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Compte rendu de M. van der Lugt, ed., La nature comme source de la morale au Moyen Âge (Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo: 2014)

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Tome CXXIV

1/2018

Pour faire œuvre d’historien, il faut disposer d’une

infor-mation étendue sur les progrès de la recherche

partout dans le monde. C’est le rôle des revues : pour les

médiévistes de langue française il est tenu notamment

par Le Moyen Age.

Revue critique, largement ouverte aux contributions

universitaires internationales, Le Moyen Age mêle

aux travaux des historiens ceux des spécialistes

des littératures médiévales pour faire ressortir

les aspects les plus variés de la société et de la

civilisation européennes entre les V

e

et XV

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siècles.

ISBN 978-2-8073-9251-9 RMA-N.18/1

ISSN 0027-2841

1 2018

Revue publiée avec le soutien du Centre national de la recherche scientifique.

1 / 2018

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italienne et non seulement écrite, dans le seul but de montrer comment une « bonne » interprétation des textes, de tous les textes, ne saurait faire abs-traction de la méthode qui seule permet de les établir correctement. C’est pourquoi il faut être infiniment reconnaissant à G. Palumbo, auteur de la

Préface, qui a eu l’heureuse idée de cette entreprise de traduction (menée avec

autant de savoir que d’élégance par J.P. Chambon et Y. Greub), qui permettra de mieux diffuser un véritable florilège, paru une première fois en italien en 2012, où les « philologues » de tout bord retrouveront avec beaucoup de plaisir des sujets qui les occupent quotidiennement, et où surtout les jeunes chercheurs – et même les étudiants – pourront puiser tant des informations de base que des éléments utiles pour une réflexion sur un « métier » qui, pour être artisanal, n’en finit pas de fournir les bases – les textes – indispensables pour une connaissance la moins inexacte que possible du passé.

Maria coLoMbo tiMeLLi La Nature comme source de la morale au Moyen Âge, éd. Maaike vander

LuGt, Florence, SISMEL–Edizioni del Galluzzo, 2014 ; 1 vol., vi–441 p.

(Micrologus’ Library, 58). ISBN : 978-88-8450-530-9. Prix : € 68,00.

Cette somme impressionnante, dirigée par M. van der Lugt, offre une plongée dans la « Nature », l’un des concepts les plus fondamentaux de la pensée occidentale, dont les résonances souterraines continuent aujourd’hui encore d’animer les humains et, surtout, les politiques qu’ils défendent et mènent.

Entre le xiie et le xve siècle, la Nature se trouve être la source du rapport entre les humains et le monde, tout comme de la morale qui règle les rap-ports entre chacun d’eux ; elle permet de distinguer le Bien du Mal dans la Création. Elle possède également un pouvoir normatif ; la valeur des actions et institutions humaines est déterminée grâce à elle. La Nature occupe indubitablement une fonction dichotomique et binaire : elle partage l’humain du reste du vivant, et, en premier lieu, l’humain « raisonné » de l’animal « sauvage ».

Tout l’intérêt de l’ouvrage de M.v.d.L. est d’aller au-delà de cette opposition bien connue et souvent rabâchée. Il nous montre en fait un Moyen Âge central et tardif qui hésite, cherche et propose des solutions philosophiques com-plexes aux problèmes que pose le concept de « Nature ». On perçoit dans les débats des théologiens des interrogations sur la pertinence de la limite tracée entre l’homme et l’animal (l’animal et l’humain sont-ils fondamentalement différents ? les animaux doivent-ils naturellement être soumis à l’humain ? qui de l’humain ou de l’animal est plus proche du dessein de Dieu ?) ou entre la femme et l’homme (tantôt justifiant la soumission féminine, tantôt servant d’argument à l’émancipation de la femme) ; des interrogations également sur le bien-fondé ou non des hiérarchies sociales (sont-elles naturelles ou

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au contraire procèdent-elles de la violence qui rompt un « état de Nature » synonyme d’égalité première entre les hommes ?), l’articulation entre lois divines, naturelles et humaines, et le rapport à l’artifice, autrement dit, à la création d’objets (d’artisanat et d’art) imitant la nature.

Il serait impossible ici de traiter dans leur ensemble des contributions rassemblées dans ce volume. Tout au plus nous contenterons-nous de les présenter : M. van der Lugt, L’autorité morale et normative de la nature au Moyen

Âge. Essai comparatif et introduction (p. 3–40) ; F. Santi, Il problema del matrimonio

omosessuale in Ugo di San Vittare (p. 41–53) ; A. Boureau, Une nature préservée de

la transgression humaine des normes. Physique des éléments et géologie du monde

dans l’exégèse et la théologie du xiiie siècle (p. 55–94) ; R. Lambertini, Nature and

the Origins of Power. An Examination of selected Commentaries on the Sentences

(Thirteenth and Fourteenth Centuries) (p. 95–111) ; M. Toste, The Naturalness

of Human Association in Medieval Political Thought revisited (p. 113–188) ;

J.P. Rubiés, Nature and Customs in Late Medieval Ethnography. Marco Polo and

John Mandeville (p. 189–232) ; B. Grévin, Ordonner la société, redresser le langage ?

Normes juridiques, normes rhétoriques et pensée du Dictamen en Italie à l’époque

de Frédéric II (p. 233–263) ; C. Kiening, Nature, morale et langue dans les récits

du Moyen Âge allemand (p. 265–280) ; J. Wirth, Image et imitation de la nature

au xiiie siècle (p. 281–306) ; T. Ricklin, La natura del poeta fra il fredo e le stelle.

Considerazioni fiorentine a proposito del poeta in generale e di Dante in particolare

(p. 307–333) ; D. Jacquart, Au nom de la nature. Le plaisir sexuel selon le médecin

bolonais Mondino de’ Liuzzi († 1326) (p. 335–357) ; J. Ziegler, Phisonomia est lex

nature : on the Nature of Character and Behaviour in Late Medieval Physiognomy (p. 359–381) ; J.-P. Boudet, Nature et contre-nature dans l’astrologie médiévale. Le

cas du Centiloquium du Pseudo-Ptolémée (p. 383–410) ; E. Frunzeanu, Indices

(p. 411–441).

Il est enfin un autre aspect qui nous fait particulièrement apprécier ce volume : le souci de l’É. de tisser des liens entre les réflexions médiévales sur la « Nature » et les questions politiques que pose aujourd’hui ce concept.

Il est évident que la voie qui mènera à résoudre les problèmes écologiques et par là sociaux et politiques majeurs que nous traversons passera par un réexamen profond de notre concept de « Nature », qui nous semble aller de soi alors qu’il est le fruit de plusieurs siècles d’exercices philosophiques et politiques. Preuve en est d’ailleurs que d’autres sociétés n’établissent pas cette distinction entre « Nature » et « Humain », ainsi que le montrent notam-ment les travaux de Philippe Descola et son équipe au Collège de France 3.

L’É. replace également son ouvrage dans le débat qui oppose actuellement les socio-biologistes à leurs détracteurs, débats dont elle montre, grâce à ses A., les origines médiévales. Pour les socio-biologistes, il y aurait une distinction naturelle/génétique (le second terme devenant synonyme du

3. Voir aussi P. deScoLa, Par-delà nature et culture, Paris, 2005.

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premier dans leur discours, mais étant plus admissible car recouvert de la respectabilité que confère une « science exacte ») entre certains individus physiquement et intellectuellement supérieurs, donc naturellement portés à gouverner, et tous les autres. Cette théorie naturalise les différences sociales et fait fi de tout déterminant social ; c’est un essentialisme qui justifie des mécanismes de domination qui sont, en réalité, tout sauf naturels.

Ainsi, non contents d’explorer toute la complexité du concept de « Nature » au Moyen Âge, M.v.d.L. et ses A. le replacent dans le contexte de grands débats politiques, pour ne pas dire existentiels, du xxie siècle. Espérons que ces enseignements venus de la médiévistique pourront tou-cher le grand public car l’on sait combien de beaux ouvrages, scientifiques et rigoureux, comme ceux qu’offrent Micrologus’ Library, sont bien plus que de l’érudition scientifique : ils offrent des armes intellectuelles sûres pour affronter l’avenir.

Jonathan duMont

Sylvie Quéré, Le Discours politique des États de Languedoc à la fin

du Moyen Âge (1346–1484), Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2016 ; 1 vol., 446 p. (Histoire et sociétés). ISBN : 978-2-36781-187-1. Prix : € 36,00.

Dans cet imposant volume issu d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université du Québec à Montréal, S. Quéré s’attaque à une stratigraphie du vocabulaire créé et utilisé par les États de Languedoc au Moyen Âge finissant (xive-xve siècle). Sa méthode s’inspire de l’analyse discursive quan-titative mise en place, notamment, par J.-P. Genet ainsi que des travaux d’historiens spécialistes des institutions représentatives tardo-médiévales (W.P. Blockmans, M. Hébert, A. Rigaudière) et de la construction de l’État dynastique français (P. Contamine, B. Guenée, L. Scordia).

Sur cette base, S.Q. met en lumière les thématiques fondamentales qui traversent les discours des États tout en montrant comment celles-ci font écho à d’autres discours et pratiques politiques au sein d’autres institutions représentatives.

L’A. précise tout d’abord comment se met en place un discours du consen-tement et de la soumission à l’impôt royal auquel s’accole un droit des États à la protestation en vue de maintenir les privilèges du pays. Comme ailleurs, un glissement sémantique progressif s’opère permettant au roi de mieux en mieux justifier ses demandes de manière à transformer un impôt extraordinaire en impôt ordinaire. D’un côté, ce vocabulaire emprisonne les États puisque ceux-ci sont placés de facto dans une situation de soumission « euphémisée » par la langue – ils consentent librement à l’impôt qui est présenté comme un don gracieux au roi. D’un autre côté, les États deviennent des intermédiaires entre l’administration royale et les communautés locales

Références

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