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L'acquisition des distinctions modales de l'espagnol dans des propositions complétives par des francophones et des anglophones

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

L’acquisition des distinctions modales de l’espagnol

dans des propositions complétives par des

francophones et des anglophones

Mémoire

Kenny Castillo

Maîtrise en linguistique - didactique des langues - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

L’acquisition des distinctions modales de

l’espagnol dans des propositions complétives

par des francophones et des anglophones

Mémoire

Kenny Castillo

Sous la direction de :

(3)

RÉSUMÉ

Cette étude analyse l’acquisition de la distinction indicatif-subjonctif de l’espagnol dans des propositions complétives par des apprenants soit francophones soit anglophones. Pour décrire la distribution modale, nous nous basons sur la sémantique et la pragmatique formelles et fonctionnalistes, plus spécifiquement sur la Théorie des Mondes Possibles et sur la Théorie de la Pertinence. Pour l’acquisition, nous travaillons dans le cadre de la linguistique formelle générative. Cent cinquante-cinq apprenants ont passé un test mesurant leur niveau d’espagnol et leur capacité à acquérir les distinctions modales. Leurs résultats ont été comparés à ceux d’un groupe contrôle de vingt-six locuteurs natifs. Nous n’avons observé aucune corrélation entre la langue maternelle des sujets et leur capacité à acquérir les distinctions modales mais il y a eu une corrélation positive pour leur niveau d’espagnol. Les résultats révèlent aussi certaines zones de vulnérabilité lors de l’acquisition pour les deux groupes d’apprenants.

(4)

ABSTRACT

This study analyses Francophones’ and Anglophones’ acquisition of Spanish indicative and subjunctive moods. Formal and functionalist semantics and pragmatics, namely two theories of meaning, Possible Worlds Theory and Relevance Theory, are the framework adopted for the description of mood distribution in this study. Concerning acquisition, the framework is the generative formal linguistics. One hundred and fifty-five learners completed a three-task test that measured their Spanish proficiency level and their ability to acquire mood selection in subordinate complement clauses. Their scores were compared to those of a control group of twenty-six native speakers. The results show no correlation between the learners’ native language and their acquisition of mood selection, but there is a positive correlation with their level of Spanish. Our results also show some areas of vulnerability during the acquisition in both groups of learners.

(5)

TABLE DES MATIÈRES

Résumé ... III Abstract ... IV Liste des tableaux ... VI Liste des figures ... VII Abréviations ... VIII Remerciements ... IX

Introduction ... 1

CHAPITRE I ... 4

CADRE THÉORIQUE : LA MODALITÉ ET LE MODE ... 4

1.1 La modalité ... 4

1.2 Le mode ... 6

1.3 La modalité et le mode ... 8

1.4 Théories de la distribution des modes ...13

1.4.1 Théories sémantiques ...13

1.4.1.1 Réalis / Irréalis ...13

1.4.1.2 Théorie de Mondes Possibles ...15

1.4.2 Théories pragmatiques...17

1.4.4.1 Assertion / non assertion ...17

1.4.4.2 Théorie de la Pertinence...23

CHAPITRE II ...25

CADRE THÉORIQUE : L’ACQUISITION D’UNE L2 ...25

2.1 La Grammaire Universelle (GU) ...25

2.2 Les interfaces ...28

2.3 L’acquisition de la distribution des modes ...29

CHAPITRE III ...31

NOTRE ÉTUDE ...31

3.1 Prédicats de notre étude ...33

3.2 Les hypothèses d'étude ...39

3.3 Méthodologie ...41

3.3.1 Participants ...41

3.3.2 instruments ...43

3.3.2.1 Test de classement Oxford ...43

3.3.2.2 Tests de jugement de grammaticalité ...43

3.3.3 Procédure de collecte de données ...45

3.3.4 Analyse des données ...52

CHAPITRE IV ...53 RÉSULTATS...53 CHAPITRE V ...69 DISCUSSION ...69 Conclusion ...87 Bibliographie ...91 Annexes ...105 Instruments ...107

1.TEST DE CLASSEMENT OXFORD ...107

2.TEST DE JUGEMENT DE GRAMMATICALITÉ 1 ...112

(6)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Version abrégée de la proposition selon Bybee et Terrell (1974) .. 18

Tableau 2 : Révision de la proposition de Bybee et Terrell de 1974 ... 21

Tableau 3 : Prédicats de notre étude ... 34

Tableau 4 : Distribution des résultats du test de classement oxford ... 43

Tableau 5 : Description du groupe original d’étude ... 48

Tableau 6 : Moyennes obtenues par les groupes anglophones ... 49

Tableau 7 : Redistribution du groupe d’étude ... 50

Tableau 8 : Moyenne du tjg 2 par groupe et par niveau ... 53

Tableau 9 : Prédicats avec différence significative par groupe linguistique ... 72

Tableau 10 : Moyennes obtenues par niveau et par groupe ... 72

Tableau 11 : Moyennes des prédicats récalcitrants par groupe et par niveau .. 74

Tableau 12 : Moyennes obtenue par verbe par groupe de langue... 105

(7)

LISTE DES FIGURES

FIGURE 1:SABER (SAVOIR) ...56

FIGURE 2:ES VERDAD (IL EST VRAI) ...57

FIGURE 3:ES INDUDABLE (IL EST INDUBITABLE) ...57

FIGURE 4:ES EVIDENTE (IL EST ÉVIDENT) ...57

FIGURE 5:ESTÁ CLARÍSIMO (IL EST TRÈS CLAIR) ...57

FIGURE 6:ESTAR SEGURO DE (ÊTRE SÛR DE)...58

FIGURE 7:ASEGURAR (ASSURER) ...58

FIGURE 8:APOSTAR A (PARIER) ...58

FIGURE 9: AFIRMAR (AFFIRMER) ...58

FIGURE 10 :CRÉER (CROIRE) ...59

FIGURE 11:PENSAR (PENSER) ...59

FIGURE 12:PARECER (IL SEMBLE) ...59

FIGURE 13:SUPONER (SUPPOSER) ...60

FIGURE 14:ADIVINAR (DEVINER) ...60

FIGURE 15:IMAGINARSE (S'IMAGINER)...60

FIGURE 16:INVENTAR (INVENTER) ...60

FIGURE 17:SOÑAR (RÊVER) ...60

FIGURE 18:OLVIDAR (OUBLIER) ...61

FIGURE 19:OLVIDARSE DE (OUBLIER) ...61

FIGURE 20:RECORDAR (SE SOUVENIR) ...61

FIGURE 21:AVERGONZARSE DE (AVOIR HONTE) ...62

FIGURE 22:DAR VERGUËNZA (FAIRE HONTE) ...62

FIGURE 23:ALEGRAR (RÉJOUIR) ...63

FIGURE 24:DAR ALEGRÍA (RENDRE HEUREUX) ...63

FIGURE 25:GUSTAR (PLAIRE - AIMER) ...63

FIGURE 26:DAR GUSTO (FAIRE PLAISIR) ...63

FIGURE 27:ES UNA PENA (IL EST DOMMAGE) ...63

FIGURE 28:DAR PENA (FAIRE DE LA PEINE) ...63

FIGURE 29:DOLER (AVOIR DE LA PEINE) ...64

FIGURE 30:SORPRENDER (SURPRENDRE) ...64

FIGURE 31:INDIGNAR (INDIGNER) ...64

FIGURE 32:FASTIDIAR (ÉNERVER) ...64

FIGURE 33:ENTRISTECER (RENDRE TRISTE) ...64

FIGURE 34:PARECER (ATRIBUTIF SANS OI)(TROUVER) ...65

FIGURE 35:PARECER (ATRIBUTIF AVEC OI(IL ME SEMBLE) ...65

FIGURE 36:TENER MIEDO DE (AVOIR PEUR) ...65

FIGURE 37:HACER (FAIRE) ...66

FIGURE 38:PROHIBIR (INTERDIRE) ...66

FIGURE 39:IMPEDIR (EMPÊCHER) ...66

FIGURE 40:SUGERIR (SUGGÉRER) ...66

FIGURE 41:PEDIR (DEMANDER) ...67

FIGURE 42:ORDENAR (ORDONNER) ...67

FIGURE 43:ES MÁS QUE PROBABLE (IL EST PLUS QUE PROBABLE) ...67

FIGURE 44:ES MUY PROBABLE (IL EST TRÈS PROBABLE) ...67

FIGURE 45:ES IMPOSIBLE (IL EST IMPOSSIBLE) ...68

(8)

ABRÉVIATIONS

1ère P.S. : première personne du singulier 3e P.S. : troisième personne du singulier Acc : Accusatif

CECR : Cadre européen commun de référence Cond : Conditionnel

ELÉ : espagnol langue étrangère Fr : français

Gér : gérondif

GU : Grammaire Universelle Imp : imparfait

Ind : indicatif

NGLE : Nueva gramática de la lengua española L1 : langue maternelle L2 : langue seconde LN : locuteurs natifs OD : Objet direct OI : Objet indirect Pas : passé Prés : présent Subj : subjonctif

(9)

REMERCIEMENTS

Je remercie en premier lieu Mme Claudia Borgonovo, sans sa direction, sa patience, son soutien et son encouragement constants et inconditionnels pendant ces années remplies de hauts de bas, ce mémoire tout simplement n’existerait pas.

Un merci spécial à Manuel Español Echevarría, présent depuis la première journée de ce mémoire, même avant.

Je suis très reconnaissante envers Mme Shahrzad Saif, pour son aide précieuse avec les statistiques de ce mémoire.

Merci aux professeures Zita de Koninck, Diane Huot, Darlene LaCharité et Carole Paradis qui m’ont fait confirmer ma passion pour la linguistique théorique et pour la didactique des langues étrangères.

Je remercie la générosité des sujets qui ont passé les tests de ce mémoire. Je remercie spécialement à Claudia Sánchez-Gutiérrez pour son aide dans la conception des instruments de ce mémoire et pour sa présence pendant un bon bout du chemin.

(10)

INTRODUCTION

Maîtriser la distribution des modes indicatif et subjonctif représente l’un des problèmes majeurs lors de l’acquisition de l’espagnol langue étrangère (ELÉ). Malgré les multiples essais des linguistes pour décrire cette distribution, l’opposition et surtout l’alternance des modes, la problématique demeure bien présente. L’acquisition des distinctions modales en ELÉ ne cesse de faire l’objet de nombreuses études depuis plusieurs années, et citons en particulier celles de Potvin (2016), Vesterinen et Bylund (2016), Charest (2014), Collentine (2014), Gudmestad (2014), Kanwit et Geeslin (2014), Massery et Fuentes (2014), Mejias-Bikandi (2014), Sánchez-Naranjo (2014), Restorick (2013), Contreras et Ferreira (2012), Robinson (2012), Kaufman (2011), Kempchinski (2009), Iverson et al. (2008) et Borgonovo et al. (2008).

Collentine affirme à plusieurs reprises (1995, 2003, 2010, 2014) que le subjonctif est difficile à acquérir parce qu’il demande un traitement syntaxique complexe. Bien qu’à première vue le problème du subjonctif semble être un problème de morphologie, Collentine affirme que la barrière la plus importante pour les apprenants est liée à leur incapacité de générer des phrases complexes. En effet, les apprenants doivent acquérir non seulement les distinctions modales, mais aussi le traitement des propositions subordonnées (traitement syntaxique). Ces derniers n’ont pas encore atteint le point où ils peuvent traiter dans leur mémoire de travail simultanément la syntaxe complexe et les relations sémantique/pragmatique qui existent entre la proposition subordonnante et la subordonnée (ex. : la variabilité du degré d’engagement du locuteur envers la valeur de vérité de la proposition subordonnée).

De plus, la difficulté d’acquisition de la distribution des modes serait le fait que le choix du mode paraisse s’imposer de façon exclusive dans la plupart des cas (1, 2) et ne correspondrait pas à l’intention signifiée par le locuteur. Seulement,

(11)

l’alternance modale indicatif / subjonctif constituerait une preuve de la valeur sémantique des modes (3)1.

(1) Je sais qu’elle vient / *viennent (2) Je doute qu’elle vienne / *vient (3) Je comprends qu’il vient / vienne

D’ailleurs, les résultats de Masery et Fuentes (2014) et Iverson et al (2009) révèlent que les apprenants, même à des stades avancés d'acquisition, réussissent moins dans des contextes épistémiques (basés sur des catégories de connaissance) où la syntaxe et le discours se croisent (interface syntaxe-pragmatique) et où un prédicat X de la principale accepte un mode Y ou Z dans la subordonnée (4). De fait, ceci est contraire à la modalité déontique (basée sur des catégories de norme, de nécessité et / ou d’obligation) qui est essentiellement syntaxique où un prédicat X de la principale exige un mode Y dans la subordonnée (5).

(4) Marie ne croit pas que Pierre est / soit arrivé (5) Il est nécessaire que tu viennes

Les travaux ci-haut mentionnés mettent en évidence la difficulté d’acquisition de la distribution des modes.

L’un des objectifs de notre étude, portant sur l’acquisition de la distribution modale en ELÉ, est d’essayer de clarifier la manière dont les apprenants parviennent à l’acquisition du mode. Plus spécifiquement, nous nous demandons s’il y a un lien entre l’acquisition du mode et la caractérisation des traits sémantiques. Également, nous nous demandons si l’acquisition de ces traits découle automatiquement de l’acquisition de la structure syntaxique. En essayant de répondre à ces questions,

(12)

nous analysons l’acquisition de la distinction des modes indicatif et subjonctif de l’espagnol ainsi que leurs interprétations dans des propositions complétives chez des apprenants soit francophones ou anglophones.

Ce mémoire se compose de deux parties.

La première expose dans les chapitres I et II les bases théoriques qui sous-tendent notre étude. Le chapitre I présente la relation entre le mode et la modalité, ainsi qu’un survol des systèmes des modes en espagnol, en français et en anglais. Ensuite, deux approches différentes de l’analyse des modes en espagnol sont révisées. Le deuxième chapitre examine, quant à lui, les résultats de plusieurs études portant sur l’acquisition du subjonctif par des apprenants adultes soit francophones soit anglophones.

La deuxième partie décrit dans le chapitre III et IV notre démarche empirique. Le troisième chapitre présente les détails de notre étude portant sur l’acquisition des propriétés des prédicats régissant le mode en espagnol. Le chapitre IV présente la discussion des résultats.

Finalement, nous présentons les conclusions sur le développement morphosyntaxique de l'interlangue des apprenants francophones ou anglophones adultes lors de l’acquisition des distinctions modales.

(13)

CHAPITRE I

CADRE THÉORIQUE : LA MODALITÉ ET LE MODE

1.1 LA MODALITÉ

Dans ce chapitre, nous présentons la relation entre la modalité et le mode. D’abord nous tenons à préciser que la modalité est une catégorie sémantique universelle qui nous permet de parler de tout ce qui n'est pas factuel; elle s'occupe entre autres de notions comme la nécessité, l’obligation, la permission, la volition, l’habilité, la possibilité et la probabilité. La modalité peut être épistémique ou déontique. La modalité épistémique comporte des catégories de connaissance et de vérité ainsi que les notions d’engagement du locuteur, d’opinion, de jugement et d’évidence; tandis que la modalité déontique comporte des catégories de norme, de nécessité et/ou d’obligation.

Plusieurs auteurs ont proposé leur propre définition de modalité, définition qui a évolué à travers les années. Bally (1942) décrit la modalité comme la forme linguistique d’un jugement soit intellectuel, soit affectif, ou d’une volonté qu’un individu énonce (modus) à propos d’une perception, d’une description ou d’une représentation de son esprit (dictum). Dans la même ligne de pensée, Lyon (1977) présente la modalité comme l’expression d’une opinion ou d’une attitude du locuteur envers soit la proposition exprimée dans la phrase ou la situation décrite par la proposition. Dans le même esprit, Givón (1994) décrit la modalité comme une manifestation de l’attitude du locuteur envers la proposition. Or, selon Bybee et Fleischman (1995) la modalité implique un éventail de nuances à la valeur sémantique des propositions par le biais de l’intonation, des catégories morphologiques, lexicales, syntaxiques, etc., qui transmettent chacune à leur manière, des contenus modaux. Par la suite, selon Le Querler (1996), la modalité exprime l’attitude du locuteur vis-à-vis le contenu des phrases qu’il énonce

(14)

(Attitude propositionnelle à la Russell, 19402 - avec les verbes d’attitude propositionnelle tels que « croire », « désirer », « douter », etc.). Par ailleurs, Palmer (2001) affirme que la modalité est une catégorie sémantique universelle qui réfère au statut de la proposition comme réalis / irréalis, factuelle / non factuelle ou assertive / non assertive (Ces statuts sont présentés dans la section 1.4.1). D’après Portner (2009), la modalité exprime une relation entre ce qui est vrai dans le monde réel et ce qui l’est dans des mondes possibles.

Dans le cadre de ce mémoire, nous retenons que la modalité est une catégorie sémantique universelle qui manifeste l’attitude du locuteur envers les propositions qu’il énonce et cela par le biais de verbes d’attitude propositionnelle, de l’intonation, des catégories morphologiques, lexicales, syntaxiques, etc. Cette attitude implique un éventail de nuances à la valeur sémantique des propositions qui transmettent chacune à leur manière, des contenus modaux référant au statut de la proposition comme réalis / irréalis, factuelle / non factuelle ou assertive / non assertive.

En ce qui concerne la grammaticalisation de la modalité, elle se manifeste à travers plusieurs moyens linguistiques notamment : des périphrases verbales (6), des verbes modaux (7) et leurs catégories fonctionnelles exprimées dans la flexion : le temps, l’aspect et le mode (8), des particules (9), des noms (10), des adjectifs (11), des adverbes (12), l’intonation (13), ainsi que des opérateurs tels que la négation (14) et l’interrogation (15).

(6) Tengo que ir

Avoir (1ère P.S. Prés. Ind.) que aller Inf. Il faut que j’y aille

2 Au-delà de la valeur de vérité d’une proposition, cette dernière peut être vraie ou fausse selon le point de vue et les

connaissances du locuteur. Ex. Marie est là; Pierre sait que Marie est là; Pierre croit que Marie est là; Pierre souhaite que Marie soit là. Selon les connaissances, les croyances et les souhaits de Pierre, la valeur de vérité de la proposition « Marie est là » peut varier.

(15)

(7) Debo trabajar Je dois travailler (8) Quiero que vengas

Je veux que tu viennes (9) Thelo na kerdisi o Janis

Vouloir (1ère P.S. Prés. Ind.) Subj. gagner (PNP 3è P.S.) le Jean. PNP = perfectif non passé Giannakidou (2009).

Je veux que Jean gagne (Grec) (10) La posibilidad de viajar

La possibilité de voyager

(11) Es necesario que dejes de fumar

Il est nécessaire que tu arrêtes de fumer. (12) Probablemente llueva (Subj.)

Probablement qu’il pleuvra (13) Vienes /¿Vienes? /¡Vienes!

Tu viens / Tu viens? / Tu viens!

(14) María no cree que Pedro ha / haya llegado Marie ne croit pas que Pierre est / soit arrivé (15) ¿Crees que ha / haya llegado?

Crois-tu qu’il est / soit arrivé?

1.2 LE MODE

L’indicatif et le subjonctif sont des modes verbaux constituant l'un des moyens d'exprimer la modalité. Tel que rapporté par Palmer (2001), la plupart des langues manifestent soit un système de modes, soit des verbes modaux. Toutefois, plusieurs langues comportent les deux, bien que l’un soit toujours plus productif que l’autre. L’espagnol et le français possèdent un système de modes verbaux caractérisé par l’opposition indicatif – subjonctif ; d’ailleurs, ces deux langues disposent des verbes modaux, poder / pouvoir et deber / devoir. Selon ce même

(16)

l’autre. C’est le cas de l’anglais où le mode anglo-saxon est virtuellement disparu et, à sa place, un système productif de verbes modaux a été créé.

Cela étant dit, dans ce mémoire, nous nous limitons aux relations entre la modalité et les modes indicatif et subjonctif en espagnol ainsi qu’en français du fait que les distinctions modales ne sont pas productives en anglais. L’anglais exprime la modalité en utilisant surtout les verbes modaux.

Nous ne tenons pas compte de l’impératif car nous considérons qu’il n’est pas pertinent pour notre étude. En effet, le français possède un mode impératif avec des formes qui lui sont propres, (16, 17) ; alors qu’en espagnol seulement les deuxièmes personnes à l’affirmative ont des formes propres, (18, 19), ainsi que les formes apocopées (20). De plus, la deuxième personne de l’impératif au singulier est pareille à la 3è personne de l’indicatif au singulier (21). Enfin, pour la négation, l’espagnol se sert des formes du subjonctif même pour les deuxièmes personnes (22-26).

(16) Parle ! / Ne parle pas ! (17) Venez ! / Ne venez pas ! (18) ¡Habla!

Parle ! (19) ¡Hablad!

Parlez !

(20) ¡Ven!, ¡Di!, ¡Sal! Viens !, Dis !, Sors ! (21) Habla - ¡Habla! Il parle - Parle ! (22) ¡No hables! Ne parle pas ! (23) ¡No habléis! Ne parlez pas !

(17)

(24) ¡No vengas! Ne viens pas ! (25) ¡No salgas !

Ne sors pas !

Nous ne considérons non plus le conditionnel étant donné son caractère ambigu entre mode (26) et temps de l’indicatif : futur du passé (27). Même si, le futur et toute expression de postériorité peut être considérée comme étant modale. Selon la Nueva gramática de la lengua española (NGLE, 2009) le conditionnel apparait dans des contextes syntaxiques ou l’indicatif apparait (28) et non le subjonctif (29).

(26) Marie aimerait pouvoir arriver plus tôt.

(27) Marie a téléphoné pour dire qu’elle arriverait en retard. (28) Marie a promis qu’elle arriverait tôt

(29) Nous souhaitons qu’elle viennent /*viendrait

1.3 LA MODALITÉ ET LE MODE

Selon la Nueva gramática de la lengua española (2009, 1866) :

« …l’une des caractéristiques du mode est d'informer sur l'attitude du locuteur devant les informations fournies et, en particulier, sur le point de vue que celui-ci a par rapport au contenu de ce qui est présenté ou décrit. Le concept de « modalité » est certainement beaucoup plus large que celui de « mode », mais le lien entre les deux est très proche. »

Pour exprimer la modalité, ce que le locuteur pense (modus) par rapport à ce qu’il dit (dictum), celui-ci peut utiliser la subordination. L’attitude du locuteur a une influence dans la forme de la phrase (attitude propositionnelle). D’une phrase simple comme (30) à des subordonnées (31-34), le locuteur exprime son degré d’engagement par rapport à la valeur de vérité de la proposition. Le choix entre

(18)

« douter » (pas d’engagement) ou « il est nécessaire » (pas d’engagement) entraîne la sélection du mode dans les propositions subordonnées, par exemple : l’indicatif pour « être sûr » et « penser » ; et le subjonctif pour « douter » et « il est nécessaire ».

(30) Marie est venue.

(31) Je suis sûr que Marie est venue. (32) Je pense que Marie est venue. (33) Je doute que Marie soit venue. (34) Il est nécessaire que Marie vienne.

En espagnol, la binarité des modes (indicatif-subjonctif) est le moyen essentiel pour exprimer la modalité dans les complétives. Cette binarité représente un problème étant donné que les nuances sémantiques exprimées par les modes ne sont pas binaires. Le travail des sémanticiens (et des grammairiens) cible justement comment capturer la distinction pour qu’elle soit binaire. Une théorie qui dit l’indicatif marque X ou Y ou Z et le subjonctif, W ou Q ou P est peu satisfaisante. D’ailleurs, la disjonction de manière générale, est un signe que le problème n’a pas été expliqué. Il faut plus qu’une règle simple du type un prédicat X dans la subordonnante exigeant un mode Y dans la subordonnée pour exprimer ces nuances.

La question de la binarité remonte aussi loin qu’en 1496 où Nebrija décrit dans la première grammaire de l’espagnol, le système verbal binaire comportant les modes indicatif et subjonctif. Bybee et Fleischman (1995) affirment que le mode constitue l'un des moyens d'exprimer la modalité.

Généralités sur les modes :

Prédicats régissant l’indicatif :

• Épistémiques affirmatifs (assertifs) : savoir, être sûr, penser, croire, deviner, etc.

(19)

• Factifs d’activité mentale : oublier, se rendre compte, se rappeler, etc. • Verbes de communication : dire, écrire, etc.

• De perception : voir, sentir, noter, entendre, etc. • De fiction : rêver, inventer, imaginer.

Prédicats régissant le subjonctif :

• Directifs : dire, demander, ordonner, interdire, etc. • Implicatifs : faire que, empêcher, faire en sorte que. • Volitifs : vouloir, souhaiter, rêver, etc.

• Factitif-émotifs ou évaluatifs : regretter, aimer, etc.

• De possibilité : il est possible, il est probable, il est vraisemblable, etc. • De doute : douter, ne pas être sûr.

Dans ce mémoire, nous présentons la relation entre la modalité et le mode selon trois points de vue : syntaxique, sémantique et pragmatique, ces trois perspectives ayant comme unité d’étude respectivement la phrase, la proposition et l’énoncé. D’un côté, il faut combiner la forme et le sens d’une phrase pour pouvoir identifier s’il s’agit d’une phrase déclarative (35), impérative (36) ou interrogative (37).

(35) Marie arrive tôt / Marie n’arrive pas tôt. (36) Arrive tôt, Marie !

(37) Marie arrive-t-elle tôt ?

Dans une phrase, la force illocutoire d’un énoncé ajoutée au contenu propositionnel donne un statut à la phrase, soit l’assertion (35, 38), l’ordre (36, 39) ou l’interrogation (37, 40) et ainsi, le locuteur exprime l’effet qu’il veut produire sur l’interlocuteur (Austin, 1962, Searle, 1969).

(38) Je dis que Marie est venue / Je dis que Marie n’est pas venue (39) J’ordonne que Marie vienne / Il est nécessaire que Marie vienne.

(20)

D’un autre côté, les propositions sont des unités qui portent une valeur de vérité. Parmi les phrases mentionnées ci-haut, seulement les assertions (35, 38) des phrases déclaratives affirmatives ou négatives portent une valeur de vérité. Les phrases impératives (36 ,39) et l’interrogative directe (37) ne portent pas de valeur de vérité, c’est-à-dire, elles ne sont ni vraies ni fausses. Cependant, la phrase interrogative indirecte (40) porte une valeur de vérité car la principale n’est pas interrogative mais déclarative ; si la principale n’est pas déclarative mais interrogative, cette proposition ne porte pas de valeur de vérité (41).

(41) Sais-tu si Marie est là ?

Aussi, lorsque le locuteur se sert d’une phrase, son attitude vis-à-vis le contenu propositionnel énoncé peut être ou bien assertive « je dis que… », légitimant l’indicatif dans la subordonnée (35), ou bien interrogative « je demande si… », légitimant aussi l’indicatif dans la subordonnée (38), ou encore impérative « j’ordonne que…, il est nécessaire que… », légitimant alors le subjonctif dans la subordonnée (39). Certes, il n’y a pas de forme impérative dans ces dernières phrases; nonobstant, ces phrases ont une valeur d’ordre. D’ailleurs, Kempchinsky, (2009) postule l’existence d’un opérateur impératif dans la tête C(omplémenteur) des phrases comme celles-ci, mais il s’agit d’une hypothèse et non pas d’un contenu propositionnel.

Toutefois, les phrases entre les guillemets ne sont utilisées que lors de la subordination ou enchâssement (35, 37, 39) et, d’un point de vue formel, la légitimation du mode dans les subordonnées est plus complexe à expliquer car les types de phrases et les forces illocutoires sont en lien direct, mais pas toujours exclusifs (42-44) :

(42) Tu viens. Déclarative (43) Viens ! Impérative

(21)

(44) Tu viens ? Interrogative

Par exemple, le locuteur peut se servir de l’intonation, pour modifier la phrase déclarative « Tu viens » en phrase impérative : « Tu viens ! » et en phrase interrogative « Tu viens ? ».

De plus, la modalité épistémique se base sur la connaissance. Dans cette modalité, il existe un continuum sans frontière étanche entre l’affirmation, la mitigation et la non affirmation des valeurs de vérité. L’engagement du locuteur serait total (45, 46), partiel (47, 48) ou absent (49, 50). Lorsque le locuteur se positionne vers l’extrémité affirmative du spectre, l’indicatif est utilisé ; par contre dans la direction opposée, c’est-à-dire, à la non affirmation de la valeur de vérité, le subjonctif est employé. La zone au centre de ces deux extrêmes demeure une zone grise dont l’étendue est difficile à préciser (45, 46), partiel (47, 48) ou absent (49, 50).

(45) Je sais que Marie est là. (46) Je suis sûr que Marie est là. (47) Je crois que Marie est là. (48) Je suppose que Marie est là. (49) Je doute que Marie soit là.

(50) Marie a demandé que Marie soit là.

D’ailleurs, la modalité déontique se base sur l’obligation. Dans ce cas, la valeur de vérité n’est jamais affirmée et le locuteur fera appel au subjonctif. Dans ce type de modalité, nous trouvons les verbes implicatifs comme empêcher, faire, faire en sorte, etc. Dans ce type de prédicats, la vérité de la proposition subordonnée est impliquée logiquement dans la proposition principale.

(22)

Tel que nous avons mentionné, la modalité est une catégorie sémantique universelle qui manifeste l’attitude du locuteur envers les propositions qu’il énonce et cela par le biais, entre autres, de verbes d’attitude propositionnelle, et des catégories morphologiques, lexicales, syntaxiques, etc. Cette attitude implique un éventail de nuances à la valeur sémantique des propositions qui transmettent chacune à leur manière, des contenus modaux référant au statut de la proposition.

1.4 THÉORIES DE LA DISTRIBUTION DES MODES :

Pour établir la relation entre la modalité et le mode, nous utilisons dans ce mémoire des théories sémantiques et pragmatiques. À l’intérieur de ces théories, nous présenterons, bien que de façon sommaire, les oppositions réalis / irréalis, factuel / non-factuel ou assertif / non-assertif et assertion / présupposition car à un moment donné ce qui est réalis, factuel ou assertif a été dit d’induire l’indicatif tandis que ce qui est irréalis, non-factuel, non-assertif dont la présupposition induirait le subjonctif.

1.4.1 THÉORIES SÉMANTIQUES :

Il y a plusieurs théories sémantiques qui décrivent la distribution des modes en espagnol. Nous ne nous attarderons qu’à celle de réalis / irréalis de Givón (1994) et à la théorie des Mondes Possibles de Farkas (1992).

1.4.1.1 RÉALIS / IRRÉALIS

Selon Givón (1994), une proposition subordonnée réalis décrit un état de choses existant, vérifiable dans le monde réel (53).

(23)

Pour énoncer une croyance comme en (53), il faut que le locuteur considère que la proposition est vraie dans le monde réel donc factuelle, même si cette proposition est mitigée par rapport à « Marie est là ». Voilà pourquoi la subordonnée est considérée réalis et l’indicatif est utilisé.

Par ailleurs, une proposition subordonnée irréalis est non factuelle et exprime des états de choses non vérifiables dans le monde réel soit des souhaits (54, 55) ou des ordres (56, 57).

(54) Pierre veut que Marie soit là. (55) Il est souhaitable que Marie soit là. (56) Pierre ordonne que Marie soit là. (57) Il est nécessaire que Marie soit là.

Dans les exemples (54-57), les prédicats volitifs et directifs n’introduisent pas des états de choses vérifiables dans le monde réel, voilà pourquoi le subjonctif, représentant l’irréalis, est utilisé. Les propositions subordonnées irréalis n’ont pas de valeur de vérité dans le monde réel.

Les liens indicatif-réalis / factuel et subjonctif-irréalis / non factuel comportent au moins deux problèmes empiriques : les verbes fictifs irréalis / non-factuel mais régissant l’indicatif (58) et les verbes factifs-émotifs réalis / factuel régissant le subjonctif (59, 60).

(58) Pierre a rêvé que Marie était là. (59) Pierre est ravi que Marie soit là. (60) Pierre regrette que Marie soit là.

Les prédicats émotifs sont factifs, ils présupposent la vérité de la proposition subordonnée (Kiparsky et Kiparsky, 1970); donc, cette dernière est toujours vraie

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émotion doit nécessairement être causée par un fait connu des interlocuteurs, le fait exprimé dans la subordonnée. C’est ce lien de causalité qui rend la proposition subordonnée factuelle, puisque le fait doit être soit vérifiable soit conçu conceptuellement comme ayant lieu pour qu’ainsi l’émotion puisse être affirmée. Concernant les prédicats fictifs, ils introduisent toujours une subordonnée non-factuelle, puisque la fiction est en opposition de la réalité. Toutefois (58) se construit avec indicatif. Il faut remarquer ici l’existence de (61) où rêver est volitif et non fictif et où le subjonctif est utilisé comme prévu.

(61) Pierre a rêvé que Marie soit là. (volitif)

1.4.1.2 THÉORIE DE MONDES POSSIBLES

D’un point de vue sémantique, les valeurs de vérité portées par les propositions sont évaluées dans des mondes possibles. Tel que mentionné précédemment, il faut considérer que les propositions peuvent être assertées, c’est-à-dire soit affirmées (P est vraie) ou niées (P n’est pas vraie) (62-64) ou encore présupposées (65, 66), autrement dit, considérées comme acquises faisant partie des connaissances partagées par le locuteur et l’interlocuteur (common ground). De plus, lorsqu’une proposition est présupposée, sa valeur de vérité est constante sous négation ou en présence d’autres opérateurs. En 66, la valeur de vérité de la subordonnée est constante sous négation (Non P = vraie).

Dans la phrase « la fête de Marie est en avril » P = vraie

(62) Il est vrai que la fête de Marie est en avril (P = vraie)

(63) Il n’est pas vrai que la fête de Marie est en avril (Non P = faux) (64) Il n’est pas vrai que la fête de Marie soit en avril (Non P = faux) (65) Il est heureux que la fête de Marie soit en avril (P = vraie)

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Selon Farkas (1992), la vérité dans le monde réel n’est pas un critère adéquat pour la distinction modale indicatif-subjonctif. Selon elle, les valeurs de vérité jouent un rôle central, mais ce qui est réellement en jeu, c’est l’ancrage de cette valeur. Cet ancrage peut être soit extensionnel ou intensionnel selon le prédicat. Les prédicats extensionnels introduisent un monde particulier et régissent l’indicatif (67). Par ailleurs, les prédicats intensionnels introduisent un ensemble de mondes et régissent le subjonctif (68).

(67) Pierre a rêvé / croyait que Marie pouvait voler librement comme un oiseau.

(vrai dans le monde du rêve de Pierre, des mondes fictifs / vrai dans les monde des croyances de Pierre)

(68) Il souhaite que Marie puisse voler librement comme un oiseau.

(vrai seulement dans les mondes compatibles avec les souhaits du sujet de la phrase, Marie peut voler)

Voici une solution possible pour le problème des verbes fictifs irréalis / non-factuel mais régissant l’indicatif. Il ne resterait que les verbes factifs-émotifs réalis / factuel régissant le subjonctif.

Il est important de souligner que l’idée « d’un seul monde » n’est plus considérée correcte. La notion de Monde Possible (MP) est toujours présente, mais il y a toujours une pluralité de mondes et ce pour tous les prédicats. Le sujet est très complexe et les concepts de cette théorie ont été corrigés et précisés par 35 ans de théorisation postérieure, incluant des travaux de Farkas elle-même (Farkas, 2003). Même si le design expérimental de notre recherche ne dépendra pas directement de cette théorie, l’importance de cette théorie et de son évolution a mené à l’élaboration de diverses autres théories comme celles de Giannakidou,

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1.4.2 THÉORIES PRAGMATIQUES

Il y a plusieurs théories pragmatiques qui décrivent la distribution des modes en espagnol. Nous ne présenterons qu’à celle d’assertion / non assertion de Bybee et Terrell (1974), Guitart (1990) et Mejías Bikandi (1994, 1998), et à la théorie de la Pertinence de Sperber et Wilson (1989, 1995).

1.4.4.1 ASSERTION / NON ASSERTION

Selon Bybee et Terrell (1974), lorsque la finalité du locuteur est de présenter une proposition (69) en tant que vraie et qu’il veut que l’interlocuteur la reçoive comme telle, la proposition est une assertion et l’indicatif y est associé dans la mesure où le degré de certitude exprimé par le prédicat de la principale est assez élevé (70-72). Lorsque le prédicat épistémique de la principale est nié, le degré de certitude est affecté et il y a une inversion de la polarité de la proposition. Le subjonctif peut alors être utilisé dans la subordonnée (73).

(69) La fête de Marie est en avril

(70) Je sais que la fête de Marie est en avril (71) Je ne sais pas si la fête de Marie est en avril (72) Pierre croit que la fête de Marie est en avril

(73) Pierre ne croit pas que la fête de Marie soit en avril

Si la proposition n’est pas présentée comme une assertion, elle peut alors être considérée comme acquise par l’interlocuteur faisant partie des connaissances partagées (Common ground, Stalnaker, 1974) et la principale peut être niée sans affecter la valeur de vérité de la subordonnée. Dans ce cas, il s’agit d’une présupposition et avec les verbes factifs d’activité mentale (74, 75), l’indicatif est utilisé tandis qu’avec les verbes évaluatifs ou factifs-émotifs (76, 77), le subjonctif est utilisé.

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(74) Pierre oublie toujours que la fête de Marie est en avril (75) Pierre n’oublie jamais que la fête de Marie est en avril (76) Pierre est content que la fête de Marie soit en avril (77) Pierre n’est pas content que la fête de Marie soit en avril

Les auteurs Bybee et Terrell (1974) ont donné une explication de la distribution des modes dans les propositions subordonnées complétives en espagnol en termes d’assertion sémantique (basée sur les valeurs de vérité). Ces derniers ont proposé une tripartition telle que décrite dans le tableau qui suit.

Tableau 1 : Version abrégée de la proposition selon Bybee et Terrell (1974)

Si la proposition est assertive alors l’indicatif est utilisé. Si la proposition est non assertive, il s’agit soit d’une présupposition et l’indicatif est utilisé avec les verbes d’activité mentale, alors que le subjonctif est utilisé avec les verbes évaluatifs ou factifs-émotifs ; soit la proposition n’est ni une assertion ni une présupposition et dans ces cas le subjonctif est utilisé.

Les groupes de verbes dont les compléments sont sémantiquement présupposés, et par conséquent non assertés, ont représenté un problème puisque la distribution

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évidence que la binarité indicatif-subjonctif ne peut pas se refléter dans la binarité assertion / non-assertion.

Enfin, les verbes de doute, de souhait, de préférence et ceux d’intention, de mandat, d’obligation et de manipulation entraînent une subordonnée de non assertion et de non présupposition (78-81).

(78) Pierre doute que la fête de Marie soit en avril (79) Pierre aimerait que la fête de Marie soit en avril (80) Pierre préfèrerait que la fête de Marie soit en avril (81) Pierre ordonne que la fête de Marie soit en avril

Ces cas mettent en évidence une problématique additionnelle du fait que dans une classification où les choix sont assertion ou non-assertion, ils ne se définissent pas par ce qu’ils sont mais par ce qu’ils ne sont pas. Ceci pose la question sur ce qu’ils sont et surtout comment les traiter quant à la sélection modale.

Par la suite, de nombreuses études (Klein, 1975, Lavandera, 1983, Lunn, 1989) se sont orientées vers une approche pragmatique portant sur des notions telles que la pertinence et l’information ancienne (thématique) / nouvelle (rhématique). Guitart (1990) souligne l’importance de la notion de présupposition pragmatique (ou du locuteur) pour faire la distinction entre les propositions subordonnantes contenant des verbes d’activité mentale, comme « saber / savoir » ou « darse cuenta de / se rendre compte de », et celles contenant des verbes évaluatifs, comme « lamentar / regretter ».

En ce qui concerne la notion d’assertion, Mejias-Bikandi (1994) a proposé une définition pragmatique d’assertion, qui s’opposait à celle utilisée par Terrell et Hooper (1974), et qui tentait d’expliquer l’utilisation du mode indicatif dans les propositions complétives. Cette assertion pragmatique se base sur la notion de l’intention du locuteur. Ainsi, lorsque la finalité du locuteur est de présenter une

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proposition en tant que vraie, factuelle et informative et qu’il veut que l’interlocuteur la reçoive comme telle, alors, la proposition est une assertion pragmatique.

Mejias-Bikandi (1998) propose de retenir l’intention du locuteur lors du choix modal dans les compléments des verbes d’activité mentale et dans ceux des verbes évaluatifs. Il affirme que dans des propositions comportant des verbes d’activité mentale, l’intention du locuteur est d’indiquer que l’information exprimée par le complément est vraie pour le sujet de la proposition subordonnante tandis que, dans les propositions portant des verbes évaluatifs, l’intention du locuteur est d’indiquer la réaction du sujet vers l’information exprimée par le complément. Selon ces travaux, quand une proposition n’est pas une assertion, l’indicatif ne sera pas priorisé à moins que la subordonnée apporte une nouvelle information. Conséquemment, comme nous le voyons dans le Tableau 2, la proposition peut être assertive ou non assertive. Dans le premier cas, l’indicatif est utilisé. Dans le second cas, la proposition est une présupposition ou une non-présupposition. Si la présupposition est informative, l’indicatif est utilisé et si elle est non informative, le subjonctif prend la place. Lorsque la proposition non assertive n’est pas une présupposition, elle peut être un ordre ou ce que nous appelons possibilité et doute, dans ces cas le subjonctif est alors légitimé. Ce groupe sui generis pourrait se justifier de manière intuitive : un locuteur emploierait douter et être peu possible pour signaler un niveau comparable de doute à son interlocuteur. Nonobstant, cela ne veut pas dire que nous pensons que « il est plus que probable » devrait aller avec les verbes qui affirment la vérité de la subordonnée car ceci causerait un problème majeur avec la distribution modale et la théorisation à ce sujet. Nous regroupons possibilité et doute étant donné que dans les classifications traditionnelles le groupe ou classe doute est formé par le verbe douter et ses dérivés ainsi que par les épistémiques affirmatifs (assertifs) niés. Ces derniers, bien qu’acceptant l’indicatif, sont plus enclins au subjonctif. (Borrego et al, 1985).

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Cela étant dit, les propositions peuvent d’une certaine façon être ordonnées dans un continuum allant des assertions jusqu’aux doutes.

Tableau 2 : Révision de la proposition de Bybee et Terrell de 1974

Par ailleurs, Givón (1994) décrit la distribution modale se servant de l’opposition réalis (indicatif) / irréalis (subjonctif). Étant donné l’insuffisance de l’analyse réalis / irréalis, d’autres essais théoriques ont été développés afin de saisir la contribution interprétative des modes indicatif et subjonctif. Il en résulte une liste de prédicats d’attitude propositionnelle légitimant soit l’indicatif, prédicats épistémiques comme « croire» (82) ou « dire », soit le subjonctif, prédicats volitifs et directifs comme « vouloir » (83) ou « ordonner ».

(82) Pedro creía / dijo que María llegaría temprano. Pierre croyait / a dit que Marie arriverait tôt.

(83) Pedro le ordenó / dijo a María que llegara (Subj.) temprano. Pierre a ordonné / dit à Marie d’arriver tôt.

Le cas de « dire » et des verba dicendi ou de communication est intéressant étant donné qu’ils servent à montrer l’effet de l’attitude propositionnelle dans le choix

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modal. Lorsque l’attitude du locuteur est d’informer, ce dernier utilisera l’indicatif après « dire » et il aura recours au subjonctif quand il veut communiquer un ordre. L’indicatif implique un engagement de la part du locuteur par rapport à l’arrivée de Marie (82) alors que cet engagement est absent dans la complétive au subjonctif (83).

De plus, il est intéressant de regarder les variations interlinguistiques de la distribution des modes. Un cas saillant concernant la variation d’une langue à une autre est le verbe italien credere (84) « croire » qui, à la différence d’autres prédicats tels que « dire » (85), prend le subjonctif, alors que l’espagnol et le français prennent l’indicatif (Quer, 2009).

(84) Credo che lei sia/*è stanca. Creo que está/*esté cansada. Je crois qu’elle est/*soit fatiguée.

(85) Dice che lei è/*sia stanca. Dice que está/*esté cansada. Il/elle dit qu’elle est/*soit fatiguée.

Le modèle divergeant en italien a été attribué au fait que dans le continuum des contextes réalistes et non-réalistes où l’indicatif et le subjonctif sont divisés, credere « croire » fait partie des contextes non-réalistes marqué avec le subjonctif. Si le sujet de l’enchâssée est la première personne, le modèle est inversé (86). Il est important de noter que lorsque l’intention de locuteur est celle d’informer, « dire » est situé dans un contexte réaliste faible marqué par l’indicatif comme dans le reste des langues romanes (Giorgi et Pianessi, 1997).

(86) Credo che io sono/*sia stanco. Creo que estoy/*esté cansado. Je crois que je suis/*sois fatigué.

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1.4.4.2 THÉORIE DE LA PERTINENCE

D’un point de vue pragmatique, Sperber et Wilson (1989) favorisent la notion de pertinence dans la communication. Les études qui ont été faites tenant compte de la pertinence décrivent qu’un énoncé doit apporter une nouvelle information à l’interlocuteur et le mode est en lien avec un contenu informatif. Si l’énoncé est informatif, l’indicatif est utilisé, alors que le subjonctif se retrouve dans un énoncé non informatif.

Sperber et Wilson (1995) postulent que les énoncés créent des attentes de pertinence permettant de formuler la procédure de compréhension (Théorie de la Pertinence). Par ailleurs, dans l’énoncé, le sens est exprimé par deux éléments : la représentation ou description de l’état du monde et la modalisation de cet état par le locuteur qui exprime son attitude par rapport à cet état.

Dans les cas où la modalisation se fait à travers une complétive, suivant les travaux de Ahern et Leonetti (2004) concernant l’espagnol ainsi que ceux de Rihs (2016) par rapport au français. Nous pensons que la procédure de compréhension pour une proposition au subjonctif est :

• soit un état de choses non actuel interprété comme une représentation non actuelle

• ou comme une situation factuelle mise en arrière-plan3.

Pour une complétive à l’indicatif, la procédure de compréhension peut être : • soit un état de choses actuel interprété comme une représentation actuelle • ou comme une situation factuelle mise en avant-plan.

Prenons encore les deux cas problématiques, celui des verbes fictifs et celui des factifs émotifs.

3 « Le fait enchâssé à l’indicatif fait l’objet, de la part du locuteur, d’une forme de mise en évidence, qui a tout à voir avec son

caractère manifeste, alors que le fait enchâssé au subjonctif, inversement, ne présente jamais un intérêt cognitif par lui-même, en tant qu’objet manifeste de discours. » Rihs (2016).

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Verbes fictifs comme rêver :

Procédure : l’intention du locuteur est que l’interlocuteur prenne le contenu de la complétive comme un état de choses actuel interprété comme une représentation actuelle ou comme une situation factuelle mise en avant-plan. Actuel et factuel non dans le monde réel, ni dans les mondes du locuteur ni de l’interlocuteur, mais dans le monde du rêve. Dans ce cas « rêver » se comporterait comme un verbe de communication, il s’agirait d’une espèce de discours rapporté.

Verbes factifs émotifs comme regretter :

Procédure : l’intention du locuteur est que l’interlocuteur prenne le contenu de la complétive comme un état de choses actuel interprété comme une situation factuelle mise en arrière-plan

Voici une solution possible pour le problème des verbes fictifs irréalis / non-factuel mais régissant l’indicatif et les verbes factifs-émotifs réalis / factuel régissant le subjonctif.

Une conclusion partielle trouvée dans plusieurs articles est le fait que ni le choix modal, ni l’interprétation ne sont déterminés seulement par les propriétés lexicales du prédicat subordonnant, mais plutôt par leur interaction avec d’autres éléments syntaxiques, sémantiques et pragmatiques.

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CHAPITRE II

CADRE THÉORIQUE : L’ACQUISITION D’UNE L2

Dans ce chapitre, nous allons présenter une caractérisation de différentes hypothèses sur le processus de l’acquisition des L2. Pour ce faire, nous tiendrons compte de la théorie de la Grammaire Universelle ainsi que de la Théorie des Interfaces. Nous allons aussi revoir certaines controverses théoriques concernant le fait que l’acquisition d’une L1 est différente de celle d’une L2, étant donné que l’adulte maîtrise déjà une L1 lorsqu’il commence le processus d’acquisition de la L2 (Hufeisen, 1998 et Cenoz et al. 2001a).

2.1 LA GRAMMAIRE UNIVERSELLE (GU)

Dans ce mémoire, nous travaillons dans le cadre de la Grammaire Universelle. D’après Chomsky (1995), la GU est la capacité biologique innée, guidée par un système computationnel de principes et de paramètres qui cherche à établir les relations entre les formes et les significations à travers la syntaxe. Les humains se servent de ce système lors de l’acquisition de leur L1. À ce propos, Chomsky (1995) avance que les connaissances syntaxiques d'une personne sont modelées à partir de deux mécanismes formels. Il décrit un ensemble fini de principes fondamentaux qui sont communs à toutes les langues et des paramètres qui déterminent les variabilités syntaxiques parmi les langues. Ce cadre est important parce qu’il repose sur le fait que les principes font partie d'une GU innée que tous les humains possèdent génétiquement et qui n'ont pas besoin d'être appris. Par ailleurs, les paramètres pour adopter l'architecture correcte des phrases font partie d’une typologie. Ces derniers sont déclenchés par l'exposition à la langue.

Or, la modalité est une catégorie sémantique universelle qui peut être exprimée de plusieurs manières interlangue et intra langue. Le moyen qui nous intéresse ici est l’espace restreint des variations possibles des modes indicatif et subjonctif de l’espagnol, du français et de l’anglais.

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D’un côté, il y a des hypothèses soutenant que les grammaires des L2 sont contraintes (soit totalement ou partiellement) par les principes universels de la GU, alors que d’autres hypothèses soutiennent que la GU n’y est pas impliquée.

Lors de l’acquisition d’une L2, contrairement à l’acquisition d’une L1, les individus possèdent déjà un système linguistique développé. Ainsi, au moins deux possibilités sont à considérer : soit la L1 est l’état initial, ou bien la GU est l’état initial de ce nouveau processus.

Pour exposer la problématique, nous décrivons six hypothèses divergentes par rapport à l’accès à la GU, lesquelles sont tirées des travaux de White (2000 et 2003), Sauter (2002) et Matthey et Véronique (2004).

Les hypothèses retenues sont :

1. Pas de transfert de L1 / Pas d’accès à la GU :

l’apprenant traiterait l’input de la L2 directement dans le système de la L2 (Clahsen et Muysken, 1986 et Meisel, 1997).

2. Pas de transfert de L1 / Accès total à la GU :

la GU serait le filtre de l’input de la L2, et alors l’input passerait directement par la GU sans recours à la L1 (Platzack, 1996 et Epstein, Flynn, et Martohardjono, 1996).

3. Transfert partiel de la L1 / Pas d’accès à la GU :

la GU ne serait pas disponible, ainsi l’apprenant utiliserait d’abord comme point d’appui sa L1 et il procèderait au transfert partiel des catégories de L1 (Eubank, Bischof, Huffstutler et West, 1997).

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4. Transfert partiel de la L1/ Accès total à la GU :

la GU et la L1 constitueraient deux filtres pour l’input . Autrement dit, l’apprenant aurait accès total à la GU et il procèderait au transfert partiel des catégories de L1. En fait, seules les catégories lexicales seraient disponibles pour l’apprenant adulte au début de l’acquisition de la L2. Les catégories fonctionnelles, quant à elles, devraient être acquises (Eubank, 1994 et 1996). À l’intérieur de cette hypothèse, se trouve la Théorie des Arbres minimaux proposée par Vainikka & Young-Scholten (1996). Cette dernière prédit que l’apprenant ne disposerait, au début de l’acquisition de la L2, que de catégories lexicales et qu’il transfèrerait en L2 les propriétés fonctionnelles liées à ces catégories. Par la suite, son interlangue se développerait par l’acquisition des catégories fonctionnelles propres à la L2 (Vainikka et Young-Scholten’s, 1994, 1996a et 1996b).

5. Transfert total de la L1/Pas d’accès à la GU :

l’apprenant traiterait l’input de la L2 directement dans le système de la L1 (Schachter, 1990, Tsimpli et Roussou, 1991 et Clahsen et Hong, 1995).

6. Transfert total de la L1/Accès total à la GU :

la GU serait toujours disponible, mais l’apprenant utiliserait d’abord comme point d’appui sa L1. Autrement dit, lorsque le recours à la L1 est insuffisant, il aurait accès à la GU (White, 1985b et 1989 et Schwartz et Sprouse 1994, 1996 et 2000).

Dans le cadre de notre mémoire, nous allons tenter de valider la dernière hypothèse c’est-à-dire que la L1 est l’état initial et, dans les zones de divergence entre la L1 et la L2, il y a accès à la GU afin de restructurer l’interlangue (Transfert total de la L1/Accès total à la GU, Schwartz et Sprouse, 1996). Nous privilégions cette théorie parce que certaines études comme celle de Bardou (2013) avec des apprenants slaves et asiatiques montrent notamment la connaissance de catégories absentes dans leur L1, et que la représentation sous-jacente ne serait

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pas le résultat d’une grammaire déficiente ni restreinte aux propriétés de la L1, mais qu’elle serait présente grâce à la disponibilité de la GU. Dans notre étude, nous tentons de déterminer si le même phénomène se retrouve dans le cas du subjonctif dans l’apprentissage de la langue espagnole.

2.2 LES INTERFACES

La maîtrise de certains phénomènes linguistiques requiert des connaissances provenant à la fois de deux modules ou plus de la grammaire. Par exemple, le choix entre l’omission et la réalisation de sujets dans des langues comme l’espagnol ou l’italien, appelées langues à sujet nul, fait appel à des règles provenant de la syntaxe et de la pragmatique. Ces phénomènes, appelés phénomènes d’interface, ont fait l’objet de plusieurs études en acquisition du langage. En contexte d’une L2, l’acquisition de ces phénomènes d’interface est particulièrement complexe et souvent difficile à atteindre (Sorace, 2004; Serratrice, 2005; Borgonovo et al., 2006; Montrul, 2004).

D’ailleurs, certains chercheurs avancent que les phénomènes d’interface se présentent alors dans une « zone vulnérable ». En d’autres termes, leur acquisition en L2 ne se fait qu’avec beaucoup d’efforts, et est parfois impossible (Sorace, 2004; Serratrice, 2005). Pour d’autres chercheurs, les apprenants d’une L2 peuvent surmonter ces difficultés et ainsi construire des grammaires similaires à celles des locuteurs natifs (Borgonovo et al., 2006). De plus, il se peut fort bien que certains types d’interfaces posent davantage problème que d’autres, en particulier les interfaces qui impliquent des modules externes telles que la pragmatique. Cependant, il n’est pas exact de dire que tous les phénomènes d’interface ont le même degré de vulnérabilité à l’acquisition (Borgonovo et al., 2006). Certains auteurs suggèrent en effet que les interfaces causent des ennuis à cause de la complexité computationnelle qui leur est associée, provoquant une importante charge sur la mémoire de travail des apprenants. Lorsque ceux-ci ne peuvent pas

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surgénéralisation et la variabilité entrainent des considérations computationnelles qui forcent naturellement des options structurelles plus économiques (O'Grady et al., 2009).

2.3 L’ACQUISITION DE LA DISTRIBUTION DES MODES

La distribution modale de l’espagnol demeure l’un des problèmes les plus importants lors de l’acquisition de l’espagnol L2. Pour cette raison, de nombreux linguistes et grammairiens ont réalisé de multiples études de constructions syntaxiques concrètes (subordonnées complétives, relatives et adverbiales) en portant une attention spéciale aux valeurs sémantiques et/ou pragmatiques contenues dans la catégorie morphologique du mode. Les interfaces liées au sens s’avèrent particulièrement problématiques lors de l’acquisition des L2 et encore aujourd’hui, la question demeure entière et complexe.

L'acquisition de la distribution modale implique d'autres domaines de la

linguistique comme :

• La morphophonologie : ex. l’échange de la voyelle thématique « e » « a »

• La morphologie : ex. les irrégularités des verbes : « ser – soy – sea » • La sémantique : ex. les valeurs de vérité

• La pragmatique : ex. l’engagement du locuteur envers les valeurs de vérité

Tous ces domaines donnent lieu à des phénomènes d'interface, c’est-à-dire des points de rencontre entre eux et la syntaxe (ex. syntaxe/phonologie, syntaxe/morphologie). De récentes études (Muller & Hulk, 2001; Goad & White, 2004; Borgonovo 2006 ; Mercier, 2011) révèlent notamment que les interfaces entre la syntaxe et d'autres modules de la connaissance linguistique présentent plus d'instabilité développementale que la syntaxe seule.

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Pour aborder l'acquisition des phénomènes d'interface, plusieurs auteurs ont fait appel aux concepts de complexité et de coûts computationnels. La prémisse est que le traitement linguistique se complexifie au fur et à mesure que les connexions nécessaires entre les différents modules de la grammaire deviennent plus complexes. Conséquemment, les coûts computationnels sont plus élevés et l'acquisition est plus vulnérable, difficile, tardive et variable ou instable. Il en va de même pour les distinctions sémantiques. Tout comme l’a rapporté Borgonovo et al. (2006), dans une étude chez les anglophones sur l’acquisition de la distinction modale dans les relatives, c’est au niveau avancé que les apprenants se rapprochent le plus des locuteurs natifs. Comme l’a décrit Charest (2014), l’interface sémantique/pragmatique est plus coûteuse que l’interface syntaxe/sémantique et il faut un niveau très avancé pour pouvoir la gérer.

Les travaux cités plus haut nous ont permis d’énoncer une de nos hypothèses de départ à savoir que les apprenants sont capables d’aller au-delà de leur L1 grâce aux principes universels. Et ceux-ci leur permettent d’acquérir les interfaces de vulnérabilité déjà mentionnées et voire même d’atteindre en L2 des grammaires proches de celles des locuteurs natifs.

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CHAPITRE III

NOTRE ÉTUDE

Malgré les multiples essais des linguistes et des grammairiens pour décrire et prescrire la distribution modale de l’espagnol : les distinctions, l’opposition et surtout l’alternance des modes (choix modal), maîtriser la distribution des modes représente l’un des problèmes majeurs lors de l’acquisition de l’ELÉ.

Plusieurs constructions syntaxiques comportent ces distinctions, à savoir des propositions indépendantes impératives négatives (87), ce que Haverkate (2002) appelle des « propositions que » (88, 89) et des subordonnées adverbiales (90, 91), relatives (92, 93) et complétives (94, 95).

(87) ¡No hagas eso! Ne fais pas cela!

(88) ¡Qué viva la Reina! Vive la Reine!

(89) ¡Que te vaya bien! Bonne journée!

(90) Pedro se irá cuando María llegue

Pierre s’en ira quand Marie arrivera (Sub.). (91) Pedro se fue cuando María llegó

Pierre est parti quand Marie est (Ind.) arrivée.

(92) Pedro busca una asistente que lo ayude con sus transcripciones Pierre cherche une assistante qui l’aidera (Prs. Sub.) avec ses

transcriptions.

(93) Pedro busca a la asistente que lo ayuda (Ind.) con sus transcripciones, se llama María.

Pierre cherche l’assistante qui l’aide avec ses transcriptions, elle s’appelle Marie.

(41)

(94) Pedro quiere que sus estudiantes comprendan las diferencias entre “ser” y “estar” en español.

Pierre veut que ses élèves comprennent (Sub.) les différences entre « ser » et « estar » en espagnol.

(95) Pedro sabe que no es fácil dominar la distribución modal del español.

Pierre sait qu’il n’est (Ind.) pas facile de maîtriser la distribution modale de l’espagnol.

Nous présentons dans ce mémoire une étude portant sur l’acquisition des distinctions modales indicatif-subjonctif en espagnol. Les constructions syntaxiques concrètes dont nous nous servons pour effectuer cette étude sont les propositions complétives où le mode est légitimé lexicalement par plusieurs types de prédicats : soit un verbe (96), un nom (97) ou un adjectif (98). Dans ces contextes, la légitimation d’un mode implique l’agrammaticalité de l’autre.

(96) Je sais que tu connais / *connaisses les enjeux sémantiques et pragmatiques de la distribution modale en espagnol.

(97) La certitude que le subjonctif n’est / *soit pas évident est partagée par les étudiants.

(98) Il est évident que tu vas / *ailles réussir.

La légitimation du mode indicatif par le verbe de la proposition principale (96), par l’adjectif (97) et par le nom (98) implique l’agrammaticalité du mode subjonctif. Dans le même ordre d’idées, la légitimation du mode subjonctif par le verbe de la proposition principale (99), par l’adjectif (100) et par le nom (101) implique l’agrammaticalité du mode indicatif.

(42)

(100) Il est nécessaire que tu réussisses / *réussis. (101) La probabilité qu’il pleuve / *pleut est minime.

Nous travaillons dans le cadre de la linguistique formelle générative. D’une part, nous exposons la distribution modale à partir d’une analyse sémantique nous appuyant sur la Théorie des Mondes Possibles (Farkas, 1992). D’autre part, nous expliquons la distribution modale à partir d’une analyse pragmatique, nous servant de la Théorie de la Pertinence, plus spécifiquement du principe communicatif.

3.1 PRÉDICATS DE NOTRE ÉTUDE

Aux fins de notre étude, des prédicats ont été sélectionnés en fonction de la variété du degré d’engagement qu’ils expriment, c’est-à-dire de l’affirmation, la mitigation et la non affirmation de la valeur de vérité des propositions où l’engagement du locuteur est total, partiel ou absent. Nous avons construit une échelle représentant un continuum d’engagement en tenant compte dans un premier temps de la distinction factif /non-factif présentée par Kiparsky et Kiparsky (1970). Nous avons aussi considéré les travaux de Hooper et Terrell (1974) avec les distinctions assertion/présupposition, de Givón (1994) avec la distinction réalis / irréalis et de Giorgi & Pianessi (1997) avec la source ordonnante des contextes d’évaluation.

Les prédicats de notre étude sont organisés comme il suit : 1) assertions :

a. engagement fort du locuteur i. phrases impersonnelles ii. phrases personnelles b. engagement mitigé du locuteur c. engagement faible du locuteur d. verbes créateurs de mondes

2) non-assertions : a. présuppositions i. informatives ii. non-informatives b. non-présuppositions : i. ordres

(43)
(44)

Dans notre sélection nous avons inclus des prédicats épistémiques (d’assertion et de doute) où se trouve une étendue difficile à préciser dans la zone intermédiaire du continuum du degré d’engagement du locuteur. Nous avons également inclus des prédicats factifs-émotifs qui entrainent des présuppositions et qui exigent le subjonctif (non-informatifs) alors que les prédicats factifs d’activité mentale exigent l’indicatif (informatifs). Finalement, nous avons inclus des prédicats d’ordre pour vérifier si ces derniers sont plus faciles à acquérir que les prédicats épistémiques. Nous voulions observer s’il y avait des différences dans l'acquisition de ces prédicats en relation avec la langue maternelle (L1) des individus et leur niveau de compétence en L2.

Nous pouvons ordonner les prédicats assertifs dans un continuum selon le degré d’engagement du locuteur par rapport à la valeur de vérité de la proposition commençant avec saber (savoir) et continuant avec des affirmations impersonnelles telles que es verdad (il est vrai), es indudable (il est indubitable), es evidente (il est évident) et está clarísimo (il est très claire). Nous continuons avec des affirmations personnelles telles que estar seguro de (être sûr de), asegurar (assurer), apostar a (parier) et afirmar (affirmer) (61-66). Ensuite, au milieu de ce continuum nous trouvons creer (croire), pensar (penser) et parecer (impersonnel - il semble). Et dans la continuité à un dégré moindre nous avons suponer (supposer) et adivinar (deviner). Et tous ceux-ci entrainent l’indicatif à l’exception de suponer (supposer) qui peut entrainer le subjonctif dans certains dialectes. Les assertifs niés (102-112) bien qu’acceptant l’indicatif favorisent le subjonctif. Ce dernier représente un moindre degré d’engagement du locuteur.

(102) Pierre affirme que la fête de Marie est en avril (103) Pierre n’affirme pas que la fête de Marie est en avril (104) Pierre n’affirme pas que la fête de Marie soit en avril (105) Pierre a affirmé que la fête de Marie était en avril (106) Pierre n’a pas affirmé que la fête de Marie était en avril (107) Pierre n’a pas affirmé que la fête de Marie soit/fût en avril

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