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Effets de la sollicitation de la mémoire de travail sur la production d'intervalles temporels lors de la pratique d'un jeu vidéo

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Academic year: 2021

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(1)

CHRISTIAN BLANCHETTE

EFFETS DE LA SOLLICITATION DE LA MÉMOIRE DE TRAVAIL SUR LA

PRODUCTION D’INTERVALLES TEMPORELS LORS DE LA PRATIQUE D’UN

JEU VIDÉO

Mémoire

présenté

à la Faculté des études supérieures

de !’Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

Faculté des sciences sociales

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE

UNIVERSITÉ LAVAL

SEPTEMBRE 2000

(2)

La présente recherche porte sur le rôle de la mémoire de travail dans Lactivité d’estimation temporelle prospective. La méthodologie adoptée est l’analyse d’interférence en situation de double tâche, alors qu’une tâche de production d’intervalles temporels mesure la variation de la durée subjective pendant qu’une autre tâche complexe et dynamique, soit un jeu vidéo informatisé, fait fluctuer les ressources cognitives disponibles au passage du temps. Les résultats obtenus ne permettent pas de démontrer une interférence spécifique de l’estimation subjective du temps en présence d’un traitement plus important en mémoire de travail. Les résultats sont discutés en relation avec l’influence de différentes variables exogènes apportées par le jeu vidéo. Finalement, une meilleure connaissance du jeu Save the Whale incite à poursuivre l’étude des processus cognitifs supérieurs impliqués dans la perception temporelle par !’utilisation de ce jeu informatisé.

(3)

Avant-propos

Je tiens à remercier différentes gens dans la réalisation de ce travail. Je veux d’abord remercier mes directeurs de recherche, M. Robert Rousseau et Mme Claudette Fortin pour tout le travail et le temps qu’ils ont consacré à la réalisation de ce mémoire. Je veux ensuite remercier Elizabeth Roussy pour son accueil et son hospitalité à F été 1999. Je tiens aussi à souligner le travail de correction de Nancy, la compréhension de Marie-Josée lors de mes périodes de travail et j’en profite pour saluer mes sœurs qui sont très importantes à mes yeux. Je veux en particulier remercier mes parents, Marcel et Rolande, sans qui la Maîtrise en psychologie ne m’aurait pas été accessible. Ils ont su y contribuer, d’abord financièrement et par leurs encouragements, mais surtout par leur générosité à l’été 1999. C’est à ce moment clé qu’ils ont su être présents, leur appui m’a permis de me libérer pour me consacrer aux présentes écritures. Finalement, je veux dédier le diplôme obtenu à mon père.

(4)

Résumé...i

Avant-propos... ii

Table des matières... iü Liste des Figures et Tableaux... v

Liste des Appendices... vii

INTRODUCTION GÉNÉRALE...1

La perception temporelle, fruit de processus cognitifs supérieurs...1

Les processus cognitifs impliqués dans l’estimation temporelle... 2

Modèle des changements perçus...2

Modèle distraction/interruption...3

L’interprétation attentionnelle et le modèle de ressources multiples... 4

Implication de la mémoire de travail dans l’estimation de la durée... 5

L’étude du temps subjectif par l’analyse d’interférence lors de la PIT... 6

Méthodologie expérimentale développée par Fortin & Rousseau (1987)... 6

Le modèle d’horloge interne...9

Un jeu vidéo comme tâche non temporelle... 12

Les jeux vidéo et la recherche en psychologie...13

Fondements du jeu vidéo Save the Whale... 14

L’étude du jeu Save the Whale... 16

La présente expérience... 18

MÉTHODOLOGIE... 20

Sujets... 20

(5)

IV

Appareils et emplacement... 23

RÉSULTATS...

24

DISCUSSION...

27

Version introduite du jeu Save the Whale... 29

Les propriétés du jeu comme tâche concurrente... 31

L’attente d’un événement et le partage attentionnel.... ... 35

Le niveau d’activation physiologique... 38

CONCLUSION GÉNÉRALE...

41

(6)

Figure 1. Situation de double tâche de prospection mnémonique et de PIT. La

présentation visuelle est décrite en lettres capitales et les durées entre crochets.

Les instants pendant lesquels les sujets appuient sur les boutons sont marqués

par des flèches blanches et sont décrits en italique (d’après Fortin et Breton,

1995)...8

Figure 2. Le modèle d’horloge interne de Gibbon, Church, & Meck (1984) incluant

!’attention au niveau de l’horloge (adaptation de Meck, 1984)... 10

Figure 3. L’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1 et la frappe 2.

Cette dernière frappe est effectuée lorsqu’il y a atteinte de la valeur critère et

elle détermine la durée produite... 11

Figure 4. L’interruption de !’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1

et 2 entraîne un retard dans l’atteinte de la valeur critère ce qui modifie la

durée produite... 12

Figure 5. Représentation graphique du jeu de Porter telle qu’apparaissant à l’écran... 15

Figure 6. Moyennes des PTM pour Plancton-Lent, Kayak-Lent, Plancton-Rapide et

Kayak-Rapide... 26

Tableau 1. Performances moyennes par condition de jeu pour l’ensemble des parties

vidéo et pour tous les sujets... 27

Figure 7. Position des mains sur un clavier d’ordinateur dans la version Save the

(7)

VI

Figure 8. Performances tâches seules et en situation de double tâche ainsi que le coût

de la concurrence...־י^

Figure 9. RT moyennes en fonction du rythme externe lent, rapide ou absent au

(8)

Liste des Appendices

Appendice A... 46

Formulaire de consentement éclairé

... 46

Appendice B... 47

Formulaire d’entente entre les parties

... 47

Appendice C... 48

Fiche d’identification

...48

Appendice D... 49

Consignes:

Démonstration...49

Consignes :

Pratique tâche vidéo...50

Consignes :

Pratique en situation de double tâche... 51

Consignes :

Sessions expérimentales 1 et 2... 52

Page :

Le jeu de la baleine...53

Page :

Le jeu de la baleine...54

Page :

La tâche Kayak...55

Page :

Essai complété - Vous pouvez respirer un peu... 56

Appendice E... 57

Tableau I. Performances moyennes par sujet au jeu vidéo pour la condition

Plancton-Lent... 57

Tableau IL Performances moyennes par sujet au jeu vidéo pour la condition

Kayak-Lent... 58

Tableau III. Performances moyennes par sujet au jeu vidéo pour la condition

Plancton-Rapide... 59

Tableau IV. Performances moyennes par sujet au jeu vidéo pour la condition

Kayak-Rapide...60

(9)

VUl

Appendice F...61

Tableau V. Productions temporelles moyennes et écart-types pendant la

session pratique sans feed-back

pour les dix premiers essais...61

Tableau VI. Productions temporelles moyennes par conditions pendant les

sessions expérimentales

... 62

Tableau VIL Écart-types des PTM par conditions pendant les sessions

expérimentales

... 63

Appendice G... 64

Tableau VIII. Résultats de T analyse de variance de la production temporelle

moyenne en fonction de la Priorité et de la Vitesse du jeu vidéo... 64

Appendice H...65

Tableau IX. Productions temporelles moyennes par condition de jeu pour

P ensemble des parties vidéo et pour tous les sujets... 65

Appendice 1...66

Figure I. PTM (pré-interruption + post-interruption) en fonction de la position

de T interruption, pour les trois durées d’interruptions dans Fortin et

Massé, sous presse...66

Figure II. PTM en fonction de la durée de l’attente pour !’interruption. La

durée de l’attente correspond à la position de !’interruption dans les

essais avec interruption (600-2100) et à la durée-cible dans les essais

sans interruption (2600) dans Fortin et Massé, sous presse... 66

Figure III. PTM en fonction de la durée de l’attente pour !’interruption. La

durée de l’attente correspond à la position de )’interruption dans les

essais avec interruption (600-1600) et à la durée-cible dans les essais

sans interruption (2100) et sans avertissement [carré]. On peut aussi

voir la PTM pour les essais auxquels les sujets sont avertis [rond] de

l’absence d’interruption, essais pendant lesquels, en principe, il n’y a

(10)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La perception temporelle, fruit de processus cognitifs supérieurs

Le temps se définit en psychologie comme «une période caractérisée par une succession d’événements externes et/ou internes à l’organisme » (Grand dictionnaire de la psychologie, 1992). Nous sommes très tôt dans notre vie confrontés à l’aspect temporel. Kant a proposé que le temps et l’espace soient des concepts «a priori» (Azm, 1967), ce que supportent les observations de Brackbill et Fitzgerald (1972). Ces derniers ont mis en évidence la présence de mécanismes d’appréhension de la durée chez des enfants âgés de quelques jours seulement, par un conditionnement dans le temps de la réponse de dilatation et de constriction de la pupille de l’œil. Une réponse conditionnée dans le temps émise par des nouveau-nés suggère la présence innée de mécanismes d’estimation du temps. Navon (1978) suggère que notre conception du monde se développe tout au long de notre vie dans une hiérarchie de dimensions dont le temps occupe le premier niveau, puisque nos comportements s’inscrivent dans la succession d’événements ordonnés temporellement : choisir le bon moment pour traverser la rue, saluer un ami ou rechercher un poste de cadre supérieur, par exemple.

La perception de la dimension temporelle est capitale pour !’organisation optimale et la survie de tout animal, dont l’être humain (Michon, 1985). Aucun organe sensoriel spécifique au temps n’a été découvert jusqu’à ce jour, ni récepteurs du temps (Zakay, Block et Tsal, non publié). C’est que la perception temporelle est une construction de l’esprit. La plupart des théories cognitives de la perception du temps proposent que le temps subjectif soit un produit de processus cognitifs supérieurs (Michon et Jackson 1984; Zakay, 1989; Jackson, 1989). On s’accorde sur ce dernier point mais ce n’est pas le cas quand il faut identifier les mécanismes et les structures cognitives impliqués dans la perception temporelle et préciser leurs rôles respectifs. De nombreux travaux empiriques, débutés en 1865 (Michon et Jackson, 1984), sont toujours en cours afin de mieux comprendre la perception temporelle. Une difficulté reliée à ce champ d’études est que, comme c’est le cas pour la perception des émotions ou du mouvement, !’observation de la perception du temps ne peut être qu’indirecte, par le recours à différentes stratégies qui traduisent et mesurent la réalité des sujets.

(11)

Les processus cognitifs impliqués dans l’estimation temporelle

On sait que le temps perçu peut varier alors que le temps réel est maintenu fixe. L’estimation temporelle repose sur des processus cognitifs sensibles à différents facteurs (Block, 1989). Hicks, Miller et Kinsboume (1976) ainsi que Block (1985, 1989) ont fait une liste de ces facteurs. Le paradigme de mesure est un premier facteur contextuel majeur et largement étudié en psychologie du temps. L’estimation temporelle est dite prospective si la personne sait que la durée de la période de temps à venir est à estimer, ou rétrospective si on fait référence au temps seulement après que la période à estimer soit terminée. Combiné à une tâche non temporelle, le temps perçu est plus long en présence d’une estimation rétrospective (ex. : Block, 1974; Omstein, 1969; Zakay & Fallach, 1984) mais plus court s’il s’agit d’une estimation prospective (Block, 1992; Grondin & Macar, 1992; Hicks, Miller, Gaes & Bierman, 1977; Macar, Grondin & Casini, 1994; Predebon, 1996; Zakay, 1993a).

Ces facteurs qui modifient l’estimation de la durée permettent d’inférer différentes caractéristiques quant à l’activité cognitive impliquée dans la perception du temps, ainsi que les structures cognitives actives dans cette activité. Différents modèles de perception du temps furent développés pour expliquer le fonctionnement cognitif dans l’activité d’évaluation du temps. II y a deux catégories de modèles d’estimation de courtes durées selon qu’ils s’appuient ou non sur la présence d’une horloge interne (Block, 1990). De ces modèles, notons celui des changements perçus et celui de distraction/interruption qui repose sur le partage des ressources aftentionnelles.

Modèle des changements perçus

La plupart des modèles rétrospectifs n’ont pas d’horloge interne pour mécanique fondamentale du temps mais requièrent plutôt un traitement en mémoire des informations temporelles. Un premier modèle qui explique le fonctionnement cognitif impliqué dans la perception du temps rétrospectif est celui des changements perçus. Le temps perçu est dans ce modèle proportionnel au nombre de changements observés pendant un intervalle de temps. C’est ce que dit Fraisse (1963) lorsqu’il affirme que “La durée psychologique est composée de changements psychologiques.”. Ce modèle est valide pour expliquer la variation du temps perçu en situation d’estimation temporelle rétrospective seulement. Zakay (1983) croit qu’une estimation rétrospective doit fortement s’appuyer sur les données accumulées en mémoire à long terme puisque les personnes qui estiment le temps n’en font pas la priorité pendant le passage de ce dernier. L’estimation temporelle rétrospective implique une construction cognitive basée sur la disponibilité de changements encodés en contexte cognitif durant

(12)

de Γenvironnement, d’états émotifs ou des modifications de stratégies cognitives.

Block (1978, 1980, 1989) explique le paradigme de mesure à l’aide de ce modèle. Puisque le nombre de changements observés est responsable du temps perçu, la présence d’une tâche non temporelle, qui augmente !’utilisation de stratégies cognitives alternatives, augmente le nombre d’expériences subjectives de changements et allonge proportionnellement l’estimation de la durée. L’augmentation du nombre de changements observés apporte une augmentation proportionnelle du temps perçu bien que l’intervalle estimé soit de durée fixe.

Un second facteur contextuel qui influence la perception du temps est celui de la segmentation. On sait qu’une plus grande segmentation d’un intervalle temporel allonge proportionnellement le temps perçu en estimation rétrospective (Poynter, 1983; Poynter & Homa, 1983), mais pas en estimation prospective (Zakay, Tsai, Moses & Shahar, 1984). Cette différence renforce l’hypothèse de processus cognitifs spécifiques à l’estimation de durée rétrospective (Block & Zakay, 1996; James, 1890).

Modèle distraction/interruption

La plupart des modèles prospectifs impliquent la notion d’attention aux informations temporelles. Ces modèles comportent pour la plupart un mécanisme d’horloge interne dont l’absence peut être compensée par un compteur cognitif (ex. : Frankenhaeuser, 1959; Priestly, 1968; Thomas & Weaver; 1975; Zakay, 1989). Ce processeur traite !’information temporelle qui prend alors la forme de regroupements, d’un compte d’éléments rythmiques répétitifs (ex. : la cadence d’une pièce musicale) ou d’éléments créés (ex. : des chiffres) en l’absence d’éléments temporels externes percevables.

Alors que le modèle des changements perçus prédit une estimation du temps supérieure en présence de changements nombreux, le modèle distraction/interruption prédit une relation inverse entre la complexité ou la difficulté d’une tâche concurrente et l’estimation de la durée. Dans ce modèle, l’estimation temporelle prospective nécessite une attention constante au passage du temps, attention absente pendant le traitement d’informations non temporelles. Plus !’information concurrente à traiter est complexe, plus !’attention est détournée du passage du temps et plus la sous-estimation de la durée est importante.

(13)

4

L ,interprétation attentionnelle et le modèle de ressources multiples

La recherche de Hicks, Miller et Kinsboume (1976) est classique parce qu’elle démontre l’effet de la difficulté d’une tâche non temporelle concurrente sur Γestimation temporelle prospective. Dans cette étude, on demande aux sujets de deux groupes expérimentaux, prospectif et rétrospectif, de classer des cartes à jouer pendant 42 s en une (recto), deux (rouge, noire) ou quatre (carreau, cœur, trèfle, pique) piles. Les résultats montrent que le temps perçu par les sujets du groupe prospectif est significativement et inversement lié à la difficulté du traitement cognitif concurrent que l’on suppose augmenter avec le nombre de piles. Hicks et al. interprètent ces résultats en terme de moindre disponibilité des ressources attentionnelles au passage du temps en fonction de !’augmentation de la difficulté de la tâche non temporelle concurrente pour les sujets du groupe prospectif.

Cette dernière interprétation est encore fréquemment utilisée (Brown, 1985; Brown & West, 1990; Grondin et Macar, 1992; Mc Clain, 1983; Thomas & Cantor, 1978). Elle suppose le partage d’une ressource attentionelle unique et limitée, ressource absente au passage du temps pendant l’exécution de la tâche non temporelle. Les ressources attentionnelles sont généralement proposées dans le modèle distracti on/interruption comme provenant d’un seul réservoir d’une capacité fixe. Pourtant, deux tâches complexes peuvent parfois être combinées sans que !’attention accordée à l’une ou à l’autre affecte les performances enregistrées (ex. : Allport, Antonis & Reynolds; 1972; Shaffer, 1975). À l’origine, on croyait que tous les traitements cognitifs nécessitaient des ressources provenant d’un réservoir unique (Kahneman, 1973; Norman & Bobrow, 1975). On réalise maintenant qu’une telle hypothèse est simpliste et sans cesse contredite par les faits.

Fortin et Rousseau (1987) et Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac (1993) s’inspirent plutôt des modèles de ressources multiples pour comprendre les traitements cognitifs impliqués dans la perception de la durée en situation de double tâche. Les modèles de ressources multiples (Allport, 1980; Kantowitz & Knight, 1976; Kinsboume & Hicks, 1978; McLeod, 1977; Navon & Gopher, 1979) proposent un ensemble de réservoirs de différentes caractéristiques et capacités. L’exécution simultanée et sans interférence de deux tâches complexes devient concevable par ces modèles, puisque celles-ci peuvent solliciter des ressources différentes (Wickens, 1984). Nous allons voir comment les modèles de ressources multiples, qui prévoient le recours à différentes ressources en situation de double tâche, ouvrent la porte à !’identification des ressources cognitives supérieures impliquées dans l’activité d’estimation temporelle prospective. Dans son volume de 1992, Wickens fait une présentation élaborée de recherches sur !’organisation des ressources attentionnelles et leur relation avec le rendement à des tâches cognitives.

(14)

Implication de la mémoire de travail dans Vestimation de la durée

Plusieurs auteurs rapportent l’existence d’une relation linéaire entre Γestimation du temps subjectivement perçu et la difficulté ou la complexité de la tâche concurrente (Curton & Lordahl, 1974; Devane, 1974; Fraisse, 1963; Gulliksen, 1927; Swift & McGough, 1925). Par exemple, effectuer des calculs mathématiques compliqués est associé à une augmentation positive de l’écart entre le temps perçu et le temps recherché, écart supérieur qu’en présence de calculs plus faciles, écart à'son tour supérieur qu’en l’absence de calculs (Burnside, 1971). Les chercheurs interprètent souvent ces observations d’après le modèle distribution/interruption, selon lequel le traitement cognitif de !’information temporelle serait d’autant plus retardé lorsque la tâche non temporelle augmente en difficulté ou en complexité (Block, 1990; Brown, 1985; Fraisse, 1984; Hicks, Miller et Kinsboume, 1976; McClain, 1983; Thomas et Cantor, 1978; Vroon, 1970).

Cette relation linéaire est parfois absente (Avant, Lyman, & Antes, 1975; Block & Reed, 1978; Lyman et Antes, 1975; Michon, 1965; Omstein, 1969). On cherche à comprendre pourquoi la perception subjective du temps n’est pas toujours reliée à la difficulté de la tâche non temporelle. Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac (1993) ont démontré que les tâches de recherches mnémoniques et visuelles interfèrent avec l’estimation du temps seulement si ces dernières requièrent un traitement de Γinformation en mémoire à court terme et ce, indépendamment de la difficulté de la tâche concurrente. Dans une recherche subséquente, Fortin et Breton (1995) allaient reconnaître !’implication de la mémoire de travail comme structure cognitive contribuant à l’estimation du temps. Puisque seules les tâches de nature à utiliser la mémoire de travail interfèrent avec l’estimation du temps, on suppose que cette structure cognitive joue un rôle prédominant dans la perception de la durée.

C’est qu’une tâche concurrente n’a pas pour seule caractéristique sa difficulté ou sa complexité, mais aussi une nature particulière nécessitant un traitement cognitif particulier. Il devient alors possible, lorsqu’il y a compréhension de la sollicitation cognitive des tâches concurrentes, d’identifier les structures cognitives requises dans le traitement de !’information temporelle. Pour Fortin et Rousseau (1987) et Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac (1993), !’interference entre traitements temporels et non temporels est proportionnelle à la quantité de traitement en mémoire de travail exigée par la tâche non temporelle, et non par la quantité d’attention que sollicite cette tâche. Ils observent une sous- estimation du jugement temporel proportionnelle à !’augmentation du traitement en mémoire de travail nécessité par la tâche non temporelle concurrente.

(15)

6

L ,étude du temps subjectif par l’analyse d’interférence lors de la PIT

De nombreux chercheurs explorent les processus cognitifs actifs dans le traitement et la connaissance du temps par l’analyse d’interference, méthode fréquemment adoptée en psychologie cognitive (Kantowitz et Knight, 1976; Allport, Antonis et Reynolds, 1972; McLeod, 1977; Brooks, 1968). Cette méthode consiste à placer un sujet dans une situation où il doit effectuer deux tâches simultanément afin d’examiner comment les performances obtenues aux tâches sont modifiées du fait qu’elles sont exécutées simultanément (Fortin et Rousseau, 1993). Lorsqu’un sujet exécute une tâche non temporelle durant un intervalle de temps, son estimation de la durée de l’intervalle est généralement plus courte que la durée objective (Hicks, Miller, Caes, et Bierman, 1977 ; Zakay, 1989). Ceci est vrai pour un grand nombre de tâches non temporelles telles que : trier des cartes, lire, copier des mots, faire de l’arithmétique, la tâche de S troop, etc. (par exemple, Zakay, Nitzan, et Glicksohn, 1983).

L’estimation subjective du temps est une mesure impossible à observer directement et c’est pourquoi il faut avoir recours à l’une des quatre grandes méthodes d’expression du jugement du temps qui sont : l’estimation verbale du temps, la reproduction d’intervalles temporels, la comparaison de deux intervalles de temps et la production d’intervalles temporels (PIT) (Bindra et Waksberg, 1956; Wallace et Rabin, 1960). Bien que les effets de l’exécution de deux tâches simultanées aient été observés à l’aide de ces diverses méthodes, les travaux effectués avec la PIT semblent avoir permis d’identifier plus précisément les processus cognitifs responsables de l’estimation de la durée. Dans la PIT, un sujet doit produire un intervalle cible de temps en marquant le début et la fin de celui-ci par une action déterminée. On peut, par exemple, lui demander d’appuyer sur une touche d’un clavier d’ordinateur pour marquer le début puis, le plus précisément possible, la fin d’un intervalle temporel d’une durée prédéterminée et pratiquée préalablement.

Méthodologie expérimentale développée par Fortin & Rousseau (1987)

L’expérience de Fortin et Rousseau (1987) et celle de Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac (1993) utilisent la méthode d’analyse d’interférence pour explorer les processus cognitifs impliqués dans la perception de la durée. L’expression du jugement du temps s’y fait par la PIT, méthode précédemment expliquée. Les sujets sont dans un premier temps entraînés à produire de façon précise et régulière un intervalle temporel de deux secondes. Par la suite, la production temporelle du même intervalle est combinée à différentes tâches concurrentes dont certaines sollicitent grandement la mémoire de travail.

(16)

La stabilisation de la tâche de PIT est obtenue par entraînement. La session d’entraînement est une pratique à la production d’un intervalle de temps de deux secondes, ce qui a pour effet de créer une représentation en mémoire à long terme de cette durée cible. La production temporelle est effectuée avec un doigt, par la pression successive de deux boutons et en laissant s’écouler une durée approximative de deux secondes entre les deux frappes. Les sessions de pratique comportent un feed- back qui permet aux sujets d’ajuster les productions au temps recherché. Une représentation interne de la durée cible de deux secondes se développe ainsi graduellement.

Dans l’expérience de Fortin et al. (1993) une tâche non temporelle utilisée est celle de la prospection mnémonique telle que développée par Sternberg (1966). Un ensemble-mémoire composé d’items semblables est présenté aux sujets. Il peut s’agir, par exemple, de six chiffres compris entre 0 et 9. S’ensuit l’apparition d’un item-sonde et ce, moins d’une seconde après la présentation de l’ensemble- mémoire. Il s’agit pour le sujet d’indiquer le plus rapidement possible si cet item-sonde fait partie ou non de Γ ensemble-mémoire. Sternberg (1966) rapporte une augmentation du temps de réponse proportionnelle au nombre d’items contenus dans Γensemble-mémoire et ce, indépendamment de la présence ou de l’absence de l’item-sonde dans l’ensemble-mémoire. La prospection mnémonique est exhaustive. Pour fournir une réponse, les sujets doivent comparer l’item sonde à tous les éléments de 1 ’ensemble-mémoire. C’est une tâche cognitive qui sollicite fortement la mémoire de travail. Le temps de réaction est la mesure de cette sollicitation (Sternberg, 1975).

Les sessions expérimentales se déroulent en situation de double tâche. La tâche de PIT et celle de prospection mnémonique sont effectuées simultanément. On demande aux sujets de produire l’intervalle temporel cible simultanément à la prospection mnémonique. La méthodologie développée par Fortin et Rousseau (1987) est présentée à la Figure 1 et elle est la suivante. Les essais débutent en appuyant sur un bouton. Un ensemble-mémoire aléatoire (n = un à six chiffres compris entre 0 et 9) est alors présenté au sujet qui doit mémoriser les items présentés toutes les 1200 ms. Le sujet débute ensuite la production temporelle en appuyant sur un bouton. Un chiffre cible est présenté 500 ms après le début de la production temporelle. Les sujets doivent compléter la production de l’intervalle en pressant sur un premier bouton si la cible appartient à !’ensemble-mémoire, et en pressant sur un second bouton si cette cible n’en fait pas partie. La réponse à la prospection mnémonique intègre la production temporelle puisque le moment précis auquel un bouton est pressé correspond à l’atteinte de la durée cible telle qu’estimée par les sujets.

(17)

8

FEEDBACK [1000 ms] FIN DE L’ESSAI

correct

TEMPS

CHIFFRE CIBLE [jusqu’au terme PIT]

POINT FIXATION [500 ms] DÉBUT DE LA PIT

POINT FIXATION [jusqu’au début de la PIT]

[1200 ms]

ENSEMBLE-MÉMOIRE [1200 ms] DÉBUT DE L’ESSAI

SIGNAL DÉBUT [jusqu’à ce que le sujet appuie]

Figure 1. Situation de double tâche de prospection mnémonique et de PIT. La présentation visuelle est décrite en lettres capitales et les durées entre crochets. Les instants pendant lesquels les sujets appuient sur les boutons sont

marqués par des flèches blanches et sont décrits en italique (d’après Fortin et Breton, 1995).

L'allongement des intervalles moyens produits indique la présence d’une interférence dans la situation de double tâche précédemment décrite. La modification de la perception du temps enregistrée par la ΡΓΓ révèle une interférence proportionnelle au nombre d’items que contient l’ensemble mémorisé. Fortin et al. (1993) observent que la charge de traitement, définie par la taille de l’ensemble-mémoire, allonge de façon similaire la production temporelle et le temps de réaction. Ils suggèrent que l’allongement des intervalles moyens produits provienne de comparaisons en mémoire de travail plus nombreuses entre l’item-sonde et 1 ’ensemble-mémoire lorsque le nombre d’items augmente. Avec cette tâche de recherche mnémonique et avec d’autres tâches de recherches visuelles, les observations de plus grandes interférences spécifiques lors de plus importants traitements d’informations en mémoire de travail mènent Fortin et al. à la conclusion que : « ...in a prospective paradigm, production of brief temporal intervals would require controlled processing in short-term memory... » (p.547). La recherche subséquente de Fortin et Breton (1995) allait reconnaître plus précisément !’implication de la mémoire de travail comme structure cognitive jouant un rôle prédominant dans la perception temporelle.

(18)

Le modèle d’horloge interne

L’interprétation des précédents résultats s’effectue dans un contexte psychophysique intégrant une horloge interne, mécanisme de traitement d’informations temporelles à la base de nombreuses conceptions théoriques (voir Allan, 1992; Church, Broadbent, & Gibbon, 1992; Gallistel, 1990; Maier & Church, 1991). Dans le modèle psychophysique d’horloge interne, une source interne émet des impulsions temporelles dont !’accumulation est responsable de l’estimation de la durée (Church, 1984; Gibbon, Church & Meck, 1984; Rousseau, Picard et Pitre, 1984). La représentation interne de la durée est en fonction du nombre d’impulsions temporelles accumulées.

On retrouve quatre composantes principales au modèle d’horloge interne de Gibbon, Church et Meck ( 1984) illustré à la Figure 2 : l’horloge, la mémoire de travail, la mémoire de référence (mémoire à long terme) et un comparateur. L’horloge comporte en elle-même trois sous-composantes fonctionnelles, soit un émetteur (pacemaker), un interrupteur et un accumulateur. L’émetteur produit les impulsions temporelles, ces unités à partir desquelles l’estimation subjective de la durée se construit. L’estimation d’un intervalle temporel nécessite d’abord un signal qui active !’interrupteur permettant la transmission des impulsions temporelles vers l’accumulateur. Ce dernier accumule les impulsions temporelles jusqu’à la désactivation de !’interrupteur par un second signal.

Dans le contexte de la production d’intervalle, le sujet doit espacer deux frappes du doigt d’un intervalle de temps préétabli. Les modèles d’horloge interne proposent qu’il y ait attente, après une première frappe, qu’une valeur critère d’impulsions soit atteinte dans l’accumulateur. La durée cible à produire est représentée dans ces modèles comme une valeur critère encodée en mémoire de référence. Cette valeur critère est constituée d’un nombre d’impulsions temporelles représentant la durée physique telle qu’établie pendant les périodes d’entraînement. Avec le passage du temps, le nombre d’impulsions augmente dans l’accumulateur et se rapproche de la valeur critère. Le comparateur relie la valeur dans l’accumulateur à celle en mémoire de référence. Lorsque la valeur critère est atteinte, une seconde frappe est émise et elle termine la production de l’intervalle.

(19)

10

attention

Horloge

Émetteur ---► Interrupteur — Accumulateur

f V

Mémoire

Figure 2. Le modèle d’horloge interne de Gibbon, Church, & Meck ( 1984) incluant !’attention au niveau de l’horloge (adaptation de Meck, 1984).

Ce modèle considère donc la production temporelle comme étant l’attente d’une accumulation d’impulsions temporelles dont la durée est équivalente à celle de la durée cible mémorisée. L’entraînement permet d’encoder en mémoire de référence la valeur critère d’impulsions temporelles associées à l’intervalle temporelle de la durée cible. La présence de feed-back pendant les sessions de pratique informe les sujets que l’intervalle temporel produit est de la bonne durée, trop long ou trop court par rapport à l’intervalle réel de la durée cible. Les nombreuses répétitions des essais pratiques permettent de solidifier et de renouveler la valeur critère liée à la durée cible pour ainsi stabiliser les productions temporelles subjectives. La Figure 3 illustre l’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1 et la frappe 2. La frappe 1 débute la production de !’intervalle temporel et correspond à la fermeture de l’interrupteur. L’accumulation d’impulsions s’effectue jusqu’à ce que le comparateur établisse l’atteinte de la valeur critère associée à la durée cible. L’atteinte de la valeur critère occasionne la frappe 2, termine la production temporelle et détermine la durée produite.

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Accumulation

Valeur critère

Durée produite

Figure 3. L’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1 et la frappe 2. Cette dernière frappe est effectuée lorsqu’il y a atteinte de la valeur critère et elle détermine la durée produite.

Selon Fortin et al. (1993), la combinaison de la tâche de prospection mnémonique à celle de production temporelle a pour effet !’interruption temporaire de !’accumulation d’impulsions temporelles telle qu’illustrée à la Figure 4. Rousseau, Picard et Pitre (1984) expliquent !’interruption de !’accumulation comme une conséquence d’un partage attentionnel affectant l’interrupteur. Pendant le traitement d’informations non temporelles, l’interrupteur se désactive temporairement et retarde d’autant !’accumulation d’impulsions temporelles. Cette accumulation réduite est associée à une perception temporelle plus courte. Rousseau et al. (1984) croient que l’allongement de l’intervalle de temps T est causé par !’accumulation d’impulsions temporelles additionnelles qui compensent celles manquées lors de la désactivation de l’interrupteur. En situation de production temporelle, ces impulsions reprises sont nécessaires pour que le comparateur établisse l’atteinte de la valeur critère associée à la durée cible. L’atteinte tardive de la valeur critère retarde la frappe 2 et allonge la durée produite.

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12 Accumulation Valeur critère

7

Interruption / Durée produite

Figure 4. L’interruption de !’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1 et 2 entraîne un retard dans l’atteinte de la valeur critère ce qui modifie la durée produite.

Dans l’expérience de Fortin et al. (1993), la combinaison de la tâche de prospection mnémonique à celle de production temporelle à pour effet de créer une interruption dans Γaccumulation des indices temporels. Une durée physique plus grande devient alors nécessaire pour accumuler les impulsions temporelles correspondant à la valeur critère développée pendant les sessions de pratique. Fortin et al. observent une augmentation linéaire de l’intervalle moyen produit en fonction de la taille de 1 ’ensemble-mémoire. Ils en concluent que plus il y a d’éléments dans l’ensemble-mémoire, plus !’interruption de !’accumulation d’impulsions est importante et plus les sujets allongent l’intervalle de temps moyen qu’ils produisent afín de compenser les impulsions manquées.

Un jeu vidéo comme tâche non temporelle

Les résultats des travaux de Fortin et collègues (1987, 1993 & 1995) sont intéressants mais limités à des situations expérimentales où la tâche concurrente est relativement simple. Il serait certes intéressant de voir si le même type de phénomène peut être obtenu par !’utilisation d’une tâche concurrente plus complexe et dynamique. Cela permettrait non seulement d’ajouter un appui à la position théorique de Fortin et call., mais aussi d’élargir leur analyse à des situations humaines plus familières. La tâche concurrente pourrait correspondre davantage à la réalité. Une situation expérimentale utilisant un jeu

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vidéo informatisé est intéressante puisque ces jeux imitent plus fidèlement Γenvironnement dans lequel nous évoluons, par le recours nécessaire à des processus cognitifs supérieurs (Bliss, Kennedy, Tumage, & Dunlap, 1991; Quinn, 1991; Washburn et Gulledge, 1995) et la présence de continuité, de temps réel (Porter, 1991).

Les jeux vidéo et la recherche en psychologie

L’utilisation d’un jeu vidéo dans la recherche en psychologie n’est pas de tout repos. C’est avec raison que les laboratoires de recherche traditionnels tentent d’isoler quelques variables afin de mieux en comprendre leurs influences respectives. Certaines limites à ces situations expérimentales simplificatrices sont pourtant dénoncées. Gibson (1962) parle de "validité écologique", condition trop souvent absente dans la recherche en psychologie. Les psychologues gestaltetes mettent aussi en garde que «le tout est plus grand que la somme des parties ». Isoler les phénomènes les uns des autres pour les expliquer est réducteur puisqu’il y a toujours des ensembles indissociables structurés (Wertheimer,

1959).

Les jeux vidéo créent une situation expérimentale complexe et de validité écologique plus grande. Mais à la complexité expérimentale se joint une complexité d’interprétation et de généralisation des résultats. Tel est le prix à payer. « Games are "messy" », comme dit Porter (1995). La confusion s’installe en présence de jeux vidéo. Le mouvement de simplification expérimentale dénoncé par Wertheimer et Gibson a justement pour origine un refus de l’ambiguïté des résultats de recherche. Ce refus est responsable du peu de popularité des jeux vidéo dans la recherche en psychologie. Porter (1995) note qu’il n’y a guère plus de mille publications impliquant un jeu vidéo, dont la majorité comportent des jeux simplifiés.

C’est que les jeux vidéo sont les hôtes de variables exogènes à celles de l’expérience. Comme variables exogènes mentionnons la motivation des joueurs, leur habileté initiale, !’apprentissage dans le temps du jeu vidéo ainsi que le déroulement aléatoire des jeux vidéo. Comprendre et contrôler complètement l’influence de ces différentes variables sur les résultats enregistrés est difficile, voir impossible. La validité interne de la recherche s’en trouve affectée. Les conclusions obtenues deviennent circonscrites et les généralisations hasardeuses.

Une autre difficulté est qu’il y a peu de jeux disponibles pour la recherche. Bien que les jeux commerciaux soient nombreux, ils n’ont pas la flexibilité nécessaire à !’expérimentation. Contrôler les paramètres du jeu est souvent nécessaire au bon déroulement d’une recherche. Une issue possible aux

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jeux commerciaux serait de développer de nouveaux jeux, mais cela requiert du temps et des ressources et aboutit bien souvent à de multiples versions d’un jeu vidéo. De plus, adapter et conserver ces jeux devient un défi avec les changements rapides dans le domaine informatique.

Faut-il condamner !’utilisation des jeux vidéo dans la recherche en psychologie ? Porter, concepteur et utilisateur d’un jeu vidéo pour la recherche en cognition, reconnaît les difficultés associées à l’emploi de ces jeux mais en recommande Γutilisation. Ils comportent des caractéristiques attrayantes pour le chercheur et ils sont nécessaires à une meilleure compréhension de la psychologie. Les jeux vidéo sont intrinsèquement motivants et présentent des situations vraiment dynamiques, plus conformes à la réalité. Ces jeux permettent l’étude des processus cognitifs supérieurs par la création d’un système complexe nécessitant le recours à ces processus cognitifs, nous dit encore Porter.

Les jeux vidéo comportent différentes caractéristiques communes. Par une activité motrice, les joueurs exercent une influence continue sur une fiction qui leur est présentée à l’écran. La coordination visuo- spatiale et la discrimination visuelle sont nécessaires à la saisie des informations présentées. Les jeux vidéo comportent des règles et des frontières que les joueurs tentent d’apprendre et de contrôler. L’habileté à se déplacer se développe par la pratique tout comme !’anticipation des événements, capacités nécessaires à une performance optimale. Les joueurs doivent réagir rapidement à différentes menaces par la mise en place de réponses appropriées. Un pointage élevé est indicateur de la maîtrise du jeu ou du moins, des règles d’attribution de ces points.

C’est par un jeu vidéo qu’un groupe de chercheurs dirigés par Donchin (1989) a étudié !’utilisation de stratégies dans !’acquisition d’habiletés. Le jeu Space Fortress dans sa version du 2 mars 1983 a été utilisé par une équipe de chercheurs présents aux Etats-Unis et dans plusieurs autres pays du monde. Ce jeu a permis de mieux comprendre les stratégies efficaces dans !’apprentissage d’activités humaines complexes. La présente recherche utilise un jeu vidéo afin de mieux comprendre les processus cognitifs impliqués dans la perception de la durée.

Fondements du jeu vidéo Save the Whale

Dans le jeu Save the Whale développé par Porter ( 1986), les joueurs dirigent une baleine bleue à l’aide des touches d’un clavier d’ordinateur. Cette baleine est poursuivie par des Esquimaux en kayak qui cherchent à la harponner, et par ailleurs, elle cherche à absorber du plancton pour se nourrir. Le plancton est représenté par une tache verte et les kayaks rouges représentent des embarcations esquimaudes, auteurs des harponnages. On retrouve aussi à l’écran seize icebergs, refuges possibles

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pour la baleine. Le mouvement du Plancton est aléatoire et imprévisible alors que les Esquimaux se déplacent toujours en direction de la baleine. Vingt Kayaks par partie effectuent un harponnage ou un naufrage. On retrouve à la Figure 5 une représentation graphique du jeu de Porter, de la représentation des caractères et de la position des icebergs tels qu’ils apparaissent à l’écran pour les joueurs. De plus, on retrouve annexé à ce mémoire le programme informatique du jeu Save the whale utilisé dans la présente recherche. La reproduction et !’utilisation de ce programme informatique sont permises dans le cadre de nouvelles recherches.

The Whale Game

Figure 5. Représentation graphique du jeu de Porter telle qu’apparaissant à l’écran.

Une partie consiste en 218 cycles et, à chacun de ces cycles, tous les figurants du jeu, à l'exception des icebergs, bougent d'un espace dans une matrice couvrant 22 X 38 espaces. Les joueurs doivent poursuivre le plancton et faire échouer les kayaks sur les icebergs pour obtenir un maximum de points. Des points sont obtenus aux cycles de superpositions baleine/plancton et lorsqu’il y a collision kayak/iceberg. Interférer les déplacements kayaks par la présence d’icebergs, en plus d'augmenter le pointage, permet aux joueurs d’éviter les harponnages qui eux conduisent à la perte de points.

Save the Whale pennet la modification des paramètres de jeu selon les besoins de 1 ’expérimentation. La présente expérience s’approprie cette particularité. Deux paramètres du jeu vidéo sont manipulés au cours de notre expérimentation. Ces paramètres sont les variables indépendantes. La première variable indépendante est le niveau de difficulté du jeu vidéo. Elle se manifeste par la vitesse à laquelle le jeu se

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déroule et peut prendre deux valeurs, soit Rapide et Lent. On fixe la vitesse des cycles du jeu à 700 ms ou 400 ms selon le niveau de difficulté recherché. Par־ la variation de la vitesse du jeu, on cherche à manipuler la charge de travail mental imposée aux joueurs.

La deuxième variable indépendante est le type de traitement cognitif demandé aux sujets. Elle se manifeste par־ le type de tâche à effectuer au jeu vidéo et peut prendre deux valeurs, soit Plancton et Kayak. Bien que les deux tâches se retrouvent toujours simultanément à l'intérieur du jeu vidéo, il y a toujours priorité accordée à l'une des deux tâches. Les consignes et !'attribution inégale des points (ex.: 100 points pour un kayak et seulement dix pour le plancton) favorisent la tâche recherchée. Par une variation de la tâche à effectuer au jeu vidéo, on cherche à manipuler la sollicitation de structures cognitives différentes chez les joueurs.

Dans notre recherche, des modifications au programme informatique Save the Whale créent quatre tâches secondaires distinctes qui sont : Plancton-Lent, Kayak-Lent, Plancton-Rapide et Kayak-Rapide. Ces quatre environnements vidéo, qui font varier les ressources cognitives disponibles au passage du temps, sont aussi les quatre conditions expérimentales dans lesquelles la PIT est exécutée simultanément. Rappelons que la PIT nous permet de mesurer indirectement le jugement temporel en présence de ces environnements vidéo, afin de mesurer l’interférence créée par l’exécution simultanée de ces tâches secondaires sur la perception subjective du temps.

L ,étude du jeu Save the Whale

Porter (1986) est le concepteur du jeu Save the Whale. Ce jeu a été développé pour poursuivre les études de Broadbent (1977), Berry et Broadbent (1984) et Broadbent, Fitzgerald et Broadbent (1986) quant à !’apprentissage implicite d’une habilité et au contrôle de systèmes dynamiques. Porter a aussi développé une technique afin d’analyser et d’interpréter les résultats obtenus en présence de jeux vidéo. Il est intéressant de décrire brièvement cette méthode, mais ce sont surtout les résultats rapportés dans Porter (1991) au jeu Save the Whale qui ont déterminé la présente recherche. Porter croit que !’interprétation des résultats d’un jeu vidéo est possible par l’analyse des données sous différentes perspectives séparées, mais convergentes. Porter analyse le jeu Save the WTiale par trois différentes perspectives : objective, subjective et empirique.

Le jeu Save the Whale offre aux joueurs de nombreuses possibilités d’actions. L’analyse régressive est adoptée par Porter afin de comprendre l’efficacité de ces actions en situation de jeu. Pour y parvenir, l’ordinateur enregistre les données d’une vingtaine de variables à chacun des 218 cycles de la partie. La

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reconstitution de situations de jeu permet ensuite une analyse hiérarchique, d’abord des stratégies, puis des tactiques et finalement des mouvements mécaniques exécutés par les joueurs. On tente de comprendre quel plan de jeu est adopté, puis comment ce plan est exécuté et par quels mouvements. Porter (1986) affirme que l’analyse régressive rend compte de 87% de la variance des scores à la tâche Plancton et 58% de la variance des scores à la tâche Kayak.

La perspective objective permet aussi de déterminer la complexité des tâches. L’exécution automatique de la tâche Plancton est obtenue à l’aide de deux lignes de commandes BASIC. Il faut douze lignes de ces commandes pour obtenir l’exécution automatique de la tâche Kayak à l’arrivée de chacun des vingt kayaks. Porter en conclut que la demande cognitive est supérieure pour la tâche Kayak.

Les joueurs sont d’accord avec Porter. Ils rapportent que la tâche Plancton est simple et facile en comparaison à la tâche Kayak qui est perçue comme complexe et difficile. Les perspectives subjectives ne sont pourtant pas toujours exactes. Porter a constaté que les sujets sont incapables de verbaliser les stratégies objectivement gagnantes pour la tâche Kayak alors qu’ils croient, par exemple, capital de “Ne pas manger les icebergs”, objectivement cette dernière action a peu d’influence sur les performances réelles. Les stratégies les plus avantageuses, comme “Ne pas se retourner” ou “Demeurer au centre de l’écran”, ne sont pas verbalisées par les joueurs, toujours à la tâche Kayak. Porter interprète ces données selon un modèle d’apprentissage implicite et explicite (Broadbent, 1977; Broadbent, Fitzgerald & Broadbent, 1986; Berry & Broadbent, 1984; Hayes & Broadbent, 1988; Broadbent, 19846).

De plus, Porter (1991) tient compte des difficultés associées à l’analyse des performances obtenues par les sujets dans la pratique d’un jeu vidéo. En effet, on reconnaît de grandes différences individuelles quant à la motivation des sujets et à l’habileté des joueurs dans la pratique d’un jeu vidéo. Porter dit contrôler statistiquement les écarts de performances qui en résultent par la standardisation des résultats de chaque sujet pour tous les essais et toutes les conditions. Les performances moyennes pour chaque sujet deviennent 50 avec un écart type de dix, rendant ainsi possibles les comparaisons inter-sujets. On sait aussi que la pratique modifie considérablement les performances aux jeux vidéo. Avec Save the Whale, les performances s’améliorent considérablement au fil des parties mais de façon différente pour chacune des tâches. L’amélioration des performances est rapide et immédiate pour la tâche Kayak alors qu’elle est plus lente et constante pour la tâche Plancton.

Porter (1986, 1990, 1991) a réalisé plusieurs expériences avec le jeu Save the Whale. Porter (1991) rapporte les résultats de deux expériences où le jeu vidéo est accompagné de tâches concurrentes. C’est à partir d’analyses de ces expériences que nous avons conclu que les deux tâches du jeu vidéo utilisent

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différemment les structures cognitives; soit principalement la mémoire de travail pour la tâche Plancton, ce qui n'est pas le cas pour la tâche Kayak.

Dans ces expériences de Porter (1991), les performances aux tâches Plancton et Kayak sont influencées différemment par une charge simultanée en mémoire de travail. Dans la première étude de Porter, la charge en mémoire de travail correspond au nombre de lettres que les sujets doivent mémoriser. La situation contrôle ne compte qu’une seule lettre. Les situations expérimentales comportent trois ou cinq lettres. Une série de lettres différentes est présentée aux sujets toutes les 25 s. Ils doivent reproduire la dernière série de lettres à la demande de !’expérimentateur.

Dans la deuxième étude de Porter, la charge en mémoire de travail provient de tâches verbales concurrentes. Dans la tâche verbale fixe, on demande aux sujets de compter sans cesse de un à quatre au rythme d’un métronome, soit à une cadence d’un chiffre tous les 1500 ms. Dans la tâche verbale aléatoire, tâche développée par Baddeley (1966), les sujets nomment les chiffres de un à quatre au même rythme, mais dans un ordre aléatoire et non répétitif. Cette dernière tâche est plus exigeante et nécessite un travail cognitif plus important. Une situation contrôle est aussi présentée alors qu’elle ne comporte pas de tâche verbale.

Les résultats de ces études laissent voir que seule la tâche Plancton est affectée par une charge simultanée en mémoire de travail. L’absorption de plancton diminue en présence d’une plus grande charge en mémoire de travail. La destruction des Kayaks demeure pour sa part constante, sauf pour la tâche verbale aléatoire de Baddeley, mais pour les trente premières minutes seulement. Ces résultats nous permettent d’inférer différentes caractéristiques aux tâches Plancton et Kayak du jeu de Porter. Π semble qu’elles sollicitent différemment les ressources cognitives. On observe qu'un traitement plus ou moins important en mémoire de travail interfère seulement avec la tâche Plancton du jeu de Porter. La présence d'une interférence circonscrite à cette tâche nous permet de déduire que la tâche Plancton, simple mais incertaine, nécessite principalement un traitement cognitif en mémoire de travail. L’absence d’interférences suggère que la tâche Kayak, complexe mais prévisible, ne nécessite pas autant ces ressources.

La présente expérience

Un premier objectif de la présente expérience est de poursuivre l’étude, dans une situation où la tâche non temporelle est davantage complexe et dynamique, des effets observés en situation de double tâche par Fortin et collègues (1987, 1993, 1995). Nous voulons utiliser la PIT en situation de double tâche

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pour mesurer la variation de la durée perçue lorsqu’un jeu vidéo fait fluctuer les ressources attentionnelles disponibles au passage du temps. Nous voulons nous assurer que, comme dans les recherches précédentes, les ressources cognitives supérieures impliquées dans l’activité d’estimation temporelle prospective sont bien celles associées à la mémoire de travail, ce que suggère l’allongement exclusif des PIT en présence de tâches concurrentes sollicitant ces ressources.

Contrairement à !’interprétation attentionnelle du modèle distraction/interruption, qui suppose le partage d’une ressource attentionnelle unique et limitée entre le passage du temps et la tâche non temporelle concurrente, nous nous référons aux modèles de ressources multiples pour expliquer que deux tâches complexes peuvent être combinées, sans que les performances à l’une ou à l’autre ne soit affectées, si ces dernières sollicitent des ressources différentes. Tout comme Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac (1993), nous désirons démontrer une interférence spécifique sur l’estimation du temps causé par des tâches concurrentes qui requièrent un traitement plus important de l’information en mémoire de travail et ce, indépendamment de la difficulté de ces tâches concurrentes. L’interférence spécifique du jugement temporel lors d’une moindre disponibilité de la mémoire de travail viendrait supporter le rôle

dominant de cette dernière structure cognitive dans la perception de la durée.

La présente étude utilise pour tâche concurrente le jeu Save the Whale de Porter. La baleine, contrôlée par les joueurs, tente d’échapper aux harponnages d’esquimaux et de manger le plancton à l’écran selon différentes conditions de jeu. L’expérience comporte deux formules de pointage qui déterminent la tâche à accomplir et deux vitesses de jeu qui en modifient la difficulté. La vitesse à laquelle le jeu se déroule détermine le niveau de difficulté du jeu; elle peut prendre deux valeurs, soit Rapide et Lent. Nous obtenons ainsi quatre tâches secondaires distinctes qui sont : Plancton-Lent, Kayak-Lent, Plancton-Rapide, et Kayak-Rapide. Les différentes conditions expérimentales apportées par le jeu vidéo modifient les ressources attentionnelles disponibles au passage du temps.

Par la variation de la vitesse du jeu, nous cherchons à manipuler la charge de travail mental imposée aux joueurs. Le type de tâche à effectuer au jeu vidéo modifie le type de traitement cognitif demandé aux sujets. 11 peut prendre deux valeurs, soit Plancton et Kayak. Par une variation de la tâche à effectuer au jeu vidéo, nous cherchons à influencer les ressources cognitives disponibles au passage du temps chez les sujets. Mentionnons qu’il s’agit d’une première utilisation du jeu Save the Whale comme travail cognitif concurrent. Des tâches concurrentes furent combinées avec le jeu, mais jamais l’inverse. S’imposera alors une interprétation des résultats plus prudente et modérée, ce qui ne condamne aucunement notre recherche qui se veut aussi exploratoire en élargissant les études de Fortin et

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Notre hypothèse de travail est que la durée moyenne des intervalles produits s'allongera de façon significative avec !'augmentation de la difficulté du jeu dans la condition "Plancton" seulement, puisque seule la tâche Plancton sollicite grandement les ressources de la mémoire de travail et ce, d’autant plus avec !’augmentation de la vitesse du jeu. Comme la tâche Kayak est de nature différente et sollicite peu les ressources associées à la mémoire de travail, !’augmentation de la difficulté du jeu ne devrait pas apporter !’augmentation des PTM, en continuité aux effets observés en situation de double tâche dans l’estimation temporelle par Fortin et collègues (1987, 1993, 1995).

Un objectif plus général du mémoire est de contribuer au développement de l'étude des processus cognitifs supérieurs par !'utilisation d’un jeu vidéo. Les recherches traditionnelles simplificatrices et réductrices sont de "validité écologique" douteuse (Gibson, 1962). Elles isolent bien souvent les phénomènes les uns des autres pour les expliquer (Wertheimer, 1959). Une situation expérimentale utilisant un jeu vidéo informatisé est intéressante puisque ces jeux imitent plus fidèlement !’environnement dans lequel nous évoluons, par le recours nécessaire à des processus cognitifs supérieurs (Bliss, Kennedy, Tumage & Dunlap, 1991; Quinn, 1991; Washburn et Gulledge, 1995) et la présence de continuité, de temps réel (Porter, 1991).

MÉTHODOLOGIE

Sujets

Vingt volontaires, douze femmes et huit hommes, âgés entre vingt et quarante-sept ans (la moyenne d’âge est de vingt-six ans et l’écart type est de six ans) ont participé à l’expérience à l’été 1997. Le recrutement c’est effectué à l’aide d’affiches apposées à l’Université Laval. Tous ignorent les hypothèses de la recherche. Ce sont pour la plupart des étudiants de ΓUniversité Laval qui jouent peu à des jeux vidéo. Ils sont tous droitiers. Un montant de vingt dollars leur a été accordé à la dernière rencontre, soit cinq dollars pour chacune des trois séances et un bonus de cinq dollars pour avoir complété l'expérience. Un seul sujet n’a pas terminé l’expérience. Un handicap moteur important l’empêchait d’effectuer les tâches de motricité fine, comme appuyer sur les touches d’un clavier.

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Procédure

Tout comme dans Γexpérience de Fortin et Rousseau (1987) et celle de Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac (1993), notre expérience utilise la méthode d’analyse d’interférence pour explorer les processus cognitifs impliqués dans la perception de la durée, et l’expression du jugement du temps s’y fait par׳ la production d’intervalles temporels (PIT). Les sujets participent à trois rencontres expérimentales d’une durée approximative de soixante minutes chacune. Ces rencontres se déroulent au plus en tr ois jours, avec un maximum de deux rencontres espacées d’au moins une heure par jour.

On communique d’abord aux sujets !’information pertinente à la présente recherche. Il y a explication du déroulement de la recherche, du fonctionnement de l’appareillage, signature du formulaire de consentement éclairé et du formulaire d’entente entre les parties, lequel spécifie les conditions et restrictions de l’expérimentation. De plus, les sujets complètent une courte fiche d’identification. Ces trois derniers documents sont présentés aux Appendices A, B et C.

Une démonstration du jeu Save the Whale a aussi lieu, accomplie par 1 ’expérimentateur. Les sujets obtiennent ainsi un aperçu du jeu vidéo et de son fonctionnement. Notre expérience utilise une version modifiée du jeu Save the Whale de Porter. Cette version codée en Visual Basic permet un meilleur contrôle des paramètres du jeu ainsi que de la chronométrie des événements et réponses. Notre version du jeu vidéo se différencie de celle de Porter, d’abord parce qu’elle n’oblige pas la baleine à un déplacement continu. Ensuite, le déplacement de la baleine par une seule main et !’utilisation de nouvelles touches, les touches <flèche> du clavier, font aussi écart à la version de Porter. Finalement, tous les déplacements demandent une frappe au clavier dans notre version vidéo, alors que seul les changements d’orientation de la baleine sont nécessaires dans le jeu de Porter. Ces différences n’étaient pas planifiées. Elles sont le résultat d’un défaut de développement logiciel dans la production de la nouvelle version. Le jeu vidéo est la tâche secondaire effectuée tout au long de !’expérimentation. La démonstration est suivie par quatre parties vidéo de pratique exécutées par les sujets.

La PIT est la tâche centrale effectuée tout au long de !’expérimentation. À l’arrivée d’un signal auditif distinct, les sujets produisent le début et la fin d’un court intervalle de temps par la pression successive d’une touche de clavier d’ordinateur avec un doigt de la main non dominante. Toujours à la première rencontre, une séance d’entraînement à la PIT permet aux sujets une stabilisation de ces productions, diminuant ainsi la variance des PIT non reliée aux manipulations expérimentales. La séance comporte cinq blocs de 36 productions temporelles. Pour les quatre premiers blocs, les sujets sont informés de leur performance, à savoir que l’intervalle de temps produit est "correct", "trop court" ou "trop long" par rapport à l’intervalle de temps à produire. Un intervalle "correct" se situe à ± 5% de l’intervalle de

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temps à produire. Cette information est toutefois absente au cinquième et dernier bloc. Les sujets doivent alors effectuer les PIT sans feed-back, tout comme en situation de double tâche. L’entraînement de la PIT a pour effet de créer une représentation en mémoire à long tenue de la durée cible.

La durée temporelle à produire est de 2000 ms, durée fréquemment utilisée dans les expériences de Fortin et de Rousseau (Rousseau, Picard et Pitre, 1984; Fortin et Rousseau, 1987; Fortin, Rousseau, Bourque et Kirouac, 1993; etc.). Cette courte période de temps pennet un partage de !’attention entre le passage du temps et l’exécution d’une seconde tâche, comme un jeu vidéo. Cette durée est inconnue des sujets afin de prévenir le recours à un instrument de mesure du temps externe en expérimentation, telle une montre, et pour éviter un entraînement supplémentaire hors des lieux de recherche.

À la fin de cette première rencontre, les sujets exécutent quatre parties vidéo en situation de double tâche. La situation de double tâche est centrale à la présente expérience puisque nous désirons que la PIT et la tâche concurrente s’effectuent simultanément lors de !’enregistrement des données expérimentales. La PIT est demandée dix fois dans chacune des parties vidéo par l’arrivée du signal auditif distinct, le même son qu’aux séances pratiques. L’arrivée des dix signaux pendant une partie se fait selon une séquence aléatoire. On élimine ainsi les effets possibles d’une variable indésirable à la présente expérience, par exemple, !’anticipation des signaux. Les parties vidéo se déroulent quant à elles selon une séquence fixe, Plancton-Lent, Kayak-Lent, Plancton-Rapide et Kayak-Rapide, soit les quatre conditions expérimentales. La première rencontre se termine donc par la pratique de la situation de double tâche, alors que la PIT est combinée à une partie vidéo pour chacune des quatre conditions expérimentales.

Rappelons qu’une partie vidéo est constituée de 218 cycles à chacun desquels les figurants du jeu bougent d’un espace à l’écran, à l’exception des icebergs qui eux sont immobiles. La vitesse à laquelle le jeu se déroule est fixée par la durée unitaire de ces cycles, soit 700 ms lorsque le jeu vidéo est Lent et 400 ms lorsque le jeu vidéo est Rapide.

Rappelons aussi que les tâches Plancton et Kayak se retrouvent simultanément à l’intérieur du jeu vidéo mais qu’il y a toujours priorité accordée à l’une des deux tâches. La tâche prioritaire est dans un premier temps indiquée aux joueurs avant chacune des parties puis, dans un deuxième temps favorisée par !’attribution inégale des points. En priorité Plancton, les cycles de superpositions baleine/plancton procurent 100 points aux joueurs, alors que les courses des 20 kayaks se terminent par des gains ou des pertes de dix points, selon qu’il y a collision sur un iceberg d’une embarcation esquimaude ou harponnage de la baleine. La distribution des points est différente en priorité Kayak. L’absorption du plancton ne vaut plus que 50 points, alors que les naufrages esquimaux rapportent 100 points aux

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joueurs qui au contraire en perdent 100 lorsqu'ils subissent des harponnages. Il est à noter que les consignes vidéo, qui contiennent entre autres ces informations, sont disponibles à l’Appendice D.

La deuxième rencontre comporte trois séries en alternance des quatre conditions expérimentales : Plancton-Lent, Kayak-Lent, Plancton-Rapide et Kayak-Rapide; toujours en situation de double tâche. Ces douze parties de Save the Whale sont toutes précédées d’un bloc pratique de PIT avec feed-back. Le premier bloc de pratique est plus long et comporte 36 productions temporelles alors que les autres blocs en comportent dix. Ces blocs de pratique sont indispensables pour rappeler aux sujets la valeur critère de la durée cible encodée en mémoire de référence, soit la durée physique tel qu’établie pendant les périodes d’entraînement.

C’est pendant ces douze parties, et pendant les douze autres parties de la troisième rencontre, que les PIT sont enregistrées afin de mesurer la variation de la durée perçue. Les parties additionnelles de la troisième rencontre sont nécessaires puisque Porter (1991) a noté dans ses recherches une performance significativement différente au jeu vidéo après neuf parties.

Appareils et emplacement

L'expérience ce déroule au local 0048 E du F.A.S., un endroit bien éclairé, isolé des sources de pollution auditive et autres distractions. Les sujets sont assis à environ 60 cm d'un écran PVGA 720 Fujikama et deux claviers d’ordinateur sont devant eux, sur le bureau. La chaise comporte un accoudoir. Il permet aux sujets d’y déposer le bras dominant afin de créer une position uniforme et de prévenir qu’ils ne se fatiguent inutilement.

Un premier ordinateur, un compatible IBM 386DX33, exécute le programme du jeu Save the Whale. Une baleine bleue est le caractère principal du jeu vidéo et son déplacement à l’écran est contrôlé par les sujets avec les quatre touches <flèche> d’un premier clavier. Le programme enregistre de nombreuses données permettant d’analyser les parties à posteriori, dont les variables Score, Plancton absorbé, Kayaks détruits, et Nombre de mouvements sont parmi les plus saillantes dans l’expérience. Ces données sont présentées de façon explicite pour les différentes conditions du jeu Save the Whale et par sujet aux Tableaux 1, II, III et IV de l’Appendice E.

Un deuxième ordinateur״, un compatible IBM Tatung TCS-7000, exécute le programme de la PIT et enregistre à la miliseconde les intervalles produits à l’aide de la clé "0" d’un second clavier. Tel que mentionné plus tôt, dans certains blocs de pratique les sujets sont informés de leur performance, à

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savoir que l’intervalle de temps produit est "correct", "trop court" ou "trop long" par rapport à l’intervalle de 2000 ms à produire. Une production correcte se situe entre 1900 ms et 2100 ms. Une fenêtre de production de 200 ms est donc disponible en dehors de laquelle un ajustement des temps à produire est demandé aux sujets. Aussi, il faut noter que l’enregistrement des données expérimentales en situation de double tâche ne comporte pas de feed-back. Finalement, les deux claviers sont identifiés (un et deux) et toutes leurs touches non utilisées sont recouvertes d'un carton afin d'éliminer les erreurs possibles et la confusion.

RÉSULTATS

Les analyses portent sur les moyennes des productions d’intervalles temporels (PTM) dans chacune des conditions. Une PTM chez un sujet est la moyenne des 60 productions temporelles associées aux conditions expérimentales Plancton-Lent, Kayak-Lent, Plancton-Rapide et Kayak-Rapide. Nous avons enregistré au total 240 productions temporelles par sujet, soit dix productions temporelles à chacune des six parties vidéo pour les quatre tâches expérimentales distinctes. On obtient finalement quatre PTM par sujet, une pour chacune des quatre conditions expérimentales.

Les données de tous les essais sont incluses dans l’analyse de variance à l’exception des données extrêmes, c’est-à-dire celles inférieures à 500 ms et celles supérieures à 5000 ms. Les données qui se situent au-delà de ces limites se positionnent approximativement au-delà de la limite de 3 écarts-types par rapport à la moyenne, ce qui justifie leur retrait de la banque de données analysées. Au total, 107 productions temporelles furent rejetées, ce qui correspond à 2.24% des données. Aussi, une erreur de programmation constatée tardivement a privé définitivement la recherche de 30 productions temporelles. Deux parties vidéo de condition Kayak-Rapide n’ont pas été présentées au Sujet 1 et une partie vidéo de la même condition n’a pas été présentée au Sujet 2. La PTM provient alors de 40 et 50 productions temporelles respectivement, ce qui ne compromet aucunement l’analyse de variance.

Pendant la session pratique, la production temporelle moyenne par les sujets est 2159 ms dans les dix premiers essais de la situation bloc sans feed-back. Pendant les sessions expérimentales, la production temporelle moyenne pour les sujets est de 2196 ms pour l’ensemble des données recueillies sans feed- back. On retrouve ces moyennes ainsi que ces différents résultats pour chacun des sujets aux Tableaux V, VI et VII en Appendice F.

Figure

Figure 1. Situation de double tâche de prospection mnémonique et de PIT. La présentation visuelle est décrite en  lettres capitales et les durées entre crochets
Figure 2. Le modèle d’horloge interne de Gibbon, Church, &amp; Meck ( 1984) incluant !’attention au niveau de l’horloge (adaptation de Meck, 1984).
Figure 3. L’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1 et la frappe 2. Cette dernière frappe est  effectuée lorsqu’il y a atteinte de la valeur critère et elle détermine la durée produite.
Figure 4. L’interruption de !’accumulation d’impulsions temporelles entre la frappe 1 et 2 entraîne un  retard dans l’atteinte de la valeur critère ce qui modifie la durée produite.
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Références

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