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Dionysos Solomos. Hymne à la liberté. traduit par Xavier Bordes et Démosthènes Davvetas

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Dionysos Solomos

Hymne à la liberté

traduit par Xavier Bordes et Démosthènes Davvetas

Publié en 1823, l’Hymne, dont Nicolas Mantzaros fit une cantate en 24 chœurs, est devenu l’hymne officiel grec.

Libertà vo cantando, ch’è si cara Corne sa chi per lei vita rifiuta.

Dante

1. Je te connais d ’après le fil T errifiant du cim eterre.

Je te connais par le profil Q ui violent m esure la terre.

2. Surgie d ’entre les ossements Des H ellènes — des os sacrés, E t valeureuse comme avant Salut, ô salut, liberté !

3. C ’est là-bas que rongeant ton frein T u restais, am ère, farouche,

E t tu attendais q u ’une bouche U n jour te signifie : reviens.

4. Il tardait à venir, ce jour, E t partout n ’était que silence, C ar l’esclavage opprim ait tout E t la p eur, de son om bre imm ense.

5. M alheureuse ! Il ne te restait Rien autre pour te consoler Q u ’évoquer les grandeurs passées E t les racontant, à pleurer.

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6. E t d ’attendre, et d ’attendre en vain U n mot d ’am our à ton égard, U ne m ain battan t l’autre m ain Sous l’effet de ton désespoir,

7. T u disais : quand ma tête, ah quand, Perceras-tu l’isolem ent ?

D ’en h aut ne répondaient po u rtan t Que larm es, chaînes, hurlem ents.

8. Alors tu levais u n regard

T o u t em brouillé de chaudes larm es, E t tes vêtem ents suaient du sang H ellénique, beaucoup de sang.

9. Avec ces vêtem ents sanglants Je sais q u ’en secret tu sortais P our t ’en aller à l’étranger R equérir d ’autres bras puissants.

10. C ’est seule que tu pris la route E t c’est seule que tu revins ; Elles sont rétives les portes Auxquelles frappe le besoin.

11. L ’un te pleura sur la poitrine, M ais de s’attend rir ne fit m ine ; L ’autre prom ettant du secours N e te jouait q u ’u n affreux tour.

12. D ’autres, « hélas ! » à ton m alheur D ont on les sentait très contents :

« Va donc retrouver tes enfants, Va donc », répondaient ces sans-cœur.

13. T a jambe s’élance en arrière E t ton pied foule à toute allure T an tô t l’herbe tan tô t la pierre O ù l’écho de ta gloire dure.

14. T rois fois m isérable tu portes La tête penchée hum blem ent,

Com m e u n pauvre qui frappe aux portes E t pour lequel vivre est pesant.

(3)

15. O ui ; mais chacun de tes enfants Se jette ardem m ent au plus fort D u com bat, sans repos cherchant Soit la victoire soit la m ort.

16. Surgie d ’entre les ossements Des H ellènes, — des os sacrés, E t valeureuse comme avant Salut, ô salut, L iberté ! 17. A peine vit-il ton ardeur

Le ciel, qui pour tes ennemis D ans ton terroir originel

N ourrissait les fleurs et les fruits, 18. S’apaisa ; puis il s’épandit

U ne clam eur dans les enfers, E t de ton Roi lui répondit La vocifération guerrière.

19. T outes tes nations t ’appelaient T e saluant avec ferveur, E t mille bouches proclam aient T o u t ce que ressentait le cœur.

20. Elles crièrent aux étoiles D ’Ionie et aux archipels, E t pour m anifester leur joie Levèrent leurs bras vers le ciel, 21. Q uoiqu’elles fussent enchaînées

Chacune m atériellem ent,

E t q u ’à leurs fronts il soit gravé Ces mots-ci : L a L i b e r t é m e n t . 22. D u fond du cœur se réjouit

L a terre de W ashington, car Elle avait des fers en m ém oire Q ui l’avaient liée elle aussi.

23. D e son château, tendant le col E t balançant de la crinière, A rugi le L ion Espagnol D isant : Salut, à sa m anière.

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24. Aussitôt la Bête A ngleterre S ’alarme et prise de souci, Pousse aux confins de la Russie Des m ugissem ents de colère.

25. Elle m ontre, d ’avoir bougé,

Com bien ses m em bres sont puissants E t jette à l’onde de l’Égée

U n long regard étincelant.

26. T andis que t ’ouvre le chem in Des nuées le regard de l’Aigle Q ui se n ourrit, serres et ailes, Des entrailles de l’Italien ; 27. E t qui tourné de to n côté,

Parce q u ’il t ’a toujours haïe, C riait, criait, pauvre fêlé, Pour te nuire, s’il le pouvait.

28. T o i po urtant tu ne songes q u ’à L ’endroit vers où porter ton pas ; T u te tais, ne réagis pas

A ux insultes que tu reçois ; 29. T el ce rocher qui par dédain

Des assauts d ’une onde souillée Laisse ruisseler à ses pieds U ne écum e aisém ent éteinte, 30. Laisse le vertige du vent,

Avec la pluie, avec la grêle, Se dépenser en flagellant Sa grande arête éternelle.

31. M alheur, ô m alheur à celui, Quel q u ’il soit, qui va se trouver Sous ton couteau et, libre à lui, S’efforcera d ’y résister.

32. L a bête ulcérée qui repense A quel point ses petits soudain L u i m anquent, se crispe, s’élance, Puis altérée de sang hum ain,

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33. C ourt, court par la forêt entière, Les précipices, et les m onts, E t où q u ’elle parvienne, ou erre, Sème h orreur, m ort, désolation.

34. D ésolation, horreur et m ort N ’im porte où, toi aussi, tu passes ; D e ton fourreau, l’épée dehors T ’incite à toujours plus d ’audace ; 35. Vois devant toi : le m u r se dresse

D e T ripo lis la m isérable ; A présent le désir te presse D ’y jeter ta foudre effroyable.

36. L e regard exalté de l’âme T e m ontre toujours victorieuse, M êm e si l’endroit est plein d ’armes E t de stridences belliqueuses.

37. Ils frim ent, choquant leurs cuirasses, Que tu voies le nom bre q u ’ils sont ; N ’entends-tu pas comm e ils m enacent Par m illiers, hom mes et garçons ? 38. Peu d ’yeux, peu de bouches encor

Parm i vous garderont vigueur Assez pou r pleurer sur les corps Que va rencontrer le m alheur.

39. Ils descendent : alors flamboie La guerre comme u n incendie ; Le fusil s’allum e, foudroie, Le sabre tranche, et resplendit.

40. P ourquoi la bataille fut courte ? Peu d ’effusions de sang, pourquoi ? Je vois l’ennem i en déroute

M o n ter au château, plein d ’effroi.

41. C om pte, com pte... Ils sont innom brables Ceux que fait fuir leur lâcheté ;

Les blessures sans cesse accablent

Leurs dos, jusqu’à ce q u ’ils soient m ontés.

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42. Là-bas dedans vous attendez La destruction inexorable ; T enez, la voici ; ripostez Au noir de la nuit effroyable.

43. Ils ripostent, et se ranim e Ainsi le com bat, dont s’étend

Ju sq u ’aux lointains, de cime en cime, Le vacarme, terriblem ent.

44. J ’entends tirer, des fusils crachent, J ’entends des sabres cliquetants,

J ’entends des coups, j’entends des haches, J ’entends des grincem ents de dents.

45. A h ! Q u ’est-ce q u ’u n e n u it pareille, D ont la pensée frém it encor ? Il ne venait d ’autre sommeil Q ue l’âpre sommeil de la m ort.

46. L a scène : heure et situation, Les hurlem ents et la mêlée, L ’âme endurcie d ’u n e façon Propre à la guerre, les fumées, 47. Les grondem ents, l’obscurité,

O ù les feux se détachent bien, T o u t paraissait représenter L ’Hadès qui attendait les chiens.

48. Il attendait. — Des om bres nues Se m ontraient, innom brables, frêles, Vieillards, garçons, filles m enues, Bam bins encore à la mamelle.

49. E t toute noire, elle fourm ille N oire, la confrérie tom bale, Com m e la m ante qui habille L e lit de l’agonie finale.

50. T a n t, et tant s’y sont retrouvés Q ui succom bèrent sur la terre, Q ue d ’iniquem ent égorgés P ar l’ottom ane colère.

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51. A utant q u ’il est tom bé d ’épis Fauchés sur l’étendue des chaum es ; A peu près tous ces endroits-ci Étaient couverts de ces fantômes.

52. N ulle obscure clarté d ’étoile, T andis que tous s’agglutinaient, Escaladant la citadelle

D ans u n silence sépulcral.

53. Ainsi en bas dans les vallées, Q uand la lune décolorée Suscite un e vague buée, D ans l’épaisseur de la forêt, 54. Si les vents m ugissants s’excitent

Aux vides des branches qui bâillent, Les noirceurs s’agitent, s’agitent, Sous les ram eaux qui les fouaillent.

55. D e leurs yeux luisants d ’im patience Ils recherchent le sang caillé,

E t dans les flaques de sang dansent Avec d ’affreux cris enroués,

56. D ansant la fureur les dom ine Près des H ellènes — à côté — Ils les palpent à la poitrine

D u contact de leurs m ains glacées.

57. Cet attouchem ent les atteint

Ju sq u ’au plus profond des entrailles, D ’où dissipé tout le chagrin,

La férocité les travaille.

58. Alors s’intensifie la danse D e guerre, épouvantablem ent, Comme la dissém ination du vent D ans l’esseulem ent de la m er.

59. T ous frappent d ’estoc et de taille ; D e tous les coups qui sont portés C hacun d ’eux est u n coup fatal, Sans q u ’il soit besoin de doubler.

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60. C hacun des corps transpire, écume Com m e si l’âme de ces corps, Sous la haine qui la consume L u ttait pou r prendre son essor.

61. Des battem ents de cœur résonnent D ans leurs poitrines lentem ent, M ais les m ains palpitantes donnent Leurs coups bien plus rapidem ent.

62. D e ciel, — pour eux il n ’en est pas N on plus que de m er, ni de terre, Pour chacun d ’eux tout est là-bas C oncentré dans la m êm e sphère.

63. Tels sont la rage et le vertige, Que l’on se su rpren d à douter Si de l’u n et l’autre côté Il va rester âme qui vive.

64. Vois comm e elles fauchent des vies T outes ces m ains désespérées ! Sur le sol tom bent à l’envi Bras, jambes et têtes coupées, 65. Les cartouchières, les épées,

L uisent de cervelle éclatée, Près des crânes ouverts à fente Les entrailles sont palpitantes.

66. Personne ne semble en souci N on, personne, de la tuerie ; T ou s vont de l’avant. O h ! Suffit, Suffit ; ju sq u ’où la boucherie ? 67. Q ui osera qu itter la place

Avant q u ’on l’ait raide étendu ? Aucun d ’entre eux ne se sent las E t l’on se croirait au début.

68. Les rangs des chiens se raréfiaient E t ils criaient : Allah, Allah ; Les lèvres des C hrétiens criaient D e leur côté : feu là, feu là !

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69. Ils se battaient comm e des lions, C riaient sans cesse : feu — par là ! D ispersaient l’abom ination

T oujours en train d ’hurler Allah.

70. P artout la terreu r et l’effroi P artout des cris et des soupirs ; P artout des larm es, du fracas, E t partout des gens qui expirent.

71. Ils étaient tant ! pour qui les balles Aux oreilles ne chantent plus.

A la quatrièm e aube pâle T ous au sol sont tous étendus.

72. Com m e u n fleuve le sang s’accroît E t s’écoule dans la vallée,

E t une herbe innocente boit D u sang en guise de rosée.

73. Brise fraîche de l’aube, toi, N e va plus souffler m aintenant D ans l’étoile des faux-croyants ; M ais souffle, souffle dans la C R O IX . 74. Surgie d ’entre les ossements

Des H ellènes — des os sacrés, E t valeureuse comm e avant Salut, ô salut, L iberté !

75. A C orinthe aussi : vois les plaines ; M ais le soleil y fait défaut,

Il ne luit plus sur les platanes, Sur les vignes, ni sur les eaux ; 76. A travers les éthers tranquilles

N ’éveillent d ’innocents échos N i le chalum eau volubile, N i le bêlem ent des agneaux ; 77. Il accourt des m illiers de chars

Com m e la houle au littoral ; M ais les valeureux pallicares N ’en redoutent pas le total.

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78. O L éonidas, ô T rois Cents ! Levez-vous et revenez-nous ; Regardez comme vos enfants Se m ontrent semblables à vous.

79. T o us ceux d ’en face en ont grand-crainte.

P iétinant en aveugle, ils vont Se barricader dans C orinthe E t tous bientôt y périront.

80. C ar l’ange du désastre y jette La Fam ine ainsi que la Peste ; Q ui sous la forme de squelettes P rom ènent leur couple funeste.

81. E t gisant parm i les prairies M ouraient partout aux environs A utant de piteuses scories D e fuite et d ’exterm ination.

82. E t toi, l’im m ortelle, divine, T o i qui pou rtan t peux, Liberté, T o u t ce que tu veux, tu chemines P ar les plaines, ensanglantée.

83. D ans l’om bre la m ain dans la m ain Dans l ’om bre moi aussi je vois, Des jeunes filles qui, en train D e danser, ont des lys aux doigts.

84. Dans la danse en douceur tournoient E rotiquem ent, leurs beaux yeux, T andis que dans la brise ondoient L e noir et l’or de leurs cheveux.

85. M on âme à ce m om ent jubile D e ce que, tendrem ent pointé, Le sein de chacune distille E n lait bravoure et liberté.

86. Parm i les foins, parm i les fleurs, Je sens que m ’échappe m on verre ; Com m e Pindare avec ferveur J ’entonne u n chant philéleuthère.

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87. Jaillie d ’entre les ossements Des H ellènes — des os sacrés, E t valeureuse comme avant Salut, ô salut, L iberté ! 88. T u partis à M issolonghi

L e jour du C hrist, u n jour radieux : P artout fleurissaient les m aquis En l’h o n n eu r de l’enfant de D ieu.

89. Brillante à ta rencontre vint, L a Religion avec sa croix, E t par u n geste de la m ain Elle m ontrait le ciel. Sa voix 90. S ’éleva : dans cette contrée

N e fléchis jamais, L iberté.

Posant sur ta bouche u n baiser, D ans l’église elle a pénétré.

91. Elle s’approche de l ’autel, E t la nuée ténue à voir

Se condense autour, autour d ’elle E n s’échappant de l’encensoir.

92. Elle écoute les psalmodies Q u’elle a elle-même enseignées ; Elle observe comme irradient Les Saints, devant illum inés.

93. Q ui sont ceux-là dont le vacarme A pproche, en m ille pas pressés, E t m ille chocs d ’arm es, et d ’armes ? T oi, tou t à coup, tu t ’es dressée.

94. Ah ! la lum ière qui t ’inonde, Qui comme de soleil te pare, E t de loin resplendit : ce phare

N ’est pas, non, n ’est pas de ce m onde ; 95. Sa splendeur a, q u o iq u ’elle flambe

T ou te, u n front, des lèvres, des yeux ; D e feu ta m ain, de feu ta jambe, E t tout autour de toi est feu.

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96. L ’épée en avant, h au t brandie, E n faisant trois enjam bées franches Ainsi q u ’un e to u r tu grandis, Puis à la quatrièm e, tranches.

97. D ’une voix qui gagne les cœurs T ’avançant tu dis à la ronde :

« A ujourd’hui, m écréants ! du m onde, Est né, oui, né le R édem pteur.

98. « Et il annonce... Entendez-m oi : Je suis l’A lpha, et l’Oméga ; D ites, où vous cacherez-vous

T ous, s’il vous faut fuir m on courroux ? » 99. « Je vous aspergerai d ’u n feu

Insom niaque auquel, comparé, Celui q u ’ici-bas vous avez Vous semblera de la rosée. » 100. « Il transvore, comm e une épine,

Des lieux trop hauts pour aucune aile, Cam pagnes, m onts par la racine, A nim aux, arbres et m ortels, 101. « Et consum e tout ce q u ’il happe,

E t pas u n souffle n ’y échappe, Excepté du vent qui engendre

U ne onde dans les m aigres cendres. » 102. O n aim erait te dem ander :

Es-tu la sœ ur de sa colère ? Qui est digne de te défaire, O u d ’avec toi se m esurer ? 103. La terre éprouve la puissance

Si éclatante de ton bras Prêt à tu er toute semence Qui contre le C hrist luttera.

104. Les eaux l’éprouvent, et bouillonnent D ’écume, et je les vois, puissantes Q ui toutes ensem ble ronflonnent Com m e des bêtes rugissantes.

(13)

105. Infortunés, qui vous lancez

D ans l’Achéloos, en plein courant, E t com battez adroitem ent

Afin de ten ter d ’échapper

106. Au sort qui vous poursuit ! le flot S’étant enflé subitem ent :

Vous y trouvâtes le tom beau Avant l’anéantissem ent.

107. C haque gorge de l’ennem i,

Blasphèm e, grogne, geint de peur, E t le courant se gargarise

D e ces blasphèm es de fureur.

108. U ne cavalcade aberrante De chevaux galope, et cabrés Ils hennissent, droits d ’épouvante, Puis piétinent les corps tombés.

109. Vers son com pagnon l’un étend La m ain, l’air de le secourir ; L ’autre en sa chair plante les dents T andis q u ’il sent la m ort venir ; 110. Têtes désespérées q u ’on voit,

Avec les yeux exorbités, Face aux astres se soulever Pour la toute dernière fois.

111. Puis s’éteignent — tandis q u ’augm ente Le front de crue de l’Achéloos — H ennissem ents, et coups de feu, E t cris d ’hom m es qui se lam entent.

112. Ah ! entendre ainsi s’ébrouer L ’Océan sur son gouffre ancien, E t q u ’en sa vague il ait noyé C haque germ e d ’A g arén ien ; 113. E t où se tient Sainte Sophie,

Au m ilieu de ses sept collines, Leurs form es désorm ais sans vie, Par la m alédiction Divine

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114. En m onceaux, q u ’elles soient jetées E t broyées, nues, su r les rochers, D ’où les récupère une à une Le frère du Croissant de Lune.

115. Que chaque roc, tom beau devienne, Que Religion et Liberté

A lente m arche se prom ènent E ntre eux, afin de les com pter.

116. Voici q u ’u n cadavre s’élève Roide, m uet, face en avant Puis u n autre soudain descend E t rien de plus ne se révèle.

117. Et la fu reur du fleuve em pire E t son flot s’enfle incessam m ent ; T oujours, toujours il veut grossir ; P artout bruissant et écum ant.

118. Ah ! Q ue n ’ai-je dans cet instant Le baryton q u ’avait M oïse ; Lorsque d ’une voix de géant, Com m e s’effaçaient les m audits, 119. Il rendait grâces à son D ieu

D evant la m er, de rage folle : La m ultitude de son m ieux Faisait écho à ses paroles ; 120. Accom pagnant cette harm onie

Il y avait la sœ ur d ’Aaron, P ro p h étesse nom m ée M arie, Avec u n plaisant tym panon, 121. E t toutes les vierges en chœ ur

E xultaient, et les bras ouverts, C hantaient aussi, portan t des fleurs, E t frappant leurs tym panons clairs.

122. Je te connais d ’après le fil T errifian t du cim eterre.

Je te connais par le profil Q ui violent m esure la terre.

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123. Sur celle-ci, chacun le sait, T u ne peux subir de défaite, M ais ce n ’est point u n e étrangère, Oh certes non, pou r toi, la mer.

124. Cet élém ent, lorsqu’écumeuses Ses vagues infinies enrobent T o u te la surface du globe, Est ton image radieuse.

125. H ouleuse, elle rugit si fort Que l’oreille en est effrayée ; T o u t bois qui flotte est en danger E t vivem ent cherche le port.

126. Ensuite le calme apparaît Avec les rayons du soleil, E t il restitue, ô merveille, Ses couleurs au ciel azuré.

127. Sur la terre, chacun le sait, T u ne peux subir de défaite ; M ais ce n ’est point une étrangère O h certes non, pou r toi, la m er.

128. U ne infinité de haubans Passe, et serrés comm e forêt

Des m âts, qui courent sous le vent, Avec leurs voilures gonflées.

129. Toi, tu lances tes forces, qui

Dans ton sein ne sont pas beaucoup, Au com bat, pourchassant ceux-ci, P renant ceux-là, consum ant tout.

130. Je te vois couver d ’u n regard A rdent deux grandes caravelles : C ontre elles, u n instant plus tard T u lances ta foudre m ortelle.

131. Elle touche, augm ente, rougit E t déclenche un coup de tonnerre : U ne teinte sang s’élargit

Qui, po urpre, colore la mer.

(16)

132. T ous les am iraux sont noyés Sans que d ’u n corps il reste trace : La M o rt, om bre du Patriarche, A laquelle ils t ’ont envoyé.

133. Les amis frayaient en secret Avec leurs ennem is à Pâques,

Les lèvres leur trem blaient à chaque Fois en s’adonnant au baiser.

134. Ces lauriers que vous dispersâtes Il n ’y m arche plus aujourd’hui, Et la m ain que vous embrassâtes Ah ! non plus elle ne bénit.

135. Pleurez, vous tous ! sur le défunt C h e f que votre Église a p erd u ; Pleurez, pleurez ; on l’a pendu Com m e on fait po u r les assassins.

136. Sa bouche est dem eurée béante Q ui avait l’heure précédente

G oûté au Saint Sang, au Saint C orps ; Com m e s’il en sortait encore

137. La m alédiction laissée,

Peu avant q u ’il soit supplicié, C ontre qui ne fait pas la guerre E n ayant pouvoir de la faire.

138. Je l’entends qui sans cesse gronde Sur la terre autant que sur l’onde, E t dans u n m ugissem ent, elle Allume la foudre éternelle.

139. Le cœ ur m ’en brise de détresse...

M ais que vois-je ? D ’u n air sévère, E t son doigt levé, la déesse M ’intim e l’ordre de m e taire.

140. Son œil fait le to u r de l’Europe T rois fois de suite avec souci ; E nsuite il se concentre, stoppe E n G rèce, et voici q u ’elle dit :

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141. « M es pallicares ! Les combats Pour vous, braves, sont choses gaies, E t vos genoux ne trem blent pas Lorsque s’annoncent les dangers.

142. « Si de vous à présent s’éloignent Bien des puissances ennem ies, L ’une, invaincue, p ou rtan t s’acharne A vous arracher vos lauriers ;

143. « Celle-ci, quand, ainsi q u ’au soir Des loups, vous rentrez échauffés E t fatigués de la victoire,

Ah ! tyrannise vos pensées : 144. « La D iscorde, que revoici

U n sceptre à la m ain, la perfide ; A chacun faisant des sourires Elle dit : Prends-le, toi aussi.

145. « Ce sceptre q u ’elle vous propose A pparaît vraim ent plein de charm e ; N e le prenez pas : il expose

A des douleurs grosses de larmes.

146. « D ’un e bouche où l’envie macère, Pallicares, ne parlez point

D ’aller abattre votre poing Sur la tête de votre frère.

147. « Que les nations de l’étranger N e pensent pas, en vérité : P u isq u ’ils se haïssent entre eux La liberté n ’est pas pour eux.

148. « Q uittez ces préoccupations ; Q u ’il soit versé po u r la patrie Ou versé pour la religion, T o u t le sang a le m êm e prix.

149. « Par ce sang, n ’allez pas souffrir P our la patrie, la religion,

Je vous conjure, embrassez-vous T els des frères pleins d ’affection.

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150. « Que vous êtes loin ! songez-y, Si loin encor d ’avoir gagné ; M ais la victoire — étant unis — T oujours va vous accom pagner.

151. « Braves fam eux et respectés !...

Instaurez ici une Croix, E t criez d ’une seule voix : Rois, regardez de ce côté.

152. « Le signe que vous adorez Est celui-là, et c’est pour lui Q u’ensanglantés vous nous voyez Livrer u n combat sans merci.

153. « Les chiens l’insultent constam m ent, La foulent aux pieds, de surcroît Ils en m assacrent les enfants E t ils se m oquent de la foi.

154. « Pour elle se dépense et m eurt U n sang chrétien dont l’innocence Clame depuis les profondeurs D e la n uit : Vengeance, vengeance.

155. « N ’entendez-vous pas, vous, images D e D ieu, la voix et son message ? Déjà des siècles ont passé

M ais elle n ’a jamais cessé.

156. « N ’entendez-vous pas ? P arto u t elle H urle comme la voix d ’Abel ; Ce n ’est pas u n souffle frileux D ’air qui siffle dans les cheveux.

157. « Que ferez-vous ? N ous laisserez- Vous acquérir la liberté,

O u la dissoudrez-vous, tactique Inspirée par la Politique ?

158. « Si vous penchez pou r ce choix-ci, Voyez, devant vous cette Croix ; A pprochez ! A pprochez, ô rois, E t venez frapper là aussi. »

(19)

Str. 1. « Cimeterre » : D. Salomos dit « sabre », en général, tout en pensant ici particulièrement à l’affrontement avec les Turcs.

Str. 2. Référence aux anciens pour qui les « os » étaient l’asile de l’âme.

Str. 4. Rappelons que la Grèce, du milieu du IVe siècle av. J. C. (Philippe de Macédoine et le congrès de Corinthe) jusqu’au 13 janvier 1822 (proclamation officielle de l’Indépendance) resta sous occupation étrangère.

Str. 5. Image de la statuaire.

Str. 25. L ’Angleterre a toujours visé une présence en Méditerranée : elle y parviendra ! Str. 26. L ’Aigle Austro-Hongrois.

Str. 35. S’agit-il de Tripolis en Syrie, dominée par le puissant château de Sandjil et prise en 1109 par Baudouin II ? Ou de Tripolitza en Arcadie ? Le poète précise en note qu’il appelle « château » les fortifications de la ville...

Str. 36. C ’est la liberté qui répond au poète.

Str. 42. L ’assaut fut donné à trois heures du matin.

Str. 47. « Les chiens » : injure traditionnelle envers l’ennemi.

Str. 48. Les ombres des victimes anciennes se mêlent aux assaillants.

Str. 55. Nous sommes revenus au champ de bataille.

Str. 58. Allusion à la fameuse Pyrrhique.

Str. 83. Allusion à la troisième ode du Don Juan de Byron, où il présente u n poète grec accablé par l’esclavage de sa patrie, et qui a la vision de gracieuses femmes de son peuple promises à la servitude. (Cf. plus loin) Str. 84. On songe au « rond de danse et de douceur », d ’Éluard.

Str. 85. « Philéleuthère » : chant d ’amour à la liberté.

Str. 86. Le rappel de Pindare est ici intéressant en ce que le poète de Zanthe (seul sol Grec jamais occupé par les Turcs) y manifeste la continuité et l’unité de la Grèce de l ’Antiquité à nos jours. (Cf. aussi : Pindare, IIe Olympique.)

Str. 88. En Avril 1825, Réchid-Pacha, soutenu par la flotte turque, attaque la ville avec 35 000 hommes. Les quatre mille défenseurs assiégés s’y feront sauter, avec femmes et enfants, plutôt que de capituler. Byron y était mort en 1824, qui lors du second siège de la ville, en 1823, en avait organisé la défense victorieusement : on lui fit un monument.

Str. 111. Allusions multiples : la région de Parga, du xvIe au début du xIxc siècle, fut un héroïque foyer de résistance aux Turcs : au xvIIIe, 66 villages avaient réussi à se libérer. L ’Achéloos, entre Étolie et Acarnanie, passait pour le plus ancien fleuve de Grèce et la légende parle déjà des débordements de ses eaux (épisode des filles d ’Échinus, changées en îles Équinades.)

Str. 112. Agarénien : Turc.

Str. 114. Le frère du croissant de Lune : un des titres donnés au Sultan.

Str. 116. On revient aux cadavres, dans le lit de la rivière : ils semblent soulevés du fond pour être passés en revue et comptés, vision saisissante.

Str. 119. Lors du passage de la mer Rouge, évidemment.

Str. 124. On songe à la strophe d’Élytis, dans M arie des Brumes (« Ich sehe dich... »).

Str. 130. La caravelle du Capétan, et une autre, incendiées près de Ténédos, le 29 octobre (Solomos ne donne pas l’année.)

Str. 132. Le Patriarche Gregorios. Né en 1739 à Dimitzana, en Morée, mort pendu à Constantinople en 1821, sur l’ordre du sultan M ahmoud II. Son corps fut jeté dans le Bosphore. En fait, il eut un rôle assez ambigu, et l’anathème q u ’il lança, d ’après les historiens, était surtout dirigé contre les insurgés grecs de Smyme qui déclenchaient, entre Grecs et Turcs, un trouble qu’il s’était efforcé d’éviter durant sa carrière de patriarche de Constantinople, en ménageant les deux côtés, ce qui l’avait rendu suspect à tous et lui valut sa mort.

Str. 139. Peut-être parce que le poète (voir note précédente) « aménage » quelque peu la vérité, et qu’il vaut mieux ne pas trop insister !

(20)

Str. 141. « Pallicare » : preux, brave, courageux. Nom donné aux soldats de la milice grecque, lors de la guerre d’indépendance. Cette milice avait été autorisée par les Sultans, dans les provinces montagneuses du nord, pour y faire régner le calme : elle se révéla, non point une aide, mais surtout un danger pour les Turcs, comme c’était prévisible.

Str. 144. La Discorde — depuis Pâris — a toujours été à l’origine des échecs de la Grèce à se libérer : ainsi les 300 Spartiates de Léonidas furent-ils tués par la plus marquante d ’une longue suite de trahisons dues à la mésentente entre les cités.

Str. 157. Les deux strophes pivotent autour de verbes assez vagues (luste/meletate anisos) qui n ’éclaircissent pas son propos. « Luno », notamment, peut signifier aussi bien « libérer » que faire disparaître en poudre, briser, dissiper, dissoudre... La Politique avec P (maj.) serait ici la pression politique internationale. (La version adoptée n’a pour elle que sa logique.)

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