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Roger Keil, Suburban Planet. Making the World Urban from the Outside In / Éric Charmes, La revanche des villages. Essai sur la France périurbaine. Hoboken, Wiley, 2017, 256 p. / Paris, Seuil, 2019, 112 p.

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from the Outside In / Éric Charmes, La revanche des

villages. Essai sur la France périurbaine. Hoboken,

Wiley, 2017, 256 p. / Paris, Seuil, 2019, 112 p.

Anne Lambert

To cite this version:

Anne Lambert. Roger Keil, Suburban Planet. Making the World Urban from the Outside In / Éric

Charmes, La revanche des villages. Essai sur la France périurbaine. Hoboken, Wiley, 2017, 256 p. /

Paris, Seuil, 2019, 112 p.. 2019. �hal-02435490�

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25 | 2019

Varia

Recensions

Roger Keil, Suburban Planet.

Making the World Urban from

the Outside In / Éric Charmes,

La revanche des villages. Essai

sur la France périurbaine

Hoboken, Wiley, 2017, 256 p. / Paris, Seuil, 2019, 112 p.

A

L

Référence(s) :

Roger Keil, Suburban Planet. Making the World Urban from the Outside In, Hoboken, Wiley, 2017, 256 p. / Éric Charmes, La revanche des villages. Essai sur la France périurbaine, Paris, Seuil, 2019, 112 p.

Texte intégral

Il y a quantité de livres écrits à propos de Paris, Londres, New York ou Chicago, ces grandes métropoles mondialisées qui incarnent l’accroissement des inégalités et l’approfondissement des processus de ségrégation socio-spatiale dans nos sociétés. Ces analyses sont très importantes pour comprendre la dynamique contemporaine des inégalités liée à la concentration du capital, la production de la marginalité urbaine et de l’exclusion (ghettos, sans domicile et mal-logés, camps de réfugiés notamment). Mais cette littérature focalisée sur les centres urbains et leurs banlieues laisse de côté une grande partie de la réalité des populations qui vivent dans les suburbs et les zones pavillonnaires éloignées, aux marges des grandes villes et des espaces ruraux. C’est à ces territoires périurbains que les livres de Roger Keil, géographe, et d’Éric Charmes, urbaniste, sont consacrés, avec pour point de départ un constat partagé : l’étude des processus d’étalement urbain est sous-théorisée dans les champs académiques français et nord-américain, et partiellement éclipsée par l’omniprésence de la référence aux banlieues pavillonnaires white anglo-saxon

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protestant nord-américaines.

Aux États-Unis et en Europe, ces territoires ont pris leur essor dans les années 1950 avec l’arrivée de l’automobile, la construction de grandes infrastructures autoroutières et le soutien des pouvoirs publics au marché de la maison individuelle. La focalisation des recherches sur la banlieue pavillonnaire nord-américaine et les familles nucléaires de la white middle class a toutefois occulté la diversité des morphologies et des populations vivant dans ces territoires. Depuis les années 1980, une partie de ces territoires a souffert de la désindustrialisation. Au Canada, c’est 40 % de la population pauvre qui vit aujourd’hui dans les banlieues pavillonnaires (contre 20 % dans les années 1970) et la black suburbanization émerge comme une réponse des ménages modestes et/ou racisés à la gentrification des centres-villes. En France, des recherches récentes ont également souligné la diversité sociale et raciale des populations périurbaines et l’impact des politiques de peuplement sur ces territoires (Lambert, 2015). Mais c’est la forte progression du vote frontiste dans les communes périurbaines depuis les élections présidentielles de 2002 qui a contribué à ramener ces territoires dans l’arène politique et médiatique (Rivière, 2013). Le mouvement des Gilets jaunes a également révélé au grand public la diversité sociodémographique des ménages vivant dans ces territoires (Coquard, 2019). Tandis que les symboles du pouvoir économique et politique étaient pris pour cibles lors des manifestations dans les grandes villes, les mobilisations au long cours sur les ronds-points ont donné à voir des ménages aux structures complexes, des familles monoparentales et recomposées, loin du modèle de la famille nucléaire des années 1950.

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Avec son ouvrage programmatique, Roger Keil propose ainsi une analyse des processus qui créent l’étalement urbain à travers le monde et conduisent à la périurbanisation des modes de vie. Le livre est structuré en huit chapitres qui définissent tour à tour le concept de périurbanisation, discutent le champ des suburban studies, explorent les différentes formes historiques et géographiques des espaces périurbains, questionnent leur inclination politique et leur mode de gouvernance. Étayé par des exemples empruntés à différentes régions du monde et aires géographique explorées au cours d’un vaste projet de recherche collectif (2010-2018) soutenu par l’agence canadienne de la recherche (Humanities and Social Sciences Federation of Canada), l’auteur soutient la thèse selon laquelle la périurbanisation est un processus planétaire et protéiforme – qui s’étend des gated communities aux bidonvilles, en passant par les vastes programmes de logements verticaux financés par les gouvernements chinois et turc. La production de ces espaces, spontanée ou organisée, constituerait le futur des villes dans le monde. En effet, avec la forte croissance démographique africaine et chinoise, la majeure partie de la population mondiale ne vivra pas, selon l’auteur, dans des villes conventionnelles mais dans des constellations périurbaines qui sont aujourd’hui en pleine expansion. En outre, en Europe et aux États-Unis, les politiques agressives de développement d’infrastructures (aéroports, autoroutes, etc.) continuent à nourrir l’étalement résidentiel, commercial et industriel des villes.

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Si la perspective transrégionale (invitant à dépasser la segmentation des théories urbaines entre le Nord et le Sud, les pays riches et les pays en développement) et comparative (inventant à dépasser l’approche monographique) est séduisante, tout comme l’appel de l’auteur à consolider (sur le plan théorique plus qu’empirique) le champ des suburban studies, on ne peut que rester dubitatif devant la variété – pour ne pas dire le foisonnement – des objets urbains (trop rapidement) mentionnés et des facteurs qui contribuent à l’accélération du changement urbain. Certes, après la phase de densification urbaine liée à la seconde révolution industrielle, les villes semblent être à un tournant de leur histoire, faisant face à un processus de dissolution de leur centralité et d’étalement spatial. Mais on voit mal comment s’articulent les différents facteurs structurels, politiques et culturels qui contribuent à

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leur dissolution : la forte croissance démographique chinoise, africaine ou indienne ; les dynamiques contemporaines d’accumulation du capital ; l’essor des technologies numériques ; ou encore les politiques urbaines et foncières menées par l’État et les collectivités. La diversité des contextes socio-politiques dans lesquels se développent et s’étendent les territoires périurbains rend difficile, en l’état, l’élaboration d’une théorie générale du fait périurbain.

Le livre d’Éric Charmes apporte, de ce point de vue, un élément de réponse dans le contexte français. Cet ouvrage de synthèse aux accents essayistes invite, comme celui de Roger Keil, à dépasser l’opposition historique entre villes et campagnes, et plaide pour une réhabilitation symbolique et politique des espaces périurbains. Structuré en quatre chapitres, il revient sur la croissance démographique et la morphologie des espaces péricentraux, la question environnementale, le « droit au village », et l’évolution du pouvoir institutionnel des petites communes. En France, de nombreux villages connaissent aujourd’hui des taux de croissance démographique positifs, après le ralentissement des années 1990. Les couronnes périurbaines1 abritent près

du quart de la population française et couvrent un tiers du territoire métropolitain. Mais c’est l’inscription de ces territoires dans les processus de métropolisation à l’œuvre qui apparaît problématique aux yeux de l’auteur, tout comme l’est la tentation croissante de clubbisation (ou fermeture résidentielle) de ces espaces. Sur le plan politique et institutionnel, il faudrait dès lors développer une troisième voie entre la ville dense et le pavillonnaire diffus, en soutenant le « droit au village » des ménages populaires « qui, plus encore que les cadres, rêvent d’une maison à la campagne » (p. 62). Cette transposition du droit à la ville théorisé par Henri Lefebvre au tournant des années 1960, défend le droit des ménages modestes à vivre dans des territoires péricentraux et à y accéder à un cadre de vie agréable en bénéficiant de ressources, de services et d’équipements de qualité.

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À l’appui de sa thèse, l’auteur fait référence à la « vague rose » des années 1980, cette première étape de la périurbanisation française qui a vu s’installer dans les communes périurbaines une partie des nouvelles classes moyennes salariées, liées à la croissance de l’État-providence, proches de la gauche et mobilisées dans l’espace local (Bidou, 1984). Les espaces périurbains étaient alors perçus comme des lieux résidentiels attractifs à proximité des grandes villes, avant d’être assimilés au tournant des années 2000 aux marges périphériques reléguées. Les bourgs et les sous-préfectures étaient dotés de services publics de qualité et incarnaient une certaine centralité, que le tournant de la rationalisation des finances publiques imposé par la loi organique relative aux lois de finances (LOFL) et la loi de modernisation de l’État semblent avoir largement écornés2. Si Roger Keil, avec lequel

il a collaboré et signé plusieurs articles de recherche, en appelle à l’autogestion des banlieues périurbaines – elles doivent prendre en main leur destin en réglant elles-mêmes le problème de l’étalement urbain et en reconstruisant leur centralité –, Éric Charmes s’en démarque en envisageant d’emblée les liens d’interdépendance des espaces périurbains avec les pouvoirs centraux et les métropoles.

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À l’aube d’une crise sociale et environnementale majeure (croissance des inégalités de revenus et de patrimoine, ségrégation croissante dans les grandes métropoles, réchauffement climatique et érosion de la biodiversité), cette thèse apparaît anachronique, et réductrice, pour plusieurs raisons. À court terme, elle semble tout d’abord ignorer les mécanismes qui président à la construction sociale et politique des choix résidentiels des ménages populaires, les systèmes d’aides et de prêts aidés fléchés sur tel type de territoire ou tel segment du marché les orientant largement (Bonvalet et Bringé, 2013). Plus grave, elle semble sous-estimer les effets de la localisation résidentielle sur la mobilité intra- et inter-générationnelle des ménages et les inégalités sociales à long terme. Les enquêtes Emploi (1990-2013) montrent par exemple que la mobilité sociale ascendante, mesurée par la proportion d’individus de père ouvrier ou employé se déclarant cadres et professions

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Bibliographie

intellectuelles supérieures ou professions intermédiaires, fonctionne très différemment selon les départements, principalement en raison des difficultés d’accès au système d’enseignement supérieur dans les territoires péricentraux (Dherbécourt, 2015 ; Chetty et al., 2014). Enfin, la thèse ne résout pas certaines questions fondamentales comme celle du consentement à payer l’impôt des ménages (pour financer et maintenir des équipements et services publics de qualité), ni celle de la soutenabilité environnementale du modèle pavillonnaire (abordée au chapitre 2), dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. Ce dernier est présenté comme moins énergivore et polluant que celui de la grande ville mais des études chiffrées manquent encore sur ce point pour intégrer les différents paramètres de l’habitat périurbain (emprise au sol et artificialisation, réseaux d’adduction et raccordements aux divers réseaux, mobilité pendulaire, etc.).

Des recherches récentes ont ainsi tenté de mesurer l’impact sur les inégalités et la ségrégation socio-spatiale des politiques de soutien à la propriété individuelle (Gobillon, Malbert et Pellet, 2019). En outre, le maintien dans l’emploi salarié apparaît plus difficile pour les femmes que pour les hommes qui emménagent dans les territoires péricentraux en raison des transformations du marché du travail dans les strates les moins qualifiées (essor des horaires atypiques, multiplication des contrats courts, croissance des emplois de service direct aux particuliers et aux entreprises notamment) (Lambert, 2016). La mobilité géographique demandée par les employeurs à leurs employé(e)s peu qualifié(e)s s’accommode ainsi mal de l’immobilité résidentielle auquel le modèle pavillonnaire fondé sur la propriété individuelle du logement destine les individus. Et si la réhabilitation politique et symbolique des espaces périurbains – au nom de la préférence des classes populaires pour la maison individuelle – était finalement une fausse bonne idée, occultant les inégalités lancinantes en matière d’accès à l’emploi et à l’enseignement supérieur, et en matière de mobilité des femmes ?

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En définitive, c’est bien l’analyse relationnelle des territoires qui doit permettre de dépasser la question des gradients d’urbanité pour aboutir à une compréhension globale de la structuration de nos villes, de la densité du bâti, des infrastructures et des populations, de la distribution inégale des groupes sociaux dans l’espace. Pour Roger Keil, l’approche de la périurbanisation doit en effet s’inscrire dans un projet théorique global sur le fait urbain visant à analyser les reconfigurations de la géographie des centres et des périphéries. Mais elle doit aussi s’articuler à l’étude de la « morphologie sociale », c’est-à-dire à l’étude des formes matérielles et spatiales des sociétés, qu’il s’agisse des « mouvements » ou de la « répartition » de la population, des « phénomènes de migrations », des « villes et des campagnes » (Halbwachs, 1940 ; Lenoir, 2004), permettant d’appréhender au plus près l’évolution des formes de la stratification et donc du lien social.

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Bidou, C. (1984), Les aventuriers du quotidien. Essai sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France.

Bonvalet, C. et Bringé, A. (2013), « Les effets de la politique du logement sur l'évolution du taux de propriétaires en France », Revue européenne des sciences sociales, 51, 1, p. 153-177. Chetty, R., Hendren, N., Kline P. et Saez, E. (2014), « Is the United States still a land of opportunity? Recent trends in intergenerational mobility in the United States », American Economic Review, 104, 5, p. 141-147.

Coquard, B., (2019), Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, Paris, La Découverte.

Dherbécourt, C. (2015), La géographie de l’ascenseur social français, Paris, France Stratégie, note d’analyse, 36.

Gobillon, L., Lambert, A. et Pellet, S. (2019), The suburbanization of poverty: Homeownership and spatial inequalities in France, Ined, Document de travail, 250, En ligne :

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Notes

1 Au sens de l’Insee, les couronnes périurbaines sont composées de communes dans lesquelles au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaillent dans un pôle urbain à proximité.

2 En témoigne par exemple la fermeture récente de maternités et hôpitaux, ou encore de gares ferroviaires, dans certaines communes et villes moyennes françaises.

Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Lambert, « Roger Keil, Suburban Planet. Making the World Urban from the Outside In / Éric Charmes, La revanche des villages. Essai sur la France périurbaine », Métropoles [En ligne], 25 | 2019, mis en ligne le 07 janvier 2020, consulté le 09 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/metropoles/7238

Auteur

Anne Lambert

Institut national d’études démographiques, chargée d’étude, responsable de l’unité de recherche LIST (Logement, Inégalités spatiales et Trajectoires)

Droits d’auteur

Métropoles est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution -Pas d'Utilisation Commerciale - -Pas de Modification 4.0 International.

< https://www.ined.fr/fr/publications/editions/document-travail/the-suburbanization-of-poverty-homeownership-policies-and-spatial-inequalities-in-france/> (16 octobre 2019). Halbwachs, M. (1940), Sociologie économique et démographique, Paris, Hermann. Lambert, A. (2015), « Tous propriétaires ! » L’envers du décor pavillonnaire, Paris, Seuil. Lambert, A. (2016), « Échapper à l’enfermement domestique. Travail des femmes et luttes de classement en lotissement pavillonnaire », Actes de la recherche en sciences sociales, 215, p. 56-71.

Lenoir, R. (2004), « Halbwachs : démographie ou morphologie sociale ? », Revue européenne des sciences sociales, 129, p. 199-218.

Rivière, J. (2013), « Des ploucs de droite aux pavillonnaires lepénistes. Sur la construction médiatique du vote des ruraux », Agone, 51, p. 65-83. En ligne : https://www.cairn.info/revue-agone-2013-2-page-65.htm

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