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Les comportements de jeu et l'illusion de contrôle chez des universitaires avec et sans maîtrise des statistiques et des probabilités

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Isabelle Smith, 2019

Les comportements de jeu et l'illusion de contrôle chez

des universitaires avec et sans maîtrise des statistiques

et des probabilités

Thèse

Isabelle Smith

Doctorat en psychologie - recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Résumé

Au terme d’une trentaine d’années de recherche, il a été démontré empiriquement que les distorsions cognitives agissent à titre de facteurs fondamentaux sous-jacents aux problèmes liés à la pratique des jeux de hasard et d’argent (JHA). Elles seraient expliquées en majeure partie par une mauvaise compréhension des notions de hasard, des statistiques et des probabilités (SP) et par une illusion de contrôle sur l’issue du jeu. C’est pourquoi les programmes de prévention et de traitement des problèmes de jeu ont été élaborés autour de l’enseignement de ces concepts mathématiques et de la correction des erreurs cognitives liées à leur mauvaise compréhension. Malgré une utilisation courante de ces techniques d’intervention auprès des joueurs problématiques, les études s’intéressant aux attitudes et comportements liés au jeu n’ont pas toutes conclu que le fait de détenir ou d’acquérir des connaissances en SP diminuait les habitudes de jeu. La première étude de thèse a ainsi cherché à comparer les comportements de jeu de 45 étudiants et diplômés universitaires démontrant une maîtrise raisonnable des SP à ceux de 29 personnes ne démontrant pas de connaissances particulières dans cette branche des mathématiques. Les résultats montrent que le taux de participation annuel aux JHA des individus sondés est élevé, mais qu’ils jouent à une fréquence minimale et qu’ils misent peu d’argent, qu’ils détiennent ou non des connaissances en SP. De plus, ils éprouvent peu de problèmes de jeu. L’apport modéré de la connaissance des SP sur les comportements de jeu auprès d’une population universitaire déjà fortement scolarisée et peu propice au jeu est discuté, de même que la répétition de cette absence d’effet au sein de la littérature. Ces résultats ont amené à vouloir comprendre davantage comment des personnes ayant atteint de hauts niveaux d’éducation s’adonnent, elles aussi, à des activités de JHA, bien qu’on puisse s’attendre à une meilleure compréhension des enjeux liés aux JHA et, par le fait même, à une plus grande précaution de leur part. Que ces personnes se laissent tenter par le jeu surprend et amène son lot de questionnements. Leur niveau d’éducation est supérieur, mais leurs comportements face aux JHA ne le démontrent pas, ce qui donne l’impression que certaines de leurs caractéristiques pourraient les amener à surestimer leurs habiletés à contrôler l’issue des JHA. Cette hypothèse est toutefois négligée dans la littérature. À partir des données initialement recueillies, la deuxième étude examine les relations entre l’illusion de contrôle liée aux JHA et différentes variables cognitives et de personnalité chez 142 universitaires. D’une part, il

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est question de brosser un portrait de leurs croyances liées au jeu (illusion de contrôle, mésinterprétation de l’indépendance des tours et superstitions) et d’autres variables pouvant mener à une illusion de contrôle, c’est-à-dire le degré d’optimisme, l’internalité du lieu de contrôle, le fait de posséder ou non des connaissances particulières en SP, et leur degré de conviction quant à leur compréhension des JHA. En dernier lieu, dans un modèle de régressions multiples, cette étude teste les prédicteurs potentiels de l’illusion de contrôle liée aux JHA au sein de cet échantillon. Les résultats conviennent d’une association entre une connaissance supérieure des SP, moins de pensées erronées liées à la superstition et un degré plus élevé d’optimisme. Une forte association négative existe également entre l’illusion de contrôle liée aux JHA et le degré de conviction des participants quant à ces croyances. Parmi ces participants, l’illusion de contrôle liée aux JHA peut être prédite par une plus faible connaissance des SP, un plus faible degré de conviction envers les croyances et le fait d’être de sexe masculin. La fonction du doute face à ses croyances en JHA chez des individus scolarisés est examinée en termes de facteur de protection métacognitif potentiel. La thèse se conclut sur une discussion concernant l’implication de ces résultats pour la compréhension du jeu dans un contexte d’alternance cognitive afin d’adapter les stratégies utilisées en prévention. Finalement, les forces et les limites de la thèse sont énumérées et permettent de formuler des recommandations quant aux variables et échantillons à étudier dans l’avenir.

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Abstract

After 30 years of research, it has been shown empirically that cognitive distortions act as fundamental factors underlying gambling and gambling problems. They are explained mainly by a misunderstanding of the notions of chance, statistics and probabilities (SP) and by an illusion of control over the outcome of the game. That is why prevention and treatment programs of gambling problems have been developed around the teaching of these mathematical concepts and correction of cognitive distortions. Despite a common use of these intervention techniques with problem gamblers, studies of gambling attitudes and behaviors have not all concluded that having or acquiring SP knowledge decreases gambling habits. The first study of this thesis thus sought to compare the gambling behavior of 45 university students and graduates demonstrating a reasonable mastery of SP to those of 29 people who do not demonstrate knowledge in this field of mathematics. The results show that the participation rate of the individuals surveyed is high, but that they gamble at a minimum frequency and that they invest little money, whether or not they have SP knowledge. In addition, they experience few gambling problems. The moderate contribution of SP knowledge on gambling behaviors of an already highly educated and low-gambling university population is discussed, as is the repetition of this absence of effect in the literature. These results have led to further our understanding of how individuals with high levels of education are also engaged in gambling activities, although we can expect a better understanding of the issues related to gambling and, as a result, to a greater precaution. That these people are tempted by gambling is surprising and brings its lot of questions. Their level of education is superior, but their gambling behaviors do not demonstrate it, which gives the impression that some of their characteristics could lead them to overestimate their ability to control the outcome of the games, rather than other types of erroneous beliefs. However, this hypothesis is neglected in the literature. From the data originally collected, the second study examines the relationship between the illusion of control over gambling and different cognitive and personality variables among 142 university students and graduates. First, it aims to draw a portrait of their beliefs related to gambling (illusion of control, gambler’s fallacy and superstitions) and other elements that can lead to an illusion of control, which are, the degree of optimism, the internality of their locus of control, whether or not they have particular SP knowledge, and their degree of confidence in their understanding of gambling.

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Finally, in a multiple regression model, this study tests potential predictors of the illusion of control related to gambling within this sample. The results agree on an association between higher SP knowledge, fewer misconceptions related to superstition, and a higher degree of optimism. A strong negative association also exists between illusion of control related to gambling and the degree of confidence about those gambling beliefs. Among these participants, the illusion of control over gambling can be predicted by a weaker SP knowledge, lower confidence in beliefs and being male. The function of doubt about gambling beliefs in educated individuals is examined in terms of potential metacognitive protective factor. The thesis concludes with a discussion about the implication of these results for the understanding of gambling in a context of cognitive switching in order to adapt prevention strategies. Finally, the strengths and limitations of the thesis are listed, and we make recommendations for variables and samples to be studied in the future.

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Table des matières

Résumé ...iii

Abstract ... v

Liste des tableaux et figure ... ix

Remerciements ...x

Avant-propos ... xv

Introduction générale ... 1

Jeux de hasard et d’argent et jeu d’argent pathologique ... 2

Approche cognitive des jeux de hasard et d’argent ... 6

Éducation supérieure : pourquoi se laissent-ils prendre au jeu ? ... 18

Objectifs de la thèse ... 21

Chapitre 1 – Article 1 ... 22

Résumé ... 24

Abstract ... 25

Chapitre 1 – Savoir plus, miser moins : une maîtrise des principaux concepts en statistiques et probabilités distingue-t-elle les comportements de jeu ? ... 26

Méthode ... 31

Résultats ... 37

Discussion ... 39

Conclusion ... 44

Liste des références ... 45

Tableau 1 ... 49 Tableau 2 ... 50 Tableau 3 ... 51 Tableau 4 ... 52 Figure 1 ... 53 Chapitre 2 – Article 2 ... 54 Résumé ... 56

Chapitre 2 – L’illusion de contrôle liée au jeu auprès d’universitaires : le bénéfice du doute ? ... 57

Objectifs de recherche ... 63

Résultats ... 68

Discussion ... 68

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Liste des références ... 74

Tableau 1 ... 79

Conclusion générale ... 80

Conclusion générale ... 81

Vers une prévention intégrée du jeu ... 90

Forces et limites ... 93

Recommandations et conclusion ... 95

Bibliographie ... 98

Annexe 1 – Recrutement Journal « Le 24hrs »... 112

Annexe 2 – Recrutement babillards universitaires ... 113

Annexe 3 – Recrutement électronique ... 114

Annexe 4 – Entrevue de présélection ... 115

Annexe 5 – Entrevue téléphonique ... 119

Annexe 6 – Lettre de présentation explicative ... 131

Annexe 7 – Formulaire de consentement ... 132

Annexe 8 – Formulaire de changement d’adresse ... 134

Annexe 9 – Liste de ressources envoyées aux participants ... 135

Annexe 10 – Questionnaire postal ... 136

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Liste des tableaux et figure Article 1

Tableau 1 – Caractéristiques sociodémographiques des participants, selon les groupes (%) ………... 49 Tableau 2 – Taux de participation aux JHA, selon les groupes (%) ………... 50 Tableau 3 – Répartition des fréquences de participation aux JHA, chez les joueurs, selon les groupes (%) (n variables) ………... 51 Tableau 4 – Analyses paramétriques pour les variables de montants misés au jeu auprès des joueurs spécifiquement (n variables) ……….... 52 Figure 1 – Recrutement et assignation des participants ……….. 53 Article 2

Tableau 1 – Matrice de corrélations bivariées de Spearman des variables à l’étude,

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Remerciements

Rédiger une thèse doctorale pour moi, ce fut un exercice scientifique et réflexif bien sûr, mais surtout une immense leçon d’humilité. Je suis débarquée à Québec en 2006 avec ma valise et mes ambitions aussi hautes que le FAS. Je voulais faire un Ph. D., en cinq ans top chrono, dans le but de pouvoir jongler habilement entre la recherche, l’enseignement, la pratique clinique, l’éducation de mes nombreux enfants, ma vie affective et ma vie sociale. Comme plusieurs d’entre vous le savez déjà, le karma avait d’autres plans pour moi! J’ai donc suivi mon cheminement doctoral tant bien que mal, la maladie sur les épaules, un divorce dans le portefeuille et une thèse dont les objectifs se sont embrouillés toujours un peu plus au fil des années. Dès que j’osais m’en approcher un peu avec l’espoir de m’y mettre à nouveau, je recevais une nouvelle brique sur la tête. Je retournais la thèse en bas de ma liste de choses à faire et je l’oubliais pendant un moment : une semaine, un mois, voire toute une année. La phrase que j’ai le plus entendue durant ces treize années, ça a été : « Pis, ta thèse? », non pas sans qu’elle s’accompagne de légers pincements au cœur. Nombreux sont ceux qui ont douté ou qui n’y croyaient tout simplement plus. Pourtant, au fond de moi, il ne m’est même jamais passé par l’esprit d’abandonner. Pas une seule fois.

Quoi qu’il en soit, malgré les doutes et l’impatience, il y a tout un paquet de personnes qui m’ont appuyée durant mon parcours et qui ont contribué, chacun à leur façon, à faire en sorte que je puisse soutenir aujourd’hui. La distance pour certains et des impondérables pour d’autres font en sorte que beaucoup de ces gens n’ont pas pu être ici aujourd’hui, mais je profite tout de même de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour les remercier, en commençant par Dre Giroux, ma directrice. Isabelle, en plus d’avoir patiemment lu des dizaines de versions de ma thèse, je veux surtout souligner ta présence « en sourdine ». Après avoir passé plusieurs mois sans se donner de nouvelles, tu aurais été en droit d’accueillir froidement mes courriels de mises à jour, mais combien de fois m’as-tu simplement répondu : « Bon retour! J’ai un bureau pour toi, installes-toi! » ? Merci tellement pour ça et pour ta confiance. Merci de m’avoir laissée jongler avec un deuxième article duquel tu n’étais pas convaincue, avec des variables moins connues. J’espère t’avoir fait honneur aujourd’hui. Un autre, qui a toujours été là, c’est le célèbre Christian Jacques. J’ai tellement souvent été accotée à son cadre de porte pour lui poser toutes sortes de questions que j’hésite encore à

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l’appeler Google. Je ne suis certainement pas celle qui en pose le plus, mais multipliées par treize ans…! Merci d’avoir toujours répondu, avec une patience légendaire, et merci aussi pour ces dernières années où tu m’as saluée en souriant chaque matin et durant lesquelles tu m’as fait rire quotidiennement, même si de mon côté j’avais choisi de m’isoler davantage du reste du groupe. Tu es doté d’une intelligence et d’une curiosité rarement égalées et les étudiants sont bénis de t’avoir à leurs côtés. J’espère que tu feras moins de budgets dans le futur! Je remercie aussi le Dr Robert Ladouceur qui avait accepté de diriger mes travaux en premier lieu. Il a finalement choisi de partir à la retraite cette même année, mais il savait que je serais entre bonnes mains pour la poursuite de mes projets.

Merci aux membres du comité d’encadrement de ma thèse. D’abord Dr Michel Pépin et Dr Michel Loranger qui ont participé à mon séminaire de projet ainsi qu’à mon premier séminaire évolutif. Leurs esprits mathématiques ont grandement facilité la conception de mon projet. Quand ce comité initial a pris sa retraite, probablement tanné de m’attendre, deux professeurs de grande qualité ont accepté de prendre leur relève sans hésitation : un merci tout spécial à Dre Geneviève Belleville et à Dr Guillaume Foldes-Busque de m’avoir supportée dans la poursuite d’un travail pourtant compliqué par des données poussiéreuses, en plus d’avoir eu à vous claquer trois séminaires dans une seule et même année, quatre pour vous, Mme Belleville qui êtes ici aujourd’hui également. Merci finalement à Dr Martin D. Provencher et à Dr Daniel Lalande d’avoir accepté de se joindre à nous à titre d’examinateurs interne et externe de ma thèse et à Dr Philip Jackson pour avoir présidé cette soutenance.

Je remercie également les assistants de recherche qui ont fait des entrevues téléphoniques pour moi pendant ma cueillette de données : Claudia-Lynn, Marie-Frédérique, Flora et François. Aussi, je veux remercier Dre Axelle Moreau pour son apport métho dans ma deuxième étude et David Émond, statisticien-consultant chez Delta Statistique, sans qui cette thèse n’aurait jamais pu se terminer. Un merci spécial au Fond de recherche du Québec – Société et culture et au ministère de la Santé et des Services sociaux pour m’avoir soutenue financièrement durant mes études, puis au Fond sur la prévention et le traitement du jeu de la Fondation de l’Université Laval d’avoir assuré la mise en œuvre de mon projet. Évidemment, je tiens également à remercier sincèrement mes participants.

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Je m’en voudrais de passer sous silence ceux qui ont fait de moi une clinicienne durant mon internat au CRDQ. D’abord Jean-Yves Vachon qui a co-supervisé ma majeure à l’équipe de liaison. Je n’oublierai jamais la passion qui brille dans tes yeux quand tu expliques un concept et l’aura de sérénité qui baigne dans ton bureau. Je te serai éternellement reconnaissante de m’avoir partagé ton expérience de psychologue bien entendu, mais aussi ton expérience de greffé. Après avoir ressenti beaucoup de rage envers ma maladie et les limites qu’elle m’impose, avoir eu le privilège de te connaître m’a redonné beaucoup d’espoir et m’a permis d’entrevoir l’avenir avec une bien meilleure attitude. Que la vie te soit douce cher Jean-Yves. À Joanne Poulin qui a pris les rênes de cette majeure en codirection, merci de ta discrétion et de m’avoir acceptée sans sourciller avec mes faiblesses, ma fragilité et mes larmes. Le don que tu possèdes pour déceler LE moment où laisser tomber les dossiers devenait nécessaire m’a été d’un grand secours. Finalement, je remercie tout spécialement Claire Grenier qui a supervisé ma mineure aux services externes. Je n’oublierai jamais ta personnalité chaleureuse, le naturel avec lequel tu jongles avec tes milliards de responsabilités, ton humour tellement efficace, de même que la passion qui t’anime lorsque tu partages ton savoir avec ceux que tu appelles affectueusement « ta relève ». Ce sont tes traces que je souhaitais suivre. Je garde précieusement en mon cœur tes appels aux nouvelles quand j’étais à l’hôpital ou lors de mes convalescences, les sessions « gratis » de thérapie improvisée alors que j’avais l’impression que le monde s’écroulait autour de moi, nos dîners sympathiques au Maizeret et toutes les fois où j’ai secouru ton ordinateur qui allait prendre une plonge par la fenêtre, bref, l’ensemble de ton Œuvre.

D’un point de vue plus personnel, il y a eu bien sûr des dizaines de personnes qui sont passées au 13e étage durant toutes ces années et plusieurs d’entre elles ont contribué à ma

thèse, que ce soit par des discussions scientifiques ou par des discussions absolument pas scientifiques. Je pense à Francine, à Serge, à Daniel, à Michaël et à Sophie, entre autres, qui m’ont initiée à la recherche, et plus récemment à Max, Ben, Dan, Étienne et P-Y pour avoir répondu à toutes mes questions de dernière minute sur vos études et pour m’avoir bombardée de questions pendant mes pratiques de présentation. Je tiens à souligner tout spécialement ma chère Julie qui est allée jusqu’à m’accompagner à mon tout premier traitement d’hémodialyse, il y a de cela exactement 11 ans, jour pour jour, et qui a assuré toute seule la tâche d’enseignement qu’on nous avait confiée le jour où, cinq ans plus tard, j’ai reçu l’appel

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tant attendu me signalant qu’on avait trouvé un rein pour moi. Encore une fois, excuses-moi d’avoir appelé chez toi à 2h00 du matin! Ton amitié me touche profondément, tout comme ta présence aujourd’hui... D’ailleurs, ça pourra sembler impertinent, mais je tiens à remercier la famille de mon donneur d’avoir accepté de faire don de ses organes au moment de son départ tragique; rien de tout ceci n’aurait été possible sans votre grandeur d’âme.

Bien sûr, un immense câlin d’amour au duo Annie-et-Cathy de m’avoir offert votre amitié le jour-même où j’ai quitté mon chez-nous adoré, complètement terrifiée. Merci de votre accueil, de votre confiance, de vos confidences et de votre écoute. Nous voici maintenant toutes les trois mamans; c’est complètement fou ! Annie, je ne sais pas combien de cafés j’ai bus et combien de larmes j’ai versées sur la table de cuisine de ton 1 ½, mais je tiens à ce que tu saches que si ça n’avait pas été de toi, je ne sais pas si ma santé mentale aurait tenu le coup avec la maladie ou pendant mon divorce. La vie nous a séparées ces derniers temps, mais sachez que vous faites toutes deux partie des plus beaux souvenirs de ma vingtaine qui aurait été, avouons-le, complètement dégueulasse sans vous.

À un niveau tout à fait personnel, Vicky et Véro, vous qui êtes là depuis toujours et qui me permettez de ne pas être une doctorante du tout avec vous, votre amitié m’est tellement précieuse. Chaque moment passé en votre compagnie est mémorable et votre fidélité me remplit de fierté. Les amitiés, ça vient et ça va, mais la vôtre semble inconditionnelle et ça fait tellement de bien…

À vous, papa et maman, je ne pense pas qu’un remerciement de thèse suffise à exprimer tout l’amour et toute la reconnaissance que je ressens pour vous. Ce doctorat, je vous le dois dans son entièreté. Merci maman d’avoir toujours insisté sur la discipline lorsque j’étais enfant et pour la magnifique lasagne que tu nous as préparée hier soir pour que je n’aie pas à me soucier du souper pendant que je faisais ma troisième crise de panique de la journée pré-soutenance. Merci papa de toujours m’avoir fait apprendre les mots de vocabulaire les plus difficiles de la liste. Je ne pense pas que ma thèse ait été un chef-d’œuvre, mais je peux épeler chef-d’œuvre sans difficulté! Merci à vous deux de m’avoir enseigné la musique, la cuisine et le bénévolat. Même loin, vous avez toujours été là, pour me consoler, me réconforter, m’encourager et pour m’aimer. Votre amour c’est doux, c’est tout…

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À toi Chéri, toi qui fais partie de ma vie depuis 20 ans maintenant, d’abord comme un ami, puis comme conjoint et père de notre garçon, je ne sais tellement pas comment je ferais sans toi. Je suis certaine que tu ne t’attendais pas à tout ça quand je t’ai dit qu’il me restait « juste ma thèse » à faire pour finir mes études, mais crois-moi, moi non plus! Tu as affronté de bien grandes peurs pour quitter l’Outaouais toi aussi pour venir à mes côtés le temps que j’aie un rein… ensuite le temps que je porte ton enfant… ensuite le temps que je finisse ma mausus de thèse...! J’avais tant besoin de quelqu’un comme toi dans ma vie. Quelqu’un d’apaisant, de sécurisant, mais aussi de fondamentalement tata ! Tu sais, je lève parfois les yeux au ciel quand tu fais la même blague pour la vingtième fois et que tu la ris toi-même, mais je ne me passerais plus de tes Wigle-Wigle, des noms d’amour toujours plus étranges les uns que les autres que tu m’octrois et de toutes les chansons insensées que tu fredonnes à toutes heures de la journée, oui, même Noël sans faim sous le soleil de juillet ou ta prestation de Backstreet back au dodo encore avant-hier soir !

Je termine en remerciant mon Loulou, Fiston d’amour, mon Théo. Du haut de tes trois ans, tu as su mettre de l’ordre dans ma vie et m’obliger à fixer des objectifs à courts termes pour finir mon doctorat. Tu as changé ma vie en tous points et de très belle façon. Tes bisous mouillés et tes « Je t’aime » sont le plus beau salaire qu’on puisse recevoir après une journée de rédaction. Tu es le plus grand miracle de ma vie. Je souhaite que la fin de cette étape rime avec un tout nouveau chapitre pour notre famille. Je vous aime. Merci.

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Avant-propos

Cette thèse est présentée en réponse aux exigences de diplomation du programme de doctorat en psychologie – recherche et intervention (orientation clinique) de l’École de psychologie de l’Université Laval, pour l’obtention du grade philosophiæ doctor (Ph. D.).

J’ai d’abord trouvé le sujet sur lequel la thèse allait porter, défini ses questions et objectifs de recherche, procédé au relevé de la littérature, élaboré une méthodologie et construit son entrevue et ses questionnaires. Par la suite, j’ai recruté ses participants, conduit l’ensemble des entrevues de pré-sélection et une bonne partie des entrevues téléphoniques auprès des participants. J’ai pu par après procéder à la saisie des données, à leurs analyses et leurs interprétations et rédigé les deux articles qui en ont découlés et qui sont insérés dans cette thèse, pour lesquels j’agis à titre de première auteure. Des assistants de recherche de premier cycle en psychologie ont mené une proportion des entrevues téléphoniques. Ma directrice de thèse, Isabelle Giroux, Ph. D. a longuement discuté mes stratégies de recherche et a relu de nombreuses fois les versions préliminaires de ce présent document. Elle signe donc les articles en tant que seconde auteure. Je tiens également à souligner la contribution des membres du Centre québécois d’excellence pour la prévention et le traitement du jeu de l’Université Laval, particulièrement Christian Jacques, M.ps., professionnel de recherche et Axelle Moreau, Ph. D., post-doctorante, pour leur apport aux réflexions méthodologiques et statistiques. Finalement, cette thèse n’aurait été possible sans l’aide de David Émond, M. Sc., statisticien-consultant chez Delta Statistique qui m’a grandement aidée à mener à bien et à interpréter les analyses statistiques.

Le premier article scientifique, intitulé « Savoir plus, miser moins : une maîtrise des principaux concepts en statistiques et en probabilités distingue-t-elle les comportements de jeu ? » a été publié dans le numéro de décembre 2018 du Journal of Gambling Issues selon les normes de rédaction en vigueur chez cet éditeur. Quant au deuxième article scientifique, s’intitulant « L’illusion de contrôle liée au jeu auprès d’universitaires : le bénéfice du doute ? », il a été soumis pour publication à ce même journal en novembre 2018 et accepté le 3 mai 2019. Le Journal of Gambling Issues a donné son autorisation pour l’insertion de ces deux articles dans cette thèse.

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Jeux de hasard et d’argent et jeu d’argent pathologique

Les jeux de hasard et d’argent (JHA) sont des activités impliquant nécessairement la mise en gage d’une somme d’argent ou d’un objet de valeur, laquelle mise doit être irréversible et dont le résultat dépend essentiellement du hasard, c’est-à-dire d’un événement totalement imprévisible et incontrôlable (Ladouceur, Sylvain, Boutin, & Doucet, 2000). Certains historiens rapportent la présence de JHA jusque chez les Babyloniens, soit il y a plus de cinq millénaires (McGurrin, 1992). Aujourd’hui, participer à ces jeux constitue une activité ludique fort populaire et dont l’offre ne cesse de s’accroître. En 2012, année de la dernière étude de prévalence québécoise, les deux-tiers de la population adulte québécoise ont participé à l’une ou plusieurs des formes de jeu (Kairouz & Nadeau, 2014). Les joueurs québécois peuvent s’adonner à des jeux de casino (machines à sous ou jeux de table), aux loteries, aux loteries instantanées ou « gratteux », aux appareils de loterie vidéo, au bingo, au kinzo, aux courses de chevaux ou encore à des jeux non régis par l’État, comme les tirages ou les paris sur Internet, les jeux d’adresse ou les événements sportifs (Chevalier, Hamel, Ladouceur, Jacques, & Sévigny, 2004). Certains utilisent aussi les marchés boursiers à la manière de JHA, transigeant des titres boursiers fréquemment en vue d’obtenir des gains immédiats (Granero et al., 2012).

Pour la plupart des joueurs, ces activités agissent à titre de loisir et n’entraînent aucune conséquence majeure (Petry, 2005). Pour certains néanmoins, ce qui devrait être un simple divertissement fait place au jeu d’argent pathologique. Le jeu d’argent pathologique a fait une première apparition en tant que psychopathologie dans le Diagnostic and statistical manual (DSM) il y a de cela maintenant près de 40 ans (APA, 1980). Jusqu’à récemment, il était classé dans la section des troubles du contrôle des impulsions, au même titre que la kleptomanie ou la pyromanie (APA, 2000). Cependant, lors de la refonte complète du DSM en 2013, le jeu d’argent pathologique a été inclus dans le chapitre des troubles reliés à une substance et troubles addictifs, afin de mieux refléter l’activation du système cérébral dit de récompense, produisant des effets similaires à ceux des drogues (APA, 2013). Il y est défini par « une pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu d’argent conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance

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cliniquement significative […], au cours d’une période de 12 mois [qui] n’est pas mieux expliquée par un épisode maniaque » (APA, 2013, p. 481).

À l’échelle mondiale, les taux de prévalence du jeu d’argent pathologique oscillent entre 0,5 % et 7,6 % (Productivity Commission, 2010; William, Volbert, & Stevens, 2012). Au Québec, selon la dernière étude de prévalence, il est estimé que 0,4 % des Québécois présentent suffisamment de symptômes pour être considérés comme des joueurs pathologiques probables (Kairouz & Nadeau, 2014), alors que 1,4 % des gens présentent un jeu problématique ou à risque (Kairouz & Nadeau, 2014). Dans le calcul de cette proportion, seuls les joueurs à risque modéré ont été considérés, mais elle atteint 4,3 % si les joueurs à risque faible sont aussi inclus (Kairouz & Nadeau, 2014). Ces taux demeurent relativement stables dans le temps s’ils sont comparés à ceux obtenus en 2005 par Ladouceur et ses collaborateurs (joueurs pathologiques probables : 0,8 %; joueurs à risque : 0,9 %).

Les conséquences du jeu d’argent pathologique ne sont plus à prouver; elles affectent toutes les sphères de la vie des individus qui en sont touchés (Ladouceur, Boutin, et al., 2004). D’abord, au-delà de la perte d’argent, l’accumulation de dettes, de crédits ou de factures impayées peuvent conduire à la faillite, à des poursuites de la part des créanciers ou au recours à des stratégies illégales pour recouvrer les pertes engendrées par le jeu, notamment le vol ou la fraude (Folino & Abait, 2009; Fong, 2005). Au sein du couple ou des familles, le jeu d’argent pathologique s’est avéré cause de conflits, de mensonges, de violence conjugale, de séparation et de divorce (Goulet & Giroux, 2015; Goulet, Giroux, & Jacques, 2016; Kalischuk, Nowatzki, Cardwell, Klein, & Solowoniuk, 2006). Les proches des joueurs pathologiques expérimentent eux-mêmes des niveaux de détresse psychologique cliniquement significatifs et des difficultés financières (Kalischuk et al., 2006). Comparés aux joueurs sans problèmes, les joueurs pathologiques rapportent davantage d’isolement social, de problèmes de concentration au travail ou dans leurs études, accompagnés de plus hauts taux de retards, d’absentéisme, de perte de productivité et, conséquemment, de licenciement, en plus de ressentir plus de honte et de culpabilité, de connaître une augmentation de l’impulsivité et de moins bonnes capacités à

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prendre des décisions (Fong, 2005). Leur santé physique n’est pas épargnée, notamment en raison du stress important associé aux problèmes secondaires à une pratique inadaptée du jeu, mais aussi par l’adoption de mauvaises habitudes de vie. En effet, les heures passées au jeu peuvent conduire les gens à sauter des repas ou de ne pas suivre un régime alimentaire sain par exemple, résultant en individus plus susceptibles d’être obèses ou sédentaires (Algren, Ekholm, Davidsen, Larsen, & Juel, 2015; Black, Shaw, McCormick, & Allen, 2013; Bonnaire et al., 2017; Morasco et al., 2006).

En plus de créer en lui-même d’importants problèmes personnels, familiaux, professionnels, sociaux et judiciaires, le jeu d’argent pathologique se développe en concomitance avec d’autres pathologies. Plusieurs études ont rapporté de significatifs taux de comorbidité entre les problèmes de jeu et les troubles liés à des substances, les troubles anxieux et de l’humeur, les troubles de la personnalité, ainsi que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (Dowling et al., 2015; Kessler et al., 2008; Lorains, Cowlishaw, & Thomas, 2011; Petry, 2005; Zimmerman, Chelminski, & Young, 2006).

Une explication possible de cette forte comorbidité réside en des facteurs de risque communs entre les troubles. En effet, plus de 30 années d’études sur le sujet ont permis de répertorier plusieurs caractéristiques rendant certains individus plus à risque que d’autres de développer des problèmes de jeu (Johansson, Grant, Kim, Odlaug, & Götestam, 2009). Parmi ces facteurs de risque se retrouvent des caractéristiques sociodémographiques, notamment le fait d’être de sexe masculin, d’être jeune, d’avoir un statut socioéconomique plus faible (Gill, Grande, & Taylor, 2006) ou encore d’être peu éduqué ou d’avoir obtenu des résultats académiques peu élevés (Dowling et al., 2017; Johansson et al., 2009). Il en va de même pour différents éléments de l’histoire de vie de l’individu ou des antécédents familiaux, comme l’historique de jeu, des problèmes de jeu au sein de la famille ou la commission de comportements délinquants à l’adolescence (Barnes, Welte, Hoffman, & Dintcheff, 2005; Ladouceur, Boudreault, Jacques, & Vitaro, 1999; Welte, Barnes, Wieczorek, Tidwell, & Parker, 2004). Des facteurs de risque psychologiques ont également été répertoriés, tels que l’impulsivité, la propension à la prise de risque ou la présence

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d’autres troubles mentaux (Gill et al., 2006; Grall-Bronnec et al., 2011). Dans une revue critique de la littérature, Johansson et ses collègues (2009) ont conclu que les facteurs de risque les mieux établis, c’est-à-dire ayant été démontrés dans plus de deux études empiriquement validées, sont l’âge et le sexe, les troubles mentaux comorbides, des caractéristiques structurelles des JHA, telles que le renforcement intermittent, une histoire de comportements délinquants et la présence de distorsions cognitives.

Face aux enjeux multiples associés aux JHA et au jeu d’argent pathologique et à partir de ces différents facteurs de risque, plusieurs approches ont été utilisées pour tenter une explication des conduites de jeu et du développement des problèmes de jeu, telles les approches biologique, psychodynamique, comportementale et de l’apprentissage social. Certains de ces modèles ont largement contribué à l’avancement des connaissances dans le domaine, mais ils peinent à trouver des supports empiriques et, conséquemment, ne font pas consensus auprès des chercheurs et des intervenants. L’approche cognitive ou sociocognitive (voir Ladouceur & Walker, 1996) est l’approche étiologique qui a connu la plus forte popularité dans la recherche en jeu (p. ex.: Choi et al., 2017; Ladouceur & Walker, 1996; Toneatto, Blitz-Miller, Calderwood, Dragonetti, & Tsanos, 1997; Walker, 1992). Selon Ladouceur et ses collaborateurs (2000), il s’agit de la seule approche à avoir su résoudre convenablement le principal paradoxe du jeu qui veut qu’une majorité d’individus cherche à s’enrichir en s’engageant dans des activités qui, par définition, sont appauvrissantes et pour lesquelles d’immenses profits sont engendrés par son industrie, en proposant que les joueurs s’attendent réellement à y gagner de l’argent (Ladouceur et al., 2000). Cette attente, illusoire, annonce des processus cognitifs erronés, facteurs de risque avérés des problèmes de jeu (Johansson et al., 2009).

Les sections ci-dessous proposent un survol des connaissances issues des recherches d’approche cognitive en jeu. Ne prétendant cependant pas couvrir l’ensemble des facettes entourant ce phénomène, il sera surtout question de décrire les principaux déterminants de l’approche cognitive, de même que les initiatives d’intervention clinique qui découlent de ces découvertes. Finalement, la section qui suivra portera une attention

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particulière à une population spécifique généralement protégée contre les problèmes de jeu, c’est-à-dire les personnes possédant des niveaux d’éducation supérieurs.

Approche cognitive des jeux de hasard et d’argent

Les sciences cognitives s’intéressent aux processus mentaux de l’être humain que sont la perception, la mémoire, l’imagerie mentale, l’attention, le langage, le raisonnement, la prise de décision, et la résolution de problèmes (Matlin, 2001). Selon cette approche, l’étude du comportement permet d’inférer les processus mentaux sous-jacents, qu’ils soient conscients et contrôlables ou pas (Matlin, 2001). Très tôt dans l’histoire de la recherche en jeu, des chercheurs avaient observé les comportements des joueurs et avaient réalisé que ces derniers posaient des gestes témoignant de cognitions erronées par rapport au fonctionnement des JHA et du hasard. Par exemple, Strickland, Lewicki et Katz (1966) ont montré que les joueurs de dés misaient plus d’argent lorsqu’ils pouvaient jeter les dés eux-mêmes que lorsqu’ils étaient jetés par un croupier. Henslin (1967) rapportait quant à lui que les joueurs de craps, une autre forme de jeu de dés, utilisaient diverses façons de jeter les dés en fonction du résultat espéré; ils jetaient les dés plus vigoureusement ou plus doucement selon qu’ils souhaitaient obtenir un chiffre élevé ou bas, alors que cela n’a aucun effet sur le hasard, à moins que les dés ne soient pipés.

Lorsqu’un individu est confronté à un besoin d’agir ou à plusieurs choix, il doit prendre une décision et cela s’effectue en analysant les enjeux et en pesant les pours et les contres des différentes options disponibles (Matlin, 2001). La prise de décision est essentielle et primordiale dans plusieurs domaines : l’entrepreneur devra décider s’il investit ou non dans un projet, le médecin choisira d’aller de l’avant ou non avec la prescription d’un traitement, le citoyen optera pour en poursuivre un autre en justice ou le joueur décidera entre miser ou s’en abstenir (Matlin, 2001; van Hoorebeke, 2008).

Contrairement au raisonnement déductif répondant à des règles fixes pour en soutirer des conclusions pures et exactes (Matlin, 2001), la prise de décision comporte des données inconnues et des sources d’incertitudes qui ne permettent généralement pas de disposer de telles règles (Tversky & Fox, 1995). Nul ne peut affirmer sans aucun doute que

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le projet d’un entrepreneur sera profitable, que le patient répondra bien au traitement prescrit par le médecin, que la cour penchera en faveur du demandeur ou que le joueur récupérera sa mise.

Qui plus est, un raisonnement tout à fait pur et prenant en compte l’entièreté des conséquences associées à chacune des options exigerait des capacités mnésiques, attentionnelles et de raisonnement illimitées dont l’être humain ne dispose pas; il doit donc se référer à son bassin de connaissances, aux décisions prises par le passé dans des situations similaires et à ce dont il se souvient (Damasio, 1994), en plus d’avoir à composer avec son état émotionnel du moment, influençant grandement la prise de décision (Damasio, 1994).

Les individus font donc appel à des heuristiques de jugement, définis par Matlin (2001) comme étant des procédés empiriques ou raccourcis mentaux généralement fondés qui permettent d’aboutir à une solution ou à une décision correcte. Par exemple, si s’agit de poser un jugement sur la taille d’un individu en sachant seulement que ce dernier pratique le basketball, il y a fort à parier que sa taille estimée sera grande, en raison des stéréotypes associés à cette population. Les heuristiques de jugement sont automatiques, intuitives et rapides afin de répondre aux exigences de la situation (Matlin, 2001; Tversky & Kahneman, 1974).

Aussi efficace et précise l’utilisation d’heuristiques de jugement soit-elle, la cognition humaine n’est pas exempte d’erreurs : un processus cognitif biaisé, dérivé de l’utilisation d’heuristiques de jugement, favorise l’apparition de distorsions cognitives, soient des pensées reflétant des conceptions irréalistes, déformées ou erronées (voir Beck, 1970). Il va sans dire que lorsque les processus cognitifs ne sont pas optimaux et que l’individu acquiert des distorsions cognitives amenant à une mauvaise interprétation de lui-même, d’une situation ou du monde en général, les décisions prises reflètent ces biais cognitifs et il peut s’en suivre une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement, témoignant d’une psychopathologie (Matlin, 2001). Les distorsions cognitives sont notamment associées à des profils anxieux et dépressifs

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(Robert, Combalbert, & Pennequin, 2018). Lorsqu’elles ne sont pas optimales, les stratégies de prises de décision constituent également un facteur de risque avéré de jeu d’argent pathologique (Goudriaan, Oosterlaan, de Beurs, & van den Brink, 2005; van Holst, van den Brink, Veltman, & Goudriaan, 2010).

En psychologie des JHA, il est reconnu que la majorité des joueurs, avec ou sans problèmes de jeu, entretient de telles distorsions cognitives par rapport au jeu. En 1987, Ladouceur et ses collaborateurs remarquaient que 80 % des pensées verbalisées par les joueurs, pathologiques ou non, étaient erronées. Gaboury et Ladouceur (1989) de même que Delfabbro et Winefied (2000) sont parvenus à des résultats semblables. Les preuves de l’impact des distorsions cognitives sur les habitudes de jeu ne sont toutefois plus à faire, telles que démontrées dans deux revues de la littérature sur le sujet (Fortune & Goodie, 2012; Goodie & Fortune, 2013). C’est Walker (1992) et Ladouceur et Walker (1996) qui ont élaboré la première théorie cognitive du jeu selon laquelle ces erreurs sont centrales dans le développement et le maintien de conduites de jeu excessives. En effet, bien que ces distorsions cognitives soient inhérentes au jeu, leur nombre et leur intensité varient en fonction de la régularité et de l’intensité des pratiques de jeu (Cunningham, Hodgins, & Toneatto, 2014; Joukhador, Blaszczynski, & Maccallum, 2004).

Yakovenko et son équipe (2016) ont d’ailleurs montré, à l’aide d’une étude longitudinale de cinq ans auprès de 1 372 participants, que les habitudes de jeu sont davantage prédites par les cognitions erronées que l’inverse, renforçant l’idée des distorsions cognitives en tant que cause du jeu d’argent pathologique plus que d’un effet secondaire à des pratiques excessives de jeu. Dans l’étude de Joukhador et ses collaborateurs (2004), les joueurs pathologiques ont verbalisé significativement plus de distorsions cognitives que les joueurs occasionnels et celles-ci étaient plus intenses et plus difficilement ébranlables. Ladouceur (2004a) a relevé une plus grande conviction quant aux croyances erronées chez les joueurs pathologiques. Griffiths (1994) et Moodie (2007) sont parvenus à distinguer les joueurs sans problèmes des joueurs pathologiques sur la base du nombre et de l’intensité des pensées erronées rapportés, bien que ces études comportent des limites méthodologiques diminuant leur portée, respectivement l’absence d’une mesure

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d’évaluation des problèmes de jeu et une faible taille d’échantillon. Au sein d’une population adolescente, Delfabbro et ses collaborateurs (2006) ont conclu à une plus grande intensité des croyances erronées chez les joueurs pathologiques, particulièrement en ce qui a trait aux croyances liées à l’apport de l’habileté aux JHA et à la profitabilité des JHA.

Les fausses croyances impliquées dans les mécanismes du jeu sont nombreuses et les termes pour y référer sont variés : cognitions, croyances, verbalisations ou perceptions, erronées, fausses, distorsionnées, irrationnelles, mésadaptées, dysfonctionnelles, inadéquates, inexactes, impulsives ou problématiques (Chrétien, Giroux, Goulet, Jacques, & Bouchard, 2017). De même, différentes typologies de ces distorsions cognitives ont fait l’objet de publications au fil des ans (pour une revue, voir Fortune & Goodie, 2012). Dans une méta-analyse des différents instruments de mesure des distorsions cognitives liées au jeu, Goodie et Fortune (2013) ont pu réduire au nombre de deux la liste des types de pensées erronées principales, malgré la disparité des classifications préalablement proposées : (1) la mésinterprétation de l’indépendance des tours, aussi appelée, en anglais, le gambler’s fallacy, et (2) l’illusion de contrôle. Ensemble, elles englobent la grande majorité des pensées erronées liées aux JHA (Goodie & Fortune, 2013).

Mésinterprétation de l’indépendance des tours

La première catégorie de pensées erronées de Goodie et Fortune (2013) englobe les fausses croyances qui amènent les joueurs à utiliser les événements précédents, soient les résultats obtenus au jeu, pour prédire ceux qui suivront. Cette façon de réfléchir engendre l’erreur fondamentale à la base des distorsions cognitives spécifiques aux JHA (Ladouceur, 2004b), soit la mésinterprétation de l’indépendance des tours. Déjà en 1985, Corney et Commings avaient déterminé que si une pièce de monnaie tirée dans les airs retombe cinq fois de suite sur le côté « pile », alors les gens prédisent en majorité que « face » sera le résultat du prochain lancer, alors qu’il n’en est rien : chaque côté a une probabilité égale d’être tirée, à chaque tour. À la roulette par exemple, à la suite d’un certain nombre de résultats « noirs », les joueurs tendent à croire qu’un résultat « rouge » est imminent et plus probable (Fortune & Goodie, 2012; Ladouceur, Dubé, Giroux, Legendre, & et al., 1995).

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Pourtant, les JHA répondent au principe de l’indépendance des tours, puisque chaque événement est unique et n’a pas de lien avec le précédent, ni avec le suivant. Par le fait même, une longue série de pertes consécutives n’indique en rien les probabilités d’un gain prochain.

Mauvaise compréhension mathématique

La mésinterprétation de l’indépendance des tours en particulier et les cognitions erronées liées au jeu en général font état d’une fausse croyance en la possibilité de prédire ou de contrôler l’issue des jeux (McInnes, Hodgins, & Holub, 2014), révélant ainsi une mauvaise compréhension des statistiques et des probabilités (SP) des JHA, et favorisant par le fait même des prises de décision sous-optimales en situation de jeu.

En langage mathématique, une décision optimale consiste à opter pour la situation avec la plus grande valeur attendue ou, du moins, une valeur attendue positive (Hertwig, Barron, Weber, & Erev, 2004). Dans le calcul des probabilités propres aux JHA, la valeur attendue ou expected value en anglais, consiste en l’espérance de gains, en moyenne, à long terme « définie par 𝐸𝑉 = Σ où 𝑝 et 𝑥 sont respectivement les probabilités et les montants d’argents associés à chaque résultat possible (i = 1, …, n) de cette option [traduction libre] » (Hertwig et al., 2004, p. 534). Les JHA devant être profitables pour les tenanciers, ils proposent toujours une valeur attendue négative, c’est-à-dire que la somme d’argent redistribuée entre les joueurs est moindre par rapport à la somme totale de leurs mises (Ladouceur et al., 2000). Cette somme d’argent retournée aux joueurs constitue le « taux de retour », lequel est souvent confondu avec les chances mathématiques de gagner (Ladouceur et al., 2000). Sur les appareils de loterie vidéo commercialisés par la Société des établissements de jeux du Québec par exemple, un encadré informe les joueurs que les appareils offrent un taux de retour de 92 %, ce qui laisse présager de fortes chances de gagner, alors qu’en fait, cela signifie qu’à long terme, pour chaque dollar misé, seuls 92 cents reviendront aux joueurs sous forme de gains.

Pour une majorité de joueurs pathologiques chez qui les pertes monétaires commencent à s’accumuler, l’espoir de « se refaire » devient bien souvent leur principale

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source de motivation à jouer, alors qu’elle est mathématiquement factice (Ladouceur et al., 2000). De manière paradoxale, les conséquences associées au jeu d’argent pathologique ne les amènent pas à jouer moins; l’individu choisit plutôt de poursuivre un comportement qui s’est pourtant avéré infructueux, c’est-à-dire le jeu, de sorte à rentabiliser l’investissement passé (Brockner & Rubin, 1985). Pour ces joueurs, il s’agit de la seule solution à court terme et ils considèrent très peu les conséquences à long terme, privilégiant davantage celles qui sont immédiates (Cosenza, Ciccarelli, Griffiths, Nigro, & Ciccarelli, 2016).

La présence d’un biais de représentativité dénote également d’une mauvaise compréhension mathématique. Il se manifeste dans la tendance qu’ont les joueurs à juger les probabilités d’occurrence d’une combinaison de jeu selon qu’elle semble aléatoire ou non (Petry, 2005). Cette erreur convainc le joueur de choisir un billet de loterie comportant des numéros discontinus, tels 07-29-32, plutôt qu’un billet avec des numéros qui se suivent comme 11-12-13, alors que les deux combinaisons ont mathématiquement une probabilité identique de sortir gagnantes (Ladouceur et al., 1995).

Illusion de contrôle

Au-delà de la mésinterprétation de l’indépendance des tours, croire qu’il est possible d’influencer le hasard par des observations ou des actions et, par le fait même, surestimer ses capacités personnelles à influencer l’issue du jeu, tel que décrit dans les travaux de Strickland et ses collaborateurs (1966) ou de Henslin (1967), constitue une distorsion cognitive indissociable des JHA nommée l’illusion de contrôle et initialement conceptualisée par Langer en 1975. Selon certains auteurs, les nombreuses superstitions qu’entretiennent les joueurs représentent aussi des illusions de contrôle (Toneatto et al., 1997), d’autres les catégorisent à part (Fortune & Goodie, 2012). Les superstitions peuvent être comportementales, notamment souffler sur les dés avant de les jeter, cognitives telles les prières, les convictions profondes et les pressentiments, ou talismaniques, comme l’utilisation d’un porte-bonheur (Toneatto et al., 1997).

Dans ses travaux, Langer (1975) a pu exposer, grâce à diverses expérimentations, que, plus un JHA comporte de caractéristiques de situations d’habileté ou d’adresse,

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comme de la compétition, des choix, de la familiarité ou une certaine implication, active ou passive, plus les gens perçoivent pouvoir améliorer leurs chances d’y gagner en tablant sur des connaissances ou des habiletés particulières. Ces caractéristiques se retrouvent dans maints JHA qui sont conçus pour augmenter l’illusion de contrôle. Par exemple, la présence d’autres joueurs ou d’un croupier accentue l’apparente compétition de plusieurs jeux de casino, ou encore il est possible d’arrêter soi-même les rouleaux d’une machine à sous, donnant l’impression d’être activement engagé dans la partie. L’illusion de contrôle envers une situation s’aménage donc autour de divers paradigmes, allant de facteurs liés aux habiletés et compétences nécessaires à la situation bien sûr, à ceux associés aux attentes par rapport à celle-ci ou encore au réalisme de l’événement (pour une revue, voir Thompson, Armstrong, & Thomas, 1998), mais également à différents facteurs dispositionnels et cognitifs examinés plus en détails ci-après.

Facteurs dispositionnels : optimisme et internalité du lieu de contrôle

Les facteurs dispositionnels sont des caractéristiques relatives aux traits de caractère, à la personnalité, et certaines de ces caractéristiques personnelles peuvent promouvoir le développement ou le maintien de pensées erronées. Par exemple, l’illusion de contrôle peut être favorisée par l’optimisme et le fait de posséder un lieu de contrôle interne. L’optimisme est un trait de personnalité généralement stable dans le temps qui se définit par une façon positive d’anticiper les événements futurs (Scheier & Carver, 1985). Pour ce qui est de la notion de lieu de contrôle, ou locus of control (Rotter, 1966), il s’agit d’un concept proche de celui de l’optimisme, mais qui renvoie plutôt à la perception d’une personne au sujet des causes principales fondamentales des événements de sa vie. Plus précisément, le niveau auquel l’individu considère que son destin est contrôlé par la personne elle-même (lieu de contrôle interne) ou par des forces extérieures à elle (lieu de contrôle externe), comme le karma, un dieu ou d’autres puissances (Lefcourt, 2000), mesuré sur un continuum. Quoi qu’il en soit, l’optimisme et le lieu de contrôle sont des construits perçus comme étant conceptuellement proches dans la littérature (Peterson & Stunkard, 1992) et portent sur les attributions causales, soient les associations perçues entre les comportements et les résultats (Martin-Krumm, 2012).

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Avoir un degré élevé d’optimisme est considéré comme étant hautement avantageux parce que cela permet d’accéder à un plus grand bien-être subjectif, que ce soit que ce soit en réaction à un problème de santé physique ou lors de transitions de vie (Segerstrom, Carver, & Scheier, 2017). L’optimisme a aussi été empiriquement lié à une meilleure santé physique, en raison d’une production moindre d’hormones de stress (Rasmussen, Scheier, & Greenhouse, 2009). Il en va de même pour les lieux de contrôle internes auxquels la littérature accorde généralement l’avantage, pour les mêmes raisons (Lefcourt, 2000).

Ces phénomènes observés pourraient être en partie expliqués par les stratégies d’adaptation qu’ont tendance à utiliser les personnes les plus optimistes et les personnes ayant un lieu de contrôle plus interne. En effet, les études sur le sujet ont illustré que ces personnes utilisent davantage de stratégies d’adaptation orientées vers la résolution de problèmes lorsqu’ils sont confrontés à des situations stressantes perçues comme contrôlables (voir p. ex. : Lefcourt, 2000; Nes & Segerstrom, 2006). Quant aux gens pessimistes ou dont le lieu de contrôle est externe, ils préfèrent souvent nier la situation et ne pas la confronter (Lefcourt, 2000; Scheier, Carver, & Bridges, 2001; Segerstrom et al., 2017).

Toutefois, certaines situations semblant contrôlables ne le sont pas, comme c’est le cas pour la plupart des JHA. Cette illusion de contrôle pourrait désavantager les personnes les plus optimistes ou dont le lieu de contrôle est interne, car bien qu’il s’avère inutile de continuer à jouer pour espérer faire des gains à long terme ou recouvrer des pertes, il se pourrait que ces individus soient plus réticents à abandonner le jeu (voir Gibson & Sanbonmatsu, 2004). D’ailleurs, maints travaux en finances ont illustré l’impact de l’optimisme sur les prises de décision en contexte d’investissement ou de spéculations boursières (p. ex. : Angelini & Cavapozzi, 2017; Beracha & Skiba, 2014; Hegde & Zhou, 2018; Kasemsap, 2015; Makridakis & Andreas Moleskis, 2015).

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Facteurs cognitifs : connaissances des SP et degré de conviction

Au-delà des attentes et attributions envers la vie, posséder des connaissances ou des habiletés spécifiques dans un domaine en particulier permet d’acquérir une certaine forme d’expertise dans ce domaine. En comparaison aux novices, les experts peuvent généralement se permettre d’utiliser davantage d’heuristiques de jugement (Gobet, 2011). De ces raccourcis mentaux peut toutefois résulter un effet délétère important, appelé l’illusion du savoir. Mis de l’avant dans les travaux de Sloman et Fernbach (2017), ce biais de jugement survient lorsqu’une situation nouvelle, apparemment identique à celles qui sont connues ou maîtrisées, est abordée de la même façon qu’à l’habitude, sans chercher à adapter le raisonnement aux caractéristiques uniques de cette situation précise. Par exemple, à l’achat d’un nouvel appareil électronique, nombreux sont les individus qui l’utilisent sans référer au mode d’emploi, risquant ainsi de sous-exploiter l’ensemble des options disponibles. « L’expertise a [donc] un coût, et ce coût est une inflexibilité dans la manière d’aborder des situations nouvelles » (Steenberg & Frensch, 1992, cités par Gobet, 2011, p. 129).

En situation de jeu, des individus possédant une bonne compréhension des SP, principes à la base des JHA, pourraient confondre compétence et situations de chance ou de hasard. Dans ses études sur l’illusion de contrôle, Langer (1975) avait suggéré que les gens préfèrent s’engager dans des comportements où ils ont des chances de réussir, avec lesquels ils sont familiers et se sentent compétitifs. En psychologie économique d’ailleurs, l’expertise est étroitement liée à une diminution de l’aversion au risque (Lambert, Bessière, & N'Goala, 2012). Dans l’univers des JHA, une personne mathématiquement nantie pourrait se sentir à l’aise avec les éléments liés aux probabilités de gains, aux taux de retours, etc., et ainsi surestimer ses habiletés à contrôler ou prédire l’issue des jeux ou autrement dit, développer des pensées erronées.

Parallèlement, les recherches menées sur les cognitions des joueurs ont illustré un phénomène intéressant par rapport à leurs croyances erronées : les problèmes de jeu sont non seulement associés à plus de fausses croyances (Delfabbro & Winefeld, 2000; Gaboury

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& Ladouceur, 1989; Ladouceur et al., 1987; Ladouceur & Walker, 1996; Walker, 1992), mais également à une conviction plus grande quant à ces croyances (Delfabbro et al., 2006; Griffiths, 1994; Joukhador et al., 2004; Ladouceur, 2004b; Moodie, 2007). Autrement dit, plus les individus ont énoncé de croyances erronées, plus ils étaient convaincus de ne pas être dans l’erreur. La littérature en psychologie cognitive regorge de travaux sur la sur-confiance, ce biais métacognitif selon lequel les gens auraient systématiquement tendance à surestimer leurs connaissances ou leurs performances (Pallier, 2002). Dans l’étude de Lambert et collaborateurs (2012) examinant les différences dans les décisions d’investissements entre des étudiants en finances ayant des connaissances limitées et des banquiers considérés comme experts, les étudiants se sont avérés certes moins savants, mais également plus conscients de leur ignorance, les amenant à diminuer leurs prises de risque. À cet égard, être convaincu de croyances erronées en lien avec les JHA peut certainement contribuer à l’illusion de contrôle.

Éviter ou corriger les pensées erronées : Prévention et traitement des problèmes de jeu

Puisque ce sont près de trois joueurs sur quatre, avec ou sans problème de jeu, qui présentent des cognitions erronées par rapport aux JHA (Gaboury & Ladouceur, 1989) et que celles-ci ont un effet renforçateur sur les problèmes de jeu (Joukhador et al., 2004; Joukhador, MacCallum, & Blaszczynski, 2003), il n’est donc pas surprenant que la plupart des efforts menés en termes de prévention ou de traitement de cette problématique ait été élaborée autour de la correction et la prévention de ces erreurs, ainsi qu’en lien avec une augmentation des connaissances liées aux JHA, un mandat tout indiqué pour les tenants de l’approche cognitive-comportementale. Les initiatives de prévention et les stratégies d’intervention découlant de cette approche sont effectivement orientées vers la réorganisation, le changement ou la rééducation des cognitions inadaptées, de même que la diminution de l’utilisation des heuristiques de jugement lorsque possible (Matlin, 2001).

D’un point de vue préventif, les programmes d’approche cognitive ont été nombreux à voir le jour au début des années 2000 (Crites, 2003; Ferland, Ladouceur, &

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Vitaro, 2002; Ladouceur, Boutin et al., 2004; Ladouceur, Ferland, & Vitaro, 2004; Loto-Québec, 2007). Par exemple, le contenu d’une vidéocassette de 20 minutes de prévention visant à informer les jeunes à propos du jeu et à corriger leurs fausses croyances a su démontrer son efficacité à sensibiliser cette clientèle en particulier, tant francophone (Ferland et al., 2002) qu’anglophone (Ladouceur, Ferland, et al., 2004). Pour sa part, Crites (2003) a proposé d’enseigner des concepts mathématiques liés aux JHA en tant qu’outil préventif contre le jeu d’argent pathologique auprès d’adolescents, dans une salle de classe. Cette stratégie s’est avérée concluante pour augmenter les connaissances et diminuer les erreurs de pensées. Son programme présentait les mathématiques sous-jacentes à différents JHA, de même que quelques erreurs cognitives associées au jeu. En ce qui a trait à la prévention destinée au grand public, la fondation Mise sur toi, a mis sur pied divers outils de promotion du jeu responsable, par exemple des publicités télévisées (Loto-Québec, 2007). La fondation a également publié un manuel d’autocontrôle disponible dans les casinos (Loto-Québec, 2007). De plus, des tournées de formation au jeu responsable ont été organisées sur tout le territoire québécois pour les employés des casinos, de même que les détaillants et employés des établissements possédant des appareils de loterie vidéo, tels les bars (Ladouceur, Boutin, et al., 2004). L’objectif de ces formations consistait à outiller les travailleurs de sorte qu’ils puissent mieux prévenir les méfaits associés au jeu dans leur établissement et qu’ils soient capables d’interagir avec des clients en situation de crise ou demandant de l’aide (Dufour, Ladouceur, Giroux, 2010). Ce programme de formation au jeu responsable a fait l’objet de quelques études publiées (p. ex. : Dufour et al., 2010; Giroux, Boutin, Ladouceur, Lachance, & Dufour, 2008). Les auteurs en ont conclu que des améliorations significatives au niveau des attitudes, des connaissances et des stratégies d’intervention en découlent, bien que celles-ci soient modérément maintenues dans le temps (Dufour et al., 2010). Ce programme est toujours disponible en ligne à ce jour, mais n’est plus offert dans sa forme initiale en salle.

Pour les individus souffrant de problèmes liés aux JHA, une panoplie de traitements ont également été mis sur pied, couvrant la majeure partie des approches thérapeutiques, allant de la pharmacothérapie (Blanco, Petkova, Ibanez, & Saiz-Ruiz, 2002; Crockford &

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el-Guebaly, 1998), aux interventions brèves et motivationnelles (Freidenberg, Blanchard, Wulfert, & Malta, 2002; Hodgins, Currie, & el-Guebaly, 2001; Robson, Edwards, Smith, & Colman, 2002), aux traitements psychanalytiques et psychodynamiques (Miller, 1986; Rosenthal & Rugle, 1994) ou aux thérapies cognitives (Ladouceur et al., 2001), comportementales (Grant, Donahue, Odlaug, & Kim, 2011) ou cognitives-comportementales (Battersby, Oakes, Tolchard, Forbes, & Pols, 2008; Petry et al., 2006; Toneatto & Brennan, 2002).

Selon Petry (2005), bon nombre de ces approches thérapeutiques n’ont pas été étudiées empiriquement ou l’ont été à une époque où la démarche empirique n’avait pas été standardisée, particulièrement en ce qui a trait aux propositions psychodynamiques. Ce sont davantage les thérapies cognitives-comportementales qui continuent d’être utilisées et étudiées à ce jour (Choi et al., 2017; Cowlishaw et al., 2012; Gooding & Tarrier, 2009).

Des programmes d’approche cognitive-comportementale ont été reconnus comme étant efficaces pour traiter les problèmes de jeu dans diverses études, tel que l’ont notamment rapporté les auteurs de deux méta-analyses à ce sujet, soient Cowlishaw et ses collaborateurs (2012) et Gooding et Tarrier (2009), pour ne nommer que ceux-ci. Ce sont aussi ces programmes qui sont préconisés dans le guide de bonnes pratiques en centres de réadaptation en dépendance du Québec, publié en 2009 par Desrosiers et Jacques. Gooding et Tarrier (2009) ont rapporté des effets significatifs des thérapies cognitives-comportementales sur les habitudes de jeu à 3, 6, 12 et 36 mois post-thérapie et ce, peu importe que la thérapie ait été octroyée dans un format individuel ou de groupe (Gooding & Tarrier, 2009). Quant aux travaux de l’équipe de Cowlishaw (2012), ils permettent également de conclure à l’efficacité de la thérapie cognitive-comportementale envers les problèmes liés aux JHA, mais les effets à long terme de cette avenue thérapeutique sont équivoques ou peu étudiés et les auteurs suggèrent de les considérer prudemment.

L’ingrédient actif de ces thérapies serait la restructuration cognitive (Ladouceur, Sylvain, Letarte, Giroux, & Jacques, 1998), une technique qui consiste à faire ressortir l’irrationalité de certaines pensées et à les remplacer par d’autres, plus appropriées (Fortune

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& Goodie, 2012). En ayant conscience des liens associant leurs pensées, leurs émotions et leurs comportements, les individus développent la capacité de modifier leurs cognitions pour ainsi améliorer leur ressenti et adopter de meilleurs comportements. Dans une méta-analyse publiée en 2012, Hofmann, Asnaami, Vonk, Sawyer et Fang ont identifié 269 études qui ont soutenu l’utilisation de cette forme de psychothérapie pour diverses problématiques, entre autres les troubles addictifs. Ces thérapies dont une part du contenu s’appuie sur le modèle cognitif du jeu ont démontré leur efficacité à de multiples reprises (Carlbring, Jonsson, Josephson, & Forsberg, 2010; Larimer et al., 2012; Marceaux & Melville, 2011; Petry et al., 2006). Chrétien et ses collaborateurs (2017) appellent cependant à faire preuve de discernement quant à l’interprétation des résultats d’études d’efficacité de la restructuration cognitive en raison d’importantes variations observables entre les études (application de la restructuration cognitive, contextes dans lesquels elle est appliquée, joueurs de JHA à composante d’habiletés en l’absence de mesure des cognitions erronées dans ce contexte particulier, etc.).

Éducation supérieure : pourquoi se laissent-ils prendre au jeu ?

Au Québec, les études supérieures forment au raisonnement de même qu’à la pensée critique, ne serait-ce qu’avec les cours de philosophie obligatoires à la formation collégiale (Ministère de l'éducation et de l'enseignement supérieur du Québec, 2018). Quant au système d’éducation universitaire, il enseigne l’utilisation d’arguments rationnels et la minimisation de l’impact des émotions sur la prise de décision (Evans, Kemish, & Turnbull, 2004). Cela étant dit, même les personnes dont le raisonnement est chevronné font l’usage d’heuristiques lorsque le temps mis à leur disposition ou les informations liées au contexte sont manquants, ce qui ne les rend pas à l’abri des biais cognitifs (Gobet, 2011). Si l’illusion de contrôle et une mauvaise compréhension des SP des JHA telle l’indépendance des tours patronnent le développement de pratiques de jeu potentiellement problématiques, subséquemment, il paraît logique qu’une éducation supérieure puisse favoriser des cognitions adéquates et des habitudes de jeu à risque nul ou minimal. À cet effet, les données issues de la recherche scientifique sont pourtant ambiguës. D’une part,

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les Québécois ayant obtenu des diplômes d’études post-secondaires sont significativement plus nombreux à participer aux JHA (Kairouz & Nadeau, 2014) et sont aussi plusieurs à privilégier des formes de jeu à composante d’habileté, comme le poker, considérées comme étant risquées de par leur tendance à induire davantage de distorsions cognitives (Barrault & Varescon, 2012), mais d’autre part, leur proportion est moindre parmi les individus ayant développé un problème de jeu (Kairouz & Nadeau, 2014). Un niveau d’éducation peu élevé ou encore de mauvais résultats académiques sont d’ailleurs des facteurs de risque du jeu d’argent pathologique (voir Dowling et al., 2017 et Johansson et al., 2009, pour des revues systématiques). Quant à Davis et ses collaborateurs (2008), ils ont relevé un fort effet du niveau d’éducation de 167 participants sur la qualité de leurs méthodes de prises de décision mesurées par l’Iowa Gambling Task (Bechara, Damasio, Damasio, & Anderson, 1994). Cependant, il n’en demeure pas moins que des personnes hautement instruites puissent développer un problème de jeu, ce qui peut surprendre.

Alors pourquoi se laissent-ils prendre au jeu ? La réponse se trouve-t-elle dans la nature des connaissances spécifiques pour lesquelles les individus se sont instruits durant leur parcours post-secondaire ? Par exemple, il n’est pas improbable qu’un diplômé en littérature, bien que formé au raisonnement universitaire, puisse se faire piéger par les raisonnements mathématiques nécessaires à la compréhension des JHA. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des études ont été menées auprès de personnes possédant des connaissances précisément dans le domaine des mathématiques. Cependant, de telles études ont obtenu des résultats mitigés : lors de séances de jeu en laboratoire, le nombre de croyances erronées rapportées par des étudiants universitaires possédant de bonnes habiletés mathématiques s’est avéré comparable (Benhsain & Ladouceur, 2004), voire supérieur (Pelletier & Ladouceur, 2007), à celui d’étudiants qui ne possédaient pas ces connaissances. Des résultats similaires ont été trouvés lors de recherches s’intéressant à leurs comportements de jeu, c’est-à-dire des durées de jeu ou des comportements irrationnels équivalents (Cloutier, Ladouceur, & Sévigny, 2006; Ladouceur & Sévigny, 2003; Steenbergh, Whelan, Meyers, May, & Floyd, 2004; Williams & Connolly, 2006) ou plus importants (Pelletier et Ladouceur, 2007) chez des universitaires étudiant dans des

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