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Les instruments d'une lutte efficace contre la corruption

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Les instruments d’une Lutte Éfficace Contre la

Corruption

Mémoire

Nomen’Anjara Gillucia Rafalimanana

Maîtrise en économique

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

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Résumé

Dans cette étude, nous analysons les instruments d'une lutte ecace contre la corruption aectant l'allocation des marchés publics, dans le contexte d'une démocratie avancée caracté-risée par la présence d'une société civile. Nous développons un modèle de décision impliquant deux types d'agents : une entreprise de travaux publics qui possède une information privée sur le coût réel des matériaux de construction qu'elle utilise et un administrateur public, à la solde de l'État, chargé d'auditer les dépenses de l'entreprise. La corruption dans notre modèle correspond à une surévaluation des coûts réels des travaux publics exercés par la rme. Elle peut être, soit l'÷uvre d'un engagement solitaire de la rme dont l'incitation à la corruption puise dans son avantage informationnel, soit alors l'÷uvre d'une coalition regroupant la rme et l'administrateur, si et seulement si ce dernier gagne à être corruptible. Nous adoptons, à cet eet, une approche en jeu coopératif pour résoudre ce modèle de décision. Cela implique, à priori, la caractérisation des contraintes de participation des agents concernés. Pour l'ad-ministrateur, en particulier, la décision de faire partie de la coalition n'est optimale que si le gain espéré de cette participation est tout au moins aussi grand que le gain espéré de son incorruptibilité. Pour la rme, la participation à la coalition l'oblige à partager son butin avec l'administrateur, ce qui n'est payant que si l'alternative de s'engager toute seule dans le sen-tier de la corruption lui impose un plus grand risque d'échec. Une  solution négociée à la Nash  est donc envisagée an de déterminer le niveau de corruption d'équilibre, ainsi que sa répartition entre les membres de la coalition. La complexité analytique du modèle nous oblige à recourir à des algorithmes pour calculer numériquement cet équilibre. Nous démontrons que, contrairement à la littérature récente qui préconise le renforcement de la société civile comme instrument de lutte contre la corruption, les mesures les plus ecaces de lutte contre la corrup-tion sont celles qui combinent un niveau de qualicacorrup-tion élevé pour l'administrateur avec une modeste prime de détection proportionnelle au niveau des fonds publics détournés par la rme lorsqu'elle agit en solitaire. Un administrateur ayant un niveau de qualication élevé diminue l'incitation de la rme à choisir la stratégie solitaire. Une prime de détection proportionnelle au montant détourné par la rme lorsqu'elle agit en solitaire, incite l'administrateur à choisir l'incorruptibilité. Il en résulte donc un impact plus signicatif sur l'incidence de la corruption.

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Table des matières

Résumé iii

Table des matières v

Liste des gures vii

Introduction 1

1 Revue de la littérature 7

2 Modèle microéconomique de la corruption 11

2.1 Préliminaires . . . 11

2.2 Asymétrie d'information : source de corruption . . . 12

2.3 Capacité administrative . . . 13

2.4 La rme et le choix de la stratégie de corruption . . . 15

3 Jeu coopératif entre la rme et l'administrateur 19 3.1 Contrainte de participation de l'administrateur . . . 20

3.2 Contrainte de participation de la rme . . . 22

3.3 Solution de Nash et enjeux des négociations . . . 25

4 Simulation Numérique 29 4.1 Choix des valeurs de diérents paramètres du modèle . . . 29

4.2 Analyse comparée des eets des mesures anti-corruption sur la règle de par-tage, αF . . . 30

4.3 Analyse comparée des eets de diérentes mesures anti-corruption sur le niveau de corruption, θ1 . . . 33

Conclusion 37

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Liste des gures

2.1 Interactions entre les agents . . . 13

2.2 Arbre de décision de la rme . . . 15

2.3 Arbre de décision de l'administrateur . . . 17

4.1 Part relative optimale, αF, fonction du niveau de qualication de

l'administra-teur, q . . . 31

4.2 Part relative optimale, αF, fonction de prime de détection de l'administrateur, σ 32

4.3 Part relative optimale, αF, fonction de force de société civile, ¯ρ . . . 32

4.4 Niveau de corruption, θ1, fonction du niveau de qualication de

l'administra-teur, q . . . 33

4.5 Niveau de corruption, θ1, fonction de prime de détection de l'administrateur, σ 34

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Introduction

. . . A country that improves its standing on the corruption index, say, 6 to 8 (0 being the most corrupt, 10 the least), will experience a 4 percentage point increase in its investment rate and a 0.5 percentage point increase in its annual GDP growth rate. (Mauro, 1998a)

Tout comme l'humanité a longtemps lutté contre le  cancer  (INTOSAI 2004 et Wolfensohn 1996), contre l' ennemi  (Gruner 1999), contre la  maladie  (Corell 2003), contre les  éaux  (Transparency International, 20051 et Siame 2002), elle a aussi, dans le même

esprit, longtemps lutté contre la corruption. Pourtant, ce éau économique a pris un tournant décisif dans l'histoire du monde contemporain. De nos jours, aucune Nation, aussi bien dans les économies avancées qu'en développement, n'en est épargnée. La lutte contre la corruption devient donc un dé à l'échelle planétaire.

En eet, la corruption a pris une ampleur sans précédent, et est désormais placée au centre des préoccupations internationales. Et pour preuve, des grandes institutions comme le fonds monétaire international (FMI), la Banque Mondiale et bien d'autres2 se trouvent aujourd'hui

impliquées dans cette lutte. Au centre des débats sur la corruption, émerge la question épineuse de savoir quels remèdes proposer pour son élimination. Cette question attire l'attention de nombreux chercheurs en vue d'identier les instruments ecaces pour la lutte contre ce éau. La présente étude s'intéresse notamment aux déterminants de la lutte contre la corruption, et met l'emphase sur les causes de la corruption dans l'allocation des marchés publics, un domaine où cette pratique ne cesse de soulever des vagues politiques dans les démocraties avancées comme la France, l'Italie et le Canada, pour ne citer que celles-là.

Le marché public se dénit comme le lieu où des contrats sont conclus à titre onéreux entre l'État et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre aux besoins de la société en matière d'infrastructures et de services publics3. Bien que les statistiques ne traduisent

qu'imparfaitement la réalité, elles constituent néanmoins des indications utiles à l'égard de

1. Transparency International 2005 Annual Report.

2. Non gouvernementaux et gouvernementaux : l'OCDE, OMC, les organismes non gouvernementales comme Transparency International, Human Right watch et autres

3. voir :

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notre étude. En eet, les marchés publics représentent environ plus de 18% du PIB mondial4

et, selon la recherche permanente de la Banque Mondiale, le coût total de la corruption dans ce domaine est estimé dans les environs de 200 Milliards de dollar par an, soit 3,5% des dépenses d'approvisionnements mondiales5. Il s'agit, du moins selon ces estimations, d'une des

tra-gédies  qui aecte amplement l'allocation des marchés publics et qui mérite en conséquence d'être étudiée en détail.

Par ailleurs, la corruption dans les marchés publics nuit à la société de deux façons diérentes. Premièrement, elle augmente le coût social de la provision des infrastructures publiques et, dans un contexte d'austérité budgétaire, limite la capacité de l'État à doter le pays d'infra-structures nécessaires à l'amélioration du bien-être national. Deuxièmement, puisque les fonds publics investis dans les travaux publics proviennent des contribuables, soit directement à travers l'impôt sur le revenu, soit indirectement à travers des taxes à la consommation, la corruption dans les travaux publics nuit au bien-être des contribuables en réduisant leur pou-voir d'achat, du fait du gaspillage des ressources publiques qu'elle occasionne (Schloss 1998 et Tanzi et Davoodi 1998). C'est ainsi que la croissance économique, et donc la promotion du bien-être social, se trouvent sérieusement mises en jeu par le phénomène de corruption (Hillman 2001). D'où l'importance des questions suivantes : que faut-il faire pour lutter plus ecacement contre la corruption ? Faut-il augmenter le salaire et le niveau de qualication des administrateurs publics ? Faut-il dynamiser la société civile nationale ? Ou encore, et c'est là la principale innovation de notre étude, faut-il privilégier l'octroi des primes de détection de la corruption aux agents administratifs, proportionnelles au montant du détournement des fonds publics ?

Dans la présente étude, nous développons un modèle microéconomique de la corruption dans les marchés publics pour répondre à ces questions. Trois principaux agents sont impliqués dans ce modèle dont, l'État (l'agent inactif) qui ore les marchés publics aux entreprises privées pour la construction des infrastructures publiques telles les ponts, les hôpitaux, les autoroutes, une rme représentative qui exécute les marchés ayant pour objectif de maximiser son chire d'aaire, et un administrateur représentatif, agent de l'État, chargé d'auditer la rme sur les dépenses eectuées.

Les interactions entre ces trois agents se font dans un contexte caractérisé par l'information asymétrique. En eet, la passation de marché se déroule a priori dans un scenario où la rme détient une information privée sur le véritable coût de réalisation des travaux, rendu possible par la volatilité des prix d'achats des matériaux de construction et le contrôle que la rme peut exercer sur les fournisseurs de matériaux de construction dépendamment de sa taille et du pouvoir qu'elle détient sur ce marché. Le rôle de l'administrateur est donc d'inciter la rme

4. OCDE, 2002.

5. Voir à la page web de la Banque mondiale :  six questions on the cost of corruption  avec Daniel Kaufmann

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à révéler le vrai niveau du coût de réalisation des travaux publics.

Toutefois, aucun fonctionnaire n'est a priori incorruptible. Conscient de ce fait, l'État ore un contrat de travail à l'administrateur qui spécie sa rémunération, ainsi que la pénalité pour complicité de corruption. L'une des innovations de cette étude puise dans le fait qu'une partie de la rémunération versée à l'administrateur représente une prime de détection de la corruption. En d'autres termes, cette prime est versée si et seulement si la tentative de corruption est démasquée, et est proportionnel au montant du détournement des fonds publics. Il s'agit donc d'une mesure incitative à l'eort.

Contrairement à la littérature existante, la corruption, dans notre modèle, peut aussi avoir sa source, non dans la corruptibilité de l'administrateur, mais plutôt dans l'incapacité admi-nistrative, par exemple, du fait que l'administrateur a un faible niveau de qualication. Nous présumons donc qu'un administrateur susamment qualié serait capable de détecter la cor-ruption et préfèrerait rester honnête si les incitations reçues sont positives. Lorsque l'incapacité administrative ouvre la porte à des actes de corruption, le dynamisme de la société civile peut s'avérer nécessaire. Dans notre modèle, la société civile est un élément externe à l'adminis-tration, représentant des activistes de la justice sociale (médias et ONGs), et dont le rôle est de veiller à la bonne conduite des aaires publiques impliquant les intérêts de la collectivité. Elle s'active en eet, comme tout individu ou entité non gouvernementale, pour défendre les intérêts de la société pour des raisons d'ordre éthique, politique, ou autres6 Ce rôle s'inscrit

dans le cadre de l'exigence de la transparence dans la gestion des aaires publiques7 qui incite

la société civile, étant victime du mal public, en particulier de la corruption, à surveiller et dénoncer les irrégularités, fraudes ou autres. Ainsi, allons-nous, dans le cadre de cette étude, accorder une importance particulière au mécanisme d'incitations à la corruption entre la rme et l'administrateur. Une autre innovation de notre étude repose en ceci que la corruption peut être soit l'acte d'un agent agissant seul (la rme), soit l'÷uvre d'une coalition impliquant la rme et l'administrateur. La lutte ecace contre la corruption, à notre avis, passe par la reconnaissance de ce fait.

La stratégie adoptée en vue de résoudre notre modèle repose sur une approche en jeu coopératif. Dans notre modèle, la rme est la seule à détenir l'information privée sur le coût réel de l'investissement et est déterminée à l'utiliser à son avantage. Si l'administrateur choisit d'être corruptible, il pourrait être tenté de s'associer à la rme avec laquelle il partagera alors le butin de leurs malversations nancières. A défaut d'une coalition, la rme pourrait agir seule et an de jouir à elle toute seule de la totalité de la rente informationnelle si la corruption n'est pas détectée. Tout dépend ainsi des incitations reçues par l'administrateur et de son choix stratégique qui en résulte. Si l'administrateur choisit d'être incorruptible, il perçoit un salaire auquel s'ajoutera une prime, s'il détecte la corruption. Par contre, s'il choisit d'être

6. Voir web banque mondiale : dénition de la société civile 7. Selon ONG transparency International

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corruptible, il continue à percevoir son salaire ainsi qu'une part du butin si la société civile ne découvre pas l'acte de corruption. L'équilibre dépend de l'action choisie par chaque agent qui maximise ses gains espérés parmi toutes les stratégies possibles. On déterminera d'emblée la contrainte de participation de chaque joueur. Il y aura donc coalition si les contraintes de participation conduisent l'administrateur et la rme à une entente à la fois sur le montant du détournement de fonds publics et sur le partage du butin. Il s'agit d'un jeu de négociation dont la méthode de résolution repose sur l'application de la solution de Nash. Mais, compte tenu de la complexité analytique de la structure du jeu coopératif dans notre modèle, nous avons dû recourir à des simulations numériques pour aller jusqu'au bout des résultats. Cet exercice de simulations permet d'illustrer quantitativement l'importance relative de chacun des instruments potentiels de lutte contre la corruption. Les variables étudiées à cet eet sont notamment la force de la société civile, la qualication de l'administrateur et la prime de détection qui est versée à l'administrateur lorsqu'il arrive à démasquer ce éau.

Les résultats principaux soulignent premièrement que le renforcement de la société civile a un eet négatif sur la corruption, tout comme l'amélioration du niveau de qualication de l'administrateur et l'augmentation de la prime de détection. Mais du point de vue ecacité relative, nos résultats démontrent que dans un milieu où la corruption est initialement élevée, le renforcement de l'action de la société civile a un eet moins que proportionnel sur le niveau de corruption, alors que les deux autres mesures (amélioration du niveau de qualication de l'administrateur et augmentation de la prime de détection) ont des eets plus que propor-tionnels. En d'autres termes, la forte amélioration de la qualité de la société civile diminue de très peu le niveau de corruption, alors que, par exemple, une modeste augmentation de la prime de détection quand elle produit une forte diminution du niveau de corruption. Donc, par rapport à la société civile, la prime de détection jouerait ainsi un rôle très important dans la lutte contre la corruption, dans les sociétés où l'ampleur de ce phénomène est très large. Cette prime, plus que le salaire versé à l'administrateur, accroît le coût d'opportunité de sa participation à la coalition pour la corruption. Elle l'incite à se comporter de manière honnête et stricte vis-à-vis de la rme, dans un contexte où l'enjeu de la corruption est très important pour la rme (exemple, tel que déterminé par la taille du marché public gagné). L'intuition en faveur d'une prime élevée repose sur son aptitude à générer un gain supplémentaire ré-munérant l'administrateur qui choisit d'être incorruptible. En eet, puisque cette prime est proportionnelle au montant des fonds publics détournés par la rme, elle concurrence de ce fait la part du butin que l'administrateur aurait pu obtenir en s'associant à la rme. En élevant cette prime, on aecte plus ecacement la contrainte de participation de l'administrateur, lui conférant ainsi, comme le démontre notre modèle, un plus grand pouvoir de négociation qui pourrait alors étouer l'incitation de la rme à s'engager dans la corruption. En conclu-sion, les résultats de notre étude démontrent que bien que renforcer la vigueur de la société civile (par exemple par l'adoption des lois protégeant les libertés civiles) soit important, pour lutter contre la corruption, il serait plus ecace d'instaurer une prime de détection versée à

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l'administrateur et d'accroître le niveau de qualication de ce dernier.

La suite de notre étude est organisée comme suit. La section 2 présente la revue de la litté-rature. La section 3 ore une description générale de la méthodologie. La section 4 expose une approche en jeu coopératif du schéma de négociation entre l'administrateur corruptible et la rme. L'équilibre qui en résulte conduit à spécier les instruments d'une lutte ecace contre la corruption. La section 5 se consacre à des analyses graphiques illustrant les impacts des diérents instruments sur le niveau optimal de la corruption à l'aide d'une simulation numérique. La dernière section conclut notre étude.

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Chapitre 1

Revue de la littérature

De nombreux auteurs se sont intéressés à l'analyse de la corruption dans le secteur public. La plupart des travaux réalisés sur ce sujet décrivent ce phénomène dans l'intérêt de voir son impact sur la gestion ecace des ressources publiques. Un survol des travaux pertinents sera présenté dans cette partie pour voir ce qui a été réalisé à ce sujet, notre apport sera en même temps proposé an de mieux établir sa contribution. La littérature sur la corruption comprend deux types d'études : celles qui adoptent une approche macroéconomique (e.g., Shapiro et Stiglitz 1984 ; Tanzi 1998) et celles qui adoptent une approche plutôt microéconomique (e.g., UI Haque et Sahay 1996 ; Castonguay 2004)

Au premier rang des articles que nous citons, gure celui de Tanzi (1998) qui analyse la corruption dans son étendue descriptive allant de ses causes, ses impacts et à sa portée, en vue d'en proposer des mesures correctives. Dans ses travaux, le coût de la corruption est traité en tant qu'entrave directe à la croissance économique dans un pays où le gouvernement fait face au dilemme entre faible rémunération et sureectif des salariés publics. En guise de proposition, l'auteur suggère que la lutte contre la corruption est d'autant moins couteuse que les autorités prennent conscience de l'inscrire dans le cadre d'une politique de réforme bien appropriée. Une telle réforme pourrait concerner entre autres l'augmentation de salaire, une thèse tout aussi défendue par de nombreux analystes.

Van Rijckeghem et Weder (2001) soutiennent en eet qu'une augmentation de la rémunération des fonctionnaires est nécessaire pour décourager la pratique de corruption dans les pays à bas revenu. Ils ont procédé à une mise évidence empirique via une étude économétrique qui consiste à traduire la problématique de la hausse des salaires sur la base d'une hypothèse testable. Leurs résultats d'estimation exhibent un impact signicativement négatif du niveau de revenu sur la corruption, et sous-tendent par voie de conséquence, une corrélation négative entre salaire élevé et niveau de la corruption. Cette étude fait aussi échos à celle préalable de Shapiro et Stiglitz (1984) qui eux conditionnent cette élévation de la réelle chance de détection de la corruption. Dans cette perspective, le niveau de salaire indispensable à la baisse signicative de

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la corruption pourrait s'avérer plus exorbitant si la probabilité de détection de la corruption est plus faible. Ce résultat tient du fait que le salaire dans leur étude n'aecte pas la probabilité de détection. Notre étude corrige problème en reliant le salaire de l'administrateur à son niveau de qualication, un déterminant de la probabilité de détection.

UI Haque et Sahay (1996), ont pour leur part, développé un modèle microéconomique montrant l'eet de l'augmentation des salaires dans la fonction publique sur la lutte contre la corruption. Les auteurs admettent la collusion et l'asymétrie d'information comme étant les éléments clés de la source de la corruption. La structure de base de leur modèle est illustrée à l'aide de la gure ci-après.

Figure 1

Cette gure présente un scenario d'interactions entre agents qui conduit à l'occurrence de la corruption en présence des comportements cachés, sous forme d'une entente illicite entre l'inspecteur et l'entrepreneur hors du contrôle du gouvernement. En eet, l'auditeur, qui est supposé incorruptible a priori, a une certaine chance de détecter la corruption dépendamment de son salaire (exogène) et du niveau même de la corruption. La seconde hypothèse suppose que l'inspecteur corruptible s'expose par contre à des pénalités xées par le gouvernement indépendamment de son salaire. L'approche qu'ils ont choisie, consiste ensuite à établir les contraintes de participation des agents, avant de déboucher sur une  solution négociée à la Nash  an de déterminer le niveau de corruption. Ils démontrent que seul l'augmentation du salaire de l'agent incorruptible permet de combattre la corruption. Augmenter le salaire de l'agent corruptible n'a aucun eet sur la corruption. Ce dernier résultat par contre s'obtient dans un contexte où l'inspecteur est supposé avoir une information parfaite sur les agissements de la rme, et ceci, indépendamment de ces compétences.

Castonguay (2004) propose une extension du modèle de Ul Haque et Sahay (1996), basée sur le fait que : (i) aucun fonctionnaire n'est a priori incorruptible ; (ii) les pénalités imposées aux 8

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fonctionnaires corrompus dépendent de leurs niveaux de salaire (exogène). À cette structure institutionnelle, Castonguay (2004) ajoute la société civile, seul entité incorruptible dans leur environnement. La gure ci-après illustre le nouveau scenario d'interactions qui indique : (1) une société civile ; (2) une possibilité d'entente illicite désormais entre auditeur, inspecteur et entrepreneur.

Figure 2

En reprenant l'approche méthodologique d'UI Haque et Sahay, il parvient à la conclusion que l'incitation à la corruption se trouve réduite par la hausse des salaires de tous les fonctionnaires (même s'ils sont corruptibles), du fait que des salaires plus élevés signient aussi des sanctions plus sévères à l'égard des fonctionnaires corrompus en cas de détection. Mais puisque dans le modèle de Castonguay, les salaires n'aectent pas la détection de la corruption, sans la société civile, l'augmentation des salaires risque de s'exposer au problème de l'inecacité mis en exergue par Shapiro et Stiglitz (1984).

Suscitée par la pertinence de cette dernière approche, la présente étude ore une démarche méthodologique proche de Castonguay (2004), appliqué au cas de passation de marché pu-blics mais réduite à un scenario d'interactions entre trois agents seulement. En eet, puisque l'auditeur et l'inspecteur sont tout autant corruptibles, dans notre modèle ces deux entités sont réduite en une seule que nous appelons l'administrateur. Ce dernier sera le seul intermé-diaire entre le gouvernement et la rme. Contrairement à Castonguay (2004), nous incluons (i) l'incapacité administrative comme une cause potentielle de la corruption et (ii) la prime de détection de la corruption comme un nouvel instrument de lutte contre la corruption. Cela permet de rattacher l'augmentation salariale à l'augmentation de la probabilité de détection. Plus formellement, nous supposons que l'aptitude de l'administrateur à découvrir le vrai coût des travaux publics réalisés dépend de sa qualication et de son eort endogène. En d'autres termes, l'endogénisation de l'eort de l'administrateur permet de mieux débattre du rôle des

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sanctions administratives et de l'augmentation du salaire des fonctionnaires chargée de la lutte contre la corruption.

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Chapitre 2

Modèle microéconomique de la

corruption

Ce chapitre présente une description de notre modèle microéconomique de la corruption dans l'allocation des marchés publics. Il existe, dans le modèle, trois acteurs principaux dont l'État, la rme représentative et un administrateur. Nous utiliserons ce modèle pour explorer les moyens de lutte contre la corruption.

2.1 Préliminaires

Par sa vocation de participer amplement à la croissance économique et par souci de bonne gou-vernance, l'État dans la plupart des démocraties avancées s'active généralement pour mettre en place une saine gestion des fonds publics. En général, les fonds publics sont collectés auprès des contribuables directement sous forme d'impôts, ou indirectement sous forme de taxes à la consommation des biens et services. Ces fonds sont par la suite utilisés au ns de nancement des projets socio-économiques dont la construction des infrastructures publiques. Dans notre modèle, l'État attribue les marchés publics auprès des entreprises privées, pour la construction des infrastructures publiques telles les ponts, les hôpitaux, les autoroutes, etc. En premier lieu, l'État lance un avis d'appel d'ore adressé aux rmes privées, puis choisit une (lauréate) qui répond mieux aux exigences et nalement signe un contrat d'exécution de travaux attribués. La rme choisie établit un devis estimatif du coût de réalisation des travaux selon les termes du contrat. Elle procède ensuite à l'achat de matériaux de construction, embauche des travailleurs, lance les travaux et en assure la coordination des tâches jusqu'à l'achèvement des travaux. À la n, la rme constate les dépenses eectuées et dépose une demande de paiement à l'État selon les termes du contrat.

Toutefois, l'attribution des marchés publics se classe parmi les activités de l'État les plus exposées au risque de corruption. L'interaction plus ou moins éloignée (durant la phase de

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réalisation) entre le gouvernement et la rme donne lieu à des possibilités de détournement de fonds publics pouvant compromettre l'avantage social du projet au prot de l'avantage personnel. Ainsi, l'exécution des travaux publics requiert-elle un certain degré de transparence. Mais, ce souci de transparence implique un coût immédiat tel que celui d'engager un agent administrateur. Ce dernier aura la charge d'auditer la rme sur les déclarations des dépenses. Il lui revient de constater les infractions (irrégularités, fraudes. . . ), et, le cas échéant, de les dénoncer.

2.2 Asymétrie d'information : source de corruption

Pour les grands travaux tels que la construction des routes, autoroutes, voies ferrées, bâ-timents publics, etc, la durée d'exécution peut aller jusqu'à plus d'un an. Entre-temps, de fortes uctuations peuvent être observées au niveau des prix notamment des matériaux de construction. Mais l'étendu des uctuations des prix de matériaux n'est observé directement que par la rme. De plus, dépendamment de sa taille, la rme peut exercer un contrôle sur les fournisseurs de matériaux de constructions, auquel cas elle dispose d'un avantage information-nel sur le coût réel des matériaux utilisés. Le véritable coût des travaux demeure ainsi, dans une large mesure, une information privée pour la rme. Cette dernière pourrait en proter pour extraire illégalement une rente informationnelle à l'État. D'où l'important rôle que joue l'administrateur dans la prévention et la détection de la corruption.

Cependant, l'administrateur est corruptible et, au cas où il décide de se faire complice de la corruption, l'État peut se retrouver sans défense contre ce éau, à moins qu'il y ait une société civile active. Par conséquent, en plus de l'État, de l'administrateur et de la rme, nous supposons qu'il y a une société civile dont le niveau d'activité détermine son aptitude à démasquer la collusion entre la rme et l'administrateur lorsqu'elle a lieu.

La Figure 2.1 traduit la structure informationnelle qui gouverne les interactions entre les agents. Les èches montrent la direction de l'information. Les èches en ligne solide indiquent que l'information que l'agent reçoit est parfaite. Par contre les èches en pointillés, indiquent que l'information reçue par l'agent est imparfaite. Donc, les ux observés du côté gauche de la Figure 2.1 décrivent des informations parfaites. Par exemple, en cas de détection d'actes frauduleux, la rme connait le niveau de sanction, βF, que lui imposera l'État. De même,

l'administrateur est parfaitement au courant du règlement qui dénit la sanction en cas de mauvaise conduite (βA), ainsi que du niveau de salaire qui récompense son travail (ωA). Nous

supposons que le salaire de l'administrateur est fonction de son niveau de qualication, q. D'où :

ωA:= ωq (2.1)

où ω est un scalaire positif. Par ailleurs, la rme observe parfaitement l'eort, e, de vérication 12

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Figure 2.1: Interactions entre les agents

de l'administrateur et a aussi une parfaite connaissance niveau de qualication, q, de ce dernier. En d'autres termes, la rme a une parfaite connaissance de la capacité de de détection de l'administrateur.

Les ux observés du côté droit de la Figure 3 décrivent des informations imparfaites du point de vue du receveur. Par exemple, l'administrateur et l'État ont une connaissance imparfaite du niveau du vrai coût, c0, qui pourrait être diérent du niveau de coût déclaré par la Firme,

noté c. Ainsi nous dénissons la corruption comme étant la diérence entre c et c0, notée,

θ. Formellement, le niveau de corruption se dénit comme suit :

θ := c − c0. (2.2)

2.3 Capacité administrative

Dans notre modèle, la capacité administrative de l'État dépend des caractéristiques intrin-sèques de l'administrateur, notamment de son niveau de qualication professionnelle, noté q > 0. Ce niveau de qualication s'associe au niveau d'eort, e, exercé par l'administrateur pour déterminer sa capacité de détection de la corruption. Cette capacité de détection est modélisée sous forme de la probabilité, ρA, que l'administrateur découvre le vrai niveau du

coût des travaux, c0. Cette probabilité dépend donc de son niveau d'eort d'inspection, e, et

de son niveau de qualication, q. C'est cette facette de la modélisation de la lutte contre la corruption qui distingue notre analyse de celle de Castonguay (2004).

Formellement, la probabilité que l'administrateur découvre le véritable coût des travaux réa-lisés par la rme est donnée par :

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Hypothèse 1. ρA≡ ϕA(e, q) :=      0 si q ≤ q ε q − q eγ si autrement (2.3) où e désigne l'eort d'inspection exercé par l'administrateur, q, son niveau de quali-cation, q (une constante), son niveau minimum de qualication requis, ε ∈ (0, 1) et γ ∈ (0, 1).

L'expression dans(2.3) implique que la probabilité que l'administrateur découvre le vrai coût des travaux, c0, croît avec son eort, e, ainsi qu'avec son niveau de qualication, q.

À noter que le gouvernement met à la disposition de l'administrateur les ressources indispen-sables à la réalisation de ses tâches d'inspection. Comme indiqué dans la Figure 2.1, l'État n'observe toutefois pas l'eort, e, que l'administrateur déploie pour accomplir sa tâche. Par exemple, l'État ignore s'il passe plus de temps en dehors de son lieu de travail. L'État mise donc sur l'honnêteté de l'agent à transmettre les bonnes informations. Hors, cette honnêteté ne peut être garantie par les termes du contrat de travail. D'où l'importance du rôle de la société civile.

L'action de la société civile permettra de se rendre compte de l'éventuel comportement corrup-tible de l'administrateur. Ainsi, la capacité de la société civile à exercer librement ses fonctions y joue-t-elle un rôle central. Toutefois, elle ne peut détecter qu'avec incertitude la corruption vu l'imperfection des informations à sa disposition autant sur la rme que sur l'administrateur. Donc, on suppose que lorsqu'il y a formation d'une coalition entre la rme et l'administrateur pour le détournement des fonds publics, cette coalition sera détectée par la société civile avec une probabilité, ρg :

Hypothèse 2.

ρg = ¯ρθ ≡ % (θ) (2.4)

avec ¯ρ ∈ (0, 1).

Cette probabilité possède la propriété suivante : % (0) = 0.

En d'autres termes, il n'y a pas détection sans corruption. Bref, l'asymétrie d'information ore donc la possibilité à la rme d'exploiter son information privée sur le coût et donc d'aller chercher une rente informationnelle illégale. Étant donné la capacité administrative telle que déterminée par ρA et ρg, la rme doit décider si elle s'engage seule dans le sentier de la

corruption, ou si elle le fait avec la complicité de l'administrateur. 14

(23)

2.4 La rme et le choix de la stratégie de corruption

Dans notre modèle, la rme est toujours corrompu, du fait qu'elle possède une information privée. La rme pourrait agir de deux façons : soit s'engager seule (x = 0), soit s'associer à l'administrateur pour former une coalition pour la corruption (x = 1), bien évidemment, si ce dernier accepte d'être corrompu. Autrement dit, les possibilités stratégiques de la rme se présentent comme suit :

x = (

0 si elle s'engage seule

1 si elle s'associe à l'administrateur .

La Figure 2.2 ci-dessous décrit l'arbre de décision de la rme représentant toutes les options stratégiques de la rme et leur rétribution ou payos.

Figure 2.2: Arbre de décision de la rme

Avec :

AF = c0+ θ0 (2.5)

BF = (1 − ρg) (c0+ αFθ1) + (1 − βF) c0ρg (2.6)

CF = (1 − βF) c0. (2.7)

Ainsi, par exemple, si la rme choisit l'action (x = 0), elle réalisera la recette c0 à laquelle

s'ajoutera la rente, θ0, issue de la corruption. Mais en jouant cette stratégie, la rme s'expose

à deux risques. Premièrement, avec une probabilité, ρA, l'administrateur détecte la corruption,

(24)

si l'administrateur n'arrive pas à détecter la corruption, avec une probabilité, ρg, la société

civile le fera, auquel cas la rme est encore punie. Ignorant a priori si elle échappera ou non à la détection par la société civile, la rme reçoit alors un gain espéré AF, si elle échappe à la

détection de l'administrateur, et CF, sinon.

La rme peut décider aussi de jouer la stratégie (x = 1) qui consiste à s'associer avec l'ad-ministrateur pour diminuer les risques de détection. En eet, si la rme et l'adl'ad-ministrateur coopèrent et que leur coalition n'est pas dénoncée, la rme devra céder une part, (1 − αF)θ1

(x = 1) à l'administrateur et garderait le reste qui est αFθ1, avec αF ∈ (0, 1). Par

consé-quent, la coopération entraîne un coût à la rme qui doit maintenant partager son butin avec l'administrateur, selon la règle endogène αF.

2.4.1 L'administrateur et l'enjeu de sa participation à la corruption

L'administrateur fait face à un choix important : soit il est honnête et exécute loyalement son travail d'inspection et d'audition des comptes de la rme(a = 0), soit alors il devient corrompu (a = 1), en s'engageant dans une coalition pour le détournement des fonds publics en tant que complice de la rme. A ce niveau, si les termes du contrat de travail d'inspection ne sont pas en mesure de lui imposer le choix d'être honnête, il pourrait donc être tenté de se rallier avec la rme au détriment de l'État.

Donc les choix stratégiques possibles de l'administrateur apparaissent comme suit :

a = (

0 si honnête 1 si corruptible.

La Figure2.3décrit alors l'arbre de décision de l'administrateur qui à tout choix stratégique a ∈ {0, 1}associe une rétribution (payo) nancière.

Si l'administrateur choisit d'être honnête, mais ne réussit pas à détecter la corruption, sa rétribution sera ωA. En cas de détection, cette rétribution se verra majorée d'une prime de

détection, σθ0, où σ ∈ (0, 1) désigne la part relative du butin qui sera versé par l'État à

l'administrateur, en prime :

CA= ωA+ σθ0. (2.8)

Si l'administrateur choisit plutôt d'être corrompu (a = 1), il recevra une part du butin, αAθ1,

en s'alliant avec la rme à condition que leur entente ne soit pas dénoncée. Toutefois, avec une probabilité, ρg, cette coalition peut être détectée et dénoncée aux autorités publiques,

auquel cas l'administrateur sera puni du montant de βAωA, avec βA∈ (0, 1), pour s'être joint

volontairement à une coalition pour le détournement des deniers publics. Ainsi, sa rétribution espérée pour cette stratégie est :

AA= (1 − ρg) (ωA+ αAθ1) + (1 − βA) ωAρg. (2.9)

(25)

Figure 2.3: Arbre de décision de l'administrateur

Dans le cas où l'alliance passe inaperçue, il semble alors évident, qu'en choisissant une entente avec la rme, l'administrateur pourrait se contenter de déployer un niveau d'eort minimal, voir nul, an de maximiser son gain. Notons ici que l'introduction de la prime de détection, σθ0, élève l'enjeu de la participation de l'administrateur à corruption. En fait, plus σθ0 est

(26)
(27)

Chapitre 3

Jeu coopératif entre la rme et

l'administrateur

Pour mieux combattre la corruption, l'État se doit d'anticiper toutes les formes stratégiques que peut prendre ce éau. En eet, la corruption peut prendre racine dans l'incapacité ad-ministrative qui pousserait la rme à passer outre l'administrateur jugé incompétent pour s'engager seule dans les malversations nancières. Recruter des administrateurs compétents devient alors une nécessité pour l'État. Cependant, même en présence d'une forte capacité administrative, la corruption peut aussi s'engrener dans la corruptibilité des administrateurs qui deviendraient ainsi des complices des rmes dans la réalisation des malversations nan-cières. L'État se doit donc de mettre en place des mesures pour désengrener cette forme de corruption. Comme dans notre modèle l'administrateur est corruptible, l'État a un objectif clair : recruter un administrateur compétent et le dissuader à s'associer à la rme pour l'aider à réaliser des malversations nancières.

Dans ce chapritre, nous allons discuter des enjeux de la coopération entre la rme et l'ad-ministrateur pour le détournement des fonds publics. Selon les arbres de décisions présentés ci-haut, une coopération entre la rme et l'agent leur permet de se partager les fonds illéga-lement détournés. Pour les deux agents, il y a un enjeu à la coopération, représenté par les gains espérés. Ainsi, les principes du jeu coopératif supposent que chaque agent évalue son gain espéré à coopérer ou à ne pas coopérer. De ce fait, il est ainsi clair qu'aucun agent n'aura incitation à coopérer avec un autre si sa contrainte de participation n'est pas satisfaite. Dans ce qui suit, nous décrivons la contrainte de participation de chacun des deux agents concernés, soit l'administrateur et la rme.

(28)

3.1 Contrainte de participation de l'administrateur

On suppose que les deux agents sont neutres vis-à-vis du risque. Le comportement honnête de l'administrateur donne un revenu supplémentaire (prime), s'il détecte la corruption. Alter-nativement, s'il s'associe à la rme, il recevra le revenu de corruption en sur-plus, à condition que la corruption ne soit pas découverte par la société civile. Il doit donc décider s'il reste honnête (a = 0) ou s'il devient corruptible (a = 1).

Soit VA(a, e), la rétribution associée à la décision a ∈ {0, 1}, où e désigne l'eort de détection

de l'administrateur. En se servant de l'arbre de décision à la Figure 3 ci-dessus, on obtient l'expression de cette fonction de rétribution comme suit :

VA(a, e) =     

(ωA+ σθ0) ϕA(e, q) +1 − ϕA(e, q) ωA− δe si a = 0

(1 − βA) % (θ1) ωA+ [1 − % (θ1)] [ωA+ (1 − αF) θ1] − δe si a = 1

(3.1) où δ est un paramètre positif qui désigne la désutilité de l'eort chez l'administrateur. Supposons maintenant que l'administrateur décide d'être honnête (a = 0). Son gain espéré tiré de l'expression (3.1) peut donc être réécrit comme suit après réduction des termes semblables : VA(0, e) := σθ0ϕA(e, q) + ωA− δe, (3.2)

où θ0 désigne le niveau de corruption choisi par la rme lorsqu'elle décide de s'engager seule

dans la voie de la corruption. À ce niveau, le problème de l'administrateur devient essentiel-lement celui de choisir son niveau optimal d'eort, étant donné qu'il a choisi d'être honnête. En d'autres termes, l'administrateur doit trouver une solution au problème suivant :

max

e V

A(0, e).

La solution intérieure de ce problème standard se présente comme suit : e∗ = σθ0ε q − q



δ

!1−γ1

. (3.3)

Une simple inspection de l'expression (3.3) permet de déduire que si l'administrateur soup-çonne que la rme se livrera à un niveau élevé de corruption (c'est-à-dire θ0 élevé), alors plus

élevé sera son eort de détection. De la même façon, son eort augmente avec son niveau de qualication, q, ainsi que sa prime de détection telle que mesurée par σ.

Par la suite, en combinant l'expression (2.3) avec (3.3), on peut réécrire le niveau optimal de la probabilité de détection de l'administrateur, ρA, de la façon suivante :

ˆ

ϕA(θ0, q) = f (q, σ) (θ0)

γ

1−γ. (3.4)

(29)

où f (q, σ) := h ε q − q γσ δ γi1−γ1

De la même façon que ci-dessus, on peut, en eet, voir à partir de l'expression (3.4) qu'un administrateur plus qualié aura plus de facilité à mener bien ses travaux d'inspection et aura plus de chance de découvrir ce que la rme a réellement dépensé. D'autre part, plus élevé est le niveau de corruption soupçonné, plus élevé sera le risque de sa détection par l'administrateur. À noter aussi que l'absence de corruption (θ0 = 0), doit impliquer une probabilité nulle de

détection ˆϕA(0, q) = 0. Enn, l'augmentation de la désutilité, δ, diminue la probabilité de détection, ˆϕA

0, q), car elle décourage l'eort de l'administrateur.

En remplaçant e par sa valeur dans l'expression (3.3) et en réarrangeant les termes, on obtient une nouvelle expression de la rétribution associée à décision a = 0, et notée ¯VA(0, q, σ, θ0) ≡

VA(0, e∗), de la façon suivante : ¯ VA(0, q, σ, θ0) = ωq + [σf (q, σ) − δh (q, σ)] (θ0) 1 1−γ , (3.5) où : h (q, σ) := σε q − q  δ ! 1 1−γ .

L'expression(3.5) n'est cependant pas à son niveau d'équilibre, car la décision de l'adminis-trateur d'être honnête a un impact sur le choix, par la rme, de son niveau de corruption, θ0.

Le niveau d'équilibre de ¯VA(0, q, σ, θ0)est atteint en remplaçant θ0 par son niveau optimal tel

que déterminé par la rme. Nous reviendrons sur ce problème plus bas.

Supposons maintenant que l'administrateur décide de choisir l'action a = 1 et donc qu'il va coopérer avec la rme pour détourner les fonds publics. En faisant usage de l'expression (3.1), on peut réécrire le gain espéré de ce choix stratégique comme suit :

VA(1, e) := (1 − βA) % (θ1) ωA+ [1 − % (θ1)] [ωA+ (1 − αF) θ1] − δe. (3.6)

De la même façon que ci-dessus, le problème de l'administrateur est de choisir son niveau optimal d'eort, étant donné qu'il a choisi de coopérer avec la rme pour le détournement des fonds publics. En eet, il doit trouver une solution au problème suivant :

max

e V

A(1, e) .

Or, d'après une simple analyse de l'expression (3.6), on note que la fonction VA(1, .) est

strictement décroissante en e. Ceci signie que l'eort optimal que choisira l'administrateur dans ce cas est :

e∗1 = arg max

e V

(30)

Nous pouvons donc utiliser ce fait ainsi que l'expression (3.6) pour exprimer le gain espéré optimal de l'administrateur lorsqu'il joue la stratégie a = 1 comme suit :

¯

VA(1, q, ¯ρ, θ1) := (1 − βA) % (θ1) qω + [1 − % (θ1)] [qω + (1 − αF) θ1] . (3.7)

Nous reviendrons plus tard à notre discussion des conditions nécessaires et susantes pour que l'Administrateur gagne à être corrompu, après avoir déterminé le choix optimal de la rme quant au niveau de corruption, θ0.

3.2 Contrainte de participation de la rme

La rme, comme nous l'avons dit plus haut, dispose d'un avantage informationnel sur les autres agents. Elle peut aller chercher un gain supplémentaire en exploitant cet avantage. Pour ce faire, la rme a le choix entre deux stratégies d'action : soit elle agit seule (x = 0), auquel cas, elle fera face à une double barrière institutionnelle, soit elle coopère avec l'administrateur (x = 1), auquel cas elle devra partager son butin avec ce dernier.

Si on suppose que, tout comme l'administrateur, la rme est neutre vis-à-vis du risque, son gain espéré de la corruption, tel que tiré de son arbre de décision à la Figure 2 ci-dessus s'écrit comme suit : VF(x, θx) =      1 − ˆϕA(θ0, q) (c0+ θ0) + ˆϕA(θ0, q) (1 − βF) c0 si x = 0 c0(1 − βF) % (θ1) + [1 − % (θ1)] (c0+ αFθ1) si x = 1 (3.8) où θ0 désigne le niveau de corruption réalisé lorsque la rme s'engage seule et θ1, le niveau

réalisé lorsqu'elle s'associe avec l'administrateur.

Considérons premièrement le gain espéré associé à la stratégie x = 0 dans l'expression (3.8) ci-dessus, soit VF(0, θ

0). Il est clair de par sa structure que le niveau de ce gain espéré est inuencé

par le choix optimal du niveau de corruption, θ0, la prime, σ donné par le gouvernement ainsi

que le niveau de qualication, q, de l'administrateur.

VF(0, θ0) = c0+ θ0− (βFc0+ θ0) ˆϕA(θ0, q) , (3.9)

où ˆϕA(θ0, q)est déni comme en (3.4).

La fonction VF(0, θ

0) est strictement concave en θ0.

Preuve.Il sut de prendre la dérivée partielle seconde de la fonction VF (0, .)par rapport à

θ0. CQFD

(31)

Par la suite, le problème de la rme est de choisir le niveau optimal de corruption, θ0, étant

donné qu'elle a décidé de ne pas coopérer avec l'administrateur pour le détournement des fonds publics. Le niveau optimal de corruption (ou détournement des fonds publics) qu'elle choisira est solution au problème de maximisation suivant :

max

θ0

VF(0, θ0).

La condition de premier ordre de la maximisation est comme suit : ∂VF(0, θ0) ∂θ0 = 1 − 1 1 − γf (q, σ) h (θ0) γ 1−γ + γβFc00) 2γ−1 1−γ i

Par souci de simplicité, nous appliquons la formule de Taylor pour obtenir une linéarisation des expressions θ 2γ−1 1−γ 0 et θ γ 1−γ

0 comme fonction de θ0 au voisinage de θ0 = 1 :

Ainsi peut-on transformer la condition de premier ordre ci-dessus comme suit : 1 − 1 1 − γf (q, σ) [A + Bθ0] = 0 Avec : A = 1 − 2γ 1 − γ + (2 − 3γ) γβFc0 1 − γ B = (2γ − 1) γβFc0 1 − γ + γ 1 − γ D'où le niveau optimal de ˆθ0 est :

ˆ θ0 = 1 −1−γ1 f (q, σ) A 1 1−γf (q, σ) B . (3.10)

En d'autres termes, le niveau de qualication de l'administrateur, q, et le niveau de la prime de détection, σ, ont chacun un eet négatif sur le niveau de corruption, en absence de coopération entre l'administrateur et la rme.

En remplaçant θ0 par sa valeur ( ˆθ0) dans (3.4) et (3.9), et en réarrangeant les termes, nous

trouvons une nouvelle expression pour ˆϕA(θ0, q)et ˆVF(0, θ0) respectivement comme suit :

ˆ ϕA∗ = f (q, σ) (h(q, σ)) γ 1−γ ˆ VF(0, q, σ) = c0+ gF(q, σ) (3.11)

(32)

où gF(q, σ) := 1 −1−γ1 f (q, σ) A 1 1−γB  1 f (q, σ) + (g(q, σ)) γ 1−γ  −βFc0f (q, σ) (h(q, σ)) γ 1−γ 

Considérons, enn, le gain espéré associé à la stratégie x = 1. Dans ce cas, la fonction de rétribution ou gain net espéré de la rme s'écrit comme suit :

VF(1, θ1). = c0(1 − βF) % (θ1) + [1 − % (θ1)] (c0+ αFθ1) , (3.12)

où θ1désigne le niveau de corruption réalisé par l'association de l'administrateur avec la rme.

Il est clair que le niveau de ce gain espéré est inuencé par la probabilité de détection par la société civile, ρg = % (θ1). Ainsi, de la même manière que ci-dessus, en faisant usage des

expressions (2.4) et (3.12), peut-on réécrire ce gain espéré, VF(1, .)comme suit :

VF(1, θ1) = c0+ (1 − ¯ρθ1) αFθ1− ¯ρc0βFθ1. (3.13)

On note donc par inspection que la fonction VF(1, θ

1) est strictement concave en θ1.

Maintenant, considérons les (3.11) et (3.13) ci-dessus. Si le choix coopératif du niveau de θ1

est tel que VF(1, θ

1) ≥ ˆVF(0, q, σ), la rme acceptera de coopérer avec l'administrateur, avec

qui elle partagera le butin, en cas de succès, et les sanctions, en cas de défaite.

En termes de critère de décision, la rme aura donc intérêt à coopérer avec l'administrateur si et seulement si :

VF(1, θ1) − ˆVF(0, q, σ) ≥ 0. (3.14)

L'expression (3.14) désigne la contrainte de participation de la rme. Toute violation de cette contrainte entraînera la rupture des négociations entre la rme et l'administrateur. La rme prendra donc sa décision en anticipant l'eet que cette décision aura sur le processus de négociation avec l'administrateur.

Maintenant que nous avons caractérisé la contrainte de participation de la rme, nous pou-vons revenir au gain espéré de l'administrateur VA(0, .) déni dans (3.5). En y substituant

l'expression (3.10), on obtient : ˆ VA(0, q, ω) = ωq + gA(q, σ) (3.15) où gA(q, σ) := [σf (q, σ) − δh (q, σ)] 1 − 1 1−γf (q, σ) A 1 1−γf (q, σ) B !1−γ1

On peut ainsi reprendre nalement, notre discussion des conditions nécessaires et susantes pour que l'administrateur gagne à coopérer avec la rme. En eet, l'administrateur choisira 24

(33)

de coopérer avec la rme pour le détournement des fonds publics (c'est-à-dire il choisira de jouer la stratégie (a = 1), si et seulement si le gain espéré à jouer cette stratégie (tel que déni dans l'expression (3.7)) est au moins égal au gain espéré à jouer la stratégie alternative, a = 0 (tel que déni par l'expression (3.15)). En d'autres termes, l'administrateur jouera la stratégie a = 1si et seulement si le choix coopératif du niveau de θ1 est tel que :

¯

VA(1, q, θ1, ¯ρ) − ˆVA(0, q, ω) ≥ 0. (3.16)

Il jouera plutôt la stratégie a = 0, si et seulement si le contraire est vrai. L'expression (3.16) est donc la contrainte de participation de l'administrateur aux négociations qui détermineront le niveau de corruption dans l'exécution des travaux publics.

3.3 Solution de Nash et enjeux des négociations

La formation d'une coalition pour la corruption implique des négociations entre les parties prenantes à la coalition. Dans ce contexte, la rme et l'administrateur doivent négocier sur deux fronts an de former une coalition viable. Ils doivent décider du montant des fonds publics à détourner, θ1. Mais ils doivent aussi s'entendre sur le partage du fruit de leur corruption

ou butin. En d'autres termes ils doivent déterminer les parts relatives αF et 1 − αF. Ce type

de problème de coopération entre les deux agents correspond au problème de négociation à la Nash entre deux joueurs, dont la solution est donnée par la résolution du problème suivant :

max (αF,θ1) Π (αF, θ1) (3.17) où Π (αF, θ1) := h VF(1, θ1) − ˆVF(0, q, σ)i h ¯VA(1, q, θ1, ¯ρ) − ˆVA(0, q, ω) i

désigne la fonction-objectif. Le problème (3.17) est appelé solution de Nash. Quand la solution à ce problème de maximisation existe, cela implique qu'il y a une solution coopérative aux négociations, dans ce sens que les joueurs ont réussi à s'entendre pour coopérer.

Mais avant de procéder à la résolution de ce problème, il convient au préalable d'analyser les principaux obstacles aux négociations en indiquant leur source. Pour ce faire, nous commen-çons par réexaminer la structure de la fonction-objectif, Π (αF, θ1).

En remplaçant VF(1, θ

1), ˆVF(0, q, σ), ˆVA(0, q, ω)et ¯VA(1, q, θ1, ¯ρ)par leurs valeurs

respec-tives, on peut réécrire cette fonction-objectif comme suit :

(34)

où :

ΦF(αF, θ1) := (αF − ¯ρβFc0) θ1− αFρ (θ¯ 1)2+ gF(σ, q) ≥ 0 (3.19)

ΦA(αF, θ1) := [(1 − αF) − βAρqω] θ¯ 1− (1 − αF) ¯ρ (θ1)2+ gA(σ, q) ≥ 0 (3.20)

Par souci de simplicité, nous appliquons la formule de Taylor pour obtenir une linéarisation des expressions ΦF(αF, θ1) et ΦA(αF, θ1)comme fonction de θ1 au voisinage de θ1= 1 :

ΦF(αF, θ1) ≈ ξF(αF, ¯ρ) θ1+ αFρ + g¯ F(σ, q) (3.21)

ΦA(αF, θ1) ≈ ξA(αF, ¯ρ, q, ω) θ1+ (1 − αF) ¯ρ + gA(σ, q) (3.22)

ξF (αF, ¯ρ) := αF(1 − 2 ¯ρ) − ¯ρβFc0 (3.23)

ξA(αF, ¯ρ, q, ω) := (1 − αF) (1 − 2 ¯ρ) − ¯ρβAωq. (3.24)

On peut donc réécrire la fonction-objectif de la solution Nash comme suit :

Π (αF, θ1) = [ξF(αF, ¯ρ) θ1+ αFρ + g¯ F(σ, q)] [ξA(αF, ¯ρ, q, ω) θ1+ (1 − αF) ¯ρ + gA(σ, q)]

Les conditions de premier ordre pour la maximisation de Π (αF, θ1) par le choix du couple

(αF, θ1) les suivantes : ∂Π (αF, θ1) ∂αF = [(1 − 2 ¯ρ) θ1+ ¯ρ] [ΦA(αF, θ1) − ΦF(αF, θ1)] = 0 (3.25) ∂Π (αF, θ1) ∂θ1 = ξF(αF, ¯ρ) ΦA(αF, θ1) + ΦF(αF, θ1)ξA(αF, ¯ρ, q, ω) = 0 (3.26)

Pour que la condition

∂Π (αF, θ1)

∂θ1

= 0 soit bien dénie, il faut qu'on ait soit

(i) ΦA(αF, θ1) ≥ 0

(ii) ΦF(αF, θ1) ≥ 0

(iii) ξF (αF, ¯ρ) < 0 et ξA(αF, ¯ρ, q, ω) > 0

(35)

En eet, les conditions (3.25) et (3.26) sont nécessaires et susantes pour un maximum si et seulement si ∂2Π (αF, θ1) ∂αF∂αF = −2 [(1 − 2 ¯ρ) θ1+ ¯ρ]2 < 0 (3.27) ∂2Π (αF, θ1) ∂θ1∂θ1 = 2ξF(αF, ¯ρ) ξA(αF, ¯ρ, q, ω) < 0. (3.28)

La condition (3.27) est clairement satisfaite. Par contre, la condition (3.28) est ambiguë. Par conséquent, pour la simulation numérique, les valeurs du couple (αF, θ1) qui annulent

le système d'équations représentant les conditions de premier ordre doivent aussi satisfaire simultanément l'inégalité suivante :

2 [αF (1 − 2 ¯ρ) − ¯ρβFc0] [(1 − αF) (1 − 2 ¯ρ) − ¯ρβA.] < 0. (3.29)

Nous rappelons les principaux résultats des travaux d'UI haque et Sahay (1996) qui concluent que l'augmentation du salaire permet à lui seul de dissuader la pratique de corruption dans des aaires publiques. Castonguay (2004) ajoute cependant que le renforcement de la société civile y joue également un rôle important. Au-delà de ces facteurs, nous avons déni, dans notre modèle, les conditions d'incitations permettant à l'agent de ne pas céder de lui-même aux tentatives de corruption.

(36)
(37)

Chapitre 4

Simulation Numérique

Dans ce chapitre nous allons procéder à des exercices de simulation numérique an de quantier les eets des diérentes mesures de lutte contre la corruption.

4.1 Choix des valeurs de diérents paramètres du modèle

Notre étude se démarque de celles de la littérature existante qui mettent plus l'accent sur le rôle du salaire de base des fonctionnaires. Cet instrument, bien que reconnu nécessaire, n'a pu enrayer la persistance du phénomène. Nous allons a priori écarter le rôle du salaire an d'isoler les apports d'autres instruments de lutte contre la corruption. Pour cela, nous devons commencer par attribuer des valeurs numériques aux diérents paramètres du modèle. À cet eet, une remarque importante s'impose : la corruption étant un phénomène illicite donnant lieu à des transactions secrètes, les données documentant ce phénomène sont rares et souvent peu ables. Pour cette raison, il n'est donc pas possible de calibrer les valeurs de diérents paramètres du modèle aux données réelles d'une économie quelconque. Dans tous les exercices de simulation qui suivent, les valeurs des paramètres sont choisies de façon à s'assurer que le système d'équations caractérisant l'équilibre de négociation admet une solution interne et unique qui correspond eectivement à un maximum.

Premièrement donc, par souci de simplication, nous allons imposer une valeur au paramètre la pénalité relative inigée à l'administrateur en cas de découverte de participation à la coalition pour la corruption : βA = 0. Donner une valeur zero à ce paramètre permet d'ignorer l'eet

du salaire de l'administrateur sur le niveau de corruption, de façon à maintenir l'emphase sur les rôles que jouent (i) le niveau de qualication de l'administrateur (variation de q), (ii) la prime versée à l'administrateur lorsqu'il arrive à démasquer les malversations nancières de la rme (variation de σ) et (iii) la société civile (variation de ¯ρ ).

Deuxièmement, les autres paramètres prendront des valeurs sur les intervalles respectant les conditions de participation et les contraintes de concavité de la fonction-objectif. Il convient

(38)

de noter ici que nos exercices de simulation sont en fait des exercices de statique comparative, où on étudie l'eet de la variation d'un paramètre, toutes choses restant égales par ailleurs. De cette façon, chaque fois qu'on s'intéresse à l'eet d'un instrument donné, les autres instruments seront traités comme des paramètres dont les niveaux seront choisis à partir de l'intervalle délimitant leurs valeurs. Les intervalles qui suivent sont ceux dont les valeurs de paramètres et instruments satisfont conditions d'existence d'une solution interne et unique au système d'équation caractérisant l'équilibre de négociation :

¯ ρ ∈ (0, 0.5) βF ∈ (0, 0.08) c0∈ (0, 10) δ ∈ (0, 0.02) ε ∈ (0, 0.2) q ∈ (10, 15) γ ∈ (0, 0.5) σ ∈ (0, 0.10)

4.2 Analyse comparée des eets des mesures anti-corruption

sur la règle de partage, α

F

Rappelons ici que αF désigne la part relative du butin de la corruption qui va à la rme,

sachant que le reste, 1−αF, est la part relative qui va à l'administrateur lorsqu'il y a formation

d'une coalition comprenant ces deux agents. Le niveau de αF est le résultat du jeu coopératif

entre la rme et l'administrateur tel que décrit plus haut. La question fondamentale ici est de savoir quels eets les diérents instruments de lutte contre la corruption (q, ¯ρ, σ) ont sur la part relative, αF (et respectivement, 1 − αF). Les graphiques ci-après apportent des réponses

géométriques à cette question, par rapport à (i) le niveau de qualication de l'administrateur, q, (ii) la prime, σ, versée à l'administrateur en cas de succès dans son eort de détection et (iii) la société civile, ¯ρ.

4.2.1 Eet de la variation du niveau de qualication, q

Dans cette sous-section nous analysons les eets d'une variation du niveau de qualication de l'administrateur, q, sur la part relative du butin, αF, allant à la rme, toute chose étant égale

par ailleurs. À cet eet, nous avons xé les valeurs des autres instruments et paramètres aux niveaux suivants :

¯

ρ = 0.001; σ = 0.001; βF = 0.0484; ω = 1; c0 = 7; ε = 0.057; γ = 0.5.

(39)

La Figure 4.1 représente la part relative optimale, αF, comme fonction du niveau de

qua-lication de l'administrateur, q. Sur ce graphique, αF, varie à la baisse avec le niveau de

Figure 4.1: Part relative optimale, αF, fonction du niveau de qualication de l'administrateur,

q

qualication de l'administrateur. Cette baisse a une allure concave, signiant que cet eet est plus faible dans les pays où le niveau de qualication initial de l'administrateur est très bas, et plus fort dans les pays où ce niveau est initialement assez élevé. Ce résultat est, en eet, très intuitif dans la mesure où une augmentation du niveau de la qualication de l'administrateur améliore sa capacité d'inspection et lui confère donc un plus grand pouvoir de négociation ; ce qui amène la rme à lui faire un peu plus de concessions sur le plan du partage du butin.

4.2.2 Eet de la variation du niveau de la prime de détection, σ

Toute chose étant égale par ailleurs, dans cette sous-section, nous analysons l'eet d'une variation de la prime de détection, σ, sur la part relative du butin, αF, allant à la rme. Pour

cela, nous avons xé les valeurs des autres instruments et paramètres aux niveaux suivants :

q = 10.1; ¯ρ = 0.001; βF = 0.0484; ω = 1; c0 = 7; ε = 0.04; γ = 0.5.

La Figure 4.2représente la part relative optimale, αF, comme fonction de prime de détection

de l'administrateur, σ. Tout comme dans le cas précédent, une variation du niveau de la prime de détection a eet négatif sur la part du butin que reçoit la rme. Cependant, contrairement au cas précédent, l'eet sur la part relative est proportionnel à la variation. Ceci signie que la prime de détection a un rapport direct avec le pouvoir le pouvoir de négociation de l'administrateur, et donc lui donne relativement plus d'avantage dans le partage du butin que ne le fait une variation de son niveau de qualication, q.

(40)

Figure 4.2: Part relative optimale, αF, fonction de prime de détection de l'administrateur, σ

4.2.3 Eet d'une variation de force de société civile, ¯ρ

Dans cette sous-section nous analysons l'eet d'une variation de la force de société civile, ¯ρ, sur la part relative du butin, αF, allant à la rme. À cet eet, nous avons xé les valeurs des

autres instruments et paramètres aux niveaux suivants :

q = 10.1; σ = 0.001; βF = 0.0484; ω = 1; c0 = 3; ε = 0.03; γ = 0.5.

La Figure 4.3 ci-après représente la part relative optimale, αF, comme fonction de force de

société civile, ¯ρ.

Figure 4.3: Part relative optimale, αF, fonction de force de société civile, ¯ρ

Contrairement aux deux cas précédents, ce graphique démontre une relation positive entre le niveau optimal de la règle de partage, αF, et la force de la société civile, ¯ρ. Plus la société

civile est active, plus la part de la rme est élevée. Intuitivement, un niveau plus élevé de ¯ρ augmente la probabilité de détection de la société civile, ce qui révise à la hausse le risque liée à la tentative de corruption (administrateur corrompu, et rme). Puisque seule la rme est sanctionnée (βA= 0) en cas de détection des activités malveillantes de la coalition formée

(41)

de la rme et de l'administrateur, cette relation positive est très intuitive, puisqu'elle dit que le pouvoir de négociation appartient à celui qui subit plus de risque de perte, dans ce cas, la rme.

4.3 Analyse comparée des eets de diérentes mesures

anti-corruption sur le niveau de corruption, θ

1

Les graphiques suivants montrent successivement l'évolution du niveau optimal de la corrup-tion en fonccorrup-tion de chacun des trois instruments de lutte contre la corrupcorrup-tion, à savoir, q, σ, et ¯ρ.

4.3.1 Eet d'une variation du niveau de qualication de l'administrateur, q

Dans cette sous-section nous examinons, toute chose étant égale par ailleurs, l'eet d'une variation du niveau de qualication de l'administrateur, q, sur le niveau de corruption, θ1.Pour

cela, nous avons xé les valeurs des autres instruments et paramètres aux niveaux suivants :

¯

ρ = 0.001; σ = 0.001; βF = 0.048; ω = 1; c0 = 7; ε = 0.13; γ = 0.5.

La Figure 4.4 représente le niveau de corruption, θ1, comme fonction du niveau de

quali-cation de l'administrateur, q. On y observe que la variation du niveau de qualiquali-cation de Figure 4.4: Niveau de corruption, θ1, fonction du niveau de qualication de l'administrateur,

q

l'administrateur a un eet négatif sur le niveau de corruption. De plus cet eet est convexe, signiant qu'il existe un niveau de qualication optimal, au-delà duquel toute augmentation supplémentaire devient inecace.

(42)

Eet de la variation du niveau de la prime de détection, σ

Dans cette sous-section nous étudions les eets d'une variation de la prime de détection, σ, sur sur le niveau de corruption, θ1.À cet eet, nous avons xé les valeurs des autres instruments

et paramètres aux niveaux suivants :

q = 10.1; ¯ρ = 0.001; βF = 0.04; ω = 1; c0 = 7; ε = 0.05; γ = 0.5.

La Figure 4.5 représente le niveau de corruption, θ1, comme fonction de prime de détection

de l'administrateur, σ

Figure 4.5: Niveau de corruption, θ1, fonction de prime de détection de l'administrateur, σ

Tout comme la qualication, la part de la prime, σ, décroit avec le niveau optimal de la corruption, θ1. Le graphique nous montre toutefois une allure plus convexe de l'évolution de la

corruption. En d'autres termes, il existe un niveau optimal de la prime de détection, au-delà duquel toute augmentation additionnelle devient inecace. La Figure4.5suggère que ce niveau s'atteint plus rapidement dans le cas de la prime que dans celui du niveau de qualication. Cela signie que pour combattre ecacement la corruption, on peut bien combiner un niveau de qualication élevé avec une modeste prime de détection.

Eet de la variation de la force de la société civile, ¯ρ.

Dans cette sous-section nous étudions les eets d'une variation de la force de société civile, ¯ρ, sur le niveau de corruption, θ1.Pour cela , nous avons xé les valeurs des autres instruments

et paramètres aux niveaux suivants :

q = 10.1; σ = 0.001; βF = 0.04; ω = 1; c0= 3; ε = 0.155; γ = 0.5.

La Figure 4.6 ci-après représente le niveau de corruption, θ1, comme fonction de force de

société civile, ¯ρ. 34

(43)

Figure 4.6: Niveau de corruption, θ1, fonction de force de société civile, ¯ρ

Ce graphique nous montre une allure concave de l'évolution de la corruption par rapport à la variable ¯ρ. Ceci signie que la société civile à elle seule ne représente pas un moyen de lutte ecace contre la corruption, car cela exige un niveau de vigilance très élevé pour avoir des eets susamment dissuasifs. Contrairement donc à Castonguay (2004) qui préconise le renforcement de la société civile comme instrument de lutte contre la corruption, notre étude, tout en reconnaissant un impact positif de la société civile, met l'emphase sur des mesures plus ecaces, celles capables de décourager toute complicité entre agents publics et agents privés, notamment la combinaison d'un niveau de qualication élevé pour l'administrateur et l'institution d'une prime de détection le récompensant pour le succès de son eort de détection lorsqu'il y a lieu.

(44)
(45)

Conclusion

L'occurrence de la corruption dans l'exécution des marchés publics demeure dans une démo-cratie avancée. Dans notre modèle, la corruption peut se manifester sous deux formes, par la voie d'une rme agissant seule ou celle d'une rme bénéciant d'une complicité de l'agent ad-ministrateur. La collusion dépend de l'action choisie par chaque agent qui maximise son gain espéré lorsqu'ils sont supposés neutres vis-à-vis des risques auxquels ils s'exposent en cas de détection. Le mandat de détection de la corruption est essentiellement coné à l'administrateur et à la société civile libre.

Nous estimons avoir abouti à des résultats plus robustes que ceux observés dans la littérature existante, notamment en raison des nouvelles hypothèses majeures sur lesquelles repose notre modèle. Premièrement, le gouvernement verse un salaire en fonction du niveau de qualication de l'administrateur accompagné d'une prime qui résulte directement de la détection de la corruption. Deuxièmement, la probabilité de détection de l'administrateur dépend à la fois de son niveau de qualication et de l'eort. Ces deux hypothèses agissent sur le mécanisme d'incitation et imposent des mesures dissuasives contre toute tentative de coalition avec la rme. La complexité analytique de notre modèle nous a obligés à recourir à une simulation numérique du modèle an de caractériser ses résultats.

Les résultats principaux soulignent premièrement que le renforcement de la société civile a un eet négatif sur la corruption, tout comme l'amélioration du niveau de qualication de l'administrateur et l'augmentation de la prime de détection. Mais du point de vue ecacité relative, nos résultats démontrent que dans un milieu ou la corruption est initialement élevé, le renforcement de l'action de la société civile a un eet moins que proportionnel sur le niveau de corruption, alors que les deux autres mesures (amélioration du niveau de qualication de l'administrateur et augmentation de la prime de détection) ont des eets plus que proportion-nels. En d'autres termes, forte amélioration de la qualité de la société civile diminue de très peu le niveau de corruption, alors que, par exemple, une modeste augmentation de la prime de détection quand elle produit forte diminution du niveau de corruption. Donc, par rapport à la société civile, la prime de détection jouerait ainsi un rôle très important dans la lutte contre la corruption, dans les sociétés où l'ampleur de ce phénomène est très large. Cette prime, plus que le salaire versé à l'administrateur, accroît le coût d'opportunité de sa participation à la

(46)

coalition pour la corruption. Elle l'incite à se comporter de manière honnête et stricte vis-à-vis de la rme, dans un contexte ou l'enjeu de la corruption est très important pour la rme (exemple, tel que déterminé par la taille du marché public gagné). L'intuition en faveur d'une prime élevée repose sur son aptitude à générer un gain supplémentaire rémunérant l'adminis-trateur qui choisit d'être incorruptible. En eet, puisque cette prime est proportionnelle au montant des fonds publics détournés par la rme, elle concurrence de ce fait la part du butin que l'administrateur aurait pu obtenir en s'associant à la rme. En élevant cette prime, on aecte plus ecacement la contrainte de participation de l'administrateur, lui conférant ainsi, comme le démontre notre modèle, un plus grand pouvoir de négociation qui pourrait alors étouer l'incitation de la rme à s'engager dans la corruption. En conclusion, les résultats de notre étude démontrent que bien que renforcer la vigueur de la société civile (par exemple par l'adoption des lois protégeant les libertés civiles) soit important, pour lutter contre la corruption, il serait plus ecace d'instaurer une prime de détection versée à l'administrateur et d'accroître le niveau de qualication de ce dernier.

Figure

Figure 2.1: Interactions entre les agents
Figure 2.2: Arbre de décision de la rme
Figure 2.3: Arbre de décision de l'administrateur
Figure 4.3: Part relative optimale, α F , fonction de force de société civile, ρ ¯
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