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Citoyenneté

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Academic year: 2021

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Citoyenneté.

La citoyenneté est à la mode, c’est sûr. De l’Union Européenne à l’Organisation Mondiale du Commerce, en passant par la Banque Mondiale et pratiquement tous les gouvernements du monde, il n’est pas une instance de la « gouvernance » mondiale qui ne l’ait repris dans son lexique et qui n’en fasse une référence obligée de presque toute déclaration d’intention.

« Citoyenneté » est donc bien, dans les faits, un « mot du pouvoir ». Mais c’est aussi un « mot de l’opposition » : on le trouvera dans les déclarations zapatistes, par exemple, ou bien encore dans le lexique altermondialiste en général et dans celui d’Attac en particulier. La rigueur impose donc, pour ce terme si usité qu’il en devient presque totalement usé, d’instruire à charge et à décharge.

Examinons d’abord l’acte d’accusation. Pourquoi les termes « citoyens, citoyennes » par lesquelles s’interpellaient les révolutionnaires de 1789 ont-ils tendance à changer de camp en se substantivant ? La réponse est simple : précisément parce que la révolution française est derrière nous. La citoyenneté des sans-culottes était subversive parce qu’elle établissait l’égalité des conditions : contre les privilèges de l’Aristocratie, elle rappelait que « tous les hommes naissent et égaux en droit ». Cette citoyenneté-là était révolutionnaire, mais au même titre que la bourgeoisie, elle aussi révolutionnaire à ce moment, comme l’a bien souligné Marx. Cette égalité de principe a rapidement montré ses limites lorsqu’elle s’est confrontée à la question sociale : tout le monde était citoyen, certes, mais les citoyens prolétaires et les citoyens capitalistes avaient fort peu de choses en commun. Dans un monde où la révolution bourgeoise s’est accomplie et où les privilèges ont disparu, le concept de citoyenneté prend dès lors une toute autre fonction : il occulte la division de la société entres prolétaires et bourgeois, pauvres et riches, exploités et exploiteurs, bref, il fait l’impasse sur l’opposition entre les classes sociales. La citoyenneté égalise, non les hommes mais l’image qu’on s’en fait. Elle exalte l’égalité politique formelle en passant sous silence l’inégalité sociale réelle. Dans le monde des « citoyens », George Bush et le paysan palestinien sont équivalents. C’est donc un monde qui a peu à voir avec les rapports de force réels et en cela, le terme « citoyenneté » sert bien le pouvoir.

Faut-il dès lors purement assimiler son usage à l’exercice de la domination ? On défendra que non : le terme redevient en même temps porteur d’une exigence d’émancipation. Et c’est pourquoi il faut aussi instruire à décharge. En effet, dans un monde de plus en plus livré à la compétition économique entre acteurs (très) inégaux, la réaffirmation du lien à la communauté politique retrouve un sens libérateur pour les plus faibles. Lorsque la tendance générale est à la fragmentation et à la fragilisation de toutes les solidarités, la citoyenneté peut redevenir résistance. Etre « citoyen » n’est plus un acquis : non seulement les millions de réfugiés, les apatrides, voire les immigrés légaux en font l’expérience tous les jours, mais, dans les pays riches, même les nationaux savent qu’être pleinement citoyen devient chaque jour de moins un moins un état et de plus en plus un combat.

La roue de l’histoire a de nouveau tourné : si l’Etat de Marx était avant tout le « bras politique » de l’exploitation capitaliste, c’est moins vrai aujourd’hui dans un capitalisme en voie de mondialisation, qui réduit constamment le rôle de l’Etat et semble parfois tenté de s’en passer. La question sociale n’est pas encore en mesure d’émerger sur la scène mondiale (malgré de premières offensives). Mais si les communautés politiques s’effritent, elle ne le sera plus à l’échelle des nations ou des continents. Dans cette mesure, le concept de

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« citoyenneté » retrouve sa fonction ancienne : il réaffirme une solidarité active au sein d’une communauté et une volonté de maîtriser collectivement le destin d’un territoire.

Il en va donc de « citoyenneté » comme de beaucoup d’autres termes : il n’est un « mot du pouvoir » qu’autant que les contre-pouvoirs renoncent à s’en servir et à en redéfinir le sens. Il y a là sans doute un enjeu essentiel, autant politique que sémantique.

Références :

Mesure Sylvie, Renaut Alain : Alter ego. Les paradoxes de l’identité démocratique. Paris, Aubier, Coll. « Alto », 1999.

Références

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