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Les paroissiales flamboyantes en Puisaye

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FACULTE DES LETTRES

LES PAROISSIALES FLAMBOYANTES EN PUISAYE

CHARLES BOURGET

mémoire présenté pour 1'obtention

du grade de maître es arts (M.A.)

ECOLE DES GRADUES UNIVERSITE LAVAL

AVRIL 1992 ((c) droits réservés 1991

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Résumé

Cette études des églises paroissiales de Puisaye, partie sud- ouest de l'Yonne en France, vise à formuler une définition syntaxique tant au niveau typologique que stylistique de ce type de construit et à formuler une interprétation sémantique à partir de cette définition syntaxique. Cette syntaxe repose sur la conception énergétique de l'objet d'art mise en forme par Fernande Saint-Martin avec ce que l'on nomme la sémiologie topologique. Nous cherchons à mettre en évidence tant la position stylistique architecturale de la Puisaye par rapport aux régions limitrophes de Paris, de la Champagne, de la Nièvre et du Val de Loire que les significations inconscientes des formulations spatiales régionales qui sont grosso modo séparables en deux grandes familles, les édifices longitudinalement uniformes et les édifices scindés par une coupure transversale.

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Ce travail qui représente plus de deux années d'études m'a permis d'atteindre certains objectifs méthodologiques que je m'étais fixés. Il n'aurait pas été possible de le réaliser sans les encouragements de mon directeur de thèse monsieur Roland Sanfaçon qui m'a permis de visiter chacune des églises du corpus en sa compagnie. J'ai également profité de plusieurs de ses impressions de premier jet qui se sont souvent avérées tout à fait justifiées. J'aimerais également remercier madame Marie Carani qui m'a encouragé pour la hardiesse de mes interprétations générales et qui a su sentir les motivations profondes d'une telle méthodologie de recherche. Il faut également penser à tous ceux qui m'ont écouté patiemment et qui ont su nuancer de manière constructive leurs opinions propres.

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TABLE DES MATIERES

RESUME...p.i AVANT-PROPOS... p . ii TABLE DES MATIERES... p.iii LISTE DES FIGURES... ... p.v LISTE DES TABLEAUX ET CARTES... p.xii

INTRODUCTION... P. 1 CHAPITRE 1 CONSIDERATIONS GEOGRAPHIQUES ET STYLISTIQUES ....p.7

Les caractères stylistiques généraux...p. 8 Les généralités extérieures... p. 12 Le style des détails intérieurs... p. 13 Les remplages... p.17 Les types de portails... p. 19 L'architecture en Puisaye déborde ses limites

géographiques... p. 21 La Puisaye dans un contexte flamboyant plus vaste... p.27 L' influence directe de monuments majeurs... p. 34 CHAPITRE 2 PRELIMINAIRES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES.... p.38 Préliminaires...p.38 Une syntaxe du volume architectural... p. 40 Principes de formation des Masses virtuelles... p. 44 Inclure la pragmatique dans la lecture syntaxique... p.45 Le rapport à l'objet ou la notion de perpective

architecturale... p. 46 Le particularisme d'une telle approche de l'objet... p.47 Un premier exemple, Saint-Martin de

Saint-Martin-des-Champs...p. 49 A une syntaxe psycho-énergétique correspond une

sémantique précise... p. 55 Considérations stylistiques... p. 64 Le style comme facette consciente du construit... p. 65

CHAPITRE 3 LES INTERIEURS ET LEUR SIGNIFICATION...p. 67 Les églises flamboyantes de la Puisaye, vue de 1'inté­ rieur... p. 68 La valorisation latérale sud, une pragmatique de con­

ception fort agréable...p. 74 Trois sortes d'espace uniforme... p. 75 Les édifices à scission transversale sans débordement

latéral... p. 79 Valeurs infra-verbale et culturelle de nos deux caté­

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Les édifices à débordements latéral et bi-latéral.... p.92 L'interprétation universalisante pré-verbale n'est pas

positiviste... p. 94 Deux catégories d'exemples... p. 96 Une seconde tentative de hiérarchisation typologique...p.100 Les deux représentants du type halle dans la région....p.102 Conclusion...p. 103 CHAPITRE 4 QUESTION EXTERIEURE... p. 105

Contexte d'une interprétation signifiante du rapport

intérieur-extérieur... p. 106 Classification typologique des extérieurs... p. 108 La pragmatique sud vue de 1 ' extérieur... p. 109 Les extérieurs : une emphase mise sur les lignes direc­

trices du construit... p. 111 L' influence intérieur-extérieur... p. 116 La façade comme élément fondamental de la compréhen­

sion de 1 ' extérieur... p. 120 CONCLUSION... p. 124 BIBLIOGRAPHIE... p. 130 TABLEAUX CARTES FIGURES MOULURATIONS IV

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Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. 1 Chevannes, plan

2 Chevannes, ensemble intérieur vers 1'est 3 Chevannes, ensemble intérieur vers l'ouest 4 Chevannes, retombée 2ème pilier sud de la nef 5 Chevannes, façade occidentale

6 Chevannes, chevet extérieur 7 Etais-la-Sauvin, plan : lcm=3m

largeur de la nef : 8,75m " " du bas-côté nord: 4,6m " ... " sud: 4,6m longueur des travées: 6,0m 8 Etais-la-Sauvin, ensemble intérieur vers l'est 9 Etais-la-Sauvin, retombée angle nord-est du choeur 10 Etais-la-Sauvin, retombée 2ème travée nord de la nef 11 Etais-la-Sauvin, retombée bas-côté nord, 2ème travée 12 Etais-la-Sauvin, façade occidentale

13 Etais-la-Sauvin, extérieur du côté nord-ouest 14 Fontaines, plan : lcm=3m

largeur de la nef : 6,9m " " du bas-côté : 4,3m 15 Fontaines, intérieur vers l'est 16 Fontaines, extérieur côté sud-ouest 17 Fontaines, portail occidental

18 Fontenoy, plan: lcm=3m

largeur de la nef : 8,0m 19 Fontenoy, intérieur vers l'est 20 Fontenoy, intérieur vers l'ouest 21 Fontenoy, extérieur, élévation sud 22 Fontenoy, portail occidental

23 Lain plan: lcm=3m

largeur de la nef : 8,1m " " du choeur : 8,2m 24 Lain, intérieur vers l'est

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Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.

25 Lain, retombée 1er pilier nord 26 Lain, portail occidental

27 Lainsecg, plan: lcm=3m

largeur de la nef: 5,7m " " du bas-côté : 4,6m " " choeur : 6,7m

28 Lainsecg, intérieur du bas-côté vers l'est 29 Lainsecg, retombée de la nef

30 Lainsecg, retombée du choeur 31 Lainsecg, portail occidental 32 Lévis, plan : lcm=3m

largeur de la nef : 7,6m " " du choeur : 5,6m 33 Lévis, ensemble vers l'est

34 Lévis, retombée 1er pilier nord de la nef 35 Lévis, fenêtre d'axe

36 Lévis, modifions extérieurs 37 Lévis, portail occidental 38 Mézilles, plan 39 Migé, plan : lcm=3m largeur de la nef : 7,0m " " du bas-côté sud : 5,4m " " " " " nord :5,3m " " " choeur : 7,2m

40 Migé, intérieur vers l'est

41 Migé, 1er pilier du bas-côté nord

42 Migé, retombée 2ème pilier sud de la nef 43 Migé, retombée angle nord-ouest transept-nef 44 Migé, extérieur sud

45 Migé, portail occidental 46 Moutiers, plan: lcm=3m

largeur de la nef : 8,6m " " du choeur: 7,8m 47 Mouties, retombée du choeur

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Fig. 48 Moutiers, extérieur sud Fig. 48 Fig. 49 Fig. 50 Fig. 51 Fig. 52 Fig. 53 Fig. 54 Fig. 55 Fig. 56 Fig. 57 Fig. 58 Fig. 59 Fig. 60 Fig. 61 Fig. 62 Fig. 63 Fig. 64 Fig. 65 Fig. 6 6i Fig. 69 Fig. 70 Fig. 71 Fig. 72 largeur de la nef : 7,9m " " de la tour: 5,0m " " du choeur : 7,2m longueur des travées : 6,1m

largeur du choeur : 8,0m iint-Amand-en-Puisaye, ensemble vers l'est

62 Saint-Amand-en-Puisaye, extérieur sud

largeur de la nef : 6,1m " " des bas-côtés : 3,5m

largeur de la nef : 8,0m

du bas-côté nord: 5,0m " sud: 5,6m

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Fig. 73 Saint-Privé, ensemble intérieur vers l'est Fig. 74 Saint-Privé, retombée du nord de la nef Fig. 75 Saint-Privé, façade occidentale

Fig. 76 Sainte-Colombe-sur-Loing, plan: lcm=3m

longueur totale : 35,5m largeur de la nef : 9m

du choeur: 5,6m

Fig. 77 Sainte- Colombe-sur-Loing, ensemble intérieur vers 1 ' est Fig. 78 Sainte- Colombe-sur-Loing, retombée du choeur

Fig. 79 Sainte- Colombe-sur-Loing, portail Fig. 80 Saints, plan: lcm=3m

largeur de la nef : 8,8m Fig. 81 Saints, ensemble vers l'est

Fig. 82 Saints. retombée, angle nord-ouest du choeur Fig. 83 Saints, base, angle nord-ouest du choeur Fig. 84 Saints, chevet

Fig. 85 Saints, façade occidentale Fig. 86 Sementron, plan : lcm=3m

largeur de la nef : 6,1m des bas-côtés: 3,1m du choeur : 5,3m Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.

87 Sementron, ensemble vers l'est

88 Sementron, 2ème pilier nord du bas-côté 89 Sementron. extérieur vu du sud-ouest 90 Sougères-en-Puisaye, plan : lcm=3m

largeur de la nef : 7,1m " " des bas-côtés : 3,3m " " du choeur : 5,4m 91 Sougères-en-Puisaye, ensemble vers l'est

92 Sougères-en-Puisaye, retombée du 1er pilier nord de la nef 93 Sougères-en-Puisaye, façade occidentale

94 Sougères-en-Puisaye, élévation extérieure sud 95 Sougères-en-Puisaye, extérieur nord

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Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. 96 Thury, plan: lcm=3m largeur de la nef : 7,2m " " du choeur : 6,9m " " du bas-côté: 3,7m 97 Thury, ensemble vers l'est

98 Thury, retombée de la nef

99 Thury, retombée de la dernière pile droite nord du choeur 100 Thury, façade occidentale

101 Thury, extérieur sud 102 Treigny, plan: lcm=3m

largeur de la nef : 7,5m

" " du bas-côté nord : 4,4m " " " " " sud: 4,3m longueur des travées: 6,3m 103 Treigny, ensemble vers l'est

104 Treigny, retombée nord de la nef 105 Treigny, façade occidentale

106 Taingy, façade occidentale

107 Alligny-Cosne (Nièvre), façade occidentale 108 Alligny-Cosne (Nièvre), intérieur vers l'est 109 Saint-Père (Nièvre), intérieur vers l'est 110 Saint-Père (Nièvre), intérieur vers l'ouest 111 Saint-Père (Nièvre), façade occidentale 112 Saint-Père, chevet

113 Saint-Père, plan 114 Saint-Père, coupe

115 Challement (Nièvre), choeur

116 Lys (Nièvre), ensemble vers l'est 117 Lys (Nièvre), extérieur choeur

118 Germany (Nièvre), ensemble vers l'est 119 Germany (Nièvre), extérieur sud-ouest 120 Surgy (Nièvre), ensemble vers l'est

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Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.

122 Saint-Saulge (Nièvre), ensemble vers l'est 123 Saint-Saulge (Nièvre), extérieur nord-ouest 124 Saint-Saulge, choeur

125 Moulins-Engilbert (Nièvre), élévation nord 126 Moulins-Engilbert, bas-côté sud

127 Moulins-Engilbert, extérieur sud

128 Suilly-la-Tour (Nièvre), extérieur nord-ouest 129 Suilly-la-Tour, ensemble vers l'est

130 Colméry (Nièvre), extérieur nord-ouest 131 Gygny (Yonne), extérieur sud-est

132 Gygny (Yonne), choeur

133 Gien (Loiret), façade occidentale 134 Coulions (Loiret), façade occidentale 135 Briennon-sur-Armaçon (Yonne), pilier nord

136 Briennon-sur-Armaçon (Yonne), élévation extérieur sud 137 Joigny, St-Jean (Yonne), pilier nord 6e travée

138 Courions-sur-Yonne (Yonne), élévation sud nef 139 Courions-sur-Yonne (Yonne), portail occidental 140 Ravières (Yonne), portail occidental

141 Turny (Yonne), portail occidental

142 Mesnil-Amelot, Le (Seine et Marne), portail occidental 143 Ermenonville (Oise), portail occidental

144 Crèvecoeur-le-GRand (Oise), portail occidental 145 Cléry-en-Vexin (Val D'Oise), portail occidental 146 Paris, St-Etienne-du-Mont, piles du déambulatoire

147 Paris, St-Séverin, colonne entre chapelles latérale sud 148 Montargis, La Madeleine, pilier

149 Beaune-la-Rolande (Loiret), bas-côté sud vers l'ouest

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Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.

Fig. 150 Beaune-la-Rolande (Loiret), nef vers le sud

151 Beaufort-en-Vallée, Notre-Dame, portail occidental 152 Thouars, chapelle du château, portail occidental 153 Saint-Maure (Aube), façade occidentale

154 Saint-Maure (Aube), élévation extérieur sud 155 Saint-Maure (Aube), bas-côté sud vers l'ouest 156 Humbauville (Marne), façade occidentale

157 Humbauville (Marne),extérieur nord-ouest

158 Chapelle Saint-Luc (Aube), ensemble vers l'est 159 Villenauxe-la-Grande (Aube), extérieur sud 160 Pont-Sainte-Marie (Aube), façade occidentale 161 Paris, Saint-Séverin, plan

162 Paris, Saint-Séverin, pilier d'axe dans le déambulatoire 163 Sens, cathédrale, portail sud

164 Troyes, cathédrale, façade occidentale

165 Clamecy, Saint-Martin (Nièvre), façade occidentale 166 Clamecy, Saint-Martin (Nièvre), portail occidentale 167 Clamecy, tour côté nord

168 Mussy-sur-Seine (Aube), élévation sud du choeur 169 Mussy-sur-Seine (Aube), choeur

170 Corbigny (Nièvre), élévévation intérieur sud

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Listes des tableaux et cartes Tableau Tableau Tableau Tableau Tableau Tableau Carte 1 Carte 2 Carte 3

1 Les potentialités humaines chez les freudiens 2 Les trois options chez Reich et Janov

2b L'individu et les formes d'art 3 Les typologies extérieures

4 Répartition extérieure des édifices 5 Les types de façades

Les styles de piliers Les types de portails La Puisaye et les environs

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L'étude de 1'architecture comme objet artistique a connu tous les courants de l'histoire de l'art. Il est évident qu'en tant qu'objet de société, l'architecture véhicule une idéologie, qu'elle exprime des formes représentatives de la classe sociale qu'elle définit. Il est également évident que l'architecture possède une signification fonctionnelle qui rend compte des fondements pragmatiques qui se trouvent à l'origine de sa raison d'être: l'architecture, malgré tout ce qu'on en dit, demeure un art foncièrement utilitaire. Une quantité innombrable d'études nous expliquent ces significations de l'architecture.

Mais toute forme pensée et voulue dans le but d'exprimer quelque chose possède aussi un peu de l'âme de son concepteur. Et cette âme, ce n'est ni son positionnement social, ni la fonctionnalité de l'édifice. Ce serait trop triste que l'âme se limite à cela. L'âme du constructeur, ou du moins la partie qu'il fait passer dans son oeuvre, ce sont toutes les attitudes de vie, tous les manques de son caractère, toutes les façons de concevoir son rapport à autrui, toutes ces choses qui forment sa personnalité. Le réseau de significations logique, scientifique, raisonné et verbal ne laisse filtrer qu'une mince part de l'âme et n'exploite qu'une fraction infime des possibilités signifiantes de l'objet.

Lorsque l'on étudie les raisons fonctionnelles d'une oeuvre architecturale, ses positions idéologiques par ses liens à d'autres édifices par exemple, le réseau d'influences géographiques, toutes ces facettes qui expliquent en partie la forme du construit, on

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demeure sans l'ombre d'un doute au niveau de la volonté consciente du concepteur. Cela ne nous explique pas du tout le pourquoi du choix de cette forme plutôt qu'une autre, ni le choix de 1'idéoloqie qui est véhiculée. Nous ne pouvons que replacer 1'édifice dans un réseau de liens, un réseau de choix. Nous connaissons donc les forces en présence historiquement, mais nous n ' avons pas la moindre idée de ce qu'étaient les individus de 1'époque.

C'est pourquoi nous chercherons dans notre étude à valoriser cette facette sensible de 1'interprétation des formes. Nous ne voulons absolument pas donner une signification précise à chacun des édifices à partir d'une grille d'analyse préétablie sur la valeur des formes géométriques, cela deviendrait vite mécanique et sans intérêt. Notre façon de concevoir l'objet, tout en demeurant foncièrement structuraliste, cherchera à comprendre la particularité de chaque édifice. Que veut dire une forme indépendamment d'un discours, d'une idéologie qu'on lui greffe? La forme vient de la psyché. On psychanalyse la psyché ou du moins sa structure. Il est possible d'analyser la structure de la forme et d'en chercher une valeur psychologique.

On le fait d'ailleurs très intuitivement. Francois Cali lorsqu'il parle du mysticisme flamboyant par exemple ne se gène pas pour le définir de manière fort lyrique1. Ce qu'il cherche à faire finalement, c'est de 1 ' iconologie. Par ce que l'on sait des 1

1-Francois Cali, L'ordre flamboyant et son temps: essai sur le style gothique du 14e au 16e siècles.

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textes, des revirements philosophiques de 1'époque, il tente de nous convaincre des potentialités mystiques des formes flamboyantes. Une forme peut-elle vraiment être plus mystique qu'une autre, plus expressive qu'une autre? Expressivité et mysticisme iraient alors de paire dans 1'esprit de Cali.

Nous aimerions éviter de telles généralisations afin de rendre les interprétations psychologiques plus scientifiques, moins iconologiques. Et pour ce faire, nous nous pencherons longuement sur la structure syntaxique des typologies d'édifices. Ces typologies que nous fonderons sur les énoncés volumétriques de chacun des édifices.

Loin de nous, par contre, l'idée de rejeter les significations de la sphère verbale (idéologiques et autres) et toutes les considérations stylistiques qui servent souvent à les définir. Nous consacrerons donc notre premier chapitre à une mise en situation de la région de Puisaye et des options stylistiques qui la définissent. Notre étude portera sur les églises paroissiales comme son titre 1'indique. Nous pourrons donc voir de quelle façon les paroissiales suggèrent des liens avec les grandes constructions des alentours (cathédrales, prieurés, etc.) et de quelle façon il est possible de comprendre le territoire architectural de cette partie de la France.

Ce prélude nous permettra ensuite d'entrer dans le vif du sujet pour voir comment les paroissiales régionales répondent à un questionnement sur l'âme sensible de leurs concepteurs. Nous

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aurons alors peut-être une meilleure idée sur le degré de mysticisme de certaines personnalités à l'époque.

Pour bien illustrer notre approche de l'âme sensible, regardons d'abord 1'exemple suivant et cherchons à comprendre le rapport entre forme et contenu fondamental à notre étude. Regardons les activités de l'homme de Panofsky2 avant qu'il ne sorte dans la rue et salue ce dernier en soulevant son chapeau. Il est chez lui, il s'habille avant de sortir. Il a en lui tout un bagage d'acquis sociaux, de civilisation, de classe, de sexe. Tous ces acquis lui fournissent une banque de possibilités vestimentaires dans lesquelles il pourra choisir. S'il est bourgeois de profession libérale, un avocat par exemple, il choisira probablement le veston-cravate-par-des sus-soulier s-vernis requis socialement pour son emploi. Ce sont là des choix conventionnels idéologiques. Ils donnent peu de liberté à 1'individu et à ses goûts sinon au niveau des coupes, des couleurs et des accessoires. Si c'est un créateur de mode qui conçoit lui- même sa garde-robe sa banque de possibilités sera plus personnelle et surtout moins directive. Il n'en demeure pas moins que tous les deux sont condamnés à porter, dans un climat nordique comme le nôtre, disons à 1'automne, pantalon ou 1'équivalent, vêtement pour le torse, soulier, et facultativement chapeau, gant, chandail, blouson, manteau. Tous ces éléments ont des styles, des coupes

2Erwin Panofsky, Studies in Iconoloqy: Humanistic Themes in the Art of the Renaissance, 3-5.

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variées qui répondent à certaines idéologies imagées, le niveau iconologique de Panofsky. Cette signification ne dépend pas de la forme du vêtement puisqu'elle correspond à une identification d'un groupe ou d'une classe avec ce vêtement. Sa signification essentielle, symbolique, lui vient à posteriori, son existence précède son essence pour reprendre la formule sartrienne.

Par contre au delà de cette acceptation idéologique du vêtement, notre homme avant de sortir se regarde dans son miroir et s'interroge sur son apparence. Pour cet homme l'apparence est fondamentale. Quelque chose en lui motive son désir de s'habiller, une envie d'exprimer ce qu'il ressent être. Donc il se regarde, et au-delà de cette idéologie véhiculée, de cette raison sociale conventionnelle, il trouve que quelque chose ne va pas dans son habillement, ce veston lui fait les épaules rondes et il n'aime pas sentir cette impression parce que selon lui cet affaissement met en évidence la facette paresseuse de son caractère. Puis il met un veston plus voyant dans des tons violacés qui détonne avec son pantalon brun. Pourtant ces deux morceaux sont à la mode et correspondraient à la convention citée plus haut. Le premier ne fait pas un bel effet, le second confronte des couleurs qui se complètent très peu. Notre homme désire quelque chose d'uniforme qui verticalisé sa carrure. Il cherche les potentialités de la forme qui correspondraient à un besoin sensoriel de son individualité. Quelque chose qui complète ou souligne les potentialités morphologiques de son corps. La forme vestimentaire possède des valeurs énergétiques qui satisfont son besoin et

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expriment ce besoin en devenant en quelque sorte sa réponse.

L'objet d'art qui signifie de manière sensible possède également un potentiel énergétique formel qui véhicule une structure qui satisfait son concepteur de quelque façon que ce soit. Il y a, semble-t-il, une raison pour laquelle la signification expressive3 de Panofsky recourt à des types précis de formes, une raison qui réside dans les potentialités formelles énergétiques elles-mêmes que le spectateur subit. La valeur énergétique est dans la forme, c'est pourquoi son choix n'est pas aussi aléatoire qu'au niveau de la signification idéologique. Le choix sensible ne peut s'associer avec une forme dont les potentialités énergétiques sont en négation avec la structure organique de la valeur sensible. C'est pour cette raison qu'il devient difficile de scinder les concepts de forme et de contenu de manière aussi marquée que Panofsky le fait.

Et comme la valeur idéologique a bien souvent des antécédents sensibles ou émotifs, la compréhension de ce second niveau de signification devient réellement fondamentale. C'est pourquoi nous le valoriserons dans notre étude des paroissiales flamboyantes de Puisaye.

3Erwin Panofsky, Studies in Iconoloqy: Humanistic Themes in the Art of the Renaissance, p.3.

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CHAPITRE 1

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Il est difficile de définir exactement les cadres géographiques de la Puisaye, cette ancienne région qui formait déjà au 8e siècle une zone administrative cohérente1. Nous nous en sommes tenu à ce qu'il en restait de toponymiquement perceptible aujourd'hui. Le résultat est un quadrilatère qui passe par Auxerre et l'Yonne à l'est, par l'axe Clamecy-Saint-Amand au sud, par la frontière de l'Yonne à l'ouest et qui suit finalement une ligne imaginaire passant par Champigneulles et Auxerre au nord. Il s'agira, avant d'analyser la vision formelle régionale par rapport aux autres régions et aux édifices principaux des environs, de définir un style propre aux édifices de Puisaye.

Le style en tant qu'élément de niveau sémantique conscient comprendra dans la définition que nous désirons lui donner deux niveaux distincts pour lesquels il faudra tenir compte et des extérieurs et des intérieurs des édifices. Une première particularité du style est de s'intéresser de façon globale au construit typologique en fournissant des caractères généraux consciemment signifiants pour les gens de 1 'époque et s'appliquant à 1'ensemble de 1'édifice. Cette caractéristique est intimement liée à la conception typologique du construit puisqu'elle caractérise qualitativement 1'agencement des masses architecturales, mais demeure relativement indépendante parce qu'elle ne s'occupe qu'indirectement de la structure d'organisation syntaxique des masses. Une seconde particularité est liée directement à 1'élément ponctuel. Les remplages d'une fenêtre, les

1-Formation territoriale de la Bourgogne

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moulurations des supports sont autant d'exemples d'éléments ponctuels qui possèdent un manière précise qu'il s'agit de définir.

Les caractères stylistiques généraux

Pour isoler les caractères stylistiques généraux, il faut chercher à abstraire des ensembles architecturaux, les éléments qui pourront être associés à une expression lucide du rapport au construit des producteurs de l'objet architectural. Pour ce qui est de 1'intérieur, la première chose à mentionner, c'est le désir omniprésent de particulariser selon un jeu de clair-obscur chacun des grands ensembles de masses architecturales. Ainsi, la particularisation des différentes zones sera favorisée par un jeu de contrastes assez savamment organisés selon trois axes: longitudinal, vertical et transversal. Chacun des édifices orchestre ce principe de constrastes selon un ou plusieurs de ces axes. Par contre, lorsque le principe de contraste d'un axe particulier est mis en valeur, cela se traduit toujours par une exploitation d'un pôle précis de l'axe. L'axe longitudinal favorise toujours le choeur, l'axe vertical, le niveau inférieur et l'axe transversal profite à la diagonale harmonique et au côté sud de la construction, comme nous l'avons mentionné pour 1'interprétation typologique.

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Illustrons dès maintenant notre propos de quelques exemples concrets. L'église de Saint-Amand-en-Puisaye montre bien les principes de valorisation lumineuse des pôles latéral méridional et longitudinal oriental (fig. 61) alors qu'à Treigny le pôle sol de l'axe vertical est valorisé en même temps que le pôle latéral méridional (fig. 103). Evidemment la polarisation de l'axe vertical ne peut être que 1'apanage des édifices dont la typologie utilise 1'élément bas-côté.

L'idée d'un rythme longitudinal défini en fonction de son rapport à une latéralité caractérise également la conception générale des édifices. On cherche ou non à scander rigoureusement 1'espace intérieur en parties plus ou moins autonomes en rendant 1'impact de cette rigueur longitudinale lié à la présence ou à 1'absence d'une diffusion latérale de sa vectorialité frontale. On retrouve les deux tendances contraires dans la région. En d'autres mots, d'une part, il y a les édifices dont la rythmique longitudinale est diffusée dans une latéralité et, d'autre part, ceux qui montrent un principe de progression frontale beaucoup plus rigoureux. Cela est vrai aussi bien dans les constructions à une seule nef que dans celles qui possèdent un ou deux bas-côtés. Le tableau suivant montre la répartition de ces deux catégories stylistiques :

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Diffusion Non diffusion

Une nef Bas-côté Une nef Bas-côté

Fontenoy Saint-Martin Lévis Lainsecq (fig. 20) (fig. 64) (fig. 33) (fig. 28)

Saint-Amand Treigny Lain Sougères

(fig. 61) (fig. 103) (fig. 24) (fig. 91) Saint-Privé Ste-Colo. Thury

(fig. 73) (fig. 77) (fig. 97)

Chevannes Sainpuits Etais-la-Sauvin (fig. 2) Fontaines (fig. 15) Sementron (fig. 87) (fig. 56) (fig. 8)

Les critères qui sont à la base de cette classification sont assez diversifiés et tous ont quelque chose à voir dans la perception de la frontalité ou de la latéralité des espaces. Les surfaces murales entre les piliers accentuent fortement la vectorialité longitudinale de la nef comme à Etais-la-Sauvin (fig. 7-8 et 10). La partie supérieure ou claire-voie tend également dans les édifices de plan basilical à souligner la fermeture de 1 'espace principal de la nef surtout qu'il est toujours aveugle dans la région. La présence de grandes baies latérales comme à Fontenoy ( f ig. 20) dématérialise, le plus souvent du côté sud de la construction, la surface murale au détriment de cette scansion longitudinale. A noter également la forme des piliers qui, s'ils

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sont plus arrondis ou plus muraux favorisent ou non la diffusion par le contour vers 1'espace latéral.

Remarquons que l'on retrouve une rythmique beaucoup plus prononcée dans les bas-côtés où les proportions, plus élancées que dans les vaisseaux centraux des édifices, favorisent 1'axialité non diffusée. Pour les édifices de la première tendance (diffusion), la sophistication des moulurations des piliers des vaisseaux centraux invite à en faire le tour alors que la fréquence de l'utilisation du pilier engagé de profil arrondi dans les bas-côtés ou les nefs uniques favorise la diffusion de la césure dans la surface murale. Pour les autres édifices, 1'utilisation de moulurations angularisées et 1'exploitation du pouvoir de césure du mur favorise la démarcation des espaces. Seule l'église de Ouanne où les proportions élancées de la nef, des bas-côtés et du fenestrage tendent a fusionner 1'ensemble ne participe à aucune des deux tendances montrant un rythme dilué dans toutes les zones de la construction : longitudinalité et latéralisation coexistent.

En ce qui a trait aux relations de proportionnalité entre les étages, entre nef et choeur, entre bas-côtés et nef centrale, il y a une multitude de solutions formelles pour lesquelles il n'est pas possible de tirer de conclusions pertinentes.

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Les généralités extérieures

Pour les extérieurs, on remarque une tendance partout généralisée à uniformiser les éléments de même valeur pour mieux mettre en évidence ce que l'on veut distinctif. La plupart du temps 1'édifice est constitué d'un bloc principal composé de la nef centrale et des bas-côtés sur lequel se greffent un choeur, une tour ou une chapelle seigneuriale. Le bloc nef-bas-côté(s ) semble vraiment posséder une valeur cohérente pour le constructeur parce que l'on cherche généralement à faire oublier toute impression de jonction sauf dans de rares cas où une ligne de toiture est mise en évidence (par exemple Saint-Martin-des-Champs (fig. 70 )). On accepte parfois de les scinder plus franchement comme à Etais-la- Sauvin (fig. 12), mais cela ne va jamais jusqu'à 1'exploitation murale de la démarcation des toitures.

Les tours sont parfois intégrées à la nef comme à Saint-Privé (fig. 75), Thury (fig. 100) ou Chevannes (fig. 1 & 5), mais c'est sans perdre leur autonomie. Le rythme de composition de leurs étages en hauteur est toujours distinct de celui de la façade (fig. 75) et latéralement elles se démarquent généralement du corps principal. Parfois, on les dispose au centre de la façade comme à Ouanne (fig. 54). Elles acquièrent alors le caractère de porche selon un tradition peut-être bourguignone. Mais 1'exemple de Saint-Symphorien de Treigny (fig. 105) nous montre une exploitation maximale des principes ailleurs sous-jacents. La tour devient ici spatialement complètement indépendante du reste de la construction ne la touchant que par un côté.

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Dans le cas des chevets, trois typologies stylistiques se côtoient dans la région: les chevets plats dans cinq édifices, les pans coupés dans quatre édifices et l'hémicycle dans neuf constructions.

Le style des détails intérieurs

Passons maintenant aux éléments de détails intérieurs: profils de nervures et supports, moulurations. Comme c'est souvent le cas au Moyen Age en général, le pilier s'organise selon deux règles précises fondamentales. On s'aperçoit que la structure du pilier est toujours constituée d'éléments formels constants que l'on répète systématiquement autour d'un noyau central et d'une mouluration à l'autre. Ces moulurations peuvent également être classées selon certains principes hiérarchiques. Cette hiérarchie opère généralement en valorisant les dimensions des éléments qui marquent les temps forts. Mais parfois une position hiérarchique extrême permettra d'utiliser un motif tout à fait différent dans le temps fort à mettre en évidence. La tendance générale est à la mise en valeur des axialités parallèles et perpendiculaires à la constitution longitudinale de l'édifice. On favorise ainsi des temps forts qui se répondent selon une rythmique à 90 dégrés. Viennent ensuite les positions intermédiaires en commençant par les supports d'ogives placées à 45 dégrés, puis les autres nervurations qui utilisent les positions intermédiaires. L'idée de césure transversale que nous définissons au chapitre 3 exemplifie bien cette valorisation des temps forts perpendiculaires. Les

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grandes arcades, parallèles au sens du construit, confirment également cette recherche. D'ailleurs bien souvent, les motifs de ces structures diffèrent totalement de ceux des ogives et doubleaux. Pensons ici aux grandes arcades de Migé et aux arcs triomphaux de Lain (voir moulurations) qui sont assez archétypaux de cet état de chose. Au niveau du rapport entre doubleaux et ogives, le positionnement est généralement plus ambigu. Parfois le doubleau est valorisé comme à Lévis ou Moutiers (fig. 34 & 46), mais le plus souvent la différence entre ogive et doubleau est

imperceptible (fig. 78). Cela, nous croyons, tend à uniformiser les espaces que l'on veut unitaire et à rendre les coupures entre nef et choeur et nef et bas-côté plus fortes.

Pour les formes de piliers autonomes ou engagés, nous retrouvons quatre groupes dans la région. Le premier groupe nous montre des piliers au profil entièrement angularisé. C'est-à-dire que la forme du support ne provient pas de 1'intéraction entre un noyau rond et des structures angulaires qui le rythment, mais bien d'une composition de ces structures angulaires (prismatiques) selon un rythme circulaire (alternance prisme-cavet). On retrouve cette option formelle dans diverses parties de 1'édifice : comme piliers engagés d'édifices à nef unique, aussi bien dans la nef que dans le choeur à Lévis (fig. 34), Fontaines, Sainte-Colombe (fig. 78) et Moutiers (fig. 47) par exemple, dans les bas-côtés comme à Ouanne (fig. 52), et dans les nefs principales comme à Migé et Thury (fig. 43).

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Un deuxième groupe nous montre un type d'organisation analogue où le motif est plutôt arrondi (non prismatique) . Cette option stylistique est beaucoup plus rare. On ne la retrouve que dans trois édifices aussi bien dans le choeur que dans la nef comme pour le groupe précédent. Il s'agit des dernières travées de la nef de Thury (fig. 99), des parties centrales de Sougères (fig. 92) et de Etais-la-Sauvin (fig. 9).

A l'opposé, on rencontre une tendance stylistique qui valorise la diffusion murale ou spatiale en utilisant comme pilier la colonne parfaitement ronde. Les moulurations des nervures s'y perdent par intégration et finalement l'idée de noyau est mise en valeur au détriment du principe d'articulation propre aux groupes précédents. Ce traitement se rencontre par contre exclusivement dans les zones précises que sont le choeur (fig. 97) et les bas- côtés (fig. 88) ainsi qu'entre les deux nefs de Migé et sur les murs latéraux de Saint-Amand (fig. 61). Nous croyons qu'il faut chercher à y voir une confirmation ou au moins un renforcement de l'idée de lien que l'on cherche à établir entre le choeur et les bas-côtés comme nous le verrons au chapitre 3. Les choeurs de Lainsecq, Thury (fig. 97) ainsi que les bas-côtés de Sementron

(fig. 88), Saint-Martin, Sougères en sont de bons exemples.

Comme on pouvait s'y attendre, entre ces deux positions stylistiques extrêmes, on retrouve une position franchement intermédiaire qui valorise l'idée de noyau circulaire garni d'éléments de mouluration (le plus souvent prismatiques). C'est de loin l'option la plus courante. On la retrouve principalement dans

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les nefs et bas-côtés d'une quinzaine d'édifices comme Saint-Privé (fig. 74), Chevannes (fig. 2) et Sainpuits où les motifs

angulaires et arrondis se côtoient sans problème apparent. Et cela met encore en évidence la recherche d'effets de contraste qui caractérisaient déjà les rapports lumineux entre les zones de 1'édifice.

Quant à proposer une interprétation chronologique départageant ces différents motifs, il est assez difficile de se prononcer, mais nous opterons pour la contemporanéité puisque bien souvent le voûtement de piliers au profil arrondi se fait de façon prismatique

comme à Sougères (fig. 92).

Par contre, une visualisation géographique du phénomène semble beaucoup plus concluante (carte 1). On y voit des regroupements assez précis pour les options stylistiques angulaires et arrondies et une répartition assez homogène du groupe intermédiaire. On peut sans doute supposer sans trop se tromper une filiation au niveau de la conception entre les édifices des deux premiers groupes, mais qui se traduit par une position sensible différente. Les édifices à moulurations prismatiques sans noyau se retrouvent au coeur de la Puisaye alors que les édifices à motifs arrondis occupent une petite zone marginalisée au sud de Toucy. Les autres édifices sont répartis de manière assez homogène sur tout le territoire. Il s'agirat maintenant de voir de quelle manière cette répartition est transgressée lorsque l'on cherche à définir une zone de pertinence des principes stylistiques définis pour la Puisaye. Une chose est

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certaine, c'est qu'en Puisaye même, certains centres homogènes sont malgré tout perceptibles et que cela sous-entend peut-être des analogies de main-d'oeuvre.

Les remplaces

Le dernier élément que nous associerons au détail intérieur sera la forme des remplages par rapport au barême que représente la baie. C'est peut-être 1'élément pour lequel il est le plus ardu de tirer des conclusions générales synthétiques puisque les options formelles sont fort variées. Il semble y avoir quatre types de remplages par rapport à une forme constante de baie (motif flamboyant). Evidemment chacune des baies voit ses lignes directrices verticales réitérées dans la partie inférieure de la composition, mais c'est là une constante si évidente qu'elle n'est pas significative dans le contexte d'une interprétation des particularités stylistiques régionales. Nous nous bornerons donc à regarder le mode d'interaction de la partie supérieure du remplage ou réseau avec la forme de la baie.

La première grande option qui s'offre à nous cherche à prolonger la vectorialité de la partie droite de la baie dans sa partie supérieure malgré la frontière arquée. Cette option demeure assez inusitée dans la région et nous rappelle les modèles du perpendiculaire anglais. On retrouve ces formes à Saint-Fargeau et à la fenêtre d'axe de Lévis (fig. 35 & 35bis).

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A Lévis cette fenêtre d'axe est celle à laquelle on a accordé le plus d'attention. Cet état de chose n'est d'ailleurs pas rare dans la région. Cette fenêtre marque le centre du choeur, zone favorisée comme nous l'avons vu, et surtout elle marque la vectorialité longitudinale que l'on a déjà vue comme élément fondamental dans la conception de 1 'édifice. En choisissant ce modèle à Lévis, on cherchait sans doute à se démarquer des options régionales plus conventionnelles.

C'est ce qu'il semble qu'on ait cherché à faire à Saints et à Lain (fig. 24). Ici dans la partie supérieure on utilise des formes franchement organiques qui occupent 1'espace arqué sans chercher à dépasser son contour par l'utilisation d'éléments qui en épousent les lignes. Une figure centrale marque parfois le coeur de la composition, mais elle ne détruit pas l'effet un peu all over de ces compositions fort originales2.

La dernière catégorie stylistique est franchement plus standardisée. Elle est fort simple au niveau de la composition. On nous présente deux lancettes terminées en contre-courbe et surmontée d'une rosace dont les terminaisons supérieures et inférieures sont aussi en contre-courbe. On pourrait voir là * Il

2-Cette catégorie stylistique est la plus ambiguë des quatre. Il faudrait chercher à interpréter chacune des baies au niveau infra-verbal (sensible) pour en saisir la pertinence. Nous croyons que la fenêtre d'axe est un lieu où le lyrisme personnel pouvait avoir une grande place. Cette catégorie nous fait prendre conscience des potentialités de composition du médium remplages. Une étude plus approfondie serait assurément fort intéressante.

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une sorte de réminiscence du motif traditionnel de la fenêtre gothique et rayonnante. Ce type de fenêtre est utilisé à divers endroits dans 1'édifice et occupe même l'axe de Saint-Martin-des- Champs (fig. 71). On cherchera aussi à modifier le motif de la rosace en 1'adaptant aux fenêtres à trois lancettes comme à Ouanne ou en 1 ' ouvrant dans sa partie supérieure comme dans les axes latéraux de Saint-Martin-des-Champs (fig. 69) ce qui a tendance à favoriser les vectorialités verticales comme dans notre première catégorie. L'idée anglaise n'est encore pas très loin.

Les types de portails

Le portail est sans doute un des éléments auxquels les constructeurs de 1'époque accordaient le plus d'importance en France. La Puisaye ne fait assurément pas bande à part et les oeuvres que l'on retrouve dans la région sont indéniablement originales. Nous les avons regroupées en cinq types (tableau 6).

Le premier type, de loin la plus importante avec dix portails, est fondamentalement le plus simple de la région. Ces portails sont encadrés de pinacles qui dépassent sans grand déploiement l'arc du portail d'environ le tiers de la hauteur du portail. L'arc en tiers-point est généralement surmonté d'un simple gable à fleurons qui s'arrête à la même hauteur que les pinacles latéraux. Les tympans peuvent être nus comme à Lévis (fig. 37), Saint-Martin

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(fig. 70) et Sainpuits (fig. 59), garnis d'une statue comme à Migé (fig. 45) et Saints (fig. 85), garnis d'un réseau aveugle comme à Etais-la-Sauvin (fig. 12) ou ajourés comme à Fontaines (fig. 17), Fontenoy (fig. 22), Ouanne (fig. 54) ou Sainte-Colombe (fig. 79).

La seconde catégorie est intimement lié au type de façade articulée définie au chapitre 3. On retrouve ce portail à Thury ( fig. 100 ) et Chevannes ( fig. 5). Il utilise des motifs plus archaïques comme la voussure garnie de sculptures rappelant les modèles du 13ème siècle. Il est beaucoup plus profond que les autres portails de la région toujours à l'image des modèles anciens. Il est ajouré au tympan et se présente en avancé de la façade avec une galerie de circulation dans sa partie supérieure.

Les trois dernières catégories respectent par contre la façade comme les exemples de la première catégorie. Le troisième style reprend l'idée du portail à tympan aveugle garni d'une statue, mais donne plus de déploiement aux pinacles et rajoute un second gable au profil convexe au-dessus du premier. A Saint-Privé où 1'espace entre les deux gables est plus important, on le garnit d'une série de statues en escalier (fig. 75).

Les portails de Taingy (fig. 106) et de Sougères (fig. 93) sont, quant à eux, particulièrement originaux. Le tympan devient démesuré, occupant plus d'espace en hauteur que la porte elle-même. De plus les gables et pinacles finissent par occuper presque toute

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la hauteur de la façade favorisant la composante verticale de manière particulièrement évidente.

La dernière catégorie reprend encore le portail du premier type, mais complète la composition supérieure par une série d'arcatures qui possède une forme analogue à celle du gable. Le tout est surmonté par un réseau de lignes qui rejoignent le faîte de la toiture (fig. 31).

La carte 2 nous montre la répartition géographique de ces différentes catégories de portails. Les portails que l'on retrouve à Taingy et à Sougères-en-Puisaye ainsi que ceux de Treigny et Lainsecq, de par leurs analogies formelles et leur proximité géographique, nous suggèrent une même main d'éxécution. On peut sans doute chercher à voir le même type de rapport entre Saint- Privé et Sementron. Les cas de Chevannes et de Thury relèvent d'un autre type d'interprétation et nous les considérerons plus tard. Quant à notre première catégorie, elle semble avoir été à la mode dans la région et nous chercherons a mieux la comprendre à la lumière des exemples des régions limitrophes.

L'architecture de Puisaye déborde ses limites géographiques

Il serait vraiment étonnant que les caractéristiques architecturales que nous avons définies pour les édifices de la

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région ne s'appliquent qu'à ce cadre géographique un peu aléatoire. De plus, l'art semble s'être très rarement confiné aux limites imposées par les frontières administratives. Nous chercherons une zone dans laquelle il est possible de sentir une parenté d'exécution avec les édifices que nous avons étudiés jusqu'à maintenant. Cette zone pourrait normalement s'étendre dans les départements avoisinants de la Nièvre et du Loiret ainsi que dans les parties nord et est de l'Yonne.

Bien qu'il soit difficile de voir en la Puisaye une région stylistiquement uniforme, il semble possible, comme nous l'avons vu jusqu'à présent, de définir un certain caractère stylistique fondé sur l'idée de jeu de contraste qui nous permettra de percevoir les filiations de manières de faire avec les régions avoisinantes. Ces éléments sont, selon nous, la mise en évidence de pôles lumineux constants au détriment de zones sombres, 1'utilisation de supports exclusivement prismatiques avec ou sans noyau circulaire, le regroupement en unités cohérentes d'éléments de même valeur dans la composition des masses extérieures, la mise en évidence de la surface murale de la façade par des portails linéarisés et par une extrême parcimonie pour d'autres éléments de décor. Il

Il semble que la région la plus proche, géographiquement parlant, de la Puisaye et qui compte un nombre significatif d'édifices du début du 16ème siècle soit la partie nord-ouest de la Nièvre que Marcel Anfray tente de caractériser dans son étude sur

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le Nivernais3. Elle correspond malgré tout plus ou moins bien à ce que nous avons défini pour la Puisaye. La partie orientale du Loiret, quant à elle, ne recèle pas un nombre d'édifices assez imposant pour pouvoir juger de son intérêt dans le champ de notre étude. Les parties nord et est de l'Yonne véhiculent également une vision assez différente de 1'architecture flamboyante.

Regardons les faits de plus près. La carte 3 nous servira à situer géographiquement les édifices utiles à la démonstration. Commençons tout d'abord par les édifices qui reprennent le mieux les caractéristiques de Puisaye. Dans la Nièvre, les églises Saint-Pierre de Saint-Père et Saint-Saturnin d'Alligny-Cosne pourraient sans conteste faire partie du territoire que nous avons défini. A Alligny-Cosne (fig. 108) on valorise 1'espace du choeur de l'autre côté de l'arc triomphal par de grandes fenêtres. Le sud est également favorisé par la présence d'un collatéral au nord. L'utilisation de moulurations prismatiques dans tout 1'édifice et la mise en évidence de la surface murale nue en façade avec un petit portail appartenant à notre premier style finissent de nous convaincre de la parenté de cet édifice avec les églises de Puisaye. L'église de Saint-Père (fig. 109-110), malgré 1'intégration originale d'une structure à alternance de piliers, respecte exactement les mêmes caractères. En façade son portail nous rappelle ceux sans doute contemporains de Treigny et Lainsecq (fig. 105 & 31). Marcel Anfray date 1 'ensemble du premier tiers du

3-Anfray, La cathédrale de Nevers et les églises gothiques du Nivernais.

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16ème siècle.ce qui ne semble pas faire de problème. Lainsecq montre également une analogie au niveau des moulurations avec 1'édifice de Challement qui présente des profils de grandes arcades qui retombent sur des culées à 1'entrée du choeur (fig.115). Elles sont traitées de la même façon qu'à Lainsecq (voir moulurations Lainsecq).

Les églises de Lys et Germaney montrent pour les mêmes raisons une parenté certaine (fig. 116-18). Elles exploitent par contre des jeux de latéralisation que l'on ne retrouve pas en Puisaye. Elles cherchent à pénétrer la surface murale intérieure par un ressaut qui a pour effet de diffuser l'élan longitudinal. Quant à Surgy (fig. 120), elle rejoint dans sa simplicité des modèles comme Lévis (fig. 33).

D'autres édifices s'apparentent à ceux de Puisaye, mais font preuve d'un esprit relativement différent. A Saint-Saulge (fig.

121-22) et Moulins-Engilbert (fig.125-26) on rencontre des moulurations qui pénètrent sèchement le pilier rond. Saint-Saulge possède des fenêtres dont le déploiement en largeur n'a aucune contrepartie en Puisaye. Par contre, les masses architecturales extérieures sont organisées selon un regroupement qui nous rappelle la Puisaye: uniformité des toitures et jonction angulaire de la tour avec la façade. Le portail, quant à lui, ne réfère pas vraiment aux caractéristiques de notre région. Moulins-Engilbert montre un valorisation du côté nord en choisissant cette position pour son collatéral halle. A 1 'extérieur, les masses reprennent le

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principe de séparation entre nef principale et bas-côté comme à Etais-la-Sauvin (fig. 12).

Mais ce qui semble assez évident pour le nord de la Nièvre, c'est cette fréquente utilisation du transept dans la composition des volumes architecturaux. On retrouvait d'ailleurs cette caractéristique à Saint-Amand-en-Puisaye (fig. 62) qui, comme Sully-la-Tour(fig.128) et Colméry (fig.130), se situe dans la Nièvre. Mais Saint-Amand, selon Anfray, reprend une partie de la structure du 13ème siècle ce qui pourrait expliquer ce parti somme toute inusité puisque le transept n'est jamais vraiment développé en Puisaye.

Dans le Loiret, la situation est sensiblement analogue. Des édifices comme Gien (fig.133) ou Coulions (fig.134 ) utilisent le caractère uniforme de la surface avec un petit portail de notre premier style, mais Coulions par exemple choisit de démarquer ses volumes extérieurs selon le principe de Moulins-Engilbert et utilise le transept complet dans sa composition d'ensemble.

Dans l'Yonne, on pourrait s'attendre à rencontrer le même type de relation avec les édifices de Puisaye. Il semble que la situation soit encore plus complexe. Les moulurations intérieures sont différentes tant à Briennon-sur-Armaçon où on rencontre des piliers cantonnés absents en Puisaye (fig.135) qu'à Joigny avec des édifices aussi important que l'église Saint-Jean (fig.137), où les

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pénétration des nervures ressemblent à ce que l'on avait à Moulins- Engilbert ou à Saint-Saulge.

L'organisation compartimentée des masses architecturales où chaque travée reçoit une toiture pignon indépendante à Courbon-sur- Yonne et à Briennon-sur-Armaçon (fig.138-136), nous rappelle certaines tentatives isolées de Puisaye comme à Sougères (fig. 94) par exemple où 1 'exercice n'atteint jamais un déploiement aussi complet que dans les autres exemples.

Quant aux portails de Ravières(fig.140), Coulons-sur-Yonne (fig.139) et Turny (fig.141), ils ne nous rappellent que vaguement les compositions linéarisées de Puisaye. Les proportions sont différentes, la mise en valeur de la surface murale est pratiquement absente des préoccupations formelles de leurs concepteurs. Par contre des édifices comme Turny, Neuvy-Sautour et Gien reprennent le principe de fusionnement des masses architecturales extérieures. A Gigny, les proportions trapues et caverneuses nous rappelent Lain par exemple.

La Puisaye, à la lumière de ces confrontations extra­ régionales, ressort comme un centre créatif original et novateur. Il n'y a pas de consensus généralisé par rapport à une certaine "bonne façon de construire", mais les solutions formelles préconisées par les concepteurs de la région paraissent fondamentalement novatrices et intéressantes. Il y a définitivement quelque chose de particulier à la Puisaye, une

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cohérence dans les principes et un désir d'exprimer une vision du construit qui correspond à une certaine identité régionale puisqu'en dehors de région ces principes tendent à disparaître. Dans la prochaine section, nous chercherons à comprendre cette particularité, ses sources, sa position dans le gothique du 16ème siècle. Nous nous attarderons ensuite à mettre en évidence, les emprunts particuliers aux édifices majeurs de la région.

La Puisave dans un contexte flamboyant plus vaste

Robert Branner, dans son Burgundian Gothic Architecture, mentionne 1'importance de la Bourgogne comme milieu de résistance architecturale face aux développements particuliers introduits en France avec "l'école de Chartres". Il la voit comme partie intégrante d'un axe cohérent qui relie 1'Angleterre à la Suisse en passant par les Flandres (4) . Bony parlera quelques années plus tard de contact important entre 1'Angleterre et la Bourgogne aux 13ème et début 14ème siècles dans des édifices comme Mussy-sur- Seine qui reprendrait des motifs de moulurations chanfreinées particuliers à 1'Angleterre depuis les constructions cisterciennes du Yorkshire. Dans le sens inverse, il voit le prieuré de Saint- Thibault comme un des éléments déclencheurs du perpendiculaire anglais. Il insiste sur la possibilité de contacts assez étroits entre 1'Angleterre et la Champagne en citant le cas de Blanche

^-Robert Branner, Burgundian Gothic Architcture, London, Zwemmer, 1960.

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d'Artois, fille du comte de Champagne, mariée au second fils d'Henry III d'Angleterre gui aurait activement participé au gouvernement de Champagne(5) .

Il est sans doute plus ardu de supposer une continuation de ces liens avec le 16ème siècle, mais l'on sait gue durant le grand conflit de la guerre de Cent Ans, les Anglais occupèrent Cosne, La Charité et Donzy sous le règne de Charles VI et qu'ils s'emparaient de Clamecy en 1442 (6). Comment auraient-ils pu influencer l'architecture de la période qui nous intéresse? Cela reste ambigu. On peut imaginer la création de certains liens durables économiques ou autres entre ces deux régions. Nous nous trouvons d'ailleurs sur un corridor commercial fort important. On peut imaginer assez facilement qu'un artiste local ait travaillé sur des chantiers anglais. Nous ne croyons pas par contre que l'architecture anglaise soit l'élément fondamental à la compréhension de l'architecture régionale. Mais le lien n'est pas dénué d'intérêt parce que certains éléments architecturaux particuliers à la Puisaye nous semblent entretenir une certaine parenté avec des façons de faire anglaises.

Tout d'abord il y a ces remplages aux motifs plus ou moins perpendiculaires que l'on rencontre à Lévis et à Saint-Fargeau (fig. 35 & 35b). Mais surtout ce sont ces façades "murales" qui

5- Jean Bony, French Gothic Architecture of the 12th & 13th Centuries, 437-45.

6- Anfray, La cathédrale de Nevers et les églises gothiques du Nivernais, 7-8.

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valorisent la surface au détriment de toute articulation en profondeur et de toute expression du contenu intérieur de 1'édifice qui nous rappelle l'idée de la façade écran anglaise que reprenait déjà Saint-Rémi de Reims au 12ème siècle(7). On a 1'impression d'être devant une interprétation française d'idées anglaises plus anciennes comme cela s'est si fréquemment produit dans le sens inverse durant les siècles précédents et à une époque plus contemporaine avec le perpendiculaire. De plus, 1'absence d'édifices importants de la région qui reprendraient de tels principes à grande échelle appuie, selon nous, une telle interprétation. D'ailleurs à la même époque, les Flandres ne se complaisent-elles pas dans une interprétation originales des essais perpendiculaires anglais? Et ces essais on les retrouve par exemple en Seine-et-Marne au Mesnil-Amelot (fig.142), mais aussi en façade de Treigny (fig. 105) et de Lainsecq (fig. 31) dans ces réseaux linéaires qui plaquent la partie supérieure de la façade. On pourrait sans doute définir un corridor de pertinence de cette influence des Flandres à la Puisaye en passant par le nord de Paris.

Mais d'autres liens plus forts et plus précis nous permettront de mieux saisir la portée de 1'architecture religieuse de Puisaye. La Puisaye et la région d'Auxerre en général occupent une position géographique fort intéressante au sein du royaume de France. Elles jouxtent 1'Ile-de-France, la riche région du Val de Loire,

7-Anne Prache, Saint-Rémi de Reims, l'oeuvre de Pierre de Celles et sa place dans l'architecture gothique.

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1'originale Champagne, se rattachent à la puissante Bourgogne à partir de 1435 avec le traité d'Arras et se trouvent sur la route qui conduit vers le Midi. Il reste à savoir comment elle peut se positionner face à ces divers milieux tous garants d'un savoir- faire original.

Roland Sanfaçon nous donne certaines définitions des particularités de ces régions. Nous pourrons voir de quelles façons elles nous renseignent sur les liens qu'entretiennent ces régions avec les énoncés stylistiques de Puisaye. Pour lui, Paris devient le lieu de la hiérarchisation des éléments, de la valorisation des fenêtres hautes, du mouvement et de la vie des piliers, mais reste, malgré cette propension à libérer les divers éléments particuliers, un univers rigoureusement organisé aux structures architecturales régulières et contenues. Le Val de Loire exploite la surface murale de façon constante en tentant de contrebalancer le peu de verticalisme des structures d'ensemble par des portails colossaux qui s'inspireraient de la Picardie. La Champagne exploite, quant à elle, les éléments de support arrondis en y faisant pénétrer les nervurations diverses. On a parfois tendance, dans un édifice aux proportions trapues, à faire disparaître la surface murale au profit de larges baies. Une autre tendance qui provient d'une influence parisienne recherche les proportions plus élancées des constructions. Cette dernière se retrouve surtout dans les villes alors que la première est l'apanage des campagnes et de ses églises plus modestes. Partout cependant, les vaisseaux entretiennent des rapports de proportions

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fort relatives. Quant à la Bourgogne, elle combine des tendances diverses dont la mise en évidence de surfaces murales nues comme en Val de Loire avec une remise en valeur de certains particularismes régionaux du 13ème siècle(8) .

Il est toujours difficile de particulariser ainsi des groupes d'édifices qui finalement, comme nous l'avons mentionné, énoncent tous une vision particulière du rapport à 1'univers intérieur et extérieur de 1'individu concepteur, ce qui tend à les différencier les uns des autres. Les différences intra-régionales nous font comprendre que des courants s'interpénétrent, que 1'influence d'un édifice précis peut engendrer un positionnement régional antithétique et qu'il faut faire attention de ne pas valoriser une manière plus qu'une autre afin de simplifier les interprétations globales par recherche de conclusions synthétiques.

Une chose semble claire, c'est que les édifices de Puisaye valorisent tour à tour des caractères de chacune des régions que nous avons mentionnées. L'absence généralisée de transept nous rappelle la contenance parisienne, mais cette dernière se démarque par ses façades stables équilibrées où la surface murale ne semble pas posséder une importance comparable à ce que l'on trouve en Puisaye. Ermenonville (fig.143), Crèvecoeur-le-Grand (fig.144) dans l'Oise et Cléry-en-Vexin (fig.145) dans le Val d'Oise en sont de bons exemples. Paris elle-même peut paraître comme une mine de motifs que l'on retrouve un peu partout en Puisaye. Les piles

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ondulées de Thury se retrouvent à Saint-Etienne-du-Mont (fig.146) et ont pu passer par la Champagne avant d'atteindre notre région. Les colonnes de Saints aux motifs alternant prismes et cavets nous rappellent celles de Saint-Séverin (fig.147) qui marquent 1'entrée des chapelles latérales. Peut-être les a-t-on observées à La Madeleine de Montargis (fig.148). La régularité généralisée des bases de piliers en Puisaye nous rappelle également un peu cet idéal d'ordre parisien.

L'intérêt pour les surfaces murales est du même ordre que ce que l'on trouve dans la Vallée de la Loire comme à Beaune-la- Rolande (fig.150) (où 1'utilisation du pilier torsadé nous rappelle Migé), mais nous rappelle également la sobriété du Midi et les constructions romanes de Puisaye comme Druyes-les-Belles-Fontaines par exemple. Les grands portails du Val de Loire sont rares en Puisaye. Les belles compositions de Beaufort-en-Vallée (fig.151) et de Thouars (fig.152) n'y trouvent pas de réelle contrepartie sinon dans la verticalité des portails de Sougères et de Taingy. Le Loiret présente aussi, comme nous l'avons vu, de petits portails qui s'apparentent à ceux de notre premier style. Mais dans d'autres cas le tout se rapproche plus du style de Thury et Chevannes par 1'avancée spatiale avec corniche qui le surplombe.

L'originalité de l'idéal créatif champenois est incontestable. Les proportions trapues d'édifices comme Sainte-Maure (fig.153-54), Humbauvile (fig.156-57) ou La-Chapelle-Saint-Luc (fig.158) qui rappelle le rythme de progression de Saint-Amand se retrouvent

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souvent en Puisaye. Pensons ici à Lain (fig. 24), Sainpuits (fig. 56) et Sementron ( fig. 87). Les rapports de proportion des différentes parties l'une par rapport à l'autre, nef et bas-côtés, nef et choeur, sont aussi variables dans les deux régions. A Sementron, nous avons presque affaire à une halle alors qu'à Saint- Privé (fig. 73) le rapport entre grandes arcades et fenêtres-hautes est presque le 1:1. Sougères (fig. 91) présente à la fois un collatéral halle et un autre aux proportions près de celles de Saint-Privé. Les piliers arrondis qui accentuent ces proportions trapues sont également utilisés en Puisaye, mais avec beaucoup plus de nuances comme nous l'avons vu (prédominance du motif prismatique comme en Ile-de-France). La Puisaye fait également un usage beaucoup plus parcimonieux de la baie, sauf dans les choeurs qui demeurent particulièrement éclairés. La différence principale se situe sans doute au niveau des jeux de contrastes lumineux qui sont fondamentalement plus dramatiques en Puisaye.

L'idée du contrefort-mur que l'on rencontre à Chevannes (fig. 5) est également fort répandu dans l'Aube comme à Villenauxe-la- Grande (fig.159). La tendance à regrouper extérieurement les masses de même valeur est bien représentée en Champage avec des édifices comme Sainte-Maure (fig.154). Au niveau des portails, comme pour les autres régions prises en considération, il ne semble pas y avoir de contrepartie à nos types 3, 4 et 5 alors que le portail central de Pont-Sainte-Marie (fig.160) s'apparente à notre premier groupe, mais avec un déploiement incomparable et une utilisation beaucoup plus poussée de la statuaire.

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A la lumière de ces explications, la Puisaye ressort comme le carrefour évident de diverses tendances. Fortement lié à 1'Ile-de- France, au Val de Loire et à la Champagne, elle demeure fondamentalement bourguignonne par cette mise en évidence de la notion de contrastes dramatiques.

L'influence directe de monuments majeurs

Quelques monuments majeurs de la région immédiate et des autres régions avoisinantes pourront également nous aider à comprendre les particularités de certains édifices de notre région. Il est évident selon nous que malgré une différence de moyens certaine, les constructeurs de petits édifices religieux cherchent à s'inspirer de constructions plus importantes et de tout le prestige qu'elles sous-entendent. Nous regarderons tout d'abord les relations formelles aux édifices plus éloignés qui influenceront, en un sens, exceptionnellement les constructions locales. La région parisienne, Bourges, Sens et Troyes puis les constructions plus locales comme Clamecy, Joigny, Corbigny et la façade d'Auxerre. Il

Il est évident que 1 'influence de Paris comme capitale du royaume peut être immense. Mais il est difficile d'y rattacher des édifices particuliers. Face à ce que nous avons défini comme l'idéal parisien ou du moins relié à 1'Ile de France, l'église de Ouanne (fig. 49 à 54) avec sa régularité, son équilibre, ses

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moulurations prismatiques nous paraît plus proche de la capitale que des modèles réqionaux. De Notre-Dame de Paris, elle s'inspire du voûtement trianqulaire du déambulatoire, manière de faire qui avait été repris à Saint-Séverin à partir de 1489 (fig.161). Saint-Séverin pourrait effectivement avoir influencé Ouanne à ce niveau (fig. 49). Ouanne est le seul édifice de Puisaye à posséder un déambulatoire et cela rappelle 1'intérêt d'aller chercher ses sources d'inspiration vers des constructions plus élaborées. Mais Saint-Séverin montre également une profusion de motifs que nous retrouvons assez textuellement en Puisaye, ce qui nous encourage à pousser la comparaison. Nous avons déjà mentionné le modèle des colonnes engagées de Saints, on y retrouve également le prototype du pilier octogonal concave de Sementron (fig. 87 & 162). Ce pilier est assez rare. Nous avons observé d'autre piliers octogonaux, mais pas concaves. Peut-être Sementron est-elle allé chercher le modèle directement à Paris. Les bases de supports à Saints (fig. 83 &

162) nous rappellent également celles de Saint-Séverin.

Mais Bourges aussi reprend l'idée du voûtement triangulaire et la sobriété structurale de Notre-Dame de Paris. Par contre son influence sur Ouanne et la Puisaye à ce niveau est improbable. Saint-Séverin ou Notre-Dame de Paris sont définitivement plus convaincantes. Par contre, le motif de mouluration qui garnit le pilier rond à Bourges correspond exactement à notre dernière catégorie stylistique de supports. Les plus beaux exemples se retrouvent sans doute à Saint-Privé (fig. 74).

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Les parties flamboyantes des cathédrales de Sens et de Troyes portent la marque parisienne de Martin Chambiges. Ce sont des oeuvres majeures qui ont pu influencer jusqu'à un certain point les édifices de Puisaye. Les portails des façades latérales nord et sud de Sens (fig.163) montrent un étagement de statues qui nous rappelle celui de Saint-Privé (fig. 75), des enchevêtrement végétaux entre les moulurations analogues à ceux de Sementron (fig. 89), des motifs trilobés très populaires entre autre à Thury (fig. 100), Chevannes (fig. 5), Migé (fig. 45), Saint-Privé et Sementron. Par contre l'idée du tympan nu de Troyes (fig.164 ) fera école plutôt à Migé et dans les portails du premier style.

Tous les jeux de décrochements et d' émancipation de la surface murale par des avancées aux lignes rigoureusement structurées se retrouveront dans la façade de Saint-Martin de Clamecy (fig.165-66- 67) qui influencera à son tour des constructions comme Thury (fig. 100) et Chevannes (fig. 5). Le portail en avancée surmonté d'une balustrade, la présence de sculpture de voussures comme à Sens, une tour latérale assez indépendante de la structure générale, tout cela nous rappelle les modèles de Thury et Chevannes. Les motifs plaqués au-dessus de la rose reprennent les idées flamandes que l'on voyait à Lainsecq (fig. 31). Le plan carré de Saint-Martin de Clamecy, malgré son antériorité, a pu influencer la forme du construit de Saint-Martin-des-Champs (fig. 63) son homonyme. Cette dernière a pu également être influencée par les moulurations particulières de Mussy-sur-Seine (fig.168-69) comme nous l'avons vu. Tout près encore, une église comme Saint-Seine de Corbigny (fig.170) présente des piliers qui nous font immédiatement penser

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à ceux de Chevannes (fig. 2-4). Cette église s'apparente d'ailleurs fortement à celles de Puisaye. D'autres éléments comme la travée étroite de Thury se comprennent à la lumière d'exemples comme Saint-Thibault (fig.171) de Joigny qui présente la même analogie.

Il est évident que nous n'avons pas épuisé la question du rapport aux édifices majeurs, mais nous croyons avoir bien montré que plusieurs des édifices qui diffèrent du modèle plus typique de Puisaye fondé sur une fusion d'influences diverses sont en quelque sorte liés à des influences plus ponctuelles qui expliquent en partie leur particularisme et fondent des explications à avancer ultérieurement sur le positionnement idéologique des bâtisseurs de paroissialea en Puisaye. Le fait que Ouanne se réfère si expressément à Paris, Saint-Martin-des-Champs aux abbayes de Saint- Martin de Clamecy ou de Mussy-sur-Seine, ainsi que toutes les autres références aux édifices prestigieux que sont les cathédrales de Sens ou de Troyes mettent clairement en évidence des fascinations pour des institutions de pouvoir précises. Le clergé paroissial de 1'époque espérait probablement asseoir son autorité sur l'image de cette noblesse d'ascendance divine liée à ces grandes institutions. Nous verrons plus loin comment la forme du construit paroissial met en lumière ce jeu de pouvoir entre clergé et peuple.

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CHAPITRE 2

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Préliminaires

La première chose à faire pour pousser plus loin 1'analyse de l'objet architectural, c'est de définir les règles syntaxiques qui sont à la base de son organisation formelle. Par une meilleure définition de cette forme on peut en venir à faire voir les choses de manière plus avertie, à ralentir la frénésie perceptive et à s'attarder plus intensément sur la mise en forme du construit, indice d'une pulsion de vie qu'il vaut le peine de prendre en considération.

Dans sa Sémiologie du langage visuel, Fernande Saint-Martin nous donne une définition bien articulée du principe de base du langage cohérent qu'est le langage visuel1. Son ascendance est gestaltienne ou psychoénergétique. Le fondement de sa théorie est la notion de colorème, l'unité de base du langage visuel. C'est la concentration énergétique de "matière visuelle" formant une unité arbitrairement délimitée par la vision fovéale. Cette matière visuelle est constituée d'un amalgame de variables visuelles

interdépendantes les unes des autres1 2 comme la couleur, la texture,

1Fernande Saint-Martin, Sémiologie du langage visuel. Voir en bibliographie.

2-C'est donc à ce niveau, le niveau de 1'organisation langagière, que se situe la confrontation relativisante nécessaire à la perception. La théorie de Saint-Martin est en quelque sorte quantique. La forme visuelle est composée de colorèmes comme la matière d'atomes. Ces colorèmes se composent de variables visuelles qui s'apparentent aux particules nucléaires. La différence ici, c'est que l'on s'émancipe du modèle purement scientifique (mécaniste au sens reichien) pour définir un palier de conception de l'unité qui se fonde sur une observation directe de la nature par 1'entremise d'une conception psychoénergétique de la perception.

Figure

fig. 1 Chevannes, plan
Fig. 4 Chevannes, retombée 2ème pilier sud de la nef Fig. 5 Chevannes, façade occidentale
Fig. 7 Etais-la-Sauvin, plan: lcm=3m
Fig. 14 Fontaines, plan: lcm=3m
+7

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