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Les transformations du droit des pêches face à l'émergence d'un problème juridique : la pêche illicite, non rapportée, non réglementée : Aspects de droit international, européen et national

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Submitted on 18 Sep 2020

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Les transformations du droit des pêches face à

l’émergence d’un problème juridique : la pêche illicite,

non rapportée, non réglementée : Aspects de droit

international, européen et national

Antonia Leroy

To cite this version:

Antonia Leroy. Les transformations du droit des pêches face à l’émergence d’un problème juridique : la pêche illicite, non rapportée, non réglementée : Aspects de droit international, européen et national. Droit. Université de Perpignan, 2019. Français. �NNT : 2019PERP0043�. �tel-02942571�

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Délivré par UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN VIA DOMITIA

Préparée au sein de l’école doctorale INTERMED 544

unités de recherche EA4216 CDED et UMR MARBEC (IRD) Spécialité : Droit public

Antonia LEROY

LES TRANSFORMATIONS DU DROIT DES PÊCHES FACE À

L’ÉMERGENCE D’UN PROBLÈME JURIDIQUE : LA PÊCHE

ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE

Aspects de droit international, européen et national

Soutenue le 13 décembre 2019

Sous la direction de Mme Florence GALLETTI JURY :

Jean-Pierre BEURIER, Professeur Émérite, université de Nantes, France. RAPPORTEUR

Giuseppe CATALDI, Professeur, Université des études de Naples « L’Orientale », Italie. PRÉSIDENT DU JURY

Gabriela A. OANTA, Professeur, Universidade da Coruña, Espagne. RAPPORTEUR

François FÉRAL, Professeur, Université de Perpignan, France. MEMBRE

Christian CHABOUD, Chargé de recherche de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), France.

MEMBRE

Florence GALLETTI, Chargée de recherche-HDR de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Université de Perpignan et UMR MARBEC MARine Biodiversity, Exploitation & Conservation, France. MEMBRE et DIRECTRICE DE THÈSE

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REMERCIEMENTS

J’aimerais tout d’abord remercier chaleureusement ma directrice de thèse, Florence GALLETTI, pour m’avoir fait confiance, soutenue et guidée dans cette aventure qu’est la thèse. Je lui suis reconnaissante de m’avoir par-dessous tout appris à être méticuleuse dans mon propos.

Merci à Christian CHABOUD, François FÉRAL et Nathalie ROS pour leur participation à mon comité de suivi de thèse et leurs suggestions toujours avisées.

Merci à l’IRD, via l’UMR MARBEC de Sète, et aux différentes personnes interrogées, que ce soit au sein des institutions internationales et européennes, dans mon milieu professionnel ou sur le terrain avec des acteurs du secteur en France comme dans d'autres pays (Sénégal, Madagascar, Mozambique, Afrique du Sud) pour m’avoir transmis des informations essentielles à l’élaboration de la thèse.

Merci à Fred MARTIN pour avoir relu plusieurs chapitres de ma thèse et pêché au fond des phrases des coquilles orthographiques avec humour.

Enfin, mes remerciements vont aussi à ma famille et mes amis pour leur soutien moral durant ces six dernières années. Leurs questions légitimes sur le contenu d’une thèse aux contours qui pouvaient leur sembler ésotériques ainsi que cette question récurrente par la suite : « quand est-ce que tu la soutiens cette thèse ? », bien qu’angoissante en période fréquente de doutes, m’ont permis de ne jamais dévier de mon objectif final. Il me serait difficile de les citer tous. Qu’ils trouvent ici, l’expression de ma sincère reconnaissance.

J’ai une pensée particulière pour ma mère, mon père et ma grand-mère qui par leur présence et leurs encouragements sont pour moi les piliers fondateurs de ce que je suis et de ce que je fais, j’espère les avoir rendus fiers.

À celui, disparu, qui m’a dit un jour « tu as intérêt à avoir ton bac ! » ÀGeoffrey….

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S

OMMAIRE

INTRODUCTION ... 6

PARTIE I. LA CONSTRUCTION DES PRINCIPES ET PROCESSUS DE DROIT INTERNATIONAL MOBILISABLES CONTRE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE (INN) ... 19

TITRE I. L’ÉVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL DES PÊCHES MARITIMES VERS LE TRAITEMENT DE LA PÊCHE NON CONFORME ... 20

CHAPITRE I. LA GENÈSE D’UN PROBLÈME JURIDIQUE : LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE ...21

CHAPITRE II. LA RESPONSABILITÉ ET L’ACTION INDIVIDUELLE DES SEULS ÉTATS POUR LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE INN...90

TITRE II. LE TRANSFERT DE COMPÉTENCES DES ÉTATS VERS LES INSTITUTIONS RÉGIONALES ... 134

CHAPITRE I. LE POSITIONNEMENT DES ORGANISATIONS RÉGIONALES SPÉCIALISÉES DE GESTION DES PÊCHES ... 136

CHAPITRE II. LA PRISE EN COMPTE DE LA QUESTION DE LA PÊCHE INN PAR LES ORGANISATIONS RÉGIONALES DE GESTION DES PÊCHES ... 185

CONCLUSION DE LA PARTIE I. ...239

PARTIE II. LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT INTERNATIONAL DES PÊCHES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE ... 241

TITRE I. L’EXEMPLE D’UNE JURIDICITÉ PORTÉE PAR UN ORDRE JURIDIQUE MATURE : LE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE ... 243

CHAPITRE I. L’APPLICATION ET L’APPLICABILITÉ DU CONCEPT DE PÊCHE INN DANS LA POLITIQUE INTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE ... 245

CHAPITRE II. L’APPLICATION DES MESURES DE LUTTE CONTRE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE DANS L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE ... 344

TITRE II. L’EXEMPLE D’UNE JURIDICITE PLUS « ALÉATOIRE » DU CONCEPT DE PÊCHE INN ... 407

CHAPITRE I. LES DIFFICULTÉS AUXQUELLES LA JURIDICITÉ EST CONFRONTÉE : L’APPORT DE LA JURISPRUDENCE INTERNATIONALE ET DES PROCESSUS COMMUNS ISSUS DES ORGP ... 408

CHAPITRE II. L’ACCÉLÉRATION DE LA JURIDICITÉ DU CONCEPT DE PÊCHE INN AU CONTACT D’AUTRES DROITS ... 479

CONCLUSION DE LA PARTIE II. ...546

CONCLUSION PROSPECTIVE ...549

TABLE DES MATIÈRES ...556

BIBLIOGRAPHIE ...564

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INTRODUCTION

« Retournement de situation incroyable en pleine mer, un navire criminel fugitif poursuivi par Interpol, de nombreux

États et une organisation non-gouvernementale pendant plus de 110 jours, à travers deux mers et trois océans, a choisi de se saborder pour effacer toutes traces de preuves … ». Á suivre ce fait divers à la radio, on imagine

probablement le récit d’une opération liée à du trafic de stupéfiants, à des réseaux criminels internationaux, ou du blanchiment d’argent par voie maritime… et pourquoi pas liée simplement à du trafic portant sur du poisson ? Aussi improbable que cela puisse paraître, voler du poisson est extrêmement rentable. Cette poursuite en mer, la plus longue de l’histoire, fait référence au cas célèbre du navire Thunder en 2015, incriminé pour avoir pêché de façon illégale de la légine australe dont les ventes sont estimées à plus de 76 millions de dollars en une décennie.

En réalité, sur le plan juridique, cette pratique fait l’objet d’une définition assez complexe et subtile. La pêche illicite (parfois également nommée pêche illégale)1, non déclarée et non règlementée, connue sous le signe « INN », renvoie à différentes formes d’activités ou de méthodes de pêche, voire même à des conditions d’exercice de la pêche qu’il importe par conséquent de définir clairement.

La pêche illicite qualifie l’action des navires qui ne respectent pas les lois nationales ou les obligations internationales, ou qui exercent leur activité sans autorisation. La pêche non déclarée correspond aux activités qui n’ont pas été déclarées, ou de façon fallacieuse, à l’autorité nationale ou à l’organisation régionale compétente. La pêche non déclarée n’est donc pas une activité de pêche stricto sensu puisqu’elle ne vise pas directement l’acte de pêcher, à l’instar de la pêche illicite ou non règlementée, mais un défaut de déclaration pendant ou après l’acte de pêche et qui enfreint les lois et les dispositions de conservation et de gestion des organisations régionales de pêche. La pêche non règlementée recouvre quant à elle les activités de pêche menées par des navires sans pavillon ou battant pavillon2 d’un État qui ne fait pas partie de l’organisation régionale responsable de la zone de pêche, de l’espèce en question ou qui agit dans une zone sans mesures de conservation établies3. En cela, la pêche non règlementée est une forme de pêche illégale dans le sens où elle s’effectue en infraction des mesures de conservation et de gestion nationales ou internationales. Néanmoins, sur le plan juridique cela peut dépendre davantage des traités conclus par les États du pavillon et du niveau de coopération qu’ils élaborent. La pêche non règlementée peut être dans ce cas indésirable plutôt qu’illicite. Il convient de préciser que le concept de pêche non règlementée

1 Si en anglais le terme « illégal » ne fait de distinction, en droit francophone, selon la théorie juridique, on distingue le terme illicite et illégal. Cependant, ces deux expressions se sont progressivement imposées sans vraiment de distinction dans le vocabulaire officiel.

2 Battre pavillon signifie naviguer sous le pavillon (c’est à dire la nationalité) d’un État donné. Le navire étant considéré comme un bâtiment, sa nationalité est définie comme un pavillon. Ceci est une des plus grandes difficultés pour la gestion de la lutte contre la pêche INN.

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s’inscrit dans le contexte des années 1990 et de la liberté de pêche en haute mer, période durant laquelle les mesures de conservation étaient encore peu contraignantes en haute mer.

Enfin, la question du commerce de poissons pêchés de manière illicite, non déclarée ou non règlementée est complexe car, contrairement aux autres formes de contrebande, ce n’est pas le produit qui est condamnable en lui-même mais les conditions dans lesquelles la pêche est pratiquée (méthodes de pêche, localisation, espèces, quantum…).

La pêche illicite, non déclarée et non règlementée (INN, sigle qui sera utilisé dans cette étude) est devenue un phénomène mondial constituant l'un des principaux obstacles à une gestion durable des pêches. Reconnue par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2015 comme grave menace sur les stocks de poissons ainsi que sur les habitats et les écosystèmes marins, ce type de pêche nuit à l’efficacité des mesures adoptées aux niveaux nationaux et internationaux pour conserver les ressources halieutiques tant elle fausse les données quant aux captures réelles4. En l’état, elle est

désormais considérée comme une grave menace pour la reconstitution des stocks de poissons, le renouvellement des espèces et par conséquent pour la sécurité alimentaire des pays dépendants des ressources halieutiques, sans omettre les atteintes portées à la diversité biologique marine dans son ensemble, des espèces aux habitats et à leurs interactions. L'épuisement des stocks réduit la taille et la qualité des captures qui, à leur tour, contribuent à réduire la rentabilité de l’activité et engendre des pertes d'emplois, affectant non seulement la pêche et les industries de transformation des produits, mais également les industries connexes. Tel un cercle vicieux, le manque à gagner subi par les opérateurs légaux les incite à leur tour à s’engager dans des activités de pêche INN pour avoir un revenu décent, voire simplement survivre. Dans certains cas, les communautés dépendantes de l’activité de pêche se sont même tournées vers des activités criminelles une fois les stocks locaux effondrés5. Aujourd’hui, quelques États identifient même la pêche INN comme un

enjeu géopolitique lorsqu’ils revendiquent un territoire maritime, tel qu’en mer de Chine, ou comme une menace pour la sécurité nationale6. En parallèle, la pêche INN engendre une concurrence

déloyale envers les pêcheurs et les opérateurs respectueux des règles juridiques, commerciales, halieutiques voire environnementales, et ceux qui ne le sont pas.

La pêche INN se pratique dans toutes les régions du monde et, dans sa quête perpétuelle de profit, se déplace rapidement vers des zones marines couvertes par des ordres juridiques internes ou des arrangements juridiques régionaux plus laxistes (législations et règlementations, mesures sociales, environnementales et maritimes défaillantes ou inexistantes, capacités de contrôle, nature des sanctions, fiscalités, etc.). Cette activité n’a néanmoins pas le même degré de gravité en termes de

4 AGNU, Résolution A/RES/69/109 - Assurer la viabilité des pêches, notamment grâce à l’Accord de 1995 aux fins de l’application des dispositions

de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de ZEE (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et à des instruments connexes, 9 décembre 2014, Préambule « Notant avec une inquiétude particulière que la pêche illicite, non déclarée et non règlementée continue de faire peser une grave menace sur les stocks de poissons et sur les habitats et les écosystèmes marins et, de ce fait, porte préjudice à la viabilité des pêches, à la sécurité alimentaire et à l’économie de nombreux États, notamment ceux en développement ».

5 LINDLEY J., Somali piracy, a criminological perspective, Routledge, 23 June 2016.

6 BERGENAS J., KNIGHT A., Secure oceans: Collaborative Policy and Technology recommendations for the World’s Largest Crime Scene, Stimson, September 2016, p 5.

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conséquences sociales et économiques selon les méthodes utilisées et la capacité des navires de pêche.

Á l’heure actuelle, on connait mal et sans suffisamment de précisions dans quelle proportion la pêche INN est pratiquée en haute mer et dans les eaux sous juridiction. Comme pour toute activité illégale, il est difficile d’en chiffrer les coûts économiques pour nos sociétés. Les données utilisées pour mesurer la pêche INN conjuguent diverses sources et méthodes de calculs selon les pays, les espèces et la temporalité des études7. La méthode la plus admise pour estimer la pêche INN

consiste à comparer les données de captures avec les quantités de poissons échangées sur les marchés mondiaux c’est à dire les produits déclarés importés par un État et ceux déclarés exportés par un autre État pour la même espèce8. Néanmoins ni les données de captures, ni les données sur

les échanges commerciaux ne s’avèrent précises et exactes. D’autres procédés s’appuient encore sur le nombre de navires de pêche et de navires auxiliaires en activité. Dès lors, pour mesurer la pêche INN il est important de définir les contours et les limites de ces activités. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)9 a récemment convoqué un groupe

d’experts afin de déterminer une méthode harmonisée permettant de mesurer l’ampleur de la pêche INN au niveau national, régional puis mondial. La question se pose d’abord sur les coûts qui devront être pris en compte. Au-delà des coûts directs englobant la valeur des captures, les coûts indirects associés à la pêche INN ont été discuté pour considération. Ces coûts indirects peuvent inclure les coûts de la surpêche pour la société, les coûts des contrôles mis en place pour lutter contre ce phénomène, les coûts institutionnels au sein des administrations, la perte économique pour les opérateurs légaux, (plus-value, prix sur le marché, perte de profits) ou bien encore les coûts sur les écosystèmes10. L’option de tenir compte des coûts indirects de l’activité de pêche INN ne

sera pas retenue au vu de sa complexité. De plus, le calcul scientifique de la valeur de certaines composantes comme les impacts les écosystèmes ou la biodiversité n’a pas encore donné lieu à une méthodologie efficace et reconnue. Aussi, le groupe d’experts considère que les coûts indirects relèvent d’une défaillance plus générale de la gestion des pêcheries11. L’option de se baser sur la

valeur des captures de pêche INN et possiblement sur celle des captures des navires précédemment engagés pour faire une estimation est donc admise.

7 FAO, Report of the Expert Workshop to Estimate the Magnitude of Illegal, Unreported and Unregulated Fishing Globally, Rome, 2–4 February, 2015, p 37.

8 LOVE P., Les pêcheries, jusqu’à l’épuisement des stocks, Les essentiels de l’OCDE, 2010, p. 72. ; Traffic, The wildlife trade monitoring network, disponible sur le site : http://www.traffic.org/le-commerce-despces-sauvages/

9 La FAO établie en 1945, et son comité des pêches (COFI) créé en 1965, constitue le seul forum intergouvernemental, autres que l’Assemblée Générale des Nations Unies où des recommandations et mesures peuvent être édictées pour le management des pêches et de l’aquaculture au niveau international. Le Comité des pêches (COFI) est le forum de la FAO où les accords internationaux contraignants et non contraignants sont négociés.

10 FAO, Report of the Expert Workshop to Estimate the Magnitude of Illegal, Unreported and Unregulated Fishing Globally, 2015, op.cit. Annexe 3, p 21.

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Les revenus acquis par des individus ou des groupes causent des pertes importantes à l'économie mondiale évaluée entre 10 et 23 milliards de dollars par an12. Ces chiffres excluent le coût de la pêche non règlementée et les pertes économiques connexes et indirectes. Depuis cette estimation datant de 2009, la situation s'est peut-être économiquement aggravée. La valeur totale des captures a augmenté passant de 106 milliards de dollars américains en 2009 à 125 milliards en 2014 selon les estimations de la FAO13. Cette institution estime ainsi que la pêche INN représente 15% de la production mondiale de captures14. On peut ainsi penser que cela représente au minimum 18,75 milliards de dollars, étant donné que la pêche INN vise généralement des espèces à forte valeur ajoutée. D’autres organisations non gouvernementales fixent même cette valeur totale jusqu’à 36 milliards15. Les activités de pêche INN représenteraient alors le deuxième « fournisseur » de

captures de pêche dans le monde16. De plus, les estimations actuelles des coûts de la pêche INN ne prennent en considération que la valeur des produits halieutiques échangés, et non les pertes économiques indirectes qui s’engagent sur les économies comme les pertes de revenus pour les activités économiques connexes et de recettes fiscales pour les États.

La pêche INN perdure car elle est plus rentable que la pêche légale. En contournant ou contrevenant aux règlementations (taille des filets, zone de pêche, etc.), elle réduit les coûts des opérations de pêche et accroit sa productivité. On peut penser qu’elle continuera tant que les revenus qu’elle génère, ses bénéfices, dépasseront ses coûts, incluant le coût du risque d’être sanctionné17.

Quant aux causes, l’accroissement des profits des opérateurs de pêche INN provient essentiellement de leur capacité à convertir les captures en liquidités via le marché. Il s’agit souvent du même marché que celui du poisson échangé légalement. Pour ce faire, il suffit que les principaux acheteurs ne fassent pas de distinction entre les deux systèmes ou n’aient pas la capacité de le faire et que l’écoulement des produits issus de la pêche INN soit ainsi « ré-légalisé »18 au cours des activités de transformation ou dans les circuits de distribution19. Le prix du poisson sur le marché officiel détermine alors l’ampleur de l’incitation financière poussant à pratiquer la pêche INN20.

12 AGNEW D. J., PEARCE J., PRAMOD G., PEATMAN T., WATSON R., “Estimating the Worldwide Extent of Illegal Fishing”,

PLoS ONE, 2009.

13 FAO, Statistiques des pêches et de l'aquaculture 2014.

14 FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2016. Contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition de tous, FAO, Rome, 2016, préambule, p 5.

15 Global Financial Integrity, Transnational Crime and the Developing World, March 2017, p 13.

16 Commission européenne, Manuel d’application pratique du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un

système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (le Règlement INN), Commission

européenne législation et documents officiels des règles de contrôle des pêcheries, 2009, p 6. 17 OECD, Why Fish Piracy: the Economics of Illegal, Unreported and Unregulated Fishing, OECD, 2005, p 13. 18 On pourra également utiliser ici le terme “blanchi”.

19 STILES M.L., KAGAN A., SHAFTEL E., LOWELL B., “Stolen seafood, the impact of pirate fishing in our ocean”, Oceana, 2013, p 18.

20 LE GALLIC B., “The use of trade measures against illicit fishing: Economic and legal considerations”, Ecological Economics, Volume 64, Issue 4, 1 February 2008, p 860.

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Dans le cadre d’échanges commerciaux mondialisés, les États se retrouvent interconnectés par ces activités illicites transnationales. Si plus de 80%21 de la production mondiale des produits halieutiques (ceci inclut ici les produits aquacoles) se concentre dans les pays en développement et que ces pays pour la plupart font également partie des principaux exportateurs, les dix premiers importateurs de produits halieutiques sont néanmoins des pays développés, à l’exception de la Chine et de la République de Corée22. L’Union européenne est le principal marché d'importation des produits de la pêche, suivie par les États-Unis, le Japon et la Chine23. En 2014, la Communauté européenne a importé 21 milliards d'euros de produits halieutiques24. Le fait que l'Union européenne ne produise pas assez de poisson et, dans le même temps, constitue l’un des principaux acheteurs mondiaux dû à la forte demande de son marché intérieur crée une certaine dépendance vis-à-vis des entrées de produits halieutiques. Le taux d'autosuffisance de l'Union européenne pour les produits de la pêche est estimé à environ 45%25. Or cette demande d’importation est susceptible de s’accroître en raison d'un climat de libéralisation encouragé par les transformateurs qui ont besoin de matières premières provenant des entreprises de pêche établies dans les pays tiers26. Les pertes économiques liés à la pêche INN affectent davantage les pays en développement dans lesquels le secteur de la pêche constitue un enjeu primordial pour la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et le financement du développement. Les États en développement paient un prix élevé à ce fléau, notamment en raison de leurs capacités limitées pour élaborer et mettre en place de réels dispositifs de gestion. Une difficulté qui s’ajoute à l’absence de moyens de contrôle des pêches, et parfois à une mauvaise règlementation de la pêche en amont. Ce constat “d’incapacité défensive” de ces États face au droit de la mer et des pêches est général mais il prend ici un relief particulier. L’institut Marine Resources & Fisheries Consultants (MRAG) évalue notamment à 1 milliard de dollars par an le manque à gagner des pays d’Afrique subsaharienne dû à l’activité des navires de pêche INN27.

D’autres enjeux majeurs préoccupent désormais toute la communauté internationale. L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) a reconnu la pêche illicite, et seulement cette composante, comme un crime contre l’environnement28. Le rapport de l’UNODC en 2011 intitulé

The Globalization of Crime : A Transnational Organized Crime Threat Assessment, documente pour la

première fois les aspects pénaux de la pêche illicite en lien avec d'autres types d'activités criminelles,

21 Plus précisément 80% de la production se concentre dans 16 pays en développement selon la FAO, FAO, La situation mondiale des

pêches et de l’aquaculture 2016. Contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition de tous, 2016, op cit., p 17.

22 Ibid., p 55. 23 Ibid., p 7.

24 EUMOFA, Edition 2015. The EU fish market, European Commission, 2015, Brussels, p 1.

25 MULAZZANI L. MALORGO G., “Is there coherence in European Union’s strategy to guarantee the supply of fish products from abroad?”, Marine Policy 25. 2015, p 2

26 Ibid.

27 AGNEW D.J., PEARCE J., PRAMOD G., PEATMAN T., WATSON R., «Estimating the Worldwide Extent of Illegal Fishing»,, 2009, op.cit., p 1.

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le plus souvent de nature transnationale. En effet, la pêche illicite n’a pas seulement pour effet de nuire aux environnements marins et à la biodiversité mais facilite aussi d’autres formes de criminalité comme le trafic d’êtres humains, l’esclavage moderne, le travail forcé, la corruption, l’évasion fiscale, le trafic d’autres substances illégales et parfois même permet le financement du terrorisme.

D’autres évidences, recueillies par diverses organisations non gouvernementales et quelques chercheurs, ont démontré les liens qui existent entre la pêche INN avec d’autres activités criminelles29. Prenant note de l’étude publiée par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime sur la criminalité transnationale organisée dans l’industrie de la pêche, ces liens ont été soulignés dans les résolutions 67/79 de l'Assemblée générale des Nations unies en 2012 et 68/7130 en 2013, invitant les États à étudier les causes et les méthodes de la pêche illicite ainsi que les facteurs qui y contribuent afin que ces liens éventuels soient mieux connus et compris. Les différents régimes et recours juridiques applicables dans ce cas doivent prendre en compte le droit international de lutte contre la pêche illicite qui s’inscrit au sein du droit des pêches et d’autres droits comme la criminalité transnationale organisée31.

Dans ce cadre, et même si les impacts sont souvent plus conséquents pour les États en développement, tous les États sont touchés par ces activités. La pêche INN est fondamentalement une activité économique car elle prend racine dans la volonté et la possibilité de maximiser les profits de l’activité de pêche. Ainsi, l'existence de paradis fiscaux, de pavillons de complaisance ou de dumpings fiscaux créent des opportunités pour s'engager dans ces activités et facilitent leur fonctionnement dans la mesure où elles maintiennent une forme d’opacité. Le droit fiscal offre des opportunités qui permettent d’aller à l’encontre d’autres règles juridiques plus spécifiques comme

29 UNEP/INTERPOL, The Rise of Environmental Crime – A Growing Threat To Natural Resources Peace, Development And Security. A UNEP/ INTERPOL Rapid Response Assessment. Editor in Chief); Henriksen, R., Kreilhuber, A., Stewart, D., Kotsovou, M., Raxter, P., Mrema, E., and Barrat, S. (Eds), United Nations Environment Programme and RHIPTO Rapid Response–Norwegian Center for Global Analyses, www.rhipto.org, 2016, 108 p.; STANDING A., Corruption and State-Coorporate Crime in fisheries, Anti-corruption Resource Centre, Chr. Michelsen Institute (CMI), U4 Issue, No 15, July 2015, 27 p.; SUNDSTRÖM, A., Corruption in the

commons: why bribery hampers enforcement of environmental regulations in South African fisheries. International Journal of the Commons. 7(2),

2013, pp. 454–472.; TSAMENYI M., HANICH Q., Addressing corruption in Pacific Island Fisheries, Report prepared for the IUCN Profish Law Enforcement, Corruption and Fisheries Project, 2008, 17 p.; HANICH Q., TSAMENYI M., Managing Fisheries and

Corruption in the Pacific Island Region, Marine Policy 33, 2009, pp. 86-388.; EJF, Murder in Kantang’s Fishing Industry, EJF: London ISBN

No. 978-1-904523-37-6, 2015, 44 p.; DANIELS A., GUTIÉRREZ M., FANJUL G, GUEREÑA A., MATHESON I, WATKINS K. (2016), Western Africa’s missing fish, The impacts of illegal, unreported and unregulated fishing and under-reporting catches by foreign fleets, Overseas

Development Institute, June 2016, pp. 1-45.

30 AGNU, Résolution A/RES/68/71 - Assurer la viabilité des pêches, notamment grâce à l’Accord de 1995 aux fins de l’application des dispositions

de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de ZEE (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et à des instruments connexes, Soixante-huitième session, Point 76, b, de l’ordre du jour, 2013, §. 72 « Note également les inquiétudes que suscitent les liens éventuels entre la criminalité transnationale organisée et la pêche illicite dans certaines régions du monde, encourage les États à étudier, y compris par l’intermédiaire des instances et des organisations internationales compétentes en la matière, les causes et les méthodes de la pêche illicite et les facteurs qui y contribuent afin que ces liens éventuels soient mieux connus et compris, et à rendre publics les résultats de ces études, et prend note à cet égard de l’étude publiée par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime sur la criminalité transnationale organisée dans l’industrie de la pêche, en tenant compte des différents régimes et recours juridiques applicables en droit international à la pêche illicite et à la criminalité transnationale organisée ».

31 AGNU, Résolution A/RES/67/79, Assurer la viabilité des pêches, notamment grâce à l’Accord de 1995 aux fins de l’application des dispositions

de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de ZEE (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et à des instruments connexes, le 11 décembre 2012, §. 68.

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le droit des pêches. Un tel évitement fiscal peut être illustré par des déclarations inexactes sur l'origine, le volume ou la catégorisation des captures32, considérées comme illégales ou non déclarées. Les pertes combinées de recettes pour l'État et d’emplois pour la population, en créant une concurrence déloyale par rapport aux opérateurs légaux, exacerbent des enjeux particulièrement sensibles depuis la crise financière de 2008.

Plutôt traitée dans le champ de l’Économie, la part juridique de cette question nous interpelle. Les causes de la pêche INN intéressent le droit public au moment où l’activité cherche à le contourner. Si les facteurs économiques et sociaux créent des incitations à la pêche INN, la transformation du droit international, avec la multiplication des règles juridiques, pousse aussi paradoxalement à commettre de telles infractions au droit des pêches. Autrefois sans cadre juridique, non règlementée ou tolérée, la pêche INN est aujourd’hui une activité considérée comme une infraction, parfois sérieuse, qui s’inscrit dans l'histoire de la transformation du droit international qu'il importe de retracer.

Le droit international est apparu avec le besoin de régir les relations entre États. Certains le définissent comme « le droit applicable à la société internationale »33. Il faut attendre le Congrès de Vienne en 1815 pour que l’usage des traités multilatéraux soit reconnu. Il s’agit d’un droit qui permet de gérer les relations entre États si l’on considère la société internationale comme une « société

interétatique »34. Des règlements collectifs pour des questions d’intérêts communs développent des mécanismes de coordination entre les organisations internationales ou durant les conférences diplomatiques au cours desquelles sont élaborés les traités négociés par les États souverains. Aujourd’hui, même si les principaux sujets de droits restent les États, le droit international s’applique à davantage de personnalités juridiques. L’évolution de la société internationale a fait évoluer le droit international en donnant une personnalité juridique aux individus ou à des entités privées. La multiplication des organisations internationales ainsi que la mondialisation ont participé aux changements de la société internationale avec des individus et des économies de plus en plus interconnectés. Ceci est particulièrement vérifiable dans le droit international des pêches.

Le XXIème siècle constitue ce tournant durant lequel les changements s’expriment à travers les échanges commerciaux internationaux s’associant aux nouvelles grandes puissances qui développent leurs capacités navales tant commerciales que militaires. Dès lors se met en place une véritable sécurisation des mers35. Elle resserre l’étau autour de la pêche.

32 OCDE, Evading the Net: Tax Crime in the Fisheries Sector, OECD Publishing, 2013, p 26.

33 DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, L.G.D.J, lextenso éditions, 2009, p 43. 34 Ibid., p 44.

35 HOURY C., La piraterie maritime au regard du droit international, incertitudes et évolutions contemporaines, Coll. « Le droit aujourd’hui », L’Harmattan, 2014, p.31.

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Le droit international des pêches régissant la pêche de ressources biologiques36 en mer a longtemps été coutumier. Ce droit va établir ses fondements dans le droit international de la mer écrit avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ou Convention de Montego Bay) en 1982 (entrée en vigueur en 1994). Influencée par des considérations historiques, cette « Constitution pour

les océans »37 va définir des zones maritimes et étendre les droits des États sur ces espaces. Elle est aujourd’hui considéré comme « l’expression principale du droit de la mer contemporain »38. Si les géographes définissent la mer par son caractère physique en la considérant comme l’ensemble des espaces d’eau

salée39, les juristes insistent sur le lien entre les espaces marins et considèrent d’abord la mer comme une route, un espace de communication avant d’être un réservoir de poissons ou d’autres ressources naturelles40. Ainsi, la mer du « droit de la mer » se définit juridiquement par « ces différents

espaces d’eau salée (…) à la condition qu’ils soient en communication libre et naturelle sur toute l’étendue du globe »41. Dans ce cadre, le droit international de la mer est le socle de la gouvernance des espaces marins écologiquement et biologiquement connectés. Certains définissent ce droit comme « l’ensemble des règles de droit international relatives à la détermination, puis au statut des espaces maritimes, et

relatives au régime des activités ayant pour cadre le milieu marin »42. Le droit de la mer définit juridiquement des espaces maritimes où s’établissent des droits et des devoirs des États en leur sein notamment pour l’exploitation et la conservation des ressources halieutiques.

Le droit international des pêches moderne va s’intégrer dans ce « nouveau droit » où le principe de l’utilisation équitable et efficace des ressources ainsi que la conservation des ressources biologiques comprenant les ressources halieutiques seront établis43. Le droit des pêches maritimes puise ses fondements contemporains au sein de cette Convention internationale de Montego Bay et décline les questions de pêche à travers les espaces maritimes qu’elle établit, donnant des droits et des obligations à l’État. L’État est un sujet privilégié de droit international à côté d’organisations internationales diverses, et il croise des individus ou des groupes et d’entités privées qui pêchent. Par sa seule volonté souveraine, l’État a la possibilité de leur octroyer une personnalité juridique et ainsi de les élever à la condition de sujets de droit44. C’est d’ailleurs ce qu’il entreprend pour

certaines disciplines du droit, illustrant « son pouvoir de création subjective »45.

36 Les ressources biologiques font référence aux « poissons » que l’on nommera ressources halieutiques mais également aux mammifères marins. On pourra qualifier la pêche de ces derniers plutôt de chasse parfois.

37 Le terme fut utilisé dans le célèbre discours de cloture de M. KOH en 1983. A consulter sur : http://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/koh_french.pdf ou voir LE FLOCH. G., « La coutume dans la jurisprudence de la Cour internationale de justice en Droit de la mer », In : Revue juridique de l’Ouest, 2001- 4, p. 537.

38 DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, 2009, op. cit., p 1284. 39 Ibid, p 1276.

40 Ibid, p 1276. 41 Ibid, p 1276.

42 SALMON J. (eds.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant /AUF, 2001., cité par GALLETTI F., « Les transformations du droit international de la mer : entre gouvernance de « l’espace » et gouvernance de la « ressource » en mer », dans Monaco A. et Prouzet P. (dir.), Gouvernance des mers et océans, collection Mer et Océan, Iste Editions Ltd, London, 2015, p 2. 43 Convention des Nations Unies sur le droit de mer de 1982, Préambule, p 4.

44 DUPUY P.M., L'Unité de l'ordre juridique international : cours général de droit international public, Martinus Nijhoff Publishers, 2003, p 105.

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Dans ce cadre, les États vont accroître les mesures de gestion et de conservation nationales en droit des pêches pour sécuriser l’exploitation puis la conservation des ressources halieutiques dans les zones sous juridiction. L’extension sans précédent de ces zones avec la mise en place d’une zone économique exclusive (ZEE) à 200 milles nautiques des côtes va entrainer des bouleversements fondamentaux sur les activités de pêche assurant davantage de droits à l’État côtier en mer sur les ressources halieutiques. La pêche principalement côtière va se transformer et devenir hauturière avec l’aide du développement technologique46. La capacité de pêche va s’en trouver augmentée, démontrant son absence de limites avec des pratiques de pêche intensive menant à la surexploitation des stocks voire à leur effondrement. Dès lors, le sujet de la conservation des ressources halieutiques s’intensifie et s’envenime. Cette donnée s’accompagne de la théorie de la tragédie des biens communs, ou tragédie des communaux, célébrement développé par Garett Hardin en 196847. Celle-ci démontre que lorsqu’une compétition se développe sur des biens

communs limités en libre accès, comme les ressources halieutiques, elle mène à un phénomène collectif de surexploitation de la ressource commune. Le droit international va tenter de limiter ce problème en organisant l’activité de pêche.

À partir des années 1990, la mise en place de mesures internationales et l’institution d’organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) s’accroissent. L’Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs de 1995 (ci-après Accord sur les stocks chevauchants de 1995) va renforcer ces mécanismes coopératifs. Mais ces nouvelles mesures nationales et internationales vont ouvrir la voie à d’éventuelles tensions, remettant en cause certaines activités de pêche historique ainsi que la liberté de pêche en haute mer.

En parallèle, la notion même de pêche va évoluer. Si elle n’est pas clairement définie dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, ni dans l’Accord sur les stocks chevauchant de 1995, la « pêche » sera désignée au sein de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN entrée en vigueur en 2016 comme « la recherche, l’attraction, la localisation, la capture, la prise ou le prélèvement de poisson ou toute activité

dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle aboutisse à l’attraction, à la localisation, à la capture, à la prise ou au prélèvement de poisson »48. L’extension de cette définition aux activités liées à la pêche comme

« toute opération de soutien, ou de préparation, aux fins de la pêche, y compris le débarquement, le conditionnement,

46 MAHINGA J.G., La pêche maritime et le droit international, l’Harmattan, 2014, p 10. 47 HARDIN G, The tradedy of the commons, Science 162 : 1243-1248. 1968.

48 Article 1 « Emploi de termes », FAO, Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche

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la transformation, le transbordement ou le transport des poissons qui n’ont pas été précédemment débarqués dans un port, ainsi que l’apport de personnel et la fourniture de carburant, d’engins et d’autres provisions en mer »49 s’avère

essentielle pour l’évolution du droit des pêches et la lutte contre ces activités de pêche non conformes.

Certaines pêches créent un nouveau problème avant tout légal, car contrevenant aux droits nationaux et internationaux nouvellement édictés, à savoir la pêche INN. En 2001, et pour la première fois cette notion sera définie dans le Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche INN. La mise en œuvre de mesures de conservation va s’accompagner de mesures de lutte contre la pêche INN. La prise de conscience accrue de l’impact environnemental et des pertes économiques liées à cette activité va favoriser l’entente et parfois, le développement d’instruments de coopération.

La principale responsabilité dans la lutte contre la pêche INN incombe aux États qui sont responsables, a minima, d’éviter la pêche INN dans leurs eaux intérieures, mers territoriales et zones sous juridiction (État côtier) et en haute mer par des navires battant leur pavillon (État du pavillon). Ces dernières années, l’implication d’autres États et de certaines compétences spécifiques des États, que l’on évoquera à travers les mesures de l’État du port et de l’État de commercialisation, ont renforcé les moyens de lutte contre cette activité illicite. Ces mesures ont fait émerger des mesures juridiques internationales contraignantes et surtout fait entrer la notion de pêche INN en droit positif et opérationel à travers l’intégration dans les ordres juridiques internes de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN entré en vigueur le 11 juillet 2016.

Le développement progressif du droit international des pêches a donné aux États plus de responsabilités et d’obligations. Dans ce cadre, les activités de pêche INN se sont modifiées et étendues en parallèle du phénomène de mondialisation. La pêche INN devient même un facteur de conflit entre les États50.

Les mesures nationales et internationales engagées à ce jour n'ont pas été pleinement efficaces dans la lutte contre la pêche INN. Cependant, des initiatives importantes sont tentées afin de contenir à défaut de résoudre les failles inhérentes à sa régulation. Une évolution notable a eu lieu avec la prise de conscience de la fragilité des océans et de la nécessité de les protéger. Les conférences de Johannesburg (2002) et Rio51 (1992 et 2012) ont posé quelques principes pour éliminer la pêche INN. La mer que l’on pensait immense et inépuisable a commencé à émettre des signes inquiétants de perte de la diversité biologique et de raréfaction des ressources. C’est ainsi que la problématique

49 Ibid.

50 BERGENAS J., KNIGHT A., Secure oceans: Collaborative Policy and Technology recommendations for the World’s Largest Crime Scene, Stimson, September 2016, op. cit., p 5.

51 En juin 2012, la conférence de l'ONU sur le développement durable Rio +20 a réitéré l'engagement des parties à éliminer les activités de pêche illicite, non déclarée et non règlementée (INN).

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de la pêche INN a gagné en visibilité. La communauté internationale a décidé de réagir et de tenter de mieux contrôler la gestion de ces ressources via parfois celle des espaces.

Presque vingt ans après le Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche INN de la FAO en 2001, la question de la pêche INN a encore gagné en visibilité et peut-être même en intensité. Elle fait maintenant partie des priorités politiques internationales. Les objectifs pour le développement durable des Nations Unies (ODD), édictés en 2015, mentionnent clairement cette problématique au sein de l’objectif 14 « vie aquatique », point 4 : « D’ici à 2020,

règlementer efficacement la pêche, mettre un terme à la surpêche, à la pêche illicite, non déclarée et non règlementée et aux pratiques de pêche destructrices et exécuter des plans de gestion fondés sur des données scientifiques, l’objectif étant de rétablir les stocks de poissons le plus rapidement possible, au moins à des niveaux permettant d’obtenir un rendement constant maximal compte tenu des caractéristiques biologiques »52. De plus, la réduction de la pêche INN a également d’autres implications évidentes pour l’objectif 1 « pauvreté », 2 « faim et

alimentation » et 16 « paix et justice ».

Si l’expression « mettre un terme » à la pêche INN semble extrêmement ambitieux, voire naïve, l’histoire ayant démontré qu’il existera toujours des personnes ou des groupes en situation d’enfreindre les lois, sa réduction apparaît primordiale et possible.

Lorsque des règlementations internationales existent afin de limiter les ramifications de ces activités, leur transposition dans les ordres juridiques internes n’est pas toujours évidente ou efficace. Dans l’autre sens, la diversité des cadres de gouvernances et des règlementations nationales, notamment des mesures de conservation et de gestion des pêches édictées par les États, contribuent à certaines incohérences, engendrant à leur tour des difficultés pratiques pour combattre les composantes de l’INN. Le droit international des pêches se doit d’être mis en parallèle, du point de vue de son contenu théorique et pratique, avec les politiques publiques et règles juridiques régissant l’exploitation des ressources halieutiques des pays en développement ou développés. La cohérence de ces éléments doit être étudiée, comme contribution du droit à la lutte contre la pêche INN et vice versa.

Il y aurait bien des manières d’aborder le sujet de l’INN. La question problématique nous a paru être celle-ci : à quel moment la pêche INN est devenue un probléme juridique et comment ce point a été le facteur de transformation du droit des pêches.

Parler de transformation du droit international, européen ou national des pêches, c’est souligner son évolution sous l’emprise de tendances fortes. Le point central de la réflexion ici menée est de montrer comment la question de la pêche INN bascule vers une question juridique capable de transformer et d’orienter le développement du droit international des pêches maritimes dans son

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ensemble, voire du droit international général. Le chemin de cette réflexion a voulu commencer aux côtés du droit international, pour se poursuivre en droit interne en passant par l’analyse du droit européen. L’ambition est de comprendre quelles sont les évolutions administratives ou juridictionnelles passées et actuelles capables d’avoir un impact majeur dans la lutte contre la pêche INN.

Répondre à cette interrogation nécessite d’analyser le droit des pêches maritimes dans sa continuité et dans son environnement. Il apparaît indispensable de retracer dans un premier temps l’histoire du droit international des pêches afin de saisir la construction de principes et les processus de droit

international mobilisables pour la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (Partie I), donc le

voir tel qui s’est construit historiquement et classiquement. On y retrouve l’évolution du droit international des pêches maritimes, longtemps coutumier avant de se codifier au sein du droit international de la mer, ainsi que la place prise progressivement par les préoccupations relatives à la pêche INN. Ceci passe par les évolutions institutionnelles des États aux caractéristiques juridiques, économiques et socioculturelles spécifiques mais ouverts à la transposition du droit international dans leurs ordres juridiques internes et dans l’ordre juridique régional. Derrière la responsabilité première de l’État pour encadrer la lutte contre la pêche INN, il y a un transfert de compétences des États vers des institutions de nature très différentes comme les ORGP sur tous les océans du monde. La cohérence et l’articulation formelle entre la règlementation internationale et l’échelle territoriale à laquelle elle est transposée est étudiée.

Sans douter de la valeur théorique du droit contemporain, cet exercice s’attache dans un deuxième temps à le confronter à la pratique, celle de la mise en œuvre du droit international des pêches et des politiques

publiques en matière de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (Partie II). L’objet de cette

partie est de confronter le droit international à sa propre mise en œuvre en analysant les effets de contraintes mais aussi de facilités dont il peut bénéficier. Le premier point se consacre à l’ordre juridique de l’Union européenne et sur ce qu’il fait pour la reconnaissance et la mise en œuvre du concept de pêche INN. De par sa posture, elle pèse dans les rapports qu’elle entretient avec ses États membres et les pays tiers. Les États disposent de multiples choix pour établir leurs politiques publiques de lutte contre la pêche INN et pour mettre en place des actions en vertu du droit international des pêches ou communautaire. L’intégration du droit européen varie d’un État membre à l’autre, et d’une autorité nationale à une autre (constitutionnelle, judiciaire, exécutive…). Si ces différences sont inhérentes au pluralisme juridique de chaque ordre juridique interne, on observe un rapprochement progressif de ceux-ci sous l’influence du droit européen et international pour lutter contre l’INN.

La mise en œuvre du droit de la lutte contre l’INN est aussi faconnée par des aspects plus aléatoires. Elle affronte d’une part des contraintes au plan de l’application des mesures ce que montrent les jugements de juridictions internationales et européennes ainsi que la difficile mobilisation des moyens de mise en conformité des pratiques des pêcheurs et des États incarnés par les mécanismes

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imposées par les ORGP. L’exercice d’évalution générale est forcément difficile ici. L’action des États, aux appareils juridiques et institutionnels spécifiques, est différente selon les contextes des pêches benthiques ou pélagiques, ainsi que l’évaluation de leur conformité aux règles du droit international. Elle dépend assurement du niveau de développement des États et de l’importance du secteur des pêches dans leur économie mais également de composante géographique pesant sur le contrôle des pêches. Les mécanismes de mise en œuvre sont bien plus autonomes que l’argument souvent rapide du « mimétisme » institutionnel ne le laisserait penser53. Et puis les traités ne demeurent pas statiques et doivent inévitablement s’adapter aux changements économiques, technologiques, sociaux, environnementaux et politiques. Cette constatation nous permet d’élargir notre réflexion sur la transformation du droit des pêches maritimes vis à vis de la lutte contre la pêche INN à des rencontres aléatoires encore mais cette fois-ci plutôt facilitantes. Ce sont les points de rencontre avec d’autres droits complémentaires comme le droit du commerce et le droit de l’environnement, qui aident mais qui questionnent aussi les limites du droit international des pêches maritimes à faire reculer les activités de pêche INN. Enfin au-delà du droit réel, il y a quelques perspectives à ouvrir sur une transformation souhaitée du droit international des pêches maritimes, voire du droit général.

Dans le cadre de cette recherche, une attention particulière a été portée aux règlementations des États dont l’industrie de la pêche est significative ainsi qu’à la contribution de l’Union européenne, sujet de droit à la nature juridique complexe. Au-delà de l’exercice académique que constitue l’élaboration de cette thèse, ce cheminement conduit à présenter une information actualisée aussi précise et concrète que possible, malgré les difficultés liées à la nature même de cette activité opaque.

53 GALLETTI F., Les transformations du droit public africain francophone. Le droit formel, entre construction étatique et libéralisation du droit public, Emile Bruylant (ed.), Bruxelles, Belgique, 2004, 682 p.

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PARTIE I. LA CONSTRUCTION DES PRINCIPES ET PROCESSUS DE DROIT INTERNATIONAL MOBILISABLES CONTRE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE (INN)

Le développement historique des relations internationales, avec l’accroissement des interdépendances étatiques, qu’elles soient économiques ou environnementales, est venu enrichir le droit international et la règlementation des activités de pêches maritimes. Longtemps soumis aux processus coutumiers le droit international des pêches maritimes va évoluer et se codifier54 au sein

du droit de la mer afin d’encadrer la nature disparate des relations internationales en la matière. Cette codification vise « à transcrire des normes coutumières et à les regrouper dans un texte »55, ce sera la

Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. Si ces normes écrites permettent une meilleure précision dans l’application et l’opposabilité aux États sans grande contestation possible, les négociations ont été soumises à des rapports de forces et des intérêts divergents pour l’exploitation des ressources halieutiques.

Cette codification du droit international des pêches maritimes est aussi à l’origine de la naissance d’activités de pêche contraires ou non conformes au droit qui seront qualifiées, plus tard, de pêche illicite, non déclarée et non règlementée (INN). S’intéresser à la genèse du droit international en matière de pêche maritime et de lutte contre la pêche INN permet de comprendre la situation actuelle et les problématiques persistantes pour éradiquer ce phénomène.

Dans ce cadre, cette première partie propose d’étudier l’évolution du droit international des pêches maritimes face à la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (TITRE I) pour ensuite étudier comment s’est effectué ces dernières années le transfert des compétences étatiques vers des institutions régionales spécialisées dans la gestion des pêches (TITRE II).

54 « La codification est une opération de conversion des règles coutumières en un corps de règles écrites, systématiquement groupées ». DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, 2009, op.cit., p 367.

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TITRE I. L’ÉVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL DES PÊCHES MARITIMES VERS LE TRAITEMENT DE LA PÊCHE NON CONFORME

Le droit international des pêches s’est codifié au sein du droit international de la mer à partir du XXème siècle. Cette évolution du droit a transformé les représentations environnementales, sociologiques et juridiques des activités de pêche des États, en même temps que celles-ci ont influencé le droit international. Pourtant, suite au renforcement des compétences des États sur les espaces marins et particulièrement en matière d’exploitation des ressources halieutiques, des lacunes dans le système juridique apparaissent. Le droit des pêches se voit confronté à des activités non conformes qu’il tente d’encadrer en définissant des principes et processus pour lutter contre elles. Afin de comprendre ces développements, il est utile de revenir sur la genèse de l’émergence d’un

problème juridique majeur : la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (Chapitre I). Avec des droits et des

obligations nouvellement édictés par les instruments juridiques internationaux, dans un contexte de position prééminente de « l’État », et face à la mondialisation des activités économiques, leurs interdépendances et à la conscientisation de la connectivité des écosystèmes en mer, les coopérations interétatiques vont s’institutionnaliser. La lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non règlementée, tout comme la transformation du droit des pêches, reste fondamentalement encadrée à travers la responsabilité et l’action individuelle des seuls États (Chapitre II.).

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CHAPITRE I. LA GENÈSE D’UN PROBLÈME JURIDIQUE : LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE

Le développement de la pêche INN résulte d’une chaine de causalités aux multiples paramètres conjoncturels, principalement économiques mais aussi technologiques, juridiques, sociaux et environnementaux. Sous l’influence de préoccupations historiques, en particulier la question de l’extension des droits sur des zones maritimes et la dégradation des ressources marines, les États vont chercher dans la « codification » une plus grande sécurité juridique pour exploiter leurs ressources. C’est tout l’espace maritime qui va se trouver affecté selon les espaces marins que le droit international viendra définir au sein de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 qui entrera en vigueur en 1994. Les années suivantes, la notion de pêche INN apparait progressivement jusqu’à s’établir comme telle au sein du droit international à travers un instrument juridique non contraignant : le Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche INN de la FAO en 2001 puis en 2016 avec l’entré en vigueur d’un instrument contraignant, - et donc de son concept en droit positif - l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN. Ce problème, avant tout juridique car contrevenant aux droits nationaux et international, se pose en des termes différents selon les cas. C’est pourquoi il convient de retracer l’histoire du droit des pêches et des enjeux liés à l’exploitation des ressources halieutiques. La règlementation internationale des activités de pêche s’est tout d’abord dessinée au sein du droit de la mer au XXème siècle (Section I.). En outre, c’est à travers l’application du « nouveau » droit de la mer, à partir de 1982, que l’émergence d’un problème juridique va survenir, défini plus tard comme pêche INN surviendra (Section II.).

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Section I. Le droit international des pêches maritimes guidé par le droit international de la mer

Le droit international des pêches s’inscrit au sein du droit de la mer qu’il a longtemps abondé. En 1982, il va consacrer clairement la connectivité des espaces marins56 et intégrer la gestion de toutes

les ressources marines vivantes et non vivantes dans le nouveau texte. Ce droit se codifie en même temps que l’essor de l’exploitation des ressources halieutiques et donc de leur intérêt économique. Pendant longtemps, la coexistence de règles d’origine coutumière et de traités régissant des cas spécifiques caractérise le droit de la mer. C’est ainsi qu’à partir du XXème siècle, les règles coutumières influencent les premières codifications du droit international des pêches au sein du droit de la mer (Sous-section I) ainsi que la sécurisation du droit d’accès sur les ressources halieutiques bornée par des espaces maritimes nouvellement définis (Sous-section II.).

Sous-section I. Le droit de la mer coutumier de la mer et les premières codifications du droit international de la pêche maritime

Pour comprendre l’actuelle gestion des ressources halieutiques et les règles internationales en matière de droit des pêches qui s’y appliquent, il est essentiel de préciser le cheminement historique du droit des pêches. De la nature essentiellement coutumière de ce droit traditionnel (§. I.) qui évolue avec la volonté de conservation et d’exploitation des ressources, le droit international des pêches s’affirme et finit par être codifié au sein du droit de la mer conventionnel et des accords spécifiques (§. II.).

§. I. L’utilisation du droit coutumier

Les activités halieutiques ont toujours été encadrées par des actes juridiques. La pêche comme la navigation, l’une permettant l’autre, s’inscrivent parmi les activités maritimes les plus anciennes. Le droit de la mer contemporain est marqué autant, sinon plus, par la pêche que par la navigation57

même si la mer a longtemps été considérée, avant tout, comme une route puisque la croyance en un réservoir inépuisable de poissons dominait alors58.

56 Préambule « Conscients que les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble », Nations Unies, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (avec annexes, acte final et procès-verbaux de rectification de l'acte final en date des 3 mars 1986 et 26 juillet 1993), Montego Bay, le 10 décembre 1982, Nations Unies, Recueil des Traités 1994, Vol. 1834, 1-31363.

57 LUCCHINI L., VOELCKEL M., Droit de la mer, Tome 2. Délimitation-Navigation-Pêche. Vol. 1 Delimitation, Pédone, Paris, 1996, p 377.

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Si Francisco de Vitoria au XVème siècle confondait le droit général et le droit naturel qui interdisait l’appropriation privative des mers59, c’est à un conflit de pêche que le droit international doit le

principe fondamental et fondateur de liberté des mers. Posé par Grotius (1583-1645) dans son « Mare liberum » publié en 1609, il s’opposait à l’ordonnance du roi Jacques 1er d’Angleterre interdisant aux étrangers l’accès aux pêcheries de la mer du Nord60.

Dès le XIXème siècle, les règlementations internes puis internationales (avec des accords bilatéraux ou multilatéraux) se développent. Toutefois, les conventions sur la pêche conclues à cette époque concernaient davantage les pêcheurs et leur comportement que les poissons et leur capture61. Les

ressources marines étaient supposées inépuisables. Néanmoins même à l’époque de Grotius, quelques voix se faisaient entendre pour exprimer des craintes quant à l’épuisement des ressources ; ainsi William Welwood écrivait en 1613 que « la pêche peut se tarir si tout le monde s’y livre sans contrôle 62».

Il réfuta les arguments de Grotius en faisant observer que la liberté de pêche qu’il avait défendue avait conduit à une surexploitation des ressources halieutiques, et plus précisément, le hareng (clupea

harengus) le long des côtes de l’Écosse.

A cette époque, la mer est un lieu d’interaction pour les transports, le commerce ou encore pour les conflits. C’est en 1856, avec l’abolition de la guerre de course au Congrès de Paris qu’émerge l’idée du droit de la mer63. À la fin du 19ème siècle, l’introduction des engins à vapeur sur les

bateaux de pêche et pour le transport des prises vers les marchés intérieurs a pour conséquence d’accroitre considérablement les capacités de pêche. En Europe, la Grande-Bretagne dispose alors de la flotte de pêche la plus large. Elle conduit une politique libérale par le biais du British Sea

Fisheries Act de 1868 qui enlève toutes mesures restrictives à la pêche64. Cependant, quelques années

plus tard, avec les préoccupations liées à l’épuisement de la plie (pleuronectes platessa) dans le sud de la mer du Nord, l’association anglaise National Sea Fisheries Protection Association créée en 1882 décide de volontairement arrêter les activités de pêche autour de la zone de Helgoland65. Cette association

considère aussi que la protection de la ressource ne peut s’effectuer que dans le cadre d’une coopération internationale. L’association organise ainsi une conférence en 1890 avec des experts de six États qui concluent que la recherche halieutique organisée n'existe pas encore, dû à un manque d’investissements dans cette science, et appellent à une plus grande régulation

59 Fanscisco de Vitoria est un dominicain espagnol précurseur du droit international (1480-1546), DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, 2009, op.cit., p 64.

60 ROS N., « Halte au piratage halieutique », A.D.mer, 2002, Pedone, p 349.

61 LUCCHINI L. VOELCKEL M., Droit de la mer, Tome 2. Délimitation-Navigation-Pêche, 1996, op. cit., p 377. 62 LUCCHINI L. VOELCKEL M., Droit de la mer, Tome 2. Délimitation-Navigation-Pêche, 1996, op. cit., p 394.

63 BONIFASSI M.L., Montego Bay, 30 ans après. Appropriation et exploitation des espaces maritimes : États des lieux, droit, enjeux, Centre d’Études Supérieures de la Marine, 2012, p 3.

64 JOHAN VAN BENNEKOM A. DE GROOT J, OTTO L., “Dutch involvement in fisheries research prior to and in early ICES”, Marine Science Symposia, 215, ICES, 2002, p 58.

65 JOHAN VAN BENNEKOM A. DE GROOT J, OTTO L., “Dutch involvement in fisheries research prior to and in early ICES”, 2002, op.cit., p 58.

Références

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