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Charlemagne et Hildegarde : conscience dynastique et tradition locale

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Charlemagne et Hildegarde : conscience dynastique et

tradition locale

Jean Schneider

To cite this version:

Jean Schneider. Charlemagne et Hildegarde : conscience dynastique et tradition locale. Cahiers du

CRATHMA (Centre de recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge), Université de Paris

X-Nanterre, 1987, Actes du colloque ”Autour d’Hildegarde”, V, pp.9-18. �hal-03038614�

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C H ARLEM AG NE et H ILD E G A R D E Conscience dynastique et Tradition locale 1

S’il est un lieu où il convenait d ’évoquer, en ce douzième centenaire de sa m ort, le destin de Hildegarde, femme de Charlemagne, c ’est bien en cette salle de l ’ancienne abbaye de S a int-A rn o ul 2 . A quelques pas d ’ici s’élevait jadis l ’église des Frères Prêcheurs, construite au X IIle siècle ; elle avait été affectée, avec les bâtim ents claustraux, aux religieux bénédictins de S aint-A rn o ul don t l ’antique monastère venait d ’être d é tru it en 1552 ; ils y transportè­ rent les restes des personnages illustres qui y avaient trouvé leur sépulture, notam m ent ceux de la reine Hildegarde et de son fils, l ’empereur Louis le Pieux 3 .

Le choix de cette abbaye messine pour le tombeau de la reine est un événement d o n t la présente com m ém oration invite à étudier le sens et la portée. De récentes recherches per­ m ettent de mieux cerner la place de Hildegarde dans le règne de Charlemagne et celle de la cité de Metz dans la tra d itio n dynastique comme dans la politique carolingienne4 .

UN DESTIN DE SO U VE R A IN E

Parmi les compagnes, légitimes ou non de, Charlemagne, Hildegarde se distingue au pre­ mier chef. Si elle n ’est pas la seule à figurer au côté du roi dans l ’in titu lé de diplômes, elle est en revanche plus souvent mentionnée que d ’au­ tres femmes du souverain dans les sources de l ’époque. Aucune n ’est restée aussi vivante q u ’ elle dans le souvenir des générations ultérieures. Les qualités de Hildegarde e xpliqu e nt cette sur­ vivance ; de plus, ce mariage accompagnait un changement dans la p o litiqu e de Charlemagne qui, après la réunification du royaume franc, reprenait les desseins de son père, en Italie, en Saxe, et donnait par ses réformes une assiette plus solide au pouvoir royal. Dans cette phase im portante de son règne, Charlemagne a H ilde­ garde à ses côtés.

Un mariage p o litiq u e

Vers la fin de 770 Charlemagne avait

épousé une fille de Didier, roi des Lombards. Ce mariage avait été préparé, malgré l ’opposi­ tion du pape, par la mère de Charles, la reine Berthe. Issue d ’une branche cadette des Méro­ vingiens Berthe semblait vo uloir renouer avec une tra d itio n des anciens rois qui prenaient volontiers femme dans les dynasties royales des pays voisins. Ce mariage devait sceller une alliance entre Francs et Lom bards5 .

Un an plus tard Charles répudiait sa fem ­ me ; les contemporains sont restés très discrets, puisque le nom même de l ’épouse répudiée n ’est pas donné. Eginhard, qui venait de naître vers 770, écrit un demi-siècle plus tard, sa Vita

K a ro li ; il y déclare ignorer le m o tif de la ru p tu ­

re 6 . Dans cette conjoncture le roi était allé

(1 ) Conférence donnée, le 2 7 mai 19 83, dans une salle du Cercle des O fficiers de M etz.

(2 ) Les bâtim ents de S a in t-A rn o u l in tra m uros. affectés en 1 8 0 2 à l'École spéciale de l'artillerie et du génie, sont décrits par T h . LE P U IL L O N DE B O U L A Y E , Notice

historique de l'ancienne abbaye royale de S a in t-A rn o u ld

M e tz 1 8 5 7 , qui donne un plan de l'église dé tru ite entre temps.

L'histoire de l'abbaye ancienne, sise hors les murs, a été renouvelée par des études parues dans les publications de la Société d'histoire e t d'archéologie de la Lorraine, fondée en 1 8 8 8 ; son annuaire sera cité sous le sigle : J .G .L .G .A . (Jahrbuch der G esellschaft...) pour les an­ nées antérieures à 19 18, et sous le sigle A .S .H .A .L . (A n ­ nuaire de la S o c ié té ...), pour les volumes parus depuis cette date. Ces études sont : — G. W O L F R A M , Kritische Bem erkungen zu den U rkun den des Arnulfsklosters, J .G .L .G .A ., 1 ( 1 8 8 8 - 9 ) , p. 4 0 - 8 0 . - R.S. B O U R , Die B enediktinerabtei St. A rn u lf vor den M etzer Stadt- m auern, 19 (1 9 0 7 ), p. 1 - 1 3 6 et 2 0 (1 9 0 8 ), p. 2 0 - 1 2 0 . — E. M Ü S E B E C K , Die B enediktinerabtei St. A rn u lf vor M e tz in der ersten H alfte des M ittelalters, 19 (1 9 0 1 ), p. 1 6 - 2 4 4 .

(3 ) Lors du tran sfert l’épitaphe de Hildegarde disparut. (4 ) K l. S C H R E IN E R , «Hildegardis regina». W irk lich keit

und Legende einer karolingischen Herrscherin, A rchiv

fü r K uiturgeschichte, 57 (1 9 7 5 ), p. 1 - 7 0 . Après avoir

donné une biographie de la reine, l'au teu r étudie surtout les légendes nées autour de son souvenir à K em pten. O .E . O E X L E , Die Karolinger und die S tadt des heiligen A rn u lf, F rü m itte la lte rlic h e S tud ien , 1 (1 9 6 7 ), p. 2 5 0 - 3 6 4 ; un travail fo nd am ental, nourri d'une solide con­ naissance des sources de l'époque.

(5) Sur le rôle de Berthe, voir S. K O N E C N Y , D ie Frauen

des karolingischen Kônigshauses (Diss. W ien, N ° 1 3 2),

Wien 1 9 7 6 , p. 6 1 - 6 3 .

(6 ) V ita K aro li, § 18 : « ... incertum qua de causa.» ;é d . L.

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contre les vues de sa mère pour laquelle il avait cependant beaucoup de vénération. Cette répu­ diation f i t d ’autres mécontents. Adalard, cou­ sin du roi, avait été élevé avec Charles ; attaché jusque là à la cour, le jeune homme refuse de continuer ce service, ta n t que le prince vivrait dans cette union. A y a n t été, avec d ’autres grands personnages, garant du mariage lombard, il refusait d ’être p arjure 7 .

La réaction du jeune Adalard, peut-être très personnelle, n ’avait apparemment pas été partagée par son père, capitaine réputé, qui p rit une part active dans la conquête du royaume lombard. Toutefois, après la m o rt du père, un autre de ses fils, Wala, connut pendant plusieurs années une sévère disgrâce pour avoir été im p li­ qué, à to rt ou à raison, dans une conjuration contre le r o i8 .

A ffa ire d ’Etat, le mariage lombard avait été rom pu, sans doute, pour des raisons p o liti­ ques ; cette rupture e ntraînait un changement dans les relations extérieures de la monarchie franque ; par ailleurs elle provoquait ou avivait des oppositions parmi les grands du royaume. Le choix d ’une nouvelle reine devait en tenir compte.

Charlemagne p rit sa nouvelle épouse dans une lignée où plusieurs générations avaient mar­ qué leur attachem ent aux Mérovingiens contre les Pippinides. Un biographe de Louis le Pieux, écrivant vers 837, esquissait une généalogie de la reine, en donnant son ascendance maternelle, d ’ Imma, mère de Hildegarde, au trisaïeul, le duc G odefroy d ’A lé m a nie 9 . Si les érudits o n t discuté certaines données de cette source, il est admis que Hildegarde appartenait par sa mère à l ’une des grandes fam illes de l ’aristocratie fra n ­ que, implantée O utre-R hin pour encadrer des peuples peu dociles, comme les Bavarois et les Alamans. Au regard de cette ascendance illustre la lignée paternelle de Hildegarde paraît bien obscure ; le silence des sources n ’autorise cepen­ dant pas à n ’y vo ir q u ’une fam iile de modeste origine, d ’autant que le lignage va jouer un rôle im p o rta nt dans les décennies suivantes. Il est admis que Hildegarde était fille de Gérold, sans doute le personnage dont on fa it mémoire à la Reichenau, à la suite des comtes Nebi et Robert, parents de la re in e 10. S’il s’avérait que Gérold était apparenté au duc de Bavière Tassilon, le destin ultérieur de ce dernier pourrait expliquer le silence des sources11. Quoi q u ’il en soit, la nouvelle reine était issue de fam illes que le sou­ verain avait intérêt à s’attacher étroitem ent.

Hildegarde, reine.

Il serait vain de se demander quels senti­ ments pouvait n o u rrir ce roi, proche de la tren­ taine, pour sa jeune épouse, âgée d ’une quinzai­ ne d ’années ; les sources la parent de bien des qualités q u ’aucun témoignage ne vient contes­ ter. Il suffira de rappeler que neuf enfants de­ vaient naître de cette union.

La royauté étant encore itinérante, H ilde­ garde passa une partie de sa vie conjugale à changer de résidence. En 773 la reine rejoignait Charlemagne en Italie, alors que le roi achevait la conquête du royaume lombard ; ils se tro u ­ vaient encore à Pavie, le 16 ju ille t 7 7 4 ; sur le chemin du retour ils perdirent leur fille A délaï­ de, née en Italie. A peine revenus, les époux assistaient à la dédicace de l ’abbaye de Lorsch, le 1er septembre 774. Les années suivantes, pendant les expéditions de Lom bardie et de Sa­ xe, la reine ne semble pas avoir accompagné Charles. En revanche, quand le roi p rit la route d ’ Espagne, en 778, Hildegarde l ’accompagna jusqu’en A quitaine où elle fu t installée dans le domaine royal de Chasseneuil. Elle y m it au monde des jumeaux qui reçurent des noms mé­ rovingiens, Lothaire et Louis, un choix qui sem­ ble bien inspiré par des considérations p o liti­ ques. Louis était destiné à devenir roi d ’A q u i­ taine, ce pays que son hom onyme, Clovis, avait libéré des Wisigoths ariens.

Dans les années suivantes, la reine apparaît associée aux initiatives par lesquelles, vers 779- 781 Charlemagne entreprend une réorganisation des royaumes soumis aux Francs. Elle accom­ pagne le roi à Rome, en 780-781 - ce voyage est pour elle comme la consécration de la posi­ tion exceptionnelle que le souverain lui recon­ naît. Le Sam edi-Saint leur fils Carloman est

(7) V ita A d a lh a rd i, P .L ., 120, c. I5 I I.

(8) L. W E IN R IC H , Wala, G raf, M ônch un d Rebell. D ie B io­

graphie eines Karolingers, (H ist. Studien, 3 8 6 ), Lübeck,

Ham burg 1 9 6 3 . p. 1 4 - 1 8 .

(9) T H E G A N , V ita H lu d o w ic i, c. 2, éd. R A U , 1 9 5 5 , p. 2 1 6 . (1 0 ) Das Verbrüderungsbuch der A b te i Reichenau, éd. J. A U -

T H E N R IE T H , D. G E U E N IC H , K. S C H M ID (M .G .H . - Libri m emoriales et necrologia, nova series, I), Hannover 1 9 79, p. 115 : « ... nebi comis, roudbergus comis, kero lt ...», ; la m ention de Gérold serait précédée de celle de ses beau-père e t be au-frère . C ette parenté est évoquée par L. L E V IL L A IN , Les Nibelungen historiques et leurs alliances de fa m ille, Il ), Annales du M id i, 50 (1 9 0 8 ), p. 42. (1 1 ) Le résultat de nouvelles recherches dans H .T A N IS C H E N Die alemannischen Fürsten Nebi und B erthold und ihre Beziehungen zu den Klôstern S t. Gallen und Reichenau,

B làtter fu r deutsche Landesgeschichte, 112 (1 9 7 0 ), p.

3 0 - 4 0 . Pour l'esquisse biographique donnée ci-après l ’on suit le travail de S C H R E IN E R .

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baptisé par le pape et reçoit le nom de Pépin ; le lendemain Carloman et Louis sont sacrés rois, l ’un pour l ’ Italie, l ’autre pour l ’A qu ita in e; leur sœur Rotrude est fiancée à Constantin Porphy- rogénète. Le pape salue dorénavant en Hilde- garde sa «commère». Aucune femme de Charle­ magne ne f u t l ’o bjet de tant de distinctions. L ’attachem ent du roi à son épouse se ma­ nifesta également par des a ttrib u tio n s de biens fonciers qui semblent avoir dépassé en im por­ tance la coutum ière co n stitu tio n de douaire. La reine intervient avec Charlemagne dans certai­ nes donations, sans que l’on puisse toujours dis­ cerner à quel titre ju rid iq u e elle y est associée. Il s’agit s u rto u t de parties du fisc royal lombard d o n t Charlemagne avait disposé après la conquê­ te. Les bénéficiaires de ces donations fu re n t d ’abord les églises des saints patrons de la d y ­ nastie mérovingienne. En 774 S aint-M artin de Tours recevait l ’île de Sermione, sise dans le lac de Garde, et une partie du Val Camonica. L ’an­ née suivante, l ’abbaye Saint-Denis observait co n firm a tion de l ’im m unité et de l ’exem ption de péage pour ses domaines nouveaux de Valte- line ; à cette occasion la reine n ’est pas m ention­ née, mais elle d u t y avoir p a rt; le pape en e ffe t conférait un privilège d ’exem ption aux églises de la V alteline, données à Saint-Denis par Char­ lemagne et Hildegarde ; la reine aurait été asso­ ciée également à la co n firm a tion des dons faits à l ’abbaye S aint-A ndré du M ont Soracte. Il res­ ta it à la reine des biens personnels en Ita lie ; ils devaient faire l ’objet d ’un inventaire plus tard.

La coutum e c o n fia it à la reine le contrôle de la camera royale et du p ro d u it des dom ai­ nes; la m ention de son nom dans certains d ip lô ­ mes laisse supposer q u ’elle s’occupait active­ ment de ces tâches. Ces occupations et les nom ­ breuses maternités ne l ’empêchaient pas de n o u rrir l ’esprit. L ’évangéliaire que le clerc lié­ geois Godescalc transcrivit et enlumina pour elle en est un témoignage 12.

Ces données, pour rares q u ’elles soient, semblent dessiner une physionomie attachante qui, malgré le jeune âge, s’a ffirm a it avec a u to ri­ té. Dans l ’éloge que Paul Diacre fera de la sou­ veraine, il est des passages, qui, au m ilieu des figures poétiques, sonnent vrais :

Tu mitis, sapiens, sollers, iocunda fuisti.

Douce, sage, adroite et joyeuse, la jeune reine était aimée du roi ; elle en im posait aux person­ nages de la cour que sa m o rt devait émouvoir jusqu’aux larmes :

M ovisti ad fletus et fo rtia corda virorum E t iacrimae clipeos inter et arma ca d u n t12

Hildegarde avait passé l ’hiver 7 8 2 -7 8 3 au palais de T hionville ; elle y avait accouché d ’une fille ; elle décédait peu après, le 30 avril 783. Le lendemain sa dépouille f u t transportée par ba­ teau à Metz pour être inhumée «dans l ’oratoire du bienheureux A rnoul, parce que les rois, des­ cendant de Saint A rnoul, y déposèrent les corps des êtres qui leur étaient chers» 14.

Le choix de cette sépulture n ’é tait donc pas dicté uniquem ent par la p ro xim ité de la ci­ té ; il devait marquer l ’attachem ent de la dynas­ tie au saint.

M E TZ ET LA T R A D IT IO N A R N U L F IE N N E

Cité romane, sise aux confins des pays ger­ maniques, Metz représentait un relais pour la d iffu sio n de réformes qui devaient s’ancrer dans la tra d itio n et s’o uvrir sur des réalités nouvelles.

Une double em preinte romaine.

Parmi les cités de la Belgique Première et des Germanies, Metz, dans sa topographie, son peuplement et sa langue tém oignait d ’une con­ tin u ité plus marquée des tra dition s antiques. A l ’empreinte de la Rome impériale se superpo­ sait celle de la Rome pontificale.

De la Rome impériale, la cité gardait l ’es­ sentiel de la topographie que lui avait donnée la reconstruction nécessaire après les épreuves du llle siècle. La cité restait ceinte des murailles, tracées vraisemblablement sous Dioclétien et C onstantin. Le réseau de ses rues correspondait encore au quadrillage antique, avec le decuma-

nus m aior, toujours suivi de la Porte m éridio­

nale au H a ut-de-S ainte-C roix. Dans cet espace subsistaient des vestiges de monuments a n ti­ ques. Deux basiliques du IVe siècle étaient en­ core debout, l ’une aux lisières Sud-O ccidenta­ les de la cité (S aint-Pierre-aux-N onnains), l ’au­ tre au voisinage de la cathédrale ; celle-ci avait peut-être fa it partie du palais royal m érovin­ gien, avant de passer à l’évêque. Entre ces deux monuments, un édifice im p o rta n t p o rta it le nom de Rom anorum A u/a ou Sa/a, la Rome-

salle du X IIle siècle. Ce bâtim ent aurait été

donné par les Pippinides à l ’église où reposait

(1 2 ) V o ir la com m unication de J. V E Z IN ci-dessous. (1 3 ) M .G .H . - Poetae la tin ia e v i ka ro lin i, I, p. 58 - 59. (1 4 ) Paul D IA C R E , L ib e r de episcopis m ettensibus, éd.

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leur ancêtre 15.

D ’autres contructions antiques étaient vi­ sibles sur la colline qui avait abrité les habitats les plus anciens. D ’imposants vestiges (l’actuel Musée) faisaient travailler l ’imagination. Au voisinage des restes d ’un temple antique, une église p o rta it un nom significatif, Sainte-C roix- aux-Colonnes. Hors les murs, au m idi, les vesti­ ges d ’un amphithéâtre servaient de cadre à des récits légendaires auxquels l ’archéologie devait reconnaître plus tard quelque fondem ent histo­ rique, puisqu’on y découvrit les plus anciennes trace de culte chrétien. Plus loin, dans la cam­ pagne, se dressaient les arches d ’un aqueduc d o n t Sigebert de Gem bloux célébrera la beauté impressionnante.

Sans doute, Trêves avait gardé des monu­ ments antiques plus prestigieux ; mais les siècles avaient mis la cité à de rudes épreuves. La su­ perficie habitée avait été considérablement ré­ duite ; l ’urbanisme antique était bouleversé par un réseau nouveau, superposé à la voirie romai­ ne. L ’élément franc re fou la it les Gallo-Rom ains vers les massifs boisés de l ’Ardenne. Metz, en revanche, avait conservé son enceinte du Bas- Empire ; les invasions y avaient fa it moins de dégâts ; sa population restait plus homogène dans sa com position comme dans sa langue. Cette persistance de la tra d itio n antique s’ac­ compagnait cependant d ’une nécessaire ouver­ ture sur les populations franques, installée dans la partie orientale du diocèse.

Au plan religieux, une liste épiscopale sans lacune tém oignait, d ’une continuité dans l ’œu­ vre d ’évangélisation qui semble avoir fa it défaut dans nombre de diocèses de la Gaule du Nord et du N ord-E st. Au milieu du V ille siècle le te rrito ire urbain et suburbain apparaissait qua­ d rillé par un réseau d ’églises et d ’oratoires, ex­ ceptionnellem ent dense. En dehors de la cathé­ drale, 33 sanctuaires s’échelonnaient le long des principales artères, plus nombreux cependant au Sud de la ville où se trouvaient les plus an­ ciens lieux de culte. Les patronages de ces égli­ ses révèlent des relations plus étroites avec la Gaule du m idi et la Bourgogne, q u ’avec la Gau­ le du Nord. Celle-ci n ’est représentée que par Saint Médard, alors que manquent Denis, Rémi, Éloi. En revanche M artin et Hilaire sont titu la i­ res de deux églises chacun ; Sulpice, Privât, Amand et Ségolène tém oignent de rapports avec l ’A quitaine don t deux évêques, au moins, auraient été originaires selon la tra d itio n , A del­ phe et Sigebaud 16.

Aussi l ’évidente décadence de l ’église fra n ­ que é tait-elle moins sensible à Metz. Alors que Saint Boniface vitupère l ’évêque de Trêves,

Mi-Ion 17, et ses semblables, Sigebaud, leur contem ­ porain veille sur les intérêts de l ’église de Metz, restaure des lieux de culte et fonde de nouvel­ les abbayes. L ’action réform atrice de Saint Pir- min est signalée à M armoutiers, N euw iller et Hornbach ; or la première de ces abbayes dé­ pend de l’évêque de Metz, la seconde est une de ses fondations, la troisième est dans son diocè­ se. C’est dire que Pirmin et Sigebaud agissaient en accord. L ’évêque de Metz créa ou restaura la Nova Cella (Hilariacum ) qui p rit plus tard le nom de S aint-N abor (S a in t-A void) ; Sigebaud y sera inhumé vers 744 18.

En Austrasie, où les Pippinides trouvaient leur principal appui, Metz présentait les condi­ tions les plus favorables à l ’entreprise que la nouvelle dynastie entendait mener, d ’accord avec la Papauté, la réforme de l ’église franque. Chrodegang, évêque de Metz depuis 747, en fu t chargé après la m o rt de Saint Boniface, en 754. En fon d an t Gorze, modèle d ’abbaye bénédicti­ ne et pépinière d ’autres communautés, en don­ nant aux clercs de sa cathédrale une règle bien­ tô t imposée à to u t l ’O ccident chrétien, en adop­ tant, pour les diffuser, le chant et la liturgie de l ’église romaine, Chrodegang faisait de son église un fo ye r rayonnant de rénovation religieuse 19.

Son successeur Angelram (7 6 8 -7 9 1 ) fu t comme lui honoré de la dignité d ’archevêque et à ce titre , responsable de la réforme ; la charge

(1 5 ) Un état des connaissances sur M etz an tique est donné dans l'ouvrage Les villes antiques de la France. Belgique

I — Am iens, Beauvais, Gand, M e tz , publié sous la dir. de

Éd. F R E Z O U L S , Strasbourg 1 9 8 2 — La christianisation du pays est l'o b jet du livre de N . G A U T H IE R , L'évangé-

lisation des pays de ta Moselle. La province rom aine de 1ère Belgique entre A n tiq u ité e t M o yen A ge, Paris 19 80.

Pour Romesalle, cf. R. J O L IN , Les vestiges romains en­ tre la rue des Clers et N exiru e à M e tz, A .S .H .A .L ., 77 (1 9 7 7 ), p. 1 7 - 2 6 , avec pl. L'é d ifice est m entionné dans la charte, donnée par Hugues, p e tit-fils de Pépin II, en 7 1 5 à l'église des S ain ts-A p ôtres ; selon G. W O L F R A M ,

art. cit. p. 4 9 , il s'agirait d'une in terp o latio n , mais an­

cienne puisqu'elle figure dans une copie du X e siècle. (1 6 ) Liste stationnale dans le ms. Paris, B .N ., latin 2 6 8 , f ° 153 - éditée et com m entée par Th . K L A U S E R , R.S. B O U R , N ote sur l'ancienne liturgie de M etz (T h. K L A U ­ S E R et sur les églises antérieures à l'an m il (R.S. B O U R ), A .S .H .A .L ., 28 (1 9 2 9 ), p. 4 9 7 - 6 4 1 . Pour la date. Th . K L A U S E R . Eine Stationsliste der M e tzer Kirche aus dem 8. Jahrhundert, wahrscheinlich ein W erk Cgrode- gangs, Ephemerides iiturgicae, 4 4 (1 9 3 0 ), p. 162 - 1 9 5 , et les remarques de M . A N D R IE U , dans Revue de Scien­

ces religieuses, 1 9 3 0 , p. 5 4 1 .

(1 7 ) E. E W IG , M ilo e t eiusdem similes, réim p. dans Spàtan-

tikes u n d frànkisches G allien, II, p. 189 - 21 9.

(1 8 ) L ib e r de episcopis..., éd. c it., p. 2 6 7 — Sur l'action de

Pirm in, F. P R IN Z , Frühes M ô n ch tu m im F ran ken re ich , München, W ien, 1 9 6 5 , p. 2 1 7 - 2 2 .

(1 9 ) V o ir les com m unications réunies dans S ain t Chrodegang, M e tz 1 9 6 7 - e t J. S E M M L E R , Chrodegang von M etz, dans D ie R eichsabtei Lorsch. Festschrift, Lorsch, 1966.

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d ’archichapelain qui lui échut après la m ort de Fulrad, abbé de Saint-Denis, renforçait encore sa position. Il avait été tém oin du destin royal de Hildegarde dont la dépouille m ortelle fu t amenée de Thionville à Metz, le 1er mai 783. Ce fu t l ’occasion de ranimer le souvenir de l ’an­ cêtre de la dynastie nouvelle, saint A rn ou l, au­ près duquel la reine était inhumée.

Saint A rn o u l dans la mémoire de ses descendants

Chroniques, lettres et Vies de saints trans­ m ettaient les gestes mémorables du personnage don t le fils Anségise, en épousant la fille de Pé­ pin 1er, avait fondé la fam ille de laquelle étaient issus les Carolingiens. A rn ou l, homme in flu e n t à la cour d ’Austrasie, puis évêque de Metz (614- 629), enfin moine à Rem irem ont d ’où sa dé­ pouille m ortelle avait été ramenée à Metz, vers 6 4 0 -6 4 3 par son fils C lodulfe, pour être ense­ velie dans l ’église des Saints-Apôtres, hors de la porte méridionale de la cité.

Quand une dizaine d ’années plus tard, D i­ dier, évêque de Cahors, propose à Clodulfe d ’im ite r les vertus de son père, sa lettre ne sem­ ble pas user, pour parler de ce dernier, d ’un vo­ cabulaire hagiographique20. A quelques années de là, en revanche, le continuateur de Frégédai- re emploie le superlatif pour magnifier le renom de sainteté du personnage. La V ita A rn u lfi, at­ tribuée à un contemporain, célèbre les mérites et les miracles de l ’évêque et du moine. Est-ce simple coïncidence, si ces premiers indices d ’une vénération manifestée envers A rn ou l, ap­ paraissent dans la génération qui a vu la premiè­ re tentative, faite pour substituer un A rn ulfien au Mérovingien sur le trône des Francs ?21.

Après l ’échec de cette tentative, la fam ille connaît une éclipse d ’une vingtaine d ’années. Mais au lendemain de la victoire de T e rtry qui, en 687, assurait le pouvoir à Pépin, la première donation connue du maire du palais est faite, en 691, à la basilique des Saints Apôtres de Metz, «où», d it le texte, «notre seigneur et aïeul A rnoul repose corporellem ent»22.

Drogon ayant précédé son père, Pépin II, dans la tombe, fu t enseveli dans cette même église ; à cette occasion, celle-ci reçut le dom ai­ ne de V igy des mains de ses enfants d o n t l ’un p o rta it le nom d ’A rn ou l. Ce dernier figure avec son grand-père Pépin parmi les bienfaiteurs de l ’abbaye d ’ Echternach. Or le calendrier, établi pour ce monastère avant 727, p o rta it la fête de saint A rnoul au 21 août ; c ’est le témoignage liturgique le plus ancien d ’un culte rendu à l ’ancien évêque de M e tz 23. Au plus fo r t de ses

démêlés avec Charles Martel le roi Chilpéric II donnait à l’église des Saints-Apôtres le dom ai­ ne de Mars (-la -T o u r) ; il entendait peut-être manifester son soutien à la lignée de Drogon que le bâtard Charles Martel écartait du pou­ voir. Metz semble avoir été un p oint d ’appui pour les fils de D ro g o n 24, et peut-être même pour le roi.

Pendant plus d ’un demi-siècle, les A rnul- fiens ne fo n t aucun geste en faveur de l ’église où repose leur ancêtre. L ’attention et les géné­ rosités vo n t aux fondations de la fam ille, com­ me Echternach, mais aussi à Saint-Denis et b ie ntô t à S aint-M artin de Tours où reposent les saints protecteurs de la dynastie m érovin­ gienne. Pépin le Bref sera inhumé à Saint-Denis où la dépouille de la reine Berthe rejoindra la sienne ; Charlemagne lui-m êm e avait d ’abord choisi sa sépulture dans cette église. A u to u r des maires du palais le souvenir d ’A rnoul n ’est ce­ pendant pas effacé ; le continuateur de Frégé- daire, qui écrit vers 736, est peut-être le pre­ mier à m entionner la basilique S aint-A rnoul de Metz. C’est un moine de l ’abbaye de Saint- Amand qui suggère au jeune Jérôme, fils de Charles M artel, de recopier de ses mains la vie

(2 0 ) Desiderii e p is t., I, 8 — éd. M .G .H ., Epistolae m erow ingici e t k a ro lin ia e v i, I (E pistolae, I I I ) , p. 197 -1 9 8 ; et Corpus C hristiano ru m . Series latina, c X V I I , p. 31 7 -3 1 8 .

(2 1 ) Mise au p o in t sur l'entreprise de G rim oald par E. E W IG , Noch einm al zum Staatsstreich G rim oalds, réim p. dans

Spàtantikes un d frànkisches Galliert, 1 ,1976, p. 5 7 3 -5 7 7 .

(2 2 ) Sur le chartrier de l'abbaye S a in t-A rn o u l, voir M . PA- RIS SE ci-dessous. Pour notre propos, il suffira de souli­ gner qu'aucun docum ent original, antérieur à 8 4 0 n'est conservé dans les archives ; les diplôm es de Lothaire 1er (8 4 0 ) et de Charles le Chauve (8 4 1 ), reconnus sincères, posent cependant des problèmes de diplom atique. La plus ancienne charte privée conservée en original est la do nation fa ite à S a in t-A rn o u l par Anselme, en 8 4 8 ; p u ­ bliée en fac-sim ilé par C H A M P O L L IO N - F IG E A C ,

Chartes latines, françaises..., 4e e t 5e fasc., Paris 18 41,

pl. V I I , n ° 11 - e t éditée deux fois la même année : A. T A R D IF , U ne m in u te de no taire en notes tironiennes,

d'après la lecture donnée en 1 8 4 9 p a r Jules Ta rd if, Paris

1 8 8 8 , 15 p. ; J. H A V E T , Une charte de M etz accom pa­ gnée de notes tironiennes (27 décem bre 8 4 8 ), B ib lio th è­

que de l'é c o le des Chartes, 4 9 (1 8 8 8 ), p. 9 5 - 1 0 1 . Pour

l'étude du patronage de l'église des Saints-A pôtres, il n'est tenu co m pte que des docum ents indiscutablem ent sincères.

(2 3 ) Paris, 3 .N ., latin 10 8 3 7 , f ° 2 3 v ° . En fin de ia notice de ce jo u r : « ... et beati A rn u lfi» , le term e de «beatus», très rare dans ce calendrier ap paraît aussi dans la m ention de Saint Lupicin, évêque de Lyon ( f ° 5 v ° ) . Le vocabulaire et la position en fin de notice perm et de supposer q u ’il s'agit d'addition s ; com m e ces passages sont de la prem iè­ re m ain, ils o n t été soit recopiés sur le manuscrit m odè­ le, soit ajoutés sur place. L'éd. de H .A . W IL S O N , The

Calendar o f St. W iHibrord, London 1 9 18, n'a pu être

consultée.

(2 4 ) E. E W IG , Descriptio Franciae, in K a rl der Grosse, I, 1 9 6 5 , p. 15 7 , et O .G . O E X L E , op. c it., p. 2 7 3 .

(7)

de S aint-A rnoul 25. A une date que l ’on ne peut préciser deux filles de Pépin 111 seront inhumées à Metz, mais elles ne semblent pas figurer dans l ’obituaire de S aint-A rnoul 26. Ni Sigebaud ni Chrodegang qui se succédèrent sur le siège de Metz ne sollicitèrent les A rnulfiens en faveur de l ’église sépulcrale de leur ancêtre; d ’ailleurs la liste stationnale des églises messines, établie vers 7 5 5 -7 6 0 la désigne encore sous le nom traditionnel «ad sanctos apostolos», Les Versus

de episcopis mettensibus composés vers 776

m entionnent saint A rnoul mais sans allusion à la dynastie 27.

A cette date le siège épiscopal de Metz est occupé par Angelgram qui ne semble pas avoir montré d ’abord grand intérêt pour le culte de Saint A rnoul ; le calendrier qui fu t rédigé après 765 pour l ’abbaye de S aint-A vold à laquelle l ’évêque était très attaché, ne p o rta it pas, en sa première rédaction la fête du saint, mais bien celle de P irm in 28. Angelgram cependant se tro u va it associé à la résurgence de saint A rnoul d o n t la sépulture de Hildegarde fu t sans doute l ’occasion. L ’in itia tive en revient probablement à Charlemagne; le choix de l ’oratoire des Saints- Apôtres pour le tombeau de la reine et de deux de ses filles avait dû faire par accord entre le roi et l ’évêque. D ’ailleurs le souverain ne cachait pas son dessein de faire magnifier son ancêtre. Quand Angelram demanda à Paul Diacre de composer le L ib er de episcopis mettensibus, le clerc lombard en référa au roi. Charles lui fo u r­ n it des détails sur la vie d ’A rnoul qui, sous la plume de Paul Diacre, devint une apologie de la dynastie. La bénédiction du saint, é c rit-il, a valu à la lignée «de produire des hommes forts et courageux, si bien q u ’à juste titre la royauté des Francs leur fu t transférée» 29. Le saint était également invoqué dans les épitaphes, com po­ sées à la demande du roi. Celle de Rothaïde, fille de Pépin le Bref, donne un raccourci généa­ logique, rem ontant à Anségise, devenu Anchise, et à saint A rnoul. Sur la tombe d ’Adelaïde, au­ tre fille de Pépin, il est rappelé que A rnoul, avant d ’assumer la charge pastorale, «avait été le père d ’un lignage légitime ; confiante dans le patronage de l ’aïeul, sa descendance souhaitait déposer ce corps en un lieu saint». Hildegarde est célébrée en un long poème qui se termine par une prière à saint A rn ou l. Trente ans après l ’élévation de Pépin, la dynastie nouvelle se souciait encore de légitim er son geste30. Plus sobrement que l ’épitaphe, le nécrologue de l ’abbaye S aint-A rn o ul rappelait au 30 avril, que la reine Hildegarde avait donné à ce monas­ tère C hem inot et to u t ce qui en dépendait31. Les clercs de S aint-A rn o ul pouvaient nour­ rir l ’espoir de vo ir leur église devenir la nécro­

pole des Carolingiens, le sanctuaire dynastique, mémorial de la geste fam iliale. C’est du moins le sentiment que leur prêteront certains de leurs successeurs.

La tra d itio n connaît alors une nouvelle éclipse. Sans doute saint A rnoul n ’est pas ou­ blié à la cour. Peu après 800 une généalogie du «très glorieux empereur Charles» remonte bien la lignée jusqu’à saint A rnoul ; un ouvrage de com put, composé à la cour vers 809, com porte un calendrier où saint A rnoul est l ’un des rares saints gaulois mentionné, avec Denis, M artin, Léger32. Mais d ’autres sources semblent négli­ ger son souvenir au bénéfice de la lignée pippi- nide. Les Annales mettenses priores célèbrent, vers 800, A rnoul comme patron particulier des Francs, mais sans préciser sa parenté avec Ansé­ gise ; d ’autres indices vont dans le même sens33. Aussi est-il moins surprenant de constater q u ’ aucun docum ent des années 7 8 4 -8 4 0 n ’est conservé dans les archives du monastère de S aint-A rn o ul. Or Drogon, fils de Charlemagne, est évêque de Metz depuis 823 ; dès avant 840 il assume l ’abbatiat du monastère de S a in t-A r­ noul. Louis le Pieux don t le prélat est le fidèle

(2 5 ) Les vers rappelant le travail du garçon, âgé de 9 ans, sont édités par B. K R U S C H , V ita A rn u lfi, M .G .H .-S S , rer. M e r., I l , p. 4 2 9 .

(2 6 ) L 'o b itu aire original, établi d ’après un docum ent plus an­ cien, au X ile siècle probablem ent (B .M . M e tz, ms 196) a disparu en 1 9 4 4 ; une copie de la main de R.S. B O U R , aux A rch. dép. de la Moselle, 19 J 3 4 4 .

(2 7 ) M .G .H . - Poetae la tin i aevi caro lini, I, p. 61 : «Splenduit A rn ulfus dehinc am pla luce beatus» ; seul qu alifié de «beatus» avec le patron de la cathédrale, S ain t Étienne. (2 8 ) Berne, B urgerbibliothek, ms. 2 8 9 , f ° 112 v ° ; l’addition

a été fa ite au X V I I I des kl. de sept. Certains éditeurs du te x te l'o n t liée à la ligne ajoutée dans la colonne voisine p o ur noter l'octave de Saint Laurent, au X V I I des kl. De là diverses dates attribuées à la m ention de S aint A rn ou l. C f. J.B. P E L T , Études sur la cathédrale de M etz. La litu r ­

gie, I, M etz 1 9 3 7 , p. 45 .

(2 9 ) L ib e r de episcopis, éd. c it., p. 2 6 5 .

(3 0 ) Poetae la t in i..., I , p. 57 - 5 8.

(3 1 ) L 'o bituaire cite, au 3 0 avril : «Hyldegardis regina que d é d it Cham inet et qu icq uid ibi aspicitur». En fa it le d i­ plôm e de Hildegarde est un fa u x, étudié e t édité par G. W O L F R A M , art. c it., p. 4 4 - 4 6 , 50 - 5 3 , e t par les M .G .H .

D ip lo m a ta K a ro lin o ru m , I, p. 481 - 4 8 2 . Ce dernier re­

cueil éd ite, p. 2 0 2 - 2 0 4 un diplôm e de Charlemagne, du 1er mai 7 8 3 , d o nn ant C hem in ot à cette église ; cet acte in terpo lé repose vraisem blablem ent sur un acte sincère. E. M O R H A IN , Découvertes archéologiques dans l'église de C hem in ot, A .S .H .A .L ., 5 3 (1 9 5 3 ), p. 87 - 1 0 1 , étab lit un rapp ort en tre cette do nation e t une sculpture d 'é p o ­ que carolingienne.

(3 2 ) Après W. N E U S S , L. B O S C H E N , D ie Annales Prumien-

ses, Düsseldorf, 1 9 7 2 , étudie le ms. 3 3 0 7 de la Bibliote-

ca Nacional de M adrid, volum e qui est passé par M etz avant d 'a b o u tir à Prüm. Le calendrier donné dans ce m a­ nuscrit e t celui du m odèle, restitué par l'au teu r de ce li­ vre, figure p. 4 6 - 4 7 (mois d 'a o û t).

(8)

défenseur, ne marque aucun intérêt pour l ’égli­ se où repose sa m ère34. L ’empereur y recevra cependant la sépulture, grâce à son dem i-frère Drogon qui sera lui-m êm e le dernier C arolin­ gien, inhumé aux côtés du saint ancêtre.

A lors que l ’empire se disloque sous le coup de luttes fratricides, la lignée manifeste plus de ferveur que jamais pour le culte de saint A rnoul. Grâce au sacramentaire de Drogon le culte du saint est assuré dans le cycle liturgique du d io ­ cèse ; il entre dans le calendrier de bien d ’autres églises35. Son sanctuaire devient, en quelque sorte, un enjeu dans les luttes dynastiques et sa possession paraît légitim er la mainmise d ’un prince sur Metz et la Francia media. L ’abbaye reçoit des donations ; certains rois y séjournent. Charles le Chauve en confie l ’abbatiat à son fils Carloman. Charles le Simple est le dernier Caro­ lingien qui a it daté un diplôm e du monastère de S aint-A rn o ul 36.

L ’héritage de Charlemagne se morcelle dé­ fin itive m e n t ; Metz va échapper à la dynastie. Célébré vers 800 comme «le patron particulier des Francs», saint A rnoul verra le rayonnement de son culte se réduire à une aire plus modeste.

Souvenir e t cuite de saint A rn o u l à Metz

Promu par certaines génération de la d y ­ nastie carolingienne, le culte du saint aurait pu trouver dans une fo rte tra d itio n locale un relais pour les interm ittences de la ferveur fam iliale. L ’examen de ce problème co nd u it à se poser plusieurs questions.

Peut-on vraim ent parler d ’un profond en­ racinement des A rnulfiens dans les pays de la haute Moselle et de la haute Meuse ? Le centre de gravité de leur puissance se situait évidem­ ment dans les diocèses de Trêves et de Liège. L ’onomastique de la fam ille, les diplômes et les chroniques m ettent l’accent sur la lignée et la tra d itio n pippinides. C ’est une légende tardive qui fa it de Lay-Saint-C hristophe le berceau de la fa m ille 37. D ’ailleurs le monastère de Saint- A rnoul n ’é tait pas une abbaye fam iliale comme Nivelles, Echternach ou Prüm ; il ne deviendra jamais abbaye royale, ce qui fu t le cas de Lorsch après la m o rt de Chrodegang.

La tra d itio n canonique de l ’église de Metz peut fo u rn ir au moins un élément d ’explication. Les évêques, et Chrodegang en particulier, te­ naient à garder sous leur autorité directe les communautés établies dans le diocèse- le statut donné par Chrodegang à Gorze en est une preu­ ve. L ’oratoire des Saints-Apôtres com ptait en 775 parmi «les autres églises construites sous les murs de la cité», comprises dans le privilège

d ’im m unité, donné par Charlemagne à la prière de l ’évêque Angelram 38. Ce prélat, comme son prédécesseur, occupait une place de premier plan dans l ’église franque ; son évêché, doté de domaines importants, avait dans sa dépendance de nom breux monastères, jusque dans les d io ­ cèses voisins et même en Bavière. Avec d ’autres considérations, cette forte position des prélats messins a pu déterminer Charlemagne à laisser le siège vacant pendant 24 ans après la m ort d ’A ngelram 39 ; le fisc et les vassaux du prince en o n t probablem ent bénéficié. Pendant ce temps le souvenir du saint subissait une éclipse.

Le culte de saint A rnoul à Metz n ’a pas encore fa it l ’objet d ’une recherche d ’ensemble; celle-ci ne peut être entreprise ici, la compéten­ ce et la docum entation nécessaires faisant dé­ faut. Il sera peut-être permis au profane de re­ lever certains traits, glanés dans des études ha­ giographiques. La date et l ’interprétation des fêtes de saint A rnoul paraissent avoir fa it pro­ blème. En effet, si la com m ém oration la plus anciennement notée se situe bien au mois d ’août, la date précise en varie entre le 16 et le 21 de ce m o is 40. Une seconde fête se place au 18 ju ille t, date qui selon certains manuscrits de la Vita

A r n u lfi, serait celle de la m o rt du saint. Héric

d ’Auxerre qui au milieu du IXe siècle avait d ’abord porté les deux fêtes dans son calendrier,

(3 4 ) La donation de R em iliy, fa ite par Lothaire 1er en 8 4 0 , est attribuée à Louis le Pieux par la fausse bulle de Léon IX (G. W O L F R A M , art. c it., p. 7 0 - 7 2 ), par une seconde épitaphe, datable du X 11le siècle {ibid., p. 6 0 - 6 1 ) et par l'ob itu aire, au X II des kl. de ju ille t. W O L F R A M dém o n­ tre que ce diplôm e n'a pas existé.

(3 5 ) Le sacramentaire (Paris, B .N ., latin 9 4 2 8 ), donne, f ° 91 r ° — 9 2 r ° , une messe en l'ho nn eur de Saint Arnoul ; les textes en sont em pruntés à un o ffice milanais de Saint Am broise. Éd. de cette messe par H. N E T Z E R , In tr o ­

du ction de la messe rom aine en France sous les Carolin­ giens, Paris 1 9 1 0 , p. 2 8 0 - 2 8 1 , et par J.B. P E L T , L itu r ­ gie, p. 8 7 - 8 8 . Pour les notices des calendriers, voir notes

4 0 - 4 1 ci-dessous.

(3 6 ) V o ir les remarques faites par Th . S C H IE F F E R , M .G .H . -

D ie U rkunden der Karolinger, I I I , D ie U rkunden Lothars I. u n d Lothars I I . , Berlin, Zu rich 1 9 6 6 , p. 1 3 7 - 1 3 8 , à

propos du diplôm e de Lothaire 1er pour Saint A rnoul.

Recueil des actes de Charles I I I le S im ple, éd. Ph. L A U -

E R , Paris 1 9 4 0 , n ° L X X I I I et L X X X I , actes de 9 1 3 et 9 1 5 , donnés «m onasterio sancti A rn u lfi» .

(3 7 ) G. W O L F R A M , art. c it., p. 6 2 - 6 9 , étudie une charte de la comtesse Eve, datée de 9 5 0 , mais fabriquée vers 1 0 7 3 ; on y trouve la prem ière m ention de Lay comm e berceau de Saint A rn ou l.

(3 8 ) R. K A IS E R , Karls des Grossen Im m unitâtsprivilegien fü r T rier (7 7 2 ) und M etz (7 7 5 ), Jahrbuch fu r

westdeuts-che Landesgeschichte, 2 (1 9 7 6 ), p. 1 -2 2 .

(3 9 ) O .E . O E X L E , op. c it., p. 311 - 3 2 8 , étudie les problèmes canoniques posés par le cum ul de fonctions par Angelram . (4 0 ) V o ir n. 23 et 28, ci-dessus. Pour R em irem ont, cf. H. Q U E N T IN , Les m artyrologes historiques du M oyen Age, Paris 1 9 1 0 , p. 2 4 2 .

(9)

b iffe celle du mois d ’a o û t; en revanche, on l’a­ joute à un calendrier trévirois composé autour de l ’an 900 41. Le sacramentaire de Drogon fixa l ’usage messin, en fêtant saint A rnoul le 16 août. Cette date est retenue par le calendrier, figurant dans le cérémonial de la cathédrale, un manus­ c rit du X 11 le siècle qui reprend et complète un texte du X I le. Alors que le calendrier n ’en men­ tionne q u ’une, le cérémonial solennise bien les deux fêtes, au 18 ju ille t et au 16 août, la pre­ mière étant celle de la translation des restes du saint à Metz. Toutefois, il fa u t noter qu’à Remi- rem ont où le saint est décédé, la translation est célébrée le 16 août, comme le suggère la Vita

A r n u lf i42. Sans parler du problème que pose

l ’insertion, dans certains calendriers, au 18 ju il­ let d ’un autre saint A rnoul évêque et m a rty r43. Ces indications suggèrent que la tra dition du culte arnulfien s’est fixée difficilem ent.

L'abbaye de S a in t-A rn o u l e t le souvenir de son patro n

L ’église où reposait le corps du saint pou­ vait devenir le centre rayonnant de son culte. Ne voulant faire ici une étude d ’ensemble sur cette question, on rappellera que les archives du monastère, et notam m ent les faux, scandent le rythm e du culte arnulfien. De Drogon à Char­ les le Simple, les descendants de Charlemagne avaient marqué, de façon ou d ’autre, leur inté­ rêt pour cette maison. Les souverains de la d y ­ nastie saxonne, maîtres de la Lotharingie depuis 925, n ’avaient pas les mêmes raisons de vénérer le saint. Du moins O tton 1er fa vo risa -t-il l ’in­ tro d u ctio n à S aint-A rn o ul de la réforme gor- zienne par l ’évêque Adalbéron 1er, un descen­ dant de saint A rn ou l. Il fallu attendre cependant la première m oitié du siècle suivant pour voir paraître des signes marquants d ’un renouveau du culte de ce saint. L ’incita tion en vin t peut- être de Guillaume de V olpiano qui tenait l ’ab­ baye autour de l ’an 1 0 0 0 44. Son deuxième successeur, Warin, f i t consacrer une nouvelle église par Léon IX en 1049.

Mais le souvenir d ’A rnoul, mêlé aux grands événements de son temps et dûm ent documen­ té par des sources authentiques, n ’a pas suscité à Metz ni dans le diocèse de ferveur compara­ ble à celle que l ’on vouait à saint Clément, pre­ mier évêque de la cité. Pour celui-ci la légende avait dû suppléer au silence des sources. La ri­ valité entre l ’abbaye S aint-A rnoul et le monas­ tère voisin de Saint-Clém ent, sensible dès le Xe siècle, exaspéra au cours du Xle. Le culte de saint Clément p rit un nouvel essor, quand l’évê­ que Herman procéda, le 2 mai 1090, à une

translation de ses reliques ; une seconde fête du saint apparut au calendrier, la Saint-Clém ent de mai, bie ntô t marquée par une foire qui, sous un autre nom, se tie n t encore a ujour’dhui. Il n ’est donc pas étonnant que 12 églises du dio­ cèse aient été placées sous le patronage de ce saint, alors que 2 seulement avaient saint A r­ noul comme p a tro n 45. A la cathédrale, du moins au début du X Ile siècle, la liturgie de la fête de saint A rnoul ne co m p orta it pas le chant d ’une séquence, alors que le cérémonial en

men-(4 1 ) B. de G A IF F IE R , Le calendrier d ’ H éric d 'A u xerre du m anuscrit de M elk 4 1 2 , A nalecta B ollaridiana, 77 (1 9 5 9 ) p. 4 1 7 et n. 18, au sujet du 18 ju ille t, e t p. 4 2 0 , m ention du 16 ao ût, biffée. J. D U B O IS , Le m artyrologe m étrique de W andalbert, Anal. B o ll., 79 (1 9 6 1 ), note, p. 2 6 3 et 2 8 1 , que W andalbert adopte la date du 16 ao ût, contrai­ rem ent à Florus de Lyon (1 8 ju ille t), seul changement accepté par Usuard. M arty ro lo g iu m H ieron ym ianu m e codice Treverensi, A nal. B o ll., 2 (1 9 8 3 ), m entionne d'abord Saint A rn o u l, au 18 ju ille t (p. 2 4 ), puis en ad di­ tio n , au 16 août (p. 2 5 ). M . C O E N S , Coloniensia. I. Un m artyrologe de S ain te-M arie-a u x-D e g rés, A nal. B oll., 8 0 (1 9 6 2 ), p. 1 4 3 - 1 5 4 , note au 18 ju ille t «Translatio S. A rn u lfi Metensis episcopi» ; il y aurait lieu de citer encore A don et Raban M aur. V o ir le com m entaire d o n ­ né dans les A c ta Sanctorum , J u lii I V , p. 4 2 3 - 4 2 5 . (4 2 ) Éd. c it., p. 44 1 .

(4 3 ) A c ta Sanctorum , Ju lii, T . IV , p. 3 9 6 - 4 1 7 . Le ms. Paris, B .N ., latin 10 8 5 1 , f ° 1 - 5 1 v ° , donne une Vita vet Pas-

sio sancti A rn u lfi, en vers, où l'on trouve, au f ° 1 v ° une Laus Francorum «Francia belli potens qui nescia vertere

terg a...», où est rappelé le baptêm e de Clovis par Saint Rém i. Le saint A rn o u l, neveu par alliance du roi, devient évêque e t m artyr. Cet ouvrage a p e u t-ê tre été composé à l'occasion de la translation de ce saint, m entionnée dans Anal. B o ll., 2 8 (1 9 0 9 ), p. 4 1 6 . Éd. dans A c ta Sanc­

torum , J u lii I V , p. 4 0 7 -4 1 4 .

(4 4 ) Sur G uillaum e de V o lp ia n o , voir N. B U L T , Untersu-

chungen zu den K losterreform en W ilhelm s von D ijo n ,

Bonn, 19 73. Le manuscrit n ° 4 9 4 de la Bibl. M un. de M etz témoigne de cette influence dijonnaise, puisqu'il co n tien t une vie de Saint Bénigne. O u tre une œuvre d 'A lc u in e t un tra ité de m usique, ce recueil, écrit dans les premières décennis du X le siècle donne le L ib e r de

episcopis metensibus de Paul D IA C R E ( f ° 4 6 r ° - 6 2 r ° )

et deux sermons en l'ho nn eur de saint A rn ou l ( f ° 4 4 r ° et ss, f ° 77 r ° et ss) d o n t le te x te , sans référence concrè­ te au personnage célérbé, p o u rra it convenir à bien des fêtes de saints.

(4 5 ) E. M U S E B E C K , art. c it., p. 1 9 8 - 2 0 2 étudie les démêlés avec l'abbaye S ain t-C lém en t. Pour les faux inspirés par là virilité en tre les deux monastères, vo ir la com m unica­ tio n de M. P Â R IS S E dans ce volum e. Les deux chapelles dédiées à saint Arnoul sont celles de S illy -s u r-N ie d et d 'A r ry , selon N. D O R V A U X , Les anciens pouillés du

diocèse de M e tz , Nancy 1 9 0 2 , p. 155 et 3 6 9 - 5 4 9 - 5 5 0 .

A rry dépendait de Marieulles, ancienne dépendance de l’abbaye S a in t-A rn o u l. S illy relevait de S ain t-A gn an ; d'après le te x te publié par G. R E N A U D , Les miracles de saint Aignan d'Orléans, A nalecta B olland iana, 9 4 (1 9 7 6 ) p. 2 5 7 , saint A rn ou l aurait été en relation avec l'évêque d'Orléans, ce qui est un anachronisme. Ce récit a pu sug­ gérer le patronage de saint A rn ou l pour S illy.

(10)

tionne une pour les fêtes de saint Clément et de saint N icolas46.

Une occasion alla it être donnée à l’abbaye de S aint-A rn o ul d ’éclipser sa rivale. Portée par les chansons de geste que l ’on m it par écrit à p a rtir de la fin du X le siècle, la tra d itio n caro­ lingienne connut un essor qui m u ltip lia it les récits légendaires et auréolait le grand empereur d ’un nimbe de sainteté. D ix -h u it mois après la canonisation de Charlemagne, T hierry de Bar, évêque de Metz, procéda à une solennelle trans­ lation des reliques de saint A rnoul ; elles fu re n t déposées dans une châsse, ornée de médaillons, représentant la suite des empereurs de Charle­ magne à Barberousse, et celle des rois de Fran­ ce, de Charles le Chauve à Louis V II. Charlema­ gne y fig u ra it comme descendant de saint A r­ noul et successeur des rois mérovingiens. Pour les rois de France cette suite de médaillons don­ nait comme une première esquisse du reditus

ad stirpem Caroli qui alla it poser P hilippe-A u-

guste en Carolide, c’est-à-dire comme descen­ dant du grand em pereur47.

Cette évocation de patronages prestigieux et d ’illustres dynastes couvrait peut-être d ’au­ tres desseins. Les moines de S aint-A rn o ul en­ tendaient s’affranchir de la ju rid ic tio n épisco- pale ; ils n ’y étaient pas encore parvenus par voie canonique, au début du X llle siècle. Se v o ir reconnaître la qualité d ’abbaye royale leur parut un moyen d ’échapper à la ju rid ic tio n de l ’ordinaire. La découverte d ’anciennes sépultu­ res, faite lors de l ’agrandissement du chœur des moines, vers 1239, suscita des affabulations qui, sous form e de récits légendaires et de chartes fausses, trouvèrent leur expression dans le Petit Cartulaire de l ’abbaye. L ’in ten tio n apparaissait dans un passage, a ffirm a n t que l ’abbaye avait été richement dotée par les princes «afin, q u ’ exempte de la ju rid ic tio n épiscopale, elle ne fû t soumise q u ’à celle du roi». Empereurs et rois, et même le pape Léon IX étaient appelés en témoignage en des faux. Toutes les générations de la lignée carolingienne, numérotées dans les marges du manuscrit, étaient censées avoir fa it des donations à cette église. En plus des per­ sonnages historiques, on y inséra un héros de chanson de geste, Herbis de Metz, d o n t on au­ rait découvert le tombeau à S aint-A rn o ul. Avec la légende carolingienne, le Cycle des Lorrains était appelé en témoignage48.

Il n ’est donc pas surprenant que la saint Charlemagne a it été fêtée à S ain t-A rn o u l. Mais ce même 28 janvier, à la cathédrale de Metz, le chapitre co n tin u ait à prier pour le salut de l’âme de l ’empereur, comme si les réserves marquées jadis à l ’égard du culte de l ’ancêtre, obéraient encore le souvenir de son plus glorieux descen­

d a n t49.

Comme les autres abbayes, S aint-A rnoul connut, à p artir de la fin du X llle siècle des temps difficile s, au so rtir desquels le monastère put, vers 1440, réorganiser son temporel, sans entrer dans un des mouvements de réformes de l ’ordre bénédictin. Cependant le culte des saints locaux connaissait une résurgence. La légende de saint Clément é ta it portée à la scène ; saint Livier était revendiqué comme ancêtre par des lignées patriciennes. La Chronique de Philippe de Vigneulles, pèlerin d ’A ix-la-C hapelle, tém oi­ gne d ’un intérêt particulier pour la tra d itio n ar- nulfienne. Le P e tit Cartulaire de l ’abbaye y est largement utilisé. Et — fa it plus s ig n ificatif — le chroniqueur insère dans son œuvre un long poè­ me en l ’honneur d ’Hildegarde, écho du culte rendu à la souveraine en Souabe 50.

Quelques décennies plus tard l ’abbaye était détruite et les restes des princes, transférésintra

muros dans le couvent des Frères Prêcheurs, af­

fecté aux Bénédictins. La tra d itio n arnulfienne s’y maintenait, mais sans éclat.

(4 6 ) J.B. P E L T , L itu rg ie , p. 2 3 2 - 2 3 3 . Ce même ouvrage étu ­ die le cérém onial de la cathédrale, rédigé au X Ile et com ­ plété au X l l l e siècle. Alors que le calendrier n 'y m ention­ ne pas la fête du 18 ju ille t (p. 2 4 3 ), celle-ci est bien no­ tée dans le ms. (p. 4 1 8 - 4 1 9 ) com m e celle de la Transla­ tio n , mais elle ne com porte que 3 leçons à m atines; la fête du 16 août (p. 431 -4 3 2 ) est plus solennelle; les ma­ tines o n t 9 leçons avec réponses propres. Après le chant de Tierce, les chanoines se rendent processionnellement de la cathédrale à l'abbaye, y po rtan t l'anneau de saint A rn o u l, conservé au trésor. Un autre rite marque l'an­ cienne dépendance de S a in t-A rn o u l à l'égard de l'évê- que : La veille des Ram eaux l'évêque pouvait se rendre à l'abbaye ; les moines l'hébergeaient, et le lendemain la procession p a rtait de l'abbaye vers la cathédrale. (4 7 ) La description de cette châsse était donnée par Dom

Pierre B A IL L E T , A n tiq u ita tu m A rn u lfin a ru m libri très, M etz 1 7 3 0 , dans le ms. B .M . M e tz, !i2 62 , disparu en 1 9 4 4 . Le passage a été utilisé par R.S. B O U R , art. cit., Il, p. 28 - 2 9 , et auparavant dans les A cta S anctorum , Ju- lii, t. IV , p. ?

(4 8 ) L'exem plaire le plus ancien du P etit C artulaire est un m anuscrit, conservé à l'abbaye de C lervaux- il est décrit par dom P. S A L M O N , Les mss. du «Petit Cartulaire» de l'abbaye S a in t-A rn o u ld de M etz, Revue b énéd ictine, 44 (1 9 3 2 ), p. 2 6 0 - 2 6 2 . Saunf les chartes mérovingiennes, déjà éditées par P E R T Z dans les M .G .H ., le texte de ce cartulaire a été pu blié par G . W A IT Z , Ex historia Sancti A rn u lfi, dans M .G .H . SS X X I V , p. 5 2 7 -5 4 9 , d'après un ms. de la B .M . de M e tz, disparu en 1 9 44.

(4 9 ) R. F O L Z , Études sur le culte liturgique de Charlemagne

(11)

Ill

Ce rapide survol de problèmes don t cer­ tains attendent encore un examen plus appro­ fo n d i, n ’autorise pas à en tire r quelque conclu­ sion. L ’abondante litté ra tu re érudite qui les aborde permet du moins de traduire ici quel­ ques impressions.

Le mariage de Charlemagne et de Hilde- garde, comme les unions de leurs descendants, pouvait désarmer l ’hostilité d ’une lignée aristo­ cratique, sans en neutraliser d ’autres pour au­ tant. Les lignages contestataires avaient pu plier devant la force et le prestige du nouvel empe­ re u r; les oppositions reprirent vigueur sous son successeur. Le réveil de l ’ Islam et les raids nor­ mands révélèrent les faiblesses de la construc­ tion impériale. A ces causes de déclin il faut ajouter celles q u ’amène la persistance d ’une opposition aristocratique. Les «roitelets» qui s’imposèrent à la fin du IXe siècle s’estimaient aussi capables que les carolingiens d ’occuper un trône ; ils fondaient leur légitim ité sur l’élection par leurs pairs.

Pour être aussi vigoureusement contestée et finalem ent écartée, la dynastie n ’avait sans doute pas réussi à s’auréoler d ’une légitim ité indiscutable. Le culte de saint A rnoul ne semble pas leur avoir été d ’un grand secours. A uto u r du tombeau de l ’ancêtre quelques membres de la fam ille trouvent leur sépulture ; mais Char­ lemagne fa it porter le corps de Fastrade à Saint- Alban de Mayence et lui-m êm e restera dans la glorieuse solitude de la chapelle d ’A ix . La dé­ pouille de Louis le Pieux trouvera un abri dans l ’église de S aint-A rn o ul où celle de son frère Drogon la rejoindra plus tard. Mais cette église ne devint pas le Saint-Denis des Carolingiens. C’est après l ’éclatement de l ’ Empire que plu­ sieurs générations manifestèrent une plus gran­ de ferveur pour le saint ancêtre ; mais au Xe siè­ cle les derniers Carolingiens de France ne s’inté­ ressent pas à l ’abbaye de S aint-A rn o ul, alors que Louis IV protège Salonnes, une dépendance de S aint-D enis51.

Que la politiqu e «impériale» de Charlema­ gne et de ses successeurs a it rencontré des obs­ tacles apparemment insurmontables ne peut faire oublier les effets que leur action a pro du it à long terme. Sur le plan des institutions locales l ’encadrement des hommes portera pendant des générations l ’empreinte des réformes de l ’empe­ reur. Mais c ’est su rtou t la réforme de l ’église franque, accompagnée d ’une renaissance in tel­ lectuelle et artistique, qui forgea l ’Occident. Sur ce plan, Metz, qui avait perdu son rôle de capi­ tale, restait pour plusieurs siècles un foyer rayonnant de culture religieuse. La vie canonia­

le s’inspirait de la règle de saint Chrodegang; de Gorze p a rtit au Xe siècle un nouveau mouve­ ment de réforme monastique; l ’école liturgique de Metz restait une référence pour la L o th a rin ­ gie et le Nord de la France. La qualité de ses

scriptoria in v ita it à y charcher la bonne tra d i­

tio n des œuvres sacrées ou profanes.

Les clercs messins ju s tifia ie n t donc le choix que Pépin et Charlemagne avaient fa it de leur cité pour prom ouvoir la réforme de l ’église.

Jean SCHNEIDER

(5 0 ) Ch. A B E L , Le m ystère de saint Clém ent, M etz 1 8 6 1 , in - 4 ° , X V I I - 1 8 8 p. édite un manuscrit du X V e siècle (B ibl. M u n . M e tz, ms. 9 6 8 ), disparu en 19 44. L a chronique de

P hilip pe de Vigneulles, éd. par Ch. B R U N E A U , t. I,

M e tz 1 9 2 7 , par la place qu'elle accorde aux traditions hagiographiques, perm et d'apprécier l'am pleur de la do ­ cu m entation do n t disposait le chroniqueur e t l'in té rê t q u 'y po rtaien t ses contem porains, au tou r de 15 00. O r la vie de saint A rn ou l occupe à peine 3 pages de l'éd itio n (p. 1 3 6 - 1 3 9 ) , tandis que saint Giossinde (p. 107 - 1 1 3 ) , saint Sigisbert (p. 141 - 1 5 0 ) sont plus largement traités. Q u ant à saint Livier, le chroniqueur em prunte à la légen­ de de longs passages (p. 6 5 - 7 8 ) , ce qui semble m ettre ce m ystérieux personnage au prem ier rang dans la trad itio n messine. O r le te xte le plus ancien qui soit parvenu de la légende de saint Livier est transmis par le P e tit C artulaire de S a in t-A rn o u l ; l'étude la plus récente sur ce sujet est de J. V A N D E R S T R A E T E N , Saint Livier. Notes sur son culte et sa légende, A nalecta B olland iana, 8 6 (1 9 6 8 ), p. 3 7 3 - 3 8 9 . Le poème de 2 8 4 vers en l'ho nn eur d 'H ild e- garde (p. 1 7 9 - 1 8 6 ) a été composé, d'après un te xte latin, par M artin G IR A R D do n t le nom est en acrostiche, aux vers 2 5 7 - 2 6 8 . D'après ce même te xte on aurait conservé à S a in t-A rn o u l, une peigne, une «housse» de tête, et un jeu d'échecs ayant appartenu à la reine (vers 2 4 5 -2 5 6 ). Le chroniqueur a largement utilisé le P e tit Cartulaire de S a in t-A rn o u l (p. 1 8 9 - 2 0 3 ) .

(5 1 ) R ecueil des actes de Louis I V , éd. Ph. L A U E R , Paris

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