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Analyse de situation et analyse du rôle du maître sur un cas particulier

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Academic year: 2021

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HAL Id: halshs-00418328

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Submitted on 18 Sep 2009

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cas particulier

Claire Margolinas

To cite this version:

Claire Margolinas. Analyse de situation et analyse du rôle du maître sur un cas particulier. Séminaire de l’équipe recherche en didactique des mathématiques et de l’informatique, 1992, Grenoble, France. pp.185-205. �halshs-00418328�

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Margolinas C., 1992, Analyse de situation et analyse du rôle du maître sur un cas particulier, Séminaire de l’équipe recherche en didactique des mathématiques et de l’informatique, LSDD, IMAG, pp. 185-205 Université Joseph Fourier, Grenoble

ANALYSE DE SITUATION ET ANALYSE DU ROLE DU MAITRE SUR UN

CAS PARTICULIER1

Claire MARGOLINAS

IUFM Clermont-Ferrand

résumé:

Ce séminaire cherchera à satisfaire une toute petite ambition, mais dans les moindres détails. Je présenterai en effet une analyse très détaillée d’une situation bien connue (décrite dans Bessot-Eberhard, 1983, RDM vol 4.3), de manière à permettre une analyse fine des rôles du maître possibles et effectif.

Cette analyse aura pour buts de montrer: 1) comment l’analyse a priori d’une situation permet d’interpréter le rôle du maître; 2) la pertinence du point de vue de la validation pour cette analyse; 3) la complexité de l’analyse a priori (celle-ci s’étalant sur plusieurs années: 1983, 89, 91 et 92!).

1. Problématique

Dans cet article, je cherche à montrer un exemple d’analyse du rôle du maître. Ce type d’analyse n’est pas encore répandu dans les travaux de didactique des mathématiques, et ce n’est pas un hasard.

En effet, les outils d’analyse de situation dont nous disposons actuellement sont essentiellement ceux de la théorie des situations de Guy Brousseau (1986 en particulier). Dans cette théorie, la référence à la théorie des jeux est essentielle. Cette référence est fonctionnelle dans la mesure où la modélisation des relations du sujet mathématique en interaction avec le milieu mathématique donne une image de la réalité de l’élève confronté au milieu a-didactique. Cette théorie nous donne des outils très puissants pour construire des situations a-didactiques et pour analyser des situations du point de vue a-didactique (j’ai développé cet argument notamment dans Margolinas 1992 a et b).

Le rôle du maître, s’il peut bénéficier des apports de ce type d’analyse (comme on le verra dans cet article), ne peut généralement s’envisager sous l’angle a-didactique. Le maître est dans une situation complexe, qui dépasse toujours le cadre strict de la classe, même du point de vue didactique. Pour analyser ce rôle, il sera donc nécessaire de produire un découpage original de la réalité.

1Cet article doit beaucoup à la journée de formation que j’ai animé à partir de cette situation dans un stage de didactique des mathématiques à Hué (Vietnam) avec Annie Bessot. L’analyse datée de 1992 a été enrichie par les remarques des stagiaires professeurs de ENS du Vietnam. Je tiens à remercier également mon amie Annie Bessot, dont la participation toujours enthousiaste au débat scientifique dans notre domaine m’a permis d’aller encore plus loin dans l’analyse.

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Dans mon travail de thèse (voir 1992b), j’ai déterminé l’existence nécessaire d’une phase particulière: la phase de conclusion, ainsi que deux modalités de réalisation de cette phase: phase de validation et phase d’évaluation. Il s’agissait d’une certaine manière de chercher à avancer un découpage pertinent pour le rôle du maître. Le déroulement de la phase de conclusion est un “temps fort” pour le travail du maître, car sa responsabilité y est engagée. Le type de modalité (évaluation/validation) a de nombreuses conséquences pour le déroulement des situations suivantes: l’évaluation fait rentrer dans le processus d’institutionnalisation, notamment.

Dans ce contexte, la théorie des situations nous fournit un outil très puissant pour déterminer si une phase de validation est possible. C’est dans ce cadre que nous l’utiliserons. D’autre part, on verra que dans certains épisodes très déterminés, les choix possibles pour l’action du maître permettent une analyse qui s’inspirera de celles de la théorie des situations.

Dans cet article j’utilise les termes: analyse a priori et a posteriori. Ces termes portent parfois à confusion, car le caractère plus ou moins “a priori” d’une analyse ne tient pas au moment de son élaboration “avant” ou “après” l’observation, mais à leur nature vis à vis de l’observation. Je reprends ici les définitions que j’utilise (Margolinas 1992): l’analyse a priori est une analyse qui n'est pas dépendante des faits d'expérience. Cette indépendance a un sens théorique : les faits observés ne servent pas à l'édification théorique dont relève l'analyse a priori. L’analyse a posteriori dépend des faits

expérimentaux observés.

D’autre part, je réserve le nom d’analyse préalable à l’analyse qui a lieu effectivement avant l’expérience.

Les analyses qui seront présentées sont volontairement dans l’ordre chronologique de

la recherche. Il me semble qu’en effet cette chronologie permet de saisir quelque chose

de la recherche en train de se faire, et des avancées permises par certains outils d’analyse permettent.

2. Description de la situation

La situation que j’étudie ici est décrite dans l’article d’Annie Bessot et Madeleine Eberhard (1983) Une approche didactique des problèmes de la mesure, Recherches en

didactique des mathématiques, Vol. 4, n°3, pp. 293-324. L’extrait du texte qui sert à

mon analyse est reproduit en annexe. Pour décrire la situation, j’utiliserai le texte de l’article ainsi que les précisions que les auteurs ont eu la gentilesse de me fournir.

Dans cet article, après un important développement théorique sur les questions de la mesure, les auteurs décrivent un processus didactique rélisé en classe de CE1. Je m’intéresse ici à la phase III de cette séquence.

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Il s’agit d’une course de vitesse entre des équipes de deux élèves pour trouver la longueur d’un chemin. Chaque équipe reçoit une feuille sur laquelle est dessinée une ligne brisée munie d’une “arrivée” et d’un “départ” ainsi qu’un segment appelé “unité de mesure”. Chaque équipe reçoit également une bande de papier cartonnée de couleur. La consigne est la suivante: “Trouver la longueur du chemin avec l’unité de mesure donnée sur la feuille. C’est la première équipe qui a trouvé le résultat juste qui gagne. Vous devez trouver la longueur sans marquer le chemin; vous pouvez par contre faire ce que vous voulez avec la bande.”

Quand une équipe pense avoir trouvé le résultat, elle le soumet à la maîtresse de manière à ne pas être entendu des autres. C’est la maîtresse qui accepte ou rejette les résultats proposés. Quand le résultat est accepté, l’équipe est classée dans la course. Informations:

Les segments qui constituent la ligne ligne brisée mesurent (dans l’ordre du départ vers l’arrivée): 3, 7, 12, 8, 9, 11 unités. La bande de couleur mesure 20 unités. Le chemin

mesure 50 unités2.

3. Analyse a priori n°1: analyse des stratégies de résolution (1983)

Cette première analyse a priori correspond en gros à celle que l’on peut trouver dans l’article de Bessot-Eberhard (voir annexe).

On va considérer ici les stratégies possibles pour trouver la longueur du chemin, en tenant compte de la contrainte imposée: on ne peut pas marquer le chemin.

Nous faisons l’hypothèse de l’existence d’une stratégie de base P, dont la description donnée par Bessot-Eberhard (1983) est la suivante:

«Il y a réitération du bloc suivant:

1- mise en coïncidence de l’une des extrémités de l’unité u avec l’une des extrémités de l’objet à mesurer

2-marquage de la seconde extrémité de l’unité sur l’objet.

On considère comme nouvel objet à mesurer l’objet marqué défini par la nouvelle marque et l’extrémité libre de l’objet initial. les actions 1 puis 2 sont réitérées tant que le nouvel objet à mesurer est plus long que l’unité.3»

Cette stratégie de base4 ne peut être appliquée à la situation présente, du fait que

l’on ne peut marquer le chemin. Elle doit donc être adaptée.

2Pour comprendre ce qui suit, je crois nécessaire d’avoir sous la main le matériel disponible dans la situation, et d’essayer de comprendre les stratégies en se servant de ce matériel. A vos ciseaux!

3Le caractère Helvética 10 points sera utilisé dans le texte pour caractériser les citations de Bessot et Eberhard (article ou , dans le §5, fiche de préparation).

4Dans la réalisation, cette procédure est disponible pour les élèves car elle est objet d’apprentissage dans les séances qui précèdent celle que nous étudions.

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La première adaptation de P est la stratégie P1: marquage non permanent, elle est définie ainsi dans Bessot -Eberhard 1983:

«Cette procédure se décrit comme la procédure P mais, à chaque itération, on utilise un marquage provisoire.»

Le marquage provisoire peut être obtenu par exemple par le doigt. P1 est l’adaptation la plus proche de P.

Une autre classe d’adaptation de P est constituée des stratégies qui utilisent la bande

intermédiaire comme substitut de chemin. Le marquage de la bande étant admis, il s’agit de stratégies qui permettent d’utiliser P sur un équivalent du chemin.

«[Ces stratégies] correspondent à la réitération du bloc d’actions suivant:

1- Substitution d’un segment du chemin par un segment de même longueur sur la bande. 2- Marquage du segment de la bande à l’aide de la [stratégie] P.»

Deux stratégies sont envisageables: P2: redressement du chemin et P3:

segmentation du chemin.

La stratégie P2 correspond à l’obtention sur la bande d’un segment de même longueur que le chemin tout entier, la stratégie P s’applique sur ce chemin “redressé”. Le bloc d’action ci-dessus n’est utilisé qu’une fois, l’itération porte sur le report successif de tous les segments sur la bande.

La stratégie P3 correspond à l’itération du bloc d’action ci-dessus indépendamment pour chaque segment. On obtient six nombres qu’il faut additionner.

La dernière stratégie envisagée est la stratégie E: fonctionnement d’une échelle. Il s’agit

d’utiliser une échelle de base u pour mesurer les segments du chemin; on obtient six nombres qu’il faut additionner.

L’échelle peut être obtenue, soit directement, par report successif de u sur la bande; soit dans le cours de l’action, dans le cadre d’une stratégie P3 notamment; soit dans la répétition de l’action, après une stratégie P2 notamment. En effet, P2 comme P3 conduisent à la fabrication d’une bande graduée d’unité u.

De cette analyse, on peut tirer le

schéma suivant:

Filiation des stratégies P

P1

P2 P3

E

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En effet, la stratégie P1 correspond à une adaptation presque directe de la stratégie P. C’est P, qui tient compte de la contrainte de non marquage. Les stratégies P2, P3 et E sont liées par une connaissance commune (échelle), seules ces stratégies utilisent la bande auxiliaire. Dans P2 comme dans P3,

la stratégie conduit à marquer la banque auxiliaire par des segments correspondant à des reports de la bande unité, c’est à dire que le sujet dispose alors, sans l’avoir nécessairement projeté, d’une échelle d’unité u. C’est pourquoi il y a une filiation naturelle possible entre P2, P3 et E.

4. Analyse a priori n°2: phase de conclusion (1989)

L’analyse des phases de conclusion est d’une nature un peu différente que celle des stratégies. Pourtant, il s’agit bien d’une analyse a priori puisqu’elle ne dépend pas des faits d’expérience.

D’un point de vue général, j’ai distingué, dans les phases de conclusion, phase d’évaluation et de validation:

«* La phase de conclusion est une phase d'évaluation quand la responsabilité du maître s'exerce sous la forme d'un travail public pour l'élève, relativement au problème et au savoir.

Dans ce cas, le maître utilise sa relation privilégiée au savoir et au problème pour délivrer un jugement de validité sans appel sur la réponse de l'élève.

La phase d’évaluation est une modalité qui ne peut être a-didactique.

* La phase de conclusion est une phase de validation si l'élève décide lui-même de la validité de sa réponse. La responsabilité du maître étant engagée, ce travail de l'élève est nécessairement public pour le maître

Dans la phase de validation, le travail du maître est privé relativement au problème et au savoir. Il y a bien là travail privé et non pas absence de travail, car le maître reste responsable, et doit prendre des décisions, même s'il ne dévoile pas ces décisions sur le moment.

Avant d'étudier les conditions de possibilité de la phase de validation, voyons quel est l'état du système didactique dans cette phase. Dans la phase de validation, le caractère public du travail de l'élève l'oblige à établir et à maintenir une relation avec la question, et donc avec le problème et le savoir. La relation du maître au savoir, qui existe toujours, est cachée à ses yeux, c'est à dire privée.

Il y a une rupture de dissymétrie par rapport à la dissymétrie initiale. Cette rupture est organisée par le maître, puisqu'il doit décider de rendre privé une partie de son travail.

La phase de validation est donc la modalité a-didactique de la phase de conclusion.» (1992a)

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Dans cette citation, on retiendra, outre la distinction entre les deux phases, le caractère nécessairement public du travail de l’élève dans la phase de validation: il ne peut pas être dans l’erreur et penser avoir raison sans que le maître le sache, car sa responsabilité est engagée. C’est pourquoi j’ai considéré la phase de bilan (cf. Douady 1984 et Grenier 1988) comme une phase qui permet de suspendre temporairement l’alternative entre validation et évaluation:

«—le troisième et dernier rôle des phases de bilan est celui qui est le plus intéressant dans le cadre de ma problématique: il permet au

maître de se tenir prêt à organiser une phase d'évaluation (éventuellement limitée), au cas où la phase de validation ne présenterait pas les caractéristiques que doit revêtir pour lui une phase de conclusion.» (Ibid.)

Sans rentrer dans le détail de la situation, voyons ce que cette analyse prévoit.

La phase de validation est la modalité a-didactique de la phase de conclusion, dans le travail du maître, c’est donc cette modalité qui sera retenue dans le cas où il cherche à organiser une phase d’apprentissage par adaptation.

La phase de validation est publique pour le maître.

Dans le cas où la situation ne semble pas offrir toutes les garanties a priori, le maître organisera une phase de bilan, où seront exprimées publiquement les procédures.

Si la phase de bilan ne se révèle pas comme une bonne phase de conclusion pour le maître, c’est à dire si les élèves restent dans l’erreur du point de vue du maître, il organisera une évaluation.

Pour examiner la situation particulière étudiée de ce point de vue, on a besoin de déterminer les objectifs du maître. Je ne connais pas de méthode a priori pour cette détermination, dans la mesure où je ne sais pas décrire la situation où se trouve le maître. C’est pourquoi je ne pourrais faire cette analyse qu’après l’examen de l’analyse préalable à la réalisation en classe effectuée par le groupe de recherche dont fait partie le maître. La nature de cette analyse (a priori de la séance en classe, mais a posteriori à l’analyse préalable) n’est pas claire!

5. Analyse préalable à la réalisation en classe5

Dans la feuille de préparation réalisée avant la séance, Annie Bessot et Madeleine Eberhard mentionnent comme objectif:

«Dans un contexte de mesures multiples avec la même unité, favoriser la conception, la construction et l’utilisation d’une échelle intermédiaire indépendante des objets à mesurer.» (feuille de préparation)

5Je remercie vivement Annie Bessot et Madeleine Eberhard qui m’ont fait parvenir tous les documents relatifs à cette séance, et en particulier leur feuille de préparation.

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D’autre part, elles signalent que le chemin se compose des segments (mesurés avec l’unité imposée): 3, 7, 12, 8, 9, 11, et commentent:

«Le choix de 12 en troisième position peut permettre la construction d’un échelle de 12 puis son fonctionnement pour les trois autres mesures.» (feuille de préparation)

Cette remarque est cohérente avec la filiation des stratégies P2, P3, E annoncé ci-dessus. Elle place donc E comme la stratégie optimale dans cette situation.

L’analyse du coût des stratégies n’est pas mentionné dans la feuille de préparation, mais elle figure dans l’article, au moins partiellement.

Dans l’article, c’est surtout le coût de P1 qui est mis en avant:

«[…] il faut compter les reports au fur et à mesure qu’ils sont réalisés. Toute vérification exige la reprise de toute la procédure.

[…] la procédure P1, à cause du marquage provisoire, ne permet pas de contrôler à tout

moment les mesures effectuées. Or le grand nombre de reports (50) augmente le risque

d’erreurs. On peut donc s’attendre à ce qu’une vérification du nombre fourni par la procédure P1 soit nécessaire: toute vérification nécessite la reprise des reports. Nous pouvons prévoir que cette difficulté propre à P1 va provoquer une évolution vers des procédures fournissant des échelles séparées de l’objet à mesurer.»

On peut noter cependant que le coût de P2 est implicite dans la remarque: «La bande fournie aux élèves est moins longue que le chemin (20u).»

En effet, ce choix rend difficilement praticable la stratégie P2, car même si l’on utilise les deux côtés de la bande, cette double bande obtenue (40u) n’est toujours pas assez longue pour représenter le chemin entier (50u). La stratégie P2 est donc rendue coûteuse par le choix de cette variable.

Quand à la stratégie P3, on a déjà vu que le choix d’un segment de 12u en troisième position devrait favoriser le basculement P3/E.

Conclusion de l’analyse des phases de conclusion (1989/91)

Les auteurs privilégient dans leur approche une phase d’apprentissage par adaptation, elles visent donc une phase de validation pour la situation mise en place.

L’analyse de la feuille de préparation, de l’article, et de la situation elle-même nous informe donc sur la représentation qu’ont les auteurs de la situation, et de la stratégie optimale considérée dans l’analyse préalable: E.

Dans l’article, les auteurs n’ont pas été aussi clairs, sans doute du fait de l’échec expérimental de cette analyse préalable. Elles mettent en effet en avant certains problèmes posés par E et P3 (addition de plusieurs nombres), et déclarent que:

«[…] la procédure P2 apparaît comme la meilleure adaptation de P à la situation considérée.»

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Mais notre analyse des conditions de fonctionnement de P2 montre que cette remarque n’a du être faite qu’a posteriori, au vu des résultats expérimentaux, que nous allons maintenant aborder.

Le savoir en jeu est donc “l’utilisation d’une échelle intermédiaire indépendante”. La situation est construite de manière à donner une approche dans l’action de ce savoir: mise en oeuvre de la procédure E. La conclusion de cette situation est donc la pertinence et l’efficacité de cette procédure.

Pour la maîtresse, il existe une hiérarchie des méthodes (au moins sous la forme sans échelle < avec échelle), mais cette hiérarchie est inconnue des élèves. La situation est construite de manière à ce que l’ordre des équipes dans la course soit égal à l’ordre des équipes du point de vue de la hiérarchie des méthodes. Ce résultat reste sous le contrôle de la maîtresse, qui peut jouer ici un rôle “privé” par rapport à cet enjeu, puisqu’elle a délégué à la situation le pouvoir de sélectionner les méthodes utilisant des échelles. Dans l’esprit de la situation, les élèves devraient donc construire la méthode E pour eux même, et la reconnaître comme étant la plus efficace.

Ce résultat n’étant pas explicite, la maîtresse doit organiser à ce niveau une phase de bilan. C’est seulement par une telle phase qu’elle se donne la possibilité de garder un rôle privé, ou bien d’intervenir publiquement. Cette intervention publique pourra être rendue nécessaire s’il y a le risque de la non reconnaissance de la hiérarchie des procédures par les élèves à l’issue de la situation.

Pour les constructeurs de la leçon, le problème est de construire de nouvelles méthodes de mesure, mais la dévolution de cette question n’est pas faite directement, et pour les élèves, il s’agit donc de trouver le résultat juste le plus vite possible.

6. Réalisation en classe: dysfonctionnement de la situation

Dans le scénario réalisé en classe, les procédures observées se répartissent ainsi (suivant les catégories de notre analyse a priori):

Procédure P1: 8 équipes Procédure P2: 4 équipes Procédure P3: 0 équipes Procédure E: 1 équipe.

Peu d’équipes ont pu terminer et donner le bon résultat. L’ équipe arrivée première a utilisé P1, la seconde a utilisé E. La stratégie attendue n'est donc pas majoritaire et n'est pas celle de l'équipe gagnante.

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Devant l'échec de la phase de conclusion du point de vue des attentes didactiques, la

maîtresse6 évaluera comme meilleure méthode la stratégie attendue sans que celle-ci ait

été validée par la situation (l'unique équipe qui l'utilise est arrivée seconde):

«Nous avons ici l'exemple d'une «situation de pédagogie classique où le maître exploite immédiatement la bonne déclaration» (Brousseau 1981). En effet, l'enseignante valide7 une

procédure minoritaire dont l'intérêt n'est reconnu que par quelques enfants et ferme ainsi définitivement la situation. Cette validation, concluant le débat, peut -être identifiée à une institutionnalisation de la procédure E.»

7. Analyse a posteriori n°1: décisions du maître (1989)

Il s'agit ici d'une situation dans laquelle une validation par le milieu est prévue (la stratégie gagnante est celle qui permet de répondre le plus vite). D’après l’analyse du coût des stratégies, les auteurs pensent que le résultat de la course (c’est à dire la rapidité à dire la bonne mesure) sera suffisant pour discriminer les méthodes du point de vue du savoir (l’échelle).

Mais dans la réalisation, la phase de conclusion apporte l’infirmation de cette hypothèse, dans la mesure où elle ne conclue pas au renforcement de la connaissance visée au travers de la stratégie E. La phase de validation n'est donc pas reconnue comme une phase de conclusion acceptable par l'enseignante, car elle se révèle non pertinente par rapport au savoir à enseigner (échelle).

Celle-ci organise donc une phase d'évaluation, conformément aux contraintes qui pèsent sur elle. Notre analyse révèle une logique dans le comportement de la maîtresse qui n'apparaît pas dans l'article.

«Lors de la construction de cette situation, nous pensions que le coût de la procédure P1 provoquerait son abandon et amènerait les élèves à construire des échelles. Or six équipes sur onze conservent cette procédure durant tout le jeu. La réussite de l'une de ces équipes renforce chez certains enfants l'idée que leur échec résulte d'un défaut d'organisation.

Malgré tout, l'enseignante impose à chaque élève la fabrication d'une règle comme l'a

fait la seconde équipe gagnante.» (c'est moi qui souligne)

Le “malgré tout” marque l’analyse du rôle du maître de cette époque (1983). On ne considère pas alors les contraintes qui pèsent sur le maître. L’analyse que j’ai proposé en 1989 permettait au contraire de dire que la décision de l’enseignante était une conséquence de l’échec de la phase de bilan: l'enseignante est contrainte, non seulement d'évaluer, mais encore de renforcer la stratégie qu'elle veut favoriser.

Cet article est assez typique de la description du rôle du maître dans les travaux issus de notre paradigme. Implicitement, le maître intervient "le moins possible", sans qu'on sache bien les conditions qui rendent possible cette attitude. Quand son rôle est

6Il s'agit en fait de Madeleine Eberhard elle-même.

7Bessot & Eberhard emploient le verbe "valider" là où nous aurions dit "évaluer".

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décrit, c'est qu'il a été perçu comme plutôt négatif par l'équipe de chercheurs (et ceci y compris si l'enseignant lui même en fait partie). Nous pensons que la description des conditions de conclusion aide à comprendre dans quelle situation se trouvent à la fois les élèves et le maître.

8. Analyse a priori n°3: le point de vue de la validation (1991)

Le point de vue de la validation consiste à regarder la situation “à l’envers”, c’est à dire à se poser la question: que se passe-t-il à partir du moment où un résultat est donné? Pour faire cette analyse, il faut tout d’abord déterminer quels sont les buts à atteindre.

On s’aperçoit ici qu’il y a en fait plusieurs buts:

1 mesurer la ligne brisée

2 se placer dans la course

Le résultat associé au premier but (R1) est une mesure. Le résultat associé au deuxième but (R2) est une place.

Le résultat 1 se conclue par une évaluation, vraisemblablement sous la forme d’un simple vrai/faux. Dans le cas où l’évaluation est négative, le but à atteindre reste le même (mesurer la ligne brisée).

Le résultat 2 se conclue par une validation: on voit quelle équipe a terminé la première. L’analyse de la situation par Bessot et Eberhard repose sur une analyse du coût du résultat 1. Cette analyse porte (dans l’article) sur l’analyse du coût de P1, qu’il s’agit de déstabiliser au profit de P2/P3/E. Mais ce n’est pas une analyse directe du coût de P1, mais du coût de sa vérification.

Rappelons tout d’abord le sens du processus de vérification: «suite des actions que mène l’élève (seul ou aidé) quand il cherche à s’assurer par une action de la validité d’un résultat et/ou tente de modifier les actions ou raisonnements qu il’ont conduit à proposer ce résultat» (Margolinas 1992b).

Pour faire l’analyse de la vérification du résultat 1 par la stratégie P1 il faut donc considérer qu’on a déjà fourni un résultat R1.1 par cette stratégie. Le coût de la

conclusion de ce résultat R1.1 est nul puisqu’il est évalué. Une autre façon d’exprimer

cela est de dire que le coût de l’erreur est très faible. Si R1.1 est accepté tout cela aura eu lieu très rapidement (deuxième but).

Supposons que l’évaluation invalide le résultat R1.1.

Il s’agit alors de recommencer, mais en tenant compte de l’utilisation antérieure de P1. Il faudrait donc déterminer un coût au changement de stratégie, par rapport à

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l’adaption de P1. En effet, le coût à accorder à un changement radical de stratégie me semble très souvent minimisé dans les analyses. La sécurité dérivant de la répétition d’une stratégie connue, en revanche, ne doit pas être négligée. L’effet du contrôle pourrait donc être inverse de ce qui est attendu, c’est à dire conduire à un renforcement de la stratégie P1. Supposons donc que c’est P1, mieux organisé, qui conduit à donner un résultat R1.2. Le coût de la conclusion est toujours nul. Si R1.2 n’est pas accepté, l’échec de ce deuxième résultat rend plus probable un changement de stratégie mais sans le rendre certain, dans la mesure où un gros investissement a déjà été fait sur P1. On peut d’ailleurs se demander si un tel échec est probable, étant donné la longueur du chemin (50u), et les habiletés manuelle et organisationnelle requises. On peut surtout se

demander si les contraintes de temps permettront d’aller jusque là8.

L’évaluation du résultat de la mesure joue ici un grand rôle. En effet c’est parce que la conclusion ne coûte rien qu’il n’y a pas d’enjeu sur l’efficacité de la vérification.

9. Analyse a posteriori n°2 des choix du maitre (1992)

Si l'enseignante n'avait pas fermé ainsi la situation et si, au contraire, elle avait fait rejouer une autre course, l'évolution prévue des procédures aurait-elle eu lieu?

Cette deuxième analyse a posteriori est la suite logique de la première, mais elle a eu lieu beaucoup plus tard.

Considérons la situation réelle du maître après l’échec de la conclusion: *il reste du temps pour la séance (environ la moitié)

*les séances suivantes sont déjà prévues et sont basées sur l’approfondissement et le réinvestissement de la notion d’échelle.

Ces contraintes du temps didactique pèsent très fortement sur le maître, et appelle donc une solution rapide au problème. L’évaluation est la solution la plus rapide et la plus sûre de l’avancée dans le temps.

Mais, plus encore, est-il possible de “rejouer la course”?

On ne peut pas rejouer la même course, puisque R1 est déjà connu. Il faut donc changer une variable de manière à changer R1, mais de façon à ce que ce résultat soit toujours connu du maître.

Deux variables principales déterminent R1: le chemin et l’unité.

Il n’est pas matériellement possible de donner à tous un nouveau chemin identique, dans la mesure où celui-ci n’a pas été prévu et polycopié à l’avance.

8On remarque d’ailleurs (a posteriori) que deux équipes seulement se sont placées dans la course, les autres n’ayant pas pu finir ou conclure.

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Il faut donc envisager la modification du chemin déjà donné. On peut par exemple enlever un segment. Mais cette modification change l’analyse des stratégies, car la mesure du chemin total est connue, on peut donc mesurer la longueur du segment ôté, et soustraire. Il s’agit en fait d’une nouvelle situation, où le savoir en jeu n’est plus l’échelle. Le même problème se pose pour un segment ajouté.

On peut modifier l’unité, et distribuer à tous une nouvelle unité. Mais pour que R1 reste connu de la maîtresse, il sera nécessaire de donner une unité multiple ou sous-multiple simple de l’unité déjà utilisée. Dans ce cas une nouvelle stratégie apparaît, et qui consiste à comparer les unités entre elles, il s’agit de nouveau d’une nouvelle situation.

En fait dans la situation réelle, avec les contraintes telles que nous les connaissons, le maître ne peut pas faire rejouer le jeu.

Il me paraît intéressant que cette petite analyse toute bête soit apparue si tard, l’illusion de l’enseignant agissant sans contrainte est tenace!

10. Ingénierie didactique (1992)

Dans l’analyse a priori n°3, j’ai considéré le problème de la vérification, mais pas vraiment celui de l’anticipation de la validation: le contrôle. Or l’analyse du coût par Bessot et Eberhard est implicitement une analyse de la difficulté du contrôle sur la stratégie P1. L’analyse précédente nous a permis de mettre en lumière l’importance du rôle du maître dans la conclusion du résultat R1.

Mais en fait, la situation ne favorise ni l’anticipation de la validation, ni l’anticipation de l’action. C’est sur la base de cette remarque que je propose ici un

nouveau scénario qui tient compte des analyses précédentes9.

J’envisage donc une première phase de la situation qui donne un enjeu à la recherche de méthode, en demandant l’anticipation de la course. Comme je l’ai remarqué précédemment, la recherche de méthodes efficace était dans la situation précédente un objectif du maître, mais pas un enjeu pour les élèves.

Le scénario pourrait en être le suivant:

Le maître distribue aux élèves une feuille (ligne brisée+unité) et une bande de couleur. La consigne est la suivante: «Je vais vous donner un travail à faire, nous allons chercher aujourd’hui quelles sont les méthodes les plus rapides et les plus sûres

9Je cherche ici à proposer le moins de modification possible pour transformer la situation , en tenant compte des objectifs du maître, du point de vue des analyses développées précédemment. Cela ne veut pas dire que je pense qu’il ne serait pas nécessaire de revoir la situation selon d’autre point de vue (épistémologique notamment). Il s’agit de montrer comme les analyses du point de vue de la validation permettent effectivement de faire des propositions d’ingénierie.

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pour faire ce travail. Tout à l’heure, vous ferez une course de vitesse pour éprouver vos méthodes, maintenant, je vous donne le matériel et la consigne pour que vous puissiez vous entraîner.

Sur les feuilles, vous avez un chemin, nous voulons trouver sa longueur avec l’unité de mesure donnée sur la feuille. Mais vous devez trouver la longueur sans marquer le chemin, vous pouvez faire ce que vous voulez avec la bande.

Pour l’instant, vous vous entraînez et vous réfléchissez à des méthodes sûres et efficaces. Pour la course, je vous redistribuerai des feuilles avec un nouveau chemin et une nouvelle unité et des bandes.»

Cette phase ne se conclue pas, la conclusion annoncée étant la course de vitesse. La deuxième phase de la situation, la course, doit s’envisager de manière à privilégier l’anticipation de la validation. La scénario peut en être le suivant:

Dans quelques instants, je vais vous distribuer le matériel pour la course, je vous explique comment nous allons procéder. Je vous distribue une fiche, sur laquelle vous écrivez vos noms. Quand vous serez sûrs d’avoir trouvé la longueur du chemin, vous l’écrirez sur l’autre côté de la fiche. Vous viendrez porter la fiche dans la boîte (sur le bureau), vos noms sur le dessus, pour que les autres ne puissent pas voir votre résultat. Quand toutes les équipes auront fini, vous viendrez tous autour du bureau et l’un d’entre vous viendra mesurer le chemin en le marquant pour en trouver la longueur. Nous regarderons alors les fiches dans l’ordre d’arrivée. Ceux qui auront le bon résultat pour la longueur du chemin seront classés, les autres seront exclus de la course.»

Le maître prévoiera un ou deux autres chemins à mesurer avec la même unité et la même bande.

11. Conclusion

Dans cette conclusion, j’aimerai faire le point sur les questions qui restent ouvertes en ce qui concerne l’analyse du rôle du maître, vu au travers de ce petit “travail d’école”. Tout d’abord, du point de vue de l’analyse a priori, surtout quand elle sert d’analyse préalable, il me semble que l’analyse fine des phases de conclusion est utile. En particulier, il est important d’être vigilant en ce qui concerne les interventions évaluatrices du maître quand on vise une phase d’apprentissage par adaptation. L’intervention du maître en phase de conclusion, même si elle peut apparaître comme “économique” dans certains cas, dénature souvent l’interaction de l’élève avec le problème, dans la mesure où le maître utilise dans son intervention des connaissances en jeu dans la situation. L’utilisation des phases de bilan, souvent peu décrites dans les

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analyses préalables, si elles sont intéressante d’un point de vue pratique, masquent souvent les questions qui pourraient être résolues au préalable au sujet de la phase de conclusion.

En ce qui concerne l’analyse du rôle du maître, il me semble que l’analyse des phases de conclusion montre ici sa pertinence, dans le cas d’une situation d’apprentissage. Dans cette phase particulière du travail du maître, certains choix, et donc certaines décisions sont identifiables. L’analyse qui en découle n’a pas le caractère d’une analyse en terme de jeu, mais elle s’appuie sur l’analyse de la situation a-didactique.

D’autre part la situation du maître est prise dans des déterminations qui dépassent le cadre du système didactique stricto sensu L’analyse préalable de la situation par le maître fait partie du matériel nécessaire à l’analyse de la situation, npn seulement pour déterminer si le maître a agit comme il l’avait prévu, mais aussi pour déterminer dans quelle situation est le maître. La difficulté d’une analyse a priori du rôle du maître est ici méthodologique, et demande ici encore un découpage de la réalité différent de celui de l’élève.

Il y a du pain sur la planche!

Bibliographie

BESSOT Annie, EBERHARD Madeleine, 1983, Une approche didactique des problèmes de mesure, Recherches en Didactique des Mathématiques, vol 4 n°3 pp. 293-324 ed. La Pensée Sauvage, Grenoble.

BROUSSEAU Guy, 1986, Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques, Recherches en Didactique des Mathématiques, vol 7 n°2 pp. 33-115, ed. La Pensée Sauvage, Grenoble.

DOUADY Régine, 1984, Jeux de cadre et dialectique outil-objet dans

l'enseignement des mathématiques., Thèse d'Etat, Université de Paris VII.

GRENIER Denise, 1988, Construction et étude du fonctionnement d'un processus

d'enseignement sur la symétrie orthogonale en sixième, Thèse de l'Université Joseph

Fourier, Grenoble I.

MARGOLINAS Claire, 1992a, Eléments pour l’analyse du rôle du maître: les phases de conclusion , Recherches en Didactique des Mathématiques vol 12 n°1, ed. La Pensée Sauvage, Grenoble.

MARGOLINAS Claire, 1992b, Le vrai et le faux dans la classe de

mathématiques, ed. La Pensée Sauvage, Grenoble.

Annexe

(extrait de l’article Bessot-Eberhard)

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