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LE DÉFICIT ALIMENTAIRE MONDIAL

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Academic year: 2022

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LE DÉFICIT ALIMENTAIRE MONDIAL

« La race humaine traverse une période de crise, a dit Aldous Huxley, et cette crise existe sur deux plans : un plan supérieur, politique et économique et un plan inférieur, celui de la population et des ressources mondiales. Sur le plan supérieur, ' celui dont on s'occupe dans les conférences internationales et dans les journaux, la crise a pour cause immédiate l'effondrement économique dû à la guerre et la lutte que se livrent les groupes nationaux qui disposent ou sont sur le point de disposer de moyens d'extermina- tion massive. Quant à la crise qui se produit sur le plan inférieur, celle qui atteint les populations et les ressources mondiales, la presse, la radio et les grandes conférences internationales la passent à peu près sous silence. Et pourtant cette crise est au moins aussi grave que la précédente. »

Pour leur part, les économistes, les savants, les publicistes, les romanciers, les techniciens de tous ordres n'ont pas manqué d'attirer l'attention sur ce grave problème auquel le nom de Mal- thus restera attaché. Depuis dix ans, articles de revues, journaux, livres jettent des cris d'alarme ; et quelle alarme ! Pour ne pas douter de l'importance du problème, il suffit de considérer les titres mêmes de ces productions et leur puissance évocatrice : Du pain pour deux milliards d'hommes - La faim du monde - Notre planète au pillage - La double crise - Pour sortir de l'impasse - Le monde est-il menacé de la famine ? - Géographie de la faim - La faim au Brésil - Géopolitique de la faim - Trop d'enfants ?

Se reproduire et manger a été et restera une des constantes préoccupations de l'humanité attestant la puissance de l'instinct de conservation. E t si l'alimentation de l'humanité est bien un

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668 LA R E V U E

I

problème permanent, l'homme devait nécessairement être, amené à se demander si un jour le déséquilibre entre populations d'une part et subsistances d'autre part ne serait pas fatal puisque l'étendue du sol disponible est limitée et que le pullulement humain peut s'accroître sans mesure.

C'est un problème vieux en fait comme l'homme, mais qui n'a été traité que vers la fin du x v me siècle. Il a été repris depuis bien souvent et on est en droit de se demander s'il n'y a pas aggravation continue des conditions d'alimentation de l'ensemble des populations humaines de la planète. Dès 1943, la conférence d'Hot Springs, aux U. S. A., rappelait que la faim et la sous-ali- mentation existaient déjà partout dès avant 1939 et qu'il était nécessaire pour le monde d'accroître de 150 à 200 ° /0 la production des denrées alimentaires. Chacun se souvient que, malgré les consi- dérables progrès des productions agricoles de 1942 à 1946, la situa- tion alimentaire mondiale a atteint en 1946 un exceptionnel degré de gravité. E t le problème est bien loin d'être résolu puisque les experts internationaux de la FAO (Food agriculture organisation) craignent un cap difficile à franchir dans 10 ou 15 ans.

Sont-ce là des vues pessimistes ? Ce paraît être l'avis de certains hommes de science, démographes et chimistes biologistes, dont les récents travaux sont assez résolument optimistes. Selon eux, il n'y aurait pas lieu de craindre un déséquilibre trop accentué entre populations et subsistances, celles-là s'adaptant à celles-ci.

Au rebours des pessimistes pour qui le sol est le capital le plus précieux de l'homme, ils pensent que c'est au contraire l'hommo et les possibilités illimitées du progrès technique : le « phénomène faim » ne leur semble ni naturel ni irrévocable et il suffit de vouloir pour y obvier. Selon ce que l'homme fera ou ne fera pas, selon sa passivité confiante ou son désir de lutter, le phénomène faim s'accentuera ou se résorbera.

Il convient donc de bien connaître la faim et ce qu'elle a été sur la terre. « L'histoire de l'humanité, dit J. de Castro (1), a été dès le début, l'histoire de la lutte qu'elle a menée pour obtenir son pain quotidien ». C'est là simplement paraphrase du propos biblique : «Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». De l'ait, toutes les nations, tous les continents ont connu à travers les âges la famine et son effrayant cortège d'épidémies et de délabrements

(1) Géopolitique de la faim. — Paris 1952.

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LE D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L GG9 physiques et moraux. De nombreux auteurs (1) ont noté tous ces faits de famine. E t cependant, pour être certes les plus manifestes, ils ne sont pourtant pas les plus importants. J. de Castro, que l'on peut appeler le spécialiste de la faim, a pu écrire un ouvrage entier sur ce sujet et sur les « nuances de la faim ».

Il distingue les faims collectives qui sont les famines classiques et les faims occultes ou spécifiques. « Sur le dessin embrouillé et polychrome de la faim universelle, on peut observer les nuances les plus variées, depuis les plus noires et les plus impressionnantes de la faim totale, de la complète inanition qui transforme ses vic- times en véritables spectres vivants jusqu'au type plus discret de faim occulte ou spécifique qui agit à la dérobée presque sans signe apparent. Entre les deux types extrêmes, l'inanition aiguë dévastatrice et l'insidieuse déficience chronique, nous allons trouver toute une gamme de types de faim, attaquant l'humanité sous les déguisements les plus insolites et les plus spectaculaires ».

Pour vivre, l'homme a besoin d'ingérer des aliments qui, en gros, se classent en principes énergétiques, en éléments minéraux et en vitamines. S'il y a manque des principes énergétiques, on est en pré- sence du phénomène faim générale. Si l'alimentation est déficiente en ce qui concerne un ou plusieurs principes minéraux ou vita- miniques, il y a alors carence, c'est la faim occulte ou spécifique.

Selon J. de Castro, 85 °/0 de la population du globe souffrent de sous-alimentation, c'est là la faim générale. Quant aux carences, J. de Castro les a notées sur tous les continents, à peu près dans toutes les nations. Il en a fait un inventaire passionnant et boule- versant par son intensité et sa généralité.

Ne convient-il pas dans ces conditions d'insister sur deux ordres de choses ? D'une part, la faim est actuellement sur terre un phénomène endémique alors qu'autrefois on en notait plus spécialement le caractère non permanent, mais plus brutal. D'autre part, la population du globe s'accroît toujours, et c'est un problème essentiel.

On doit noter dès l'abord la difficulté incluse dans un tel énoncé et l'impossibilité de résoudre ce problème par des considérations simplistes. Un examen superficiel peut en effet permettre de con- clure aussi bien dans un sens que dans l'autre. Il ne paraît pas inutile d'en donner quelques exemples.

^ 0 ) E n particulier dans Économie alimentaire du globe, par M. Cépède et M. Lengellé, É d . Médicis, 1953).

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670 LA R E V U E

On peut prétendre, en considérant l'accroissement démogra- phique du dernier siècle, que la population du globe a doublé en cent ans et que d'ici trois cents ans la population humaine aura atteint 30 milliards d'habitants (elle est actuellement de 2,4 milliards).

Ce calcul ne laisse certes pas d'être impressionnant, mais il n'a aucune valeur puisqu'il fait une totale abstraction de la résistance du milieu, de la sous-alimentation actuelle et des carences occultes de nutrition. Il est évidemment impossible qu'un tel pullulement humain soit jamais constaté sur terre, la limite même des produc- tions alimentaires s'y opposant.

En sens inverse, on peut, d'une façon hâtive, penser que le globe pourrait être habité à une densité supérieure à l'actuelle par la seule considération de cette densité moyenne d'environ 18 habitants au k m2 alors que certaines localisations humaines atteignent 1.000. Certains auteurs ont, sous une autre forme, calculé par exemple que 2 milliards d'humains tiendraient aisé- ment dans une boîte cubique de 800 mètres de côté ou que, jetés dans le lac de Constance, ils ne feraient monter son niveau que de 30 centimètres. « De ces calculs, dit A. Sauvy (1) se dégage une impression de vide immense sur la terre et de possibilités consi- dérables en matière de populations ». Mais que valent ces consi- dérations au regard du fait que déjà les hommes de notre époque ne mangent pas à leur faim ?

Si l'on considère les subsistances on peut dire avec les opti- mistes qu'on cultive actuellement à peine 10 % des terres émer- gées (2) et qu'il est possible dans ces conditions de doubler et même de tripler les productions alimentaires. A quoi les pessi- mistes répondent qu'il ne peut en être question étant donné le rétrécissement continu des surfaces cultivées dû aux phénomènes d'érosion et d'épuisement des sols.

En un mot, l'ampleur et la complexité du problème posé est telle qu'un essai de résolutions réclame une étude complète, chiffrée, à l'abri des jugements hâtifs. On est ainsi amené à se poser diffé- rentes questions et à essayer d'y répondre :

Le monde actuel mange-t-il à sa faim ? ce qui conduit à étudier : les besoins alimentaires de l'homme, le peuplement actuel, les besoins globaux, les ressources alimentaires actuelles.

Faut-il pronostiquer une augmentation future des ressources

(1) Le faux problème de la population mondiale. Revue Population o" 3 - 1949.

(2) ' Un verger », dit l'un, une • oasis •, dit l'autre.

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LE D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 671 alimentaires ? ce qui oblige à chercher les facteurs bénéfiques et les facteurs limitatifs et de régression.

Quelle sera révolution de la population mondiale dans le siècle à venir ?

Quels sont les remèdes à proposer ?

C'est bien là le thème qui semble enfin captiver l'homme (1).

Nous l'avons repris et exposé sous tous ses aspects, du moins nous l'espérons, dans un ouvrage qui nous a demandé plusieurs années d'étude et que nous souhaitons faire éditer.

Nous nous contenterons, dans cet article, d'examiner si le monde mange à sa faim et de citer des chiffres : on en mesurera aisément la puissance évocatrice qui corrobore les constatations qualifi- catives de J. de Castro sur les faims spécifiques, endémiques, sévis- sant actuellement sur la planète.

LES BESOINS ALIMENTAIRES DE L'HOMME

L'homme pour vivre a besoin d'ingérer différents types d'ali- ments : les aliments énergétiques : glycides (hydrates de carbone), lipides (graisses), alcool (accessoirement) ; les aliments plastiques : protides (viandes, laitages, végétaux), sels minéraux, eau ; les ali- ments protecteurs : vitamines. La considération de l'ensemble : glycides, lipides et protides, permet la connaissance du besoin énergétique global de l'homme vivant précisé en calories par 24 heures. Tandis que l'étude chimique des principaux aliments conduit à déterminer, en envisageant la même durée, les rations pour chacun d'eux, y compris sels minéraux et vitamines.

En ce qui concerne les besoins minéraux, un organisme humain de 63 kg. en contient environ 2 kg. 700, dont 82 °/„ dans le sque- lette, le reste dans les parties molles. On y trouve principalement le calcium, le potassium, le sodium, le soufre, le phosphore, le chlore, le fer ; accessoirement : le cuivre, l'iode, le brome, l'arsenic, le zinc, le nickel, le cobalt, le manganèse, l'aluminium, le bore, le fluor, le plomb, le silicium, le vanadium, le titane ; à l'état de traces : le chrome, l'argent, le lithium, le césium, le rubidium, le baryum, le strontium (2).

(1) Voir n o t a m m e n t les deux excellents articles sur ce sujet qu'a publiés La Revue : Le Monde est-il menacé de la lamine ? E . Bonnefous, Revue du 15 novembre 1950. Pour nourrir les hommes, R. Pinon, Revue du 15 août 1953.

(2) Cette liste n'est nullement limitative, mais représente le connu.

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C72 LA. R E V U E

Parmi les vitamines dont on sait actuellement la nécessité on trouve :

les vitamines liposolubles : A et D et provitamine A ; les vitamines hydrosolubles : C, B , , B2, P.P.

Chiffrer le bilan calorifique n'est pas chose facile, il dépend de multiples conditions parmi lesquelles : le sexe, l'âge, la surface du corps, le poids, la saison, le climat, les occupations, e t c . . Pour nos calculs nous avons admis les chiffres préconisés par les spé- cialistes de la nutrition (M. Randoin, Pr. Ch. Richet, etc.) et que nous produisons ci-dessous en calories nettes (1), sans tenir compte d'une marge de sécurité.

Adultes d'activité moyenne, 2.400 calories ; en travail de force moyen, 3.200 calories ; en travail de force intense, 3.800 calories '.

en travail de force très intense, 5.000 calories. Enfants : de 2 à 4 ans, 1.050 calories, de 4 à 6 ans, 1.300 calories, de 6 à 10 ans, 1.650 calories. Adolescents : de 10 à 15 ans, 2.450 calories, de 15 à 20 ans, 3.000 calories. Vieillards ne travaillant pas, 1.900 calories.

Les chiffres qui précédent concernent l'homme des régions tempérées ; on les majore classiquement de 2.000 à 3.000 calories dans les régions froides, et inversement on peut réduire de 1000 à 1.500 calories dans les régions chaudes (2).

En conséquence et globalement pour nos calculs, nous avons admis les chiffres ci-dessous par continent :

Europe-Amérique : enfant, 1.800 c. ; adolescents, 3.000 c. ; adultes, 2.600 c. ; vieillards, 1.900 c. Asie-Afrique-Océanie : enfants, 1.600 c. ; adolescents, 2.800 c. ; adultes, 2.400 c. ; vieillards, 1.700 c.

Nous avons opéré de même pour les différents éléments : énergétiques, minéraux, vitaminiques. Nous reproduisons ci-dessous les chiffres résumés :

Protides : Europe-Amérique : enfants, 50 grammes ; adoles- cent, 97 grammes ; adultes, 72 grammes ; vieillards, 52 grammes.

Asie-Afrique-Océanie : enfants, 45 grammes ; adolescents, 86 grammes ; adultes, 64 grammes ; vieillards, 46 grammes.

Lipides : Europe-Amérique : enfants, 40 grammes ; adoles- cents, 72 grammes ; adultes, 65 grammes ; vieillards, 47 grammes. -

(1) Utiles à l'organisme.

(2) C'est là du moins pratiques classiques, mais critiquées p a r certaines a u t e u r s (Voir Economie alimentaire du globe, p a r M. Cépède et M. Lengellé). La chose est i m p o r t a n t e car a y a n t admis les données classiques actuelles, les chiffres des besoins alimentaires seront donc calculés par défaut.

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L E D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 673 Asie-Afrique-Océanie : enfants, 24 grammes ; adolescents, 43 grammes ; adultes, 39 grammes ; vieillards, 28 grammes.

Glycides : Europe-Amérique : enfants, 300 grammes ; adoles- cents, 520 grammes ; adultes, 500 grammes ; vieillards, 350 grammes.

- Asie-Afrique-Océanie : enfants, 290 grammes ; adolescents, 470 grammes ; adultes, 450 grammes ; vieillards, 320 grammes.

Pour les minéraux et vitamines nous n'avons fait aucune dis- tinction selon les races.

Phosphore : enfants, 900 mg. (1) ; adolescents, 1.700 mg. ; adultes, 1.400 mg. ; vieillards, 800 mg. - Calcium : enfants, 900 mg. ; adolescents, 1.500 mg. ; adultes, 1.000 mg. ; vieillards, 600 mg. - Fer : enfants, 13 mg. ; adolescents, 30 mg. ; adultes, 22 mg. ; vieil- lards, 15 mg. - Potassium : 3.000 mg. en moyenne. - Sodium : 4.000 mg. en moyenne. - Chlore : 6.000 mg. en moyenne. - Soufre : 1.200 mg. en moyenne. - Magnésium : 720 mg. - Vitamines A : enfants, 0,25 mg. ; adolescents, 0,35 mg. ; adultes, 0,30 mg. ; vieillards, 0,25 mg. - Vitamine B : enfants, 0,90 rag. ; adolescents, 1,80 mg. ; adultes, 1,70 mg. ; vieillards, 1,20 mg. - Vitamines B2 : enfants, 2.50 mg. ; adolescents, 2,80 mg. ; adultes, 2,50 mg. ; vieillards, 2,00 mg. - Vitamines C : enfants, 60 mg. ; adolescents, 100 mg. ; adultes, 90 mg. ; vieillards, 70 mg. - Vitamines D : enfants, 0,004 mg. ; adolescents, 0,006 mg. ; adultes, 0,006 mg. ; vieillards, 0,005 mg. - Vitamine P P : enfants, 10 mg. ; adolescents, 18 mg. ; adultes 17 mg. ; vieillards, 13 mg. - Provitamine A : enfants, 2 mg. ; adolescents, 3,5 mg. ; adultes, 2,3 mg. ; vieillards, 2,1 mg.

LES RESSOURCES ALIMENTAIRES DU GLOBE

Contrairement à l'apparence il est fort difficile, en l'état actuel des données statistiques, d'évaluer avec quelque exactitude les ressources alimentaires mondiales. Les raisons en sont multiples, nous nous contenterons de les énumérer : les statistiques agricoles n'existent pas dans tous les pays ; certaines productions mêmes de pays évolués ne sont pas recensées (produits des jardins fami- liaux et des élevages domestiques) ; lés produits de cueillette et de ramassage sont difficilement estimables ; les statistiques exis- tantes parlent souvent de production et non de consommation, il y a entre les deux un certain bilan de pertes de tous ordres mal

(1) Milligrammes.

1 A REVUE N» 20

(8)

674 LA R E V U E

connues : on ignore souvent la part des productions agricoles prélevées par les animaux domestiques, etc.

Le bilan que nous donnons est donc forcément inexact. Mais nous nous sommes attachés à le produire systématiquement par excès de façon à pouvoir conclure sûrement.

Pour chaque catégorie d'aliments, le dénombrement détaillé que nous avons effectué a comporté différents aspects :

Etude des productions brutes, chiffres globaux des statistiques.

Evaluation des pertes et de la consommation des animaux domestiques.

Calcul par différence des tonnages bruts disponibles pour la consommation humaine.

Détermination de la partie comestible qui seule a une valeur nutritive, le reste étant déchets de cuisine et de table.

Calcul des disponibilités pour la consommation humaine, déduc- tion faite, le cas échéant, des pertes par cuisson.

Nous donnons ci-dessous les tonnages actuels ainsi calculés disponibles pour la consommation humaine (année 1949).

Produits végétaux : Céréales : blé, 124 millions de t o n n e s ; riz, 114 millions de tonnes ; maïs, 34 millions de tonnes ; orge- seigle-avoine, 48 millions de tonnes ; divers (millet, etc.), 50 mil- lions de tonnes. - Légumes : 74 millions de tonnes. - Tubercules : pommes de terre : 93 millions de tonnes ; divers : 35 millions de tonnes. - Fruit3 : 32 millions de tonnes. - Plantes à sucre (valeur en sucre) : 33 millions de tonnes. - Oléagineux (valeur en huile) : 14,5 millions de tonnes. - Produits animaux : viande de boucherie : 23 millions de tonnes ; volailles : 4 millions de tonnes ; poissons, 9 millions de tonnes ; crustacés-coquillages, 1 millions de tonnes ; œufs, 4 millions de tonnes ; lait, 1,7 million de tonnes ; miel, 0,4 mil- lion de tonnes ; rongeurs domestiques, 3 millions de tonnes ; pro- duits de la chasse, 1 million de tonnes.

Il est aisé de traduire les chiffres ci-dessus en disponibilités : calorifiques, énergétiques, minérales et vitaminiques.

Nous avons utilisé pour cela les tables de composition des aliments de M. Raudoin et avons calculé ainsi les chiffres ci-dessous.

Calories Calories : Produits végétaux

Produits animaux Total

16.480 X l O1 1 740 x l O1 1 17.220 x l O1 1

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LE D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L «675 tonnes

Protides : Produits végétaux 3.580 X10*

Produits animaux 836 X 104

Total 4.416x10"

Lipides : Produits végétaux 1.892x10*

Produits animaux 3 9 7 x l Ou

Total 2.289 x l O4

Glucides : Produits végétaux 33.316xlO4

Produit animaux 6 4 x l 04

Total.'. 33.380 x l O4

Phosphore : Produits végétaux 813.000 tonnes Produits animaux 96.338 —

Total 909.338 — Calcium : Produits végétaux 147.400 tonnes

Produits animaux 30.622 — Total 178.022 - Fer : Produits végétaux 7.051 tonnes

Produits animaux 940 — Total 7.991 — Vitamines C : Produits végétaux 29.300 tonnes

Produits animaux 86 — Total 29.386 — Vitamines B{ : Produits végétaux 638 tonnes Produits animaux 51 — Total 689 — Vitamines Bz : Produits végétaux 423 tonnes

Produits animaux 74 — Total 497 — Vitamine PP : Produits végétaux 10.854 tonnes Produits animaux 1.384 — Total 12.238 — Provitamine A : Produits végétaux 2.026 tonnes

Produits animaux 17 — Total 2.043 —

Vitamine A : Produits végétaux — Produits animaux 9,5 tonnes

Total 9,5 —

Vitamine D : Produits végétaux — Produits animaux 1,5 tonne

Total 1,5 —

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6 7 6 * LA R E V U E

L'examen des chiffres qui précèdent permet déjà certaines remarques fructueuses :

a) Nos chiffres précisent V importance primordiale des ali- ments végétaux dont Vhomme tire la majeure partie de ses subsis- tances :

80 à 99 % des aliments calorifiques et énergétiques 80 à 88 % des aliments calorifiques et minéraux 85 à 99 % des aliments vitamines hydrosolubles 99 % des provitamines A.

b) L'intervention des aliments animaux atteint exception- nellement 20 % pour les seuls cas des protides, lipides et calcium, et 15 % pour la vitamine B2 (viandes, poissons, œufs).

t

c) La totalité des vitamine A et D est de provenance animale (poissons, coquillages, crustacés, œufs).

Dans la classe des produits végétaux il y a quelque intérêt à considérer de divers point de vue les apports des divers sous-groupes ; ils sont désignés en % au tableau ci-dessous :

PRINCIPES Céréales Tubercules Légumes Fruits

Plantes

à

sucre

Plantes

à

huile 75,4 % 8,3 % 1x>*> 10 Q 0 / 7,5 % 7,5 %

88,1 11,4 0,5

—-

28,6 80,6 1,7 8,7 0,5 1,4

9,3 69,2

86,3 12,7 1,0

— — —

59,4 37,4 3,2

— —

69,0 28,3 2,7

— —

97,7 2,3

— —

66,3 31,4 2,3

— —

— Ba 56,0 40,5 3,5

— —

79,2 20,8

— —

— P P 27 72,5 0,5

On aperçoit ainsi clairement l'importance relative des diffé- rentes sortes d'aliments.

Les céréales (et surtout le blé et le riz) fournissent à l'homme la plus grande partie (1) de ses calories, protides, glycides et phos-

( 1 ) Ch. Rlchet a pu écrire que « la culture des céréales et la découverte du feu ont été les deux éléments sans lesquels t o u t e civilisation eût été impossible •.

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LE D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 677 phore ; satisfont plus de la moitié des besoins en calcium, fer et vitamines B, et B2 ; enfin, interviennent pour un quart dans les besoins en lipides et en vitamine PP.

Les légumes jouent un rôle prépondérant pour les exigences vitaminiques (surtout vitamines C, P P et provitamine A), inter- viennent d'une manière importante pour couvrir les besoins miné- raux (calcium, fer) mais restent assez effacés vis à vis des nécessités énergétiques.

Les fruits ne jouent qu'un rôle négligeable vis-à-vis des besoins énergétiques et minéraux, et même des vitamines, sauf peut-être pour la vitamine C dont ils fournissent 20 %. Nous tirons de là la conséquence qu'à tous points de vue les fruits ne jouent qu'un rôle modeste dans Valimentation globale mondiale.

Cela pourra paraître surprenant à d'aucuns ; mais nous ne pouvons faire que les chiffres ne parlent pas.

Peut-être les fruits constituent-ils plutôt un médicament- aliment qu'un véritable aliment (stimulation des sécrétions diges- tives, accélération du transit intestinal, rôle anticonstipant).

Le sucre lui aussi ne paraît pas être un véritable aliment, mais seulement l'aliment-médicament type du muscle, en dehors de ses propriétés gustatives très recherchées.

Les matières grasses sont l'aliment calorigène par excellence (69,2 % en lipides).

Des remarques analogues peuvent être faites pour les produits animaux.

P R I N C I P E S

Calories Protides Lipides Glycides

Phosphore . . . . Calcium

Fer

Provitamine A Vitamine Bt .

— B3 .

— C . . .

— P P . .

— A . .

— D . . .

Viandes de

Volailles

Rongeurs P o i s s o n s Coquillages

Crustacés Œ u f s L a i t boucherie Chasse

Coquillages Crustacés

53,2 % 18,9 % 16,3 % 1,1 % 8,8 % 1,7 %

2 0 , 3 19,3 1,6 6,2 0,7

52,1 27,3 15,8 0,3 12,0 1,5

41,8 14,0 11,8 5,9 26,5

47,6 16,7 23,4 2,4 8,3 2,6

7,5 2,1 8,9 2,3 72 7,3

58,5 16,6 9,6 3,2 11,9 0,2

9 9 , 3 0,7

36,1 41,1 13,4 2,1

1,8

5,2

10,6 2,1 48,7 16,7 20,4

2,1 1,8

5,2

10,6 1,8

• —

20,4

79,2 20,8

54,9 25,6 18,0 1,0 0,2 0,3

2,0

. — .

25,0 3,0 70,0

0,3 2,0

97,5

2,4 0,1

(12)

678 LA R E V U E

Viandes de boucherie. Leur rôle est considérable dans le bilan

« produits animaux » : ils fournissent les 2 /3 de tous les principes calorifiques, énergétiques et minéraux (sauf en calcium dont ils ' sont pauvres). Du point de vue vitaminiques : les 3 /4 des vitamines

Bt, B2 et P P . Elles sont dépourvues en revanche des vitamines A, C et D et de la provitamine A.

Poissons. Dépourvus de glycides, ils fournissent de 15 à 20 % des principes calorifiques, énergétiques et minéraux ; ils comblent 15 à 20 % des tonnages en vitamine Bt, B2 et P P ; ils sont dépour- vus de vitamine C et de prov. A. Par contre ils donnent la presque totalité des vitamines D et le 1 /4 des vitamines A (cela par rapport à la production mondiale puisque les végétaux n'en contiennent pas).

Coquillages et crustacés. Ils n'interviennent à peu près pas dans le bilan global. Ils sont intéressants. du seul point de vue des vitamines C dont ils fournissent 80 % (mais sans intérêt d'ail- leurs devant la production végétale).

Œufs. Ils offrent un intérêt du point de vue calcium et un peu fer et lipides. Leur gros intérêt gît dans les vitamines A : 70 % de la production mondiale (puisque les végétaux n'en contiennent pas) et la presque totalité des provitamines A du règne animal.

Le lait. C'est le type même des aliments complets, il contient plus ou moins de tous les principes nécessaires. C'est le seul ali- ment important à jouir de cette propriété (les œufs l'approchent puisqu'il ne leur manque que la vitamine C). Globalement cependant, ils n'interviennent que fort peu.

LA POPULATION DU GLOBE

Sans préciser l'évolution de l a population du globe au cours des âges, et sans discriminer les populations des différentes nations il nous suffira, pour les besoins de nos calculs, de donner la popu- lation actuelle du globe par continent et par groupes d'âges selon le classement suivant : de 0 à 14 ans, enfants ; de 15 à 20 ans, adolescents ; de 21 à 59 ans, adultes ; au-delà de 60 ans, vieillards.

D'où les chiffres du tableau ci-dessous valables pour l'année 1949 (en millions).

(13)

LE D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 670 vieillards Europe 154 41 320 77 Asie 512 154 570 64 Afrique 70 24 96 10 Amérique 104 28 165 28 Océanie 5 1 6 1

Totaux 845 248 1157 180 2.410 millions

LE MONDE ACTUEL M ANGE- T-IL A SA FAIM ?

Nous connaissons les besoins journaliers moyens, nous avons dressé l'inventaire des ressources alimentaires mondiales, avons précisé l'importance des groupes humains classés selon Fàge et les continents. Nous sommes donc à même d'apprécier objective- ment et en chiffres.

Le tableau ci-dessous résume nos calculs et fait ressortir, au regard des disponibilités et des besoins, les insuffisances.

Éléments nutritifs

Calories Protides Lipides Glycides Phosphore Calcium Fer Potassium Sodium Chlore Soufre Magnésium Vitamine A . . . .

— P>! .. . .

H-i • • - •

— C . . . .

— D . . .

— P P . . Provitamine A .

Disponibilités

17 4.

2.

33.

.220 x 104 416 x 104 289 x 104 380 x 104 909.378 t.

178.022 7.991 374.000 321.000 386.600 692.000 245.600

9,3 t.

689 t.

497 t.

29.386 t.

45 t.

12.238 t.

2.043 t.

t.

t.

t.

t.

t.

t.

t.

Besoins

19,331 5.307 3.588 36.280 2.067 868 16 2.640, 3.525 5.290 1.065 282 2 1 1 68 12 2

x 104 1 x 104 x 104 x 104 .000 t.

900 t.

.740 t.

.000 t.

.000 t.

t.

t.

t.

t.

000 000 .000 50,9 .239 t.

.878 t.

.610 t.

4,6 t.

.659 t.

.031 t.

Insuffisances

14 % 17 % 36 % S % 10 % 79 % 52 48 91 93 35 13 44 % 73 % 57 % 68 % A 0/

* /o

néant Continents enfants adolescents adultes

(14)

680 LA R E V U E

Les chiffres que nous venons de calculer permettent de conclure à l'insuffisance généralisée des productions alimentaires mondiales.

Seuls les besoins en provitamine A sont globablement assurés.

En somme, Vital de faim est endémique dans Vhumanité. E t nous sommes en mesure de préciser les caractéristiques de cet état.

a) La carence des subsistances est généralisée à toutes les natures de productions alimentaires (sauf les provitamines A). Ce résultat global n'a-t-il pas d'extraordinaires conséquences du point de vue pathologique et thérapeutique ?

b) Le déficit calorifique est de 14 %, c'est-à-dire qu'au lieu de 2.260 calories quotidiennes nécessaires l'homme ne dispose que dé 1.960 calories (1). Notons par ailleurs que nous avons évalué les besoins plutôt par défaut et les productions par excès, c'est- à-dire que l'insuffisance de 14 % est très certainement une limite inférieure. Sans doute n'est-ce pas catastrophique, mais il s'agit cependant là d'un chiffre global qui implique des insuffisances cer- tainement très graves en certains pays. Pour permettre d'en juger rappelons que le Prof. Ch. Richet admet qu'en dessous de 1.800 calories les méfaits de la sous-alimentation apparaissent.

c) Concernant le déficit protidique de 17 % des considérations du même ordre peuvent être formulées.

d) L'insuffisance lipidique de 36 % est considérable et les besoins plastiques des organismes ne sont très certainement pas satisfaits.

La possibilité de consommation mondiale journalière moyenne ressort avec un total de 2289x10'' tonnes pour 2.410 millions d'habitants, à 26 grammes, alors que les besoins moyens atteignent 41 gr. D'autre part, selon le Pr. Ch. Richet, le minimum vital serait de 35 gr. pour l'homme des régions tempérées dont la ration nor- male est de 65 gr. Nous avons admis 39 gr. seulement pour l'Afri- cain et l'Asiatique, soit 21 gr. comme minimum vital. Compte tenu des peuplements respectifs, le minimum vital mondial ressort à 26,2 gr. Ce qui signifie encore que les disponibilités lipidiques mondiales actuelles ne permettent d'assurer que le minimum vital, cela s'entendant nécessairement d'un point de vue global et moyen.

e) Le déficit en phosphore de 16 %, de l'ordre de grandeur de

(1) Nous avons retrouvé l'ordre de grandeur de ce chiffre par une a u t r e m é t h o d e qui offre avec nos calculs un excellent recoupement ; nous avons utilisé pour cela les t r a v a u x de la démographe américaine Irène P. Tacuber (L'Eugénique, par ,1. S u t t e p . Paris 1950) qui a donné un t a b l e a u des calories disponibles par h a b i t a n t pour les principaux p a y s (en calories achetées au détaillant). On trouve ainsi en moyenne 2.445 calories dont il faut dé- duire les pertes à la consommation et à la cuisine, comprises entre 5 et 10% ; si nous ad- m e t t o n s 7 %, il reste 2.275 calories brutes, ou encore : 2.04S calories nettes après déduc- tion de 10 % pour matières fécales). C'est là à 4,5 % près notre chiffre de 1.960 calories.

(15)

LE D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 681 celui concernant le calorique, ne saurait, lui non plus, du seul point de vue des possibilités vitales actuelles, exercer d'influence déterminante.

/) En revanche les déficits en calcium et fer : 79 et 52 %, sont certainement d'importance primordiale. Il y a là très probablement une carence minérale généralisée de deux des principaux sels néces- saires à l'organisme humain. Ces possibilités de carence calorique et ferrique sont certes bien connues des médecins mais il ne paraît pas que leur caractère endémique généralisé ait été remarqué jusqu'ici.

Il paraît s'agir, tout au moins pour la carence calcique, d'une constatation intéressant à peu près tous les hommes de la planète.

Chaque humain, naît, vit et meurt avec son insuffisance calcique.

g) Le déficit potassique de 48 % est lui aussi considérable.

h) Il en est de même du déficit en soufre : 35 %.

i) Le déficit magnésien : 13 % paraît relativement modeste.

Mais il peut en fait paraître suspect pour les raisons ci-après.

Notre chiffre de 282.000 tonnes de besoins a été évalué sur la base de 320 mg. par jour, actuellement classique et admise en igno- rance de certaines carences magnésiennes signalées depuis un certain temps, c'est-à-dire qu'il s'agit là d'un chiffre très faible puisque précisément il permettrait ces états de carence. Quelle serait la dose requise ? Elle a été étudiée par MM. Javillier, Navellay, Favier avec les données récentes des thérapeutiques Delbet- Neveu et se situerait entre 1500 et 1800 mg /jours. — Les besoins mondiaux atteindraient alors 1.320.000 tonnes, donnant un déficit de 81 %.

j) Le déficit sodium-chlore est de 91 à 93 °/0. C'est considérable, mais le chiffre des disponibilités ne tient compte que des éléments Na et Cl contenus dans les denrées alimentaires. Cependant chacun sait que l'homme sale ses aliments par des apports directs de chlo- rure de sodium. Selon Ch. Richet la consommation de sel par jour et par tête varierait de 17 à 21 gr. : 12 à 15 gr. en utilisation directe, 3 à 4 gr. dans le pain consommé et 2 gr. seulement contenus dans les autres aliments. L'insuffisance chlorurée sodique des aliments naturels servis en France est donc de 88 à 90 %. C'est bien là l'ordre de grandeur des chiffres du tableau, un peu en dessous, comme il se doit, de la moyenne mondiale, la soif de sel devant être en effet plus accusée pour les pays à civilisation moins avancée.

Mais cette insuffisance n'est pas grave; la planète regorge du condi- ment sel, un m3 d'eau de mer en contient 25 à 30 kg. L'insuffisance

(16)

682 LA R E V U E

en chlorure de soude n'est donc pas en fait à considérer ; il est pro- bable que l'humanité sait, dès maintenant, satisfaire ses besoins. C'est du moins là le sentiment que nous en avons, l'absence de statis- tiques mondiales sur le sel ne nous ayant pas permis de vérifier le chiffre des disponibilités réelles.

k) Globalement Vinsuffisance minérale mondiale ressort à 72 % ; ce chiffre étant, à priori, pour le moins surprenant, nous en avons contrôlé l'ordre de grandeur par un autre moyen. Selon les physio- logistes, les excrétions minérales de l'homme atteignent en moyenne 32 gr. par jour, les voies d'élimination étant : l'urine, les fèces, la sueur, la salive et les phanères (ongles et cheveux). Si nous consi- dérons un homme mourant à l'âge moyen de 50 ans, le poids de ses excréta minéraux atteindra 590 kgs. C'est là un chiffre raison- nable. On connaît en effet à peu près les quantités d'urine et de matières fécales que l'on doit évacuer d'une agglomération, les techniciens de l'assainissement en faisant usage pour le calcul des capacités d'évacuation des réseaux d'égouts : on admet 1.330 gr/jour dont : matières organiques : 90 gr., matières minérales, 24 gr., eau, 1.216 gr.

En 50 ans, l'excréta minéral représente donc 440 kgs.

D'autre part, la sueur évapore de 700 à 1.000 gr. d'eau ; si on admet 0,5 % de minéraux sur 850 gr. en moyenne, on arrive à 50 ans, à 78 kgs. Il resterait donc pour la saline et les phanères

590 — (440 + 78) = 72 kg.

Nous n'avons pu trouver le moyen de vérifier ce chiffre niais il ne paraît pas excessif.

En conséquence le chiffre de 590 peut être admis.

D'autre part, la richesse minérale de l'homme n'était pas nulle en naissant, on peut admettre 0,500 ; elle n'est pas nulle non plus à la mort ; environ 2,500.

L'homme durant sa vie a donc gagné environ 2 kg. de miné- raux. E t qu'a-t-il consommé ?

Ce que lui permettent les disponibilités que nous avons chiffrées précédemment. Celles-ci sont exprimées en poids des corps simples (métaux et métalloïdes). Mais les analyses d'excreta que nous venons de citer s'expriment en corps combinés, il faut donc transposer ; le calcul donne : Cao : 248.0001., P205:2.100.000t., F e203: 1 8 2 . 0 0 0 t.

K20 :1.690.0001., N a20 :430.0001., Cl : 386.0001., SO3 :1.730.0001., Mgo : 414.000 t. Au total : 7.180.6001. Soit par habitant en 50 ans :

150 kg.

(17)

L E D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 683 Par conséquent, l'homme a absorbé durant sa vie 150 legs, de matières minérales dont il n'a gardé que 2 kgs. / / aurait donc excrété 148 kgs. Or nous avons calculé précédemment 590. Alors ? c'est assez simple. L'homme bien nourri excrète 590 durant sa vie, c'est l'homme-type, physiologiquement équilibré. Mais l'homme moyen n'a pas ces possibilités, il ne dispose, lui, que de 148 kgs, la richesse minérale des denrées mises à sa disposition ne lui permet pas plus. Le rapprochement de ces deux chiffres : 590 kgs, ce qui devrait être, et 148 kgs, ce qui est, indique une insuffisance moyenne globale de 75 %. La concordance n'est-elle pas satisfaisante avec le chiffre précédent de 72 % ?

Les insuffisances vitaminiques sont considérables, sauf pour la vita- mine P P dont la production couvre les besoins à très peu près. Le déficit varie de 44 à 96 % ; le manque le plus grave concerne la vitamine B2 : 73 % et surtout A : 96 %

Les avitaminoses sont-elles donc aussi à Vétat endémique sur le globe ?

Avitaminose A, troubles de croissance, héméralopie (1), xéroph- talmie (2), kératinisation de la peau, certains troubles thyroïdiens, ulcères gastriques.

Avitaminose Bi, béribéri, précédé de névrites, œdème, accidents cardiaques, polynévrite alcoolique, delirium tremens, polynévrites diabétiques, troubles occulaires, pieds gelés.

Avitaminose B2, dermatoses, lésions diverses, troubles occulaires, non assimilation des graisses.

Avitaminose C, scorbut et ses complications multiples.

Avitaminose D, rachitisme.

Ces avitaminoses et la vitaminothérapie ne doivent-elles pas, elles aussi, être envisagées sous le four nouveau des considérables insuffisances vitaminiques mondiales ? (3)

Et les pluricarences ne sont-elles pas la règle?

Ne sommes-nous pas en mesure de conclure : Vhumanitê actuelle ne mange pas à sa faim ?

(1) Difficulté de voir dans la demi-obscurité, relation éventuelle avec la fréquence des accidents automobiles du crépuscule.

(2) Ulcération puis perte de l'œil.

(3) Sans doute sait-on faire la synthèse de la plupart des vitamines et la chimie biologique pourait-elle p e r m e t t r e d'annuler le déficit. Cependant les spécialistes mêmes de l'alimenta- tion n'envisagent pas sans inquiétude une telle solution. « L'usage des vitamines synthé- tiques sous une forme concentrée ne doit être q u ' u n e exception », dit M. Randoin.

(18)

C84 LA R E V U E

Beaucoup s'en doutaient et depuis longtemps. Mais à l'égard des famines qui, au cours de l'histoire, ont dépeuplé des pays entiers, on pouvait être tenté de les considérer comme phénomènes locaux, valables en temps et lieux seulement, mais ne portant nulle atteinte aux possibilités nourricières du globe. A voir également le peu de soins apportés à certaines denrées alimentaires et aussi la des- truction systématique dont quelques-unes ont été l'objet, on pou- vait penser qu'il y avait sinon pléthore, du moins large suffisance.

Il a suffi de chiffrer les subsistances, les hommes et leurs besoins et de laisser parler les chiffres. Ils plaident éloquemment, semble- t-il.

Bien entendu notre étude est synthétique, elle présente le

« phénomène faim » du point de vue global, pour l'ensem- ble de l'humanité. E t il est évident que si en quelques endroits il existe des édens alimentaires, il y a de par le monde des foules humaines dont la situation alimentaire est très en dessous encore de ce que laisse paraître notre tableau des insuffisances. Et c'est bien pourquoi celui-ci présente pour l'humanité actuelle et surtout future un caractère d'extrême gravité.

Quand on parle « famine » on voit immédiatement apparaître à l'esprit des images-types : pullulement humain famélique des villes chinoises, foules inertes de Bénarès, humanité mourante des camps nazis, primitif de la forêt équatoriale à la recherche de sa nourriture, Esquimau vidant goulûment un estomac de renne ou de phoque.

Mais il s'agit en fait de bien autre chose, puisque c'est le peu- plement humain entier du globe qui crie famine ; le « phénomène faim » n'est pas le triste privilège de quelques-uns, c'est un drame collectif. Certains en ont eu l'intuition, nous avons pu en chiffrer les caractéristiques.

C'est là un problème d'importance, probablement le principal.

L'humanité pensante s'en est longtemps désintéressée. Faut-il voir dans ce néant inexplicable les raisons qu'en donne le Pr. Josué de Castro (1) à savoir : la faim et le sexe, sujets impurs et scabreux, donc tabous ? Faut-il ajouter foi à ce qu'en dit le Pr. A. Mayer qui explique l'attitude de résignation devant la faim comme naissant

« de la conviction millénaire que les maux dus aux fléaux naturels sont inéluctables ? »

(1) Géographie de la faim, La Faim au Brésil et Géopolitique de la faim.

(19)

L E D É F I C I T A L I M E N T A I R E M O N D I A L 685 Nous pensons que chaque chose vient naturellement en son temps et que la question ne pouvait être traitée qu'à un stade relativement "avancé de l'évolution de l'humanité, celui" qui pou- vait précisément permettre d'étudier le problème avec des chiffres.

Les ouvrages du Pr. J. de Castro corroborent sur bien des points nos conclusions et donnent des carences minérales et vitami- niques des exemples singulièrement démonstratifs. Son livre trai- tant de la Faim au Brésil n'est que le premier d'une géographie de la faim devant comporter cinq tomes : le second traitant de l'Amé- rique en général, le troisième de l'Afrique, le quatrième de l'Asie et le dernier de l'Europe. Cette énumération fait bien sentir le caractère très général du « phénomène faim » dans le monde, son universalité. C'est là l'ordre qualitatif du phénomène, nous pensons en avoir déterminé le côté quantitatif, et confirmé l'existence de ce que J. de Castro a appelé « l'érosion de l'homme ».

Les raisons n'en sont-elles pas les insuffisances généralisées minérales et vitaminiques que nous avons indiquées ?

N'y a-t-il pas là pour la pathologie et la thérapeutique modernes une voie de recherches ?

Car si tel n'est pas le cas, si ces carences colossales ne sont pour la santé humaine que d'intérêt restreint, n'est-ce pas alors que les données sur lesquelles sont basés nos calculs, à savoir les besoins tels qu'ils sont définis par la science alimentaire dans son état actuel, sont non moins colossalement fausses ?

La question doit être posée et l'intérêt primordial de toute l'humanité exige une réponse urgente.

A. G U E R R I N .

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