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Écosystème et PME dans une industrie en péril : comment les interactions entre les acteurs peuvent-elles stimuler l'innovation ?

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Écosystème et PME dans une industrie en péril :

comment les interactions entre les acteurs peuvent-elles

stimuler l’innovation ?

Michel Trépanier, Richard Lacoursière, Josée St-Pierre

To cite this version:

Michel Trépanier, Richard Lacoursière, Josée St-Pierre. Écosystème et PME dans une industrie en péril : comment les interactions entre les acteurs peuvent-elles stimuler l’innovation ?. 8e Congrès de l’Académie de l’entrepreneuriat et de l’innovation, Oct 2013, Fribourg, Suisse. �hal-01704884�

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Écosystème et PME dans une industrie en péril : comment les interactions entre les acteurs peuvent-elles stimuler l’innovation ?

Michel TRÉPANIER, Richard LACOURSIÈRE, Josée ST-PIERRE

Institut de recherche sur les PME

Université du Québec à Trois-Rivières, CANADA

RÉSUMÉ

Le développement de l’innovation et la compétitivité des territoires sont devenus des sujets d’intérêt grandissants au cours des deux dernières décennies, notamment parce qu’ils permettent, en partie du moins, d’expliquer pourquoi et comment certaines agglomérations parviennent à progresser tandis que d’autres, auxquelles s’intéresse la présente étude, semblent réussir moins bien à s’adapter d’un point de vue économique. L’établissement d’un écosystème entrepreneurial pourrait, selon plusieurs, influencer non seulement le développement d’entreprises et l’innovation, mais aussi la trajectoire de développement économique de toute une région. Mais qu’en est-il des entreprises moins familières avec l’innovation et des régions dont l’économie repose en partie sur des industries saisonnières? Quel rôle y joue l’innovation et quels sont les acteurs sollicités? Et dans quelle mesure l’innovation peut-elle contribuer à modifier la trajectoire de développement, tant des entreprises que du territoire tout entier? Voilà certaines questions auxquelles nous tentons de répondre avec la présente étude, qui propose une lecture de l’écosystème entrepreneurial à partir de la démarche à laquelle se livrent des entrepreneurs lorsqu’ils se lancent dans un processus de développement de produits.

Mots clés : Écosystème entrepreneurial, région habilitante, innovation

Référence : Trépanier, M., Lacoursière, R. et St-Pierre, J. (2013, octobre). « Écosystème et PME dans une industrie en péril : comment les interactions entre les acteurs peuvent-elles stimuler l’innovation? », 8e Congrès de l’Académie de l’entrepreneuriat et de l’innovation, Fribourg, Suisse.

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Écosystème et PME dans une industrie en péril : comment les interactions entre les acteurs peuvent-elles stimuler l’innovation ?

RÉSUMÉ

Le développement de l’innovation et la compétitivité des territoires sont devenus des sujets d’intérêt grandissants au cours des deux dernières décennies, notamment parce qu’ils permettent, en partie du moins, d’expliquer pourquoi et comment certaines agglomérations parviennent à progresser tandis que d’autres, auxquelles s’intéresse la présente étude, semblent réussir moins bien à s’adapter d’un point de vue économique. L’établissement d’un écosystème entrepreneurial pourrait, selon plusieurs, influencer non seulement le développement d’entreprises et l’innovation, mais aussi la trajectoire de développement économique de toute une région. Mais qu’en est-il des entreprises moins familières avec l’innovation et des régions dont l’économie repose en partie sur des industries saisonnières? Quel rôle y joue l’innovation et quels sont les acteurs sollicités? Et dans quelle mesure l’innovation peut-elle contribuer à modifier la trajectoire de développement, tant des entreprises que du territoire tout entier? Voilà certaines questions auxquelles nous tentons de répondre avec la présente étude, qui propose une lecture de l’écosystème entrepreneurial à partir de la démarche à laquelle se livrent des entrepreneurs lorsqu’ils se lancent dans un processus de développement de produits.

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1. INTRODUCTION

La mondialisation des marchés exerce de nos jours une pression importante sur la majorité des secteurs de l’activité économique. Au Québec, le secteur de la transformation des produits marins n’est pas épargné par cette situation. On observe que l’importation de nouvelles espèces et de nouveaux produits, provenant notamment de l’aquaculture, a réduit les parts de marché traditionnellement occupées par les entreprises de transformation. À cela s’ajoutent les contraintes liées à la réduction des quotas de prises et l’application de moratoires sur certaines espèces, qui ont pour effet de réduire la durée de la saison de production1. Face à une telle précarité, certains transformateurs manifestent le désir d’élargir leur gamme de produits tout en prolongeant la période de transformation afin d’optimiser l’utilisation de leurs équipements et de leurs ressources et d’assurer leur développement, sinon leur survie. Pour plusieurs, la solution à cette situation réside dans la fabrication de produits à valeur ajoutée, soit des produits de 2ième et 3ième transformation qui permettraient une utilisation plus large de leur matière de base (espèces marines). On croit qu’il y aurait lieu de développer ce créneau et de saisir ainsi de nouvelles opportunités de marché afin d’en venir, éventuellement, à opérer les entreprises sur une base annuelle plutôt que saisonnière. Ce faisant, on permettrait également à une partie des salariés d’avoir accès à un emploi annuel plutôt que saisonnier, ce qui assurerait la consolidation d’emplois dans des régions durement affectées par le chômage. Le développement de nouveaux produits constitue cependant un défi de taille pour les entreprises de transformation des produits de la mer. Dans le secteur québécois des pêcheries, les produits à valeur ajoutée de 2ième et de 3ième transformation représentent moins de 2% des ventes (CSMOPM, 2010). Ce faible engagement dans le développement de produits et dans des projets d’innovation pourrait être la conséquence du taux élevé d’échecs généralement observé dans ces activités, lequel taux se situerait entre 72 et 88% (voir à ce sujet Bertrand, 2012). Ces échecs peuvent être attribuables à différentes causes, telles par exemple de faibles compétences en matière de développement de produits, l’accès difficile à des ressources spécialisées ou peut-être même l’inconfort que présente l’innovation de produits dans la mesure où les dirigeants d’entreprises pourraient craindre de s’engager dans des activités où règne une forte incertitude. Quelles qu’en soient les causes, ce faible engagement des entreprises dans le développement de nouveaux produits constitue une préoccupation importante chez les acteurs du secteur. Au niveau des instances politiques, cette

1 Au Québec, plusieurs usines de transformation de produits de la mer ne sont en opération que sur une base

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tion s’est traduite par la mise en place d’un programme d’aide visant à « renforcer la capacité d'innovation de l'industrie et du secteur en appuyant les partenariats et les alliances entre les entreprises, les institutions de recherche et les autres acteurs du système d'innovation2 ». Le simple fait de mettre en place un programme ne suffit pas, bien sûr, à générer l’étincelle de de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Pour faire jaillir cette étincelle, l’entrepreneur doit initier toute une série d’interactions avec d’autres acteurs de son environnement. D’ailleurs, la mondialisation oblige de plus en plus les PME à utiliser les ressources de leur environnement afin d’en extraire les externalités positives susceptibles de leur donner l’avantage sur leurs concurrents (Porter, 1998; Audretsch et Keilbach, 2007). Plus cet environnement est riche et diversifié, plus il est habilitant et permet aux entreprises d’y trouver des idées nouvelles et des opportunités d’affaires (Audretsch et Thurik, 2006). Sans la prise de conscience par le dirigeant de l’importance de l’environnement comme source d’opportunités de croissance bien réelles, la stratégie de l’entreprise demeurera davantage défensive.

On le constate aisément, l’entrepreneur, les entreprises, les institutions d’enseignement et de recherche, les organismes gouvernementaux de développement économique et de régulation, les institutions financières, les entreprises de services, etc. sont tous interpellés par l’innovation que l’on souhaite accélérer et développer afin d’assurer une croissance économique à un territoire donné. La notion d’écosystème entrepreneurial permet d’intégrer différents niveaux d’analyse (l’organisation, le milieu immédiat et l’environnement global) pour mieux comprendre de quelle manière et jusqu’à quel point l’amalgame de différentes composantes (par exemple, des ressources matérielles, humaines et financières) et de différentes pratiques (par exemples, des relations d’affaires ou des relations sociales) s’avère ou non en mesure de faciliter l’atteinte de ces objectifs. Concrètement, la notion d’écosystème entrepreneurial attire l’attention sur ce qu’est un milieu et sur les liens qui unissent ses différentes composantes. Comment se déroulent les interactions entre l’entrepreneur et son environnement? Comment les entrepreneurs arrivent-ils à trouver et agencer les différents éléments de leur environnement pour réussir leurs projets d’innovation et mieux saisir les opportunités qui s’offrent à eux? Qu’est-ce que l’environnement immédiat est en mesure d’offrir en support aux activités d’innovation ? Ce support est-il adapté et suffisant pour favoriser un « redémarrage » économique ? Voilà ce dont il est question dans la présente communication où nous allons exposer le cas particulier de PME cherchant à innover alors qu’elles œuvrent dans un secteur en difficulté et qu’elles sont localisées dans des régions qui

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sont dépourvues de certaines des ressources stratégiques qui s’avèrent importantes pour la réussite de leurs projets d’innovation.

Dans les pages qui suivent, nous présenterons d’abord un aperçu de la littérature relative aux systèmes régionaux d’innovation, aux éléments qui les constituent, ainsi qu’à la manière dont ils peuvent aider les PME à réussir leur démarche d’innovation. Puis nous exposerons comment l’activité entrepreneuriale peut être influencée par les acteurs et les composantes de l’écosystème au sein duquel elle se déroule, ceci à partir d’une analyse du processus de développement de produits (PDP) tel qu’il s’effectue dans cinq PME du secteur de la transformation des produits marins. Nous chercherons ensuite à mieux comprendre le rôle de l’innovation (nouveaux procédés, nouveaux produits) dans le développement d’un écosystème entrepreneurial. Une discussion et une conclusion s’ensuivront.

2. CADRE THÉORIQUE

2.1 Écosystème régional, support à l’innovation et diversification économique

Le développement et la compétitivité des territoires sont devenus des sujets d’intérêt grandissants au cours des deux dernières décennies. Cet intérêt accru pour le développement des nations (Porter, 1990, 1998), des grands centres urbains (Begg, 2002) et des régions ou territoires s’est traduit par l’élaboration de modèles visant à expliquer pourquoi et comment certaines agglomérations parviennent à se développer et à progresser tandis que d’autres semblent réussir moins bien (Asheim, Moodyson et Todtling, 2011; Boschma, 2004). Le développement ou la relance de l’innovation et de l’entrepreneuriat figurent inévitablement au centre de ces modèles : les milieux innovateurs (Aydalot, 1986; Maillat, Quevit et Senn, 1993), les districts industriels (Dei Ottati, 1994), les clusters d’innovation (Saxenian, 1994), la région apprenante (Asheim, 1996; Morgan, 1997), etc. Tous ces modèles cherchent à expliquer comment les interactions entre différents acteurs et différents facteurs sont susceptibles de favoriser le développement économique d’une région grâce au soutien qu’elles apportent aux activités d’innovation (Boschma, 2004; Moulaert et Sekia, 2003). On observe une communauté de pensée entre ces modèles et les approches plus récentes de l’écosystème

entrepreneurial (Cohen, 2006; Iansity et Levien, 2004; Isenberg, 2010; Spilling, 1996) et du milieu habilitant ou « enabling environment » (Audrestch et Thurik, 2006).

Tel que conçu par Spilling (1996), l’écosystème entrepreneurial permet d’analyser la capacité entrepreneuriale d’une région en examinant non seulement les actions des entrepreneurs, mais en tenant compte également d’un ensemble d’autres acteurs institutionnels et facteurs

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environnementaux faisant partie intégrante de cet écosystème. Selon Spilling (1996), un écosystème entrepreneurial favoriserait l’établissement d’un « climat entrepreneurial » permettant aux entrepreneurs de mieux saisir et exploiter diverses opportunités. Comme l’expliquent Laperche et Uzinidis (2011 :167), « l’économie territoriale possède un caractère systémique qui est aujourd’hui à l’origine de nombreuses analyses sur sa re-construction à partir de la mise en œuvre de différents types de processus d’innovation ».

Tout comme le concept d’écosystème entrepreneurial, celui du milieu habilitant fait une place prépondérante à l’environnement au sein duquel œuvre l’entreprise. L’environnement est ici perçu comme partie intégrante de l’entreprise et le rôle de l’équipe entrepreneuriale consiste principalement à mobiliser les informations et connaissances internes et externes à la recherche d’opportunités. L’entrepreneur trouve dans son environnement les motivations, les opportunités et les habilités pour faire croître son entreprise (Audretsch et Thurik, 2006,). Lorsqu’il est plus spécifiquement question d’innovation, le concept de milieu habilitant trouve son équivalent dans la notion de système régional d’innovation (SRI) qui, depuis une vingtaine d’années, a été de plus en plus utilisée pour comprendre de quelle manière les entreprises d’un milieu donné innovent en mettant à profit les ressources et capacités des organisations de proximité (Asheim et Gertler, 2007; Edquist, 2005). On retrouve dans cette approche, l’idée que l’innovation est de nature fondamentalement sociale et qu’elle est le résultat de collaborations et d’interactions interentreprises mais aussi et même, surtout, entre les entreprises et des organisations qui œuvrent au niveau d’une même région (Cooke, 2001; Cooke et al., 2004; Doloreux 2007; Lundvall, 1992).

Ainsi, l’innovation est en bonne partie tributaire d’échanges de proximité qui visent à solutionner rapidement des obstacles ou des impasses ponctuelles (Boschma, 2005). Elle est aussi facilitée par le partage de valeurs et une culture régionale commune essentielle au transfert de connaissances tacites. Les activités d’innovation dans les entreprises d’un territoire donné sont dès lors renforcées par la présence ou la création d’institutions régionales qui facilitent la transmission de connaissances techniques et stimulent le partage d’une structure normative qui stabilise la gouvernance régionale (Asheim et Cooke, 1999).

Dans les travaux portant sur les SRI, le lien entre les acteurs et le développement économique régional est, sans surprise, abordé du point de vue des collaborations : où les entreprises trouvent-elles les ressources et les capacités externes dont elles ont besoin pour innover, ce dont elles ont besoin est-il disponible dans leur région, les organisations de soutien existent-elles, leur offre de service est-elle pertinente, comment utilisent-elles les ressources et

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capacités de proximité pour mener à bien leurs projets d’innovation, etc. Ici, le développement économique « découle », au moins en partie, de la capacité d’un territoire régional à supporter adéquatement les projets d’innovation des entrepreneurs ainsi que de la capacité des acteurs à travailler ensemble (Trépanier et al., 2013; Johnsen et Ennals, 2012). Les approches d’écosystème entrepreneurial et de milieu habilitant s’inscrivent dans une perspective semblable et situent d’emblée l’analyse de l’entrepreneuriat dans un courant évolutionniste (Boschma, 2004; Martin et Sunley, 2006; Nelson et Winter, 1982). Un écosystème entrepreneurial n’est donc ni statique ni unidirectionnel. Tout comme l’écosystème global peut contribuer à favoriser l’activité individuelle des acteurs qui s’y trouvent, ces mêmes acteurs ont eux aussi la possibilité d’influencer leur écosystème en prenant des initiatives ou en modifiant leur façon d’interagir avec les autres acteurs ou composantes de manière à « … moderniser, renouveler et restructurer les affaires existantes » (Spilling, 1996 :95, traduction libre). L’établissement d’un écosystème entrepreneurial pourrait donc influencer non seulement le développement d’entreprises et l’innovation, mais aussi la trajectoire de développement économique de toute une région (Cohen, 2006; Iansiti et Levien, 2004; Isenberg, 2010). L’activité entrepreneuriale, qu’il s’agisse de création d’entreprises ou d’innovation de produits/services, contribuerait ainsi à construire, à modifier et à restructurer l’écosystème entrepreneurial dont elle procède. Ce faisant, comme le suggèrent plusieurs travaux récents (Garud, Kumaraswamy et Karnoe, 2010; Laperche et Uzinidis, 2011; Martin, 2010), l’activité entrepreneuriale pourrait contribuer à générer de nouveaux sentiers, de nouvelles trajectoires de développement régional.

La présente communication tente donc d’apporter un éclairage partiel sur la contribution que l’écosystème entrepreneurial régional peut avoir sur l’innovation (plus précisément, l’innovation de produits) et corollairement sur l’impact de cette dernière dans l’émergence d’une nouvelle trajectoire de développement pour des PME évoluant au sein dudit écosystème. Les questions de recherche auxquelles nous tentons d’apporter des éléments de réponse avec cette contribution sont donc les suivantes :

 Quels sont la place et le rôle de l’écosystème entrepreneurial dans le processus de développement de produits ?

 Comment l’entrepreneur parvient-il à agencer les interactions entre les différents éléments de l’écosystème entrepreneurial dont il fait partie?

 Qu’en est-il du développement de produits nouveaux en tant que vecteur de changement de la trajectoire de développement des entreprises et du territoire?

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utiliserons ensuite comme outil d’analyse des interactions entre l’entrepreneur et son milieu.

2.2 Le PDP dans les PME

Le développement de produits est un processus complexe mettant en jeu un nombre considérable d’activités touchant différentes fonctions de l’entreprise ainsi que différents acteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. Bien qu’il soit le plus souvent à caractère informel, le PDP mis en œuvre dans les PME peut néanmoins revêtir la configuration linéaire ou récursive présentée dans la littérature sur l’innovation (McCarthy, Tsinopoulos, Allen et Rose-Anderson, 2006).

Dans sa forme linéaire (Figure 1), le PDP se présente comme une succession d’étapes indépendantes et à sens unique, c’est-à-dire sans boucles de rétroaction ni possibilité de retour sur les étapes déjà complétées. Ce modèle de PDP fait surtout appel à l’expertise disponible à l’interne et il offre très peu de possibilités d’interaction et de rétroaction (Marinova et Phillimore, 2003 ; Rothwell, 1994).

Figure 1 - Le modèle linéaire de processus de développement de produits

Dans sa forme récursive, par contre, le PDP présente des modèles qui conçoivent l’innovation comme un processus évolutif et pouvant donner lieu à des interactions avec le milieu externe et à des boucles de rétroaction (Marinova et Phillimore, 2003). Comme le précise Bertrand (2012 :70) :

« Les modèles évolutifs… ont comme caractéristique d’envisager l’innovation

comme un processus en constante évolution. Ici, l’innovation génère continuellement de nouveaux produits et de nouvelles technologies qui agissent à leur tour sur le processus pour en voir émerger une configuration adaptée. Dans ce contexte, le PDP est vu comme un système complexe qui intègre à la fois des

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réseaux étendus et des systèmes internes. Le système est souple, évolutif et s’adapte aux mutations de l’environnement externe. »

Cela dit, à des fins d’analyse, le processus de développement de produits peut être appréhendé sous ses différentes composantes : l’idéation et la sélection d’un projet de développement d’un nouveau produit, l’étude de faisabilité, la conception du produit, sa mise en production, son lancement et son éventuel retrait ou remplacement (Cooper, 2005). Les paragraphes qui suivent décrivent chacune de ces composantes en lien avec les cas que nous allons étudier.

Figure 2 - Le modèle de la chaîne interconnectée de Kline et Rosenberg (1986)

L’idéation et la sélection d’un projet sont à la l’origine du PDP. Lorsqu’une idée de produit nouveau émerge, les dirigeants doivent rapidement apprécier son potentiel commercial et la valeur ajoutée qu’il représente, tant pour les clients que pour l’entreprise. C’est à ce moment qu’ils décident de rejeter ou de retenir (sélection) un projet pour l’étape suivante. L’introduction de nouveaux produits peut également nécessiter d’autres investissements dont l’achat d’équipements, un réaménagement des lieux, voire même un agrandissement de l’usine. Une étude de faisabilité s’avère donc essentielle, tant du point de vue du marché que des points de vue technologique et financier. La conception d’un produit nouveau se situe au cœur du PDP. On arrive ici au moment crucial où le produit doit prendre forme en respectant toutes sortes de critères tels les goûts des consommateurs, la qualité et le coût des ingrédients, la texture et la saveur du produit, les normes relatives à la sécurité des aliments (HACCP, GFSI, etc.), sans oublier les impératifs de mise en marché tels le format, l’emballage et le mode de distribution, que ce soit sous forme de produit frais ou congelé. La mise en

production constitue un autre aspect important du PDP. C’est à partir de ce moment que l’on

peut constater toute l’importance du travail effectué « en amont ». L’efficacité du procédé, les coûts de main-d’œuvre, la conformité du produit, son prix de revient et la facilité avec

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laquelle il s’écoule sur le marché sont autant de questionnements qui trouvent ici leur réponse. Finalement, le lancement et la mise en marché marquent l’aboutissement du PDP. Maintenant que la production a démarré, l’entreprise doit s’assurer de l’écouler sur le marché via un réseau de distribution qu’elle aura préalablement organisé. Le feedback de la clientèle est particulièrement important au moment de la mise en marché et l’entreprise doit être en mesure de réagir rapidement en cas de besoin.

Déjà, cette brève présentation du PDP montre que le modèle récursif de la Figure 2, avec ses possibilités d’échanges et de rétroaction avec le milieu externe (organismes de recherche ou autres) ainsi que la récursivité pouvant s’établir entre différentes étapes du processus, offre, pour nos cas, un meilleur potentiel explicatif que le modèle linéaire. C’est donc en nous appuyant sur modèle que nous allons effectuer notre analyse. Comme nous le verrons, le fait que le PDP dans les PME consiste en un processus informel et très peu structuré ne constitue en rien un obstacle aux interactions de l’entrepreneur avec son environnement externe.

3. MÉTHODOLOGIE

Au plan méthodologique, notre analyse se déploie donc à plusieurs niveaux et s’intéresse au processus de développement de produits en tant que proxy des activités d’innovation et indicateur du rôle et de la capacité de l’écosystème entrepreneurial à soutenir l’innovation et partant de là la reconversion économique de l’industrie et des milieux où elle est implantée. Dit simplement, notre analyse suit à la trace les acteurs de l’innovation au travers les méandres de processus de développement de produits dans lesquels ils interagissent avec les différentes composantes matérielles, institutionnelles, organisationnelles et humaines de l’écosystème et ce sans prendre en considération le niveau ou le « monde » auquel appartient ladite composante. Évidemment, pour bien comprendre les « faits et gestes » des acteurs, il faut, au préalable, présenter le milieu dans lequel ils évoluent : l’état de l’industrie, le profil sociodémographique et économique de leur région d’appartenance, les entreprises impliquées, le système de soutien à l’innovation et au développement économique, etc.

Le portrait que nous traçons d’une innovation et de la manière dont elle se fait (les succès, les difficultés, les obstacles, les revirements de situation, les solutions, les échecs, les relations d’aide, les conflits, etc.) devient en quelque sorte la description de l’écosystème entrepreneurial et l’explication de sa capacité à soutenir l’innovation et corollairement le développement économique. Ici, compte tenu que nous étudions des processus, la description, parce qu’elle est construite théoriquement, devient l’explication (Langley, 1999).

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Techniquement, notre démarche est une étude de cas qui prend pour objet un « site » unique (Eisenhardt, 1989; Yin, 2003) : l’écosystème entrepreneurial de la transformation des produits de la mer. Elle prend pour objet empirique des processus et met en œuvre une analyse narrative (Pentland, 1999; Bryman et Bell, 2007). Par ailleurs, la petite taille de notre échantillon (5 entreprises) donne évidemment un caractère exploratoire à notre analyse. Tel que précisé en introduction, le ministère de l’Agriculture, des pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a mis en place un programme d’aide visant à renforcer la capacité d'innovation des entreprises de transformation des produits de la mer. L’un des objectifs de ce programme consiste à appuyer les partenariats et les alliances entre les entreprises, les institutions de recherche et les autres acteurs du système d'innovation. Dans le cadre de ce programme, une équipe de chercheurs a été constituée afin de réaliser différentes analyses au sein de cinq PME du secteur de la transformation des produits marins sélectionnées par le MAPAQ dans le but de renforcer leur capacité d’innovation. L’une de ces analyses consistait précisément à documenter le PDP appliqué par les PME participantes. La documentation du PDP s’est effectuée de deux façons, soit à l’aide d’un questionnaire que devait compléter le dirigeant d’entreprise ainsi que d’une entrevue semi structurée avec les responsables du développement de produits au sein de l’entreprise. Ce travail a permis une description détaillée et chronologique de chacune des composantes du PDP de chaque PME : nature des activités et des projets, collaborations externes (avec qui et pour faire quoi), mode de fonctionnement interne (répartition des tâches et des responsabilités, interactions à l’interne, déroulement et suivi des projets, etc.), mobilisation des ressources (humaines, financières, informationnelles, etc.), diffusion et échange de connaissances (flux internes et externes), etc. En somme, chaque PDP a été reconstitué à partir d’histoires de projets représentatifs de la manière dont la PME étudiée innove.

La durée moyenne de ces entrevues semi-structurées a été de 90 minutes. Les entrevues ont été enregistrées et leur écoute a donné lieu à la présentation qui est faite du PDP de chaque PME à la section 4.2. Étant donné le nombre restreint d’entretiens et la nature de nos questions de recherche, aucun logiciel d’analyse n’a été utilisé.

4. RÉSULTATS

4.1 Données descriptives des PME et des régions à l’étude

L’écosystème entrepreneurial étudié ici est à la fois sectoriel et territorial. D’une part, notre objet d’étude désigne une industrie : celle de la transformation des produits de la mer avec des

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matières premières, des produits, des technologies, des pratiques commerciales et des institutions qui lui sont propres. D’autre part, il désigne deux territoires ou, plus précisément, deux régions : la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et la Côte-Nord où sont localisées l’essentiel des activités de l’industrie. Les deux régions concernées étant situées à très grande distance l’une de l’autre et les organismes de soutien étant très majoritairement localisés en Gaspésie, les caractéristiques de notre objet d’étude permettent de jeter un coup d’œil sur le rôle de la proximité géographique dans la capacité d’un écosystème à soutenir l’innovation

Des cinq entreprises qui constituent notre échantillon, quatre sont situées dans la région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, la cinquième se trouvant dans la région de la Côte-Nord. Il s’agit des deux principales régions du Québec eu égard aux activités de pêche commerciale. Ces deux régions ont également en commun le fait d’être relativement isolées du reste du Québec (plus de 1 000 km entre Gaspé et Montréal) et de compter sur des ressources naturelles abondantes, notamment le bois, les produits de la mer et certains minerais. La région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est la plus importante (du Québec) au chapitre des débarquements de poissons et de fruits de mer. En 2011, la valeur des captures s’élevait à 97 millions de dollars et cette activité générait plus de 2 500 emplois dans la région3. Malgré un ralentissement important dans les années 1990 en raison des moratoires dans la pêche au poisson de fond, l’industrie des pêches commerciales continue d’occuper une place prépondérante dans l’économie régionale. La pêche au homard, à la crevette et au crabe des neiges a permis de relancer les activités de cette industrie. De plus, les débarquements d’autres espèces telles que les flétans du Groenland et de l’Atlantique, le crabe commun, le maquereau, le hareng et le pétoncle représentent une valeur économique non négligeable pour les entreprises de transformation. Quant à la région Côte-Nord, la pêche commerciale et la transformation des produits marins y constituent également une activité importante. Avec des valeurs au débarquement de plus de 41 millions de dollars en 2011, cette région se situe au deuxième rang des régions du Québec pour cette industrie4. L’espèce pêchée le plus est le crabe des neiges en raison de sa forte valeur sur le marché, mais la Côte-Nord se distingue par des espèces moins connues, comme la Mactre de Stimpson, le pétoncle de Minganie ou la crevette nordique cuite à bord des bateaux.

En ce qui concerne l’industrie de la transformation des produits marins dans ces deux régions, on parle principalement de filetage et de congélation de produits destinés à l’exportation

3 Profil régional de l’industrie bioalimentaire au Québec - Estimations pour 2011. Ministère de l’Agriculture,

des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.

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(États-Unis, Japon, Chine, Corée) ainsi que de cuisson pour mise en conserve. De plus en plus d’efforts sont également consacrés au développement de produits de troisième transformation visant à desservir principalement le marché québécois. Le Tableau 1 donne un aperçu du profil des PME de notre échantillon.

Tableau 1 - Caractéristiques des PME de l’échantillon

Entreprise A Entreprise B Entreprise C Entreprise D Entreprise E

Taille (nombre d’employés) 40 30 2301 65 95 Création 1983 1986 2009 1991 1994 Produits de 1ère Transformation Poisson (frais et congelé) Poisson (frais et congelé), mariculture Homard et crabe des neiges (frais

et congelé)

Homard, crabe des neiges, crabe

commun, buccins, (frais et

congelé)

Crabe des neiges, crabe commun, buccins, (frais et congelé), mactre Produits de 2e transformation Poisson fumé, morue salée Conserves Conserves (exploratoire) Conserves Produits de 3e transformation Exploratoire (charcuterie de mer) Charcuterie de mer Mets cuisinés (production artisanale) Exportation Etats-Unis, Europe

États-Unis Japon, Chine, Corée

Etats-Unis, Japon Exploitation d’une

poissonnerie

Oui Oui Oui Oui Oui

Exploitation d’un restaurant

Non Non Oui Non Oui

Personnel affecté au PDP Équipe de direction Équipe de direction Équipe de direction et cuisinier Équipe de direction Équipe de direction

1Cette entreprise compte en réalité deux usines qui embauchent 450 personnes au total; nous n’en avons

considéré qu’une seule pour la présente étude.

La forte concentration de l’industrie de la pêche commerciale dans la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine y a favorisé l’établissement d’institutions spécialisées. On y trouve notamment un Centre spécialisé des pêches (formation de niveau du lycée), ainsi que Merinov, un organisme régional à but non lucratif dont la mission est de « contribuer au développement durable et à la compétitivité de l'industrie québécoise des pêches, de l'aquaculture et de la valorisation de la biomasse aquatique par la recherche-développement, le transfert technologique, l'aide technique et le monitoring ». En ce qui a trait à l’innovation, ces institutions permettent aux entreprises de la région d’avoir accès à des connaissances et à des équipements spécialisés qui leur font habituellement défaut. Ce faisant, on permet aux entrepreneurs de mieux identifier et saisir les opportunités qui s’offrent à eux.

Le Tableau 2 permet d’avoir une vue d’ensemble sur les ressources disponibles pour soutenir l’innovation dans les deux régions. Les données qui y sont présentées sont issues d’un rapport

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ministériel5 visant à dresser un portrait des ressources disponibles dans les systèmes régionaux d’innovation au Québec. On y constate que les régions faisant l’objet de notre étude disposent de peu de ressources comparativement à la moyenne des régions du Québec : les scientifiques y sont proportionnellement moins nombreux, les diplômés universitaires et collégiaux également de même que les ressources financières consacrées à la R-D. Ni l’une ni l’autre ne compte sur la présence d’une université et, dans les deux cas, le nombre de collèges et de centres collégiaux de transfert de technologie (CCCT), des organismes clé en matière de soutien à l’innovation dans les PME, sont peu nombreux.

Cela dit, il faut néanmoins souligner qu’une des deux régions, la Gaspésie, dispose de ressources spécialisées dans le domaine des pêches et de la transformation des produits de la mer. Dans ce créneau spécifique, les PME de la région peuvent compter, notamment par le biais des CCTT et des organismes gouvernementaux dédiés aux pêches et à l’alimentation sur des expertises, des ressources matérielles et des ressources financières à la fois importantes et pertinentes. Nous constaterons plus loin que les entrepreneurs/innovateurs que nous avons rencontrés les utilisent beaucoup.

De ce bref portrait du système de soutien à l’innovation, on retiendra que les entreprises des deux régions étudiées peuvent compter sur des ressources spécialisées pour obtenir plusieurs des ingrédients dont elles ont besoin pour mener à bien leurs projets. Toutefois, un examen un peu plus approfondi montre aussi que ces deux territoires n’abritent pas d’organisations dont les caractéristiques et les activités permettraient de voir et de faire les choses différemment en matière de transformation des produits de la mer. Pour le soutien aux PME qui transforment des produits de la mer, il reste peu diversifié et les universités ou les grandes entreprises qui constituent souvent des « pipelines » sur des connaissances, des domaines et des ressources externes à la région et qui permettraient de renouveler les façons de penser et de faire sont à toutes fins pratiques absentes. Asheim et al. (2011) expliquent à cet égard que les régions périphériques (comme c’est le cas ici) sont habituellement caractérisées par le manque d’entreprises dynamiques et d’organismes susceptibles de générer des connaissances nouvelles, ce qui peut avoir pour conséquence que les activités d’innovation y sont souvent de type incrémental plutôt que radical. Qui plus est, nous avons ici affaire à un secteur d’activité caractérisé par un taux d’innovation parmi les plus faibles (OCDE, 2011).

Tableau 2 - Portraits régionaux – 2005

5 Tableau de bord des systèmes régionaux d’innovation du Québec, ministère du Développement économique,

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(Source : MDEIE, 2007)

Côte-Nord Gaspésie Ensemble du Québec Indicateurs socioéconomiques

Population totale [milliers] 96 96 7 598

Emploi [milliers] 53 33 3 717

Pourcentage des travailleurs détenant un grade universitaire 10,7 12,9 21,5 Produit intérieur brut (PIB) [par habitant, $] 4 255 21 042 36 007 Dépenses intérieures de R-D (DIRD) [en pourcentage du PIB]* 0,17 0,29 2,74 Pourcentage d’entreprises innovantes (produits et procédés) 25,3 14,7 36,6 Environnement externe de l'entreprise innovante

Dépenses intérieures de R-D de l'enseignement supérieur [en

pourcentage du PIB]* -- -- 0,93

Nombre de professeurs-chercheurs universitaires [par 10 000

habitants]* -- -- 11,89

Nombre de brevets d’invention (USPTO) accordés aux entreprises

[par 10 000 habitants]* 0,21 0,10 1,38

Dépenses intérieures de R-D de l'État [en pourcentage du PIB]* -- 0,21 0,17

Dépenses d'éducation [par habitant, $]+ 1 653 1 695 1 946

Nombre de diplômés collégiaux en formation technique [par 10 000

habitants] + 21,15 25,63 38,11

Taux d'obtention d'un baccalauréat selon la région d'origine* 17,5 13,9 23,3 * : Données pour l’année 2003 ; + : Données pour l’année 2004 ; -- : N’ayant pas lieu de figurer.

Comme on peut facilement le constater, la diversité sectorielle, scientifique, technologique et commerciale dont il est question dans la littérature sur les SRI n’est pas l’apanage de ces deux régions. De plus, pour accéder à des ressources diversifiées, absentes de leur région d’appartenance, les entrepreneurs/innovateurs doivent parcourir de longues distances. Pour les entreprises de la Côte-Nord qui ont participé à notre étude, travailler avec les scientifiques et les techniciens de Merinov signifie une journée de déplacement seulement pour se rendre à Gaspé. Pour travailler avec le Centre d’innovation technologique en agroalimentaire, localisé à Saint-Hyacinthe, la PME de la Côte-Nord devra parcourir 500 kilomètres et celle de la Gaspésie près de 900 kilomètres.

Compte tenu de ce qui précède, on peut donc s’attendre à ce que l’innovation soit relativement faible dans les PME de notre échantillon. C’est effectivement ce que nous avons constaté : en moyenne les produits nouveaux ou améliorés représentent 29,2 % de leurs ventes des deux dernières années6. Entre autres, bien qu’elles se disent préoccupées par l’innovation, les entreprises de notre échantillon ne disposent pas d’un processus formel de développement de produits. De fait, le développement de produits s’y fait généralement de façon artisanale, avec peu de moyens et lorsqu’on a du temps à y consacrer. Cela s’explique sans doute par le fait que les entreprises innovent davantage par nécessité que par « vocation ». Nécessité

6 Le taux d’innovation moyen observé chez d’autres PME (n = 122) que nous avons étudiées à partir d’outils

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attribuable premièrement à la raréfaction des ressources, certaines espèces de poissons, telle la morue, faisant l’objet d’un moratoire, les autres espèces étant soumises à l’imposition de quotas annuels imposés par les gouvernements. À mesure que l’approvisionnement diminue pour certaines espèces, on essaie de les remplacer par de nouvelles, moins connues des consommateurs, mais présentant un potentiel d’approvisionnement durable. Nécessité attribuable deuxièmement au souci d’accommoder les fournisseurs de l’entreprise, c’est-à-dire les pêcheurs, lesquels font régulièrement des prises accidentelles de certaines espèces (p. ex., palourdes, pétoncles) qu’ils obligent ensuite leurs clients à acheter, en même temps que la cargaison principale (p. ex., homard, crabe des neiges). Les entreprises acceptent d’acheter ces prises accidentelles pour ne pas perdre leurs fournisseurs, mais elles doivent ensuite trouver une façon de disposer de ces espèces tout en les rentabilisant autant que possible. C’est ainsi que de nouvelles espèces s’ajouteront parfois comme une production secondaire, simplement pour assurer l’approvisionnement requis pour la production principale.

Nécessité attribuable, troisièmement, au souci de prolonger la saison de production de sorte que les travailleurs et travailleuses puissent accumuler un nombre suffisant de semaines de travail pour leur permettre d’accéder ensuite aux prestations de l’assurance emploi. Nécessité attribuable, finalement, au souci de développer et de pérenniser les activités de l’entreprise en faisant le passage, graduellement, d’une production saisonnière basée sur des produits de première et deuxième transformation à une production étalée sur toute l’année et basée celle-là sur des produits à valeur ajoutée, principalement via la troisième transformation.

Pour la majorité des entreprises de notre échantillon, donc, l’innovation s’est faite jusqu’à maintenant de façon réactive plutôt que proactive. Néanmoins, nous avons pu constater chez certains dirigeants une volonté de changement à cet égard, changement qui pourrait faire en sorte que l’innovation et le développement de nouveaux produits occupent une place grandissante dans leur stratégie d’affaires.

4.2 Processus de développement de produits

Tel que précisé plus haut, l’analyse du PDP dans les cinq entreprises de notre échantillon s’est faite autour de chacune des composantes du processus. Les réponses au questionnaire et les entrevues semi-structurées nous ont permis de « cartographier » un processus générique applicable aux cinq PME interrogées. Il s’avère en effet qu’elles adoptent des comportements assez similaires lorsque vient le temps de transiger avec les différents acteurs de leur écosystème. Nous reprenons ci-dessous les composantes du PDP (Cooper, 2005) en faisant

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ressortir et en caractérisant, pour chacune, la nature des interactions qui s’y déroulent, alors que le Tableau 3, présenté à la fin de la section, synthétise l’ensemble de ces interactions.

4.2.1 Idéation et sélection d’un projet de développement de produits

Tant les poissonneries que les restaurants qu’elles opèrent permettent aux entreprises d’avoir des contacts directs avec les clients, lesquels formulent souvent des suggestions pour l’amélioration de produits existants ou pour l’ajout de nouveaux produits. Les responsables des poissonneries ou les cuisiniers affectés à la préparation de « prêt à manger » deviennent alors de véritables « antennes » de veille commerciale. Des suggestions de nouveaux produits sont également formulées à l’occasion par les clients qui transigent directement avec l’entreprise pour l’achat et la distribution des produits frais ou congelés qui y sont transformés. Finalement, il arrive aussi que les idées de nouveaux produits émanent de l’équipe de direction, suite par exemple à une visite effectuée dans une foire commerciale, ou encore à l’occasion d’une conversation avec un proche. C’est donc le plus souvent dans leur entourage immédiat que les entreprises puisent leurs idées de nouveaux produits. Dès qu’une idée semble prometteuse pour l’entreprise, elle est retenue et l’attention des dirigeants se porte aussitôt sur la faisabilité du projet.

4.2.2 Étude de faisabilité

Aucune des entreprises que nous avons visitées ne procède à une étude de marché approfondie avant de se lancer dans le développement d’un nouveau produit. Il ne faudrait pas croire pour autant que celles-ci se lancent aveuglément dans de nouvelles productions. De fait, on peut discerner dans les entreprises visitées un pattern d’étude de marché qui se déroule comme suit : Lorsqu’une idée de nouveau produit s’avère intéressante aux yeux du dirigeant de l’entreprise, celui-ci se met en action pour en vérifier la faisabilité avec les membres de son équipe de direction, laquelle se résume à deux ou trois personnes tout au plus. On examine alors les implications au niveau des équipements et de la production. S’il s’agit d’un produit relativement simple à fabriquer, on pourra en produire immédiatement, de façon artisanale, quelques échantillons que l’on fera déguster aux employés de l’usine et aux clients de la poissonnerie. Si le produit reçoit un accueil favorable auprès de la clientèle de la poissonnerie (ou du restaurant), on effectue alors quelques vérifications auprès des distributeurs faisant déjà affaires avec l’entreprise. L’étude de marché s’avère donc assez sommaire et se résume le plus souvent à des vérifications effectuées auprès d’acteurs de proximité (clients, distributeurs) avec lesquels l’entreprise est régulièrement en contact. Si ceux-ci se disent

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d’avis qu’il pourrait y avoir de la demande pour un tel produit, on commence alors à se pencher plus sérieusement sur le projet et à « monter les chiffres ».

La faisabilité technique d’un nouveau produit est également prise en compte par les dirigeants d’entreprises. On s’informe auprès des fournisseurs d’équipements ou auprès de Merinov. On examine avec ces partenaires spécialisés différents scénarios pouvant aller de la modification des équipements existants jusqu’à l’achat de nouveaux équipements. On consulte également les conseillers régionaux du MAPAQ et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour s’informer des normes applicables et pour valider si nécessaire l’adéquation des plans élaborés en vue des futures installations. On pourra aussi faire appel à des consultants pour l’implantation de ces normes. Une fois résolus les aspects technologiques, on évalue les besoins de main-d’œuvre et la disponibilité de celle-ci dans la région immédiate.

Finalement, la faisabilité financière d’un nouveau produit est examinée en vérifiant d’abord avec les représentants des instances régionales, l’admissibilité du projet à l’un ou l’autre des programmes d’aide financière mis en place par les gouvernements fédéral ou provincial (subventions pour achat d’équipement, crédits d’impôts, etc.) après quoi on procédera à une demande de financement auprès des institutions financières.

Dès le début d’un projet de développement donc, les entrepreneurs font appel à l’expertise externe disponible dans leur milieu pour en évaluer la faisabilité et ce, tant du point de vue du marché que des points de vue technologique et financier.

4.2.3 Conception et développement

Lorsqu’arrive le moment de concevoir et développer un nouveau produit, les entreprises n’hésitent pas à recourir à toute l’expertise disponible dans leur environnement pour combler les ressources limitées dont elles disposent à l’interne. La plupart d’entre elles n’ont pas de personnel formé spécifiquement pour la recherche et développement (R-D) et plusieurs ne disposent pas non plus de tous les équipements nécessaires à la mise au point d’un produit alimentaire destiné à une production et une commercialisation de type industriel. Cette situation s’explique par le fait que les produits de première transformation sont toujours au cœur des activités de ces entreprises et que les deuxième et troisième transformations ne constituent pour elles qu’un « à-côté » qui pourrait être appelé à se développer dans le futur mais qui n’en est présentement qu’au stade exploratoire. Tant et si bien que la conception et le développement de produits s’effectuent souvent de façon sporadique, lorsque le temps le permet, avec les ingrédients (alimentaires) disponibles à l’interne et lors de périodes durant

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lesquelles les individus et les équipements requis sont disponibles, tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau des partenaires du milieu environnant.

Pour pallier à leur manque d’expertise et d’équipements dédiés à la R-D, la plupart des entrepreneurs recourent donc à de l’expertise externe. Plusieurs entreprises ont ainsi eu recours aux services offerts par Merinov, tant pour les installations de laboratoire permettant d’effectuer des analyses et de développer des recettes que pour le service de « panel de dégustation » qui permet de vérifier les qualités gustatives des recettes élaborées. Certaines entreprises ont également eu recours à des consultants externes du secteur privé pour les aider à développer leurs recettes. Ces consultants externes étaient des « contacts personnels » du dirigeant de l’entreprise ou de l’un des responsables du projet de développement de produits. Les fournisseurs d’ingrédients sont également mis à contribution lorsque vient le temps d’améliorer ou de modifier certaines caractéristiques du produit. Parce qu’ils connaissent bien les propriétés des ingrédients et les produits de substitution possibles pour ces mêmes ingrédients, les fournisseurs s’avèrent souvent une aide précieuse. Tout comme pour les aspects précédents du PDP, la conception et le développement d’un produit nouveau s’effectuent donc en étroite collaboration avec le milieu environnant.

4.2.4 Production

Toutes les entreprises de notre échantillon ont dû procéder à un moment ou l’autre à l’ajout de nouvelles lignes de production leur permettant d’introduire de nouveaux produits ou de nouvelles espèces de poissons et crustacés. L’automatisation de certaines opérations permet aux entreprises de réduire leurs besoins en main-d’œuvre, laquelle est plutôt rare dans la région. Pour sélectionner les équipements requis, les entreprises se font souvent accompagner d’un expert externe (Centre spécialisé des pêches, Merinov) et les fournisseurs d’équipements spécialisés leur offrent habituellement un service d’installation et de suivi. On voit également à la formation des employés qui devront utiliser ces nouveaux équipements. Selon la nature des besoins de formation, celle-ci est assurée soit par les fournisseurs, soit par le Centre spécialisé des pêches ou encore la Commission scolaire régionale. Quant à la cadence de production, elle est en bonne partie dictée par les débarquements effectués par les pêcheurs, lesquels cherchent à atteindre le plus rapidement possible le volume de prises qui leur a été alloué. Cette situation a pour effet d’obliger les entreprises à produire sept jours sur sept durant la saison de pêche intensive. Ici encore, on constate donc plusieurs interactions entre les entrepreneurs et leur milieu.

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4.2.5 Lancement et mise en marché

Les entreprises de notre échantillon ont traditionnellement assuré la vente de leurs produits de première transformation en transigeant avec des distributeurs de gros volumes. Ces distributeurs possèdent une bonne expertise en ce qui touche l’exportation et la distribution en gros des poissons et fruits de mer mais certains entrepreneurs ont constaté que l’expertise de ces distributeurs n’était pas adéquate en ce qui touche la distribution des produits de deuxième et troisième transformations, qui s’adressent davantage à des marchés de niche. En fait, plusieurs des entreprises de notre échantillon éprouvent des difficultés importantes liées à la mise en marché de leurs produits de deuxième et troisième transformations. Ces difficultés ont trait notamment à la présentation des produits (p. ex., apparence uniforme, choix des formats), au design des emballages (matériaux, graphisme), à la façon d’approcher les grandes chaînes d’alimentation (relations avec les acheteurs), à la logistique de distribution (p. ex., besoin d’entreposage à proximité des marchés), à la promotion en magasin ou grand public (p. ex., dégustations en magasin, participation à des émissions de télévision) et à la désignation finale du produit (p. ex., marque du fabricant vs marque du distributeur).

Contrairement à ce qui était le cas pour les aspects précédents du PDP, les entrepreneurs ne semblent plus ici en mesure de recourir au milieu environnant pour obtenir le support et l’expertise dont ils auraient besoin. Des programmes sont disponibles au MAPAQ, mais il semble qu’ils visent principalement à favoriser des regroupements d’entreprises pour l’exportation des produits issus de la première transformation surtout. Or, les problèmes évoqués ici touchent davantage les produits de deuxième et troisième transformation. On pourrait donc être ici en présence d’un « maillon faible » de l’écosystème entrepreneurial ou encore du SRI, en ce sens que les entrepreneurs semblent laissés à eux-mêmes lorsque vient le temps de commercialiser leurs produits de deuxième et troisième transformation. Ici, les difficultés ne sont pas tant l’absence d’un système de soutien que sa spécialisation dans la première transformation. Dit autrement, le système de soutien est lui aussi dépendant du sentier traditionnel de ces régions et de cette industrie et s’avère assez mal adapté à des activités visant précisément à en sortir.

5. DISCUSSION

La présente recherche avait pour but de mieux comprendre a) le rôle de l’écosystème entrepreneurial dans le processus d’innovation de produit; b) la nature des interactions entre l’entrepreneur et différents autres acteurs de l’écosystème entrepreneurial; c) le rôle de

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l’innovation en tant que vecteur de changement des entreprises et du territoire. Comme on peut le constater à la lecture de ce qui précède, le PDP prend forme dans une multitude et une diversité d’interactions entre l’entrepreneur et de nombreux acteurs de son écosystème. En ce qui concerne le premier objet de questionnement, l’analyse à laquelle nous nous sommes livrés dans les cinq PME participantes met en lumière le rôle essentiel des différents acteurs du SRI et de l’écosystème entrepreneurial dans la réalisation du PDP. Comme nous avons pu le voir, cette activité entrepreneuriale d’innovation se réalise à travers une suite complexe d’interactions entre l’entrepreneur et plusieurs organisations de son milieu, incluant les salariés de l’entreprise, bien sûr, mais aussi les pêcheurs, les clients des poissonneries et des restaurants, les conseillers de différentes institutions (de recherche, de formation, gouvernementales, financières), des consultants, des fournisseurs et des distributeurs. Chacun de ces acteurs interagit et coopère avec l’entrepreneur à un moment ou un autre afin de permettre la réalisation du PDP. Ce faisant, chacun de ces acteurs participe également au développement de l’entreprise ainsi qu’au développement de l’écosystème tout entier, qui s’enrichit d’un nouvel apprentissage. Nous avons ici une illustration concrète du modèle décrit par Spilling (1996) et suivant lequel un écosystème entrepreneurial favoriserait l’établissement d’un « climat entrepreneurial » permettant aux entrepreneurs de mieux saisir et exploiter les opportunités qui se présentent à eux.

Tableau 3- Interactions entrepreneur – SRI en fonction des étapes du PDP Composantes du processus de développement de produits Acteurs

de l’écosystème des acteurs de Localisation l’écosystème

Idéation Faisabilité Conception développement Production Mise en marché Retrait C-N Gasp. Dirigeant / équipe de direction LR1 LR Prise de décision Prise de décision Prise de décision Prise de décision Prise de décision Prise de décision Employés (salariés) LR LR Suggestions de nouveaux produits Compétence Disponibles Compétences disponibles, tests de dégustation Compétences disponibles Compétence disponibles Pêcheurs LR LR Approvisionn ement en matière première Fréquence des débarquements Négociation des prix Raréfaction des espèces marines Clientèle locale (poissonneries, restaurants) LR LR Suggestions de nouveaux produits Besoins du marché Tests de dégustation Feedback Infrasructures de recherché (Merinov, Centre spécialisé des pêches) ER2 LR Information Expertise Développement de recettes, Expertise technologique Activités de formation

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Gvts (prov.l/fédéral) ER ER Lois, programmes Programmes d’aide Imposition de moratoires Ministères (agences régionales) ER LR Programmes d’aide Certification (HACCP, GFSI) Programmes d’aide Institutions financières ER ER Financement Consultants ER LR Développement de recettes Certification (HACCP, GFSI) Fournisseurs (technologies de production) ER ER Expertise technologique Expertise technologique Équipements formation Fournisseurs (ingrédients alimentaires) ER ER Expertise en chimie des aliments Expertise technologique Distributeurs / courtiers ER ER Besoins du marché Distribution, exportation, feedback Foires commerciales ER ER Idées de nouveaux produits Prospection de clients

1 LR = locale ou régionale ; 2 ER = extra régionale.

En ce qui concerne la nature des interactions entre l’entrepreneur et les autres acteurs de l’écosystème, il semble qu’il s’agit le plus souvent de relations axées sur la collaboration dans une perspective d’intérêts mutuels. Tant les entrepreneurs que les autres acteurs de l’écosystème peuvent tirer avantage des interactions auxquelles ils participent tout au long du PDP : les clients parce qu’ils auront éventuellement accès à de nouveau produits, les fournisseurs et les distributeurs parce qu’ils entrevoient des perspectives d’affaires, les pêcheurs parce qu’ils y trouveront de nouveaux débouchés pour leurs prises, les conseillers gouvernementaux parce qu’ils remplissent leur mission, bref, des interactions dont tous sortent gagnants. L’écosystème supporte l’entrepreneur dans la réalisation d’une activité d’innovation qui en retour, bénéficiera à l’écosystème. Les échanges entre les composantes de l’écosystème ne sont donc pas à sens unique, mais bidirectionnels.

Tant la nature des interactions observées que la diversité des intervenants impliqués dans ces interactions offrent un support empirique important aux concepts de milieux innovateurs, de milieux habilitants ou encore d’écosystème entrepreneurial (Audretsch et Thurik, 2006; Aydalot, 1986; Boschma, 2004; Isenberg, 2010). Cela dit, nos observations montrent aussi que les entrepreneurs/innovateurs ne comptent pas essentiellement sur les organisations de leur territoire d’appartenance pour élargir leur base de ressources et trouver les diverses composantes de l’innovation. Les données du Tableau 3 illustrent bien l’ancrage extrarégional de plusieurs des organisations avec lesquelles les entreprises interagissent pour réussir leurs projets d’innovation. Comme l’ont montré d’autres études (Doloreux et Melançon, 2007; Trépanier et al., 2013), la proximité géographique du partenaire n’a peut-être pas le caractère

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nécessaire qu’on lui prête dans bon nombre de travaux sur les SRI. Dans notre étude, la PME de la Côte-Nord travaille avec les organisations de soutien technologique de la Gaspésie même s’il faut mettre une journée entière pour s’y rendre. Dans ce cas, la proximité organisationnelle et culturelle liée à l’appartenance à une même industrie semble plus importante que la proximité géographique pour comprendre la relation et en expliquer l’efficacité.

Par ailleurs, nos données permettent de caractériser le SRI et de montrer de quoi il est capable et incapable en matière de soutien à l’innovation. On retiendra ainsi qu’en ce qui a trait à l’identification d’innovations à faire ou de nouveaux produits à développer, le SRI et l’écosystème entrepreneurial sont relativement démunis. Dans un écosystème peu diversifié où les idées viennent essentiellement des employés et des clients locaux de même que des distributeurs de produits de première transformation avec qui les entreprises travaillent depuis des années, les innovations radicales ou les idées pour des produits de deuxième ou troisième transformation ne sont pas légion parce que tous les acteurs impliquées partagent à peu de choses près les mêmes expertises, les mêmes besoins, les mêmes goûts et les mêmes points de vue. En somme, il est difficile, dans un tel contexte, de penser hors du cadre.

En ce qui concerne les dimensions technologiques de l’innovation, le SRI s’avère performant et le passage vers les produits de deuxième et troisième transformation ne semble pas avoir soulevé de difficultés insurmontables. Les fournisseurs d’équipements de production et d’ingrédients alimentaires, les consultants, les organismes gouvernementaux et les centres de recherche et de transfert ont été en mesure d’offrir le soutien dont avaient besoin les entrepreneurs/innovateurs.

Cela dit, même si leur expertise technologique, leurs compétences et leurs programmes étaient suffisamment « génériques » pour passer, à peu près correctement, de la première à la seconde puis à la troisième transformation, il s’est avéré beaucoup plus difficile pour ces organisations d’appuyer efficacement les entreprises dans la commercialisation des produits de ce dernier type. Dans le « nouveau monde » du « plat préparé », l’entrepreneur/innovateur a rapidement senti les limites de ses compétences ainsi que celles des organisations qui avaient l’habitude de l’accompagner dans ses projets d’innovation. Ici, le SRI et l’écosystème entrepreneurial n’offrent pas la diversité qui permettrait à l’entreprise de trouver à faible distance organisationnelle ou géographique par exemple à l’université, dans les firmes de consultants ou les officines gouvernementales des experts en marketing de produits fins, des graphistes et des experts en emballage, des programmes de soutien à la commercialisation, etc. En somme,

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des personnes et des organisations à la fois suffisamment « proches » de l’entrepreneur pour bien collaborer avec lui et assez compétentes dans les nouveaux marchés visés pour être capables de voir les choses autrement et correctement.

Pour ce qui est du rôle de l’innovation (développement de produits) en tant que vecteur de changement des entreprises et du territoire, les constats des paragraphes précédents nous apportent quelques « débuts » de réponse. Tel que précisé plus haut, le développement de produits nouveaux ne constitue qu’un « à-côté » pour les PME de notre échantillon. Le PDP s’y effectue de manière informelle et « improvisée » et s’avère en fait une façon d’explorer « à tâtons » de nouvelles avenues de développement pour l’entreprise. Dans la mesure où le nouveau produit s’avère un succès, il peut toutefois paver la voie à une nouvelle orientation de la stratégie d’affaires. En contribuant à allonger les saisons de production des entreprises de transformation des produits de la mer (qui ne sont en opération qu’à raison de cinq ou six mois par année), le développement de produits de troisième transformation pourrait contribuer non seulement au développement des entreprises, mais aussi au mieux-être financier d’une partie des salariés de la région. Bien que de façon indirecte, le processus de développement de produits, même s’il ne consiste qu’en une innovation incrémentale, pourrait ainsi contribuer non seulement au développement des PME de notre échantillon, mais aussi au développement d’une nouvelle trajectoire pour l’ensemble de l’écosystème dont il procède (Martin et Sunley, 2006). Tout en permettant de prolonger la saison de production et d’ajouter de la valeur aux activités de transformation des entreprises, le développement de produits nouveaux pourrait contribuer à assurer des emplois annuels à un plus grand nombre d’individus, ce qui permettrait de les garder en région et de freiner l’exode des populations locales vers d’autres régions capables d’offrir des emplois sur une base annuelle.

6. CONCLUSION, LIMITES ET AVENUES DE RECHERCHE

L’analyse qui précède met en lumière le rôle essentiel que peut jouer le SRI ou, de manière plus large, l’écosystème entrepreneurial. En permettant à l’entrepreneur de cheminer dans son activité entrepreneuriale - en l’occurrence, le développement de produits nouveaux - les différents acteurs de l’écosystème ont directement contribué au développement de l’entreprise. De façon indirecte, on peut dire qu’ils ont contribué aussi à l’enrichissement de leur écosystème sous forme d’un nouvel apprentissage. Le fait, pour l’entrepreneur, de pouvoir bénéficier dans son environnement immédiat du support, de l’accompagnement et de l’expertise d’acteurs externes à son entreprise s’avère ici déterminant. Sans le support de

Figure

Figure 1 - Le modèle linéaire de processus de développement de produits
Figure 2 - Le modèle de la chaîne interconnectée de Kline et Rosenberg (1986)
Tableau 1 - Caractéristiques des PME de l’échantillon
Tableau 3- Interactions entrepreneur – SRI en fonction des étapes du PDP

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