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Le Moringa stenopetala est-il l’arbre des Konso ?
Elise Demeulenaere
To cite this version:
Elise Demeulenaere. Le Moringa stenopetala est-il l’arbre des Konso ?. M.-C. Cormier-Salem, D.
Juhé-Beaulaton, J. Boutrais, B. Roussel. Patrimonialiser la nature tropicale. Dynamiques locales,
enjeux internationaux, IRD, pp.371-402, 2002, Colloques et Séminaires, 2-7099-1496-4. �hal-01062889�
Le
Moringa
stenopetala
est-il
l'arbre
des
Konso
(Sud-Ouest
de
l'Ethiopie)?
ÉliseDemeulenaere
LegenreMoringafaitactuellementl'objet d'unengouement parti¬
culierdela partdeplusieursacteursdudéveloppementdanslespays duSud, telslaGTZ(agenceallemande decoopération)ou diverses
Organisations non gouvernementales(ONG). Sonreprésentantle mieuxconnu,Moringaoleifera Lam.,indiend'originemaisdésor¬
maislargementrépandusur lecontinentafricain,possèdeeneffetde nombreusesqualités(feuilles comestibles, graines aux propriétés purifiantesetantibiotiques,adaptation facileauxconditionsclima¬ tiquessèches)sibienquel'idéeestvenuedepromouvoir la culture ducabbagetree dans lesrégions aridesoùil estencore absent.
Il
existe douze espèces deMoringa,très peudécrites,mais poten¬tiellementaussi intéressantes queM. oleifera. Parmicesespèces oubliéessetrouveMoringastenopetala(Bak.f.) Cuf.,espèceendé¬
miquede
l'Afrique
del'Est.EnEthiopie,il
estcultivédansla valléedu Grand
Rift
africainainsique danslescollines du payskonsot (figure1).Danscette dernière zonegéographique,il
sembletenirune placetoutàfaitparticulière.Sontronc blancet sonfeuillage vertclair1.Lepayskonso, à 600 km ausudd'Addis-Abeba, estunterritoiremonta¬ gneuxcouvrantenviron 50sur 50km,s'étageantentre1200et 2000m, situé enborduredu GrandRiftafricain.Leclimaty est relativement sec (518mm de précipitationsparand'aprèsMesseret,1990),avecdefortes
variationsinterannuelles. Lapopulationkonso,d'originecouchitique,repré¬
sente186000habitantsd'aprèsledernier recensementde1994(Fédéral Démocratie RepublicofEthiopiaetal., 1996),essentiellement desagri¬
372 T Patrimonialiser lanature tropicale
tl \li N
SOUDAN
KENYA
IFigure1
Localisationdu pays Konso.
(figures2 et3) sontomniprésentsdansleszonescultivées du paysage
-
champs etvillages;parailleurs,il
n'estpointbesoindeséjournerlongtemps chez les Konsopours'apercevoirque les feuilles de
Moringa fontpartie duquotidiencarellesentrentdansla composi¬
tiondela principale préparation culinaire(figure 4).
L'objectif
initialdecetarticleétaitd'ajouterunecontribution ethno-botanique supplémentaireàlamassedeconnaissancesdont on disposedéjàsur lesMoringa. Mais voyantla placeprimordiale qu'occupele
M.stenopetaladansla société konso, nousavons préféréàune présen¬
tation strictement monographique,tenter derépondreàlaquestion légèrementprovocatrice : leMoringa stenopetala est-il l'arbredes
Konso?Plusexplicitement,cettequestionpeutsedéclinerentrois volets:lesKonsoont-ilsdéveloppéautourdecetarbredespratiques
originales qui sedistingueraientdecelles des peuplesvoisins? Le M.stenopetalaoccupe-t-ilune placeprivilégiéedanslasociétékonso
É.DEMEULENAERE - LeMoringa stenopetalaest-il l'arbre desKonso?
1Figure 2
Dans les haies,le long des ruelles,ladensité duMoringa stenopetala est telle que les taches vert clair de ses frondaisons
signalentles villagesdans le paysage.
savoirs et savoir-faire spécifiques peut-il justifier de quelconques revendicationsde la part des Konso sur l'utilisation de cet arbre? Cesinterrogations sesituent dansla ligne des orientations prisespar laConvention sur la diversité biologique (1992). Dansson article 8j,
374.., ~ œ
'"
c'"
's'"
E ~ ui o ë s: Q.Patrimonialiser la nalure Iropicale
1Figure 3
Le tronc du Moringa stenopetala est d'unecouleur gris clair très caractéristique.
la Convention pose en effet la question des droits des populations locales sur l'utilisation des ressources vivantes qu'elles sont suscep-tibles d'avoir façonnéesà travers leurs pratiques, et sur l'utilisation des pratiques elles-rnêmess.
Nous allons, au cours de cet article, argumenter en faveur d'une spéci-ficité dans la relation entre la société konso et leMoringa stenope-tala: tout d'abord, nous analyserons sa répartition géographique et
origi-E.Demeulenaere- LeMoringa stenopetala est-ill'arbre des Konso? 375'
nalitédespratiques misesenplaceautourduM. stenopetalapar les Konso etsoulignerontle rôledecetarbredansl'identitéde cepeuple3.
Enfin, nousconcluronsparuneréflexionsur son caractère «patri¬
monial»pourlepeuplekonso.
1
Un
arbre associé
au
peuple
konso
Une
aire
de
répartition
large...
Le Moringa stenopetala (syn. Donaldsoniastenopetala Bak. f., M. streptocarpaChiov., M. peregrinasensuDale
&
Verdcourt),est endémiquedel'Afrique
de l'est. L'étude plus précisedelaréparti¬tiondel'arbreàpartirdesouvrages debotaniqueestrenduequelque
peudifficileparlesfréquentes erreursd'identificationet parleschan¬
gements denombotanique. Pourneciterquequelques auteurs,Azene
etal.(1993)n'évoquequeM.oleifera, prétendant
qu'il
fut introduitil
yalongtempsenEthiopieetqu'il
estmaintenantnaturalisédanslarégiondeGamo-Gofaetdanslavalléedu
Rift
-
c'estclairementauM.stenopetala
qu'il
faitallusion;Wolde(1987)citeM.peregrina (Forsk.)Fiori, qui estcertesprésent en Ethiopie,mais enlui
attri¬ buant les nomsvernaculairesdeM. stenopetala.Mêmesila langueamhariquenefaitpasladistinction
-
«shifdraw»pourlesdeuxespèces-M.
stenopetaladoitêtrebiendifférenciédeM.oleifera.Sesfeuillescomposées, dontles foliolessontplusgrandes chezM. stenopetala
2.«Chaque Partie contractante, respecte,préserve etmaintient les connais¬ sances,innovationsetpratiques descommunautés autochtones et locales quiincarnent des modesdevietraditionnels présentantunintérêtpour la conservationet l'utilisationdurabledeladiversitébiologiqueet en favorise l'applicationsur uneplus grandeéchelle,avecl'accordet laparticipation desdépositaires decesconnaissances, innovations etpratiquesetencou¬ rage lepartage équitabledesavantagesdécoulant del'utilisationde ces connaissances,innovations etpratiques.»Article8jdelaConvention sur laDiversité Biologique(enlignesurl'Internet).
3.Cetarticle s'appuiesurdesdonnées de terrain recueilliesaucours de différentsséjours (mai-juin 1999;février-mars2000; novembre2000; juillet 2001).L'ensemble desentretiensontétéréalisésdanslekanta(et.
infra)Hottaya du bourg de Dokatto,dans lequel nous avonshabitéplusieurs mois,auprès demembres oud'amisdenotrefamilled'adoption.
376T Patrimonialiser lanature tropicale
(3,3 à6,5 cm aulieu de 1 à2cm),ontun apexpointu etnonpas
arrondi;sescapsules
-
plusgrossesquecellesdeM.oleifera-
sont torsadéeslorsquelefruit
estfrais;sesgraines ailées sontellipsoïdesetnon sphériques, decouleurcrèmeetnon brun sombre (Dechasa,
1995).QuantàM.peregrina(Forssk.)Fiori,anciennementM.optera,
il
nedoitpasêtreconfonduavecM.peregrinasensuDale&
Verdcourt,l'anciennomdeM. stenopetala.
La consultationdediversesautresflores(Audruet
al,
1994;EggelingetDale, 1951 ;Hamza MohamedEl
Amin,
1990;Maunduetal,
1999; Edwards et
al,
2000)nousindique quel'espèceestsignaléeàDjibouti,enOuganda,auSoudan,maisqu'elleestprincipalement
présente aunorddu Kenyaet enEthiopie. Les investigationsdela Gene-BankàAddis-Abeba(conduites en 1990par leDrDavidWood,
leDrJanEggels etleDrEggert Goettsch), cellesdeSamiaA.A.Jahn réalisées àlamême époquepour laGTZ(Jahn, 1991), aboutissent toutesàunelocalisationdel'originedel'arbredanslavalléeduRift,
au Kenya,prèsdes lacs Turkanaet Baringo eten Ethiopiedans la bassevalléedel'Omo.
SelonlaFlored'Ethiopie(Edwardset
al,
2000),ontrouvel'espèce enEthiopiedansleKaffa,leGamo-Gofa etle Sidamo4,entre500et1600md'altitude,dansl'étageagroclimatiqueduqolla5.Cettelimite
supérieurededéveloppementduMoringa, quipeutdanscertaines
conditions atteindre2000m,correspondàpeu prèsàlalimiteinfé¬
rieurededéveloppementdel'ensète,sibienqueleMoringaest quasi¬
mentexcludelaculturedespeuplesappartenant selonl'expression
de Gascon(1995)àla«ceinturedel'ensète».L'arbre préfèrelessols
sableux,biendrainés, dans lesquels leniveaudela nappephréatique esthaut.
Il
résistecependant bienàlasécheressecequifait qu'onleretrouveàlafoisdansles zoneshumideset les zonessèches.
4.Onl'observe cependant dans différents sites plus au nord (Awassa, Ankobër:Elisabeth Chouvin, comm.pers.;Sodàré,près deNazaret; Metahara;obs.pers.,juillet2001), oùilaétéintroduitsoitpardes missions protestantes,soit pardiversesstructuresd'enseignement ouderecherche agronomique.
5. Leqollaest l'un descinqétagesagroclimatiques définisparles biogéo¬ graphes àpartir des catégories spatiales reconnuespar lespaysansabys¬
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-il l'arbre des Konso? 377'
...
des
utilisations
multiples...
Les utilisations duMoringastenopetala sontmultiples etontété rapportéespar denombreuxauteurs.
Jahn(1991)nousdonnedeprécieusesinformationssurl'utilisation
del'arbreauNord Kenya,où
il
n'estcependantpratiquementjamais cultivé:lesTurkanapréparentlesfeuilleseninfusioncomme remèdecontrela lèpreet les donnentàbrouteràleur bétail;les Njemps,
peuple apparentéauxMasai,mâchentl'écorceentraitement contre latouxetutilisentdesextraitsd'écorcepour la préparationde soupes
fortifiantes. Prèsdu lac Baringo, quelques arbres issus degraines
prélevéeslocalement,sont plantésdanslesjardinsdesrésidentsocci¬
dentauxqui apprécient l'esthétiquedel'arbre.Despeuples nomades
de la valléede
l'Omo
utiliseraientlesracines de M. stenopetalasauvages pourclarifierl'eau : cesracines sont eneffet capablesde
provoquerlafloculationdel'argiledeseaux boueuses selonMayer
etSteltz,19936.EnSomalie, lafuméesedégageantàla combustion
delaracineseraitinhalée parlesfemmesaucoursd'accouchements difficiles(selonOkk, 07/01).Au payskonso, cette mêmefuméeest
utiliséepourtraiterlescrisesdetypeépileptique (yuputa);deplus, lesfeuillesdecertains arbres, préparées en dama(voirplusloin)et serviesaumaladependantlestroisrepasdelajournée,sont réputées efficaces contreladiarrhée.
...
mais une utilisation
alimentaire
et une
mise
en
culture
associées
aux
Konso
L'utilisationalimentairedesfeuilles peutêtreobservée danstoutle sud-ouestdel'Ethiopie (voir fig. 1), dans les zonescorrespondant
aux exigencesécologiquesdel'arbre7.Lessituationsvarientcepen¬
dant: danslabasse valléedel'Omo, oùl'arbre (appelékalenqéen
Bashada)estspontané,lesfeuillessont consomméesquandle sorgho
6.Aupays konso, cetteutilisationdes racines de Moringastenopetala n'est pasconnue.L'eauargileuse,lorsqu'elles'avèretrop trouble, estclarifiée enytrempantdessectionsdealkitta(Sisalsp.), quipousseenabondance danslesbassesterres.
378T Patrimonialiser la nature tropicale
vientàmanquer,cequiplacel'arbreaumême rangque lesnombreuses autresplantesdefamine(NicoleMohaupt, comm.pers.).L'arbreest
parfoisplantédanslesrareschampsdespasteurs nomadesmaisn'est utiliséqu'occasionnellement. Pluson s'élèveenaltitude, moinsles
graines sedéveloppent spontanément : lareproduction del'arbre requiert alors une interventionhumaine, engénéralun recoursau
bouturage. Danstoute lavalléeduGrand
Rift
africain,jusqu'àlalati¬tude deSoddoenviron,dansle Gamo-Gofa,dansleKaffaégalement,
l'arbreestconnu (souslenomdehalako), planté,mais son utilisa¬
tionalimentairereste limitéecar leclimatpermetledéveloppement
d'autreslégumes nonrésistantsàla sécheresse8.
Mêmesil'arbreestdésormaislargementrépartietutilisédansle sud-ouestdu pays,quiconqueconnaissantcet arbre et étantinterrogé l'as¬
socierencoreàla culture konso.Cen'estpasparhasardd'ailleurssi
l'utilisationalimentairedel'arbre,faittoujoursréférencelorsqu'elle
estévoquée, àcelle réalisée au pays konso. Parexempledans un
ouvragetraitantdesplantes utilesdu Kenya : «On penseque cette espèce,commeson espèceapparentéeM. oleifera, pourraitavoirun
potentielentant queplante alimentaire.Lesfruitsenformedegousse
et lesfeuillesseraientutilisés comme légumeàManderaetenEthio¬
piepar lesKonso»9(Maunduet
al,
1999).Dansla flored'Ethiopie,lorsque les conditionsdemisesen culture sontmentionnées,c'est explicitementaux terrassescaractéristiques du pays konso
qu'il
est7.Laconsommation desfeuilles est enfin rapportée au Nord Kenya (Marsabit, Moyale,Mandera), maisilconvient de noter que ces zones constituentdes lieux d'émigration de Konso (Jahn,1991;HermannAmborn, comm.pers.).Ilconviendrait cependantd'enquêterplusprécisémentsur larégiondeMandera,oùl'existenced'une influence konso n'a pas été clairement établie.
8.Trèsrécemment, envisitantlarégiondeGofa (cf. fig.1),nousavons traversé unepetitezoneauxconditionsécologiquesparticulières,autour delamontagne deZala, entre1300et 1600m,danslaquelle leMoringa stenopetala estnonseulement très présent, maissemble, deplus,avoir unevaleurhistorique et identitairepour la population.Cesobservations préliminairesnousamènentàreconsidérerlesconclusionsavancéesdans cet article, écrites avant notre dernier voyage:ellesdevront être complé¬ tées quant nousaurons menédesrecherchesultérieuresplus poussées. 9.«//isthoughtthatthis species, likeits relativeM.oleifera,may hâve potentialas afood plant.Thepod-likefruitsand theleavesmay beused as a vegetable in Manderaand in Ethiopiabythe Konso»(Traduction personnelle).
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-il l'arbre desKonso? 379'
faitallusion10 :«Moringastenopetala estcultivédansdeschamps
enterrasses,desjardinsetdespetitesvilles,et pousse aussi naturel¬
lementdans deslitsderivière,dessavanesàAcacia-Commiphoraet surdessolspierreux»
u
(Edwardsetal,
2000).I
Un
arbre-légume essentiel
dans
le
régime
alimentaire
des Konso
Aupayskonso, leM. stenopetala(shelaqtaenlangue konso, avec quelques petitesvariantesselon lesrégions:shelqata,telaqta,telqahta)
estcultivé poursesfeuillescomestibles.Ellesentrent danslacompo¬
sitiond'unplat consommé quotidiennement,ladama,quiprendune
parttrès importante dans l'alimentation. Elles sont appeléesmida, terme générique que
l'on
pourraitapproximativement traduire par «légume».Mida, le
«légume»
Lemot midadésigne lesfeuillesdeMoringastenopetala;mais
il
est aussiemployépournommerunecatégoriedeplantesdont on peut consommerles feuillesbouillies: des«brèdes» ou «pot-herb» en anglais12.LeMoringastenopetalaest, ànotreconnaissance,laseuleplantede lacatégoriedesmidaà être exclusivementcultivée pour
sesfeuilles.Les autresmidasont engénéraldesplantes sauvages ou
desadventices récoltéesaumomentdudésherbage,ouencore des
10.Kuls(1958,citéinJahn,1991)affirme l'existenced'une corrélation entrelacultureduMoringastenopetala et la réalisation deterrasses:il remarque eneffet dans lesannées1954-1955 laprésence du Moringaau payskonso,mais note sonabsencedans leSidamoetdansleDarassoà l'estdes lacsAbbaya etChamooù lacultureenterrasse n'estpasprati¬
quée.Nousn'avons pasd'arguments à avancer pourconfirmer ou Infirmer l'existenced'unetellecorrélation.
11 .«Moringastenopetalaiscultivatedinterracedfields,gardensand small towns,also growing naturally in riverineand Acacia-Commiphora wood-landandon rockyground-(Traductionpersonnelle).
380., Patrimonialiserla nature tropicale
1Figure 4 La préparation
dela dama.
plantes cultivées dont lesfeuillesne sont qu'accessoirementconsom
-mées (par exemple la tomate, Lycopersicon esculentum Miller).De plus, à l'exceptionde Balanites aegyptica (L.) Del. et de Moringa
stenopetala, ce sont toutes des herbacées. Elles sont employées,selon
la phénologie et les qualitésgust ativesde l'espèce,en saison sèche
seulement ou tout au long de l'année, seules ou en mélange.
Uneanalogieavec un autre termekonso nous permet de mesurer ple
i-nement ce que la polysémiedemida implique. Le mot unta désigne
en effet en premier lieu,le sorgho, puis, par extension, toutes les
céréales. Cet élargisse me nt du sens du motun/a traduit la primauté
12.La listede celles-ciest longue:lors denotre enquête en novembre2000, nous avons pu en recenser une trentaine. Entre autres, Launaea
taraxa-cilolia (Willd.)Amin exC.JeHry (hankoleyta),Amaranthussp. (raasota),
Portutece quadnlida L.(maraitta), Oregea schimperi (Decne.)Bullock (xayla),
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-ill'arbre des Konso? 381 T
etla prédominance decette céréaleparmi les autres.De même, la dénominationdesfeuillesdeMoringastenopetalasemble lesplacer commereprésentativesdesautresespèces àfeuilles comestibles,du
fait d'uneantériorité historiquede
l'utilisation
decetaliment,ou d'uneutilisation plus importante.L'équivalent amhariquedecettenotiondemidapourraitêtreceluide
gomdn,«unmotgénériquepourle chou, mais aussisesdérivés»13
(Wolde, 1987), tous ayantlaparticularitéd'êtredesvégétauxàfeuilles
consomméesbouillies(lechou-fleur,yàababa goman,partiedel'in¬
florescence,estuncaslimite).Lalangue anglaisefaitlamêmeexten¬
sion desensaveclemotcabbage
-
«chou»,mais aussiau senslarge l'ensembledeslégumes.Enfrançais,lemot«chou»nedésigne que lacatégoriedeschoux;enrevanche, lemot«légume» dont lesensactuelestcelui qu'onconnaît
-
lapartied'uneplante potagère quel'on
cueilleetquiestdestinéeàl'alimentation-
désigneinitialementunensembleplusrestreint,àsavoirlelégumedeslégumineuses.La catégoriemidaestmoinslargequecelleenfrançaisde«légume»;
c'est pourtantlatraductionque nousproposons,poursoulignerle caractèregénérique de cemot. Danscecadre, lesappellations en anglaiscommeenfrançaisduMoringastenopetala,respectivement
cabbage treeet«arbre-légume»
u,
s'avèrentparticulièrementadap¬ téespour traduirelestatut del'arbrechez lesKonso :il
estl'arbre quidonnelamida,etla midadésignel'ensembledeslégumes.Les feuilles de Moringa stenopetala, un
ingrédient
intervenant dans
la
préparation
de la
dama
La mida, c'est-à-direlesfeuillesdeMoringastenopetala ouau senslarge lesfeuillesdes espècescitéesci-dessus,estpréparéeenmélange avecdesboulettes decéréales(sorghoengénéral).L'ensembleconsti¬ tuela dama,plataussiappelékurkufa (terme oromoquidésignetous lesplatsàbasedeboulettesdecéréalesbouillies).
13.«Agênerai name for cabbageandits derivate» (traductionperson¬ nelle).
14. LeHouérou (1984) proposeaussi la traduction littérale del'anglais «chouarborescent».
382T Patrimonialiser lanature tropicale
Lesfemmes la préparentdelafaçonsuivante:ellesmettentdel'eau
àchaufferdansunrécipiententerrecuite(okkotta). Lorsque celle-ci bout, ellesplongentlesjeunes feuillesdeMoringa (mida) après les
avoirséparéesdes branches. Lesfruits deMoringa lorsqu'ilssont encore tendres,peuventégalement êtreajoutés:cependantleur goût légèrementamer est peu appréciédesKonsoquilimitentcetteconsom¬
mationaux périodesdedisette.Unsel(mekaato)
-
vraisemblablement du carbonate desodium-
extraitenterresborana,estrajoutéàl'eau pourfaciliterlacuissondesfeuilles:letempsdecuissondans del'eaudesourceestréduitenprésencedunatronàunedemi-heureau lieu d'uneheure.Sil'eauestdepluie,l'ajoutdenatronestindispensable
sinonlesfeuillesdeMoringanecuisent pas. Pendantla cuissondes
feuilles,lescuisinières préparentun mélangedefarinesdesorgho, maïs,blé,selon lesdisponibilités1S.Du manioc
-
tuberculenouvel¬ lementintroduit-
estparfoisajoutésousformedepoudre.Aprèsavoirverséun peud'eau surlafarineetpétri la pâte obtenue, les femmes
la façonnentenboules dedeuxàcinq centimètresdediamètre(appe¬
léeskutumtaoukutummuwaavantcuisson).Unegaletteun peuplus
large(luutota)esttraditionnellement confectionnéeàl'intentiondes
trèsjeunes enfants de la maisonoupour les petits voisins :saplus grandetailleleurpermet delagarderbien enmain,commeunjouet,
et de la grignoter toutaulongdelajournée.Les boules de céréales
sontalorsplongées dans l'eau, luutota,en premier. Une calebasse
(dufana)est poséesur l'embouchuredurécipient,cequi faitdireà
l'ethnobotanisteTakeshi Fujimotoquela préparationn'estpasvrai¬
mentbouilliemais plutôtcuitedansla vapeurd'eau.Auboutd'une dizainedeminutes,la cuisinièremetdecôtél'eaudecuisson(mirira), la destinantaux bêtes.Elleversel'ensembledela préparationdansun
grandplatenbois(tooma),l'étalant pour larefroidirlégèrement(voir photo).Lafamille vientmangerlesboules de céréales (appeléesdama aprèscuisson)couvertesdefeuillesdeMoringa, qui ont prisl'allure d'épinards.Pourenreleverla saveur, lesboulessontéventuellement
trempées dans unmélangede pimentécrasé,de petites tomates,de
grossel.Lerestedelapréparationestservifroidlelendemain,aupetit déjeuner (hammayta)et au déjeuner
(piffa).
Pourles occasions15.Cesdeuxderniers étant particulièrement présentslorsde mes séjours
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetalaest-il l'arbre des Konso? 383T
spéciales,onajoute lorsqu'onen alesmoyens, dela viande(bouf, moutonouchèvre) coupéeenmorceaux,sinondelagraisse(chôma), ou encore dubeurre(daatta).Laprésence dematièregrasse,lafaible tailledesboulesdecéréalesetégalementl'abondanceenfeuillesde
Moringa,sont lescritèresd'unedamaricheetdebonnequalité.
Place
de
la
dama
dans
le
régime
alimentaire
Les autres aliments consomméspar les Konso sontdes haricots (Vignaspp., Phaseolusspp., Lablab purpureusL., etc.)bouillis
(xarsha), éventuellementmélangésà destubercules(manioc,patate
douce, pomme de terre,Amorphophallus sp., etc.), coupés en
morceaux;enpériodederécolte,desgrainsde céréalescrusou,
commepourlemais,grillés;deraresfruits;dulait caillé;sansoublier
uneboissondesorgho fermentée(jaqà), qui constitueégalement un
alimentnourrissant.Ladama,consomméeaupayskonsoenmoyenne
deux àtroisfois parjour,resteindubitablementleplat principal. L'examenduvocabulaireajouteunargumentàcetteobservation. On
peuteneffets'étonnerdela ressemblanceentrelenomduplat(dama) et lemotutilisépour«nourriture»(damta), lesdeux termes étant
parfoismêmeutilisés
l'un
pour l'autre16.Lepayskonso avusedévelopper unealimentation pour lemoins spécifique,danslaquellelesfeuillesdeM. stenopetala prennentune
part primordiale. Ceciestunpremier argumentpour démontrer l'ori¬ ginalitédurapportM.stenopetala aveclaculturekonso.
1
Un
arbre
particulier dans
le
système
agroforestier
konso
Depuisleurinstallation
il
yacinq centsansenviron (d'aprèsAmbom,comm. pers.,quifondesonestimationsurl'étudegénéalogiquedes
institutionspolitiqueskonso),lesKonsoontdéveloppé, surlescollines
16.Uneinvitationàmanger deladama donneenafa-xonso:damadamât, «mange deladama»I
384T Patrimonialiser lanature tropicale
qu'ilsoccupent,unvaste réseaudeterrassessur lesquellesilsculti¬
ventun mélange detubercules (igname, taro, patatedouce...),de
céréales(maïs, sorgho,blé etorge,éleusine),de légumineuses et
autres plantes (tabac,khat, coton, café) sous uncouvertd'arbresà usagemultiple.Sileszones densément arborées sontd'étendue réduite etgénéralementréservées àdesfonctions rituelles (Demeulenaere,
2001),les arbres éparssonttrèsnombreuxetcomplètementintégrés ausystème deproduction agricole.Dansce systèmeagroforestier,le Moringastenopetalaoccupe une placeàpart.
Une
fonction
exclusivement
alimentaire
Toutd'abord,safonction diffèregrandementdecelles des autres
ligneuxprésents dans leschamps. Ceux-cisontutilisés enpriorité pourleurboisdans la constructiondes maisons (lebois defeu est,
lui,ramassé dans lesbassesterres) etpour le fourragequ'ils offrent
auxanimauxqui restentencase.D'autresusagesplus anecdotiques apparaissent:la productiondefruitscomestibles, d'encens,laconsti¬
tutiondesupportspourlesruches,etc.LeMoringastenopetala consti¬ tue uncasparticulierdu faitde l'originalitédesonrôle strictement alimentaire.
Il
existe certesun autre ligneux,Balanites aegyptiaca(L.)
Del. (hankalta), déjà cité, dontlesjeunes feuilles sontcomes¬tiblesaprèscuisson,maiscelui-ciestconservé(ettrèsrarementplanté) dans leschampsavanttout pourlesqualitésdesonboisquipermet¬
tentlafabricationdespetitsobjets.La consommationde sesfeuilles n'estque secondaireetlimitéeencore unefois auxpériodes dedisette.
Le boisde Moringastenopetala enrevanche
n'offre
absolumentaucunepossibilitéd'exploitationvalable.
Une
présence dans les
différents
secteurs
du
parc
agroforestier
(champs, villages)
LeMoringastenopetalaest certescultivédans leschampsoù il fait partiedesligneuxlesplusfréquents, avecTerminaliabrowniiFresen
(oipatta),iwwawata, Cordia africanaLam.(holteytd),Croton
macros-tachyus
Del. (maskanta),
divers acacias,Carica papaya L.
(papayeeta),Berchemiadiscolor(Klotzsch) Hemsley(qananta)...,
E.Demeulenaere- LeMoringa stenopetala est-il l'arbre desKonso? 385'
1999).Les sols lesplus sableux(ajahayta, deaja, sable), bienque correspondantauxexigencesécologiques duMoringa, sontplutôt
réservésàTerminaliabrownii.Cetteespèce,fortrecherchéepourses
troncs élancésutilisablesenconstructionetsesfeuillesàvaleurfour¬ ragère,atendanceàabîmerlessols:selonlalogiquepaysanne,on
attribue doncàcetarbreàcroissancerapidelesterreslespluspauvres
danslesquelles
il
ale moinsd'impact négatifsurlesautrescultures. Moringastenopetala est relégué sur les solsargilo-sableux plusou moinscaillouteux(qirrilayta,kalkaleyta)et lessols «noirs» (poro-poora)oùil
estsouventassociéàdesplantsdecafé.Mais
il
présentelaparticularité d'êtreaussi trèsprésentàl'intérieur desvillages(voirfig. 2),oùil
domine largementlecouvertligneuxaussicomposéd'eucalyptus17,depapayers,debananiers, decaféiers.
LadensitéduM.stenopetalaesttellequelestachesvertclairdeses
frondaisons signalent les villages dans lepaysage. Les espèces ligneuses présentesontsouventun usagealimentaire:leurproximité
avecleshabitationsfacilitela récoltedesproduits.Dans lesvillages, l'habitateststructuré enpetits enclosfamiliaux,chacunétant déli¬
mitépar une épaisseclôtureenbois(oxenta)etséparéen sonmilieu
par uneterrasse(kawwatta),lesétables,greniers étantplutôten bas,
les casesdestinéesàlacuisineet àl'habitationétantplutôtenhaut. Cette séparationdel'espace domestiqueestmatériellementet symbo¬
liquementimportante;lesMoringastenopetalaseretrouventcepen¬
dantindifféremmentdanslearxatta(en bas)etleoita(enhaut).Pour éviterqueleshouppiersdesarbresnedébordent surles cases(encas de pluie,l'eauqui dégouttedesarbres accélèrela dégradationdes
toitsdechaume), les arbrespeuvent être plantésdanslahaievive qui
double,voire remplace,la clôtureenbois.Afindegagnerdelaplace, certainsvillageoisutilisentmêmel'espaceétroitextérieuràleurenclos (une bande deterreou unmuret), qui borde le chemin d'accès aux
maisons. Chaquefamillepossèdeainsientredeuxet unequinzaine
deMoringadansl'espaceprivéquientourel'habitation.
17.Leucalyptusn'est plus plantédans leschampsdepuisqueles paysans
sesont aperçus qu'il appauvrissaitles sols. L'arbreestcependantappré¬ ciépourses perchesutiliséespourlacharpentedestoitsentôleondulée, unearchitecture quisedéveloppeaux dépensdestraditionnels toits de chaume.
386T Patrimonialiserlanature tropicale
Un
arbre
toujours approprié,
même
sur
les espaces
communs
Contrairementaux autres ligneux utiles,Moringastenopetala est
égalementparfoisprésentsurlesplacespubliques.Uneobservation
desarbresdesplacesdu village(mora)permeteneffetdeconstater
qu'onyretrouveunnombrelimitéd'espècesligneuses:Commiphora
spp.,Ziziphusspina-christi,Z.mucronata,Grewia villosa, Balanites aegypticaetparfoisMoringastenopetala.Autantles espèces premiè¬
rementcitées sont le bien de lacommunauté18 (asamayta, «au peuple»),autantle M. stenopetalaestle seul arbrede ces espaces
publicsquisoit toujours approprié (axaade, «àquelqu'un»).Dans un des casobservés (à Mejeke), lepropriétaire des
Moringa
ademandél'autorisationaux anciens duvillagepourpouvoirplanter
sesarbres surlaplacepublique. Dansun autrecas (moraHottayta
àDokatto), l'espacedans lequel poussait ces arbresétait initiale¬ mentprivéet aété«réquisitionné»parla communautépourenfaire
unemora (lieuxderéunion desclassesd'âge). LesMoringasont restés lebien del'ancien propriétairedu terrain.Avecuneautre
espèced'arbre,
il
n'en auraitpas étéainsi. Nous connaissons parexemple lecas d'unedina(bois entourant le village)qui doitêtre repoussée vers l'extérieurdefaçonàlibérerdel'espacepourde
nouvellesmaisons dansl'enceinte duvillage.Ceci doitse faireen
empiétantsur unchampparticulier, danslequelpousseun grand Acacia
tortilis
(dettatta). L'arbre qui appartient actuellement aupaysanpropriétairedu champ, deviendra, d'aprèslestémoignages
recueillis,lebiendela communauté villageoise.
Des
arbres
«personnalisés»
Les Konsodonnent unnomàceux desMoringastenopetalaqu'ils considèrentcommeremarquables,nomchoisiengénéralenfonction
18.Les Konsodistinguent asamayta«au peuple»(ce quisous-entend la populationd'unvillage),demaapara«au groupe».Lespuits, lesréser¬
voirsd'eau, lesbosquetsentourant lesvillages,lesbassesterres, et les places publiques, sont asamayta.Certains champs (dulla), cultivés en groupe,sontditsenrevanche dullamaapara.
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-ill'arbre des Konso? 387T
desqualités reconnuesàl'arbre.Unpetitgroupede paysans deDokatto
nousontaidé à dresserune liste, probablement non exhaustive : orrara,«([aussigrandqu'un]nuage»pour unarbregrand;haydotti, «[aussi bonque]hayda»i9(viande fuméeque
l'on
peut conserver longtemps),pour un arbredontles feuilles sontparticulièrementsavoureuses;aqoma,«quiarrêtela diarrhée»pourun arbredontles
feuillesontdespropriétésantidiarrhéiques;toonayteetaou toonayya,
pour unarbretordu. Cette listeaparla suiteétécomplétéepardes
informateursdevillages voisins:poneeyapourun arbreplantéàla
saisonsèche(pond)etquiasuyrésister;tooraya pour unarbrequi
pousse avecdetrèsgrandesbranches(tooraestceluiquiestjaloux, malveillant);koyiteetapourun arbrequirestepetit;saartayya,qui
signifie«liane» maisest aussiun prénomféminin; koltoma, nom
donné auxvieillesfilles. Unarbre plantéà partird'unautre appelé
haydotti, pourra si sesfeuilles s'avèrentbonnes, être appelé inna haydotti,«fils
/ fille
dehaydotti».GubaeGunderta,undenosinfor¬ mateurs, nousraconteégalement:«dansundenoschamps,il yaunshelaqta qu'ils appellentshelaqtaGubae. Ils
l'ont
plantéquandje
suis né.Magrand-mèreavaitpour habitudededéposeràsonpied
mespropres fècespour lefertiliser».
Les paysansquisouhaitent mettreenvaleurl'uneoul'autredes carac¬
tèresd'unde leurs arbreslui choisissentunnom dansun éventail
donné.Cetéventailsemblevarier légèrementdevillageenvillage, même si certaines appellations sont répanduesdans toutlepays
(orarra,haydotti).Le nomorarraestégalementattribuéà desarbres
d'autresespècespour souligner leurtrèsgrandetaille,demême
qu'il
peutdésigner une grande montagne.Les autresnoms enrevanche
semblent réservésàl'espèceMoringaetsontsoitdérivésdela qualité miseenavant,soitempruntésàdesnoms propres généralement attri¬ buésauxhumains(dusexeféminin)20.
Onremarqueque lesaspectsainsimisenvaleurnesont pasdu même
registre:ils concernent soitlataille,legoûtdesfeuilles,lesproprié¬
tésmédicinales, la forme... oubien traduisent simplement
l'exis-19. «Certains arbres donnentdes feuilles tellement bonnes qu'elles ont le goût deviandemême quandonlesapréparéessans viande».
20.Moringa stenopetalaappartient en langue konso au genre féminin, commec'estlecas d'autres espèces ligneuses.
388T Patrimonialiser lanature tropicale
tenced'une relation affectiveàl'arbre nommé.Parailleurs,cesnoms
ne soulignentpastoujoursdesqualités positives. L'attributiondes
noms est avanttout du ressortdu propriétaire,quipeutainsidistin¬
guer certainsde sesarbres aumilieud'unensembleindifférencié. LesjeunesMoringa stenopetalanesontpas àproprementparler personnalisésmais on les appelle
d'un
nomréservé àl'espèce-xoyaata
-
cequi n'estpaslecas desautrespetitsarbres,tous nomméskoha
(s'il
s'agitpar exemple d'unoipatta, Terminaliabrownii,ondira«kohaoipatta»).
Cecitraduitlefaitquele vocabulaireconsacréauMoringastenope¬
tala estplusdiversifiéqueceluiconsacréauxautresarbres. Fait confirmépard'autres observations:lesfeuillesdeMoringasontappe¬
léesmidaetnonpasdunomgénériqueutilisépourtoutes lesfeuilles d'arbreshasha;le
fruit
estappelémermeraetnonpasdalta;lagraine estdite qahaqahaetnonpasxotta.Un
arbre
qui fait
l'objet
de
pratiques
de
sélection
et
de
culture
originales
LeMoringastenopetalakonsoestun arbrequifait l'objetd'unesélec¬
tion.Le critèreretenu estlasaveurdesfeuilles. Lesfeuillessonten
effet soitamères(iraani), soit «douces» (imiahoonï). Les paysans
konsofavorisent lareproductiondesarbresàfeuilles «douces», les
préférant auxfeuilles amères.Notons quemalgrécettedistinction,
lesKonsonereconnaissentpasplusieurscatégoriesdeMoringa:ils
sontunanimespourdire quelesMoringanesont qued'unseultype (ikaouaynata).
La reproduction peut sefaireparplantationdes graines
-
lagraine estplantée avecses ailesouparbouturage mais lesuccèsestmoins fréquent.Laplupartdesarbres sontenfaitissus deplantsquisesont développés spontanémentàpartirdesfructificationsd'unarbreâgé,etqui ontensuite ététransplantésàl'endroitsouhaité.La sélectiona
lieuàcemoment-là:lespetitsplants,qui sontengénéralnombreux,
sontsupprimés ou gardés enfonctiondesqualitésreconnuesàl'arbre
«père».Ainsilespetits arbres apparaissant aupieddesarbresàfeuilles
amèressont-ilssupprimés pendant la saison du désherbage.Certains affirment pouvoirreconnaîtrelaqualitédesfeuillesàveniràla couleur
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-il l'arbre des Konso? 389T
de la racine:celledesbons arbres estrouge,celledesmauvaisest
blanche.Les Konsoreconnaissentunepartd'hérédité aucaractère bonou mauvaisdesfeuillesmaisn'excluentpasnonplus uneinfluence
del'environnement,enparticulierdela qualitédusol:«sivousplan¬
tezdesgrainesd'unarbreàtrèsbonnesfeuillesàproximitédu premier, cela donnera encore un arbreàtrèsbonnesfeuilles. Mais sivousle
plantezloindu premier,alors
il
estpossiblequecela change. Cela peut changer maisje n'ai
personnellementjamais essayé» (selon Okk,07/01).Commeun corollaire,lorsqu'unarbredonnedesfeuillesamères,lesKonso disperserontsesgrainesdansd'autreschampspour
essayerdefairediminuerl'amertume.Si le résultatestmauvais,les
feuillesseront donnéesàmangerauxanimaux etneserontconsom¬ méespar leshumainsqu'enpériode dedisette.
Les Konsoneprélèvent jamais nigraines,
ni
boutures,ni
pousses issusd'arbres«sauvages»c'estàdirepoussantdansunendroit non cultivé.S'ilsont besoindeplanterunMoringadanslesbassesterres,ilsle feront àpartird'unarbrevivantdans les champs(adulupan
dené)). Cen'estpaslecaspourlaplupartdesautresligneux, quisont,
aucontraire,transplantésdesbassesterresvers les hautes terrescar leurs représentants«sauvages»sontréputésplusrésistants.
Il
semble¬raitqueces pratiques«d'isolement» aientaboutià une augmenta¬
tiondupoidsdescotylédonsdeMoringa, comme
l'a
eneffetobservé Jahn (1991): lescotylédonsprélevés en Ethiopie,pèsententre400et515 mglorsqu'ilsproviennentdesplainesdelavalléeduGrand Rift,entre480 et 565mglorsqu'ils proviennentde«hautesterres» maisnepèsentque 300-310mg dans larégiondu lac Baringoau
Kenya21.Cetteévolutionestcaractéristiquechez les espècesdontla
reproductionestpriseen chargedepuisun certain tempsparl'Homme, et révèle doncl'existencedanslapopulationdesMoringastenope¬
taladesKonso,d'un«syndromededomestication».
Pour réaliserunebonnetransplantation,oncoupe les branches et les
racines, on
fait
sécher au moins une semaine («unpeu d'eaudoit sortirsinonçapourrit»),jusqu'àcequel'arbresoit«sec »(roqeeta).21. Lataille del'échantillon,de14pour l'Ethiopie,n'est pas mentionnée pourleKenya.Lesrégionsdeprélèvement en Ethiopienesontpasnon plusclairementprécisées,maisl'essentiel del'article se concentre sur la domestication de l'arbreparlesKonso... On peut doncpenser que les mesuresdepoids decotylédonsont été prises dans cette zone.
390T Patrimonialiser la nature tropicale
«C'estselonl'aspect,detoutes façons,même quand
il
est sec,l'arbrenemeurt pas». On metdelacendresurlesracines et delabouse sur
lesparties supérieures. Puis on replanteàl'endroitsouhaité.Larécolte desfeuillescommence lorsquel'arbreest«suffisamment grand»,
c'est-à-dire auboutdetrois ansenviron. Les feuillessontcueillies
au
fur
etàmesuredesbesoins. Ce sontessentiellementles enfantsqui sechargentde cetravail, utilisantpour celaune longueperche arméeàsonextrémitéd'unelameenfaucille(shankara).L'arbre fait, durantsacroissance,
l'objet
de soinsparticuliers(maispassystéma¬tiques):étalagedecendrespour éloignerlesfourmisetpourpréser¬ ver
l'humidité
dusol;
dépôtàsabased'excrémentsanimaux ou humains. LeMoringa stenopetalaestà notre connaissancele seularbrequi soitfertilisé,cequile rapproche descultures nonligneuses (céréales, légumineuses,cucurbitacées...) surlesquellesla fertilisa¬ tionestcourante.L'arbreestémondérégulièrement, afind'augmen¬
terla productionenfeuilles :l'opérationalieuen saison despluies (mars-avril), environtous lescinqans.Lesjeunesfruitssont deplus récoltéspouréviterunetropgrossefructification quiseferaitaux
dépensdesfeuilles.
Leprincipalproblème que les Konsodoiventaffrontersont lesattaques
d'une chenille (appelée seetayta,nomgénériquedeschenillesqui
mangent lesfeuilles d'arbres)«quidévoreen une semaine lesfeuilles
de toutlevillage»22: aucuntraitementn'apour l'heure ététrouvé pour empêchercesdestructionstrèsrapidesettrès étendues demida.
Tous les paysans interrogés nousontaffirmé
qu'il n'y
avaitaucunproblèmepourobtenirdequoi planterunarbre
- il
suffitdedeman¬derl'autorisationaupropriétaired'un spécimen suffisammentgrand
pourrécupérer quelques uns desesfruits. Les agriculteurs disent
accepter dedonnerdes grainesàtous ceux quileurendemandent, mêmeauxagents duministèredel'agriculturequilesutilisentdans lespépinières gouvernementales! Lacirculationdumatériel géné¬
tiqueestdoncenapparencecomplètementlibre.Cependant,comme
nousl'avons dit, la plantationdesgrainesn'estpastoujours unsuccès,
22.Lorsdenotrepassageau payskonsoenjuillet 2001,lachenille avait dévastélesfeuilles de l'ensemble desarbres de larégiondeKaratti,si bien quelespaysanss'approvisionnaientsurlemarché, oùl'on trouvait outredesfeuillesdeMoringaà 25cts labotte (sonprix entemps'normal'est de10cts), uneautre sortede mida,appeléesaartotaa10cts la botte.
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-ill'arbre des Konso? 391
etla reproductiondesarbressefaitmajoritairementparrécupération
desjeunes plants se développantàlabase desgrandsarbres. Leur transfertdepersonneàpersonnesefaitsuivantdesréseaux de soli¬
daritéprivilégiés. En effet,unjeunepaysanqui souhaiteraits'instal¬
lerdansunvillageetplanterdanssonenclos quelquesMoringasteno¬
petala,demanderadesjeunesplantsd'abordenprioritéà sesparents
(familleproche, etsesparentspluséloignéss'ilssont danslemême
«voisinage», kanta). Ensuite
il
pourrademanderà sesvoisins,ceuxqui habitentdanslemêmekanta quelui23. Enfin,endernierlieu,
il
s'adresseraàquelqu'undesonvillage (paleta).La solidaritéàl'in¬ térieurdu kanta peutjoueràun autreniveau:parexemple,leproprié¬ taire duseulshelaqtaqoma(àpropriétésantidiarrhéiques)deDokatto
aplantédesgraines de son arbredans lesbassesterres(kommeyta)
duvillage afinque les«gensdukanta» puissentsesoigner.
Lasociétékonso est composéeentrèsgrandemajoritéd'agriculteurs
(etenta), mais égalementd'ungroupe endogame et«impur»d'arti¬
sans-commerçants(xawda)24. Ceux-ci, spécialisés dans letannage du cuir,le tissage, letravaildufer,l'abattagedesbêtes etledécou¬ pagedela viande,n'ontcertes pas deterres,maisplantentdesMoringa
stenopetaladansl'enclos quientoureleurmaison.Dufaitdel'ostra¬ cisme dontilssontl'objet,ilsnebénéficientpasdel'entraideexis¬
tantau seindesagriculteurs. Poureux,donc,l'obtentiond'unjeune plantdeMoringastenopetalaest payante
-
entre5 et 10bïrr -
untarif
prohibitif pourla plupartdesjeunesménages. Ils neréalisentaucunesélection :ils achètentlesplants quelesetentaveulent bien leurvendreou récupèrentceuxfournisgratuitement parles pépi¬ nières. Sinonils sont contraints d'obtenirleurs arbresàpartirdes
graines glanées chezdesvoisins.
Pour concluresurlaplacequ'occupeleMoringastenopetala dans le
sylvo-agrosystème,
il
peut êtreintéressantde revenir surle cadre conceptueldéveloppé par Barrau(1990)pourclasserlestypesd'agri-23.Leskantasontdes subdivisionstraditionnellesdesvillages. Lesvillages comportentengénéralquatre kanta,parfoisplus. Ceterme désigneaussi leshabitations temporairesconstruites dans les basses terres, àpartir desquellesles paysanspeuventaller travaillerleursterreslespluséloi¬
gnéesduvillage.
24.Pankhurst(1999) contestel'usage du mot«caste»à leursujet,pour¬
392T Patrimonialiserlanature tropicale
culture. Dansl'opposition
qu'il
proposeentre lemodèled'agricul¬ turecéréalierduMoyen-Orientet de noslatitudes(Yager) etlemodèlejardinédestropiques (Vhortus),l'agriculture konsoserévèletypi¬ quementdutypejardiné. Onenretrouve eneffetles caractères:diver¬ sité desespècesprésentesdansleschamps,traitementdesplantspied
àpied,structuration del'espace agricoleentrois dimensions(avec
plusieursétagesdevégétation),stockagedesproduitssurpiedplutôt qu'engrenier, etc. Cependant,
il
s'estavéré quel'oppositionager/
hortusn'étaitpassuffisantepourcaractériserpleinementlessystèmes
agroforestiers(Michon, 1999).Auxdeux pôles,
il
fautenrajouteruntroisième, forestier,lasylve, caractériséparune ressemblancestruc¬
turale etfonctionnelle avecla forêt spontanée.Au pays konso, les
ligneuxétantplusoumoinsspontanés, onsesituedansun éventail allantdumélangesylve
/hortus
àVhortuspur.LeMoringastenope¬tala, du
fait
detous les caractèresévoqués ci-dessus, estle plus «jardiné»de tous lesligneuxdupayskonso et, sil'onpeutsepermettred'associerdesespèces à
l'un
oul'autredesmodèles, onpeutdireque,bien qu'étantligneux,
il
relève plus deVhortusquede lasylve. Contrairement auxautres arbres,il
estplanté outransplanté, traité,approprié,sélectionné,sesproduitssontrécoltéssuivantunelogique
deproduction etnonpasd'extraction. Contrairement auxautres
culturesannuelles,
il
estpersonnalisé etaunehistoire(fait liéàsoncaractèrepérenne).Tousces argumentsparticipent àen faireune espèceàpart.
1
Un
arbre
emblématique
de
l'identité
konso
Un
arbre
qui
s'inscrit
dans
l'histoire
konso
LesphotographiesprisesparNowacken 1938aupayskonso sont le
premiertémoignageécritdelaprésenceduMoringastenopetala dans
la région (Kuls, 1958, citéinJahn, 1991).Cependant, les sources
historiquesoralesdisentqueleMoringastenopetalaétaitprésentà
É.Demeulenaere
-
LeMoringa stenopetala est-ill'arbre des Konso? 393T
que, encoreactuellement, l'arbresetrouve sous saforme sauvage dansles zones non cultivées25.Jahn (1991)sembleprétendre le
contraire,quandelleécrit:«ParmileszonesenEthiopie oùl'arbre
estmaintenantcultivé,
il
n'apasétéobservéd'arbressauvages.LesKonsoauraientobtenulespremièresgrainesausuddeleur territoire,
dans lesbassesterresriverainesdulacChew-Bahir (lacStéphanie)
alors queleclimat étaitencorehumide»26.Cesdeuxproposnesont cependantpasincompatibles,quandonconsidère que les terresdont parleJahn,àunecentainedekilomètresdu
caur
dupayskonsosontprobablementlesmêmes que celles«oùpersonnene
vit»
évoquées par lesinterlocuteurskonso.Quellequesoit la véritédesfaitshisto¬riques,
il
estimportantdevoirqueleMoringastenopetalaestasso¬cié dansl'imaginairekonsoauxoriginesdel'installationdupeuple, et possède doncà sesyeuxunedimension historique.
Un
arbre
au
centre
de
l'identité
des agriculteurs
(etenta,)
Comme le disaitun paysan avec quinous nousentretenions, «le Moringaestlepremierarbreàêtreplantéquand unefamilleobtient
un terraindumahabïr [mot amharique désignantl'administration actuelledesvillages]. . .Sinon,quellenourriture mangeraient-ils?Le
Moringa n'est-ilpasnotrenourriture (shelaqtadamtinno)»?
Ce témoignage nous apporte uneinformationmajeure :d'abord,le Moringastenopetalaestl'arbrequetoutménaged'agriculteur(etenta)
sedoit d'avoirdans son enclosàsoninstallation. L'argumentselon
25.«shelaqta étaitlàdepuis letout début,etmêmemaintenant onpeut le trouverdans des forêts où personne nevit (missadda orra opa inqupa-ninna)».Ces Moringastenopetala sauvages,nous nelesavonsperson¬ nellement pasobservés;lesraresarbres que nous avons observés en dehorsdes champsétaientjustement le témoin d'une ancienne utilisation agricole.
26.«FromtheEthiopiansareaswhere the treeis now cultivated, no wild treeshâvebeenreported. TheKonsomay hâve obtained the first seeds southoftheir territoryfromriverainlowlands aroundLakeChew-Bahir(Lake Stéphanie) when the climate wasstill moist» (Traduction personnelle). Nousavons puobserver àl'instarde Jahn, desMoringa stenopetala sauvagespoussantdanslavallée de Men,surlariveouestdulac Chew-Bahir(Stéphanie).
394T Patrimonialiser lanature tropicale
lequellafamillesiellen'apassespropres arbresautour delamaison, nepourrapastrouveràmanger,n'estpascomplètement valable,
puisquelesfeuillessevendentaumarchéentre 0,5et1
bïrr
labotte27,et queparailleurs,la récoltedesfeuillesdeMoringapeutavoirlieu
aussidans leschamps.
Il
yadoncun avantageéconomiquecertain, mais aussi unaspectsymboliqueetculturelàcequelafamillepossède sespropresM. stenopetala autourdela maison.Lerituelsuivant (appelé sookata, la«sortie »)confirmelerôlesymbo¬
liquedecetarbre auseindu groupedesagriculteurs:après lestrois moisdeviereclusequi suiventun accouchement(périodenommée
manakeela),lamèrecélèbresonretouràlavie activeeninvitantdes
amis et desparents àpartagerunedama enrichieen beurre qu'elle
aura préparée.Les feuilles deMoringa sonttoutesprélevées surle
même arbre,choisipar lepèreparmilesmeilleursarbres del'enclos familial.
A
moins qu'unévénementmalencontreuxn'advienne aubébé,lemême arbreresteraassociéàlafemmepourtous lesaccou¬
chements suivants28. Ce n'est qu'unefois cerituel achevé quela
femme reprend progressivementsesactivités, préparationdelabière desorgho(jaqa)et deladama, travauxfacilesaux champs...Hallpike (1972) rapporte deux autresrituelsdans lesquels interviennentles
feuillesdeMoringastenopetala.
Plusieurs arbres sontdoncplantésdèsqueleterrainestattribué,avant même queles casesnesoientconstruites.
À
lamortdupère,ilsseront ensuitetransmisaufilsaîné(qaarta)enmême temps quelamaison (lesbenjamins, kussita,doiventaprèsleur mariage s'installer ailleursdanslevillage). LesMoringastenopetalafontainsipartie,aumême
titrequelamaison, del'héritagefamilial. LesMoringastenopetala
plantés dansleschampssont égalementtransmisenmêmetemps que lesont les terres,maisl'attachementàl'arbreentantqu'individuy
semblemoinsgrand, les arbres étantplusoumoinsinterchangeables.
27.Un b'irr,nomde lamonnaieéthiopienne,équivaut actuellement àenvi¬
ron0,80FF.
28. Onobservedes différences notablesdansce rituelpratiqué pardes artisans (xawda):leplatpréparé necontient pas demida,maisunique¬ ment delaviande achetéeaumarché(parconséquent aucun arbre n'est particulièrement associéàla mère);l'invitationalieunonpas dansl'en¬
closfamilialmaissurlaplace dumarché.Lamère estensuiteautoriséeà reprendre sesactivitésàlamaisoncomme aumarché.
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-il l'arbre des Konso? 395'
Un
arbre
au centre
des
échanges
entre
les
Konso,
et
avec les
peuples
voisins
LeMoringastenopetalaparticipe également àla constructionde
l'identitékonso en ce
qu'il
estlabased'échanges marchands entrelesdeuxgrandsgroupesquidivisentcette société (paysans et arti¬
sans),etentre lesKonso etlespeuplesvoisins.Ceséchangesstruc¬
turentdoncgrandementlanaturedesrapportsintraetinterethniques.
LesfeuillesdeM. stenopetalaenelles-mêmes sontsurtoutvendues surun marchéinterneaupayskonso(àKarat et Dokattolelundiet jeudi,àFashale samedi,àKolmelejeudi)etrelativementpeu expor¬
tées:onentrouvecependant sur les marchésdeTeltelle(paysborana,
ausud)etdeErbore(pays erbore,àl'ouest). Lespaysansayantgéné¬
ralementuneproductionsuffisanteàleurautoconsommation,lavente
estdestinéeaux raresfamilles provisoirement« enrupturedestock»
et surtout aux membres du groupedesxawda, dont
l'activité
estd'abordtournée versl'artisanatetlecommerce.Cen'estqu'encas degrandesécheresseoud'uneattaquelocalisée du parasite duMoringa
que les paysansdoivents'approvisionner surlemarché:lesfeuilles deMoringasontalorsimportéesdelazonedelavallée duGrand
Rift
situéeau suddu lac Chamo.Ces échanges nesontcependantpas
interethniquespuisquelesproducteurs sont aussidesKonsoqui ont quittéleurpayspourcesterresmoinspeupléesetplushumides. Mais lefaitestque lesfeuillesnepeuventêtrecuitessanslemekaato, unnatronquin'estextraitqu'enpaysborana, situé surune zonequi
présentedenombreuxgisementssalins. Cecommerceestréalisé par
lesxawda29,qui revendentensuitelamarchandise aux etenta, sur les marchéskonso.Ainsi,lesBoranavendent-ils leur natron,demême qued'autresproduits:chloruredesodium,bétail,fer.. .En l'absence d'une production agricolepropre,ilsdépendentdeleurcôtédesgrains
produits parlesKonso. Cetteinterdépendance, accentuéeautrefois parlesdifficultéspour allerseravitaillerailleurs, asansnuldoute jouéun rôledans l'apaisementdestensionsparfois fortesentre les
Konsoetleursvoisinsnomades.
À
Sawgame, unvillagekonsoquipartage unefrontièreausudavec lespasteursborana, les paysans konsorevendiquentdes terres sur cellesutiliséesparleursennemis séculaires:ilsavancentpourcela l'argumentdelaprésenceduMoringastenopetala,quiimpliquepour396 T Patrimonialiser la nature tropicale
euxundroitdepropriétésurcesterres (TadesseWolde, comm. pers.).
Làencore, leMoringastenopetalaintervientdansladéfinitiondes
rapportsinterethniques.
Depuis quelquesdizainesd'années, lesfeuillesdeMoringasteno¬
petalasontprésentessurles marchés desvilles d'émigrationkonso,
àsavoiressentiellementArbaMinchetJinka.Ellesnesontpas issues
d'uneéventuelleexportationenprovenance du pays konso, mais culti¬ véessur place.LesKonso exilésàla
ville
continuenteneffetàculti¬ver l'espècedans leursjardinsdecase. D'abordréservéesà l'auto-consommation, ellessesont peuàpeuimposéessurlesmarchés.La
distributionduMoringastenopetaladanslesdifférents quartiersen
fonctiondel'origineethniquedeleurshabitants,laprovenance précise des feuillesdeMoringasur les marchés,restentàcaractériser plus
précisément30; toujours est-ilquecet arbrereste associé dansl'es¬
prit
descitadinsàlaprésencedesKonso.29.«LesBorana (Kerkeeta)apportaient le sel et le mekaatoà dos d'ânes etdedromadairesjusqu'àKonso.D'après ce quenous savons,d'aprèsce quenospèresnousontdit,quand ilsapportaient du mekaato,ils l'échan¬ geaientcontre dusorgho [unta:sorgho,qui peut aussidésigner d'autres céréales].Venantavec une mesurede mekaato, ilsrepartaientavecune mesure de sorgho.C'estainsiquenousvivions.Quand la routeacommencé
àêtreconstruite,Ily aeudes Konso,des xawda, qui sontparti chercher lemekaato en paysborana.Jel'aifaitmoi-même,ramenantlemekaato surmon âne,ouparfoisen leportantsur matête.Nousramenions aussi desanimaux domestiques.Etnousvendions ducafé.Àpied,celaprend huit àneufjours. Maintenantnousavonsdes camions,etcelarésouttous cesproblèmes[...]Encasdeconflit,nous nous entretuions tous.Audébut avecdes lances, puis avec desarmesàfeu.Etenta etxawdaunis se battaientcontrelesBorana[...]Nousnous arrangionspour faire venirle mekaato paruncheminindirect.Nouspouvions vivreunmomentsans sel, eteux pouvaienttenir un moment sans notre sorgho. Ensuite ilsdeman¬ daient des excuses etilfallaittrouver uncompromis. Maintenant, c'estfini, nous vivons enpaix»(proposd'unancienparmilesxawda).
30.Uneétude àvenir,portant surlabiodiversité des jardins d'ArbaMinch nouspermettra devérifiercettehypothèseconcernantlacorrélationentre lacomposition desjardinsetl'origineethnique de ceuxquilescultivent, etenparticulierlaliaison entre laprésence duMoringa stenopetalaetl'ori¬
É.Demeulenaere
-
LeMoringa stenopetala est-ill'arbre des Konso? 397I
Conclusion
Nousavons,toutau longde cetexte, insistésurla prédominancedu
Moringastenopetala dansl'alimentation,dansle parcagroforestier
etdécritesonrôleoriginalsurleplanculturel. Cette espèceaindu¬
bitablementuneplaceapartparmiles autresessences ligneuse du pays. Deplus,sagestionchez les Konsoestremarquable, si onla
compareàcelleréalisée parlespeuplesvoisins.L'ancragehistorique
del'espèce,l'attachement identitaire dont ellefait l'objetetle souci
desa transmission aux générations futuresquiendécoule, nous amènentnaturellementàvoirleMoringastenopetalacomme faisant partiedupatrimoinekonso.
Il
convientcependant dediscuterplus précisémentcequifaitl'objet
d'unpatrimoine. Lesarbreseneux-mêmes sonttoujours appropriés individuellementettransmisdepère enfils. Mais
ils
représentent avanttoutuneressourcealimentaire,etsiunarbrevientàmourir,il
serasimplement remplacépar unautreLatransmissiondesindivi¬dus-arbresau
fil
desgénérationsnepeut guère êtrequalifiéedepatri¬moniale,dans lamesure oùcelle-ci estlimitéeparla mortalitéde
l'objettransmis : nousparleronsplusvolontiers d'héritage, un mot quitrouvesatraductionenafa-xonso dans le terme kodeeta. Si
l'on
s'intéressemaintenantaupool d'arbresprésentssur le terri¬toire,
il
constitueunbiencollectifdansla mesure oùil
estgéré collec¬tivementsurlabased'unmatériel etdesavoirsmisàladisposition
du groupe. La reproductiondel'arbre et sonaméliorationreposent
eneffetsurunaccès(presque)libreauxgraines,boutures etplants
-avecun niveau d'échangeprivilégiéauseindu voisinageetduvillage
-etsur unsavoircollectifconcernant lesméthodesdereproduction,
demiseenculture,etc.C'estcet ensemble,àlafois matériel(le pool génétiquedesarbres duterritoire) etimmatériel (les savoirsquiy
sont associés),quiselonnousconstituelepatrimoine.
Il
esthéritédu passéettransmis sous forme améliorée aux générationsfutures. Amélioré, c'esteneffetlecasdu«patrimoine»génétiquedesarbres,commesemblele confirmerl'augmentation de latailledescotylé¬ dons observéeparJahn.Améliorés,lessavoirsconcernant cetteespèce
le sont aussi,au
fur
etàmesuredesessaisetinnovationsque lesagri¬398T Patrimonialiserlanature tropicale
Lasociétékonson'estpashomogène dans sarelationau Moringa stenopetala.Lesxawdarestenteneffet exclusdu système detrans¬
missiondecepatrimoine:ilsn'ontpasaccèsausavoir(cen'estpas
dansleursprérogatives,
ils
sont artisansetcommerçantsavanttout);quant àl'accès aux arbres,
il
n'est réaliséque par un échange marchand.À
cepropos,il
nousaétédit,par ungrouped'etenta, que les arbresétaientparfoisvendussurlemarché,etquecesventesétaientlefait
dexawda. Nos interlocuteurs ontajoutéque les personnes respon¬ sables de cegenre decommerceétaientdesprofiteursetforcément
desvoleurspuisqu'ilsn'ontpasdeterreset
qu'ils
ont biendû trou¬verles arbresquelquepart.Cefaitn'a biensûrpasétéconfirmépar lesxawdaquenousavonsinterrogés.Encore unefois, quellequesoit la vérité, l'anecdoteest intéressantecarelleestrévélatricedel'image
que les unsontdesautres.LeMoringa stenopetalaneconstituepas
unpatrimoine pourlesxawda.Etilssont accusés parl'extérieurde
nele
voir
quecommeune ressourceéconomiquebanale.LeMoringastenopetalan'estdoncpasle patrimoinedetouslesKonso, maisd'un
groupelargementmajoritaire quilescompose.
Il
estunélément supplémentairequi n'estpastoujoursinclusdansl'idéedepatrimoine:c'estqueleMoringastenopetalaetpluspréci¬ sémentsamise envaleur, sont uneexclusivitékonso.L'exclusivité n'estcertespas nécessairepour constituerun patrimoine; elleaide cependantàsareconnaissanceparl'extérieur. Parailleurs l'identité d'unpeupleet de saculture,seconstruit souvent par opposition à
celledesautres.Unetelle différenceparrapportauxpeuplesvoisins peutrenforcerlesentiment d'attachementidentitaireàl'objetconsi¬ déré,etdonc exacerber ledésirdesatransmissionauxgénérations
futures.Enfinsilespatrimoines«exogènes»(définisparl'extérieur)
et les«endogènes»(définisdel'intérieur)peuventdifférer,ilsjouent forcément
l'un
surl'autre.AinsileJuniperus procera31 Hochst. exEndl.possèdepourles Konsounevaleuridentitaireau moinsaussi
importantequel'espècequinousintéresse(Demeulenaere,àparaître), mais
il
esten mêmetempsl'arbre emblématiqueparexcellencede31.Cegenévrier aux nombreux usages rituels, est l'arbredominant des quelquesgrandesforêts«sacrées»dupayskonso(Demeulenaere,1999).
É.Demeulenaere-LeMoringa stenopetala est-ill'arbredes Konso? 399'
toutel'Ethiopiemontagnarde; enrevanche,leM. stenopetalan'est l'objetdespratiquesetreprésentationsdécrites que danscette seule zone. Decefait,
il
n'en sera que plus facilement reconnu commeélémentdupatrimoinekonso.Mêmesi sonparentleMoringaolei¬
feraaavanttout attirél'attentiond'institutionsàbutnonlucratif,
il
n'estpas àexclurequeleMoringastenopetalaconstitueun
jour
une ressourcemarchanded'importance.Orl'article 8j, selon les termes delaConvention surlaDiversitéBiologique,encouragelepartage équitabledesavantagesdécoulantdel'utilisationdes«connaissances,innovations etpratiquesdescommunautés autochtonesetlocales»
avecleuraccordetleur participation. Dufaitdecetenjeu,nousrepo¬ sonsnotre question avancéeenintroduction:ceMoringaest-ill'arbre
desKonso?L'idée sous-jacente estde savoirsilesKonso ontdes
droitsquelconques sur cette ressource génétique32.
Tous lesélémentsnous semblent être làpouramenerune réponse
positive,sicen'étaitl'absencedeprisedeconscience àcesujet.
Il
n'existe pasen effetderevendicationlocale sur lapropriété du Moringastenopetala.Laseuleanecdoteallantdansce sensquenous ayons recueillie estla suivante :un desnotablesde Konso, fonc¬ tionnairedubureaudel'agriculture,KorraGarra,serendantauKenya,
aemporté aveclui desgrainesdeMoringa stenopetala, présentant
l'espèce sousl'appellation «Konso KorraGarra» (le nomde son
origine ethniqueauquel
il
aaccolé sonpropre nom).Atraverscechoix,cethommeaffirmeuneidentité konsoduMoringastenope¬
tala,etrevendique un droitsurl'espèceau nomde lacollectivité konso (et accessoirements'attribue unepartdemériteà diffuser lesgraines).
Les mécanismes deprotection des savoirsetdes plantsexistenten
pays Konso,mais sont, pourl'heure, encoreimplicites,et deplus,
non adaptés à la modernité.Lorsque nous avons demandéce
qu'il
32.Lescientifiqueéthiopien TewoldeBerhan GebreEgziabherareçu en 2000unerécompense internationale(Right Livelihood Awara) de200000 US$ àpartager avec trois autres scientifiquesouactivistes,pour«his
exemplary workinrepresentingthe Like-MindedGroupofdevelopingcoun¬ triesatthebiosafety négociationsinCartagenaand Montréal, and achie-vingan outcome thatsafeguardsbiodiversityandthetraditional rightsof farmersandcommunities totheir geneticressources».Cesquestionssont, on nepeutplus,d'actualitéI
400T Patrimonialiser la nature tropicale
adviendrait si unepersonneextérieure venaitàchercher unjeune plantdeshelaqta,nousn'avonsd'abord purecueillirquelasurprise
provoquée parunequestionaussi saugrenue, puis,aprèsquelques
minutesderéflexion,cette réponse:«lapersonneenquestiondevrait avoirunparentkonsoàquis'adresser».Denosjours, la questionse
poseraiautrement:quesepasserait-ilsiun hommedela
ville
venait acheteràbonprixdesplants?Leréponse serait quela plupartdespaysansaccepteraient deluienvendre.D'ailleurs,lorsqueleminis¬ tère del'agriculturevientdansleschampschercherdesgraines, cela
neposeactuellementaucunproblème.
Maissicepatrimoine actuellementbienvivant, vientun
jour
àêtre menacésoitdedispersion, soitdedisparition,il
estprobablealorsqu'émergerontdesrevendications.Onprononceraalorspeut-êtrele
mot «patrimoine»,carc'estchosecourantequed'associer«patri¬
moine»à«sauvegarde»etden'en parlerqu'à partirdumomentoù
il estmenacé.
Remerciements
Nous exprimonsenpremierlieutoutenotregratitudeauxKonsoqui ont accepté derépondre à nos nombreuses questions, enparticulieraux habitants dukantaHottayadeDokatto.Nous tenonsàciterparminosplus précieux informateursGellissimo DinoteKoshana,Orkaito KelleboKurkuto(Okk), KussiyaAsela Kakkeshe etsafemmeKawa,UrrumaleKellepoOlaata et KorraGarraGillo.GashewKussiyaAsela nousaaidéesur leterraindansla traductiondesentretiens deVafa-xonsoàl'amharique,entretiens enregistrés et repris ensuiteenanglaisparGubaeGunderta.Nous bénéficionsenEthiopiedu soutienlogistiquedu Centre françaisd'étudeséthiopiennes, et nous remercionspourcela sondirecteurBertrandHirsch.Notretravailest égalementfacilitéparunecollaborationavecle Départementdebotaniquede lafacultédesSciences(universitéd'Addis-Abeba):nousremercionsle
docteurZemedeAsfaw pourêtreàl'originedecetterelation.Nousremercions enfin BernardRoussel,professeur auMuséum nationald'histoire naturelle, poursarelecturedel'articleainsique lesdifférents participants auséminairePatterpour leursremarquesconstructives.
E.Demeulenaere- LeMoringa stenopetala est-ill'arbredes Konso? 401
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