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La Femme ideale d'apres les memoires de Jacques Casanova

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Academic year: 2021

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(1)

La

r ....

IdEale d'apra. 1~8 M&.olree' de

Jacques C&s8.DOva

by

!;oulse Saindon

..

A

thesls subaitted ta tbe Faculty of Graduate 1,-- Studies and R.esHrcb in partial fulfU.IIent of the

requireaents for the degree of Master of Arts

DepartMilt of"JreDch ~e 8Dd Uterature

McGill Ua1.eralty

HoDtreal 1, , i

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Casanova consacre près du tiers de ses Mémoires au récit de ses aventures galantes; fidèle reporter de son époque, il fournit ainsi à la postérité une image précise de l'idéal féminin du dix-huitième

siè-cIe. "

1

Au niveau de l'esthétique des traits physiques féminins, le galant Giacomo se conforme au goût de son époque; comme ses contemporains il apprécie la blancheur du teint et des dents, des yeux bien fendus, des bras et des mains potelés, ~ne gorge ferme et une taille souple •

./

Certains traits physiques éveillent son érotisme; ainsi la

frat-cheu~ de la peau des jeunes femmes, une taille élevée, un regard enflammé, des hanches et des cuisses rondes allument chez lui l'étincelle du

.

d~sir •

L'intelligence, la culture, le don de la conversation enfin "l'esprit de société" sont autant d'atouts pour une femme désireuse de lui

plaire.

L'ingénue, la femme douce, docile et reconnaissante le charme toujours mais il semble.que celle dont il garde un souvenir plus marqué soit d'un type différent; elle est davantage volontaire, courageuse, fière et évoque chez lui une image maternelle. ,..

Si dans l'imposante galerie de femmes d'un haa.e voui au beau sexe certaines se sont approchies de l'idéal rechereh', aucune n'a su rete-nir longtemps cet homme en quête d'absolu •

1 l , ~

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(3)

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~L , " "1 ~. ! ~ ;. t~1-u ;~:" ,~ ABSTRACT

Casanova devotee almost a third of his Mémoiree to the narration of his

, )

love-affaire. As a faithful reporter of his ttme, he bands on to posteri-ty an acéurate image of the Ideal woman of the eighteenth century.

\

As to the beauty of [female features, Casanova's taste

corres-~ ( ,

Ume; in

~mmon ~ith

his contemporaries l'be

ponds to that of his galant

q." 'Ji

'-, ) 1

Giacomo appreciates the whiteness.of both complexion and teeth, beautiful-ly shaped eyes,l plump arms and hands, a firm bosom and a slender vaist.

Certain physical trait~ arouse his passion: the fresh skin

1

of a young woman, a tall figure, passionate eyes, round hips and thighs " set his senses on fire.

To please him a woman has to be a good conversionalist, possess

intell~gence, culture and aIl the social graces.

He 1s always charmed by women whether they be artless, meek, do-cile or"grateful, but it seems rhat the women he remembers best are of a different k1nd: they are determined, courageous, proud and conjure up the image of his mother.

Among th1s impress1ve collection of wamen possessed by a man

"

whose life was ent1rely devoted to their compaay, some have coae close to the Ideal he had a1ways longed for, but not one bas aanaged to hold fôr long a man in quest of the absolute.

,(

..

1

(4)

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\

Nous tenons l exp~imer notre gratitude l Monsieur Francis Furlan qui a généreusement

mis l notre d1sposition des études casanovlennes.

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(5)

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1

1

TABLE pES MATIERES

..

INTRODUCTION

r

p. 1

CHAPITRE 1: l'esthétique et les traits physiques p. 6

CHAPITRE II: l!érotisme et les traits physiques p. 35

r,

CHAPITRE III: l'intelligence et la culture sociologique p. 50

(

CHAPITRE Iy: les traits psychologiques p. 67

-CONCLUSION p. 86 BIBLIOGRAPHIE p. 90 l ' !

1

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(6)

Pour tromper l'ennui de la vie sédentaire qui s'écoule

len-tement au château de Dux, Casanova s'invente un "amusement agréable" qui consiste

~

"(s') entretenir de (ses) propres affaires" (1) dont la principale, dit-il, fut de "cultiver le plaisir des sens" (2). Les Mé-moires viennent de nattre; par eux Casanova passe à la postérité et nourrit chez le commun des mortels l'image mythique du séducteur, de "l'homme à femmes". A travers ce précieux document d'un home qui a "toujours aimé le beau sexe et (s') en (est) fait aimer tant qu' (il) a pu,,(3), nous tenterons de découvrir quel est son idéal féminin et en quoi cet idéal correspond à celui des hommes de son temps.

En ce sens, les Mémoires font figure de proue par rapport aux autres oeuvres du dix-huitième siècle. En effet, jusque-là les écrivains ne décriv~nt la femme que d'une façon imprécise;· le lecteur doit.se contenter de savoir que l'héroine est belle, charmante ou ai-mable, mais jamais il n'apprend à quels critères se réf~re l'auteur. Pour connattre l'idéal esthétique féminin du dix-huitièDe si~~le, nous devons": COJJlDe les houaes de ces époques, avoir recours aux tableaux

des grands mattres et donc arpent~ les musées des capitales. Tous

(1) Casanova, Préface des Mémoires. Biblioth~que de la Pléiade, Tours, Gallimard, 1958-1960, Tome l, p. 4

(2) Casanova, op. cit. p. 6 (3) Casanova t ibid. p •. 6

(7)

2-c'

n'en ont pas J.a possibilité et se contentent donc des portraits flous qui jalonnent les oeuvres romanesques du temps.

Si le romantisme du dix-neuvième siècle cRante déja mieux l'idéal féminin, le vingtième siècle inonde l'homme contemporain d'ima-ges diffusées par l'avalanche des magazines, la présence envahissante

de là télévision et la popularisation dp cinéma. L'idéal féminin de no- ~

tre époque est proclamé par tous les moyens d'information et, peut-être plus encore par la publicité orchestrée des grandes entreprises. Au

dix-hui~ième siècle rien de tel n'existait; c'est pourquoi nous avons inter-rogé Casanova, "fidèle reporter" de son époque.

"Il est d'abord, nous dit Robert Abirached, un observa-teur irremplaçable, journaliste de génie en un Siècle qui ne possédait que des gazetiers. L'oeil toujo~rs aux aguets, l'esprit badaud et rapide, amoureux du détail pit-toresque, persuadé que chaque instant de vie a une saveur unique, il a parcouru toute l'Europe a la buissonnière, de Moscou à Londres et de Madrid a Constantinople. Beau Parleur et doté d'une imposante prestance, il s'est faufi-lé dans tous les milieux: ( ••• ). En un mot comme en cent, personne n'a mieux connu son siècle que èet homme, et

per-l

sonne, mieux que lui, n'a trouvé l'art de le faire revivre devant nous: il avait le pinceau aussi vif que le regard, et ce mérite a lui seul suffirait a immortaliser l'Histoi-re de ma vie, fl'Histoi-resque immense et bigarrée d'une société en perpétuellllouvement"(l).

Pouvions-nous trouver meilleur guide?

Déjà Eugène Marsan a fouill' les Mémoires et tenté d'y dé-couvir l'idéal féminin du Vénitien(2). Cette étude superficielle,

(1) !birached, Robert. Préf!ce dans Casanova: l'Aventure à Venise, Paris, Union génêrale d'Editions, coll. 10-18, 1960, pp. 9-10

(2) Marsan, Eug~ne. Les f.-es de Casanova, Paria, Au ~igeonnier,

coll. .Jeux et Travaux, 1924.

(8)

...

minuscule, ne faisant qJ.e quelques références 'au texte déjii bien inexact

~u professeur Laforgue, ... lo~n de nous satisfaire, a aiguisé notre curio-sité; c'est pourquoi nous avons scruté les Mémoires d'un homme chez qui "les traits humains, les visages, le détail des moeurs et des

caractè-sont ce qui le frappe, qu'il retient et sait décrire,,(l) • res,

Nous étudierons em premier lieu l'importance de l'aspect es-thétique des traits physiques féminins et nous verrons si Casanova ma-nifeste il ce niveau des goûts précis ou si, au contraire, il se conforme il l'idéal de beauté de ses contemporains.

Puis nous verrons quels traits physiques éveillent l'érotisme

,

de cet homme "victime de ses sens"; nous espérons du même coup bannir le mythe faisant de Casanova un écrivain vulgaire, voire obscène. A ce propos J. Rives Childs, le plus éminent de ses biographes, remarque fort

justement que ,,,

"les aventures d'amour (occupant) environ hn tiers des

~moires, soit une proportion plus considérable que cel-le qui cel-leur est ordinairement dévolue par cel-les autres mé-morialistes, le résultat fut que la majorité des lecteurs en ont eu leur perspective faussée, au point que, pour certains les Mémoires semblent pratiquement ne traiter que ce seul 8uj et" (2) •

(1) Bau~r, Gérard. Préf ace des Mê1llOires de Casanova, B1b1ioth~que de

1a~Pléiade, Tours, G411tœard, 1958-1960, Tome l, p. XLII

(2) Childs, J. Rivee. Casanova, tradu~t de 1'anglais par Francis-L. Mars, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 19452, p. 20

(9)

-

4-De Il à conclure que Casanova est un obsédé sexuel, i l n'y

a qu'un pas et bon noabre de lecteurs, stupéfaits - peut-être même

envi~ - du noabre de conquêtes féainines et de la description des \ relat:l.ons a.oureuses, francb:l.ssent ce pas avec allégresse. I l ,

né-p

gUgent cependant de reaarquer que les lf.oires couvrent une période de quarante ans de vie active et que, pour un ho.-e :'né po\1r le beau

~exe"

(1), célibataire tratoant sa "fortune" à travers 1 t'Europe

enti~-....

re, cent vingt-quatre f~8 ne représentent qu'une moyenne de trois feœœes par an. Il n'y a pas lieu de crier au scandale, ni de voir-en Casanova un cas pathologique.

Nous nous attacherons eo.su:l.te à l'étude de la valeur qU'" ac- .

corde le galant Giaca.o à l'int~lligence et à la culture des fe.es cooqu:i&es. Quelles qualités intellectuelles recherche ,cet b~ dont les "yeux vifs, pleins d'esprit",

,.

4U dire du prince d'è Ligne, " qui sait beaucoup, (qui) parle de tout avec IJeaucoup de feu, et (qui) pa-rût avoir prodigieuse.ent vu et lu" écrit Muralt à Haller (2)?

Enfin DOU8 porterons notre attentioq sur les traits de carac-tère des f~s aillées. Ici. nous tenterons de réconc;i1ier la duchesse

"

avec la fe..e de chaabre, la aarquise ave« '1a ca.édienne. Le

"réper-(1) Casanova, Priface des lI&ao1res, op. cit. p. 6

(2) Cité par .J. Bi.ea adl.da,

op.

cit. pp. 187-188 ,.

... ;1

.

.

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(10)

5-toire social" des amours de Casanova ~tonne souvent ses cri~iques qui. tel Robert Abirached. conclut tout simplement qu' "il aime tout indis-tinctement; avec la même gloutonnerie

av~u8le"

(1); nous croyons plu tôt

J

que même si ces femmes appartiennent à des classes sociales bien distinc-tes, elles se rejoignent souvent au niveau du caractère et du tempérament et plaisent au Vénitien qui, lui-même issu d'un couple de comédiens, a aussi ses entrées chez les "grands" de son époque.

Parce qu'amant du ''beau sexe" et chéri de ces dames, nul au-tre que le galant G.iacomo do~t les talents d'observateu'r sont reconnus, ne peut mieux nous renseigner sur f'idéal féminin recherché au

dix-hui-tiène si~c1e.

.

.

(1) .&birached, Jobert. Casanova OU la dia.1patiOll, Part., Gr . . . . t,

1961, p. lS8

1

(11)

'.

6-CHAPITRE PREMIER

L'ESTHETIQUE

ET LES TRAITS PHYSIQUES

ù

Casanova a-t-il des préférences au niveau des tra~ts physi-ques de ses amoureuses ou, au èontraire, les at.e-t-~l toutes, brunes ou blondes, grandes ou petites? .

Dans le récit de ses aventures amoureuses, il accorde une as-sez grande importàncehà la description physique des femmes; il les dé-crit de pied en cap, méthodiquement, mais en s'attardant surtout'à la partie supérieure du corps, et plus spécia1~t,à la-tête. Il trace un tableau général de la pers~e: sa phys~onom1e, la beauté du visage, la cou1eur-Àu teint, puis il s'attache à chacune des parties de la tête: les cheveux,' leur couleur, leur volqae, leur longueur et., la coiffure, les yeux, leur dessin et leur 'couleur, la bouche, sa i~ne et son expression,

-les dents, leur forme et leur couleur. Il d'cût rapidement le cou et les épaules, puis s'intéresse davantage à la gorge. Par.! les f~ qu'

1

il ~voue avoir beaucoup aillées, toutes sont dotées

d'UUl!

"gorge d~' , Vénus".

"

La proportion et la couleur des mail'lS et des bras attirent ensuite son at-tention, suivent quelques couaent:aires sur La taille de la da.e et la des ... cJ;iption est compUte au niveau de i' estbfit~que_.

o

."',.,,

(12)

/

7-On peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles Casanova s'attache davantage dans ses descriptions à la partie supérieure du corps féminin. La mode de l'époque nous fournit déjà quelques indications. La France donne le ton de la mode européenne et, jusq~ vers 1780, les vête-ments féminins au goût de Paris découvrent généreusement la gorge de la femme. Les épaules sont cachées par la manche ou enveloppées d'un châle et la manche de la robe se termine au niveau de l'avant-bras par des vo-lets.de dentelle délicate. La finesse de la taille est accentuée par l'u-tilisation de paniers donnant de l'ampleur à la jupe et la robe descend jusqu'à la cheville, laissant voir le fin soulier qui enferme le pied de la dame (1) • La partie inférieure du corps se trouve donc entièrement

cou-verte et, comme Casanova brosse toujours dès la première rencontre un por-trait physique de la femme, il s'ensuit que le haut du corps prend la ve-dette. S'il s'établit une relation intime entre Casanova et la belle, des détails érotiques sur le sexe, les hànches, les jambes et les cuisses

com-pl~tent la description.

Des gravures et tableaux de l'époque dont ceux de Nattier et de Fragonard témoignent de l'importance accordée par le dix-huitième siècle à la coiffure. Autant en France qu'en Italie les femmes de la haute

socié-~ (1) Goncourt, Jules et Edmond (de). La femme au dix-huiti~ si~c1e, Pa-ris, Bibliothèque-Charpentier, 1896, p. 3 et

Boucher, François. Histoire du costume, en occident de l'Antiquit' 1 nos l~rs, Paris, F1ammarioD, 1965, pp. 294-299

(13)

8-té passent plusieurs heures par jour avec leur coiffeur à l'édification de monuments capillaires ornés de pierres précieuses, de fleurs et même de fruits (1) • Ces coiffures d'apparat ne sont pas sans capter le regard et celui de Casanova ne fait pas exc~ption.

Il av6ue lui-même tomber d'abord amoureux d'un visage, d'une tête. A Berne, aux bains de la Matte pour la somme d'un ~cu, une jeune fille le déshabille et se dévêt elle-même afin de donner un bain à son ,

,

client. Cependant Casanova reste froid au traitement et il réfléchit: "( ••• ) Si dans l'habitude que nous nous sommes faite

d'aller vêtus, et non pas tout nus, le visage qu'on laisse voir à tout le monde est ce qui importe le moins, pourquoi faut-il qu'on fasse devenir ce visage le prin-cipal? Pourquoi est-ce lui qui nous fait devenir amou-reux? Pourquoi est-ce sur son témoignage unique que nous décisons de la beauté d'une femme, et pourquoi parvenons-nous jusqu'à lui pardonner, si les parties qu'elle ne nous montre pas sont tout le contraire de ce que la jolie figure nous les a fait juger?( ••• )

Il est d'ailleurs évident et incontestable que l'in-constance en amour n'existe qu'à cause de la diversit' des figures. Si on ne les voyait pas, l'homme se conservera~

toujours amoureux constant de la première qui lui aurait plu."(2)

(1) Goncourt, op. cit. pp. 359-363 et

Vaussard, Maurice, La vie quotidienne en Italie au dix-huitièaae

~ si~cle, Paris, Hachette, 1959, p. 43

(2) Casanova, Histoire de 1118 vie, Paris, Plon, 1960-1962, Tome VI,

pp. 182-183

Pour les citations extraites de cette édition, nous convenons de ne rappeler dans la suite du -'moire que les noœbrea référant au

toae et 1 la page. r-/

(14)

A Pulavie, alors qu'il est beaucoup plus âgé, il réaffirme l'importance qU'il accorde au visage. Son concierge lui offrant des jeunes filles vierges, Casanova demande a les voir.

"( ••• ) A quoi sert la voir au visage, quand on vous assure qu'elle est pucelle?

- Apprenez que ce qui m'intéresse est le visage, et que le pucelage d'une fille laide est une çorvée pour mon drôle de goût"(l)

Au hasard de ses nombreuses aventures, Casanova ne reste ja-mais insensible a la physionomie des femmes, indépendammen~ de leur

beau-té, car c'est ce premier aspect qui le frappe. A ce niveau, les Mémoires fourmillent de détails.

Une physionomie retient davantage l'attention du Vénitien si elle est "riante" ou "noble':' Ces deux qualificatifs prennent .beaucoup d'importance à ses yeux

et~DdiqUent

déja un certain,type préféré de fem-me.

quatre

Cinq physionomies féminines sont riantes(2); il

d~crit ausa~,

femmes au

faci~s

noble

13).

Il arrive que parfois Casanova ajoute d'autres détails; ainsi la candeur, la douceur, la vivacit~ d'esprit et

(1) X, 206

(2) Bettine (l, 19), Lucie de Pasean (1, 75), M.-M. (IV, 15), la Corti-celli (VlI, 164) et Armelline (XII, 28)

(3) Pau1ine (IX, 202), la Cbarpillon (IX, 280), Mias Betty (XI. 2l~ et Mlle Croain (IX, 3)

(15)

x-.l.

-

.

'f.

10-,

la modestie le captivent. Une feaae qui joint un de ces aspects 1 l'une des deux qualités préc~demment nommées s'assure une'place de choix dans son coeur; c'est le cas de M.-M., de Mlle Crosin, de Pauline et de la Char-pillon. M.-M. et Raton sont "douce(s) et riante(s)"(1) , Mlle Crosin, "no-b1e,,(2) et "r1ante,,(3), Pauline, "noble et douce,,(4) enfin la Charpil10n réunit: 1 la fois la noblesse, la douceur et la grâce (5) • Inutile de souli-gner l'importance de cette femme qui insp1ra le suicide l Casanova déses-péré de ne pas la posséder. D'autre part Pauline et M.-M. forment une par-tie de la grlerie des femmes les plus aimées.

LB

description porte ensuite sur la beauté relati~e du visage de la, femme. Sauf trois exceptions l'échelle d'évaluation de Casanova ne s'é-tend pas, comme on pourrait s'y ats'é-tendre, entre les deux pôles de la laideur et de la beauté; dans les MflDOires l'échelon inUrieur est l'adjectif

"at-trayant"; puis nous progressons vers "joli", "tr~s joli", et "beau", puis en-fin "fort beau", "très beau", "d'une beauté surprenante". On ne reliive que deux feaaes au visage "attrayant": la

Strasbourgeoi8e(6~

et Raton(7). Les

(

(1) (IV, 15) , (VIII, 42) (2) (U, 3) (3) (VIII, 278) (4)

(IX,

202) (5) (U, 280) (6) (VII, 31) (7) (VIII, 42) (' , " 1 ~' ..

(16)

autres femmes sont à tout le moins "jolies" et bon nombre se classe parmi les "très jolies,,(1). Au sommet de l'échelle, les femmes d'une beauté exceptionnelle foisonnent(2).

Une seule femme est "laide", Mlle Astrodi, et sa peau est "basanée,,(3); Geneviève n'est "pas une beauté complète pour ce qui re-gardait son minois, car elle était hâlée,,(4) et Marguerite qui, "mal-gré sa peau un peu trop brune, aurait été fort jolie, si la petite

véro-1

le' ne l'avait privée d'un oeil,,(5). Nous nous étonnons de voir Casanova capable d'imaginer jolie une fille, si elle n'eût été borgne; on le com-prend mieux si l'on,sait qu'il est âgé de quarante-sept ans lorsqu'il rencontre Marguerite; il se montre alors beaucoup moins capricieux et

1

(1) Tel est le cas de Barberine (IV, 179), de Caroline (III, 145), de Gertrude (VIII, 26), d'Anna Kidel (VIII, 26), d'Adèle (IX, 128), de Mlle Crosin (IX, 3), de Véronique (VII, 99), de Madeleine (XII, 111), de Scolastique (XII, 88) et de plusieurs autres.

(2) Plus de treize femmes se situent à ce palier: Mlle X.C.V. (V, 169), Mme Stuard (VII, 56), Dona Ignazia (XI, 12), Clémentine (VIII, 226), Léonilda (VII, 218), Lia (VII, 272), Zénobie (VIII, 145), Mme Dubois (VIII, 90), Nina (XI, 121), Charlotte (X, 290), la belle Castelbajac (X, 235), Cal1~ne (X, 308) et Zalre (X, 113)

(3) (VII, 50) (4) (II, 300) (5) (XII, 1)

(17)

\

12-accepte facilement dans son lit une jeune fille à l'oeil ~'émail. Ces trois exceptions nous amènent à penser qU'il lie les critères de la beau-té du visage à la couleur de la peau.

Chez Casanova, les normes de la beauté du teint se situent en-tre le rose è~ le blanc en passant par le teint de lis et de rose. Les

"roses" demeurent pâles(l); certaines joignent le rose à la couleur du 118(2); d'autres sont nettement b1anches(3) enfin quelques femmes atteignent l'i-deal du "blanc éblouissant,,(4); Casanova n'a "jamais vu ( ••• ) un teint plus

"

b1anc,,(5) que celui d'Arme111ne; il s'étonne devant Miss Betty "qui ,n'avait pas sur son blanc visage la moindre marque d'

~oir

du sang dans ses veines"

(6~

Zaire est "blanche comme la neige, d'une blancheur éclatante,,(7).

(1) Pauline (IX, 202)

(2) Adl1e (IX, 128), Lia (VII, 269), Mae de (VI, 97) et Christine (II, 238)

co

(4)

Hariuccia (VII, 201), la fille du comte Bonafede (1, 48), l'esclave grecque (I, 172), ~.-M. (IV, 15) et la Corticelli (VII, 164) \ Juliette cavamacciie (l, 71),

Kll~

C.C. (III, 264), Mlle de Romans

(VII, 24) et Mae Baret (V, 245)

(S) (XII, 32)

(6) (XI, 219)

(7) (X, 117)

(18)

"

Le blanc "éblouissant" constitue l'idéal à atteindre. En cela Casanova subit l'influence de la mode de l'époque. La blancheur symbolise la noblesse et c'est pourquoi les femmes se protègent p~r des ombrelles des effets néfastes du soleil. Néanmoins nous trouvons sur-prenant de voir une Juive, des Italiennes du sud, une Espagnole, une Grecque et une Portugaise à la peau si blanche. Casanova les "voit-il" blanches? Peut-être.

..

Cependant, mentionnons à son crédit que l'art du maquillage,

connu depuis fort longtemps en Europe, aide sûrement ces dames à devenir plus blanches. Les fards appliqués par le coiffeur couvrent non seule-ment le visage mais la partie exposée aes seins et le coiffeur réussit d'autant mieux le maquillage que· celui-ci passe inaperçu; ainsi l'arti-fice devient le naturel(l).

Nous remarquons enfin dans la description de la beauté et de la couleur du visage l'absence totale de fe.aes chéries telles Thérase-BellitlO et Henriette (2). Aux yeux de Casanova d'autres qualités surpas-sent peut-être les goûts du siècle!

Les Mé1llOires révalent de façon précise la couleur des chneux de quarante f.-es. Eugène Marsan, dans Les F _ s de Caeanova, note

(1)

(2)

Goncourt, op. cit. p.

3SS

Il

Lorsque casanova rencontre cette f.-.e, elle est travestie eu castrat et se fait appeler Belliuo; par la suite. CUaDOVa dleouvre son "ri-table pr6noa, Thérèse. Bau ce -'-oire DOUS llappêllerollS

Tb6rèse-Beillno afin de ne pas la confondre avec d'autres

f_.

portant le . . . . prénon. _

,-", -{<,

--\

(19)

14-•

que pour quarante femmes la couleur des cheveux "reste inconnue,,(l). Nos statistiques ne concordent pas. C'est que Marsan interprète par-'

.~ois la couleur des cheveux selon la couleur des yeux. Ainsi, parce

,

'"

que Dona Lucrezia a 1ês yeux noirs, i l conclut qu'elle "devait être brune" (2) •

Nous ne nous sommes pas permis de conclure si hâtivement puis-qu'il existe dans les Mémoires au moins deux femmes aux yeux foncés et aux cheveux clairs; c'est le cas de Léoni1da et de Manon Ba11ettL "Ses

1

ch~veux", écrit Casanova de la première, "étaient châtain clair, couleur non suspecte, et ses beaux yeux noir's { .•• ),,(3). n'autre part, le pein-tre Nattier présente une "Manon Ba1letti aux cheveux b1~ds et aux yeux bruns. Ces deux exemples expliquent une bonne partie de la différence

,

,

entrè les relevés de Marsan et les nôtres. A notre avis, Casanova ne por-te pas plus d'atpor-tention aux brunes qu'aux blondes et le critère de la cou-leur des cheveux compte fort peu pour lui, quels que soient les canons de la mode. Mais la femme, elle, se soucie fort du goût du jour et uti-lise s~uvent des artifices pour y satisfaire.

La premi~re moitié du dix-huiti~e siècle favorise les brunes alors que la seconde moitié porte aux nues les blondes aux yeux bleus. c'est que, selon les frères Goncourt, "le charme n'est plus dans les grâ-ces piquantes, mais dans les grâgrâ-ces touchantes,,(4). La feuDe sensible,

(1)

Marsan, Eugène, op. cit. p. 33

(2) Marsan, Eugène, op. cit. p.

28

(3)

(VII, 218)

,~

(4)

Goncourt. Jules et Edmond (de). op. cit., p. 321

(20)

au nom de la mode, elle modifie son aspect physique. La teinture n'a pour elle et son coiffeur aucun secret. Elle saupoudre ses cheveux pour

.-les rendre plus ou moins brillants ou pour en changer la couleur. Elle utilise beaucoup la perruque. Maurice Vaussard rapporte qu'en 1797 on comptait, dans la seule ville de Venise, huit cent cinquante-deux perru-quiers, tous plus habiles les uns que les autres (1) •

Le volume des coiffures du jour diminue à m~sure que le siècle avance et on retrouve peu à peu une coiffure basse, ornée de quelques fleurs et d'un bonnet de dentelle(2). L'apparence du naturel et .ême du négligé préparent les romant~ues du siècle suivant. Cependant, la coif-fure d'apparat, celle des grands bals de la nq~lesse, augmente en ampleur et en volume vers la fin du siècle(3).

Casanova présente presque toujours

la

couleur des cheveux se-lon les clichés de l'époque. Le bse-lond est associé à l'or(4), ou, faute de mieux, qualifié du "plus beau blond,,(5). Quatre feJBles sont dotées de magnifiques

chev~x

"du plus beau châtain clair,,(6). On rencontre une

(1) Vauss~, Maurice, op. cit. p. 43 (2) Goncourt, op. cit. p. 367

(3) Vaussard, Maurice, ibid. p. 43 et

Boucher, François, ot: cit. pp. 304-306 (4) Mme Baret (V, 255)

(5) la jeune comtesse

A.S.

(II, 213), Annette (VII,

123),

Tbérise

de la

Meure (V, 47), Mariuccia ,(VII, 201)

(6) la Charpillon (IX, 280), M.-M. (IV, 15), Mlle Stuard (VII, 56) et LAonilda (VII, 218)

(21)

16-brune piquante: Marcoline (1); trois sont "de belles brunes" (2) et les autres sont 'tout simplement "brunes" ou "de jeunes brunes". Les brunes,

tout comme les blondes, ont droit à la métaphore. Parmi les brunes, deux étalent une chevelure "d'ébène,,(3) et neuf autres arborent une "che-velure noire,,(4). Contrairement à Baudelaire, le volume et la longueur des cheveux importent peu à Casanova, car les perruques et les postiches comblent à merveille les faiblesses de la nature.

"

Nous remarquons enfin qu'il garde un scrupuleux silence sur les cheveux de Thérèse-Bellino, d'Henriette et de Mme Dubois. Lorsqu'il rencontre Henriette, celle-ci se trouve au lit, les couvertures par-des-, sus la tête; quand elle les rabat, i l aperçoit une tête "échevelée". Par la suite, plus aucun détail(S). La situation d'Henriette explique son négligé. Il nous semble cependant impossible qU'il ne garde pas de ces trois femmes un souvenir plus précis puisqu'elles sont parmi les dix ou douze femmes qu'il avoue avoir le plus aimées. Le cas de Thérèse-Bellino et d'Henriette prend ici de l'importance car nous avons observé le même silence dans la description de la beauté et de la couleur du visage.

(1) (2) (3) (4) (5) (IX, 23)

Mlle Vésian (Ill, 180), Sara (VI, 197) et Mlle de Romans (VII, 18) Christine (II, 238) et Raton (VIII, 42)

Lucie (1, 74), Zatre (X, 117), la deuxième M.-M.. (VI, 284, Esther (V, 129), la juive Lia (VIL, 269~le C.C. (III, 264) l'e.clave grecque (1, 172), Armelline (Xll~-3~) et Pauline (IX, 202)

Marco llaIaperti f.ait d 'Henriette une fa.ae aux cheveux blonds mais les "'-oires n'affiraent rien de tel. 0 Voir l ce propos Casanova r~habi1ité, traduit de l'italien par Juliette Bertrand, Paris. éd. MODdlâles, 1961, p. 116

(22)

Au hasard d'une promenade en/gondole, Cisanova, alors jeune homme de moins de vingt-cinq ans, trace le portrait-robot de la femme qu'il souhaite.

"Je veux absolument que celle qui sera ma feDllle ait les yeux noirs, et aujourd'hui presque toutes les filles ont appris le secret de se les teindre; mais je n'y serai pas attrapé, car je m'y connais"(l).

Nous voilà donc fixés sur son goût personnel conforme à la mode de l'é-poque puisque, comme nous l'avons dit précédemment, la brune, recher-chée dans la première moitié du dix-huitième siècle, touche le coeur de l'homme par ses yeux noirs, pleins de vivacité; elle sera remplacée dans la seconde moitié du siècle par la blonde aux yeux bleus.

La coquetterie pousse la femme à se teindre les yeux et Chris-tine, la jeune fille de la gondole, utilise ce subterfuge; mais Casanova n'en est pas dupe: "Ils sont trop beaux (ses yeux) pour que je les croie

~turels" (2) • \.

Dans ses Mémoires, Casanova caractérise les yeux de quarante femmes sôit par leur couleur, leur forme, leur place dans le visage, mais surtout par leur expression: Les yeux le fascinent et s'il avoue tomber

,

.

amoureux d'un visage, nous pensons qu'il tombe plus précisément amoureux

1

d'un regard ou d'un sourire. car sous le maquillage, la poudre, le fard et la perruque. la femme ne peut plus s'exprimer que par eux. La peraou-nalité et le caractère se manifestent alors et c'est, croyons-nou8, ce qui touche surtout Casanova (3).

(1) (II, 237) (2) (II, 237)

(3) Nous étudierons au c:bapitre aui"-t

.

, la valeur lrot1que du

rec

ard •

'~ '/1'

(23)

S'il préfère les yeux noirs, il s'intéresse également aux yeux bleus. Douze

f~s

ont les yeux noirs (1) et neuf autres ont les cheveux clairs et les yeux bleus (2) • Yeux noirs ou yeux bleus s'équi-valent donc.

Des qualificatifs, parce que trop vagues, ne nous précisent'

18-pas davantage sès goûts; il évoque ainsi "les beaux yeux" de certaines(3).

Quelques critères de beauté de l'époque l'influencent cep en-dant. Les Goncourt soulignent que le dix-huitième siècle s'attache "aux yeux grands", ''bien fendus" e't "à fleur de tête,,(4). Casanova ap-pré cie particulièrement "les yeux bien fendus" et cinq feDllDes rel,\C0n-trent cette nonae(6). Les yeux

"a

fleur de tête" retiennent aussi son attention. Souvent les "yeux bien fendus" s011): aussi

"A

fleur de tête", et Casanova sépare rare.ent ces deux notions(7); ators il utilise davan-tage les clichés du vocabulaire de l'époque que son sens de l'observation.

(1) Thérèse-Bellino (II, 3), Lucie (1, 74), Araelline (XII, 32), Merci' (X, 278), Barberine (IV, 178), la seconde M.-M. (VI, 269) Mlle de Roaans (VII, 24), Rosalie (VII, 88), Léonilda (VII, 218), Mariuccia

(VII, 201), Esther (V, 129) et C.C. (III, 264)

(2) la fille du co.te Bonafede (l, 148), Charlotte (X, 290), la Charpil-Ion (IX, 280), Adèle (IX, 128, M.-M. (IV, 15), Mae Stuard (VII, 56), Annette (VII, 123), Thérèse de la Meure (V, 47), et Juliette (l, 73) (3) L'esclave grecque (l, 171), la ~pi (VII, 67), Léoni1da (VII, 218) et

Mlle de aewans (VII, 18)

(4) Goncourt, Jules et Eda>Dd (de), op. cit. p. 314 (5) (III,' 264), (IV, 15), (V, 47)

(6) Ad~le (IX, 128), "-e de (VI, 97), ~ Stuard (VII, 56), Annette (VII, 123) et Esther (V, 129)

(7) Mlle de (VI, 91), Nrèse de la Meure (V, 47) et Mariuccia (VII, 201)

(24)

Les Mêmoires ne révèlent rien des yeux d'Henriette, de Pau1i-ne et de Mme Dubois. Ne connattrons-nous donc aucun des traits physi-ques de cette

"Chère Henriette que j'avais tapt aimée et qu'il me parais-sait d'aimer encore avec le même feu. ( ••• )

Adorable et générEuse Henriette! Ma çhère, ma noble, ma di-vine Henriette" (1J'

Même réticence à l'égard de Pauline. Casanova fait d'ailleurs un rapprochement entre

"( ••• ) ces deux femmes incomparables, dont l 'une ~e dif-férait de l'autre que dans la beauté. ( ••• )

Toutes les deux sages, toutes les deux douées d'un esprit profond ( ••• )"(2)

Aucune allusion à leurs yeux; il ne révèle que des traits de caractère. Il utilise le même procédé pour Mme Dubois,

"( ••• ) une des dix ou douze feDlles que j'ai le plus tendre-ment aimées dans mon heureuse jeunesse" (3)

casanova se conforme au,goût de son époque en ce qui a trait à la grandeur et à la forme de la bouche des feDllles. La préférence pour la bouche forte à la fin du siècle de Louis XIV passe sous la Régence

puis durant tout le siècle à celle de la bouche petite, au dessin

pré~is.

(4) C'est ainsi qu'il remarque la bouche de la Binetti qui "n'était pas trop grande"(S) et qU'il déplore la forme de celle de Geneviève qui était"trop grande" (6) • (1) (IX, 86-87) (2) (IX, 253) (3) (VIII, 88) (4) Goncourt, p. cit. pp~ 321-322 (5) (IX,' 198) (6) (II, 300)

(25)

,

,1

, ,

'1

21-Autant que possible la couleur des dents doit se marier à

<

celle du teint; encore là le b~anc éblouissànt est l'idéal à atteindre. L'émail le plus brillant, la fratcheur et une denture d'ivdlre sont'par-ticulièrement estimés (1) • Aussi, si l'émail des dents d'Annette

"n'eût plié au jaune, cette fille aurait pu passer pour une rare beauté"(2).

Pour désigner d'autres belles dentitions il emploie des qua-lificatifs vagues ou à valeur superlative: les "belles dents" de Gene-viève (3), les

~'dents

superbes" de Mlle de Romans (4) et le "râteli.er su-perbe,,(5) de M.-M. Il compare les plus belles dents à "deux rangs de perles"; une femme atteint le sOllDDet de l'échelle d'évaluation quand s . dents sont "deux rangs de perles du plus bel émail,,(6).

\:

Au rang des "oubliées" figurent encore Bent=a.ette, Thérèse-

."

BeUino et Mme Dubois.

d

Rarement, le galant Giacomo décrit une femme sans parler quelques instants de la fQrme, du volume, de la couleur de sa gorge, sans lui prêter des qualificatifs évocateurs ou sans établir une compa~

raison avec la go{ge de Vénus.

..,'

(1) Ces qualités se retrouvent chez la fille du cOIIIte

Bonatede (l,

14Sh,

chez Mariuccia (VII, 201), chez la Binetti

(IX, 198)

et chez Chirlot-te (X, 290) (2) (VII, 123) (3)

(4)

.

(II, 300) (VII, 24) (IV, 15) (5)

(6) C'est le cas

de

la Binetti (IX,

198)

et

de.

Mlle C.C. (III, 264)

.

,

-\.

(26)

1

20-.

Comme/pour la description des cheveux, il utilise des

q~a-lificatifs vagues pour' pebdre ce trait physique; i l Glualifie de

"bel-\

les boucheQ" celle de Mme F., d'Henriette, de la fille comte Bonafede,

"

de Mariuccia et de la Q{l).

~C'e8t

surtout i'expression de gaieté qui se dégage d'une bouche qui

l'attire'particulièr~~nt.

Ainsi apprécie-t-il Charlotte pour sa "Qouche faite pour les ris,,(2) et celle de Mlle

.

..

, de Romans sur laquelle il décèle '''le gracieux rire de la modestie alliée il la complaisance" (3) •

.

Si Casanova se conforme aux crit~re~ esthétiques de'son

é-of'

poque, il précise son attrait personnel pour l'exp~ession de gaieté d'une bouche qui lui sourit.

Au dix-huitième siècle, la mauvaise alimentation et les con-ditions hygiéniques souvent precaires privent très tôt les gens de leurs dents naturelles et toutes les femmes, qu'elles appa~tiennent au peuple, il la bourgeoisie' ou l la noblesse, finissent par se procurer un "râte-lier". Leur beauté s'associe donc l la fratcheur, il la régularité et il la couleur de leurs dents. Casanova, .fid~le aux nomes de son siècle, recherche ajSSi cette beauté et s'il préfère une bouche ornée de ses dents naturelles, il apprécie aussi un "r~elier" bien foraé •

'(1)

(2) (3)

Mme F (II, 164), Henriette (IX, 86) et "la fille du coate Banalede (1, 148), Hariuccia (VII, 201) et la

Q

(VIII, 217)' \

<>

(IX, 290)

(VIl

t 24) è

(27)

.r--e

22-Le modelé de la gorge le satisfait toujours. La Charpi1lon arbore une poitrine "d'une forme

~arfaite,,(l),

alors que celle de Mlle C.C. est parfaitement moulée(2) •

Le volume des seins contente également Casanova qui ne mani-feste ici aucun goGt particulier; il

excus~~~

une "poitrine pe-tite par le jeune âge et ne l'apprécie guère moins. Ainsi en est-il de la Cbarpillon dont la "gorge était petite, mais parfaite" (3) , de Zalre dont la "gorge n'était pas encore parfaitement développée" car elle avait à peine quatorze ans,,(4) et de Mlle de Romans dont "la belle gorge n'excé-dait en rien,,(5) les belles proportions.

La couleur de la gorge qui est laissée 1 moitié découverte

;

par la robe en vogue, s' harmonise à la couleur du visage. Au

dix-hui-ti~ siècle le maquillage s'applique sur la gorge et, comme les canons de la'mode favorisent le blanc éclatant, la poitrine idéale s'y conforme.

casanova, fid~le à 80n si~cle, apprécie donç particuli~rement

une gorge blanche, ou, pour employer le vocabulaire de 1'6poque qui est auss1 le sien, une "gorge d'albâtre":

'-.../>, (1) (IX, 280) (2) (III, 264) (3) (IX, 280) (4) (X, 117) (S) (VII, 24-25

...

..

(28)

,

,

.'

,

"'

-La d,euxième Lia "( ••• ) parut devant moi en corps avec son sein ferme et blanc plus qu'albâtre, découvert tant qu'il pouvait l'être, ( .•• )" (1)

La fermeté des seins l'émeut et i l note cet aspect chez Geneviève(2) et chez Annette:

n( ••• ) deux petits seins qui paraissaient de marbre,,(3)

Le plus souvent il caractérise la gorge de la femme par l'emploi d'épithètes ou de superlatifs variant de "belle" (la comtesse A.B.) (4) à "superbe" (Mme Stuard) (5), i "merveilleusement bien

propor-tionnée" (Mariucc1a) (6) , ou encore à "la plus belle de toutes les gor-,. ges"" (M.-M.) (7) •

La poitrine de la femme de Jos80uff le trouble particQliè-rement lorsqu'il devine sous le voile qui la couvre

(1) (2) (3) (4) (5) 1 (6) (7) ~(8)

"( ••• ) un -.ouvement lent, et souvent inégal ( ••• ). Les

d~ux petits globes étaient séparés par un espace étroit et arrondi, qui me semblait un petit ruisseau de lait fait pour assouvir ma soif et dévor~ par mes lavres"(8).

1 (XII, 162)1

,

(II, 300) (VII, 123) (II, 240) (VII, 56) (VII, 89) (IV, 40) (II, 95) "

,

~ : ?,r.~ ;,. ~.~. \,

(29)

,.

Quand une poitri.ne surpasse en beauté les schi!mes huaains, le

V'ni-tien fait appel l la mythologie. Ainsi la'poitrine d'HElène est-elle taillée "sur le modèle de la Vénus de Médicis" (1). Il OIlet cependant

24-de nous donner 24-de telles préci.sions sur la poitrine 24-de Thérèse-Bellina, d'Henriette, de Mme Dubois et de Pauline.

t

Au cours de notre recherche, nous avons constaté qu'à me-sure qu'il avance en âge, Casanova accorde de moins en 1IIOins d' importan-ce à la gorge des fe.mes. Seules Za~re (quatorze ans) et Miss Betty

(dix-sept ans) ont mérité qu'il révélât quelques caractéristiques de leur poitrine, et nous attribuons ce fait à leur jeune ige(2). Dans ses der-nières aventures, il avoue s'être souvent contenté de peu et sans doute, ses dernières "flammes" étaient-elles moins bien pourvues par la nature:

"ayant l'air d'un papa plus que d'un galant, je ne croyais plJ1s avoir ni des droits, ni de justes

pré-tentions" (3)

~ peut aussi penser que ses nor.es d'appréciation ont évo-lué et qu'à l~ suite de sa . . lheureuse aveneure avec la Charpillon, il a préféré s'attacher plut6t aux traits de caractare qu'aux traits physiques des feœaes.

Parai. les cri.t~re8 de beauté du cU.x-huitiae si~c1e flaurent les fOnles Tondes et pot_lées; c'est I l une aarque de santé, up. signe

(1) (VIII, 106)

(2) Zalre (X, 116), Mlsa Betty (XI, 218)

(3) (XI, n8)

,

..

(30)

d'appartenance

a

la classe supérieure de la société,

a

la classe qui mange beaucoup et qui se nourrit bien.

Les lignes ondulantes, les formes modelées par la volupté, les chairs grassouillettes ont fait du peintre Boucher le témoin du goût de son siècle (1) •

Comme les tableaux de Boucher, les Memoires reflètent les normes de beauté de l'époque en chantant les formes pleiues de l'anato-mie féminine. Ce sont plus spécialement les bras et les mains qui sont ainsi décrits. Casanova remarque les "fort beaux bras" de Mme Stuard (2) et ceux de la femme de Jossouff "dont la forme et la blaucheur m'éb1ouis-saient,,(3) •

»

Les mains. elles. bénéficient d'une description plus exbaus-tive qui en détermine la couleur, la forme et qui leur prête des

qualifi-!

1

catifs usés. Comme le teint et la gorge parfaits désignés par le déter-minatif "d'albâtre", les mains ont aussi droit à la métaphore. Casanova se souvient du Roland furieux de l'Arioste et compare ainsi les maius de la femme de Jossouff à celles d'AIcine(4). Les mains de la Charpi110n se

c~nt:entent

de 1 'adjectif

~'blauches,,(5)

et: les maius bien en chair sont

....

(1) Sou cél~bre tableau représentant Louise 0 'Morphy étendue sur le veutre, appuyée sur les coudes, les jambes écartées dans une

posi-tion des plus érotiques, té.oigne de cette .ode.

(2) (VII, 56)

(3) (II, 94) (4) (II, 94)

(31)

/

26-"

désignées par le qualificatif "dodues" (1) •

Le qualificatif "belles" complète le plus souvent la des-Cription(2) •

Comme nous l'avons expliqué au début de ce chapttre, l'uti-lisation des paniers gonflant la jupe de la femme accentue la finesse de sa taille. L'oeil voluptueux du Vénitien ne saurait y rester indif-ferent; il formule donc quelques remarques sur cet aspect de l'anatomie féminine. La caractérisation de la taille par les adjectifs "svelte,,(3) ou "fine,,(4) revient

fréqu~ent

dans la description de sorte que cette particularité de la taille perd rapidement de son originalité. Cependant pour faire ressortir davantage une taille tout spécialement remarquable, i l a recours une fois de plus à la mythologie: il utilise le

détermina-tif "de nymphe" pour désigner celles de Christine (5) et de Mlle X.C. V. (6) •

Au terme de cette étude de l'esthétique des traits physiques

...

féminins appréciés par Casanova, nous ne saurions passer sous silence les aspects de ttnté et de propreté si importants chez lui.

A maintes reprises nous le voyons soucieux de ces points. Il se lave avant et après une relation sexuelle; consciencieuseaent, il soi-gne au mercure les nombreuses maladies vénériennes qu'il a contractées,

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

Les mains de MRe Stuard (VII, 56), de Mariuccia (VII, 201) et de la Charpillon (IX, 280)

les "belles mains" de M.-M. (IV, 37), d 'Henriette (III, 37), d'Esther (VI, 35), de Mlle de Romans (VII, 35), de la coatesse A.S. (II, 218), de Charlotte (X, 290) et de Lia (XII, 183)

(l, 172), (VII, 269) et (II, 95) (I, 148), (II, 95), (VIII, 186) (II, 240)

(32)

et, au besoin, n'hésite pas à entrer en clinique. Tous ces soins, il les exige également des femmes qu'il convoite, et on le comprend bien si nous connaissons les conditions hygiéniques fort précaires dans l'Eu-rope du dix-huitièœe siècle.

Dans la plupart des pays, la misère empêche les paysans et les ouvriers de se nourrir adéquatement; ces derniers deviennent à la mer-ci d'une épidémie. Au début du dix-huitièae siècle, Venise a ainsi vu sa population se déctmer(l). De plus, les hôpitaux ne pullulent guère à tra-vers l'Europe et l'on y vient plus souvent pour mourir que pour guérir.

En 1769, à l 'Hôtel-Dieu de Lyon, deux malades partagent le même lit et deux cent cinquante employés s'affairent autour de 1,100 patients(2). La mala-die touche particulièrement les enfants en bas âge: en ,France, sous Louis XVI, la mort frappe la moitié des enfants durant les deux premières années de vie(3); à Venise, la mortalité infantile dans les quartiers ouvriers augmente de cinquante pour cent entre 1110 et 1790(4). Une aauvaise alimen-taUon due à la misère qui sévit dans le petit peuple fait des enfants des proies faciles. Enfin, le fléau de la vérole atteint toutes les couches sociales arrachant certains à la vie, mutilant d'autres pour le reste de leurs jours.

Si la Jdske, les épidéaies, l'état .alsa1.n des hôpitaux et la

vérole causent des ravages à la santé publique, les conditions hygiéniques

(1) Jonard', Norbert. La Vie quotidienne l Venise, Paris, Hachette, 1965,p.33 (2) Kunstler, Charles. La Vie quotidienne 'sous Louis XVI, Paris, Hachette,

1953, p. 119

(3) Kunst1er, Charles, ibid. p. 295 (4) Jonard,.Horbert, ibid. p. 87

(33)

28-de la vie quotidienne prédisposent la population

a

la maladie. Ainsi le port prolongé de la perruque occasionne diverses maladies, car, a-près avoir passé plusieurs heures à l'édification de monuments capillai-res généreusement enduits de poudre, les femmes hésitent à se débarras-ser de cet ornement et ne se coiffent plus pendant plusieurs jours. La

détérioration de la poudre amène alors des démangeaia,ons du cuir chevelu; les poux font la fête dans la masse des cheveux naturels et des postiches, provoquent l'inflammation du cuir chevelu qui, peu à peu, affecte les yeux.

Au niveau des conditions hygiéniques, 'la France du dix-hui-tième siècle l'emporte sur les autres pays d'Europe(l): le bain se popu-larise et amène ainsi la création d'établissements spécialisés en ce do-mai ne , les chambres d'hôtels sont munies d'un bidet, les hommes et les femmes portent des vêtements plus souvent rafratchis. Comme les Français,

»

les Vénitiens manifestent ~n extrême souci de propreté corporelle. Mauri-ce Andrieux rapporte que

"la pratique des bains leur était familière. dans des eaux où elles (les femmes) avaient fait infuser du musc, de la myrrhe ou de la menthe. Le bain était suivi d'une application d'onguents divers: les uns rendaient la peau lisse, d'autres blanchissaient les mains, d'autres encore donnaient aux ongles qu'on portait fort longs, la teinte des roses" (2) •

Le souci de propreté rencontre chez Casanova tient peut-être

à un goût personnel ou à son éducation de Vénitien; quoiqu'il en soit, il

1.

(1) Kunstler, Charles. op. cit. p. 159

(2) Andrieux, Maurice. Venise au temps de Casanova, Pari., Hachette 1969, p. 173 ~

, ,

, <

(34)

e

ne peut goûter les beautés d'une femme malpropre. C'est a~nsi que pour apprécier les formes enchanteresses de

,

Lou~se O'Morphy "n'ayant autre défaut que celui d'être sale"(l), il la déshabille, la lave de ses pro-pres. mains et

Loui~

devient "une beauté

a~complie,,(2)

Il arrive fréquemment que Casanova lave lui-même la femme qui vient de partager sa couche(3); il le fait non seulement par souci de pro-preté mais aussi en guise de tendresse et de reconnaissance. Après un é-change amoureux avec M.-M., il avoue:

"Je lui ai moi-même lavé ses beaux seins, qu'avant ce moment-là le sang humain n'avait jamais souillés"(4).

Geneviève jouit du même privilège(5). Enfin Mme Baret et lui ne quittent le lit que "pour aller faire(leurs) toilettes,,(6).

Outre 1 'hygiène corporelle, la sant', attire également casano-va qui refuse les acasano-vances de la courtisane Ancilla parce qu'elle "êtait

touJours enrouée, et se plaignait continuellement d'une d9uleur

intérieu-re dans le gosier" (7) \.

La maladie se propageant rapidement l cette Epoque et les re-mèdes efficaces n'étant pas toujours connus, Casanova, pour protEger sa santé, s'abstient de se joindre aux ébats amoureux d' Anci11a et de Murray,

(1) (III, 19,7)

(2) (III, 197)

1:

(3) Hélène et Hedvige (VIII, 106), C.C. (III, 267) (4) (IV, 70)

\

(5) (II, 300) (6) (V. 254) (7) (IV, 137) 1 ~,I \

,

( '- .1

(35)

/ 30-ministre résident d'Angleterre à Venise. Il refuse également de se jOin-dre aux luttes d'un jeune libraire et de Mme de la Saône dbnt la

"figure était épouvantable; elle n'excitait à pitié qu'après avoir fait horreur. C'était une croûte noi-râtre, affreuse, dégoûtante; un amas de cent mille bulbes qui composaient un masque qui lui allait du haut du cou jusqu'à l'extrémité du front, d'une oreil-le à l'autre. Son nez n'était pas visible"(l).

Lorsqu'il se sait atteint d'une maladie vénérienne, il.se , refuse à l'amour afin d'épargner sa partenaire. Il "sauve" ainsi Mme

de. •• "( ••• ) n'allant j smais au-delà des conf ins prescrits aux égards que je devais avoir à sa belle santé" (2) •

L'étude particulière des divers traits physiques des femmes décrites dans les Mémoires nous amène maintenant à tLacer l~ portrait-ro-bot de la Femme idéale. ~ casanova manifeste parfois ses goûts person-nels, il n'en est pas moins influencé par les critères de beauté de

l'é-\

poque et dans ses descriptions, il en utilise alors les clichés.

Une femme au goût du siècle aura le teint "le plus blanc pos-sible"; si la première partie du dix-hui Uème siècle favorise les brunes aux yeux noirs, les blondes aux yeux bleus deviennent les femmes recher-chées de la seconde moitié du siècle: les yeux "grands", ''bien fendus" et "A fleur de tête" attirent l'attention. La bouche est "petite", les dents, semblables à "deux ranis de perles", se marient au blanc du teint, et leur forae est "rêgulière"; la "gorge d'albâtre" charme tous les h01lllDeS, les bras bien ronds et les mains "blanches et potelêes" flattent le' resard; la

(1) (IV, 189)

(36)

taille est toujours souple.

Nous retrouvons ces critères de beauté chez divers per-soonages féminins des romans du dix-huitième siècle. Ainsi la marguise de Merteuil décrit en ces termes Cécile Volanges:

n ( ••• ) elle est vraiment jolie (1); cela n'a que quinze ans, c'est le bouton de rose; gauche, à la vérit€, com-me on ne l'est point, et nullecom-ment maniérée: mais, vous autres hommes, vous ne craignez pas cela; de plus, un certain regard langoureux qui promet beaucoup en vérité: ajoutez-y que je vous la recommande; vous n'avez plus qu'à me remercier et obéirn(2).

1

Valmont brosse de Madame de Tourvel le tableau suivant:

n( ••• ) c'est dans l'abandon du négligé qu'elle est vrai-ment ravissante. Grâce aux chaleurs accablantes que nOU9 éprouvons, un déshabilUL.de simple toile me laisse voir ~

t~ille ronde et souple. Une mousseline couvre sa gorge; e't mes regards furtifs, mais pénétrants, en ont déjà saisi les formes enchanteresses. ( ••• ) et quoiqu'elle ait les plus belles dent~ du monde, elle ne rit que de ce qui l'a-,muse"(3) n( ••• ) je parcourais son bras frais et potelén (4); Le chevalier Danceny écrit à Cécile Volanges:

USerai t-ce un crime d'avoir su apprécier votre charmante figure, vos talents séducteurs, vos grâces enchanteresses, et cette touchante candeur qui ajoute un prix inestimable à des qualités déjà si précieuses?n(5)

,

Des Grieux devient 8.IIlOureux dès qu'il aperçoit Manon: .

(1) C'est nous qui soulignons

(2) Laclos, Choderlos, (de). Les liaisons dangeureuses. dans Oeuvres

coaapl~tes, Biblioth~ue de la Plêiade, Gallimard, P~i8,1951,

Lettre II, p. 14

(3) Lac10s,-op. cit. Lettre VI, p. 21 (4) Laclos, ibid, Lettr, XXV, p. 57 (5) Laclos, ibid, Lettre XVII, p. 41

/

(37)

(

\

32-"nIe était si cbaraante, que lIOi, ( ••• ) je me trouvai enfla.aé tout d'un coup, jusqu'au tl'ansport et à la fo": lie. ( ••• ) La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse ( ••• ) ne me perairent pas de balancer un aomelit sur lU réponse" (1) •

Lors d'un exercice public à l'école de théologie, Des Grieux retrouve Manon:

"Ses charaes surpassaient tout ce qu' 011 peut décrire. C'était un air si fin, si doux, sl engageant! l'air de l ' SIDOur aêae. Toute sa figure ae parut un enchan-tement"(2).

Notons que l'abbé Prévost ne décrit pas le physique de ces personnages; cependant ces deux extraits font ressortir le caractère va-gue et exagéré du vocabulaire de l'époque, vocabulaire emp10yé à maintes

1

reprises dans les Mêaoires. D'u~e façon semblable, Alexandre de Tilly dessine dans ses Mêaoires le portrait de Sophie de Lorville, jeune fil-le rencontrée chez Mme de .•• :

,~ "( ••• ) jolie blonde de vingt ans, que la nature avait ornée de aille dons plus touchants que la beau té. Son visage n'était pas correct, aais i l y avait, si je puis parler ainsi, une alliance entre ses yeux bleus et ses dents blanches, qui gagnait tous les coeurs quand elle venait à sourire. Elle était faite co . . e une nymphe, avec la fratcheur des roses; une taille .olle et flexible, un organe aussi séduisant que sa d~rche, et l ' un des preDl!:f.ers char1les de ce sexe, des bras et des mains ravis-sants; j'oubliais un autre de ses attraits, pour moi du moins, elle était pile"(3).

Il décrit dans un style 8~laire ~ de C ••• :

(1) L'abbé Prévost, MaDon Lescant, coll. Folio, Galliaard, Paris, 1972, pp. 54-55

(2) L'abbé Prévost, ibid, pp. 76-77

(3)

-.ouf!

du ca.te Alexandre de Tilly pour servir i l'histoire des aoeurs de la fin du XVIIIe sikle, 'de présentée et aDDOt'e par .... Chriatian Melchior-Bonnet. Mercure de France, Paria, 1965, coll. 1e Teapa retrouvf, p. 61

(38)

,!

"Sa peau 1 d'une blancheur éblouissante, passait jusque

dans son sourire, et ce sourire semblait prêter de la candeur à son âme. Ses cheveux d'un blond si tendre re-flétaient sur cette tête enchanteresse je ne sais quoi de perfide ••• mais de la perfidie d'un enfant. Une mollesse dans la taille, que les Italiens appellent disin voItura, lui prêtait un charme irrésistible" (1) •

Ces deux tableaux font ressortir d'une pa~ le goût de la fin du dix-huitième siècle pour les blondes auy yeux bleus et d'autre part ils mettent en lumière les autres critères de beauté déjà observés.

Enfin un essai de Laclos invite les femmes du dix-huitième siècle à suivre les recettes de beauté qui conserveront éternellement la fratcheur de la jeunesse:

'\

"Sachez d'fbord vous astreindre à un régime doux et salutai-re; c'est ~elui qui tient la santé; sans elle point de frat-cheur, et sans la fratcheur point de beauté; ( ••• ) Craignez également l'usage des boissons spiritueuses; une peau unie ne couvre point un sang enflammé; ( ••• ) Evitez l~s rayons d'un soleil brûlant qui obscurcirait l'éclat de votre teint; ne laissez pas non plus gercer votre peau délicate par l'im-pression d'un froid excessif, mais gardez-vous plus encore d'une vie trop sédentaire; les chairs mollissent et perdent leur ressort dans l'air stagnant et étouffé de vos apparte-ments; ( ••• ) si l'envie ou l'ambition vous dévorent, bientôt vos yeux caves, votre teint plombé, votre excessive maigreur auront terni votre beauté; ( ••• ) vos yeux battus, vos lèvres flétries, vos joues décolorées, ne sauraient faire naltre des désirs qu'on s'aperçoit assez que vous ne pouvez plus parta-ger. ( ••• ) il n'est point de parure sans une propreté rigdu-reuse; ( ••• )" (2).

Ces exemples tirés de diverses oeuvres du siècle témoignent bien de la valeur de reporter de Casanova; les femmes qu'ir~Dou8 décrit se ·conforment

(1) Tilly, Alexandre, op. cit., p.J306

(2) Laclos, De l'Education des FeIIIIM!s dans Oeuvres cOllplètes, Bipliothè-que de la Pléiade, Gallimard, Paria, 1951, pp. 445-447 '.

(39)

,

.-..

34-aux valeurs esthétiqUès de son époque. D'autre part les portraits que

il esquisse révèlent que ces valeurs ont aussi eu emprise sur lui et

.-"lnsi, Casanova devient un hOIIIDe semblable aux autres hoœaes, sensible aux mêmes cri tères de beauté, charmé par les mêmes appâts f,éminins.

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(40)

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...

J CHAPITRE II

,

L'EROTISME

ET LES TRAITS PHYSIQUES

..

~

Casanova, nous venons de le voir, manifeste 'peu ses goûts , esthétiques au niveau des ~raits physiques puisque le plus souvent il

se conforme aux crit~res de beauté de son époque. Cependant nous croy-ons qae certains traits physiques- la fratcheur de la peau des jeunes femme~, la taille, l'expre~sion du regard, les lèvres, la voix, le sexe. les hanches, les jambes et J..es cuisses - allument che'z lui l'étincelle du ~~sir et deviennent des valeurs ~rotiques élémentaires.

Cl

~

Le galant Giacomo manifeste son goût personnel pour la tex-ture de la peau. La na~ur; comble une feœme en la dotant d'une peau' d'un blànc éblouissant et d'une extrême

fin~sse';

la fratcheur du teint est aussi un aspect qu'il

not~

chez Mlle Vésian(l). Il lie la fralcheur du teint 1 la santé et nous avons vu dans le premier chapItre

l'importan-a

-

,

~ ce de ce second aspeft.

:1 casanova préfère une félmae l la peau "éblouissante" ou d' Itu _

ne blancheur absolue"et d'une "frdcheur" extrême. En cela 11 re~oint les

crit~res formulés par Laelos qui résuae ainsi les désirs de l'~:

(1) (III ~ 181)

(41)

36-"il s'aperçut enfin qu'une peau douce et fine, tendue sur une cha1~ ferme et élastique, apanage exclusif de la fratcheur, suite ordinaire de la jeunesse, lui procurait un toucher plus agréable, en le fai~ant reposer plus dou-cement; il désira la fratcheur"(l).

Laclos relève ici la correspondance entre ~a fratcheur, la douceur de la peau et la jeunesse. Nous connaissons par ailleurs le

"

goût de Casanova pour les très jeunes filles; nous retrouvons dans' les Mémoires vingt-et-une jeunes filles de quinze ans et moins, vingt-huit se situent entre quinze et vingt ans, quinze entre vingt et vingt-cinq ans et six femmes ont plus de vingt-cinq ans. Si ce relevé est incomplet, ) il montre tout de même la nette préférence de Casanova pour les femmes de moins de vingt ans.

Les critiques interprètent ce fait de maintes façons: Guy Endore croit que Casaqova

..

"dans un élan de générosité ( ••• ) réduisait les âges de ses mattresses, qui étaient âgées de trente, quarante, et peut-être cinquante ans, ( ••• ) ayant eu la fort indis-crète curiosité de jeter un coup d'oeil sur leurs certi-ficats de naissance! Casanova fait d'elles toutes des tendrons de seize ans"(2).

Marco Ramperti partage cet avis et ajoute:

"Quand il leur ôtait leur virginité, il leur ôtait en même temps, quatre ou cinq ans. C'est peut-être bien pour cela que, sensible comme il l'était, il n'éprou-vait pourtant pas de remords"(3).

La reaarque que formule Robert Abirached retient particulièrement notre attention. Ce critiqu4l explique le "penchant" de casanova

(1) Laclos, Choderlos (de). De l'Education de. femmes, p. 438

(2)

Eodore, Guy.

Casanova, (1725-1798),

Paris, Payot.

1934.

pp.

19-20

(3) Ramperti, Marco. op. cit., p. 74

(42)

...

Comme étant un attrait

"( ••• ) qu'il a pour les femmeg-objets, qui n'apportent à l'amour qu'ignorance et docilité curieuse. Encore une fois, Casanova n'a que faire de l'âme et des nuances du coeur: il ne cherche ni à dominer ni à posséder, mais à emprunter à celles qui passent le plaisir qu'elles détien-nent, sans se charger de leur destin ni leur remettre la plus petite parcelle du sien."(l)

Nous croyons que la première partie de l'affirmation de Robert Ahirached est juste et nous tenterons de la démontrer dans le quatrième cha-pitre de notre mémoire; nous soustrayons cependant de cette assertion le ter-me "curieuse" qui donne lieu, nous semble-t-il, à des sous-entendus malveil-lants. La deuxième partie de l'explication de ce critique est nettement pé-jorative et laisse voir l'hostilité qu'il éprouve à l'égard de Casanova. Nous n'y souscrivons guère et croyons plutôt que le galant Giacomo n'est J'ni meil-leur ni pire que la plupart de ses contemporains dans les milieux où il évo-luait.,,(2) Childs souligne encore:

"(qu')1l ne serait pas de plus grande erreur que d'utiliser les rèiies en vigueur à notre époque au lieu de celles qui avaienPJcours en son temps. A maints égards, les perspecti-ves du dix-huitième siècle sont aussi différents des nôtres que celles du Moyen-Age. fI (3)

Abirached, de même que Ramperti et Maranon, tombent tête baissée dans cette erreur et révèlent ainsi davantage leur puritanisme que leur sens de l'Histoire. Autres temps, autres moeurs.

J. Rives Childs ouvre un autre volet d'explication quant au goût du Vénitien pour les jeunes femmes:

(1) Abirached,Robert, op. cit. p. 163

(2) Childs, Rives, J. op. cit. p. 20 (,

(3) Childs, Rives, J. ibid., pp. 19-20.

~~

,

"

Figure

TABLE  pES  MATIERES
ABBE  PREVOST.  Manon  Leacaut,  Paris,  Galliaal'd,  coll. &#34;FoHo&#34;  J  1972

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