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o #1,
Je tiens l exprimer ma reconnaissance l l'adresse de la
Biblioth~que "des déuüchen Archivs im Schiller-Nationalmuseum"
'l Marbach am Neckar, pour la bienveillance avec laquell~ elle a
/
introuvibles ailleurs,
/
mis h ma di~position ses revues et journaux, et indispen'ables pour mon travail.
,
/J'adresse également mes remercie.ents )1en sinc~res au
,
.
Dr A.Arnold, directeur du Département d'al~mand \ l'Université McGill, pour~ses conseils judicieux et ~ supervision de ma bh~se.
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lfaurice Barrè's. René Sch1ckele, une étode comparative
Marlyse Duuaul t
,1
A the.la aubmitted
Fo
the Faculty of Gradu.te Studies and Re.-earch ln~ partial fulfUment of thé requlrements for the dagne of Doêtor of PhUo8ophy in Geman.1
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J)ep't
bMnt of Ge l'IDan;'l-NcGU1
Uni". rd ty ; ()Koacreal, ~.Q , •• Canada. \,
s.ptea\,r
1973'.
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\-Abstract
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To establish points of similarity between Barrès and
~chickele may first seem surprising as they are separated in time by a quarter of a century and by a hundred kilometers in space.
-, However they were nurtured by a coumon land: the province of Alsace-Lorraine. Both of them were sensitive to the Franco~
German
envir~nt.
They went on identical journeys. Both of them were deeply rooted in their homeland, attracted by the beauty of nature, and led on by the same feelings...
.
,But Reason separates them. Barrès identified himself with France and his native Lorraine while Schickele went beyond Alsace and
situated himself in a country whe're the Rhine is no morel"\ frontier but a link. Barrès went from egotism to "racinement", whereas
Schickele wanted to free himself and was directed towards
av,ilabi-~
lit y and'internationalism.
In his early works, Schickele followed in the foot.eepa of Barrès and fOdnd inspiration in him. Schickele found in Barrè. en initiator but not a . . ster.
'> \ 1
/
) 1 ••
•
Abst;~act Marlyse Dussault DeparÇtnent of Gennan 1 Ph.n!Tit. Maurice Barrès, René Schickele, 1 une étude comparative.
Résumé
"
..
Barrès, Schickele, ce rapprochement paratt singulier de
pri-!
me abord d'autant plus qu'un quart de siècle les sépare dans le temps
!
\" et une centaine de kilomètres dans l'espace. ~
M
Cependant une térre commune les a nourris: l'Alsace-Lorraine.
Tous deux ont été sensibilisés par le contexte frabco-alleman'd. Des
voyages identiques nous ont permis de placer les deux auteurs sur un
,
.
dénominat~ur cQmmun. L'un ~t l'autre se sont attachés au sol natal, à
la beaut€ de la nature, guidés par les mêmes sentiments.
.
.
Mais leurs chemins bifurquent au moment où la raison s'en
""
mêle. Barrès ttouve son identité ~ travers la France et sa Lorraine na-tale alors que' Schi-ckele dépasse le cadre de l'Alsace" et se situe
lu1-,
Olême dans un pJlYs où le Rhin n f est plus une frontière, mais. un trait, r"_
d'union. Barrès va de l'égotisme au racinement, Schickele par contre
tend à la di.p~nibilité,
a
l'i~ternationali.me.Dans ;Ies oeuvre. de jeunesse, Schickele aura suivi' les tra-.... ce.
de
80n dné',et se sek"a inspiré de se. ouvrage •• Schickele trouve~
en Barrè. un ini~iateur, maia non un maltre.
,
\
,
.
, . ,
•
•
•
/ '. Epigraphe Avant-proposli
Chapitre 1Lé
traditionalismeA Table des Matiire,
PREMIERE PARTIE
LES SENTÎMENTS'
Le témoin lorrain et l'enfant alsacien
1
Le retbur aux sources
Chapitr, Il
"
,
L 'f~crivain face
à
la ferrme, à l'amour,à
la b~,t~R. Schickele face à la fenme,'à l'àiOOur:,
à
la beautf,
Conception de la beauté
Chapitre III
Le. paysages et la natpre chez
M.
Barrè.L'app~l du Sud - Barrès et les vOYa8es
~ Pay.ages italiens Barrès et l'Espagne . La Gr~c~ et l'Orient No.ta1Si~ \. " ~ \ , lLe. pay.age. et la nature chez R. Sehlckele
L'attirance du Sud pour Schickel.
.
,L'appel du 101 natal ou 1. nOlt_lgie ches Schiékele éone1udon de la 1ère partie,
..
\,r , '
1
1f:
4 7 28 36 • ,1 420
4648
.50 52' 56 ,l,~
6471
77
,...-83 ,.
". ~ .... _._~~-~. - ', 1 1
lItt
.< DEUXIEME PARTIE LA RAISON j Chapi tr.e lLe Socialisme - Jean Jaurès 89
Le Socialisme et
R.
Schickele 97Chaeitre II
La Suisse - la guerre - la p8i~ 104
Schickele face à la Suisse - A propos de la guerre et de 1« paix 109
Chapitre III
La question Alsace~Lorr~~' 123
, '
Du nationalisme BU régionalisme 124
La question Alsace-Lorraine et R. Schicke1e 130
Affaire Dreyfus, Affaire Caillaux et
P.
Bucher vus parM.
Barr~s 14~Barr~s et l'Allemagne
L'affaire Dreyfus, l'affaire Caillaux et
P.
Bucher vus parChaeitre IV
La littérature
Barr~s et la littérature'fran~aise Barr~s et la littérature allemande Schickele et la littérature
Sthiekele face l M. Batr~s
Influence de M. Barr~s
Conclusion
Addenda
Del D'ra~inés de 8arr~s au rremde de' Schl~ele
R.
Schicke~151
168 191' 198 224 232 241 247•
e
Chronologie comparée Dates 1862 1870 1871,
1875 187'7 le82 1883 1884-85 1887-89 1887 1888 1889 ' 1891 1892 1894 Evénements historiques Guerre franco-allemande Traité de Francfort Regroupement des socia-listes allemands, Crise boulangiste 1894-1906 Aff.l~ Dreyfus 1897 , ' Barrès Naissance à Channes, Lorraine Occupation de Charmes par les AllemandsEntrée au lycée de-Nancy
Installation à Paris 1er voyage en Italie Publication des 4
nu-m'ras de la rewe "les Taches d' Encre"
Voyage à Venise Sous l'oeil des Bar-bares
Un hoane 11 bre
Le Jardin de Bérénice
1 1er voyage en Espagne 1
Du San de la Vol té et de la Mort
Schickele
Naissance
à
Oberehn-he1m (Alsace)•
\
n
7
Chronologie comparée (s~ite)
Evénements historigues 1898 Fondation de l'Action
fran-~aise, qui proclame son adhésion aux thèses nationa-listes de Barrès 1899-1902 Ministère Waldeck-Rousseau 1900 1901 1902 1903 1904 1905 1906 1907 1908 1909 du procès Dreyfus
Séparation des Eglises et de l 'l!tat t Barrèe L'Appel au Soldat Voyage en Grhe Mort de sa mère Leurs Figures Séjour en 1 talie et à Tolède Amori et dolori sacrum
Les Amitiés fran-çaises Voyage en Italie Au Se~v1ce de l'Al-lemagne El~ction à l'Acadé-mie Le voyage de Sparte Colette Baudofhe Schickele Univ. de Strasbourg Parution de ses lères poésies "SQmmernachte" Parution des re-vues Der Stürmer et Der Merker
Rédacteur du
jour-nal: Das Neue
Maga-,in
fUr
Literatur Vo~age en Gr~ce, Palestine, IndesRédacteur à Paris
1er voyage en Italie 2è voyage en Italie Der Frem'de
 Parll,
correspon-dant de "Nord u. SUd"
Schre1e auf dem Bouleva;.d
pates 1~11-12 1913 1914-18 1916 1917 1918 1919 1922 1923 1924 1925-31 1929 1932 1933 1934
Chronologie cOmparée (suite)
Evénements historiques Minist~re Caillaux J Guerre franco-allemande Révolution Russe Armistice
...
Hitler au PQuvoir.
'. Barr?~s 1 Greco ou le Secret de , Ton~d~ La Colline Inspirée Voyage en Orient Sehickele Rédacteur en chef du Strassburger Neue Zeitung A Paris A BerlinArticles dans l'Echo de Hans lm Schnakenloch Paris, Discours, etc.
Les diverses familles spirituelles de la France
Visite
A
l'Alsace re-couvréeCampagne pou~ une poli-tique rhénane
Un Jardin sur l'Oronte
Une Enqu~te aux pays
du Levant
4 dée. mort de Barrès
-1
Départ en 'Suisse \1 Rédac teur de Die"
Weissen Blatt~ Die Genfer Reise, essai
Wir wollen nicht sterben
..
Installation au Bod~
see
Trilogie: Da~ Erbe am Rhein
A
Badenweiler, A1lem1(
~,Y;mphonie fur Jazz
Jn exil ~·Smarv s •
• ;ne"!
Die W1twe Bosea ' A Niee
Le Retour
•
~Date8 1936 1938 1940 , '•
/Chronologie comparée (suite)'
Evénementsoè1storigues
Güerre ci vil,e espagnole
," ".;' o
.
.
". Barrès,
(i.
.
",
Scbickele .... In.tallat~onâ
Vence Alpes Mar1~imès 31.1. mort de Schickel'E..
1. ) " ,.
';:,s-...
---~---~
c,e
h ' 1(; 1)..
" ; " o , -, " ,.
"On ~crira un jour la vie ,politique de Barrès. Il "y aura un; chapitre sur Barès -sociali.ste (1892-1897). Et, l' on reconn~t tra peut-ê,tre que l' id~e née avec Barrès' sur les màrches de
l '
..
,'~ ~Lorraine était une man~re de national-socialisme, 'fort ant!-, ' ,
sé1Îit1que, où', ave'C quelque at'tiffcGe8cer~er~it dès ~a . fin 'du .XIxè siècle" chez un 'crivain fra~tja s bien des thèmes
~
apparus brusquement en Allemagne après la mort de ~a~js.
L'auteur des Basfions de l ',Est a eu sa guerr:e en 1914. 1 La
,
.
,'8on 'Allemagne en 1934. C'est d'ailleurs en Al1et'IJagne qu'U·
.
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A
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\rencontra toujour" à l'étranger, le plus"~"ttention et de • .
cODIIlettt,ateurslf • •
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A.
Th1baudet.Hist~ir
•.de
laLlttérat~re
'françàlsede
17&9-à
no. jours. (Paris Stock. 1936) p. 476. , '\ . ,..
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, l ·IJ A1JIANT;PROPOS -, 11 •Il -;est bon' de savoir à quel point les classict\les, fits de l' éter-nel'4deviennent p~r leurs'paroles des hommes' d'actualité. MontaIgne disait que l'on peut aboutir au même but 'par des moyens différents ou bien à des buts différent.s par un même moyen. ,*1 nous, 'en donne la référenc~ ~t l'il.
lustration par des exempl~s tirés de Plu~arque, ce poète de l'histoire.
",-Ce~endant \1 'o:dre qui préside à la création des ouvrages ete
l'es-" , ,
p,ri't ~st' de deux sprtes: un ordre ind~viduel interne, un ordre externe et
~
\.
coqlec~if. Mais 'ce, ne sont
là
que deux aspect~ de la même réalité; on n~les distingu,e
.
.abs61u~ent que par un arti.fi~e ,d'analyse.. . . ' '"
.
L'imaginati~n créatrice est avant tout 'une imagination
combina-'.
' - trice.'Avant de combiner, il faut cboisir. La,eréation artistique et lltté-uire 'est d'abord un choix •. ,
.
('"
,-Choix dans l'infinité d'éléments qui se trouvent
à
ladisposl-t~~ de cl\a~e auteu~: se~sation, iViages, o9servation~, souvenirs quiJ'~u_
mentent le cQur~nt de sa vi~ mentale, documents, thèmes, réminiscences de .·b
,.
. .
,faits et de formes qui. assièsent la~conscience et l'inconscient des intel~ iectuels •.
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'
-t.,
,
.
C'est en partant de ce choix que ~ous allo~ essfyer d'étudier
'"-o .les
~olnts
communs et lesdlver~ence,'de
deux aUfeur&sép~ré8
àu'dépa;t,fil
"
,
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tem~s par'une'vlngtaine d'anné •• ,•
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c' '0talne de kilomètres.
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et dans l'espace par une cen-
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note:
2
Jacques etorrain, dans son livre Les A~lemands en France (1)
J Au début de décembre 1940, un tract imprimé f~t
répandu en Alsace et en Lorraine disant entre
~ulres: l'Alsace est redevenue allemande. Des romans fran~ais - qu'ils s'agissent ou non de
ceux"qui, comme les Oherlé, de René Bazin, ou comme Colette Baudoéhe, de Maurice Barrès, ont.
j(té traduits en allemand, doivent dispara1tre
• de nos bibliothèques, tout comme, l'immonde 'lit-térature juive, rllarxistc ou émigrée.
~ais déjà sept ans plus tÔt, les oeuvres de René Schicke1e avaient subi le m~me sort en Allemagne. Le nationali~m~ fran~ais aussi b'if>n que le socialisme allemand essuyèrent les foudres de la colère
hit-"'t...
l l'
léri'enne. En appàr:ence, c' e\st ~n êontraste, 'te fond pç~Ttant n'est pas
1
~: illogique.
Etant à 'la .fols anti-français et anti-socialiste, 1
...
t Allemagne( ne pouvei t -épargner ni Barrès, le chantre du ,nationalisme, n.i. Schickele,
le libéral de gauche.
Cette épuration des bibliothèques allemandes, souillées par la
~magie barrésienne aussi bien que par l'humanisme jaurésien d'un ~chicke1e,
1
- ~
constitue le point de départ de notre travail., Avant de considérer les contra?tes qui opposent les deùx ho~es ainsi que les nuances qui les
dis-'"
tinguent l~
,
ob ils peuvent se toucher, nous avons tenu ~ mettre en évi-dence, comme un indice palpitant de la l~gique de l'histoire, ce rejet des oeuvres ~e Barr~s et ~e Schicke1e ~ar l'Allemagne hit1érieQne. Cela veut,
dire que malgré toutes les différences qui peuvent séparer deux grands ,1
\
1. Jacques Lorrain: Les Allemands en Fran~e. édité h.Paris, le 5 janyier 1945, sans sp~cification de' i'éditeur, p. 154.
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~. 3
~
-1
j
/
e
.esprits, i l y a parfois un commun dénominateur qui les rapproche plus,
que tout au monde~ et il e~t parfois donné ~ un simple cas fortuit d'en
,
-
révéler l'unité profontle et l'affinité. nécessaire des intellige~ces quivoguent v~rs l'unjversel.
c'est pourquoi nous nous sommes prévalu de cet élément circons-tanciel d'une purge de biblioth~quc pou~ f~ire voir h quel point deux
j,
hommes venus d'hori?ons différents, pourraient ~tre sa~sis dans l'unité ~
d'une syntH~se et dans la logique d'une étud~ comparative. En l'occurence, l'événement nous sert d'esprit recteur dans l'orientation de notre sujet.
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PREMIER! PARTIE,
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4 PREMIERE PARTIE • CHAPITRE l LE TRADITIONALISMELe témoin lorrain et l'enfant alsacien
Né en 1862, Barr~s eut le malheur qu'il' transforma en obsession
nationaliste,
d'avoir vu dans sa t huiti~me annéè'--1.me troupe prus-, ' sienne çntrant sur un air di frfre dans une petite ville française (2).
Il en gardera le souvenir comme une obsession, m~is il passa
vite en Lorraine française pour devenir ~ moins de trenl~ ans un prince
de la jeunesse.'
Né en 1886, en Alsace cette fois-ci, Schicke1e, issu d'une m~rc française, mourra en 1940 dans la peau d'une ~me allemande tiràillée par
ses origines françaises.
Ce double exemple nous montre jusqu'~ quel point la patrie c'est
l'enfance. Barr~s qui passe~a en France gardera toujours cette nostalgie de la Lorraine perdue. Dans l'enthousia~me de sa jeunesse, il a failli
ou-,
blier ~ beauté de son sol natal, mais bientÔt il confessera:
2.
3.,
C.
J
dans ma jeunesse j'ai cru la beauté dispersée~ travers le monde et principalement sur les ré-gions les plus mystérieuses, mais aujour4'hui j'en
trouve l'essentiel sur le visage sans éclat de ma terre' natale (3).
Maurice Barr~s, Mes Cahiers XIV, p. 279.
...-~-"'""'!:-,
Maurice Barr~s,
Amori et
Dalor! sac5~'préface p.
VIII.
, '
'.
J
5
A son tour Schickelc conservera, dans son destin d'Allemand,
la mélan'coU c du temps de son enfance quand i l parlait fran~als.au foyer
de ses parents. Il sera toujours un compromis entre deux pays, cntre deux
cultures, mais ne coupera jamais le cordon ombilical qui le rattache à
son sol naLal. EL tout tomme Valéry qui dit que toute son oeuvre se
res-sent de sbn origine, Schickele écrira: t~eine Herkunfl ist mein
Schick-saI" (4)0
~ Malgré la diff6rence biographique enlre un Batr~s ~t un Schickele,
i(reSLC un fond d'humanisme paLriotique qui pourrait êtrE' débordé 011
cou-~
ver~ par les alluvions ~ucccssjv~s de la vic, mais qui ne disparattra
-\': jamais.
Au-dcl~ des situations variables qui peuvent faire de Barr~s ct
de Schicke]e deux consciences éloignées l'une de l'autre, il y a un fond
cormnun qui fait des protagonistes des deux drames, des hommes qui
se
ren-contrent dans l'~space des affinités et de l'unité dans l'esprit fran~aiB.Cela justifie une fois, de plus le principe de cette étude comparative des
deux sujets aussi 'loign6s ~ premibre vue qu'ils sont proches dans le
soubassement de leur &tre. In~jviduellemenL, ils 'voluent comme des astres , ' \ lointains, socialement ils sont aux antipodes, ethniquement, ils auront
des ~sursauts qui les rendront fr~res dans lJ univers de l 'humanité fran~aise.
Nous allons divIser le matériel de notr~ th~se en deux grandes
parties: Sentiments et Raison •
.. 1
, ,
4. René Schickele,
S!!:.
B~ rI1,...
p.839 •6
•
Par le sentiment nous aurons à déceler les multiples
manifesta-tians de la poésie d'un état d'~me d'un Schickele par rapport h ses con-temporains, tandis que le chapitre de la raison servira ~ projeter sur les personnages consultés la vérité psychologique de leurs talents, de leurs dons, de leurs réactions. Ce serait une esp~ce de Dichtung und
Wahrheit au niveau d'une époque dont les tendances majeures sous cet éclai-rage goethéen nous apparaissent comme la biographie d'un moment complexe de la vic des leltres européennes.
L'une de~ parties englohera, sous la notation du SENTIMENT,
les sous-titre~ suivants: Tradition, Nostalgie, Paysage et Nalure.
Si le traditionalisme est une esp~ce de nostalgie du temps passé aussi bien que des lieux fréquentés, il s'ensuit que le thème de la nature ne Ini est pas étranger. Ce th?!rne s'ajoutera, non plus corrune une intrusion \ d'éléments sans liens, mais comme une extension du traditionalisme politi-que dans l'ampleur de la nature qui dépasse la cité pour mieux dominer par
les sortil~ges et les trésors de son affecti't>n f!lémorable. A travers le
thè-me de la nature, nous touchons celui du langage, de la jeunesse, de l'a-mour, celui de la femme, de la beauté.
Quant à la partie mise sous le vocable de la raison, nous allons
faire une autre distinction. D'un caté, nous allons étudier les idéologies nat/'ionalistes et soC;io"logiques d'un Schickele et d' un Barr~s pris dans le
1
corps A corps des idées qui appellent un parallèle, et d'autre part, nous allons consacrer un chapitre A la littérature dans ses rapports avec la
Weltansc~uung barrésienne et schickelienne.
Barrer B8rr~s de la Nie de Schickele c'est la tronquer. Cette formule est en quelque so'rte. sinon le progratmle du moins 11 espri t, de
(
{
..
cette thèse sur Ull Schickcle rcndu à sa gr.mdeur COrnr:lC aux affinités
élcc-tivcs de ses p(·nchants spiritllC'ls.
',J! ; Jo'
,
L(' retour aux sourc
1
s..
..
'"crit en [nmç,éli s, René Schickele nclournc à ses orir,1nes o-ù il rcprC'nu
ses (orcC'<;, un peu comme Anll-c touchant du pif'cl la t(>}-r(' natale.
1
Jusqu'à 50- cntréè à l'écolc, Schickcle pArlera ft-ançüis, Célri l aura pour mèrC' , 1:;('lon sa propre <,xpression "une Erançi1ise' inlégré1l('I~( 5)
A la lecture de cetle expression, l'association de s iMcs nous
l'expression fameuse de Charles Maurras, celle du nationalisme
1n-.
,tégral. I l est piquant cl.:- c6nstatcr à 'quel 'point, la préc;C'tlcc d'une mère français(> dans la vic d'un homme happé flélt' l'Al1emaenc, tient le rôle dc
la conscience monitrice. Aussi n'est-il pas étonnant de l~rc dans Ce même' chapitre, que la mère ait pris "la carrièrc d'écriv.:tin allemand, pour une
plaisanterie" (6) de son fils. Cette mère française tient la réussite
ffen pays barbare", se.lon l'expression citée dans le texte, COITùnc "une
farce de col1égien".(7) De même plus tard, n'a-t-cl1e pas toujours cru
5. René Schickele, G.W., Bd III, p.785.
-6. ibid.
7. ibid.
...
---~---••
•1
-qu'il était entré à l'/~cad6mie -ft'r surpris<" qu'on l'av,lit c:;ans doute
]
"
"-confondu avec urt 'i1utrc? f.lle-mcm0 étdi t méf i.:1l1te' envers le s voisine; d'Out re-
,
Rhin et nc pouvZlit croire que son fils ait été a(cepté sans arl:lèrc-pcnc>0(,dans le r,rotlpc al1cm;md'. Elle était certaine- d'une chose: un de leurs buts
éta:i:t en tout CélS de l'cnlr,ver à sa maman .• Schickc1c cst profondéMent
aLta-ché à celle qui lui donna le jour:
[. J
la plusnffcctll(~US(',
ln pl\l<;.fidt·le desm~'rf'5,
elle était fic.'rC' de' son fils, n6n pM>
il
Cllllf,c de qualités ql\(' l0!': ,Hlt TCS pl-(·tC'nd<lÏ(·nt ùi cOllvri 1- 0nlu 1, m;)j s (' n ra i 5 on d (' v (' r t \l S q II ' elle é t ,li t 5 c ul e
à
conndîtrC' ••• (8) \Dans cc Rdc:..l2.E dont le premier livre est intitulé Scr~lIl.r_~,
Sc;hickele essaie d'('~pliquer son dilemrl"c int{rit'ur, qll'il n'arriverél
d'ailleurs jamais à réc;oudl:C, ct &on comporLcTnC'nt face <lU monùe. Il est Alsacien. Or, pour luit "lcs Alsaciens, ça chan~(' d'humeur comne une mise Europe •• , . l t ,(9)
Mais quelle est la liüne de conduit.c d(' l'Alsacien? Il écrira un
livre français t>n langue allemande, de même qu' "il fait l'amour français
en langue allemandc".(lO)
S. René Schickele,
a.w.,
Bd 111, pp.785-786.9. 'i b id. p. 784.
10. ibid •
L'auteur s'cxcu~c de ne pas 2trc rcst6 fid~Jc ~ la langue de son enfance,
'm~is
il c-t:-dllt l'excès delop,i~LIf';il.fnsi
que Iii rcchC'rche de l'no!;t rait dans la'lanGue fr<ll1\,dsc. Et i l s'explique d<lVanlnr,e:PourLl11t je nc 1'1'ntti'lche p;)<' b Ldrc llC'uf COtUle'
je le fcd~,<lf~. en tant qu 'l'criv,lill tlllcInnnd.
Sim-ph-ment je fNl!01"che 10 fond Ltlnilin1 du l;,nrJlf~(',
l'hun,ble t1"~~.or de l'enfilnt q\li, ilfill de pouvoir
les élppelC'r à lui, pos.dt sur les Ch050$ 10 nom qui le~ d(·tilch"it de l'univers, coml1e lln rilytm 'de lumit'r(' [,dt f,ortir \.ln fruit de l'ombre du
fcui11il[:c' .(11)
Et SchiCkelc est toujours resté cn[.lI1t dnl1s un coin de son co(>ur,
c.'cst-à-dire le [ils d" sa mèlC'. tlêmc s'il a d(.scrlé sa Lml~u(, millernellc, i l
g;lr-1
G.Jdans lou!> lr!) rccoino; de son âmf', avec la rumeur
d'un~ ~u~iquc lointaine, la nostalgir d'un vé~itable
'bien-lltr(' t d'un naturel sans ('ffort ni fati~\le ••• Il
ne suffit~as ~e changer d'hahitudes, i l faùdrait renahre.(12)
Ce noyau [ré/n'sais est indc~lluctiblc, m lis i l n'a pas pQlIC;~,(. pour
s'épcl-nouf r pleinC'l1'cnt, car sn mèn~ n~ 1 'dyra l'ilS assez couvé, comme il dira
lu1-m0IllC, el c'est ce 'qui explique qu'il gr;1l1Jira:
Et.le VGllà grAndissant dans la t9ur de Babel, compar-tfmpni frBnco-aJl~mnnd-alsacien, contraint de lraduire dans un tête -à~tête embarrassé les gentils petits vers allemsnds-adressps à sa mère cn ûn français q\Ji, bien
e~tendll~ a du plomb dans l'aUe.(13)
De toute 6vidcncc Schickelc semble avoir soutfcrt de celte dualitê de
lan-tag e ct de patrie. Et ces mêmes mol!; que Schicl<dc emrl~oiera le 31 janvier
, 11.
12.
13.
René SchickC!lc, g.W. J Bd, III t p. 790.
ibid. t p. 786.
IM'd. , p. 78:5.
•
..
•
.
,
10
1926 dans un discours en l'honneur de Romain Rolland, n'est que le cri de
l,
l'Ame de celui qui le prononce:.'
Bei allen Dichtern verhHlt es 8ich,wOhl 50, dass
die Mutter das Wesen des Kindes 5ehr viel stHrker bestimmt aIs der Vater. Sicher wHre das Buch der
DidtermUtter eines der allersch6nsten, das man 5ich den-ken kann, upd e~ Bollte einmal endllch geschrieben werden, Bchon der Gerechtigkeit halber, aber auch
zur Vertiefunt der Literaturgeschichte, der Geschichte der Dichter[ ••
J
Wlr be~ rachten, butaunen den Baum und wissen fast nichts von seinen Wurzeln, seinen tiefsten, reichsten Wurzeln, nichts vom Himmel der Augen, der ihr erstes Wachstum g~hUtet, nichts yom Herzen, aus dem der Rhythmus fhr~s eigenen Herzens entsprungén. ~uch die D1chter, das, was an ihnen einmalig und wahrhaft dichterisch ht, werden nicht von vorangegangenen Dichtern geboren, wie dieHerren Professoren der Literaturgeschichte uns gern glauben l~ssen m8chten, sondern
seltsamer-weise, wie andere Henschen auch, von ihren MUttern.(l4)
.
Mais Schickcle trahira sa m~r~, du moins en apparence. A ~r~s
peu d'exceptions pt~s, il écrira ses oeuvres en allemand, ce qui lui vau-dra
le
, jugement qu'il portera sur.
lui~m~me dans une lettre adressée ~ latraduct~ice fran~aise Blanche Gidon:
Mais pour eux je suis le "boche" qui n'a pas voulu
de ~a patrie en
1918.
Et vous savez bi~n que cela une femme ne le pardonne pap •••Et dire que.je l'aime, cette femmme (ma patrie), que je l'aime beaucoup trop pour lui parler œal. Ah
!
ai je pouvais 1jli ..farler en allemand : - conne je
lab le parler(::~, Alors - mes parents auraient .
dO
m'envoyer dans une ~cble française? Peut-être! Pourtant, quelle langue magnifique que l'allemand, quelle for~t magique : Quel musique que chacunre-tTouve vierge • • •
La
consolation du pauvre 7Que
voUlez-voul, en usant de la langue française(et . . ternelle
!!)
je auis le Pauv~e.(15)
14. René
Schickele,C.W.,
Bd ,III,
p.684.15. ibid. ,p.1l92
..
,
.
'1
Mais jusqu'â quel point Schickele est-il responsaùlc de cette trllhi&on?
. .Liegt ('$ an tdner Art "Be"u~sthci lssp:tltllng"
infolge mriner Stclll1ll;~ von Kind "n 7,\/ischcn den v'ôlkern, dc·n Kl'{l<;~.('n, {l(>n Tcn11'l'r,1llH'nlc'n von Vat cr
und Mut ter, den Spnlchcn, ja, bOr,lr 7wi s~lcn ùen
K\.lllstcn? }('h h:~ltc gCl<ldc so eut n\l'>il:cr o,Jc>r f
Haler wcnlen h(\nncn. Es h'jtte mir iUL11('rbin cine>
KompU.kntion errpnrt,' dic d.er Spl'<lcllPn. Aber im
Grunde> é1ueh nul' schcinhar.(16)
CC' sentiment du "pauvre" f.u}·gi ra ('n lui ch<lquc foi ri que la
qucs-,
tion dC' la lani~t1c spra f,oulcvl'c et elle le h.:l11le>rél sa vie dura.nt. Dons une'
lettre adrcsr,é(' il ThOn1rtS Hann, il annonce ln parution proch,1i.nc de· son
IlOU-demDndc 5'11 d0Ïl le public)': .
Icfi weiss Aber nicht, ob lch dos vor clnem JRhr franzUsisch geschriebene kleine Bckenntnl.buch (mit d~m unmUglichen Titel: Le Retour)
erschei-nen l~ssen 5011 •• (17)
-S'il nc possèdE:' pas la languc de Sil mèrf' d'tint' façon cerL:dnc, du moins il le croit, il rcsteia par contrE:' [ran~ais dans son ime el ccci pput-8t~c
aussi d'une fJçon :lncoHt>ciente. Dans les Tal3('bikhé>~ i l note:
~ j
ln der _Li_t('r_:1..!:_\~sc:hrcibt eindr (bed<luet:J1d)'
liber die WHHC> Hosea,! r.in Buc1l, d~s in df>r
---
"
.
Scrle franzUsisch i~t und in der Lebcnsart scinpr
Fig.uren, und das doch in be stgt'meistrrter dC\:ltscher Sprachc uns at1ruft· us'W~('f8)
Mais né sous le régime allemand et ayant fait toutcs~s~s étu~e~ en allemand, 16. René Schickele, ~., Bd III, p. 1041.
17. ibid. • p. 1242.
18. ibid. , p. 1128 •
•
oC
,
{
"
\
..
il était in~vitable que Sch~ckcle devf~nne expert dans )a langue de Goethe. Cependant lui-m~me n'y était pour rien. Le hasard, le sort de tout Alsacien
•
l'a pouss~ dans cette voie. I l est conscient de,te hasard ct i l le traite. de fa taU té:
Beim El sass han.i'el t es sich bekannLI ich dtlrum,
f
wohin es pun eigcntlich gch6r t, ob zu Frankreich oder zu Deulschtand. Mcrkwilrdig ist nur, dass auch die ElsHsscr selbst sich von jeher mit der Frage beschnftigt habcn, ol)\\,ohl dic sie
lm
Crunde gar nichts angeht. Denn WC11T} mnn atllhgelcgcnL1 ieh lat, aIs ob man von ihncn cine Ant~
worl CI\oJartc, 50 war~n dic Herren iJ1rc'S Schick~ , sais cloch test ents~hlbsscn, 50 wenig ~ie mUglich darauf zll gcbcn, es sei., denn, dic Antwort dcckLc sich mit dcr"eiserncn Absicht des Erobc't>rs, der scheinhei,lig ,das Orakel befrag tc. (19)
Dans f'avant-pr9poS dè son drame Hans imlSchnakenloch, qui est le reflet
du~ conflit alsacien, Schickele explique son attitude personnelle et en
somm~ l'impossibilité cllun choix formel:
/
1
Was den Autor anlangt, 50 war von jeher alles,
~h was er gCgCD Deutschland, was er gegen Frankrelc vorbrachte, s,-gen ihn se lbs t, seine e igene Fami~'
lie gesagt und niemals, nleMals Feindschaft ~ider
,die, eine oder andere Nation. Kasernoenho[menschen hatten darum aucb den Eindruck~ er schiele. Ncin,
er blickt gerade mit den zwei ihm angeborenen
, Augen. Er ha t sie sich nicht aqsgesucht, er kann sie
nicht vertauschen, je nacbdcm seine, Heimat thre
Herren wechselt. Er br~ngt es einfach nicht fertig.~ (20)
~
, • !
L Alsacien s~ra toujOUTS l'enfant adopt~f et le sentiment d'âppartenance
lui
fera toujours défaut. eependant pou~sé ~ bout par ce manque de sécu-rUé. i l choisira, ain~i peut-il écrire: ...- \ '
~ ft
19.
René Schiekelé~uMeineElsasser,
.pp. 241- 242 •
20. Rcmé Sch!,*ele ,~, Bd Ill.
Di~ neue Rundschau 38, (1927),
'1
(
1
r
.
, ,
Aus Rcsscntimént werden di~ Els~s~er,
tcils'fran-zo~,i6ch(' lIbcrll<t1trioten, tcits (Ul'rèïngcstuf,ldcnc) lrredcnListcn, in j(,dem }',Jll N<Îzi';.(21) ' l
J
Or, Schickcle 'con"cicnt de Sil d'l<Ia1i~é, de' sa" double cultJ.lr<}, ne choi~i~(1.
f •
hi l'une ni l/autre des voies dt> ses epmpatriotC's, il rcstera)V;lnt Lout
4-1 sacien.
Sans dou te nul Aisncicn n'exprimera rujeux gu' Al11crt ~chwe:l tzer
1 •
le caractère universel de la clIlture'nlsad('nnc, en d'atlLres mols la
eul-o .~, "
,1 _
turc frnnco-rh(.nnne. I l écrit cn [rançi1is, m,l'-if, ne se fera vnn"menl
Coll-haftre que' par la t raduc t iOI1 aIl «rn~mc1('. ~ï
\
problème'
•
Mais pour résoudre ce de la duali té, , la s'olution la
plus !jimpl(' csL sans d~utc ccl le que ~uggèrcH.t en, Lous temps l,es c~1duvins: '
r '1 ' b . .
cell(> d'abtmdonm'r son pat.rimoine, ses trlldi,tions,
'so.~56
etrCC(i)mmcn-,
ccr
à
zéro dans la vole choisie. Mais encore félut~il le pouvoir. Depuis que l'h\!manité~xistc
e't que l'AllemJgnc;'c.st
~onné(',
l'bo11L'llC du pC'uple,
dcmcur~ un dualiste incorrigible, eonsidiré cOlTlme UT"IR., des plus pures
cx-• .. ~ j pressions du tradit~onaJ ism!!. Il croit It~J a
, <1 ... ,~
r"
•
somme du bi('~ ct du m<11
four-nie par 'lit néltur<:>". Par là même, cc traditionéllhmc c1t humanisté' et'
pré1[;-' f t . . . • , . .,
, ,
. "le poids du bien et du mal ('~n:ettant t?ujours sa valeur ,en tJal'Hncc" •
• «.,'
Mai~ le poids ~~ bien devra dépasser c~lui'du mal: c'est ce souhait qu'il
'"exprime,
da~s
un de ses poèmes:,
\Ind 1flancbmal. !nocht ich, dass man mit Gewalt die Güte :,iri der Wclt vcrbrcHcn ~olHc. Dass man sie tëtc,~ soÜ te, dic zu Schw~chcn
gra~sam sind! ' _ " ,
Um aUto, werde i.~h bës aie sic .(22)
~.
\
" c tJ;
.'
,"'!._' <' ,•
• ," d ','"
\
" ~ ,11"donQe ainsi a 'l'homme ùne haute possibilité de créalion, fai$ant
dé:-,
~ ~.
,,~pendre la mor~le. de la voloaU hùmoinc bi,en pJus que de ln raison
uni,vèr-'.
..
o
s,ellr'. Ce tradiÙ .. ;maJ ismc mor<ll fa:i t de l'llOnmc le> pr?t,agoniste des 'tric('s "
ct- des vertuf" n1etté1nt~lla s01utiol1 'muI"nJ c à '--
.
de la volon~é pC'rsonndle.,
la <Dtd l~:i on dist'J\éLi-onn,d re
"
-Si ~chick(',l(" avait"été pJus rntinllaliste> quo(' viti11ist<"f
,
il au-rai'e ,ass'j:gné en l 'hQmme> moins de pui~s[mcr (.réé:Jt:~ic(" personnelle. Celane
". ~~gn:!fiE':null('mc1)t que la raison soit imptfj"snn\c à-créer, mais la force~
d'cntrafnrmenL des pCl~~ions, des vertus
. . . . ' 'l Ô fJ
~t des vices ag~l d'une façon
\
.
",t • "'f
de cc pn.s5,l[\e ou PC'(; qu'on' norr::nC"
hasard n'est que le ,rapport des deux plat~':l\.1x de ln b':IV1nce" donl l 'horrrnp
' . /
est capable de chang('~ lp poids:,
J
Le passage q~i suit explique cett(' conception vit (jliste du
tra-" 0 0 ~
ditionalisme de sélifc1fùlc, sdisi à lravers l'image' \:I~ son pt'rc.
•
f ' \
or 'ee1ui-ci
"
{;:.:)prhe aux prièrp-~ et dév~tions, à ce qui pen-che 1 t nme 'sur elle-même, à tout exercice de \Tie
intérieure, élan et ten-sion e~traordinaire de .' . - l'esprit une, force majcu~eO, la force rnit'\eure te ...
posafit dans l'inconscient du'" tcmp~rament-né"
17.3,
(22 bis)ç~ passage ést tout à fait dans la tradition et la psychologie de "la phi~ /, losophic de l 'histoire allemande, d{'puis lIerd,cr juc;qu'à n05 jours. On y
se'nt 'ce goût de la
f~rcè
,qui prend une expression sl pohiquc danSr....
. ,
(ophilosophi~ en g~éral, ce qui suppose
qU'il
bcr~ difficile à l'Â~c alle-mande de se débarrasser de cette conception qui est une des plus èé~ondcs, ' •
'vertus de cette nation, id('o~ogic nou;-ricière de., la race.
\
1") Ce que S.çhickclc a fait dans cc p-:i'isagc, J - . ' J,t ~
• j f ' 22 bis. Reré S'chlck~le,
'Q.W.,
BdIn;
p. 181. '-\r 0 ' E'st de grcff'cr" ccttp , "\ .. :" fil' 1 '", t : : .
J '
,
.
,15
.. 1
grandeur de l'optique allemande sur l'optique d'un personnap,e qui est son-pèrC', comme si l'auteu\ aVilit voulu Mm~ntrcr par le mentI et le déudl la v6rité d l~ne fOl"1l1ule allC'mande convenant
à
ceux qui y participent.,.,
D'où vient chc7. le père de Schickele cC'ttc as[;t1rance ddns le
triomphe 6vC'nluel du bien, sinon de la conception qu'il SC' fait de
l'~vj-dence morale? Le p~rC' ne Biscutc pas le bien et le mal,
[.1
disant que tout homme non perverti, élevé dans l'ambihnce des religions et de leurscontre-façons
t.
':1,
sait très bien rlistinguer le blen du mal, ne set.lit-ce que par contle-instinct corrigeantl'instinct brut et qui e~t dev~nu dans le COUTS
des siècles presque le double de l'instinct primi-tif. (23)
On voit combien celte 6vidcnce morale esl une raison raison-nante, un molif qui sc justifie par un syllogisme. C'est pourquoi dans cette présentation d(' 1<1 morale tradilionnC'lle de l '3lnc allemande, il n 'cft pas ptonn~jnt de vo~r Schickelc donner un tour wagn~ricn
à
ses con-crptiohs traditionnelles, a~sez bien fait0s pour ce mytb~ qui tient tant ~ coeur aux Allemands.NI empêche que cr crépu!':cule av('c ses couleurs de triomphe et de ~~fait(> ne s'6tcindra com-plètement que dans l'aurore nouvelle.
.
(24)'
Cc fragment montre comment le socialiste jaillit de l'esprit
1
wagn~rien, ~ travers un espoir qui n'est pas tant celui de la
~~surrcc-tian ~hr6tienne que celui. du renouvellement révol~tlonnaire du monde •
Ce chapitre da Retour, intitulé fiLa mise au point", semble être
23. René Schickele, ~., Bd III, p.1787.
24. ibid.
,
p; 788.".
,
{
•
16 .
une quintessence de la nature aussi bien que de la carrière de Schickele. Il Y a lâ à travers l'appellation symbolique IILanr,uc de ·Feu" qui ha1ssait
le père de Schickele, un ensemble de mauvaises langues mal disposées envers la France, le tout suivi d'un retour des belles verlus allemandes du dyna-misme, culminant dans l'apogée tragique wagnérien, avant de se ressaisir
à
demi-mots dans l'aurore de la vie nouvelle du socialisme.Mais tout le problème alsacien, qui est le sien propre, ressort de son ocu~e littéraire. Il transpose le .monde romanesque du rêve et de la d~mi-conscicnce dans la réalité avec ses vérité~ historiques. La tragé-die du personnage"Hans im Schnakenlo~h", pris entre deux nations, qui a tout ce qu'il veut, mais ne ve~t rien de ce ~u'il a, est celle de l'Alsace qui sépare la France et l'Allemagne, alors, que sa vocation serait d'unir les deux pays. Schick~le lui-même fut convaincu, tout comme son contempo-rain Ernst Stadler, de sa mission de médiation entre les cultures alle-mande et française. Pour lui l'une est le complément de l'autre:
Wovor ich immer zurUckschreckte, habe ich nun endlich \ gewagt: ich habe ein franz6sisches BUchJein geschrieben.
Es war ein wunderbares Abenteuer, ein strahlendes Hèll-dunkel, aus dem ungerufen Gestalten und Ilngst vergessene Worte traten ••• Was es auch literarisch taugen mBge, es hat mich beglUckt[. ~ Das Franz8sisch hat mein Deutsch erfrischtf. ~ (25)
Mais quel sens donner exactement au traditionalisme de Schickelc? Ne se limite-t-il pas à un certain régionalisme qui s'attache ou même se confond avec son enfance et ~e ce fait se lie à un passé français, latin? Charles Haurras définissait le traditionalisme comme la restauration de la culture clas~lque et hellénique et dans le cas de Schickele cette
restau-( .1
~
,
•
11
ration passera~ par le fran~ais. Toutefois la culture fran~aise doit être propagée en Alsace, mais sans toutefois négliger la culture allemande:
Gewiss sollen die jungen Geschlechter Franzosisch sprechen, von Frankreich wissen, w~s die anderen Franzosen wisscn, sollen, mit einem Wort, Franzosen sein. Niemand wUnscht, Elsass-Lothringen aIs ein ziemlich verwahrlostes geistiges Ghetto zu erhal-ten und in solcher Gestalt, wie in Frankreich bei edeln, aber dusser Gebrauch gekommenen Geb~ulich
keiten üblich, aIs nationales Denkmal zu schÜtzen. Aber es 5011 gleichzeitig sein deutsches Erbe wahren.
Zudem ~~tzt es nicht viel, dies Erbe zu bekampfen. Denn: "Die els'àss ische Wurzel ", sagt Barrès, "wird immer wieder ausschl agen ". Und dami t sprach er auch einrnal die Wahrheit.(26)
Avec ce penchant pour un certain esprit, Schickele dira 'Voilà le bi! ingue mental qui pique dans le vice" ('l7). Il serai t difficile à un
esprit fran~ais' de faire mieux dans ce genre. Le tout finissant par une exhortation de ne pas pousser .1' impudence jusqu'à renier Wotan et ta
pa-~
trie spirituelle quoi que te chante cette mère nourricière d'Aphrodite" (28) • •
Il Y a l~ comme une sorte de recette susceptible de faire face ?l tout danger de cosmopolitisme. Schickele demande "de prHer l'oreille aux grands sapins et aux chênes séculaires". Il est là redevable de ce
• paysage allemand qui est une partie intégrante du romantisme allemand depuis le Tannenbaum jusquf?l la Gemütlichkeit.
\
o A l'occasion de ce bilinguisme qui constitua la richesse en état d'équilibre instable de l'ét~t d'Arne de Schicke1e, il y revient ~ la faveur de nouvelles image~. Apr~s les p~i~re~, citées ?l la page 8 de notre
tra-,
vail, empruntées ~ l'érotisme, il va se rabattre comme un augure ou'un
26. 27.
28.
René Schickele, ~, Bd ibid. ibid. Ill, p. 620. 784. 118
!
devin antique sur les oiseaux. Il di ra que Itles oiseaux de la frontière sont bilingues". Schickele avoue les avoir "compris en français avant de les comprendre en allemand" (29). C'est d'ailleurs exactement ce que Schickele nous a confié dans ses lettres, quand il dit que le français avait rafraichi son allemand.
Tout cela semble être écrit comme pour figurer ou symbolisér l'opposition entre l'attitude de Maurice Barrès et celle de René Schickele. Dans ce corps à corps de l'écrivain allemand avec le mattre français du dilettantisme de ce temps post-renanien, Schickele exprime sa position d'une façon entière. Renan était alors considéré comme le prince du dilet-tantisme qui sera, pen~ quelque temps, 'continué par le prince de la jeu-nesse de son époque, Maurice Barrès. Ainsi, en prenant position vis-à-vis de Barrès, Schickele remonte jusqu'à Renan, mais Barrès ayant suivi une évolution aux méandres nombreux, sa situation sera différente et surtout plus complète.
Au début de sa carrière, dans le Culte du Moi, aussi bien que dans Le Jardin de Bérénice, -Barrès aura pris une attitude assez dégagée vis-à-vis de son temps, demeurant au-dessus de la mêlée.
Devenu par son dilettantisme autant que palt son talent, un sé-ducteur de la pensée par le style, Barrès opérera son ~etour
à
sa façon. Il reviendra au nationalisme français par le traditionalisme local de sonsouvenir lorrain. C'est ainsi que s'expliqué la phrase de Barrès "La racine alsacienne rejettera toujours", que Schickele cite lui-même en traduction~
C'est le seul endroit où Schickele donne une adhésion expresse à une for-mule précise de Barrès. Il va de soi que si on ne consulte pas les
cita-2~. René Sehickele, G.W., Bd III, p. 809.
/
- ....
•
1.7
tions d6lcrminfes, mais l'esprit g6n6ral de ccrtnincs r~nctions
bnrr~-1
/
siennes, Schickele ne SI'T,l pn~, 10ill de ccluj qu'U. con~.jd2·n: conne un
<111-Barrès nOt!s expl ique lui-r,1êmc sa cOllception du tradit ionalisr.10
<
qui d'ailleurs dans son ensemble ne dj[[('H'" f,uère de [l'lui de son cotlsjn
germain:
Notre raison, c('tlf~ 1"(';ne ('nchntn('p, ~)US o11U[;C'
à
pla c (' r Il 0 c; P d ~, (1. 111~, ] (", P <1 r; cl (' n ü;. p r (. cl " l 1: [, C (' li r 5 • • •
NOUf, 501rrlC~, 1(' prolo!l;;clI1'.'nt ct 1.;1 ('ont lnui llo de nos
pèr..~_s C'l I"èrC's .(Jl)
Et ddns Je Chétpit'{0 inU tuIf, "L~ ;:\ novembre C'n Lorraille" ùe son liv1"e
Uer à nolT<' t('1"r(' el à nos morls. La resp0ll',;lhilil{> est enl~(lgé(' \'i~-à-vü,
lion s('ulemrnt de lui-mc·roe ct de ses ùcscel1c1,"nts, mdis dt,!'. ;mcêlrcs dont :il
continue le trclvan 5(.clllalre. }1ais une r(.~jon front i~'re cst en quC'lqtle sorte mél1~r6 elle, la terTe des diversit6s, des contrastes ct aussi des
lransH.ionsj' le lien tout ensemble des éch<mg('s ct de la [;t1el"re. Son
hi<;-toire est tragique dans la mesure même oll tout c lr.1ij[.di e néltt d'un confli t
intime. La période où s'affirme Barrl's est tin des points cu1min<lnLs de /
cette tragédie lorraine. Il a fallu ~ Barr~s vl'nir ~ Paris pour apprendre
à
retourner ('n LorrllinC'. Et cn reprenant contact avec sn Lerre natale, avec le sol peu ~ peu engrais&é par la cendre de ses anc&tres maternels,Barrès reprend force •
30. 31.
Ce ne serait pas Barrès qut aurait pu écriTe un drame dans le
René Schickcle, G.W~, Bd III, p.786.
Maurice Barrès, Un 1\01111'11(' libre, p. 249.
.
"-c:
(
e
20
plus. J] a pris posjUon, lui et 5Ll Lon'ainE>:
Ln 50n55bilit6 lorrn5nc, un peu &~chc, un peu )'epU(.(', S'6Pé1nOuit élU cOlltact {k la latinité. Ne pOUVi.llt sc &dLisL1ilf> d'cllc-mêrre, clIc chC'rc .. h(' <-lu-deI:\ des monts tln
ilC-corupli~c;e[Ji"llt qui lui rn~mql1c. C 'cst aussi
cC' que la LOlrninl' du XVIIl(' si;'cle, la
LorrdillP ùe SLm:i ',1 ,lS (herch,1 d,ms la cul-ture [rdn'\,lÎse, fi V(·ré>ü:iJlrs. C'('<;t bien lllors que' r;'<lccoml'Jit l'our ( ' l J ( ' le choix
déd GH qui lui p,·l"!.)(>ttaiL de r(.~.j r,U'l" au
g(,lJn<lni~,rw', qui {t.dL pottr.clll' 10 d,llIl',C'r ef,f,cntil'l. 1.,1 LOI r,dnc cl choisi d';'Lre "welche" C't ne peut 1(' (1CT!1('l1rCl" Clu' ilveC
l'aide cl l'appui de la France.(J!)
Donc aucune (tfllbi/3u'it(. '<lnt
il
la pOfdt:ion de ln 1.or1'<1:1n(', p0ur Barrès. Ainsi sftu(.e (Ptu·
vdl1':(~ ÙP la Ho~eJIe seri! le centre, lc,mél~,sif, lact magnifique' des m{qitiltlons un peu 5èchcs C'l lin(.dircf, de PI,ilippf' dnns
Un l/ommC' 1 ibn' •
La Lorraine a pourtant v~cu quelques si~clcs, d'une vic 3prc
et souffr.ante, avec d'imprévus triomphçs, comme la victoire sur le Témé-/
raire. Mais clIc fut incapable de se constituer une langue, une culture
autonOrflL:>. Barrès, en la choisissant, n'a fait que suivré son exemple. Elle
a dû epter entre la France et l'Allemagne, opter cntre le gcrmélni&mc et la
latinité. Si, dans le Nord, quelques-uns de ses cantons, recouverts par le
,<,
flot germanique, sont ression allemande, cela nç suffit pas
à
définirlt
ces régions, pas plvs que nçaise du rest~ de la province
32. Maurice Barrès, He. Cahiers, x,~ 205.
'"
21
ne doit faire croire que nous AOUS trouvons dans une région indifférenciée
de la Ft:4\!ce.
\e choix de la Lorraine s'est fait et elle porte maintenant les
!
conséquences de son choix. Elle a opté pour la civilisation ancienne, pour la France contre la Germanie. Mais tout choix laisse toujours quelques re-grets. Un Lorrainrte
considère pas l'Allemagne uniquement comme un enn~ihéréditaire, ell~ est aussi pour lui une secrète tentation. Les expériences de Roemerspacher au-delà du Rhin, et la nuit de Brocken nous en donnent la preuve. Et Barrès lui-même, le long de la Moselle qui passe
à
Charmes,quelle pente irrésistible J'attiré vers le Rhin~ Très souvent même i l ne parle plus de Lorraine, mais d'Austrasie, une vaste région qui commence à la Meuse, mais dont les limites vers l'Est sont très peu définies.
Cette région frontière, au sort tragique et toujours assujettie
à un conflit intime a développé ce que Barrès considérait comme une cer-taine sécheresse, cette sécheresse qui a un des traits de la complexion lorraine. Mais il
r.
a encore davantage en Lorraine. On trouve, sous la c,ol-line, la prairie toute suintante d'eaux; c'est là le mystère lorrain. Le mystère de toute terre, sans doute. Barrès est profondément attiré par le mystère des choses. Sans doute, si la Lorraine était sans mystère, elle n'aurait pas d'existence aux yeux de son enfant. Le mystère est la quatriè-me diquatriè-mension de toute réalité, sa diquatriè-mension poétique. Dans son livre Au ~ervice~l'Allemagne,
Barrès nous parlera d'une façon émouvante des vieillespierres, des souvenirs des villes perdues pour la France. Le plat~au et la prairie expri~nt un dialogue qui était depuis des siècles inentendu, les vieilles pierres l'éveillent. Barrès a été frappé par l'oeuvre de Mistral, et ce que Mistral fut pour la Provence,- 11 voudrait l'être p6ur la Lorraine.
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22
•
Mais cela ne pourra pas se faire de la ~ême manière, puisqu'il n'existe pas de civilisation à proprement parler lorraine, ni un dialecte qui soit une
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langue. C'est pourquoi Barrès fera comme Chateaubriand pour la Bretagne, il la placera parmi les provinces françaises.
Barr~s se serait voulu, par moments, tout lorrain. Il ne pouvait cependant n~gliger tout à fait son ascendance auvergnate. Mais 11 viut don-ner le plus possible
1
la Lorraine. C'est ainsi qu'il lui fèra l'honneur de son culte pour les cimetières, età
cet égard, il évoque les illustres fu-nérailles des ducs de Lorraine. Barrès proposeà
ses Lorrains, Notre-Dame-de-Sion, comme un but de pélerinage, pour communier avec leur terre et avecleurs morts. Ce culte des morts part d'abord de sa province natale et de là
atteindra l'étendue de la nation. C'est comme par une association d'idé~s
qu'Il voit ~ Lorraine, le départ étant formé par ceux qui reposent sur le sol lorrain:
Un jour enfin j'ai
vu
mes pens~es inscrites surla
nature, et, tandis qu'el1~ étalait les puis-sancesqui
gisentà
la racine de mes sentiments,je pressentais qu'à son tour elle pourrait rece-voir quelques-uns de mes traits propres. Cela m'advint depuis Sion, à regarder notre Lorraine,
où
j'eus mon enfance, où reposent mes tombeaux.où
je voudrais par delà ma mort ennoblir desâmes
un peu serves. Ailleurs, je suis unétran-ger qui dit avèc incertitude quelque strophe frag-mentaire, mais au pays de la Moselle, je me con-nais comme un ges~e du terroir, comme un instant de son éternité, comme l'un des secrets que notre race,
à
chaque saison, laisse émerger en fleur,et, a~ j'éprouve assez d'amour, c'est moi qui deviendrai son coeur.(33),
23
\
i'
-Barrès se sentait l'interprète de cette terre natale, l'inter-prète indispensable pour proclamer l'amour de la Lorraine pour la France. Il nous affirme qU'il n'est pas une terre d'où la patrie française soit plus invoquée, plus adorée que de cette Lorraine.
Il gardera la fidélité à ce paysage lorrain. Mais tout homme a un paysage intérieur, qu'il se platt
à
évoquer ou qu'il s'est créé. Sans1
l
.' doute y a-t-il deux paysages chez Barrès: le jardin luxuriant et exotique de Bérénice ou jardin sur l'Oronte, et un paysage dépouillé comme celui de la colline de Sion-Vaudémont, un paysage "solide, orgueilleux, entier". Dans ce paysage solide se dressent des arbres qui pour Barrès seront le symbole de continuité,· d'immobilité, d'ordre naturel.
•
Rien de plul:> traditionnel que le thème de "la terre et l~ mortsP,
..
mais Ce thème apparemment banal a pour Barrès une signification intime et profonde. L'individualiste se dirige vers sa terre ancestrale. Un soir, seul dans la petite ville mélancolique d'Haroué, il sent planer sur les fossés du château en ruine "l'âme ancienne de la Lorraine". Parmi la 50 li-) tu de glacée d'une chambre presque monacale, il médite longuement sur cette
unité profonde de son moi et de sa province natale, "rebelle à certaines cultures, s,térile sur certains points". "Je mesurai, dit-il, de grands tra-vaux accomplis par des générations d'inconnus et je reconnus que c'était le labeur de mes ancêtres lorrains". Puis tous ces morts qui ont bâti sa sen-sibilité soudain rompent le silence:
34.
Ce fut alors comme une conversation intérieure que j'avais avec moi-même; les vertus diverses dont je suis le ~otal me donnaient le conseil de chacun de ceux qui m'ont créé à travers les
âges.(34).
Maurice Barrès, Le Culte du Moi, p. ~27.
J
"
24
Il se reconnait fils de cette terre, attristée par tant de combats et il entend s'~lever la voix m~me de son pays.
Alors la Lorraine me répondit: Il est un ins-tinct en moi qui a abouti ••• C'est le senti-ment du devoir, que les circonstances m'ont
fait témoigner sous la forme de bravoure mili-taire. Et, si découragée que puisse ~tre ta race, cette vertu doit subsister en toi ••• Tu es la conscience de notre race., C'est
peut-~tre en ton Ame que moi, Lorraine, je me serai
connue le plus compl~tement.(15)
Avant m~me de prononcer, en 1899, sa cél~bre conférence sur
''La Terre et les Morts", Maurice Barr~s s'est fait l'apOtre du "racinement" (le mot est de lui). Il pcctira donc du Moi vers le traditionalisme pour aboutir au nationalisme. C'est d'ailleurs dans son livre intitulé Les Oéra-cinés que Barr~s établira d'une fa~on formelle le th_me de l·enracin~.nt.
Ce sera le th~me fondamental de controverse entre Gide et Barr~s. Gide avait lancé sa cél~bre apostrophe ~ l'auteur des Déracinés: '~é d'un p~re uzétien et d'une m~~e normande, ob voulez-vous, monsieur Barr~s, que je m'enracine?"
'Mais Bair~s était lui-même d'origine auvergnate du dhé paternel.
Poétique-ment ces deux provinces ancestrales, la Lorraine et l'Auvergne, lui ont ins-piré une sorte de dévotion. Ses hérédités lorraines ne sont pas contredites, mais complétées par celles de l'Auvergne "race méridionale qui grelotte sur
les laves du vent du Nord" (36).
•
De
cette terre natale, de ce paysage lorrain, Barr~s gardera un souvenir ineffa~able. Il vivra pendant trois ans dans une ~ille occupée par l'ennemi. En 1873, i l entre-au con'~ge et 11 nous expliquera dans ses3.5.
36.
Maurice Barr~s, Le Culte du MOi
,r.
236.(
•
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Cahiers
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Lc cul tc· du t-1oi, je d'y achC1111 n[li le jour Ott
mc's p.:1l:0nls me' Ldss;')nllt
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dcs cygn0s, au millc>\! rte::, t·nf"nt., 1,1{·l.h~ll1l;; dd'ns LI COOl:cl 'Honneur de L<1 nal[;l-,Il1;~(>. (:J7)
Il cut ~ souffrir parfois de la solilude, mais il acquit la discipline trn-ditionnt'llc.
Il existe une a[fjnH(. plofonc1l' cnln' Barrt·') et la Lorraine,
af-fjnité qui dC'vielldra d(' plus ('n plu'; él)1pal"C'ntC' ,HI [ur ct G mesure quc BarrZ">,
- / ('xprimarll" claV<lIli..,lgc LI LorndllC', l'aidera à SI' reConllaJln' (·Jl(>-rn;'llH' l>(lrr(;-1
51<>nnC'. Ca.r la Lorraille ('st ulle province qui (l cu S0S m.:lll1l'urf tout COf!1;i".-:
BarrC'5 lui-même, dans son adole<;cC'ncF, au Lyc(c de Nancy, clIC' a (U, fouI {'('
,
.
par 1(·[, B:ll"barc'> cL n'" pu cow.C'l"vcî.· quelque cho[.e de son inl(.!;rit[. qu'CT! [,('
.,
repliant sur c'lc-mcm0 ct en adoptanL une attitude d~fC'nsivC'.
Nous avons pli VOil" jusqu'à pr(~~.('nt que 105 deux flutpUTS, Scb5,h,ll'
ct Barr~s, quoique' élntélgonist(><;, sont mdrqu(.s, l'un el l'autre, par leur
bL'r-que autant à lui qu'au défenseur de ln Lorraine: "das InnC'l'c nbcr wiedC'l"UI,l
'--unb('din~t das Abbild cinC'r L.:mc!schaft, n'.'tml1ch der Kindheit" (38), Et plus
loin, Schickelc en parlant de l'artiste auraiL aussi bien pu ~crir(' ce
pns-sage en pensant ~ nar~5:
Anderc, dic so beschaHen si~, dass die Land-schafjt unmitt»elhar zu ihnel1 5pricht, und dC11('11
der Umgang mit ihr ZU1' ZI-lciten Natur gC'>1ordcn
1st, crnpfinden sic ah cin lcbcndigC's l-kscn, lescn ihr Lebcn vOI1J ihren ZUgrn ab, hBrcn sic
für sic s~rechen, wan~crn in ihr wic mit der lautloscn E1ncn oder dcm dramatischcn ~hor, der
37. Maprice Barr~~. Mes Cahie~s, X, p. 193.
•
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bald Freund ist, bald Feind. Am tiefsten ge-stalt:et sich ,diese Zwiesprache, wenn es s~ch
um die Heimat handelt, das heisst die naturge-wordenen Wor~e und Geb~rden der Vorfahren, die mOtterliche Form, die uns gebildet.(39)
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.'){ Tout comme pour Schickele les Vosges et la ForH ~oire, Metz et
i '
~StraJbourg, le Rhin et la Moselle, deux vill~s, deux fleuves sont désormais
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inséparables de Barr~s. C'est en suivant la vallée de la Moselle qu'il com-pose en son esprit une politique de fronti~re basée'sur l'expérience des siècles. Mais il a fallu à BArrès un'cadre plus large que n'est celui des
r
provinces. Schickele de son côté mettra sans doute'une note encore plus #
grave dans son oeuvre quand il reviendra aux sources de son enfance. Et tous deux retrouvent leur enfance h travers les paysages. Tous deux ont su s'attacher d'une fa~on toute particuli~re ~ cette nature, tr~s sensi~le ~
sa beau\é.
Le probl~me de la Lor~aine pour Barr~s sera beaucoup plus facile
\
l résoudre que celui de l~Alsace pour Schic~ele. Il n~ s'agira en somme pour lui que de\topographi~, ce qui le pousse ~ une topo-analyse, en
em-.r
...
ployant un terme de Bachelard. La France a perdu une provlnce qui lui
re-,
vient de droit et il s'ingéniera ~ sensibiliser le monde ~ ce problème. Pour Schickele le probl~me est plus complexe et ne trouvera
ja-'.
mais de solution. Dans ses Tagebücher, il se situe lui-m~me dans cette complexité:
Da$ neue ~t'der Vie en Alsace mit dem
Ober-kirch-Schl~ssle in Molsheim weckte mein Heimweh
(das mich nie verlasst, aber meist nur im traum und Halbschlaf Gestalt gewinnt) • Aber wenn ich mir dann ein Leben im Elsass in ~ei~en
prak-tischen Einzelheiten vorstelle, graust mir •
'\
39. Rétu~ Sehickele •
.2.:J!,:.,
Bd III, p. 548., 1
(
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r iN& œ ri ~ " L.I , ~Zumindest mUs!,t~ ich ,rcich, das hcisst vo1lig
unahh'~nr.i.r. 50in, {un dOl:t zu lebcll. Et encore-!
ni'C'
1-1(,0,,('1\00 dotl habC'o [a!.,L nllp- v('rz('rrteGC'sichter, als s:iIH' man s:ic in c'incm \'('Xi0r-spiflp,eL Hindcrt nicht (' (b"s tchc'irmi :.volle Kr'Mtc :lm Unt0rL0\oluf,slse) n Iii) ch hin:d t:ht:rl~
Wenn ,ic..h" ,\'('nigstcn~ noch Ft:lmiU(' dOl:t h'cille!"
SA cmpfinde :I.(h ('tH'ilt. \~-iç dnc'o horro1' vacui ••
Wo geh~;re 1c11 hin? (110)
Schickf1c C'e'st l'esprit qui ne pouvait pas eml~r<lsscr, deux
amours à J8 fois. Il s'cn ~rouv~1t rej0té par 1 'un corru~(' :pa1' L'autre' ct :il
souffrait
4e
sC' vojr ('xi16 Au doublc pi1ra(\b de &011 " ilme..
Dans l'ordre dE' l 'hul1\zml !>Ine classiqul', 'On pourrait avoir d0UX
\
111
patrIes de grilnùc'ur égale_ .. La Frnoc(> ct la Gr~C(" antique.' QUilnd la
poliU--
.. " .. 1que s'y mêlC'* avec lh volont~ niet7.3cb('cnnc de ptdssanc«, Schickclf.' n'a plu,,: 1<1 fort\l1H' d'êtr(' à l'('Ii5(, dé'lnf. (;on pC'llch<lnt dll':t11ti1né POlll" lél F'rnncc cl l 'All('llldgnc~ IJ pst {'mbarrass.{> nnU.'c dos sc.pulturcf, d'i1nc(.trcs qui tiennellt
, '
son imc cri ~veil ct en ftat do tourm~ntc.
La For0t NOl'xe ct les VOSp,l'f" s '{-('rie Sch'içkcle d<1115 une
cnvo-lé'e lyr:l'quc d 'u~e réelle grandeur, sont "corrr.1lC' hs dçux p,1gCS d'un livra
CJU-vert que le Rhin nè dïvi~c pas, mais unit (41). Il of[r~ une image en con-, clusion des sentiments ~t1i le .déchirf'nt. Il est angoissé -pa'r les
tribula-J
tio,ns de l 'Histoire qui font dlJ mal
à
ses amours.• ~. 1
, ,
40. Ret1~ Sthickele, G.W. , .• :Bd
III,
p. 1096.41. ibi'd.
,
p. 532.cttatton allemande s Das Land der Vog~sen und da. Land
"
a Sebwarzwaldes waren wie die zwei Seiten Qines aufgêschlagenen auche. •••"
•....