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Vivre avec une surdité. Échos de la journée d’étude du 2 avril 2002, organisée par la Faculté de Psychologie & des Sciences de l’Éducation de Strasbourg

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Actes de la journée d’étude du 2 avril 2002, Bulletin d’informations de l’Université Louis Pasteur, numéro 1114, juin 2002. 1 « Vivre avec une surdité »

Bulletin d’informations, numéro 1114, 3 juin 2002, Journal de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg

Vie étudiante

Rubrique : Perspectives pédagogiques et psychologiques

Echos de la journée d’étude du 2 avril 2002, organisée par la Faculté de Psychologie & des Sciences de l’Education de Strasbourg.

Une journée très particulière a permis de réunir des médecins, des enseignants, des psychologues, des étudiants, des éducateurs mais aussi des interprètes, des sourds, des malentendants, des parents d’enfant sourd, etc. Concernés par la surdité, cet « handicap partagé », comme l’exprime Isabelle Durand (psychologue au Maillon Blanc), ils se sont exprimés avec un entrain certain.

Les uns ont présenté le polymorphisme de la surdité (docteur Elliot), les autres ont apporté leur expérience de la langue des signes française (LSF), comme M. Tabaot (Ecole Académique de LSF), de l’« oralisme » comme M. Jeunesse (directeur du Bruckhof), du bilinguisme par M. Haegel (responsable pédagogique du Centre Jacoutot)… Les questions fusèrent de partout : « C’est quoi la LSF ? », « est-ce vraiment une langue ? », « y a-t-il une syntaxe ? », « à quoi sert-elle ? »… Questions où l’ignorance perce à jour ; questions où l’on sent avec quelque peine les préjugés vis-à-vis des sourds et de leur culture. « La LSF a sa syntaxe, sa sémantique, sa pragmatique, et même son accent ; oui, c’est une langue ! », s’écrie le docteur Metz-Lutz dans la salle. Elle est reconnue pour telle depuis dix ans (remarquons qu’elle fut interdite de séjour en France pendant plus d’un siècle ! ». Une maman qui s’exprimait jusque-là avec un discret bruissement de gestes avec sa fille de quatorze ans intervient soudain et déclare : « Ce qui me gêne avec la langue des signes, c’est qu’il n’y a pas d’écrit ! ». Cette question où l’on sent une mère inquiète que son enfant s’exprime magnifiquement en LSF mais avec peine à l’écrit, bouleverse le public.

Le bilinguisme est abordé par Mme Stumm et M. Meykuchel (Centre Jacoutot). Ils nous présentent le LPC, le langage parlé complété, et les différentes façons d’enseigner la LSF et le français aux enfants sourds. Leur objectif est d’adapter le bilinguisme en fonction des possibilités de chaque enfant. « Le bilinguisme ne peut qu’être bénéfique pour tout le monde, affirme M. Haegel, c’est un enrichissement et également une approche vers la tolérance d’idées différentes ».

D’autres remarques soulèvent de fortes réactions, notamment celles des « oralistes », qui pensent qu’apprendre à parler aux sourds est indispensable dans notre société « orale »… Comme quoi, les vieilles croyances (et surtout en ce qui concerne les méthodes pédagogiques », ne sont toujours pas dépassées. On se souviendra de l’incapacité radicale de tous ces éducateurs d’autrefois qui ont tenté d’ « élever » les sourds avec des procédés plus qu’opprimants… Raphaël Bouton, jeune ingénieur sourd, prend la parole : « Tout le monde n’a pas la possibilité d’acquérir le langage oral, la langue des signes a sa place ; il ne s’agit pas de débattre le pour ou le contre, ou de comparer les forces et les faiblesses de la LSF, mais de parvenir à une qualité d’éducation qui permette l’épanouissement individue, quelle que soit la langue exercée, et ce, suivant les particularités et les caractéristiques de la surdité de chacun ». Il est chaudement applaudi parle le public. Chacun a besoin de s’exprimer, la LSF est par excellence un moyen d’expression pour ceux qui n’ont pas d’oreilles ou qui n’ont pas la parole.

L’après-midi, les aspects psychologiques de la surdité sont évoqués : le docteur Bresson (également la mère de l’enfant sourde qui s’exprime avec difficulté à l’écrit – voir ci-dessus), aborde le terme de l’annonce du handicap. Mme Tapiero, psychologue et psychanalyste à Paris, s’exprime sur le sujet de l’accompagnement psychologique. « Actuellement, nous sommes dans un monde où tout le monde doit être pareil. Où est le respect de la différence ? ». Elle s’interroge sur la relation entre la pensée et le langage : « la pensée peut s’exprimer de plusieurs manières ; que ce soit avec les gestes ou la parole, il y a activités langagières, c’est-à-dire un va-et-vient entre la pensée individuelle et celle de l’autre ». Une question surgit dans son discours : « Pourquoi l’écriture, qui est un langage visuel, est-elle si peu accessible et souvent refusée par les personnes sourdes ? ». Question qui met en question l’apprentissage de l’écriture… chez les sourds comme chez les autres d’ailleurs… Il y a un point en effet qui ne fut pas abordé (et qui m’est parvenu ultérieurement par le docteur Metz-Lutz), c’est l’importance du langage oral pour l’apprentissage de l’écrit. L’écrit est la

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Actes de la journée d’étude du 2 avril 2002, Bulletin d’informations de l’Université Louis Pasteur, numéro 1114, juin 2002. 2

transposition de la forme phonologique du langage oral. On sait qu’un trouble de la conscience phonologique du langage oral est à l’origine de la majorité des dyslexies, et ce même chez les entendants qui entendent bien. Et c’est pourquoi selon le docteur Metz-Lutz, l’enseignement bilingue, tel qu’il est pratiqué au Centre Jacoutot est une très bonne méthode pédagogique. L’importance de la communication écrite y est prise en compte ; l’objectif est de donner aux enfants les moyens de s’exprimer dès que possible avec la LSF et d’introduire le LPC, afin de les sensibiliser à la phonologie, qu’ils découvrent par la lecture labiale et le geste.

Mlle Durand, psychologue clinicienne, présente quant à elle l’équipe du Maillon Blanc, qui est à la disposition des patients et des professionnels de santé de l’ensemble des services du CHU (adresse : Hôpital civil de Strasbourg, service de médecine interne A) et qui est spécialisée dans l’accueil, l’écoute et la prise en charge des personnes sourdes et malentendantes. Et enfin, Mme Toscani, psychologue en psychologie clinique et cognitive, elle-même malentendante, développe son étude sur la flexibilité mentale, ainsi que l’élaboration du langage et de l’intelligence chez des enfants sourds et non. Les résultats de son expérience montrent que le développement de certaines capacités cognitives (la catégorisation) ne dépend pas nécessairement de la maîtrise du langage oral. Ceci est une donnée très importante pour souligner l’hypothèse que le langage oral n’est pas inévitablement un support de la pensée (comme on l’a toujours cru jusque-là). Sa conclusion est : « la LSF ne doit pas être utilisée comme une béquille ou une prothèse, mais comme une langue avec sa syntaxe, son histoire et sa sémantique ».

Dans une ambiance cordiale, les personnes présentes furent manifestement ravies de pouvoir participer à cette journée exceptionnelle sur la surdité. Et ce, malgré quelque problèmes acoustiques (les micros fatigués n’ont pas dit leur dernier mot…) et malgré le mince regret qu’a eu Mme Demont (maître de conférences en psychologie du développement et qui a dirigé cette journée d’étude) de ne pas voir un nombre d’étudiants plus encourageant dans l’auditoire… (peut-être, entre autres, parc qu’il n’y a que fort peu d’étudiants sourds ou malentendants parmi eux), nous pouvons chaleureusement la remercier, ainsi que les professeurs qui ont préparé (Mmes Chevalerias, Clément, Louvet, etc.) et ceux qui ont participé (les interfaces, les médecins, le personnel spécialisé, les associations, le public, etc.) à cette ouverture sensible vers une meilleure compréhension du monde de la surdité, à cette première pierre dans la recherche dans ce domaine, à cette rencontre d’om jaillirent des étincelles de lumière et d’espoir. Dix à vingt-cinq pour cent de la population mondiale porte les gènes de la surdité. Nous sommes tous plus ou moins concernés…

Mélanie Hamm, responsable du secteur « handicap » au Bureau de la Vie Etudiante (ULP).

Information : Pour des cours de Langue des Signes Française, des activités culturelles, des sorties et des rencontres avec des sourds et des malentendants, vous pouvez contacter l’Association Socioculturelle des Sourds d’Alsace,17 rue d’Alsace, 67 300 Schiltigheim. Mais : info@cscs67.com

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