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De poète à député : analyse de l'engagement civique de Gérald Godin

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De poète à député

Analyse de l’engagement civique de Gérald Godin

Mémoire

Martin Blais

Maîtrise en histoire

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Ce mémoire porte sur l’engagement civique du poète Gérald Godin durant les années précédant son entrée en politique lors des élections provinciales de 1976. Plus précisément, il aborde l’évolution de la trajectoire du poète entre le début de sa carrière journalistique et le moment de son élection. Entre son travail de journaliste et sa publication de nombreux recueils de poésie, Godin démontre une politisation croissante et continue. Les champs d’intérêt du poète passèrent alors des questions culturelles aux questions sociopolitiques. Sa trajectoire est également influencée par les débats de l’époque, notamment ceux sur la langue et le nationalisme québécois. D’autres évènements comme la Crise d’octobre ont eu une influence importante sur la pensée du poète.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 11

Les premiers pas dans les médias: de journaliste local à journaliste culturel (1958-1963) .. 11

Premier passage au journal Le Nouvelliste ... 11

Le journaliste culturel ... 13

Développement intellectuel et culturel ... 15

La question linguistique ... 17

Chansons très naïves ... 19

Premier passage à Montréal: Le Nouveau journal ... 20

Pour un théâtre populaire ... 21

Démocratisation des autres domaines culturels ... 25

Fermeture du journal ... 27

Retour à Trois-Rivières et second passage au Nouvelliste ... 27

Littérature et cinéma ... 28

Démocratisation et développement culturel ... 29

L’éducation ... 30

Questions socioéconomiques et politiques ... 31

Langue ... 32

Le joual en poésie : Poèmes et cantos et Nouveaux poèmes ... 34

Conclusion ... 36

Chapitre 2 ... 37

La prise de parole: entre journaliste et chroniqueur politique (1963-1969) ... 37

L’engagement au quotidien ... 37

Radio-Canada : la maîtrise du journalisme ... 38

Cité libre : une première prise de parole ... 40

Parti pris : une prise de position nationaliste... 45

Épisodes de l'engagement ... 64

Les Cantouques : une « poésie de la quotidienneté » ... 64

Fête du centenaire de la Confédération ... 66

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Défense des prisonniers politiques ... 69

Conclusion ... 70

Chapitre 3 ... 73

Les années pré-électorales: le journaliste engagé (1969-1976) ... 73

La crise d’Octobre : bifurcation de la trajectoire de Godin ... 73

L’engagement au quotidien ... 77

Québec-Presse : le journalisme engagé ... 77

Enseignement ... 98

La défense des prisonniers politiques ... 99

La revue Possibles ... 101

Épisodes de l’engagement ... 102

La Nuit de la poésie ... 103

Libertés surveillées ... 104

Le Groupe de recherche sur la souveraineté culturelle et le Tribunal de la culture ... 107

Conclusion ... 110

Conclusion ... 113

Bibliographie ... 117

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Liste des abréviations

CECO Commission d’enquête sur le crime organisé CIPP Comité d’information sur les prisonniers politiques FLQ Front de Libération du Québec

GRESC Groupe de recherche sur la souveraineté culturelle MAC Ministère des Affaires culturelles

MDPPQ Mouvement pour la défense des prisonniers politiques du Québec MLP Mouvement de libération populaire

ONF Office national du film OTJ Œuvre des terrains de jeu PSQ Parti socialiste du Québec

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur Martin Pâquet pour son encadrement et son appui tout au long de ces années. Sans ses précieux conseils, ce projet n’aurait jamais pu être mené à terme.

Ensuite, mes pensées vont à mes parents pour leur soutien constant. Je tiens également à remercier mon frère Jean-François qui a su me soutenir dans les moments plus difficiles. Je tiens finalement à remercier Rosalie, Ulysse, Marie-Laurence, Oliver, Sarah-Émilie et Pierre-Olivier pour leur appui et leur amitié.

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Introduction

« Par les coquerelles de parlement / Les crosseurs d’élections »1. C’est ainsi que Gérald

Godin présentait de manière virulente le pouvoir politique québécois au début d’un poème diffusé en 1970 et qui fut publié au cours de l’année 1975. Cette conception du monde politique ne l’empêcha cependant pas de se présenter l’année suivante comme candidat pour le Parti québécois lors des élections provinciales et de les remporter.

Comment comprendre les contradictions apparentes de sa trajectoire ? Le poète naît en 1938 à Trois-Rivières, ville industrielle de la Mauricie. Son père étant médecin, Gérald Godin grandit dans une famille de la petite bourgeoisie trifluvienne. Il reçoit une éducation classique alors qu’il étudie au Séminaire de Trois-Rivières. Il est rapidement mis en contact avec le monde culturel. En effet, son père compose de la poésie et c’est lui qui est chargé de taper ses poèmes à la machine. Durant sa jeunesse il fréquente également l’atelier du Bien Public à Trois-Rivières. Il y rencontre notamment Clément Marchand, le directeur du journal et de la maison d’édition et qui est lui-même poète. Il y fait aussi la connaissance d’autres poètes de l’époque qui viennent fréquenter les locaux de la maison d’édition. C’est notamment le cas d’Alphonse Piché, poète trifluvien. Godin s’initie également à la peinture alors qu’il suit des cours à l’atelier de Jordi Bonet, artiste d’origine catalane qui installe son atelier à Trois-Rivières au cours de l’année 1954. Le jeune trifluvien découvre également le théâtre alors qu’il fréquente le Séminaire de Trois-Rivières.

Gérald Godin est aussi mis assez rapidement en contact avec le monde politique. En effet, la maison familiale des Godin est située entre la résidence du premier ministre Maurice Duplessis et l’évêché de Trois-Rivières, dont l’évêque de l’époque est Mgr Georges-Léon Pelletier. Ces deux personnes sont alors les deux pôles les plus importants dans la ville de Trois-Rivières. La mère de Godin s’intéresse elle-même à la politique alors que son père était un ancien organisateur libéral. La jeunesse de Godin est donc déjà influencée par la culture et la politique, deux clés indispensables pour comprendre la trajectoire du poète.

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Au sortir du séminaire, Gérald Godin entame une longue carrière journalistique qui dure jusqu'à son élection en 1976. À ce titre, il participa aux changements culturels et politiques qui surviennent au Québec durant les années 1960 et 1970. Il en fut à la fois acteur et observateur. C’est sur cette partie de la vie de Godin que le présent mémoire portera. Nous nous concentrerons ainsi sur la période allant de 1958, année où Gérald Godin sort du Séminaire de Trois-Rivières et débute sa carrière de journaliste au journal Le Nouvelliste jusqu’à 1976, moment où il devient député de la circonscription de Mercier pour le Parti québécois. Cette période est une période charnière pour Godin puisque celui-ci se joint à divers réseaux d’artistes et d'intellectuels engagés. Au cours de ces années, il développe une conception idéologique du monde politique et de l’engagement civique sous l’effet de ces réseaux et des divers évènements y survenant. Parmi ces derniers, mentionnons l’événement charnière de la crise d’Octobre 1970 et de son emprisonnement à la suite de l’imposition de la Loi des mesures de guerre. Cet événement, et d’autres encore, ont eu une influence certaine sur la trajectoire de Gérald Godin.

Historiographie

Certaines études ont déjà traité de Gérald Godin. C’est notamment le cas de l’ouvrage dirigé par Lucille Beaudry, Robert Comeau et Guy Lachapelle, Gérald Godin, un poète en

politique2. Ce recueil collectif présente sommairement plusieurs éléments de la carrière de

Godin, les auteurs de l’ouvrage l’ayant connu et fréquenté. Ce recueil est l’ouvrage le plus complet qui existe présentement sur Gérald Godin même s’il demeure sommaire et qu’il vise principalement à fournir une vue d’ensemble sur Godin. Son frère, Guy Godin y présente l’enfance du poète et son passage à Trois-Rivières. Ce chapitre demeure pertinent pour comprendre les influences du poète. Certains auteurs présentent également le travail de Godin en tant que journaliste. Mentionnons les chapitres d’André Béliveau qui présente une vue d’ensemble de sa carrière journalistique, d’Émile Boudreau et de Louis Fournier

2 Lucille Beaudry et al. (dir.), Gérald Godin, un poète en politique, Montréal, Éditions de l'Hexagone, 2000,

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3 qui se concentrent sur sa participation au journal Québec-Presse3. D’autres auteurs ayant

contribué à l’ouvrage se sont davantage concentrés sur sa poésie. C’est le cas de Jean Royer qui s’intéresse notamment aux influences de la poésie de Godin4. André Marquis

s’intéresse également à cette facette de la vie de Godin alors qu’il aborde l’influence de la Crise d’octobre sur sa poésie5.

D’autres ouvrages se penchent principalement sur deux aspects de la carrière de Gérald Godin, soit sa participation à Parti pris et sa poésie. Ainsi, Malcolm Reid s’est intéressé aux membres de Parti pris dans Notre parti est pris. Un jeune reporter chez les écrivains

révolutionnaires du Québec, 1963-19706. Celui-ci aborde ainsi les idéologies des

partipristes dont faisait partie Godin. Il traite également de son travail en temps que responsable de la maison d’édition associée à la revue. Un autre ouvrage se penche sur les auteurs de Parti pris, soit la thèse en littérature de Maurice Arguin, La société québécoise

et sa langue jugée par cinq écrivains de "Parti pris"7. L’étude se concentre ainsi sur les

débats sur la langue à l’intérieur de la revue. Le politologue André Bélanger a aussi étudié l’idéologie de la revue Parti pris dans Ruptures et constantes : quatre idéologies du

Québec en éclatement : la Relève, la JEC, Cité libre, Parti pris8. Celui-ci effectue ainsi une

comparaison avec les idéologies de ces autres revues au cours de cette même période. Les sociologues Stéphanie Angers et Gérard Fabre ont également étudié plusieurs de ses revues dans Échanges intellectuels entre la France et le Québec 1930-2000 : les réseaux de la

revue Esprit avec La Relève, Cité libre, Parti pris et Possibles9. Cet ouvrage aborde les

idéologies et les réseaux de personnes à l’intérieur de ces revues. D’anciens membres de la

3 André Béliveau, «Le journaliste que j’ai connu»; Émile Boudreau, «L’Homme de Québec-Presse

(1969-1974)» Louis Fournier, «La mort de Québec-Presse», dans Lucille Beaudry et al. (dir.), Gérald Godin, un

poète en politique, Montréal, Éditions de l'Hexagone, 2000, 151 pages.

4 Jean Royer, « Le Poète piéton », dans Lucille Beaudry et al. (dir.), Gérald Godin, un poète en politique,

Montréal, Éditions de l'Hexagone, 2000, p. 25.

5 André Marquis, « La poésie prend le pouvoir », dans Lucille Beaudry et al. (dir.), Gérald Godin, un poète en politique, Montréal, Éditions de l'Hexagone, 2000, p. 25.

6 Malcolm Reid, Notre parti est pris : un jeune reporter chez les écrivains révolutionnaires du Québec, 1963-1970, Québec, Presses de l'Université Laval, 2009, 344 pages.

7 Maurice Arguin, La société québécoise et sa langue jugée par cinq écrivains de "Parti pris", Thèse de doctorat. Québec, Université Laval, 1970, 191 pages.

8 André Bélanger, Ruptures et constantes : quatre idéologies du Québec en éclatement : la Relève, la JEC, Cité libre, Parti pris, Montréal, Hurtubise HMH, 1977, 219 pages.

9 Stéphanie Angers et Gérard Fabre, Échanges intellectuels entre la France et le Québec 1930-2000 : les réseaux de la revue Esprit avec La Relève, Cité libre, Parti pris et Possibles. Québec, Presses de l'Université

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revue ont également écrit certains ouvrages sur l’idéologie de Parti pris. On peut notamment mentionner les ouvrages de Paul Chamberland10 et de Jean-Marc Piotte11.

Au-delà des ouvrages et articles concernant la revue Parti pris, la question linguistique a été abordée par un certain nombre d’auteurs. Ainsi, Karim Larose dans son ouvrage La

langue de papier. Spéculations linguistiques au Québec (1957-1977)12 présente l’évolution

des positions linguistiques chez Gérald Godin comme un processus à l’origine de la politisation du poète. C’est également sous cet angle que la poésie de Godin a été la plus souvent analysée même si sa production littéraire demeure moins traitée que celle d’autres poètes de l’époque comme Gaston Miron ou Paul Chamberland. La question de l’utilisation du joual est au cœur des études portant sur sa poésie. André Gervais a ainsi analysé les «cantouques» de Godin en publiant un glossaire des différents termes en joual utilisés par l’auteur13. Le joual semble en effet être un élément central pour comprendre à la fois la

poésie et l’idéologie de Godin. À cet effet, soulignons l’ouvrage d’André Gervais sur l’utilisation du joual, les mentions dans la synthèse de Marcel Martel et Martin Pâquet ainsi que l’article d’Annick Farina14. André Gervais, d’ailleurs, présente le joual comme un

élément caractéristique de cette période. Alex Maugey s’est également intéressé à la poésie de Godin15.

Cependant, aucune étude ne cerne Gérald Godin sur le plan de son engagement civique16,

en étudiant à la fois sa poésie et ses écrits journalistiques. Or, il semble que l’engagement

10 Paul Chamberland, Un parti pris anthropologique, Montréal, Éditions Parti pris, 1983, 325 pages. 11 Jean-Marc Piotte, Un parti pris politique. Essais, Montréal, VLB Éditeur, 1979, 254 pages.

12 Karim Larose, La langue de papier. Spéculations linguistiques au Québec (1957-1977), Montréal, Presses

de l’Université de Montréal, 2004, 451 pages.

13 André Gervais, Petit glossaire des "cantouques" de Gérald Godin ; suivi de Deux "cantouques" retrouvés,

Québec, Éditions Nota bene, 2000, 168 pages.

14 André Gervais, Emblématiques de l'"époque du joual" : Jacques Renaud, Gérald Godin, Michel Tremblay, Yvon Deschamps, Outremont, Éd. Lanctôt, 2000, 194 pages ; Marcel Martel et Martin Pâquet, Langue et politique au Canada et au Québec. Une synthèse historique, Montréal, Boréal, 2010, p. 131-132 ; Annick

Farina, « Lingua e identità : il dilemma del joual durante la “Rivoluzione tranquilla” », Rivista di Studi

canadesi, no 20 (2007), p. 105-111.

15 MAUGEY, Alex, La poésie moderne québécoise : poésie et société au Québec, 1937-1970, introduction 1970-1989, Montréal, Humanitas-Nouvelle optique, 1989, 280 pages.

16 Dans une étude sur l’engagement civique des jeunes réalisé pour la Bibliothèque du Parlement du Canada,

Marion Ménard présentait l’engagement civique comme étant « le résultat de l’acquisition de comportements et d’attitudes qui expriment une volonté affirmée des citoyens de s’impliquer dans leur société ou leur communauté, et ce, dans le respect des principes démocratiques » (Ménard, 2010). Heloiza Matos, professeur

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5 culturel de Godin soit indissociable de son engagement politique à la fois par les thèmes et par les moyens. Il utilisait ainsi autant ses articles que ses poèmes pour transmettre ses opinions.

Problématique et hypothèse

À partir de cet état de la recherche nous analyserons ainsi la trajectoire de Gérald Godin au cours des années 1958 à 1976 dans le but de bien comprendre son engagement civique et de voir ce qu’il peut nous apprendre sur le Québec contemporain. En effet, Godin débute sa carrière en écrivant des chroniques culturelles dans le journal Le Nouvelliste de Trois-Rivières, mais commence rapidement à s’engager dans différentes causes au sein de la société québécoise. À partir de cette problématique initiale, il convient donc de se demander quelles sont les influences de Godin durant cette période et qui l’incitent à vouloir faire de la politique active comme parlementaire. Nous pouvons aussi nous demander quels ont été les évènements ayant eu un impact sur sa trajectoire et sur son idéologie. En effet, nous tenterons d’analyser les motivations de Godin à s’engager publiquement et au sein de différents groupes d’intellectuels ou d’artistes. Du même coup, cela nous permettra d’analyser certaines des idéologies17 présentes au Québec durant cette

période. En effet, certaines tendances de gauche et nationalistes prennent de l’importance dans le Québec de cette période : Godin s’y engage à travers sa carrière de journaliste et de poète. Nous aborderons ainsi les réseaux entourant Godin. Ce sera ainsi le cas de groupes comme Parti pris ou Québec-Presse qui sont au cœur de réseaux de personnes défendant des principes et des valeurs communs. Cela nous incitera inévitablement à toucher à des débats sociaux de l’époque comme la question linguistique, débat qui occupe une place

de communication politique à l’Université de São Paulo, affirme que l’engagement civique doit être compris dans «une conception liée aux actions visant le bien-être de la communauté» (Matos, 2008). Selon celle-ci l’engagement civique se fait à la fois par une participation formelle à des groupes organisés, mais également par une prise de parole sur une question publique au sein de réseaux ou de la collectivité.

17 Dans son ouvrage Introduction à la sociologie générale, le sociologue Guy Rocher définit le concept

d’idéologie comme étant «un système d'idées et de jugements, explicite et généralement organisé, qui sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d'un groupe ou d'une collectivité et qui, s'inspirant largement de valeurs, propose une orientation précise à l'action historique de ce groupe ou de cette

collectivité». ; Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale, Tome 1 :l'action sociale, Montréal, HMH, 1968, p. 127.

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essentielle dans l’idéologie de Godin. Ces débats permettent ainsi d'apporter un éclairage important sur ses actions.

Nous posons donc comme hypothèse de travail les éléments suivants. Bien que singulière, la trajectoire de Gérald Godin témoignerait d’une politisation croissante qui en fait un intellectuel engagé. D’abord homme du culturel s’activant dans une région relativement périphérique, Godin deviendrait un homme du politique par son engagement militant croissant dans des causes nationalistes. Sa trajectoire bifurquerait à des moments clefs : celui de son départ pour Montréal et son intégration au réseau de Parti pris en 1963, celui de sa rencontre avec Pauline Julien et de sa prise de conscience de l’enjeu linguistique au cours des années 1963-1968, celui de son emprisonnement au moment de la Crise d’octobre 1970 et de sa participation à Québec-Presse. Ces trois moments dans sa trajectoire accélèreraient sa politisation, notamment en alimentant sa conception du Québec comme société colonisée de l’intérieur et de l’extérieur. Ce faisant, son engagement civique se manifesterait par une quête de plus en plus active de l’émancipation culturelle et politique.

Présentation et justification du corpus de sources

Notre corpus se compose en premier lieu des articles de journaux et de périodiques que Gérald Godin a publiés tout au long de la période. Nous avons donc recensé les articles écrits pour Le Nouvelliste, le Nouveau journal, Cité libre, Parti pris et Québec-Presse. L’étude de ces articles permet d’observer l’évolution des champs d’intérêt du journaliste. Nous avons cependant laissé volontairement de côté certains éléments lors de notre analyse. C’est notamment le cas de sa participation à certains périodiques : le Magasine Maclean et la revue Sentier Chasse Pêche. Sa participation à ceux-ci nous paraît moins essentielle à l’analyse de la trajectoire idéologique de l’auteur. Dans le cas du Magasine Maclean, le choix est dû au fait qu’il s’agit principalement d’entrevues et que celles-ci nous semblent moins essentielles à notre analyse. Il faut également mentionner que certains des articles écrits durant cette période ne sont pas signés. Ainsi, étant donné qu’il nous est impossible de les recenser, nous avons dû nous concentrer sur ses articles signés.

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7 Notre étude aborde également les cinq recueils de poésie que Gérald Godin publie durant cette période: Chansons très naïves (1960), Poèmes et cantos (1962), Nouveaux poèmes (1963), Les Cantouques (1966) et Libertés surveillées (1975). L’utilisation de ces recueils est intéressante, car elle permet de constater l’impact de l’engagement et de l’idéologie de Godin sur sa poésie. Ses poèmes deviennent ainsi des représentations de sa trajectoire. D’autres sources secondaires viendront compléter notre corpus. Il s’agit principalement de correspondances. Tout d’abord, certaines de ces correspondances avec Pauline Julien ont été rassemblées par Pascale Galipeau, la fille de Pauline Julien, dans le recueil La renarde

et le mal peigné : fragments de correspondance amoureuse, 1962-199318. Le recueil

présente plusieurs lettres échangées entre ce couple entre 1962 et 1993. Certaines d’entre elles permettent de comprendre l’évolution des relations de Godin et de voir les groupes que Gérald Godin intègre au cours de la période. D’autres sources provenant du Centre d’archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec dans le fonds Gérald-Godin (MSS464) et du fonds Gérald-Godin du Service des archives et de gestion des documents de l’Université du Québec à Montréal (81P) ont également été consultées. C’est notamment le cas de documents concernant son implication au sein du Tribunal de la culture au début des années 1970. On y retrouve également des éléments concernant des causes sociales, communautaires et politiques soutenues par Gérald Godin durant la période précédant son élection comme député en 1976. Ces archives se sont avérées essentielles pour comprendre le travail de Godin à Radio-Canada. D’autres documents comme des entrevues radiophoniques, télévisuelles ou encore écrites sont également disponibles. Ces archives peuvent ainsi permettre de bien comprendre les causes soutenues par Godin et les motivations qui l’amènent à s’engager dans celles-ci. Les entrevues peuvent nous aider à mieux cerner les origines sociales de Godin. Certaines de ces entrevues pour Radio-Canada sont conservées au Centre d’archives Gaston-Miron de l’Université de Montréal. Finalement, certains documents audiovisuels ont également été employés. On peut notamment parler du documentaire La Nuit de la Poésie de Claude Labrecque et

18 Pauline Julien et Gérald Godin, La renarde et le mal peigné : fragments de correspondance amoureuse, 1962-1993, Montréal, Leméac, 2009, 178 pages.

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Pierre Masse. Ce film a également été utilisé dans la perspective de bien comprendre la participation du poète à cet évènement.

Méthodologie

Notre méthodologie se déploie en plusieurs étapes en fonction du type de sources. En effet, l’analyse des articles écrits par Gérald Godin s’est faite grâce à une méthode d’analyse de contenu. Par la suite, nous avons abordé la poésie de Godin en considérant le langage employé, les thèmes, le style et les maisons d’édition choisies pour la publication de ses recueils. Nous nous sommes également intéressés au contexte de production de ses oeuvres. Ainsi, en premier lieu, nous avons analysé les nombreux articles écrits par Gérald Godin. Le contenu de chaque article a été pris en considération selon une méthode d’analyse du contenu à partir d’une grille conçue au préalable. Nous avons ainsi pu faire ressortir les occurrences les plus fréquentes et les plus pertinentes à notre analyse. Cela nous a permis d’observer les éléments de son idéologie qui ressortent au fur et à mesure que la période avance.

Par la suite, nous avons étudié également les journaux et périodiques dans lesquels Gérald Godin écrivait ses articles. Cela sert à nous donner de l’information sur leur contexte de production. Nous nous intéressons ainsi à la culture politique qui influence ces différents médias. Cela nous permet de mieux comprendre les thématiques traitées par Godin et ses motivations, notamment sa volonté de travailler pour ceux-ci. Par exemple, en cernant les objectifs des journaux et des périodiques comme Québec-Presse ou Parti pris, nous obtenons des éléments d’information essentiels pour bien comprendre le but poursuivi par Godin à travers ses articles. Nous avons également regardé quels sont les autres auteurs publiant dans ces journaux. Ces différents réseaux peuvent nous aider à comprendre les mutations de la trajectoire de Gérald Godin, entre autres pour en saisir les influences, mais également pour comprendre les différents débats au sein de ces groupes. Il est également important de mentionner que nous ne retenons pas une méthode d’analyse de presse. En

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9 effet, dans le cadre de notre étude, il est plus intéressant de se concentrer sur l’analyse du contenu des articles de Godin.

Ensuite, l’étude des poèmes s’opère également en quelques étapes, permettant ainsi d’analyser le contenu et le contexte de production. Dans le cas de Gérald Godin, il semble tout d’abord intéressant d’aborder le rapport à la langue dans sa poésie. Nous avons ainsi étudié le type de langage employé par Godin dans ses différents recueils. Cela nous permet de voir l’évolution de cette langue dans ses poèmes. Il convient en premier lieu de s’attarder à l’utilisation du joual et du langage populaire dans ses textes, notamment à partir du moment où il écrit dans Parti pris et qu’il devient directeur de la maison d’édition du même nom. Cela peut également nous inciter à considérer le style de poésie employé par l’auteur. En effet, le style de poésie employé par Godin nous donne des informations sur ses intentions et particulièrement sur le public qu’il vise à rejoindre. Ensuite, nous avons cerné les diverses thématiques abordées par le poète. Nous avons ainsi pu observer l’évolution entre les différents recueils que Godin écrit durant cette période. Il est donc pertinent de regarder l’inscription de questions politiques et sociales dans son œuvre. Ces éléments permettent de bien connaître les objectifs et le public cible de Godin et, ce faisant, de bien comprendre la place de la littérature dans l’engagement de l’auteur. Cette méthode d’analyse se rapproche de celle des autres chercheurs s’étant intéressés à la poésie de Godin, à l’instar d’André Gervais19 ou encore de Pierre Chatillon20. Ce dernier juge

important de mettre l’accent sur l’utilisation de la langue dans le cadre des études sur la poésie de Godin. Cette caractéristique langagière semble également être un élément central caractérisant l’étude de la littérature de cette période. En effet, la littéraire Lise Gauvin considère que la littérature québécoise a toujours été placée au cœur d’un débat sur la langue. Celle-ci devient ainsi un catalyseur de certaines idéologies ou courants de pensée qui se reflètent alors dans la littérature québécoise. Cette étude nous permettrait donc de faire ressortir ces débats et idéologies.

19 André Gervais, Emblématiques de l'"époque du joual" : Jacques Renaud, Gérald Godin, Michel Tremblay, Yvon Deschamps, Outremont, Lanctôt, 2000, p. 87.

20 Pierre Chatillon. Le mal-né : seize études sur la poésie québécoise. Sainte-Foy, Presses de l'Université du

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Sur le plan de la production de l’œuvre poétique, il est également intéressant d’analyser les prises de position de maisons d’édition dans lesquelles Gérald Godin publie ses poèmes. En effet, les orientations politiques de ces maisons d’édition peuvent nous donner des explications sur le choix de ces entreprises ou encore sur les thématiques abordées par Godin. Cela peut aussi nous donner de l’information sur le contexte social et d’écriture. Cette analyse nous permet également d’obtenir des renseignements sur les réseaux littéraires proches de Godin. Dès lors, nous pourrons ainsi voir comment Godin agissait en tant qu’acteur au sein de ses groupes. Cela permettra ainsi de regarder dans quel courant littéraire et poétique s’inscrit Godin. Le fait d’analyser ces différents courants peut nous donner de l’information supplémentaire sur les influences culturelles et politiques de Godin et sur ses objectifs littéraires. L’étude des maisons d’édition, en particulier celle des Éditions Parti pris, est également pertinente en raison du fait que Gérald Godin en fut le directeur durant de nombreuses années. Celui-ci a ainsi eu de l’influence sur cette maison d’édition étant à l’origine de certaines orientations plus politiques de celle-ci. En ce sens, nous rejoignons les méthodes de la sociologie de la littérature alors que nous tentons de remettre l’auteur dans son contexte social, mais également littéraire21.

Plan du mémoire

Pour bien comprendre l’évolution de la trajectoire du poète, nous utiliserons un plan chronologique. Nous diviserons ainsi la période étudiée en 3 sous-périodes. La première allant de 1958 à 1963 représente les débuts de la carrière de journaliste ainsi que la publication des trois premiers recueils. Gérald Godin y découvre le monde des médias et entame progressivement une réflexion sur la langue et sur certaines questions sociopolitiques. La seconde période couvre les années allant de 1963 à 1969. Durant cette période, Godin retourne à Montréal et entame une véritable prise de parole sur les questions politiques. La troisième et dernière période de notre étude couvrira les années allant de 1969 à 1976, année de son entrée en politique au sein du Parti québécois. Cette période est une période d’engagement constant pour Godin qui investie de nombreuses tribunes pour défendre les idées qu’il a développées lors des deux périodes précédentes.

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Chapitre 1

Les premiers pas dans les médias: de journaliste local à

journaliste culturel (1958-1963)

Un art, une langue ne sont pas des constructions fortuites : ils sont à la fois l’aveu et le rêve de tout un peuple, c’est-à-dire son chant. -Marcel Arland La première période de notre étude qui s’étend de l’arrivée de Gérald Godin au sein de l’équipe du Nouvelliste en 1958 jusqu’à son départ définitif de la ville de Trois-Rivières en 1963 est caractérisée par les premiers pas du jeune trifluvien dans le monde journalistique. En effet, il entre au service du journal local d’abord à titre de correcteur et ensuite comme membre de l’équipe de rédaction. Bien que dans un premier temps attitré aux faits divers, il se spécialise assez rapidement sur les questions culturelles. Spécialisation qu’il continue de développer alors qu’il se joint à l’équipe du Nouveau journal de Montréal lors de son premier passage dans la métropole et lors de son second passage au sein du Nouvelliste. Tout au long de la période, Godin démontre un engagement constant pour le développement culturel et intellectuel de la société. Puis, progressivement, il développe un intérêt de plus en plus perceptible pour les questions socioéconomiques et politiques. Cette politisation est grandement influencée par son intérêt pour la question linguistique qui évolue également tout au long de la période.

Premier passage au journal Le Nouvelliste

C’est à titre de correcteur d’épreuves que Gérald Godin entre au service du Nouvelliste en février 195822. Godin cherche alors à accumuler suffisamment d’argent pour pouvoir

entreprendre des études de peinture à l’École des beaux-arts de Montréal. Il ne vise donc qu’un emploi temporaire lorsque Jacques Keable lui propose de prendre sa place en tant que correcteur.

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Fondé en 1920 par Joseph Herman Fortier et situé à Trois-Rivières, ce journal possède une vocation principalement régionale alors qu’il couvre l’actualité de la Mauricie et du Centre du Québec23. Cependant, bien que situé dans la métropole régionale, le journal démontre

également un intérêt pour les questions nationales et internationales alors qu’il couvre les grands sujets d’actualité. Lorsque Gérald Godin travaille au journal durant les années 1950 et 1960, celui-ci est en période d’expansion et parvient même à concurrencer Le Soleil et La

Tribune sur leur territoire24. Selon Benoît Roy, ancien journaliste et collègue de Godin, le

journal devient une véritable pépinière à journalistes durant cette période alors qu’il forme un grand nombre de jeunes qui iront par la suite travailler pour d’autres médias25. Godin

fait partie de ce nombre.

Ainsi, bien que se voulant à l’origine temporaire, son embauche au Nouvelliste deviendra pour Gérald Godin le début d’une longue carrière journalistique. En effet, au sein de ce quotidien, le jeune trifluvien entame une carrière dans les médias qui se déroula de manière continue jusqu’en 1976. Celui-ci se montre rapidement intéressé par l’équipe de rédaction et son passage définitif vers celle-ci se fera d’une manière progressive. Ainsi, le 5 mai 1958 Godin publie un premier article non signé au sein du journal26. Il faut cependant attendre

près d’un mois pour que Godin y signe un premier article, le 27 mai 195827, un geste qu’il

fera plusieurs centaines de fois au sein de ce journal durant les deux périodes où il y travaille. Godin lui-même affirme devoir écrire un grand nombre d’articles chaque semaine28.

Les débuts de Gérald Godin l’amènent à toucher principalement aux questions touchant l’actualité locale et les faits divers. Ainsi, ses premiers articles traitent de sujets tels que la programmation du Festival des fleurs à Trois-Rivières ou encore la tenue d’un congrès

23 André Beaulieu et al., La Presse Québécoise des origines à nos jours: Tome Sixième 1920-1934,

Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1984, p. 17.

24 Ibid., p. 21.

25 Benoît Roy, « De 1956 à 1966 » dans Le Nouvelliste : 75 ans de vie régionale : 1920-1995, Trois-Rivières,

ARALN, 1995. p. 239.

26 Gérald Godin, Écrits et Parlés 1: Tome 2. Le Politique, Montréal, Éditions de l’Hexagone, p. 292. 27 Ibid.

28 André Béliveau, «Le Journaliste que j’ai connu» dans Lucille Beaudry et al., Gérald Godin: un poète en politique, Montréal. Éditions de l’Hexagone, 2000, p. 59.

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13 eucharistique dans la région. Ses intérêts pour les questions culturelles amènent cependant rapidement les dirigeants du journal à lui confier une nouvelle affectation comme journaliste culturel.

Le journaliste culturel

Gérald Godin devient donc une des références du journal sur les questions culturelles. Cela atteint son point culminant lorsqu’il devient le premier directeur de la nouvelle page littéraire du journal à partir de janvier 195929. Le titre que prend cette section du quotidien à

partir du mois d’avril 1959 est révélateur des orientations de son directeur en matière littéraire : Les lettres en Mauricie... et ailleurs. En effet, les questions traitées dans cette page toucheront tant aux auteurs originaires de la Mauricie que d’ailleurs au Québec ou dans le monde. La page se veut une présentation des principaux sujets liés à l’actualité littéraire de l’époque.

En raison de la fondation de cette page, un grand nombre d’articles que Gérald Godin écrit pour le Nouvelliste toucheront aux questions littéraires. Il présente ainsi l’actualité littéraire notamment en faisant la recension des livres à paraître ou encore les nouveautés disponibles dans les différentes librairies trifluviennes. La majorité des auteurs que Godin aborde à l’intérieur du journal sont d’origine soit québécoise ou française. Cela peut être dû à l’importance de l’édition française au Québec, une situation que Godin dénoncera plusieurs années plus tard alors qu’il participe aux délibérations du Tribunal de la culture. Selon Frédéric Brisson, près de 80% de ventes de livres au Québec sont occupées par le livre français durant les années 195030. Étant donné qu’il présente notamment les nouveaux

livres disponibles dans les différentes librairies trifluviennes, il n’est donc pas surprenant que cette importance du livre français se répercute sur le travail de Godin.

Le journaliste donne finalement lui-même un élément de justification à la place majeure des auteurs français alors qu’il affirme l’importance de la littérature et de la vie intellectuelle

29 Gérald Godin, Écrits et Parlés 1: Tome 2. Le Politique, Montréal, Éditions de l’Hexagone, p. 292. 30 Frédéric Brisson, Le Pieuvre verte: Hachette et le Québec depuis 1950, Montréal, Leméac, 2012, p. 15.

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françaises durant cette période. Ainsi, dans un article du 14 février 1959, il affirme : « La littérature française précède d’environ quarante ans toutes les autres littératures du monde. Aux USA, par exemple, la Beat Generation, dirigée par Jack Kerouac, un Canadien français, et Allan Ginsberg, n’est qu’une pâle imitation et un mélange de Dadaïsme et du Sartrisme du début du siècle »31. Un peu plus de deux mois plus tard, dans un autre article,

il réitérera cette idée lorsqu’il affirmera que : « La littérature française est vraiment loin en avant de toutes les autres littératures du monde. En Angleterre, les “Angry Young Men”, aux USA, les “Beatniks”, en Pologne, les “Houligans” et en URSS les “Stillaquis”, ne font que reprendre les thèmes, la violence, les révoltes des jeunes écrivains français des après-guerres »32. Il est donc clair que Gérald Godin accorde une grande importance à la

littérature française qu’il considère comme à l’avant-garde des mouvements culturels et intellectuels à travers le monde. Cela montre donc en bonne partie l’importance de la présence de cette littérature dans les articles écrits par Godin.

La poésie occupe également une place privilégiée au sein du journal. La page littéraire présente fréquemment des poèmes à ses lecteurs. Gérald Godin y effectue aussi des critiques des différents recueils qui paraissent. Le journaliste va jusqu’à effectuer une auto-entrevue à la suite de sa victoire aux prix Regain33. Dans cet article, Godin se présente

lui-même comme étant d’origine bourgeoise. Il présente alors son passage au séminaire d’une manière très critique qualifiant les professeurs de « princes » en dénonçant leur côté arbitraire34.

D’un point de vue culturel, les articles touchent également le théâtre, la peinture et la chanson. Ainsi, Gérald Godin est fréquemment appelé à assister aux évènements culturels se déroulant à Trois-Rivières. Plusieurs articles rédigés par Godin sont donc des critiques de ces manifestations. On le voit aussi couvrir un concours de peinture où il est lui-même

31 Gérald Godin, «La Vie des lettres», Le Nouvelliste, 14 février 1959, p. 9. 32 Gérald Godin, «La Vie des lettres», Le Nouvelliste, 18 avril 1959, p. 14.

33 Gérald Godin, «Confession d’un jeune bourgeois : une auto-entrevue», Le Nouvelliste, 25 mars 1961, p. 5. 34 Ibid.

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15 concurrent35. En effet, en plus d’agir à titre de critique culturel, Godin continue de pratiquer

la poésie, le théâtre et la peinture durant cette période.

Développement intellectuel et culturel

À travers plusieurs de ces articles tant sur la culture que sur l’actualité trifluvienne, Gérald Godin aborde la question du développement intellectuel et culturel de ses concitoyens trifluviens. Par exemple, pour l’auteur le développement de la bibliothèque se présente comme quelque chose d’essentiel pour la ville de Trois-Rivières et ses habitants. Il affirme notamment, en parlant de la bibliothèque des jeunes, que « le but de ce service est de faire pénétrer le livre dans toutes les écoles, le goût de la lecture, gage d’une culture profonde et d’un bon jugement »36. Godin prône ainsi le recours au domaine culturel et à la littérature

dans le but d’encourager le développement intellectuel de la jeunesse. Il réitère aussi l’importance de la bibliothèque quelques jours plus tard en affirmant : « Toutes les tares profondes dont souffre notre bibliothèque des Adultes ont une cause unique : le désintéressement presque total de nos édiles pour la bibliothèque, ce temple nécessaire à la culture et à la formation complète de nos citoyens »37. Ainsi, tout en reconnaissant le rôle

essentiel joué par la bibliothèque municipale, l’auteur déplore son sous-financement qui l’empêche de jouer pleinement son rôle. Il fait la même constatation en parlant de la bibliothèque des jeunes :

La bibliothèque des Jeunes si elle est en très bonne santé souffre quand même de petites affections. Elle souffre entre autres des mêmes problèmes que toutes les bibliothèques de la ville: manque d’espace et de personnel faute d’un local central adéquat et d’octroi suffisant. La bibliothèque des Jeunes doit fermer ses portes plusieurs jours par semaine et ainsi priver ses jeunes abonnés de nourriture intellectuelle.38

35 Gérald Godin, «Le niveau des envois à la section des arts atteint un nouveau sommet», Le Nouvelliste, 14

août 1958, p. 3.

36 Gérald Godin, « La bibliothèque des Jeunes est le rendez-vous de l’élite de demain!», Le Nouvelliste, 26

juillet 1958, p. 12.

37 Gérald Godin, « La grande pitié de notre Bibliothèque des Adultes», Le Nouvelliste, 6 août 1958, p. 12. 38 Gérald Godin, « La bibliothèque des Jeunes est le rendez-vous de l’élite de demain!», Le Nouvelliste, 26

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Gérald Godin dénonce donc le peu de moyens alloués au service de la bibliothèque par la ville de Trois-Rivières. Il reproche aux dirigeants de la ville de s’en désintéresser et d’être responsables de ce budget « nettement insuffisant »39. Ainsi, à de nombreuses reprises, il

émet le souhait de voir cette institution être dotée d’un local et d’un budget adéquats. L’auteur présente les bibliothèques comme des lieux incontournables dans la vie culturelle trifluvienne.

C’est également dans la perspective de voir la culture accessible à un plus grand nombre de personnes que le journaliste défend le développement des autres institutions culturelles trifluviennes. Il se positionne notamment en faveur d’un accroissement des budgets qui leur sont alloués : « L’argent qu’on place sur les chevaux pourrait servir à l’éducation et à la culture de la population de notre ville. Les courses de chevaux serviraient enfin à quelque chose de valable »40. Ainsi, tout en remettant en cause certaines des attributions financières,

il appelle aussi à augmenter celles attribuées à la culture et à l’éducation, deux domaines qui, pour lui, sont intimement liés.

En effet, l’auteur considère la culture comme essentielle au développement intellectuel et à l’éducation des jeunes. C’est notamment le cas du théâtre. Ainsi, en décrivant une initiative de l’Œuvre des terrains de jeu (OTJ), il écrit que « le théâtre auquel participent les enfants à chaque pièce et jeu scénique constitue un des meilleurs facteurs de développement intellectuel et social de l’enfant »41. Gérald Godin appuie l’initiative des organisateurs de

permettre aux jeunes de prendre contact avec l’univers du théâtre. Il réitère ce point de vue dans un article traitant de la pratique du théâtre au séminaire de Trois-Rivières : « La pratique de la scène est une des formes les plus complètes de l’éducation. »42 Il souligne

ainsi l’importance des arts et de la culture dans le développement des jeunes.

39 Gérald Godin, « La bibliothèque des Jeunes est le rendez-vous de l’élite de demain!», Le Nouvelliste, 26

juillet 1958, p. 12.

40 Ibid.

41 Gérald Godin, « Record d’assistance aux terrains de jeux», Le Nouvelliste, 15 août 1958, p. 12. 42 Gérald Godin, «Ouragan sur la Caine au STR: Le théâtre amateur complète la formation d’un jeune

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17 Gérald Godin appuie également la troupe de théâtre amateur locale : les Compagnons de Notre-Dame. Celle-ci permettrait le développement de futurs comédiens : « Ils deviennent aussi une école de formation pour les comédiens, ce qui est indispensable en notre ville. Pour cette seule raison, ils méritent que vous alliez les voir. » Le poète accorde une place particulière à la formation culturelle, si bien qu’il participe lui-même participe à une troupe de théâtre amateur durant cette période43.

Enfin, Gérald Godin prend position en faveur de la création d’un musée trifluvien pour présenter les œuvres des artistes locaux.44 Il explique qu’en raison de l’absence de centre de

diffusion, les expositions de peintures et d’arts « devaient être refusées et la population de la Mauricie, qui en définitive se voyait privée d’occasions uniques de passer, ne serait-ce que pour quelques heures, de la matière à l’esprit. »45 C’est également en ce sens qu’il salue

l’ouverture du Centre d’art mauricien, une galerie d’art46.

Gérald Godin appelle donc à un investissement majeur dans les diverses institutions culturelles de Trois-Rivières dans le but d’améliorer l’éducation et le développement intellectuel des habitants de la localité. Ainsi, pour lui, cela passa avant tout par une plus grande accessibilité du monde culturel pour l’ensemble de la région.

La question linguistique

Bien qu’il n’aborde pas directement les débats politiques lors de ce premier passage au

Nouvelliste, Gérald Godin démontre cependant déjà un intérêt pour la question linguistique.

Celle-ci se retrouve d’ailleurs au cœur des enjeux de cette période. En effet, un débat sur la qualité du français au Québec et sur la question du joual fait son apparition à la suite de la parution en 1959 dans Le Devoir d’un article d’André Laurendeau intitulé «La Langue que nous parlons»47. L’auteur y affirme que les jeunes parlent joual48. Ce débat prend une

43 Gérald Godin, Écrits et Parlés 1: Tome 2. Le Politique, Montréal, Éditions de l’Hexagone, p. 292. 44 Gérald Godin, «Le niveau des envois à la section des arts atteint un nouveau sommet», Le Nouvelliste, 14

août 1958, p. 3.

45 Gérald Godin, «Réflexion en marge d’une exposition», Le Nouvelliste, 9 avril 1959, p. 10. 46 Ibid.

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importance considérable avec la publication des Insolences du frère Untel en 1960 qui connaît un énorme succès commercial. Le Frère Untel prônait alors une intervention de l’État pour remédier à cette situation49. Godin réagit d’ailleurs à la parution de l’ouvrage50.

Il l’accueille favorablement, alors qu’il affirme la nécessité d’améliorer la qualité de la langue parlée au Québec. Il va jusqu’à affirmer que les gens devraient « être voués aux gémonies » en raison de leur langage51. Dans le même sens, dans un article traitant de la

publication du livre de Gabriel Robert, Parlons français. Nous disons... nous devrions dire, Godin affirme qu’il faut épurer la langue « de ce qui n’est pas logique, de ce qui n’est pas français, de ce qui n’est pas beau »52. Il reconnaît cependant la nécessité de garder certaines

des expressions propres au Québec comme des caractéristiques de la culture québécoise. Selon lui, la langue représente la « clé de la porte donnant sur la culture canadienne-française et par conséquent, l’âme canadienne-canadienne-française. »53 C’est pour ces raisons qu’il

semble vouloir conserver certaines expressions du langage québécois. Dans ce second article, Godin démontre donc déjà un moins grand dogmatisme envers le langage populaire54.

En 1961, Gérald Godin quitte le Nouvelliste après qu’un de ses articles ait été censuré55.

Cette première période au Nouvelliste permet cependant à l’auteur de se familiariser avec le travail de journaliste. Godin écrit une lettre à son ami André Béliveau en 1959 dans laquelle il affirme que le journalisme est « un métier qui me plaît énormément, qui me passionne, le plus beau du monde »56. C’est donc lors du passage dans ce journal que Godin

découvre le monde des médias dans lequel il évoluera jusqu’à son élection en 1976.

48 Marcel Martel et Martin Pâquet, Langue et politique au Canada et au Québec: Une synthèse historique,

Montréal, Boréal, p. 120

49 Ibid. p. 121.

50 Gérald Godin, «Les insolences du Frère Untel. Un livre inutile?», Le Nouvelliste, 24 septembre 1960, p. 12. 51 Ibid.

52 Gérald Godin, «Langage d’ici, langage d’ailleurs», Le Nouvelliste, 23 juin 1961, p. 19.

53 Gérald Godin, « Quinze étudiants américains à l’école de la vie trifluvienne», Le Nouvelliste, 4 février

1959, p. 3.

54 Karim Larose, La langue de papier. Spéculations linguistiques au Québec (1957-1977), Montréal,

Département d’études françaises, Université de Montréal, 2003, p. 128.

55 Donald Smith, « Gérald Godin, poète, éditeur, journaliste », Lettres québécoises : la revue de l'actualité littéraire, vol. 1 n° 1, 1976, p. 30.

56 André Béliveau, «Le Journaliste que j’ai connu» dans Lucille Beaudry et al. Gérald Godin: un poète en politique, Montréal. Éditions de l’Hexagone, 2000, p. 59.

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19

Chansons très naïves

C’est durant cette période que Gérald Godin publie son premier recueil de poésie. En effet,

Chansons très naïves paraît aux éditions du Bien public en 1960. Cette maison d’édition

que Godin avait commencé à fréquenter quelques années plus tôt est très présente dans le domaine de la poésie. En effet, selon Jacques Michon, « depuis les années 30, Clément Marchand, directeur du journal Le Bien public et de la maison d’édition qui lui était rattachée, avait fait de Trois-Rivières un haut lieu de la poésie au Québec »57. En effet, au

cours des années 1960, des poètes comme Yves Préfontaine, Alphonse Piché et Suzanne Paradis-Hamel choisissent Le Bien public pour l’édition de leur recueil de poésie58. Il n’est

donc pas surprenant que les premiers recueils de poésie de Godin y soient publiés.

Gérald Godin utilise un style classique que certains auteurs vont jusqu’à comparer à un style semblable à de la poésie médiévale59. Les poèmes du recueil sont touchés par un

pessimisme et abordent fréquemment les thèmes du désespoir et de la mort. Raoul Duguay considère les choix des thèmes et des mots abordés par le poète comme étant le « signe de l’aliénation et de l’autocritique »60. La dernière partie laisse cependant apparaître l’espoir61.

On y perçoit un « appel à la vie » et une dénonciation « de tout ce qui tue l’être »62.

L’idée d’aliénation que fait ressortir Raoul Duguay est intéressante, car elle permet de constater que cette thématique qui deviendra une des plus abordées par l’auteur dans les années suivantes alors qu’il dénoncera le colonialisme au Québec est déjà présente dans l’esprit du poète alors qu’il compose ses premiers poèmes. L’auteur est donc probablement déjà influencé par la situation socio-économique de sa ville natale.

57 Jacques Michon, Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle: La bataille du livre. 1960-2000,

Montréal, Éditions Fides, p. 194.

58 Maude Roux-Pratte, Le Bien public (1909-1978) : Un journal, une maison d’édition, une imprimerie- La réussite d’une entreprise mauricienne à travers ses réseaux, Thèse de doctorat, Montréal, Université du

Québec à Montréal, 2008, p. 286.

59 Roger Chamberland, «Chansons très naïves», dans Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec - Tome 4,

Montréal, Éditions Fides, p. 139.

60 Raoul Duguay, «Gérald Godin ou du langage aliéné bourgeois au langage aliéné prolétaire», Parti pris,

Janvier 1967, p. 96.

61 Ibid. 62 Ibid.

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Premier passage à Montréal: Le Nouveau journal

Entendant parler de la création d’un nouveau quotidien à Montréal en juillet 1961, Gérald Godin rencontre Jean-Louis Gagnon, son rédacteur en chef. Il est dès lors engagé en même temps qu’André Béliveau, que Godin a connu alors qu’il fréquentait le séminaire63, et se

joint à l’équipe du Nouveau journal de Montréal. Godin entre au service des Arts et divertissements alors que Béliveau se joint à l’équipe des Affaires municipales. Il y rédigera un premier article le 16 septembre 1961.

Le Nouveau journal est issu d’une dispute au sein de la famille Berthiaume-DuTremblay, propriétaires du journal La Presse, pour le contrôle de celui-ci64. Après l’échec de ses

tentatives d’en prendre le contrôle, Angélina DuTremblay décide finalement de quitter La

Presse et de fonder un nouveau journal ayant pour but avoué de concurrencer le quotidien

montréalais. Elle est suivie par Jean-Louis Gagnon, rédacteur en chef du journal, et par de nombreux journalistes et chroniqueurs. Jean-Louis Gagnon affirme ainsi : « Moi j’ai fait la rafle : je suis parti avec trente des journalistes de La Presse et avec du personnel technique »65.

A contrario de son travail au Nouvelliste, Gérald Godin n’aborde que très peu la critique de

livre. Cela est probablement dû au fait que de nombreux chroniqueurs culturels de La Presse ont décidé de suivre Jean-Louis Gagnon dans la fondation du journal. Ainsi, au sein de l’équipe du Nouveau journal, Godin se consacre principalement au théâtre. En effet, sur les 90 articles qu’il écrit durant ce premier passage dans la métropole, pas moins de 60 y sont consacrés. Godin présente des critiques des différentes pièces présentées dans les théâtres montréalais. Il couvre également les activités de différents festivals de théâtre de la région de Montréal. Son travail l’amène de plus à participer à l’Université du Théâtre des

63 André Béliveau, «Le Journaliste que j’ai connu» dans Lucille Beaudry et al., Gérald Godin: un poète en politique, Montréal. Éditions de l’Hexagone, 2000, p. 60.

64 Pierre Godin, La Lutte pour l’information, Montréal, Le Jour, p. 113. 65 Ibid., p. 115.

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21 Nations à Paris66. L’Université était affiliée au Théâtre des Nations, un festival créé en

1957 par Aman Maistre-Julien et Claude Planson67. Ce théâtre se voulait un lieu de

rassemblement où on présentait des pièces d’un peu partout dans le monde. De son côté, l’Université se voulait un « lieu de réflexion et de pratique théâtrale»68. Cela permet au

journaliste de s’initier à divers types de théâtre alors qu’il assiste à de nombreuses représentations. Il le confirme d’ailleurs dans une lettre qu’il écrit à Pauline Julien où il dit : « Je passe le mois complet à Paris. J’ai trop de travail - on verra 45 spectacles - on commence à 10 heures a.m. et on finit à minuit. »69 Cette expérience à Paris contribue à

développer sa conception du théâtre.

Pour un théâtre populaire

À travers ses nombreux articles traitant de ce sujet, l’auteur s’intéresse particulièrement au développement et aux orientations prises par les différents théâtres. Gérald Godin émet notamment le souhait de voir se développer un théâtre populaire à Montréal. Il souhaite ainsi voir un théâtre qui intéresserait le plus grand nombre de spectateurs et qui permettrait d’avoir un « auditoire aussi nombreux qu’enthousiaste. »70 Pour lui, il semble que la seule

façon d’arriver à ce résultat est de voir la création d’un théâtre politique:« le seul théâtre populaire authentique sera politique. Le seul théâtre à grand succès sera politique »71.

Godin voulait insister sur la nécessité d’attirer la classe ouvrière et donc d’utiliser le théâtre comme un instrument d’éducation populaire. Le théâtre doit donc devenir un outil politique autant qu’un divertissement. C’est donc par sa fonction publique que Godin perçoit le rôle politique que doit jouer le théâtre. Pour lui, cette forme d’art doit redevenir un moyen de rejoindre les gens.

66 Gérald Godin, «Gérald Godin au Théâtre aux Nations: Dans un cimetière, du divertissement bourgeois, du

folklore du théâtre engagé et du romantisme sale», Le Nouveau Journal, 19 mai 1962, p. 5.

67 Odette Aslan, Paris capitale mondiale du théâtre: le théâtre des nations, Paris, CNRS Éditions, 2009, p. 7. 68 Daniela Peslin, Le Théâtre des Nations: Une aventure théâtrale à redécouvrir, Paris, L’Harmattan, 2009,

p. 105.

69 Gérald Godin et Pauline Julien, La Renarde et le mal peigné, Montréal, Leméac, 2009, p. 18.

70 Gérald Godin, «Les conditions d’un théâtre authentiquement populaire», Le Nouveau Journal, 14 octobre

1961, p. 18.

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La réflexion de l’auteur est influencée par certaines tentatives de rendre le théâtre accessible. Il en découvre lorsqu’il se rend à l’Université du Théâtre des Nations à Paris. Selon lui, « grâce par exemple aux expériences de Roger Planchon, en France, le théâtre a recommencé à bafouiller. Il est redevenu un enfant. Il est redevenu vivant. »72 Dans la

même foulée, il est influencé par le travail de Jean Vilar alors que celui-ci agit à titre de directeur du Théâtre national populaire73. Il souligne le fait que celui-ci ait réussi à attirer

les foules au théâtre. Selon lui, cela aurait été rendu possible en raison du faible coût. Les organisateurs auraient notamment « aboli toutes les charges innombrables qui font des théâtres parisiens des espèces de lits filtrants pour seuls bourgeois fortunés »74. Il appuie

ainsi la disparition de ce qu’il appelle la « hantise de “la cenne” »75. L’interprétation de la

fonction sociale du théâtre par Gérald Godin a donc été grandement influencée par son passage dans la capitale française.

Gérald Godin s’intéresse également à la Roulotte du Service des parcs à Montréal qui présente des spectacles et des ateliers de théâtre dans les parcs et terrains de jeux de Montréal76. Celle-ci avait été créée en 1953 par le Service des parcs de la Ville de Montréal

sous l’impulsion de Claude Robillard et Paul Buissonneau77. Pour Godin, il s’agit d’une

initiative ayant permis d’intéresser plusieurs enfants au théâtre. Le journaliste trouve ainsi intéressant de pouvoir mettre ces jeunes en contact avec l’art et la culture alors que cela ne serait pas forcément possible sans la présence de la roulotte. Celle-ci serait donc un moyen efficace d'amener directement le théâtre dans la communauté. Il émet d'ailleurs le souhait de voir des initiatives semblables se développer dans le but d’atteindre un public plus large :

À quand le théâtre adulte qui irait à la foule? À quand une roulotte Shakespeare qui planterait ses tréteaux un beau soir, sur le Carré Dominion ou St-Louis,

72 Gérald Godin, «Un théâtre de comédiens», Le Nouveau Journal, 6 janvier 1962, p. 12.

73 Gérald Godin, «Le miracle du TNP ou Quand le pourboire cède la place au théâtre», Le Nouveau Journal, 9

juin 1962, p. 5.

74 Ibid. 75 Ibid.

76 Gérald Godin, «La Roulotte du Service des Parcs ou le théâtre à la portée de tous», Le Nouveau journal, 16

juin 1963, p. 9.

77 Madeleine Greffard et Jean-Guy Sabourin, Le Théâtre québécois, Montréal, Éditions du Boréal, 1997, p.

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23 jouerait ses premières répliques pour les flâneurs du coin puis ses dernières pour des milliers de gens? À quand un théâtre à la portée de tous et non pas de toutes les bourses, car il y a des gens qui n’ont pas de bourse. 78

Gérald Godin émet donc le souhait de voir le théâtre et la culture se propager à un plus grand nombre de personnes. En effet le journaliste constate que la culture n’est consommée que par une infirme partie des citoyens et est réservée à une élite. C’est ainsi qu’il affirme qu’« à Paris comme à Montréal, le théâtre est bourgeois. On y va en dilettante, en dandy »79. L’auteur dénonce fréquemment le côté bourgeois du théâtre de l’époque. Il émet

d’ailleurs l’idée de « la fondation d’un théâtre réservé exclusivement aux ouvriers »80. Cela

permettrait ainsi à l’ouvrier de se sentir à l’aise d’aller au théâtre et donc d’éliminer le sentiment d’infériorité qu’il pourrait ressentir dans un théâtre traditionnel.

Dans le but d’intéresser le plus grand nombre de personnes aux différences pièces et ainsi « redonner vie au théâtre », Gérald Godin considère qu’il faut aussi revoir la formation et l’idée que les artisans se font du théâtre. Il insiste notamment sur l’importance de travailler davantage la scénarisation. Selon lui, il faut donc « faire de la mise en scène un art de la provocation. Replacer le théâtre au nombre des préoccupations de tous ceux qui cherchent quelque chose à quoi s’intéresser et qui iront là où ils croient que la vie est la plus intense. Voilà ce qu’il faut tenter »81. Il s’agirait d’une des assises de la modernisation du théâtre

souhaitée par le journaliste. Godin souhaite ainsi ramener au théâtre des spectateurs qui l’auraient abandonné pour d’autres divertissements, notamment le cinéma.

Toujours dans la perspective de voir le théâtre se moderniser, Gérald Godin s’intéresse à la formation des jeunes acteurs et aux écoles de théâtre. Il revient notamment sur la fondation de l’École nationale de théâtre du Canada qui ouvre ses portes à Montréal en 1960. L’auteur dénonce le côté politique en lien avec la création de cette école. Il écrit ainsi : « Des gens qui se préoccupent sûrement plus d’une École nationale contre le séparatisme

78 Ibid.

79 Gérald Godin, «Gérald Godin au Théâtre aux Nations: Dans un cimetière, du divertissement bourgeois, du

folklore, du théâtre engagé et du romantisme sale», Le Nouveau Journal, 19 mai 1962, p. 5.

80 Gérald Godin, «Les conditions d’un théâtre authentiquement populaire», Le Nouveau Journal, 14 octobre

1961, p. 18.

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que d’une École nationale de Théâtre. D’une école nationale de bilinguisme que d’une école de théâtre. »82 Il affirme ainsi que l’École nationale de théâtre du Canada aurait été

créée dans le but de promouvoir l’unité canadienne, la culture canadienne. C’est ainsi qu’il continue en déclarant : « On veut que le théâtre soit national. Que par le théâtre deux “grandes nations” se rejoignent »83. C’est cette utilisation que Godin condamne. Il souhaite

plutôt voir la nouvelle école jouer un rôle central dans le renouvellement de cet art. Sans ce changement, le journaliste affirme que « MM. Diefenbaker, Vanier, Drouin et Massey auront gagné et le théâtre aura perdu »84. Ainsi, bien qu’il salue l’arrivée d’une nouvelle

école dans le paysage culturel québécois, Godin s’inquiète de voir les orientations que celle-ci peut prendre. Il émet également le souhait de voir le Conservatoire d’art dramatique changer son approche pour qu’il ne soit plus uniquement une école à créer des comédiens85.

Cet intérêt pour les écoles d’art dramatique s’inscrit donc dans une volonté plus large de l’auteur de transformer fortement le théâtre.

Cette conception de la modernisation du théâtre et de la création d’un théâtre populaire refait surface lorsque Gérald Godin présente des entrevues avec les responsables des principaux théâtres montréalais. Ces sujets sont fréquemment amenés par les responsables de ces lieux de diffusion. Cela tend ainsi à montrer que l’idée du théâtre populaire était en vogue durant cette période. En effet, selon Madeleine Greffard et Jean-Guy Sabourin, ces théâtres sont également influencés par les expériences de théâtre populaire86. C’est

notamment le cas de Jean-Louis Roux, responsable du Théâtre du Nouveau Monde qui aurait été influencé par Jean Vilar dans sa volonté d’attirer les foules au théâtre.

La volonté de transformation du théâtre traditionnel vers un théâtre populaire trouve également un écho dans les courants culturels de cette période. Ève Lamoureux affirme d’ailleurs que, durant la décennie 1960, les artistes tentent de sortir des lieux de diffusion

82 Gérald Godin, «Théâtre ou Politique», Le Nouveau Journal, 20 janvier 1962, p. 5. 83 Ibid.

84 Ibid.

85 Gérald Godin, «Le Conservatoire d’art dramatique peut-il être plus qu’une fabrique de comédiens?», Le Nouveau journal, 7 avril 1962, p. 13.

86 Madeleine Greffard et Jean-Guy Sabourin, Le Théâtre québécois, Montréal, Éditions du Boréal, 1997, p.

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