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Adaptation et validation du pathological narcissism inventory (PNI)

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Academic year: 2021

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ADAPTATION ET VALIDATION DU PATHOLOGICAL

NARCISSISM INVENTORY (PNI)

Mémoire doctoral

Raquel Da Silva Luis

Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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iii Résumé

Le Pathological Narcissistic Inventory (PNI) est une mesure développée récemment permettant de rendre compte de deux phénotypes du narcissisme pathologique soit la grandiosité ainsi que la vulnérabilité narcissique. Dans cette étude, une adaptation francophone du PNI (le ENP) a été développée puis validée auprès de deux échantillons de la population soit normal ainsi que clinique. Les résultats ont permis de démontrer des associations congruentes à celles obtenues par l‟équipe de Pincus et ses collaborateurs (2009) quant à la version originale. Ainsi, le ENP a démontré des associations positives avec deux autres mesures du narcissisme (le NPI et le HSNS). Des associations significatives avec divers autres mesures normalement associées au narcissisme pathologique ont également été détectées (estime de soi, machiavélisme et indices d‟organisation limite de la personnalité). Des différences significatives entre l‟échantillon normal et clinique ont pu être mesurées ainsi qu‟une utilisation indifférenciée à travers les genres semble possible.

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v Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Avant-Propos ... ix

1-Introduction... 1

2-Description de la problématique ... 3

2.1. Origines du terme narcissisme et conceptualisations ... 3

2.2. Le narcissisme normal ... 8

2.3. Le narcissisme pathologique ... 10

2.4. Grandiosité vs vulnérabilité ... 13

2.4.1. Phénotype de grandiosité narcissique... 14

2.4.2. Phénotype de vulnérabilité narcissique ... 15

3-Dimensions psychologiques associées au narcissisme ... 17

3.1. Estime de soi ... 17

3.2. Agressivité et machiavélisme (contrôle, manipulation et exploitation) ... 19

4-Mesures du narcissisme pathologique ... 22

4.1. Narcissistic Personality Inventory (NPI) ... 23

4.2. Autres mesures du narcissisme pathologique ... 25

4.3. Pathological Narcissism Inventory (PNI) ... 27

4.3.1. Structure factorielle du PNI ... 28

4.3.2. Validité externe du construit de narcissisme pathologique tel que mesuré par le PNI : Validités convergente, divergente et nomologique ... 29

Adaptation française du Pathological Narcissistic Inventory ... 36

Résumé ... 37

Introduction ... 38

Narcissisme normal et pathologique ... 39

Le pathological Narcissistic Inventory (PNI) ... 41

Les analyses factorielles du PNI ... 41

Différences entre les sexes ... 42

Validités externes du construit de narcissisme pathologique : validité convergente, divergente et nomologique du PNI... 42

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NPI et mesures du narcissisme (NPI et HSNS) ... 43

Autres construits associés avec le PNI ... 44

Objectifs ... 47 Objectif général ... 47 Objectifs spécifiques... 47 Hypothèses ... 48 Méthodologie de recherche ... 49 Participants ... 49 Procédure ... 50 Mesures ... 50

Méthode d’adaptation française du PNI ... 52

Résultats ... 53

Test de lisibilité ... 53

Propriétés psychométriques ... 54

Validité externe du ENP: validités convergentes et divergentes ... 54

Validité externe du ENP: validité nomologique ... 56

Le ENP selon le sexe ... 59

Comparaisons des deux populations étudiées (population clinique et normale) ... 63

Discussion ... 65

ENP et autres mesures du narcissisme pathologique ... 65

ENP et estime de soi ... 66

ENP et Machiavélisme ... 69

ENP et organisation de la personnalité ... 70

Le ENP et les sexes ... 72

Comparaisons des moyennes au ENP selon les 2 échantillons (clinique et normal) ... 73

Conclusion générale ... 73

Forces et limites du mémoire ... 75

Pistes pour de futures recherches ... 77

Bibliographie ... 80

Annexe A ... 92

Annexe B... 94

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vii Liste des tableaux

Tableau 1 : Corrélations entre le ENP et d'autres mesures du narcissisme pathologique, échantillon populationnel...54 Tableau 2 : Corrélations entre le ENP et d‟autres mesures du narcissisme pathologique, échantillon clinique...56

Tableau 3 : Corrélations entre le ENP et autres mesures généralement associées au narcissisme pathologique, échantillon populationnel...57

Tableau 4 : Corrélations entre le ENP et autres mesures généralement associées au narcissisme pathologique, échantillon clinique...58

Tableau 5 : Différences de moyennes observées entre les sexes auprès d‟un échantillon populationnel...59

Tableau 6 : Différences de moyenne observées entre les sexes, population clinique....61 Tableau 7 : Comparaison des groupes clinique et normal aux scores du ENP...…...63

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ix Avant-Propos

Mémoire doctoral maintenant achevé, une partie essentielle reste à ébaucher, mes remerciements.

Il est plus que nécessaire pour moi de prendre un temps pour remercier plusieurs personnes qui ont à mon sens non seulement contribuées, mais parfois rendues littéralement possible ce mémoire doctoral. Au-delà des recherches théoriques, les qualités humaines, les réflexions et la présence bienveillante de plusieurs personnes tout au long de mon cursus m'ont permis de parfaire mon esprit critique, mes réflexions théoriques, mais surtout, ont favorisé à bâtir une intervenante dotée à mon sens d'une plus grande sensibilité pouvant enfin s'apparenter à de la réelle empathie.

Mon premier remerciement se doit d'aller à toute l'équipe qui a travaillée de loin ou de proche au développement de ce projet. Ces années de travail renferment des dizaines de collaborations précieuses qu'il me serait impossible de maintenir ombragées. Le plus sincère des merci à mon directeur de mémoire, monsieur Louis Diguer, qui a su susciter ma curiosité année après année et cru en mes compétences d'intervenante. J'estime que monsieur Diguer m'a permis de stimuler tout au long de mon parcours le maximum de mes capacités, mais surtout, m'a permis d'y croire. Merci, de m'avoir autorisé cette belle autonomie qui m'est maintenant si chère! À l'équipe du laboratoire de trouble de la personnalité, les vieux de la vieille, Jean, Vincent et Anne, je vous remercie pour nos merveilleuses heures d'échanges, votre temps et votre participation, l'écoute et l‟humanité dont vous avez fait preuve. Nous nous en sommes sorti! Merci à ceux que je me plais à appeler mes petits nouveaux, Jérôme et Valérie, par lesquels le terme collaboration prend tout son sens. Merci d'avoir préservé ce bel esprit d'entraide qui nous est si cher! Sans oublier la participation de plusieurs bénévoles qui ont œuvré au sein du laboratoire, vous qui avez agi avec un professionnalisme et une assiduité continue, je vous remercie pour ces heures qui m'ont été si généreusement offertes.

Un merci particulier à Monsieur Stéphanie Sabourin, membre de mon comité de thèse, ainsi qu'à ma correctrice externe, madame Catherine Bégin, pour vos commentaires

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judicieux tout au long des multiples étapes de ce projet. Je considère avoir été choyée d'avoir eu accès à vos expertises, vos commentaires et vos suggestions qui ont su enrichir mon travail et ma réflexion.

Réaliser un doctorat en psychologie implique également de maintenir son intérêt clinique, d'être poussé vers de nouveaux horizons et de se laisser inspirer par des gens que l'on estime. Très chers superviseurs, merci pour vos encouragements et de m'avoir si généreusement offerts vos enseignements. Louis Diguer, merci de m'avoir permis d'être curieuse, merci à Ginette Lafontaine ainsi qu'à Andrée Bellavance, à la charmante et douce Louise Gauthier, ainsi qu'à mon estimée superviseure et maintenant collègue Stéphanie Murray. Stéphanie, merci d'avoir été une si bonne maman substitue!

Que dire de mes amis. Ici, la tâche de remerciements devient plus ardue puisque multiples sont les manifestations d'amitié qui m'ont permis de rendre ces dernières années plus douces et plus humainement viables. Commençons par le commencement, je me dois de souligner le soutien de Dominick Gamache, qui a été pour moi l'instigateur de mon désir à poursuivre au doctorat et qui s'est avéré un ami précieux. Merci de ton appui, de croire autant en moi et d'être aussi inspirant par ta fascination et ta maitrise du traitement humain. Un merci tout tout spécial à ma chère colocataire et amie, Marie-Pier Beaulieu, qui a été pour moi une sœur adoptive tout au long de mon doctorat. Merci de m'avoir permis de découvrir ma propre voie, d'avoir respecté ma personne, mais surtout de m'avoir toléré dans tous mes états d'âme. Un merci rempli d'affection à Lamine Baazi, fidèle Lamine. Merci d'avoir poussé mon esprit à explorer l'inexplorable, merci de m'avoir soutenu dans tous mes moments de perturbation, surtout, merci pour ton amour. Il m'a permis de rendre tous plus facile.

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xi Enfin, mais surtout, merci papa et maman de m'avoir offert ce beau cadeau qu‟est l'éducation. Armindo et Ausenda, vous avez donné à votre fille une chance inouïe d'être heureuse, merci pour vos sacrifices. Soeurette, Sonia, ma plus grande fan, merci ma très chère sœur d'avoir été le moteur de mon estime et pour tes encouragements constants. Tu es de loin la meilleure sœur que j'aurais pu avoir.

À vous tous, merci pour ce bel accomplissement! Raquel Da Silva Luis.

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1 1-Introduction

La mesure d‟un construit psychologique est souvent source de difficultés pour les chercheurs et pour les cliniciens. Ainsi, lorsque l‟on traite de narcissisme, le concept lui-même représente plusieurs défis, particulièrement lorsque l‟on tente de l‟opérationnaliser et d‟en dégager une définition commune. Cette difficulté s‟explique en partie par l‟évolution constante de la littérature sur le sujet, mais aussi par la diversité des courants et théories psychologiques qui s‟y sont intéressées jusqu‟à présent. À ces difficultés de conceptualisation à l‟intérieur du domaine de la psychologie, s‟ajoute également un écart observable entre ce que les cliniciens rapportent comme étant un narcissisme pathologique et la conceptualisation préconisée dans le domaine psychiatrique. Il semble néanmoins se dessiner à travers ces divers points de vue conceptuels une forme de consensus, à la lumière duquel le narcissisme peut se comprendre sous deux grandes formes, soit le narcissisme normal et le narcissisme pathologique (Pincus & Lukowitsky, 2010). Le narcissisme pathologique peut quant à lui être subdivisé en deux grands sous-types ou phénotypes : le phénotype de vulnérabilité narcissique et le phénotype de grandiosité narcissique.

Ces difficultés conceptuelles engendrent conséquemment des répercussions par rapport aux instruments de mesure disponibles actuellement dans la recherche pour laquelle une actualisation constante est nécessaire. Plusieurs instruments tels que le Narcissistic Personnality Inventory (NPI; Raskin et Hall, 1979) se voient ainsi reprocher de ne pas être à jour face aux nouveaux développements conceptuels du narcissisme, par exemple en ne tenant pas compte des deux phénotypes propres au narcissisme pathologique ou en mesurant davantage des composantes adaptatives (ou normales) du narcissisme plutôt que le narcissisme pathologique.

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Afin de répondre aux besoins contemporains d‟accéder à un instrument de mesure capable de bien cerner les composantes du narcissisme pathologique, en tenant compte à la fois du phénotype de grandiosité et de vulnérabilité, Pincus, Ansell, Pimentel, Cain, Wright et Levy (2009) ont récemment développé le Pathological Narcissistic Inventory (PNI). Selon les études préliminaires effectuées par ces chercheurs ainsi que certaines études subséquentes, l‟outil semble répondre davantage aux besoins actuels en matière de mesure du narcissisme pathologique que ses prédécesseurs. Leurs résultats démontrent en effet qu‟il permet de mesurer des éléments non-adaptatifs du narcissisme et des analyses factorielles ont également permis de corroborer l‟existence de deux grands sous-types soit la vulnérabilité et la grandiosité narcissique.

Le présent mémoire doctoral a donc pour objectif de participer à la validation de la version francophone du PNI, l‟Échelle de Narcissisme Pathologique (ENP), en répliquant avec le plus de justesse possible la méthodologie utilisée par Pincus et ses collaborateurs(2009). Plus spécifiquement, il s‟intéresse davantage à la validité externe du construit de narcissisme pathologique tel que mesuré par le ENP, soit la grandiosité ainsi que la vulnérabilité narcissique (validités convergente, divergente et nomologique). Cette dernière sera mesurée en utilisant pour variables des mesures de machiavélisme, d‟organisation de la personnalité et d‟estime de soi, mesures en accord avec la littérature portant sur le narcissisme pathologique. L‟échantillonnage de ce mémoire sera composé de participants provenant d‟une population normale ainsi que d‟une population clinique, dans le but d‟obtenir des données quant à la généralisation de cet outil de mesure à plusieurs populations.

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3 2-Description de la problématique

2.1. Origines du terme narcissisme et conceptualisations

Avant de débuter l‟exploration des divers enjeux associés à plusieurs mesures de narcissisme pathologique, encore faut-il prendre connaissance de la richesse conceptuelle et théorique de ce construit. Le terme narcissique est souvent associé dans le langage populaire au mythe familier de Narcisse, qui serait tombé démesurément amoureux de son propre reflet dans l‟eau. En 1661, Calderon de la Barca (1661) transforma ce simple mythe en un concept plus dynamique, en l'apposant à des tendances psychiques réelles d'auto-préoccupation et d'auto-admiration démesurées présentes chez l‟individu et désormais vues comme des conséquences de conflits et désirs non assouvis. De la Barca présenta ainsi une perspective dite plus interpersonnelle de ce mythe, selon laquelle ces attitudes prendraient source dans le comportement des individus ayant vécu une relation maternelle de type dominatrice ou surprotectrice et devant désormais tourner vers eux-mêmes plusieurs de leurs affects de forte intensité. Certains de ces construits, p.ex. la présence de déficits quant à la régulation de certaines émotions et de déficits relationnels, seront repris par les théoriciens subséquents. Toutefois, malgré les évidents apports des travaux de De la Barca, l‟origine du trouble de la personnalité narcissique tel que connu de nos jours demeure difficile à déterminer, essentiellement en raison des zones grises longtemps présentes entre les déficits liés à la personnalité narcissique et plusieurs autres pathologies telles que les névroses et les troubles associés au spectre de la schizophrénie. Plusieurs auteurs ont néanmoins contribué à la réflexion.

Ainsi, c'est d'abord à Ellis (1898) que l‟on doit l'inclusion du terme "narcissisme " dans le langage psychiatrique. Celui-ci reconnaissait le phénomène comme une forme d‟autoérotisme ou de comportement pervers, qui consistait en un fort amour pour soi. L‟admiration puissante pour soi-même dont faisaient preuve certains individus était ainsi vue comme un processus de transformation de sensations sexuelles en de l‟admiration pour soi. Quelques années plus tard, Freud (cité dans Francher, 1998) reprit ce concept et

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proposa qu‟au-delà de sa forme pathologique reconnue, il existait une seconde forme de narcissisme liée au développement normal, et donc fondamentale à l‟être humain. Le choix de l‟objet libidinal étant un stade normal du développement, l‟autoérotisme dans le développement précoce libidinal y était vu comme nécessaire étant donné son statut d‟étape préliminaire à l‟amour de l‟objet (ou amour d‟autrui) (Freud, 1914). Il est indiqué de préciser que cette nouvelle conception du narcissisme fut elle-même inspirée par des interventions du psychanalyste Isidor Sadger lors des séances du 03 et 10 novembre 1909 de la Société psychanalytique de Vienne. Ce dernier avançait que tout enfant nécessite d‟abord une forte quantité d‟amour pour soi afin de survire et soulignait la nécessité de voir le narcissisme comme un phénomène développemental où être « amoureux de soi-même » est un stade primordial au développement de l‟amour envers autrui (Boss, 2006). Le concept fut ainsi véhiculé dans la communauté psychanalytique, à la fois comme faisant partie du développement normal d‟un individu (narcissisme primaire), mais également comme pouvant représenter ce qui était appelé alors une perversion (narcissisme secondaire). Un peu plus tard, Freud (1914-1957) publia des œuvres qui permirent de mieux distinguer le narcissisme primaire du narcissisme secondaire. Le narcissisme primaire y fut défini comme la période développementale au cours de laquelle l‟enfant investirait sa propre personne (concept de soi) et où une différenciation entre soi et l‟autre lui serait difficile. Le narcissisme secondaire fut quant à lui décrit comme un investissement libidinal du moi, exercé au détriment de l'investissement libidinal de l‟autre, mais au sein duquel le moi serait néanmoins différencié d‟autrui. Cette dernière conceptualisation rejoint donc ce qui sera appelé plus tard le narcissisme pathologique. Freud spécifia également l'existence de deux canaux pouvant permettre au narcissisme primaire d‟être résolu : l'investissement de sa libido dans autrui et l'investissement de celle-ci dans un idéal du moi. Il est à noter qu'à l'époque, Freud concevait l‟idéal du moi comme un lieu fantasmatique représentant celui que « l‟on aimerait » être et au sein duquel se trouveraient nos futurs choix relationnels (aussi appelés objectaux).

Au-delà de la conceptualisation proposée par Freud, différentes positions théoriques vinrent établir les bases de la notion psychologique de narcissisme et poussèrent à

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5 l'élaboration d'une multitude de positions nosologiques. Dans les courants psychanalytique/psychodynamique contemporains, trois auteurs se démarquent par leurs approches et leur compréhension du narcissisme pathologique. Ainsi, Kohut (1968; 1971; 1977) fut le premier à établir l‟appellation « trouble de la personnalité narcissique ». Selon lui, les conduites perverses, délinquantes, et/ou de dépendance pouvant exposer l‟individu à des dangers (tant au plan physique que social) sont des comportements propres à une même pathologie (Kohut & Wolff, 1978). À ce portrait clinique s'ajoutent des déficits particuliers de la capacité à éprouver de l‟empathie, lesquels auraient non seulement une valeur diagnostique importante, mais également des répercussions majeures sur la dynamique de traitement. Pour Kohut, le développement d‟un narcissisme pathologique survient suite à un bris dans le développement normal narcissique d‟un enfant, où une réponse non empathique des figures d‟attachement de l‟enfant (souvent de la part de la mère) est caractéristique de cette étape de développement précoce. Il surviendrait alors une perte traumatique de l‟image positive des figures d‟attachement et de l‟image de soi, ayant pour répercussion principale de nuire au processus d‟idéalisation des figures parentales (phase essentielle pour cet auteur). L‟utilisation de manifestations narcissiques peut alors prendre deux formes. La première, la grandiosité, sous-tendue par le clivage, permet la répression d‟éléments négatifs et inacceptables perçus en soi et chez l‟autre, afin de préserver une image de soi idéalisée et grandiose. L‟enfant se défend ainsi contre son profond sentiment d‟inadéquation face à des objets qui ne lui portent pas l‟attention nécessaire, et qui ne lui reflètent pas sa grandiosité d‟enfant. En d'autres termes, par le déni de sa faible estime de soi et de sa honte, l‟enfant réussit à préserver sa grandiosité. La seconde forme de narcissisme est quant à elle susceptible d'apparaître lorsque l‟individu est soumis à des surcharges quant à ses propres idéations et attentes grandioses. À ce moment, le thème préconisé n'est pas la grandiosité, mais bien la vulnérabilité, qui est manifestée sous forme de sentiment chronique de vide, de faible estime de soi et de honte. Le clivage est encore là un mécanisme de défense essentiel. Le déni est également utilisé dans ce type de problématique, mais à des fins bien différentes soit de masquer le besoin de l‟autre. Kohut parlera alors du principe d‟alternance entre deux états idéalisés, soit l‟impuissance et

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l‟omnipotence, principe qui sera repris plus tard et nommé oscillation de dyades (Kernberg, 1975).

Pour sa part, l'auteur Otto Kernberg (1975; 1984; 1998) voit le trouble de la personnalité narcissique comme un ensemble de distorsions ou de troubles relatifs à des relations d‟objets dysfonctionnelles internalisées en bas âge et reproduites tout au long de la vie, qui rendraient difficile ou impossible le développement de l‟empathie. Kernberg s'appuie sur la théorie des relations d'objets, selon laquelle les relations d‟objets sont composées d‟une représentation de soi et d‟une représentation de l‟autre (l‟objet), lesquelles sont liées par un affect. Les narcissiques auraient ainsi une forte propension à entretenir des représentations idéalisées de soi et des autres, étant donné l‟utilisation fréquente de clivage, de déni et de projection (principalement en ce qui a trait aux affects négatifs). Pour Kernberg, le soi pathologique grandiose, ou fausse image de soi, est donc construite à l'issue d'une fusion des caractéristiques positives et idéalisées de soi et de l‟objet idéalisé. Pour maintenir cette image irréaliste de soi, le narcissique doit défensivement éviter toute forme de prise de conscience négative tant chez soi que chez autrui. Différemment de Kohut, pour qui l'étiologie du trouble consiste essentiellement en une fixation à un stade développemental, Kernberg rapporte plutôt son origine à l‟investissement libidinal dans une structure de soi pathologique ou soi grandiose. Aussi, il énonce la possibilité de regrouper les différents traits de personnalité par structures et décrit ainsi trois niveaux d‟organisation de la personnalité : l‟organisation névrotique, l'organisation limite et l'organisation psychotique. Ici, Kernberg estime qu‟il existe au sein de plusieurs troubles des similarités qui permettent d‟en faire le regroupement. À noter que pour Kernberg, les diagnostics de trouble de la personnalité narcissique (TPN) et limite (TPL) sont tous deux chapeautés par la même structure de la personnalité : l‟organisation limite de la personnalité. Pour appuyer cet assemblage personnologique, l'auteur mentionne notamment des déficits communs dans le soi ou des difficultés à maintenir une image intégrée et cohérente de soi. Il mentionne également que ces deux organisations de la personnalité ont pour caractéristique commune l'activation de la rage. Selon Kernberg, le TPN se voit incapable de vivre ses représentations de soi avec stabilité sans passer d‟un état

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7 grandiose à un état de dévaluation du soi, ce qui rend la régulation de son estime de soi difficile. On retrouve néanmoins chez le TPN un éventail de caractéristiques permettant de le distinguer des autres troubles. À ce sujet, Kernberg nomme la présence chez le narcissique d‟une image de soi non intégrée, tintée principalement de grandiosité et d‟agressivité, et caractérisée par un fort sentiment d‟unicité, des préoccupations démesurées pour soi-même et une forte impression de supériorité de droit ou acquise. Telles que décrites par Kernberg, les personnes présentant un narcissisme pathologique semblent également vivre de sévères problèmes interpersonnels (notamment suite à de la dévaluation), de la dépréciation et de l‟envie face à l‟autre et présentent des difficultés à tolérer de l‟aide de la part d‟autrui. Elles vivent également d‟importants changements d‟humeur, possèdent de faibles niveaux d‟intégration des valeurs morales et éprouvent d‟importants déficits d‟empathie. L'auteur pousse sa réflexion jusqu'à proposer une gradation du narcissisme, où une forme plus sévère du trouble narcissique, le narcissisme malin, est définie. Celle-ci se démarque des autres formes par la présence de composantes antisociales (comme le sadisme) en plus des manifestations mentionnées précédemment. Dans les dernières années, un continuum du trouble narcissique a été proposé par Kernberg et Caligor (2005), allant du trouble narcissique simple, au narcissisme malin, à la personnalité de type antisociale, à la psychopathie. Le degré d‟agressivité ainsi que de déficits quant à l‟empathie y servent de baromètre principal à l'établissement du niveau de sévérité. Actuellement, la théorie de Kernberg est vue comme l‟une des plus utile pour la pratique clinique auprès des individus manifestant des traits ou des troubles de la personnalité puisqu‟elle peut être appliquée à un large éventail de phénomènes et à divers niveaux de sévérité pour différentes pathologies (Ronningstam, 2005).

Ronningstam (2005), auteure connue de la littérature clinique portant sur le narcissisme, propose quant à elle une typologie du narcissisme à trois types, en se basant sur les similarités et les différences via trois caractéristiques fondamentales : les déficits d‟estime de soi, la présence d‟affects négatifs et les difficultés interpersonnelles. Ainsi, elle documente l'existence de trois grands groupes : le narcissique arrogant, le narcissique psychopathique et le narcissique timide, pour lesquels les deux premiers manifesteraient

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une grandiosité apparente alors que le dernier aurait pour affect dominant la honte. Chaque sous-type développerait une technique particulière pour gérer les déficits d‟estime de soi, soit : par la création d'un soi supérieur et grandiose empreint d‟une impression d‟unicité (arrogant); par l'engagement dans des comportements antisociaux (psychopathie); ou par l'expérience d'un fort sentiment de honte suite à l‟émergence d‟ambitions grandioses, d‟agressivité et d‟envie (timide).

Somme toute, on peut constater une trame commune à la pensée de ces trois auteurs qui consentent à caractériser le narcissisme comme faisant partie du développement normal, au travers duquel des phases développementales ou conflits intrapsychiques doivent être surmontés à l‟aide de dispositions internes dans le but ultime de parvenir à une image de soi intégrée et à une estime de soi solide. En cas d‟échec, émerge alors la possibilité de développer un narcissisme dit pathologique. Ces auteurs s‟entendent également quant à une distinction possible entre au moins deux formes de troubles narcissiques, soit le narcissisme se présentant davantage sous une forme grandiose et celui sur une forme dite de vulnérabilité narcissique.

2.2. Le narcissisme normal

Selon une récente publication de Pincus et Lukowitsky (2010), il semble se dessiner dans la littérature contemporaine trois grands courants de pensée quant à la manière de concevoir et distinguer le narcissisme normal et pathologique. Dans cette revue, les pensées des théoriciens cliniques étayées plus tôt (Kohut, 1977; Freud, 1910; Ronningstam, 2009; Kernberg, 1998) semblent s'inscrire dans un courant majoritaire selon lequel le narcissisme existerait sous forme normale et pathologique et serait tributaire et/ou contribuerait à l’adaptation psychique d‟un individu.

Un second groupe d‟auteurs/chercheurs comprennent quant à eux le narcissisme comme pouvant se déployer sur un continuum, mais qui cette fois, serait basé sur le niveau de fonctionnement d‟un individu et moins sur des processus intrapsychiques inadaptés (Paulhus, 1998; Watson, Hickman, Morris, Millitron & Whiting, 2001). Les répercussions

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9 négatives dans le fonctionnement social/interpersonnel et au travail étant des indices de la présence d‟un narcissisme pathologique. Ce continuum serait composé à une première extrémité du narcissisme pathologique, perceptible par diverses composantes d‟inadaptation. À l‟autre extrémité, des composantes d‟adaptation permettraient quant à elles d‟établir un niveau de narcissisme fonctionnel ou d‟estime de soi saine (narcissisme normal) (Watson et al., 2001).

Enfin, un troisième courant porte l‟idée selon laquelle le narcissisme normal et pathologique se présente comme deux concepts totalement distincts, pouvant être décortiqués et séparés selon des caractéristiques spécifiques (Pincus et al., 2009). Pincus et Lukowitsky (2010) concluent l'analyse de ces diverses perspectives en soutenant l'existence d'un nombre suffisant de données empiriques pour affirmer la présence de ces deux formes de narcissisme. Toutefois, ils soulignent qu‟un manque d'informations en ce qui a trait à leur nature subsiste. Ils expliquent que le narcissisme pourrait donc s'avérer tant sur deux dimensions totalement distinctes que sur un même continuum.

La position de la présente étude est de comprendre le narcissisme sous deux formes soit normale et pathologique, pouvant conséquemment être mesurées comme deux construits distincts. Cette position s‟inscrit davantage dans le troisième courant de pensée proposé par Pincus et al. (2009), sans toutefois nier un continuum possible. Le Pathological Narcissism Inventory a pour visée principale de mesurer le narcissisme pathologique, sans infiltration de composantes du narcissisme normal (ou adaptatif) par opposition à certaines mesures actuellement disponibles. Mais d‟abord, avant de s‟axer sur les défis que posent les mesures du narcissisme pathologique, encore faut-il s‟entendre sur ce qu‟est le narcissisme normal.

Le narcissisme normal peut être conceptualisé comme : « la capacité de maintenir une image de soi relativement positive à travers une variété de processus internes (par divers champs de régulation, par la régulation de soi ainsi que la régulation de ses affects), et comme étant à la base des besoins des individus de validation et d‟affirmation aussi bien que la motivation (qu‟elle soit ouvertement manifestée ou non), cherchant à travers les

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expériences avec l‟environnement social une forme d‟amélioration de soi» (Pincus & Lukowitsky, 2010, p.423). Plusieurs auteurs se sont intéressés aux effets potentiellement positifs associés à l‟expression normale ou adaptative du narcissisme. À cet effet, des études empiriques ont démontré que le narcissisme pouvait contribuer au bien-être et à l‟augmentation de l‟estime de soi (Odlham et Morris, 1995), car il favoriserait l‟accomplissement et la mise en action d‟aspirations, permettrait une diminution de l‟évitement lors de situations de compétition (Foster & Trimm 2008;Wallace, Ready & Weitenhagen, 2009) et permettrait l‟affirmation de soi (Brown & Zeigler-Hill, 2004). Aussi, des niveaux acceptables de narcissisme ont démontré des associations positives avec des aspirations plus optimistes quant à l‟avenir et une meilleure évaluation de sa propre performance doublée d'une attention moindre à l'effet des informations potentiellement nuisibles ou incohérentes à une image positive de soi (Farwell & Wohlwend-Lloyd, 1998). 2.3. Le narcissisme pathologique

Bien que les propositions apportées par les théoriciens et chercheurs mentionnées précédemment soient fort intéressantes d‟un point de vue clinique et théorique, il faut toutefois souligner qu'elles divergent sur plusieurs points de la typologie utilisée majoritairement dans les milieux psychiatriques américains. Le narcissisme pathologique est actuellement souvent diagnostiqué selon la typologie proposée par le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IV-R (DSM IV-R:APA, 2000).

Selon le DSM IV-R, trois grands domaines permettent d‟établir un diagnostic de trouble de la personnalité narcissique, à savoir : la présence de comportements ou de fantaisies de type grandioses, un besoin constant d‟admiration et un manque d‟empathie envers autrui. Les symptômes étayés doivent de plus être présents au long cours et apparaître au plus tard au début de l‟âge adulte. Pour être diagnostiqué, l‟individu doit donc manifester au moins cinq des symptômes suivants : un sens grandiose de sa propre importance; être absorbé par des fantaisies de succès illimité et de pouvoir; penser être « spécial » et unique; montrer un besoin excessif d'être admiré; penser que tout lui est dû; s'attendre sans raison à bénéficier d'un traitement particulièrement favorable et à ce que ses

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11 désirs soient automatiquement satisfaits; exploiter et utiliser l'autre dans les relations interpersonnelles; manifester des déficits dans l'empathie; envier souvent les autres et croire que les autres l'envient et faire preuve d'attitudes et de comportements arrogants et hautains. Pour bien saisir l‟essence et la pertinence de cet outil diagnostic, encore faut-il comprendre son évolution. Le trouble narcissique (TPN) a fait son entrée dans le DSM III en 1980. Il a alors été décidé que ce trouble serait caractérisé par des fantaisies de succès illimité, de pouvoir et de rayonnement, un soi grandiose, une impression d‟unicité, une hypersensibilité à la critique prenant souvent la forme de rage, la présence de honte et d‟un fort sentiment d‟humiliation. De plus, l'expérience d‟au moins 2 déficits interpersonnels suivants devait y être présente : une alternance relationnelle entre idéalisation et dévaluation d‟autrui, un manque d‟empathie, l‟impression de dû ou de supériorité de droit et/ou la présence d‟exploitation d‟autrui (APA, 1980). Dans cette première version du portrait de la pathologie, des critères de vulnérabilité narcissique y sont vus comme partie intégrante du trouble, p.ex. dans la prise en considération de l‟oscillation constante entre dévalorisation et valorisation ou dans la l'importance accordée à une faible estime de soi et à la honte dans le diagnostic. Or, plusieurs auteurs ont observé un changement au fil des versions du DSM, lequel s'illustrerait par une tangente graduelle vers des critères presque exclusivement liés à la grandiosité narcissique (Gunderson, Ronningstam, & Smith, 1991; Gunderson Ronningstam, & Bodkin, 1990). Ainsi, dans le DSM III-R, les déficits interpersonnels sont rapportés via trois grands thèmes soit l‟exploitation, l‟impression de dû et le manque d‟empathie, tandis que l‟alternance entre idéalisation et dévaluation est abandonnée pour cause d'une potentielle confusion avec des critères du trouble de la personnalité limite (TPL). Une seconde caractéristique dite de vulnérabilité narcissique, la réactivité à la critique, est également éliminée lors de l‟élaboration du DSM-IV, en suivant sensiblement le même rationnel (c.-à-d. par risque perçu de confusion avec le TPL, mais également avec le trouble de la personnalité paranoïaque) (Morey & Goodman, 1989). Puis, le critère d‟envie face à autrui fut à son tour retiré, aussi en raison de son chevauchement avec celui présent dans le TPL (Gunderson, Ronningstam, & Smith, 1994; Morey, 1988). Or, il est important de mentionner qu'un tel remaniement du DSM vers des

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critères essentiellement de grandiosité narcissique est en dissonance avec la recherche actuelle où une oscillation vers des aspects de vulnérabilité fait partie intégrante de la description du narcissisme pathologique. Ces éléments seront davantage élaborés ultérieurement.

Plusieurs autres critiques ont d‟ailleurs été formulées à l‟égard de cette classification. D‟abord, une forte confusion entre plusieurs critères associés au TPN et d‟autres troubles du DSM-IV-R est rapportée (Livesley, 2001). Comme le soulignait Kernberg (1992), le TPL et le trouble de la personnalité antisociale (TPA) semblent partager plusieurs critères avec le TPN. Bien que le DSM-IV-R présente le TPN et les autres troubles de la personnalité comme étant distincts, l‟étude effectuée par Holdwick, Hilsenroth, Castlebury et Blais (1998) a permis de démontrer qu‟il existe des relations évidentes entre le trouble narcissique, le trouble de la personnalité antisociale et la psychopathie. De ce fait, le TPN partagerait avec le trouble de la personnalité antisociale des déficits au niveau de l‟empathie, de l‟envie et certains comportements interpersonnels d‟exploitation. Des déficits d‟empathie, de l‟exploitation d‟autrui, de l‟envie et de la grandiosité sont également présents chez les individus présentant des traits psychopathiques (Holdwick et al., 1998). Ces résultats viennent donc corroborer la conception proposée par Kernberg et Caligor (2005) selon laquelle ces trois troubles peuvent se voir liés par un même continuum, et viennent conséquemment ébranler la valeur catégorielle du DSM. Westen et Arkowitz-Westen (1998) ainsi que Gunderson et al. (1991) se sont intéressés aux limites et critiques générales pouvant être formulées à l‟endroit du DSM concernant spécifiquement l‟axe II. Ces auteurs répertorient d‟abord des difficultés à tenir compte de la palette complète des caractéristiques pouvant faire état du TPN tel qu‟on le voit au plan clinique, particulièrement en ce qui a trait aux aspects de vulnérabilité narcissique. Ainsi, ce diagnostic tend à mal cerner les cas sous-cliniques rapportés par les cliniciens. Dans des versions plus récentes du DSM, Ronningstam (2005) rapporte sensiblement le même phénomène en décrivant des divergences entre la pathologie présente au plan clinique et les critères proposés par cet outil. Westen et Arkowitz-Westen (1998) observent également que certaines caractéristiques importantes à la compréhension du narcissisme pathologique,

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13 telles que la honte et l‟envie, ne semblent pas représentées dans ce diagnostic. On reproche également au DSM-IV-R un manque d‟opérationnalisation de certains concepts par exemple l‟empathie, la supériorité de droit, l‟exploitation et la régulation des affects. Enfin, la revue de littérature proposée par Cain, Pincus et Ansell (2008) nous permet de conclure que le DSM aurait une stabilité temporelle, une consistance interne et une validité discriminante présentant des valeurs de faibles à moyennes, et ce, pour plusieurs troubles de l‟axe II. Selon les chiffres présentés dans le DSM IV-R, la prévalence pour le trouble de la personnalité narcissique serait de 2 à 16 % dans une population clinique et de moins de 1 % dans la population en général. Il semble néanmoins qu‟un consensus se dessine dans la littérature scientifique à l‟effet que cet outil diagnostic ne serait pas suffisamment sensible au narcissisme pathologique, plus spécifiquement au phénotype de vulnérabilité narcissique, ce qui permet à plusieurs auteurs d‟avancer que la prévalence rapportée pourrait être sous-estimée et varierait selon divers contextes (Pincus& Lukowitsky, 2010; McGrath, 2005; Mattia & Zimmerman, 2001; Maier, Minges, Lichtermann, & Heun, 1995).

À la lumière des différents problèmes rapportés précédemment (confusion dans les critères, chevauchement avec d‟autres troubles de l‟axe II, difficultés à tenir compte du phénotype de vulnérabilité, manque de sensibilité, manque d‟opérationnalisation de certains concepts et présence de lacunes métrologiques), il est légitime de remettre en question cette classification à travers laquelle des dimensions importantes du narcissisme pathologique sont évacuées (principalement en lien avec la vulnérabilité narcissique). Une approche plus dimensionnelle, telle que celle proposée dans Pathological Narcissism Inventory, semble plus adéquate pour définir le narcissisme pathologique, ce sur quoi semblent d‟ailleurs tendre les ébauches du DSMV (Ronningstam, 2009).

2.4. Grandiosité vs vulnérabilité

Dans la littérature portant sur le narcissisme pathologique, une grande diversité de conceptualisations et de catégorisations (autres que celles proposées par le DSM-IV-R) sont répertoriées (Cain et al., 2008; Ronningstam, 2005; 2010, Pincus et al., 2009). Face à

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l'absence d'un consensus sur la question, les chercheurs Cain et al. (2008) ont identifié, grâce à une analyse conceptuelle de la littérature disponible, plus de cinquante appellations différentes pour décrire les possibles sous-catégories de narcissisme pathologique disponibles dans la littérature. Ces auteurs ont néanmoins démontré qu‟il est possible de regrouper toutes ces catégories en deux grandes classes ou phénotypes, soit le narcissisme à phénotype grandiose et le narcissisme à phénotype vulnérable (Annexe A). Une attention particulière sera donc portée à ces deux phénotypes puisque le Pathological Narcissistic Inventory se veut une mesure spécifique de ces deux phénotypes. Bien que leur pertinence soit manifeste sur le plan de l‟analyse conceptuelle, ces deux phénotypes n‟ont toutefois pas encore démontré de valeur empirique. Soulignons qu'une telle conceptualisation binaire semble insuffisante pour décrire entièrement le spectre du narcissisme pathologique, mais qu‟elle nous apparaît toutefois être le compromis le plus approprié entre les différentes conceptions théoriques existantes et les assises empiriques actuelles.

2.4.1. Phénotype de grandiosité narcissique

Le relevé de littérature effectué par Pincus et Lukowitsky (2010) permet de mieux saisir l‟importance de ces deux phénotypes. Selon ces auteurs, la grandiosité peut être vue comme un agglomérat de processus intrapsychiques tels que la répression d‟affects négatifs (liés aux représentations que l‟on a de soi et des autres), la déformation de l‟information provenant de l‟extérieur de soi (menant vers une image de soi supérieure et surdimensionnée), l‟impression de supériorité de droit et l‟engagement dans des fantaisies de pouvoir illimité, de perfection et de supériorité. Ces mécanismes intrapsychiques peuvent se manifester de diverses manières, p.ex. par une envie intense face à l‟autre et/ou par l‟impression d‟être également envié; par des comportements d‟exploitation et d‟utilisation de l‟autre; par un manque perceptible d‟empathie; par de l‟agressivité et par de l‟exhibitionnisme. De plus, des comportements d‟attention, de soutien apparent et d‟aide excessive face à autrui peuvent également cacher l'expression d'une grandiosité, lorsqu‟ils sont associés à l‟impression d‟être spécial, d‟avoir une bonté hors du commun, ou des capacités exceptionnelles (Nurse, 1998).

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15 Selon les résultats obtenus lors d‟une étude effectuée par Dickinson et Pincus (2003), il semble que le phénotype de grandiosité narcissique soit associé à certains traits présents chez les personnalités narcissique, histrionique et les antisociaux. Les types de problèmes interpersonnels retrouvés étant davantage liés à la présence de comportements de domination et de vengeance. La souffrance liée à ces problèmes demeure quant à elle néanmoins souvent niée ou minimisée. Des styles d‟attachement adultes plus sécures ainsi que des représentations de soi plus saines ont également été rapportés en comparaison avec le phénotype de vulnérabilité. Les composantes typiques du phénotype de grandiosité mènent toutefois souvent à des problèmes interpersonnels importants et peuvent non seulement être présentes auprès de la population psychiatrique, mais également observées dans la population normale (Raskin & Novacek, 1989).

2.4.2. Phénotype de vulnérabilité narcissique

Le phénotype vulnérable, bien que moins bien documenté, a toutefois également fait l'objet de plusieurs réflexions. À ce sujet, Ronningstam (2005) propose un sous-type de narcissisme appelé le narcissisme vulnérable ou timide, tel que mentionné précédemment. Ce dernier est décrit comme empreint de forts sentiments de honte (vécus principalement en présence de besoins et d‟ambitions grandioses), d‟envie envers autrui et/ou d‟agressivité. Ces problèmes étant investis en des fantaisies grandioses, le narcissique timide éprouverait souvent des difficultés relationnelles, qui s'exprimeraient surtout par des conduites d'évitement, étant donné son hypersensibilité à la critique. Ronningstam n‟est toutefois pas la seule à parler de sous-type vulnérable comme présenté en Annexe A. Ainsi, le narcissique hypervigilant de Gabbard (1989), le narcissique de placard (Masterson, 1993), le narcissique vulnérable (Wink, 1991), le narcissique caché (covert) (Cooper, 1998) et le narcissique déprimé du Manuel Diagnostic Psychodynamique (PDM : Task Force, 2006) en sont quelques exemples. Nous utiliserons toutefois davantage les caractéristiques apportées par Ronningstam, car cette conceptualisation englobe plusieurs des caractéristiques retrouvées dans plusieurs autres sous-types et qu'elle rejoint le courant de pensées dans

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lequel s'inscrivent plusieurs publications de revue de littérature récentes (Dickinson & Pincus, 2003; Akhtar, 2003).

Les individus présentant des caractéristiques davantage rattachées à la vulnérabilité narcissique ont des styles d‟attachement plus préoccupé et craintif, démontrent plus d'associations avec des caractéristiques du trouble de la personnalité évitant et présentent de hauts niveaux de détresse en lien avec leurs problèmes interpersonnels (Dickinson & Pincus, 2003). On retrouve chez les narcissiques vulnérables une forte présence de domination, une tendance à la vengeance, une froideur et de l‟évitement social, tout spécialement lorsque de la résolution de problèmes interpersonnels est nécessaire. Pincus et al. (2009) ont quant à eux démontré que les individus présentant un narcissisme de phénotype grandiose seraient moins susceptibles d‟utiliser un traitement, alors que ceux présentant un narcissisme de phénotype vulnérable seraient davantage susceptibles à en faire appel. Ces résultats permettent ainsi d‟extrapoler la nécessité de porter une attention particulière au phénotype vulnérable du narcissisme, étant donné sa valeur clinique et sa pertinence en tant que composante essentielle dans le diagnostic du narcissisme pathologique. Ce phénotype ne devrait donc pas être négligé comme il semble l‟être dans la typologie présentée dans le DSM-IV-R.

Pour Ronningstam (2009), mais également pour plusieurs autres cliniciens et chercheurs (Kernberg, 2009; Pincus& Lukowitsky, 2010; Horowitz, 2009), le narcissisme pathologique ne peut se comprendre uniquement par l‟un ou l‟autre de ces phénotypes, mais oscillerait plutôt entre ces deux états. Horowitz (2009) explique la probabilité d'une telle dynamique par le fait qu‟il soit difficile de maintenir un état de grandiosité constant à travers les nombreuses étapes de la vie, qui plus est sans le support et l‟admiration d‟autrui. L‟individu vivrait alors ce retour vers des aspects plus vulnérables de manière honteuse, avec panique ou par de la dépression. L'existence de ces oscillations de polarités est également soutenue par certaines données empiriques (Fossati et al., 2005; Wink, 1991).

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17 3-Dimensions psychologiques associées au narcissisme

L‟éclosion de la recherche portant sur le narcissisme pathologique au cours des dernières décennies a permis de confirmer des associations entre le narcissisme pathologique et plusieurs dimensions psychologiques. Certaines de ces dimensions seront présentées principalement dans le but de servir de point d‟appui à la validation de l‟instrument de mesure faisant l‟objet du présent mémoire doctoral, le Pathological Narcissistic Inventory (PNI; Pincus, 2009).

3.1. Estime de soi

L’approche proposée par Ronningstam (2005; 2010), ainsi que par plusieurs autres cliniciens et théoriciens présentés précédemment, met l’accent sur la place prépondérante des déficits d’autorégulation de l’estime de soi dans la pathologie narcissique. Il est en effet proposé que des déficits sur le plan émotionnel principalement en ce qui a trait à l’envie, la honte et l’agressivité (intimement liés à des dérégulations de l’estime de soi) soient des aspects primordiaux à considérer lorsqu’on traite de narcissisme pathologique.

Des écrits cliniques faisant le pont entre des déficits quant à l‟estime de soi et une vision irréaliste et surdimensionnée de soi sont présents tôt dans la littérature sur le narcissisme. Ainsi, Horney avançait déjà en 1939 l'idée d'un soi grandiose et démesuré, qui pallierait une estime de soi gravement atteinte et pathologique. Cette idée fut par la suite reprise par de nombreux auteurs, notamment par Kohut (cité dans Cain et al., 2008) et Goldberg (1973).D'après ceux-ci, une augmentation superficielle et idéalisée de l‟estime de soi permettrait à celui qui vit de forts sentiments d‟inadéquation et d‟insuffisance de compenser par un gonflement excessif du soi, mais s'accompagnerait néanmoins de nombreux échecs de régulations tels que de l'agressivité excessive et un fort besoin d‟approbation de la part d‟autrui. Kohut corrobore cette réflexion en affirmant que les

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déficits d‟estime de soi devraient être considérés comme des piliers fondateurs de la personnalité narcissique. À cet effet, Goldberg affirme la nécessité d‟établir une catégorie spécifique de narcissisme caractérisée par de fortes blessures narcissiques.

D‟autres auteurs se sont penchés sur les facteurs permettant d‟inférer qu‟un dysfonctionnement de l'estime de soi est présent. Ainsi, Ronningstam (2005) propose les éléments suivants comme résumé de ces facteurs: un sens de supériorité et d‟unicité; l‟exagération des talents et de la réussite; la présence de fantaisies grandioses; la centration sur soi et des comportements de référence; la vantardise et des attitudes prétentieuses; un besoin excessif d‟être admiré et de fortes réactions à la critique et à la défaite (Ronningstam & Gunderson, 1990; Rhodewalt & Morf, 1998). En somme, l‟estime de soi serait une composante déterminante dans la vulnérabilité narcissique, mais également dans les fluctuations présentes entre cet état et un état de grandiosité (Ronningstam & al., 1995; Rhodewalt& Morf, 1998).

L‟importance d‟une estime de soi stable est d‟ailleurs également soulignée par plusieurs chercheurs comme une composante importante. En effet, Rhodewalt et Morf (1998) ont démontré que les participants ayant de nombreuses caractéristiques narcissiques vivraient davantage de variations dans l‟estime de soi, et ce, dépendamment de l‟information positive ou négative qu‟ils reçoivent à propos d'eux-mêmes (Emmons, 1987; Rhodewalt, Madrian, & Cheney, 1998). Kernis (1993) s‟est intéressé à l‟importance de la magnitude et de l‟intervalle de fluctuation de l‟estime de soi. Il a démontré que des individus ayant une estime de soi élevée, mais instable, seraient davantage prompts à être sensibles et dépendants à l‟opinion des autres quant à leur valeur personnelle et mettraient davantage d‟efforts à rétablir une image stable et positive d‟eux-mêmes. Il a également observé que des niveaux tout aussi élevés d‟atteintes dans la régulation de l‟estime de soi pouvaient être retrouvés autant chez les individus vivant de nombreuses fluctuations dans leur estime de soi que chez ceux présentant de faibles niveaux d‟estime de soi chroniques.

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19 Des enjeux autour des manifestations apparentes et profondes (ou réelle) de l‟estime de soi chez les troubles narcissiques semblent également importants à considérer dans cette pathologie. Zeigler-Hill (2006) a démontré que les individus présentant de hauts scores dans les échelles de narcissisme tendent effectivement à vivre de hauts niveaux d‟estime explicite (ou démontrée), mais de faibles niveaux d‟estime implicite (ou interne). Cela pourrait expliquer les corrélations élevées rapportées par plusieurs chercheurs entre narcissisme, estime de soi positive ainsi qu‟une meilleure adaptation (Rhodewalt & Morf, 2005; Sedikides, Rudich, Kumashiro & Rusbult, 2004;Zuckerman & O‟Laughlin, 2009). Il serait donc justifié de penser que des déficits dans la régulation de l’estime de soi (faible valeur implicite et fortes variations) devraient être associés à des mesures de narcissisme pathologique. La mesure d’estime de soi implicite étant toutefois difficile à obtenir étant donné la nature auto-rapportée d’une majorité de questionnaires, il serait alors attendu que le phénotype de vulnérabilité narcissique, qui ne présente pas ou peu de compensation par un soi grandiose, permettrait une plus grande sensibilité quant à la présence d’une estime de soi dégradée (donc une autoévaluation d’estime de soi plus faible). Le phénotype de grandiosité narcissique quant à lui devrait compenser la présence de faible estime de soi par une présentation de soi grandiose, et conséquemment, démontrer une estime de soi explicite plus élevée.

3.2. Agressivité et machiavélisme (contrôle, manipulation et exploitation)

L‟agressivité peut s'exprimer sous plusieurs formes, p.ex. par des manifestations d‟irritabilité, par du ressentiment, par de la colère, par un besoin de vengeance, par de la rage ou par de la haine. Tel que mentionné précédemment, Kernberg (1984-1992) considère l‟agressivité comme l‟émotion de base de tous les troubles d‟organisation limite. Des études effectuées auprès d‟enfants semblent démontrer que ceux ayant une image de soi surdimensionnée, et donc une grandiosité apparente, sont plus enclins à vivre de l‟agressivité (Brendgem, Vitaro, Turgeon, Poulin & Wanner, 2004; David & Kristner, 2000; Zakriski & Coie, 1996). Plusieurs autres études démontrent qu‟une faible estime de soi, associée à une vulnérabilité plus apparente, semble également directement liée à des

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comportements de violence et d‟agressivité (Carr, 1999; Heide, 1997; Baumeister, Smart & Boden, 1996; Papps & O‟carrol, 1998; Rhodewalt & Morf, 1998). Pareillement, les études chez l‟adulte ont démontré un lien entre agressivité et narcissisme pathologique (Bushman &Baumeister, 1998; Bushman, Bonacci, Dijk & Baumeister, 2003; Donnellan, Trzesniewski, Robins, Moffitt & Caspi, 2005; Stucke & Sporer, 2002) où de hauts niveaux d‟estime de soi y sont cités comme étant particulièrement associés à des comportements agressifs, surtout en présence de honte (Papps & O‟carroll, 1998).

Dans le même ordre d‟idées, plusieurs études démontrent que les individus disposant d‟une image de soi anormalement élevée (c.-à-d. une image de soi gonflée, associée à une estime de soi apparemment forte, mais fluctuante) tendent à faire preuve de plus de comportements de dominance et de contrôle envers autrui, de colère et d‟hostilité (Bushman & Baumeister, 1998; Smalley & Stake, 1996). Ronningstam (2005) propose que pour construire une image positive de soi et pour avoir une estime de soi bien régulée il faille parvenir à développer une autonomie et un contrôle adéquat de ses pensées, de son expérience et de ses impulsions. Or, de plus en plus, les recherches empiriques démontrent l'existence d'importants enjeux liés au contrôle interne, mais également à un contrôle dit interpersonnel chez les narcissiques pathologiques (Gabbard, 1998; Westen, 1999). Ce dernier type de contrôle est défini comme un mode relationnel souvent utilisé dans le but de réguler l‟hostilité, l‟agressivité et l‟estime de soi (Raskin, Novacek & Hogan, 1991) qui peut se manifester par un désengagement relationnel, un manque d‟empathie et l‟utilisation d‟autrui (Morey & Jones, 1998). À travers l‟analyse du discours présent chez des individus présentant un profil narcissique, Bach (1977) a démontré que la fonction principale de celui-ci semble être de manipuler et contrôler l‟autre. Lors de recherches portant sur les obstacles cliniques pouvant émerger en thérapie, plusieurs études ont démontré que des enjeux de contrôle de l‟autre sont souvent rapportés en clinique comme un obstacle majeur, sinon le plus important, au traitement du TPN (Maldonado, 1999; Almond, 2004). Ainsi, la vision et les comportements négatifs qu‟ont les personnes narcissiques face à autrui (principalement le mépris, l‟envie et l‟agressivité), leur hypervigilance sociale, leur sens de la compétition, leur tendance à utiliser leurs succès pour augmenter leur image de soi

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21 fragilisée, leur tendance à blâmer autrui lors de leurs échecs, leur sens de la compétitivité et leur non-respect de certaines contraintes sociales, sont toutes des manifestations potentielles de mécanismes de régulation par le contrôle.

Plusieurs auteurs rapportent également des chevauchements importants entre de hauts scores de narcissisme et des mesures de psychopathie, d‟hostilité et de machiavélisme (Paulhus & Williams (2002); Sedikides, Campbell, Reeder, Elliot & Gregg, 2002). Ce dernier implique l‟utilisation de stratégies interpersonnelles portées davantage sur la tromperie, la manipulation et l‟exploitation (McHoskey, Worzel, & Szyarto, 1998). Un individu vivant de hauts niveaux de machiavélisme manifestera un manque d‟affects dans ses relations interpersonnelles, un désintéressement quant à la moralité conventionnelle et un engagement idéologique faible (Cristie, 1970). Kernberg (1984) soulignait d‟ailleurs l‟importance de différencier les divers comportements d‟exploitation et d‟en dégager leurs spécificités pour mieux saisir le niveau de sévérité de narcissisme pathologique présent soit celui de droit (harceler l‟autre, se servir de l‟autre) de celui considéré comme malveillant, malin ou vengeur. C‟est à travers le sous-type narcissique malin proposé par Kernberg (1988), puis repris par plusieurs autres théoriciens et chercheurs, qu‟on comprend davantage l‟importance de l‟agressivité et de l‟exploitation chez les TPN. Ce sous-type serait en effet caractérisé par deux modes d'expression distincts de l‟agressivité et/ou sadisme : celui dirigé vers soi et celui dirigé vers autrui. Ici, il est particulièrement intéressant de noter que de nombreuses problématiques cliniques à caractère para-suicidaire, suicidaire et homicidaire démontrent en effet des associations empiriques avec le narcissisme pathologique (Pincus et al., 2009). Enfin, mentionnons que Raskin et al. (1991) ont démontré que la présence de grandiosité et de domination sociale semble avoir un effet médiateur quant à la relation entre la personnalité narcissique, l‟hostilité et la colère. Ils en viennent à la conclusion que la grandiosité et la dominance sont en soi des composantes défensives permettant l‟expression de l‟hostilité et de la colère.

On devrait conséquemment retrouver de fortes associations entre le narcissisme pathologique et des mesures permettant de faire état d‟exploitation, de contrôle et de

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manipulation d‟autrui et de déficits dans la moralité (tels que dans les mesures de machiavélisme). Étant donné que la grandiosité et la dominance semblent être des composantes défensives fortement liées à ces dimensions, le phénotype de grandiosité devrait démontrer des associations plus fortes que le phénotype de vulnérabilité narcissique.

4-Mesures du narcissisme pathologique

Lors des sections précédentes, il a été possible de constater la richesse conceptuelle et théorique propre au construit du narcissisme. Il est maintenant opportun de s‟intéresser aux instruments de mesure disponibles actuellement pour évaluer le narcissisme pathologique, en portant une attention particulière à leur validité à la lumière des différents éléments présentés précédemment.

Il faut d‟abord noter qu‟un nombre important de mesures existe pour ce qui est du narcissisme pathologique. Si l‟on se fie à la recension de littérature effectuée par Pincus et Lukowitsky (2010), il est possible de classifier ces mesures en deux grandes catégories : celles permettant de mesurer le TPN tel que conceptualisé par le DSM-IV-R (instruments auto-rapportés, entrevues semi-structurées, techniques projectives et mesures d‟observation) et celles s‟intéressant également au narcissisme pathologique, mais n‟adoptant pas uniquement ou vraiment le point de vue du DSM-IV-R (échelles générales de la personnalité et mesures unidimensionnelles et multidimensionnelles auto-rapportées du narcissisme pathologique). Un résumé des principales mesures utilisées dans la littérature est présenté selon ces deux catégories en Annexe B.

Le PNI s‟inscrit dans la deuxième catégorie, soit les instruments de mesures ne se fiant pas exclusivement sur la typologie proposée par le DSM-IV-R, plus spécifiquement à la sous-catégorie des mesures multidimensionnelles auto-rapportées. Afin de permettre la validation du PNI, il nous est apparu plus que pertinent de s‟intéresser à l‟instrument de mesure multidimensionnel le plus utilisé dans la littérature, le Narcissistic Personality Inventory (NPI ; Raskin & Hall, 1979), dans le but de permettre un comparatif solide.

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23 Plusieurs autres mesures du narcissisme pathologique seront également présentées afin de servir de points de repère au PNI à savoir dans quel courant et en réponse à quoi il s‟insère. 4.1. Narcissistic Personality Inventory (NPI)

La contribution du Narcissistic Personality Inventory (NPI; Raskin & Hall, 1979)à la recherche sur le trouble de personnalité narcissique est indéniable étant donné le nombre important d‟études qui en font l‟emploi ainsi que les nombreuses études de validation réalisées sur cet outil (Cain et al., 2008). En effet, le NPI est la mesure la plus utilisée en recherche sur le narcissisme soit dans 77 % des cas (Rosario & White, 2005; Cain et al., 2008; Pincus et al., 2009). Cet instrument est une mesure auto-rapportée composée de 40 items pouvant être groupés en 7 facteurs (autorité, autosuffisance, supériorité, exhibitionnisme, exploitation, vanité et impression de dû).Toutefois, depuis les dernières années, la très grande prépondérance de son utilisation à travers la littérature paraît être de plus en plus remise en question. Ainsi, quatre considérations majeures semblent être soulevées au sein de la communauté scientifique. En premier lieu, une observation attentive du NPI révèle qu‟il ne semble couvrir qu'un seul phénotype du narcissique pathologique : le narcissisme grandiose. Ainsi, comme le rappellent Raskin et Hall (1981), la banque d'items composant le NPI se voulait initialement un reflet des critères du narcissisme pathologique du DSM-III, conceptualisation qui, comme présentée précédemment, pose en soit plusieurs problèmes. Il demeure donc incertain que l'échelle du NPI s'étende à un nombre suffisant de concepts pour être considérée comme une mesure complète du narcissisme pathologique. À cet effet, la littérature décrit le portrait type de l'individu cotant élevé au NPI comme étant manipulateur, réactif aux attentes non-satisfaites, résistant face à la rétroaction dissonante à une perception de soi positive et prompt à la valorisation de soi, à l'agressivité et à la domination dans ses relations (Bushman & Baumester, 1998; Morf, 2006; Paulhus & Williams, 2002). Une étude statistique rigoureuse menée par Kubarych, Deary et Austin (2004) propose la segmentation de la structure du NPI en 3 facteurs : le pouvoir, l'exhibitionnisme et le l'impression d'être une personne spéciale. Un tel découpage rend apparente une sous-représentation de certains critères diagnostics davantage liés au

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phénotype de vulnérabilité (p.ex. : le besoin excessif d'admiration, l'envie, le manque d'empathie et la honte). La récente interprétation de Cain et al. (2008) des résultats des diverses analyses des structures factorielles du NPI propose l‟équipe de chercheurs de Raskin et Terry (1988) comme étant la seule prête à affirmer la capacité du NPI à refléter adéquatement les critères documentés du narcissisme pathologique.

Également, en observant l‟ensemble des dimensions couvertes par le NPI, il est possible de réaliser que plusieurs, exception faite de la supériorité de droit et l‟exploitation d‟autrui, semblent cibler des traits adaptatifs pour l‟individu (Pincus et al., 2009). Plus précisément, de nombreuses études de corrélations portant sur diverses dimensions du NPI établissent une corrélation positive entre un score de NPI élevé et la présence de traits potentiellement adaptatifs chez l‟individu, tels qu‟une bonne l‟estime de soi et de la motivation à la réussite. Parallèlement, ces mêmes recherches indiquent une association négative entre un haut score au NPI et des traits non-adaptatifs tels que le névrotisme et la dépression (Rhodewalt & Morf, 1995; Watson, Little, Sawrie & Biderman, 1992). De tels liens ont également été observés avec d'autres dimensions du bien-être. Certains auteurs concluent donc que le NPI semble principalement être une mesure du narcissisme dans sa forme adaptative (Watson, Trumpter, O‟leary, Morris & Culhane, 2005-2006), essentiellement associé à un type « résilient » et « extraverti » de la pathologie plutôt qu‟une mesure pure du narcissisme pathologique (Brown & Zeigler-Hill, 2004; Campbell, Bosson, Goheen, Lakey & Kernis, 2007; Sedikides et al., 2004; Zeigler-Hill, 2006). Ainsi, bien que ces considérations ne fassent pas l'unanimité, elles soulèvent des enjeux importants quant à l‟interprétation actuelle des scores de NPI ainsi que sa validité à mesurer exclusivement le narcissisme pathologique.

Certaines limites psychométriques du NPI poussent également à se questionner quant à sa capacité à décrire l‟essentiel du narcissisme pathologique. Ainsi, les sous-échelles issues des tentatives de structuration factorielle du NPI étayées précédemment démontrent presque toutes un faible niveau de fiabilité, l‟utilisation du NPI se voyant conscrite à la seule interprétation de son score global (Del Rosario & White, 2005).

Références

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