section B). Nous espérons ainsi mettre en évidence que la protection juridique de l'architecture revêt une dimension collective, si ce n'est universelle, et porte en elle des valeurs démocratiques et représentatives de la diversité ethnique et culturelle; comme telle, elle devrait donc susciter la collaboration du plus grand nombre d'entités gouvernementales et privées dans la perspective du développement éthique et culturel des générations

à

venir.

16Voir notamment les Travaux de l'association Henri Capitant desamisde la culture juridique française,

(18)

1 / THEORIE DE LA CONSERVATION: LEGITIMITE DU DROIT DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL MONDIAL

Si l'on admet que l'étendue de la protectlon juridique du patrimoine architectural mondial est autant fonction de la conception de ce patrimoine dans nos

chapitre s'impose qui jette les bases théoriques d'une stratégie de la conservation dont nous étudierons les modalités de mise en œuvre ultérieurement. Loin de nOUS l'idée de dresser un inventaire des valeurs non-dites, des significations non explicitées des monuments de l'architecture. Il s'agit davantage d'évaluer le champ de ce que l'on cherche

à

sauvegarder en protégeant un site ou un monument, depuis l'harmonie entre les êtres humains (fondements d'une législation, section A) jusqu'aux relations singulières des hOlnmes

à

leur environnement bâti (objectifs de la protection, section

B).

Au vu de considérations anthropologiques, nous présenterons alors les enjeux éthiques et culturels du patrimoine architectural mondial (Ail) qui pourra se concevoir au plan juridique comme une forme de propriété culturelle internationale (A/2). Car l'architecture s'avère être un outil de cohésion sociale et traditionnelle susceptible de renforcer l'identité collective, la justice et la compréhension entre les peuples. Par ailleurs, nous offrirons une définition holistique du patrimoine architectural mondial et de ses caractéristiques

(BIt)

avant d'envisager le sort particulier des éléments mobiles de l'architecture

(BI2),

ceci pour montrer que le patrimoine architectural aujourd'hui ne s'entend plus simplement au sens matériel et immobilier du terme:

il

comporte aussi une dimension spirituelle et contextuelle importante qui COUvre un vaste éventail de styles, de sites et d'objets menacés dans leur intégrité et dans celle des cultures qu'ils symbolisent.

(19)

A /

FONDEMENTS D'UNE LEGISLATION PROTECTRICE DU

PATRIMOINE ARCHITECTURAL MONDIAL

Pourquoi protéger l'architecture des peuples? Alors que la célébration du passé est devenue une activité

à

la mode,

à

l'heure où le mot «patrimoine» se trouve dans

toutes les bouches et ~OllS toutes les plumes, nous <;ommes en effet ;."\mené~ ,\ nous

interroger sur le sens véritable de telles manifestations. Peut-on se contenter d'honorer la vie et les œuvres d'hommes et de femmes créatifs en érigeant leurs statues sur les places publiques, en écrivant leur biographie ou en inscrivant leurs noms sur des plaques signalétiques? Comme l'écrit fon justement Françoise Choay, ce SOUCl

commémoratif relève du «symptôme d'une obnubilation narcissique et d'une impuissance» s'il ne se fait l'écho de besoins plus profonds, notamment dans le domaine architectural.17

Sans doute les origines du mouvement conservationniste se situent-elles

à

mi-chemin entre instinct et pensée rationnelle.18 On trouve en tout cas des traces de ce phénomène

à

partir de l'antiquité où les humanistes, les artistes et les hommes d'Eglise se sont intéressés aux monuments pour des raisons d'ordre esthétique et historique et ce jusqu'à l'époque des Lumières.19 Avec la propagation des valeurs didactiques et patriotiques sont apparus les premiers instruments de conservation du patrimoine monumental qui consacrèrent la conservation comme« l'expression d'un jugement (...), l'appréciation de facteurs complexes qui exige une profonde connaissance de l'histoire, une compréhension exacte du présent, et le don de prévoir l'avenir ».20 Car un monument

17F. Choay,L'allégorie du patrimoine,Paris, Seuil, 1992àla p. 8.

18 Voir les remarques introductives de C. Erder inOur Architectural Heritage. [rom Conscioumess co Conseruation,Paris, UNESCO, 1986àla p. 14.

19Voir A. Riegl,supranote 2àla p. 10.

20 En France, des décrets de 1792 mettaient en place une Commission de Préservation des Monuments Historiques, et déjààl'époque, l'Etat se réservait le droit d'exproprier un immeuble qu'il estimait devoir garder. Par la suite, l'archéologue Prosper Mérimée, second inspecteur des monuments historiques, allait ouvrir la voie àla procédure des crédits et subventions de fmancement pour travaux de conservation. Pour un aperçu historique de la législation protectrice des monuments en France, voir A.

(20)

Planel-•

n'est pas seulement une construCtla n, il modifie son environnement et en subit l'influence, et c'est par rapport

à

ce cadre que se manifeste la nécessité de le conserver.

Il est vrai que l'architecture est le témoin le plus complet et le plus exact de la vie matérielle et spirituelle d'une époque, celui des beaux~arts qui répond le mieux aux besoins de l'homme «en prouvant son utilité pratique qui détermine sa forme

~rti~tique».11 Certains auteurs vont mêmejusqu'l développer un concept de ~

identity-building imagery » pour souligner à quel point l'environnement physique des individus et des peuples façonne leur identité et influence leur style de vie.~ Or de là

à

lier la conservation du patrimoine architectural aux préoccupations politiques de justice et de démocratie (1) pour la communauté culturelle internationale dans son ensemble (2),

il n'y a qu'un pas comme nous allons le démontrer

à

travers cette section.

1.VALEURS ETHIQUES ET CULTURELLES:

L'architecture ne concerne pas seulement les amoureux des vieilles pierres, c'est un élément essentiel de nos sociétés qui tend de plus en plus

à

être considéré comme un recours contre le rétrécissement de la mémoire, la dilution de l'identité, une réponse

à

l'aspiration de la révélation artistique,

à

la connaissance et

à

la reconnaissance. Au sens large, les biens culturels ne doivent pas être conçus comme des valeurs autonomes et statiques; ils sont strictement liés

à

la société qui en jouit et c'est le sentiment qui doit être possédé par les administrateurs et par les gouvernements.

Marchand,Laprotection des sites, Paris, Presses Universitaires de France, 1983. HIbid. àla p.16.

IIc ThefImimpulse of manisto commission or to search for a dwelling that, in sorne way, extemalizes

his own requirements for identity, where he feeIs at home, a room with a memory. Sucheooms, usually

the product of alteration and adaptation, are to be found in old houses, which aIso carry powerful

charges of identity-building imagery. The possession of great house confers greatness, of an elegant house confers distinction; and it also creates for him a way of life which enableshimto be at his better self»•

Voir T. Crosby,The Necessary Monument, itsFuturein the Cî1Ji/ized City, Greenwich, New York Graphie

(21)

Pour nous en convaincre nous étudierons la théorie de la perception (1.1) dont il

ressort que Phomme tend à se réaliser en société (1.1.3) à travers l'appréciation de phénomènes naturels et culturels (1.1.1) et l'expérience artistique (1.1.2). Deux valeurs en particulier contribuent alors au développement moral des peuples : celle issue de la perception du Beau, dite valeur esthétique (1.2) et celle provenant des perspectives du passé, la valeur historique (1.3). La première nous enseigne que la beauté n'est pas

ordre (1.2.2), l'esthétique architecturale repose sur un consensus majoritaire et la participation démocratique des citoyens (1.2.3). De même, le temps rassemble les sociétés autour du concept de mémoire (1.3.1) et le monument traverse les époques chargé d'histoire et de facteurs associatifs des communautés (1.3.2) tel un symbole solennel de leur identité culturelle (1.3.3).

1.1 Théorie de la perception:

1.1.1 On a pu plaider pour une philosophie de la perception qui distingue entre la perception sensorielle en tant que qualité primaire et activité essentielle de l'homme, et la perception comme forme de conscience d'une sensation inspirant le respect.!) Dans la première hypothèse,

perception

est le complexe de facteurs qui interviennent entre la stimulation des sens et la conscience comme par exemple la combinaison des formes, des proportions, des couleurs et de la matière d'une structure, les odeurs et les bruits qui lui sont associés.2+ Dans le second cas,

il

s'agit davantage de faire référence

à

la synthèse rationnelle effectuée par l'homme sur ces différentes représentations; la perception se confond alors avec le système d'appréciation que l'être humain déploie sur son environnement, qui a la particularité de le distinguer des autres animaux.

!J Général F. Canovaro, «Pour une philosophie de la perception» inRencontTeS internationalespOUTla

protection du patrimoine culturel, 4èmeColloque, Patrimoine et modernité, Avignon, Centre de Congrès du Palais des Papes, 1988àla p.111.

14Voir les dispositions de la ChaTtedeBUTTa, ICOMOS, avril 1988, supra note 3àla p. 97, qui renvoient

aux différents aspects de la perception sensorielle comme étant intimement liés àla valeur esthétique

(22)

Kant s'est employé

à

démontrer ce principe en mettant l'accent sur l'expérience artistique comme mode de perception directe de toutes les formes de pensées conceptuelles.:s « Dans l'expérience artistique, on ne souhaite pas atteindre quelque

chose de distinct de l'objet esthétiquement expérimenté : cette expérience a la singularité d'être elle-même sa récompense» écrit le philosophe Miguel Reale.:o La perception est donc un élément essentiel de la théorie de la conservation si l'on

'd \ '11 l " . . f1 l,A 1 • • •

conSI ere que c est e e .ct premlere qUl ln•.uenç:l .1me ces rom:.ln!lques et qUI ;lnlme encore les pensées des visiteurs de chefs d'œuvres tels que l'Acropole, Pompéi, le Louvre ou le temple d'Angkor-Vat, par exemple.

1.1.2 Dans le même sens, les théories de laconnaissance mettent fort bien en évidence le rapport vivant de l'homme

à

l'art en définissant plus largement le concept de culture comme mode de régulation symbolique de la vie en société. Tandis que le monde de la nature est une espèce de réalité qui obéit

à

des lois immanentes et n'implique pas d'innovation, celui de la culture apparaît comme le résultat de la participation créatrice de l'homme et se singularise par la possibilité d'instaurer quelque chose de nouveau, une valeur qui modifie le sens des événements.17 Posée en ces termes, la distinction fondamentale entre nature et culture n'implique aucune contradiction ni antithèse mais nous amène plutôt

à

reconnaître leur complémentarité: la capacité de l'homlne

à

transcender les faits naturels et

à

les convertir en modèles théoriques et pratiques marque sa présence dans l'univers.28 L'architecture illustre tout particulièrement cet effort singulier pour jouer avec les lois de la nature sans les nier, où la grâce d'un monument n'est autre qu'une parfaite maitrise de l'équilibre, les flèches des cathédrales un défi aux lois des masses et de la pesanteur...19

!5 E. Kant, La critique de lafaculté de juger in H. Peretz, c La sociologie de la culture.,Encyclopaedia Universalis,Paris,Grasset,1961àlap.225.

26M. Reale,Expérience et culture,jàndement d'une théorie générale de l'expérience, Bordeaux, Bière, 1990à

la p.225.

!7 Voir notamment le thème du retour à la nature dans la pensée de Rousseau dans l'analyse de R.

Mucchielli inLa pratique et les fins, anthropologie, métaphysique, philosophie,Paris, Bordas,1974àla p. 49.

2SH.Peretz,supranote 25àla p. 227.

29Voir les déclarations de Charles Garnier, architecte de l'Opéra de Parisàpropos de ces lois: /liLa loid~ oppositions comme la loi des répétitions estl'essence même des créations puissantes, et dans les grandes

(23)

Certaines personnalités du monde artIStique se sont notamment réclamées de cette philosophie: en estimant qu'«

il

n'y a point de recette pour embellir la nature,

il

ne s'agit que de voir», Auguste Rodin révéla certainement l'importance de la perception

dans l'art.30 De même, André Malraux, bien connu pour avoir été un précurseur du mouvement conservationniste, voyait-il dans l'art « une métamorphose du réel dont la forme naît de la spontanéité de l'artiste et de sa culture".31 D'où l'on peut déduire que

l'art est une forme de connaissance de la nature, d'une part, et la vie culturelle « une aventure (...) fondée sur le pluralisme et la liberté, avec des conséquences évidentes de caractère pratique sur le plan de l'ordre éthique, juridique ou politique».j~

1.1.3 En effet, la capacité de l'homme

à

raisonner l'amène

à

évaluer des standards et

à

formuler des normes pour organiser ses perceptions en unphénomène socialcohérent et la conservation est une de ces nombreuses activités sociales comme le soulignent les arguments suivants: « In social terms there is an inevitable relativity between observed and observer. In recognizing this position we introduce the concept of perception (...). The whole philosophical basis of conservation depends upon a social imperative in which individuals play active and passive parts, the results being meaningful only in the context of society».33 Au plan collectif, donc, la conservation du patrimoine

architectural procure aux hommes la satisfaction élémentaire de se sentir en sécurité dans un environnement qui leur est familier pour autant qu'elle parvienne

à

rendre compte de certaines perspectives d'ensemble.

Par exemple, le contexte local en

dit

long sur l'importance physique d'un monument

masses comme dans les plus petits détails, les œuvres artistiques doivent à ces lois merveilleuses leur mouvement, leur énergie et leur caractère particulier.inM. Borissavliévitch,Lesthéories de l'architecture, Paris, Payot,1926àla p.10.

30R. Mucchielli,supranote 27àla p.49.

31 Voir A. Malraux, c Discours prononcé par André Malraux à l'UNESCO le 8 mars 1960 lors de la

cérémonie de lancement de la première campagne internationale pour la sauvegarde des monuments de Nubie»in Le courrier del'UNESCO,supranote 7àla p.4.

32M. Reale,supranote 26àla p. 212.

(24)

selon qu'il est situé en milieu rural ou en milieu urbain «c perspective of scale »).34 De même, la relation intime entre une architecture et l'endroit où elle se situe peut révéler le sens spirituel des lieux (<< perspective of place »)35 et peut-être une valeur sacrée pour la société qui les contemple (<< perspective of sacricity»).36 Ou encore, de l'aspect qualitatif d'une œuvre peut dépendre son mérite social (<<perspective of quality »)37, lui-même sujet àévoluer si l'on considère aussi le patrimoine architectural sous un angle

approfondie

à

laquelle nous procéderons en temps voulu au long de cette étude en nous contentant de remarquer ici que tous mettent en relief un aspect de la dimension collective de ['architecture, laissant présager ['enrichissement universel issu de la diversité des cultures et des perceptions et l'intérêt général qu'il y a

à

protéger cela, au nom et pour le compte de la communauté internationale.

Ainsi, en admettant que le patnmoine artIStique et culturel expnme un raffinement de l'activité de l'esprit, on concède

àce patrimoine une existence singulière

qui justifie en soi que l'humanité prenne sa part de responsabilité dans le devenir de cet héritage. Car «une civilisation ne survit pas ou ne revit pas par sa propre nature, elle nous trouble par cette partie qu'elle nous révèle de l'homme ou elle nous assiste avec les

The Bath Press,1996àla p.34.

J.4 c Ifthe object of conservation is the retemion of architectural harmony in an urban composition, it

will matter little, in that context, if the sculptures in the pedimem of the façade were removed for conservation in a protected environment and replaced byIl replica. Even less 50 the replacement of ;].

door knob. However, if the wide view of a townscape is replaced by a critical view of the façade of the house alone, the importance of the sculpture in the pediment is different. The question of whether it is ;]. replica, of the quality of the replica and its level of maintenance becomes important», ibid. àla p. 36.

J5c It is a quality within the place itself, separate from its historie merit, rarity, quality and circumstance.

It may be found in the bare-stoned bordered praying space of the Muslim nomad. It is felt by the

J

apanese contemplating newly raked gravel at an ancian shrine where every piece of timber in the

building has been replaced at regular intervals over long centuries of use»,ibid.àla p. 38.

16 ccThe perspective of sacricity (...) is the view which makes the isolated town house important as the

survivor of a type of a generation of buildings .,ibid.àla p. 38.

37 c Achurch wall of no apparent importance may be found tocarrywallpaintings beneath its limewash.

The quality of the fabric itself has not changed but the wallpaintings are an added value and show that the structure was significant, sa that in addition to aesthetic merlt and historlcal importance the wall

acquires a social dimension fitting it into the wider evolution of society .,ibid.àla p.37.

38 4(Medieval man conserved even if he saw the reasons for doing so different from his successors. He

might have retained out of affection, out of a sense of familiarity or usefulness, but primarily he retained becauseinso doing he saved labour»,ibid.àla p.37.

(25)

valeurs qu'elle nous transmet».39 Dès lors, après avoir vu l'apport théorique de la

perception dans notre discussion, nous souhaitons analyser plus particulièrement le mode de perception esthétique architectural comme participant

à

l'élaboration d'une certaine éthique de société.

1.2 Valeur esthétique:

1.2.1 Nous venons de le voir, en provoquant chez l'homme des réactions émotives, fruits de son appréciation critique, les œuvres culturelles satisfont

à

un besoin humain de cohérence intellectuelle. Or l'esthétique est généralement admise comme étant une forme d'évaluation intellectuelle des qualités artistiques d'une œuvre, de ces qualités intrinsèques que l'on attribue parfois

à

une Ecole, une période, une tradition ou

à

un

créateur.~Kant lui-même conçoit le sentiment esthétique comme fondé sur l'accord de

l'imagination et de l'entendement alors que d'autres mettent davantage l'accent sur le plaisir esthétique comme objet essentiel de la contemplation.~t En toute hypothèse,

le

Beauest « une perception ou une action qui stimule en nous la vie sous ses trois formes, sensibilité, intelligence, volonté, et produit le plaisir par la conscience rapide de cette stimulation générale».42 L'esthétique ouvre alors le champ

à

la compréhension

dynamique et concrète du Beau et de ses formes avec toute la richesse de motifs et d'imprévus inhérents

à

la vie humaine..fJ

L'architecture, en particulier, est un mode privilégié de communication esthétique, la traduction palpable du sentiment des civilisations dont elle provient. Si, comme le dit Platon, l'art monumental appartient aux «arts de la vue », celui-ci repose alors sur une

image sociale consensuelle# ; c'est le résultat d'une convention artistique qui détermine et applique des critères formels plus ou moins explicites, le rapport mathématique

39Voir MauroisinGénéral F. Canovaro,supra note 23àla p. 118.

..c

J.

Warren,supranote 33àla p. 46.

H H. Peretz,supranote 25 la p. 227.

+2Voir GuyauinR. Mucchielli,supra note 27àla p. 48.

+3M. Reale,supranote 26àla p. 223.

(26)

visible des matériaux conçu autour d'un caractère dominant45: par exemple, la sérénité,

la simplicité, la force, l'élégance comme jadis en Grèce et

à

Rome ou bien l'étrangeté, la variété, l'intimité, la fantaisie comme aux temps gothiques.46

L'architecture est donc le résultat de la raison produetive47, une activité qui réalise une valeur et en ceia une forme typique de comportement social.48

architecturale dans la multitude des champs visuels et sociaux? Puisque le Beau ne repose pas dans la matière mais dans l'idée selon laquelle il est formé, sa« signification

idéale» peut revêtir une variété de formes et de styles49: le Bel ensemble n'est donc pas nécessairement symétrique, il peut aussi être insolite ou même provocateur selon les contextes et respecter le sentiment commun de l'harmonie et de l'équilibre.5o A ce propos, il est intéressant de reprendre les observations d'un penseur allemand sur l'esthétique environnementale : «L'espace esthétique n'est pas un espace inanimé» explique.t·il, «il est vivant ». « C'est parce que nous nous identifions avec les formes

que ceI1es<i ont un sens spécifique, signifient ou symbolisent quelque chose, deviennent un langage ». Puis il poursuit en reprenant l'affirmation de Saint Augustin selon laquelle« la beauté est l'unité dans la diversité».51

Il nous faut donc admettre que l'esthétique est porteuse de valeurs souvent implicites et parfois contlietuelles, et que le message architectural soit influencé par des standards traditionnels ou culturels n'a rien de très surprenant.52 Atitre évocateur, nous pouvons "5

J.

M. Leniaud,L'utopie française, essai sur le patrimoine,Paris, Mengès, 1992àla p. 5.

-46Voir H. Taine in M. Borissavliévitch,supranote 29àla p. 6.

47« L'art spécial de l'architecture (...)estle résultat d'une faculté de production, d'un certain genre éclairé par la raison ". Voir Aristote,EthiqlteàNicomaque,livre VI ch.

m,

ibid. àla p. 2.

..8 c Dans ma philosophie du droit, je distingue quelques formes typiques de comportement social, en montrant qu'on y décèle toujours un acte tendant àréaliser une valeur; de cette relation tensionnelle découle l'énoncé d'une règle ou alors d'une forme ou loi, comme par exemple dans le domaine de l'expérience artistique».Voir M. Reale,supranote 26àla p. 232.

..9Voir FechnerinM. Borissavliévitch,supranote 29 àla p. 16.

50

J.

Morand-Deviller,c La ville, le paysage et le beau,. inDroitet esthétique,Archives de philosophie du droit, tome 40, Paris, Sirey, 1996àla p. 184.

51Voir Lipps,« Esthétique de l'espace"inM. Borissavliévitch,supranote 29àla p. 19.

(27)

mentionner ici l'architecture jadis controversée de Louis Sullivan, père spirituel des gratte-ciels de Chicago dans les années 1880 dont la préoccupation essentielle fut d'exprimer «the appropriate visual for taH buildings» (une esthétique propre aux

grands bâtiments).5} En symbolisant l'économie florissante de cette région des grands centres manufacturiers américains au même titre que le progrès social généré par l'éclairage électrique ou encore l'invention de l'ascenseur, les gratte-ciels représentent ':éritablement un tournant de l'histoire de l'.1r\:hitecn.lrc dans un cûntextê.îùciùculturd bien défini. Aussi faut-il envisager que les manifestations du Beau et de ses formes soient intimement liées

à

la réalité sociale de chaque communauté culturelle.

1.2.2 De ce qui précède nous pouvons déduire que l'architecture a un rapport direct avec la vie commune et publique et que l'édifice doit être considéré comme le symbole d'un certain ordre social, d'une éthique. Effectivement, leBeL ordrea souvent été associé au Bon ordre, depuis les philosophes de l'antiquité pour lesquels « le Beau consiste dans l'ordre et la grandeur)~54 jusqu'à des temps plus modernes où l'on a pu écrire que «le Bon est le fondement essentiel du Beau et les formes de l'art doivent être toujours vraIes» - de cette vérité qui exprime l'intérêt général.55 Et inversement,

il

est aujourd'hui admis que des manifestations évidentes de l'incohérence et de la dysharmonie dans le milieu bâti inspirent un sentiment d'injustice, telle une lnJure portée

à

l'esthétique architecturale consensuelle.56

Sur ce point,

il

convient d'insister en particulier, car si la laïcité de l'Etat exige qu'il n'y

Cleere, Approaches co the A rcheo/ogical Heritage, a Comparative Study

of

World Cu/Utral Resource

ManagementSystems, Cambridge, Cambridge University Press, 1984 àla p. 1 : «Aesthetie appreeiatian

(...) ishighly influenced by preferences and standards specifie ta the abserver's culture. Cansequently, the

context from which the aesthetie value of a cultural resource emerges is likely to be an exceedingly

complex one, influenced by traditional standards of style and beauty ; by critical writings stemming from

arthistory research ; by conceptions of what aesthetic standards were held by the culture that produced the item; and br standards deriving from the existence of a market for the type of cultural resource in question».

53 Voir L. Sullivan, teThe Till Office Building Anistically Considered.,The History of Architecture,

Cours du Professeur A. Adams, Montréal, McGill University,Ilmars 1998.

~Aristote,Poétique, ch. VII,supra note 47à la p. 3.

S5Voir leteTrotédtarchitectureltdeL. Raymond,ibid. àla p. la.

(28)

ait aucune conception esthétique exclusive, cela ne signifie pas pour autant l'absence de tout droit en la matière. Au contraire, « le Beau et le Juste sont d'interprétation si

susceptibles d'erreur qu'ils ne paraissent avoir d'être que grâce

à

la loi ».57 Il est

d'ailleurs intéressant de remarquer que les architectes eux-mêmes appellent le législateur

à

se prononcer sur le bien commun de l'esthétique dans l'environnement bâti au nom d'une éthique sociale surpassant les intérêts particuliers - tout en mettant en garde cûntrc le dicrat illusûire du bon goût.58 La doctrine juridique, quant ~ c:ac:, lid. jusLlu'à

défendre la thèse selon laquelle la finalité du Bon ordre pourrait inclure celle de la beauté comme mission interne de police administrativeàcôté de la sécurité, la salubrité et la sûreté publique en fondant le jugement esthétique sur un verdict populaire majoritaire.59

Précisément, loin de dresser des canons esthétiques autoritaires, il incombe au droit de dégager les fondements généraux par lesquels un débat se noue, qui favorise l'expression d'opinions diverses et où l'esthétique sociale se trouve renforcée. Car le pouvoir de juger de la protection et mise en valeur du patrimoine architectural ne saurait être monopolisé par une élite trop étroite susceptible de décider seule contre tous :l'affaire

,7

Aristote,EthiqueàNicomaque,livre II ch.

m,

ibid.àlap. 180.

'1 Susan ~Iaxman Faia, ex-présidente de l'American Institute of Architects, pose la question de

l'esthétique en ces termes =« Can't we legislate taste in America? Of course we can't and in fact this is not enough of an issue to write about. There are far more important issues affeeting our society than lack of taste (...). What about the greater good? Can we destroy our beauties just because of one person's profit motive? What kind of laws could refleet these concern for our lands? (...). [ become convinced that your profession might want to apply its creative juices to solve this very real dilemna. l challenge you to think in more creative way about our cenain inalienable rights -. Voir S. M. Faia,ocHow the Law

Relates to Architecture - (1994) 66 New York State Bar Journall!.

594{D'une manière générale, le juge préfère fonder sa décision sur les buts retenus par les lois particulières et refuse de leur substituer une appréciation de l'esthétique fondée sur les pouvoirs de police générale en matière d'ordre public. (...). Le Bon ordre, placé àcôté de la sécurité, de la salubrité et de la sûreté publique, ne devrait-il pas être dissocié de ces fmalit.;s, être protégé en tant que tel et avoir sa propre logique? Lafinalité du Bon ordre ne pourrait-elle indure celle du Bel ordre? Au nom de la protection du

patrimoine, ne pourrait-elle être donnée comme mission de police administrative? ». Et plus loin:

c D'autre part, le jugement porté sur la beauté résulte d'un consensus populaire. C'est parce qu'une forte

majorité de citoyens. sans frontières, réagit devant un objet, un monument, un paysage en le jugeant beau, superbe ou tout simplement agréable que la qualité de beauté leur sera attribuée. Ce raisonnement

s'applique àla laideur, laquelle n'est réelle que lorsqu'un grand nombre de personnes s'accordent à le

déplorer C...). C'est la conception démocratique de l'esthétique, l'application au Beau du principe

majoritairelt. Voir

J.

Morand·Deviller, «Esthétique et patrimoinelt (1993) na spécial Droit de

(29)

des colonnes de Buren sur la Place du Palais Royal àParis est un triste exemple des abus commis unilatéralement par le Ministère de la Culture français dans les années 1980.&0 Aussi a-t-on pu écrire que « la recherche du Beau est un des aspects de la meilleure utilisation du domaine public»61 qui, en aucun cas, ne saurait atteindre la perfection

mais tend plutôt vers la diversité en incitant les initiatives spontanées. En cela consiste la conception démocratique de l'esthétique.a!

1.2.3 Il s'agit enSUIte d'organiser les mécanismes Internes de partIcIpatIOn pour légitimer une telle approche. Dans sa chronique intitulée « Démocratisation de fa protection et de fa gestion du patrimoine culturel immobilier en France», André-Hubert Mesnard suggère un éventail de processus propres

à

dynamiser la vie communautaire et

àmobiliser les esprits autour du phénomène esthétique,

à

commencer par la réduction de la bureaucratie, la déconcentration et la décentralisation territoriale ou technique mais aussi la consultation de commissions représentatives spécialisées, les enquêtes d'utilité publique et les politiques globales d'aménagement urbaîn.6J De même

faudra-t-il

envisager la consultation directe des citoyens, leur regroupement en associations de bénévoles compétents et disponibles avec lesquelles l'Etat disposera d'interlocuteurs

60Voir J. Morand-Deviller,supranote 50àla p. 191.

n

s'agit de sculptures contemporaines commandées

par le Ministre Jack Lang en 1986, colonnes rayées blanches et noires disposées au centre du jardin du Palais Royal. Celui-ci est entouré d'élégantes galeries, haut lieu de promenadesàl'époque de la révolution et témoin de grands événements historiques.

n

se trouve aux abords de la Seine, classés sur la Liste du patrimoine mondial en 1991 pour le caractère harmonieux de l'ensemble de cette architecture fluvio-urbaine. Au plan interne, l'ensemble du Palais Royal est classé monument historique en vertu des arrêtés des 15janvier et 12avril 1920.L'affaire concernant les colonnes de Buren a été portée devant le jugepar les habitants riverains qui, s'opposant à la construction, soutenaient entre autres moyens que la réalisation de l'œuvre de Buren était de nature à porter atteinte au monument historique. Voir Cons. d'Etat, 12mars 1986,A.J.D.A.1986.261 (ConcI. J. Massot).

61Cons. d~tat, 18 février 1972,Chambresyndicale des industries artisanales de Haute Garonne, A.l.D.A.

1972. 215 (Chr. de jurisprudence par D. Labetoulle).

62C'estdans un esprit similaire que prit naissance le style international de l'architecture des années 1920,

et notamment l'Ecole du Bauhaus en Allemagne qui expérimenta une esthétique proche du socialisme ; en mettant l'emphase sur la créativité des artistes par le moyen d'ateliers ouverts plutôt que d'insister comme l'Ecole des Beaux Arts sur Pêtude rigoureuse des formes anciennes idéales, ce mouvement entendait donner aux œuvres une portée accessibleàtous. Le Bauhaus fut écarté de la scène artistique en 1933 avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Les sitesàWeimar etàDassau construits par Walter Gropius sont inscrits comme biens culturels sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1996. Voir le cours du ProfesseurA.Adams,supranote53.

6JA.-H. Mesnard, «Démocratisation de la protection et de la gestion du patrimoine culturel immobilier en France» (1986)R.D.P.S.P. en France etàl'Etranger741.

(30)

privilégiés pour négocier et intégrer ses politiques de conservatIon du patrimOIne immobilier.M

Déjà nous percevons ce qui fera l'objet d'un large commentaire dans la seconde partie de notre étude: la protection de l'esthétique architecturale est un outil subtil de démocratie directe et d'exercice de la vie civique et communautaire par lequel les populations s'ouvrent aux autres groupes socioculturels en collaborant

à

la gestion démocratique du patrimoine.

De même peut-on souhaiter que l'Etat marque l'exemple de sa contribution au dialogue esthétique en mettant plus de zèle dans la conservation des monuments historiques qui abritent ses services administratifs ou les grands établissements publics trop souvent flanqués d'appendices disgracieux « qui rompent sans vergogne l'harmonie d'une

rue».t,j La remarque vaut également pour les instances interétatiques :

à

Paris, le siège

même de l'UNESCO, organisation garante du patrimoine architectural mondial, prend la forme, pour le moins incongrue, d'une immense structure de béton armé qui dénature le caractère harmonieux de l'ensemble esthétique formé par l'Ecole militaire et les Invalides...

Pour terminer sur la valeur esthétique dans notre théorie de la conservation, nous pouvons relater brièvement l'expérience new yorkaise de préservation des districts historiques qui semble de nature

à

illustrer les différentes étapes de notre argumentation. En 1965, la

Loi pour la préservation des espaces de la ville de New York

institua une commission du même nom (<<New York City Landmarks Preservation Commission») chargée de se prononcer sur l'esthétique des districts historiques en octroyant ou refusant les permis de construire, de modifier ou de démolir sur ces espaces. D'après son mandat, la Commission évalue l'impact de telles modifications sur l'aspect visuel des districts car l'esthétique new yorkaise est reconnue pour la combinaison judicieuse de lignes architecturales et de matériaux des plus hétérogènes,

M Furze B., T. DeLacyand

J.

Birckhead, Culture, Conservation. and Biodi'Uersity, !he Social Dimension of

Linking Local Level Development and Conseruation Through ProteccedAreas, New York, Wiley, 1996àla p.93.

(31)

et le style soigné des monuments allié

à

la qualité du plan urbain confère

à

la ville son harmonie et sa singularité.66 La Commission est alors amenée

à

se prononcer sur des questions de culture, de société et d'économie, de politique, d'histoire, d'éducation et de sens civique en vue de prendre des décisions populaires respectueuses du dynamisme qui caractérise la ville. Elle se compose de onze personnalités indépendantes choisies pour être les plus expérimentées et surtout les plus représentatives possibles de la communauté new yorkai~e, qu'il <;'rlgisse d'architectes. urbanistes. historiens ou de nombreux profanes ayant pour seule ambition de s'intéresser au bien commun de leur cité.a7 En vue de renforcer ces mécanismes de conservation du patrimoine, l'Etat de New York a finalement adopté, le 4 novembre 1969, la disposition constitutionnelle suivante: «The legislature shaH provide for the acquisition of lands (...) and the dedication of properties which, because of their beauty (... ), or historical significance, shaH be preserved and administeredfor the use and enjoyment ofthe people. Properties so dedicated shaH constitute the state nature and historical reserve and they shaH not be taken or otherwise disposed of except

by

law enaeted

by

two successful and regular sessions of the legislature ».68

En réunissant les citoyens autour d'une conceptlon commune du Beau, l'esthétique architecturale apparaît aujourd'hui comme une « valeur sociale hautement constructive» au même titre que l'histoire qui façonne et anime l'identité collective des peuples, comme

il

va être vu dans les prochains développements.69

66«Inspecifie terms, the most important faCtor to be maintained is unifonnity of the roof line and the

setback line; next, compatibility of colour, texture and type of materials; third the scale of the openings ; and fmalIy, the details of a particu1ar architectural style or fashion. Itis a sensitive variation of individual designs within the limits of these criteria that gives our historic districts so much of their appeal •. Voir VoirH. H. Goldstone, «Aesthetics in Historie Districts» in Williams N.,

J.

E. Kellogg and F. Gilbert»Readings in Historie Preservation, Why? What? Howf» Piscataway, Rutgers University,

Center for Urban Planning Research, 1984àla p. 19.

61Ibid. àla p. 23.

63N. Y. Coast. art. 14 § 4.

69Icinous empruntons l'expression de« high constructive value. de Francis T. Ventredansson chapitre «Regulation: a Rea1ization of Social Ethics »in National Trust for HistoriePreservation,Preservation :

(32)

1.3 Valeur historique :

1.3.1 Dans son livre intitulé The Seven Lamps ofArchitecture,John Ruskin écrivait au siècle dernier: « The greatest glory of a building is not in its stones or in its gold. Its glory is in its age and in the deep sense of voicefulness, of stern watching, of mysterious sympathy, nay, even approval or condemnation, which we feel in walls that have long

qualité première d'un monument réside dans le témoignage vivant qu'il constitue pour les générations futures, le critique d'art pose la pierre angulaire de la théorie de la conservation.

Au même moment, tandis que Charles Darwin s'emploie

à

démontrer que le genre humain s'inscrit dans l'évolution et dans la durée et ouvre alors la voie

à

une exploration du temps sans précédent, l'archéologue Schliemann met

à

nu le chantier de Troie

à

Mycènes prouvant ainsi que des civilisations que l'on croyait inébranlables ne sont en réalité que des points dans un certain ordre spatio-temporel. Puis un peu plus tard, dans la théorie de la relativité Albert Einstein introduit l'idée selon laquelle les deux concepts du tenlps et de l'espace sont en fait indissociables...7t Le mouvement préservationnîste s'inscrit dans cette lignée où l'on admet que le passage du temps est une forme de régulation de la vie sur terre et que la mémoireest un outil de rapport au temps sans lequel

il

ne pourrait pas même y avoir de présent. Aussi peut-on affirmer que «nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous ».« De tous les besoins de l'âme humaine,

il

n'yen a pas de plus vital que le passé. (... ) L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine».72

Towards an Echic in che1980'5,Washington D.C., The Preservation Press, 1980àlap. 53.

70 Voir

J.

Ruskin,supra note 12 àla p. 22. Voir aussi A. Chatfidd-Taylor, «From Ruskin to Rouse. Canadian Heritage(Septembre 1985) 10.

71Ibid.àla p. 11.

n Ministère de la Culture et des Communications, c Le patrimoine, assurer l'avenir de notre passé» in

Gouvernement de l'Ontario,Rapport dela révision politique du patrimoine ontarien,Toronto, 1987àla p.

(33)

Un tel pouvoir d'imagination et d'identification génère le sentiment d'appartenance à

un lieu donné que l'on retrouve en effet dans toutes les civilisations indépendamment des modes de perception temporelle qui les caraetérisent.7JDans les cultures aborigènes le passé est interprété comme étant le fondement spirituel des sociétés et souvent étroitement lié aux sites et monuments où sont perpétués des rites séculaires.7~ Les

depuis le renouveau des sciences historiques au XVlIIème siècle pour tenter d'analyser les séquences cumulatives du développement social. Chaque phase de ('histoire comporte alors ses propres reliques comme autant de documents pour illustrer la continuité des civili4iations. Ainsi, les vestiges d'un passé plus ou moins récent nourrissent-ils la mémoire vive des peuples et un espace sans mémoire ne serait que pur artifice dénué de sens.75

Conçus en ces termes, les monuments marquent l'empreinte du passage du temps de façon singulièrement concrète dans une époque de grande abstraction : ils sont le reflet dynamique et non fixe de la culture d'un endroit, le lien physique entre les strates successives du développement des populations. Ils incarnent les « nécessités») de chaque

lieu, les « commodités» et les « usages» de chaque époque ainsi que l'adaptation aux rationalités sociales et économiques.l6 Tel le registre matériel de cette diversité, l'architecture participe alors à l'élaboration des tendances artistiques autant qu'elle illustre les faits et gestes d'antan et l'influence des grands événements ou des courants politiques; elle est le produit des conditions historiques qui ont contribué

à

sa création

7J H. Cleere, Archeological Heritage Management in the Modern World, London, Council for British

Archeology, 1989àla p. 7.

7..R. Layton, WhoNeedsthePast? lndigenousValuesandArcheology,London, Unwin Hyman, 1989àla p.

6.

75 H. P. Jeudy,PatrimoinesenfOlie, Paris, Maison des sciences de l'Homme, collection Ethnologie de la

France, cahier 5, 1990àla p.6.

76J. P. Estrampes, c Le tempsdansl'art: patrimoine et modernité, une relation ambiguë,. inRenconms

internationalespourlaprotectiondupatrimoineculturel,4ème Colloque, Patrimoine et modernité,supra

note 23 à la p. 48. L'auteur fait allusion au système de règles de Vitruve et Alberti, c nesessitas,

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