• Aucun résultat trouvé

Le sacrement de la sainte Cène

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le sacrement de la sainte Cène"

Copied!
131
0
0

Texte intégral

(1)

Book

Reference

Le sacrement de la sainte Cène

LEENHARDT, Franz Jehan

LEENHARDT, Franz Jehan. Le sacrement de la sainte Cène . Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1948, 123 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23186

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

FRANZ-J. LEENHARDT

LE SACREMENT DE

LA SAINTE CÈNE

't±f

lil _JL

~

SERIE THEOLOGIQUE

DE L'ACTUALITE PROTESTANTE

DELACHAUX ET NIESTLÉ

(3)
(4)
(5)

Du MÊME AUTEUR :

La notion de sainteté dans l'Ancien Testament. Paris 1929 La mission intérieure et sociale de l'Eglise d'après Wichern.

Paris 1931

La notion d'autorité scripturaire. Genève 1933

L'étude historique du Nouveau Testament et la foi. ' Genève 1934

L'antisémitisme et le mystère d'Israël. Genève 1939

Le chrétien doit-il servir l'Etat ? Essai sur la théologie poli- tique du Nouveau Testament. Genève 1939

Etudes sur l'Eglise da:ns le Nouveau Testament. Genève 1940 Le chrétien devant le travail. Genève 1941

La foi évangélique. Genève 1942

L'Eglise et le Royaume de Dieu. Réflexions sur l'unité de l'Eglise et le salut des non-catholiques. Genève 1942 Le protestantisme tel que Rome le voit. Genève 1943

Le baptême chrétien. Son origine, sa signification. Neuchâtel 1944

Christianisme et vie publique. Genève 1945

(6)

SÉRIE THÉOLOGIQUE DE L'<<ACTUALITÉ PROTESTANTE~

FaANZ-J. LEENHAaDT

Professeur à l'Université de Genève

LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

DELACHAUX & NIESTLÉ S. A.

NEUCHATEL 1 PARIS VIle

4, RUE DE L'HOPITAL 32, RUE DE GRENELLE

(7)

Tous droits réservés.

Copyright 1948 by Delachaux & Niestlé s. A., Neuchâtel (Switzerland)

(8)

I

Introduction

L'abondance des travaux consacrés aux ong1nes et à la signifi- tion de la sainte Cène dit éloquemment l'importance et surtout la difficulté du sujet 1 • Elle traduit aussi le fait que les explications historiques ou théologiques proposées jusqu'ici n'ont pas répondu à toutes les exigences imposées par le sujet.

Les interprétations courantes des gestes et des paroles de Jésus ne sont généralement pas assez enracinées dans les circonstances con- crètes où les disciples et leur maître étaient engagés. II en résulte que la signification des paroles échappe en partie ou presque totale- ment à l'interprète moderne, ce qui est le cas notamment de la dis- tribution de la coupe, dont nous ne faisons plus qu'un doublet de la distribution du pain. Il en résulte aussi que nous sommes obligés d'imposer à la pensée de Jésus une notion du sacrement qui lui était étrangère, ce qui ne va pas sans de graves inconvénients.

Pour notre compte, nous avons cherché à donner, de ce que Jésus a voulu et accompli dans la chambre haute, une explication qui

1 Il est impossible de donner une bibliographie du sujet. Même très restreinte, elle serait trop longue. Elle serait, en outre, inutile ou nuisible, car nul ne peut aborder ce difficile sujet sans s'imposer de prendre une information suffisante, dont de brèves indications ne donneraient qu'une idée trompeuse. Pour s'orienter, on pourra recourir aux ouvrages bien informés de deux auteurs catholiques : M. GoossENs, Les origines de l'eucharistie, sacrement et sacrifice, I 93 I, et de A. ARNOLD, Der U rsprung des cbristlicben Ahendmabls im Licbte der ne.uesten liturgiegescbicbtlicben Forscbung, 1937. On trouvera une somme considérable de renseignements dans le remarquable opuscule de J. jERE- MIAs, Die Abendmablsworte Jesu, 1935. De même, avec d'autres tendances, dans les revues, bibliographiques et systématiques à la fois, de E. LoHMEYER, JT om urcbristlicben A.bendmabl. Tbeologiscbe Rundscbau, 1937· Cf. encore le récent article d'E. ScHWEIZER, Das A bendmabl eine JT ergegenwiirtigung des T odes Jesu oder ein escbatologiscbes Freuden- mabl 1 Theologische Zeitschrift, 1946.

(9)

6 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

utilisât les données théologiques et sacramentaires du repas pascal, sacrement de la rédemption du peuple de Dieu. Même s'il .reste incertain que ce dernier repas de Jésus fut effectivement un repas pascal, l'importance de cette fête pour la piété de tout israélite nous oblige à penser que la théologie pascale domina les pensées du maître et des disciples à cette heure.

Il n'est pas absolument indispensable de présenter au lecteur les textes sur lesquels nous allons travailler. Les quatre relations que le christianisme primitif nous a laissées des événements de la chambre haute offrent un ensemble complexe de parentés et de diver- gences, qui ne s'expliqueront que plus tard, quand nous pourrons indiquer les influences qui les ont amenées au point de développement où nous les voyons aujourd'hui.

Nous ne pouvons cependant passer sous silence, bien que nous ne lui attribuions qu'une maigre importance, le fait que la tradition textuelle des versets Luc 22. 19, 20 est flottante. Dans quelques manus- crits 1 les versets 19 b et 20 manquent, dans d'autres on constate une certaine hésitation 2• Faut-il donner la préférence à la leçon de D et éliminer du texte de Luc la mention de la seconde coupe ? Les arguments pro et contra nous paraissent s'équilibrer. Le problème ne peut d'ailleurs rester une simple affaire de critique textuelle." Le pres- tige de la leçon courte de D ne lui vient pas seulement de l'autorité, toujours débattue, de ce manuscrit 8; il est dû, avant tout, au fait que certains problèmes connexes trouveraient une solution plus

1 D, a, d, fj2, i, l, ainsi que b et e qui donnent le même texte dans un ordre différent (v. 15, 16, 19a, 17, 18). L'exposé complet de l'état des textes est admirablement fait par F. G. KENYoN et S. C.E. LEGG, dans Cf'he Ministry and the Sacraments, edited by R. DuNKERLEY and A. C. HEADLAM, 1937 (pages 271 à z86). Pour une discussion, voir en dernier lieu A. ARNOLD, Der Ursprung des christlichen .llbendmabls, 1937, pages 31 à 43 et EDUARD SCHWEIZER, Das .llbendmahl, eine JT ergegenwirtigung des Cf' odes jesu oder ein eschatqlogisches Freudenmahl ? dans Cf'heologisch6 Zeitschrift, 1946 (mars-avril).

:a La version syriaque de Cureton adopte l'ordre suivant: 15, 16, 19, 17, 18. La Peschitto: 15, 16, 19, 20. La version syr. du Sinaï: 15, 16, 19 et une combinaison de 2&, 17, zob, 18.

s « Très diffamé, mais aussi très estimé », dit de lui le classique E. voN DoBSCHÜTZ, Eberhard Nestle's Einführung in das griechiscbe Neue Cf'estament, 4e éd., 1923, page 88.

(10)

INTRODUCTION 7 facile s'il a existé une tradition ne rapportant que la coupe dite escha- tologique (v. 15 à 18). L'ordre coupe-pain ne correspond-il pas à ce que dit Paul dans 1 Cor. 1 o et à la tradition dont la Didaché est le témoin ? La relation de D ne .fait-elle pas écho également à ce que les Actes rapportent de la << fraction du pain >>, repas où régnait une allégresse que ne paraît pas avoir assombrie le souvenir du sang de la croix évoqué par la coupe dite sanglante ? La critique interne prend ainsi une importance grandissante dans la discussion. On tend à juger de la valeur de D selon qu'il confirme ou infirme l'idée que l'on se fait par ailleurs de la cène originelle et de son développement.

Si bien que l'on a renchéri sur D au point même de proposer de rayer de Luc le v. 19

a

1, ou même le verset 17 2• Par ces élémi- nations, on obtient une image très simple de ce que fut la cène pri- mitive; Jésus n'y aurait rien donné à manger ni à boire qui évoquât sa mort d'une façon quelconque. Mais l'arbitraire du procédé saute aux yeux. Agir ainsi, ce n'est pas tenir compte de D, c'est s'en servir comme d'un prétexte. Plus rien ne s'explique, ni dans l'histoire, ni dans les textes, avec un tel point de départ.

Une seule méthode nous permettrait de rester sur un terrain solide et de trancher avec quelque chance d'objectivité entre D et ses contradicteurs : expliquer psychologiquement le passage d'un texte à l'autre 3• Il faut cependant reconnaître que le problème, même réduit à ses données massives, reste sans solution véritablement contrai- gnante, car il est impossible d'expliquer la généalogie des textes sans faire appel à des considérations subjectives.

Le problème reçoit cependant quelque clarté, si on l'inserre dans une vue générale des origines de la Cène. En expliquant comment s'est créée la tradition des deux coupes, nous pourrons rendre compte des deux leçons de Luc, qui nous apparaîtront comme l'écho de moments différents dans l'évolution des idées et des liturgies eucha- ristiques.

1 Après Buss et WELLHAUSEN, à nouveau R. BuLTMANN. Geschichte der synop- tischen Tradition, 1931, page 286, n. 1.

2 Cf. K. L. ScHMIDT, art. Abendmahl, dans Die Religion in Geschichte und Gegenwart,

2e éd., 1927, tome I, col. 8, toutefois avec des réserves 1

3 Cf. MAURICE GoGUEL, L' -eucharistie, des origines jusqu'à Justin Martyr, 191o, page uz.

(11)

8 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

En attendant, la démarche la plus sage consistera à prendre pour base de notre étude ce qui concerne la distribution commentée du pain et la distribution commentée de la coupe, telle que les rapporte Luc 22. 15 à 17, confirmé par Marc 14. 15 et Mat. 26. 29. Nous lais- sons donc de côté ce qui concerne proprement la coupe dite « san ...

glante », et ainsi nous dissocions en deux éléments le commentaire donné à la coupe par Marc et Matthieu; la raison en est que ce corn- mentaire manque manifestement l'homogénéité 1• Ce défaut d'homo- généité trouvera plus loin son explication.

1 En effet, dans Marc et Matthieu, la parole accompagnant la distribution de la coupe fait d'abord état du vin en tant que sang, puis revient au vin en tant que fruit de la vigne. Ce sont là deux interprétations de la coupe très différentes, ouvrant l'une la perspective de la mort, l'autre la perspective du Royaume et du festin messianique.

Comment Jésus, après avoir parlé du vin comme de son sang, aurait-il pu en parler comme d'une simple boisson pour un repas de fête ? Pour qui va au fond du texte, il y a là deux pensées impossibles à juxtaposer· dans le même moment et dans le même geste. RuDOLF ÛTTO (Reich Cottes und Menscbensobn, 1934, page 244) note 1, raconte que lors de sa confirmation déjà, il fut choqué de cette contradiction.

(12)

II

Le dernier repas de Jésus fut-a un repas pascal ?

Cette question peut être considérée, paradoxalement, à la fois comme très importante et comme secondaire. L'acte solennel qui a donné naissance au sacrement chrétien de l'eucharistie ne sera bien compris que s'il est interprété selon son contexte historique, psycho- logique, théologique. Si Jésus a célébré la pâque avec ses disciples, c'est à la lumière des idées et des sentiments qui caractérisaient la fête pascale que nous devons interpréter ses paroles et ses gestes, comme c'était déjà à leur lumière que les disciples devaient les com- prendre. Cependant il faut ajouter que la fête de Pâque avait, pour l'âme du croyant israélite, une telle importance, les vérités qu'elle rappelait avaient une place si centrale pour sa foi, qu'on ne peut ramener toute l'affaire à la seule question de savoir si Jésus a effecti- vement mangé avec ses disciples à l'heure exacte du repas pascal et selon le rite traditionnel. Il faut se garder de poser le problème en des termes trop étroits. Les réalités de la foi, quand elle est profonde et ardente, débordent les cadres de l'observance stricte d'un rituel.

Aussi bien, sommes-nous mis par les textes en présence d'un problème singulièrement complexe. Les évangiles synoptiques pla- cent la crucifixion un vendredi, jour de la« préparation>> (Marc 15. 42;

Mat. 27. 62; Luc 23, 54). Jésus a envoyé ses disciples préparer la pâque (Marc 14. 12 et s.; Mat. 26. 17 et s.; Luc 22. 7 et s.). C'était donc un jeudi soir, au soir du 14 nisan, au début du 15, les jours commençant avec le lever de la première étoile après le coucher du

(13)

IO LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

solei11• Mais les indications de l'évangile de Jean ne concordent pas avec ce témoignage, et le témoignage synoptique lui -même soulève à l'examen de sérieuses difficultés. Le quatrième évangile appelle bien vendredi le jour de la crucifixion (Jean 19. 31, cf. v. 42), mais le dernier repas, qu'il ne raconte d'ailleurs pas, eut lieu selon lui avant la.fête (13. 1; cf. 13. 29). Le lendemain encore, les juifs parlent de manger la pâque ( 18. 28), et ce même jour est appelé « la préparation de la pâque>> (19. 14). Enfin l'expression c< grand sabbat>>, désignant le surlendemain, convient si ce samedi cumule les caractères du sabbat et ceux du premier jour de la pâque, le plus important des jours consacrés à cette fête.

C'est en vain que l'on a cherché à harmoniser ces dépositions contradictoires par des explications ingénieuses et érudites, qui laissent cependant un arrière-goût d'insuffisance. Leur multiplicité indique leur fragilité; elles se réfutent les unes les autres.

On doit noter, en outre, que ces témoignages contradictoires sor~.t

eux-mêmes accompagnés de certains faits qui en compromettent l'autorité. Dans la relation synoptique, on relève que, la crucifixion ayant eu lieu le premier jour de la fête, tout ce que la préparation et l'exécution de la sentence a comporté de mouvements, d'actes, etc a constitue autant de violations inadmissibles du sabbat et de la fête.

D'après Marc 14. 2, la condamnation est décidée et l'on n'est pas encore entré dans la fête; or elle fut exécutée ce même jour! Rien de ce qui caractérise le rituel pascal ne se retrouve dans le récit du dernier repas, au moins de façon claire et incontestable 3 •

1 On peut admettre que« le premier jour des azymes >l (Marc 14. 12.) est une expres- sion malencontreuse pour désigner la journée du 14 nisau, au· cours de laquelle on mettait une application maladive à éliminer toute trace de levain dans les maisons. L'évangéliste l'a entendue ainsi, puisqu'il écrit : << au moment où l'on sacrifiait la pâque », sacrifice qui avait lieu dans l'après-midi du 14 (èf. STR.I\CK-BILLERBEcK, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und M idrasch, tome II, I 92.4, pages 813-8 I 5).

2 La foule s'amasse, les disciples portent des armes, Simon de Cyrène revient des champs, Joseph d'Arimathée achète un linceul, les femmes préparent des aromates.

a Les tentatives faites pour intégrer dans le rituel pascal ce que les synoptiques rapportent du dernier repas n'ont véritablement aucune force persuasive sur ceux qui ne sont pas convaincus d'avance. La plus connue est celle d'An. MERX, Die vier kanoniscben Evangelien, t. II, z, 1905, p. 416-456. Ce n,est pas sans raison que R. BuLT- MANN(Gescbicbte der synoptischen Tradition, p. 2.85, n. 4), les traite d'artificielles. Pour un exposé de ces tentatives, v. A. ARNOLD, Der Ursprung des cbristlicben Abendmahls, p. 73-79·

(14)

LE DERNIER REPAS DE JÉSUS FUT-IL UN REPAS PASCAL? 11

De même, la relation johannique présente des difficultés, d'un tout autre caractère. Dans cet évangile, moins préoccupé de dire avec exactitude ce que fit Jésus que de témoigner en esprit et en vérité de ce qu'il fut, les faits paraissent souvent servir d'illustration aux véri- tés. L'étroite liaison qu'on y remarque entre narrations et discours s'explique pleinement par cette préoccupation et confirme que l'his- toire est ici le transparent à travers lequel la foi doit contempler la gloire du Logos incarné. Or, dans cet évangile, les événements sont antidatés de vingt-quatre heures. Ce déplacement a pour effet d'opérer un rapprochement extrêmement suggestif : le Christ meurt sur la croix, non le 15, mais le 14 nisan, c'est-à-dire le jour où l'on sacrifiait l'agneau pascal. L'évangéliste paraît bien avoir voulu que son lecteur fît ce rapprochement, car il rapporte que les soldats, au lieu de lui briser les jambes percent le flanc du crucifié, comme le racontent les synoptiques. Il ajoute: <<Ces choses arrivèrent pour que l'Ecriture fût accomplie, qui dit: on ne lui brisera pas d'os» (Jean 19. 33, 36).

Or c'est de l'agneau pascal que cela est dit (Exode 12. 46; cf. Nombres 9· 12; Psaumes 34· 21). Et non seulement Jésus meurt sur la croix 1~ 14 nisan, jour du sacrifice pascal, mais l'horaire des événements est tel, dans le quatrième évangile, que l'heure de sa mort est préci- sément l'heure même de ce sacrifice rituel1• Les choses paraissent arrangées pour suggérer cette coïncidence. Malheureusement le lecteur d'aujourd'hui a besoin de faire un petit calcul pédant pour comprendre ce que le lecteur d'autrefois remarquait immédiatement, et cette gymnastique l'empêche de goûter toute la portée des indica- tions. De même le lecteur d'autrefois savait bien, pour l'entendre répéter chaque année lors de la fête pascale, que les portes des maisons des israélites captifs en Egypte avaient été marquées au moyen d'un balai

1 D'après Marc 15, 25, 33, 37, la crucifixion eut lieu à la troisième heure (9 h. du matin) et Jésus expira à la neuvième, soit six heures plus tard (à 3 heures de l'après- midi). Selon Jean 19. 14, Jésus est devant Pilate à la sixième heure, à midi par consé- quent. En comptant six heures pour le déroulement des événements comme dans les synoptiques, la mort de Jésus eut lieu à six heures de l'après-midi. Ce que confirme 19. 31, qui indique que le jour de la préparation commençait. Or le sacrifice de l'agneau devait être accompli à cette heure-là (selon Ex. 12. 6; Lév. 23. 5; Nomb. 9~ 3, 5, 11).

Les tentatives pour concilier ces horaires divergents n'ont rien donné (cf. W. BAUER7

Das Johannesevangelium, 1933, p. 220). C'est trop facile d'admettre une erreur de copiste, comme E. KLOSTERMANN7 Das Markus-Evangelium, 1936, p. 164.

(15)

12 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

d'hysope trempé dans le sang de cet agneau. Quand le récit johannique parle d'hysope ( 1 9· 29 ), là où les synoptiques parlent de roseau, ce lecteur reconnaissait sans peine une nouvelle allusion au sacrifice pascal1

Ces constatations ne laissent pas d'être significatives. L'évangé- liste n'a certainement pas la même notion que nous de l'histoire et de l'exactitude d'une relation historique. A-t-il voulu même en écrire une? Tout semble prouver le contraire. Sa préoccupation était de montrer en Jésus mourant sur la croix le véritable Agneau de Dieu,

1

celui que Jean Baptiste au début de son ministère avait déjà salué comme tel (Jn. 1. 29). Il savait lui-même que ce rapprochement n'était pas artificiel; que Jésus s'était, indirectement au moins, désigné conlm.e la victime de l'alliance nouvelle, comme le, nouvel agneau pascal. Il savait probablement aussi que le dernier repas de Jésus avait été un repas pascal, et nous pensons que c'est la raison pour laquelle il ne raconte pas la cène de la chambre haute, la chro- nologie adoptée par lui plaçant ce repas vingt-quatre heures trop tôt.

Ce décalage permettait à tout le récit de la passion de montrer en Jésus l'agneau véritable. Si l'évangéliste, en procédant de la sorte, ne disait pas aussi exactement ce que fit Jésus, il montrait mieux à la foi ce qu'il fut.

Dans ces conditions, nous avons de la peine à donner notre entière confiance aux indications chronologiques d.u quatrième évangile.

Elles ne paraissent pas pouvoir éliminer celles que donnent les synop- tiques, d'autant moins qu'un examen soigneux de ces dernières fournit en leur faveur des arguments de poids et permet de réfuter sans peine les objections 2

1 On pourrait pousser plus loin de tels rapprochements (cf. W. HE1TMÜLLER, Die Scbriften des Neuen Testaments, t. IV, 1918, 3e éd. et ALFRED LoisY, Le quatrième évangile, I921, ze éd.). Mais il est toujours difficile de s'arrêter à temps dans une inter- prétation de ce genre, qui ne se contente pas de lire le quatrième évangile comme un récit proprement historique. Et il vaut mieux s'arrêter trop tôt.

2 Ni les violations du Sabbat ne sont impossibles; ni l'emploi du terme a:-':'rJ.;;

ni le silence du récit sur les rites caractéristiques du repas pascal, que le narrateur a dû passer sous silence parce qu'il faisait un récit étiologique de la Cène. On trouvera des développements sur ces points dans BILLERBECK ou JEREMIAS cités plus haut. Ce dernier a soutenu que certains détails de la narration synoptique, en apparence insignifiants, ne conviennent qu'à un repas pascal. (JoACHIM JEREMIAS, Die AbendmahlS'lDorte Jesu, 1935). La réfutation de ERNST LoHMEYER, Vom urchristlichen Abendmahl, <J'heologische Rundschau, I937, pages I95-197) ne paraît pas suffisante.

(16)

LE DERNIER REPAS DE JÉSUS FUT-IL UN REPAS PASCAL? IJ

On a dit que la tendance générale de la pensée chrétienne avait dû pousser à faire du dernier repas une cène pascale, en raison de sa tendance à assimiler Jésus à l'agneau pascal (cf. I Cor. 5. 7) 1Mais le quatrième évangile montre que l'assimilation de la croix au sacri- fiee pascal ne conduisait pas à faire du dernier repas un repas pascal;

au contraire !

Faut-il penser que les circonstances auraient empêché Jésus de réaliser son intention de célébrer encore une fois la fête avec ses . disciples ? Le souhait exprimé dans Luc 22. I 5 n'aurait pu aboutir 2 ?

Peut-être! mais rien ne contraint à comprendre ainsi la parole de Luc 22. 15, 16.

· Devant tant de motifs d'hésitation, le moment est venu de nous demander à nouveau si la solution de l'énigme historique posée par la chronologie du dernier repas, est absolument nécessaire à l'interprétation du fait. Pour nous, nous ne le croyons pas. De toute façon, c'est à vingt-quatre heures près, dans la plus étroite proximité de la fête, que Jésus prit avec ses disciples son dernier repas. Quand on sait l'importance centrale, pour la piété de tout israélite, de cette solennité qui rappelait les actes rédempteurs de Dieu en les actuali- sant et ses promesses en les renouvelant, il est impensable que l'âme de Jésus et de ses convives aient pu s'en détacher un seul instant, même si le jour ne concordait pas exactement avec les indications du calen- drier liturgique. Ce n'était pas du jour au lendemain qu'on se pré- parait à la célébration de la fête, qui exigeait même un voyage à la cité sainte. A vingt-quatre heures près, c'est bien plongés dans l'atmos- phère pascale, le cœur comme l'esprit remplis par la théologie pascale, que Jésus et ses disciples ont passé ces dernières heures de recueille- ment dans la chambre haute. L'imminence du dénouement ne pou- vait que souligner le rapprochement avec le sacrifice de l'agneau.

1 <<En raison de l'époque de l'année où elle s'était produite, il est naturel qu'elle (i.e. la mort de Jésus) ait été assimilée au sacrifice pascal. ll MAURICE GoGuEL, Pie de Jésus, I932, page 4I8.

2 Cf. BuRKITT AND BROOKE, St Luke 22. I 5, I 6. W hat is the general meaning? Jour- nal of theological Studies, 1908, page 569. Egalement M. GoGUEL, L'eucharistie ... page 65 et Pie de Jésus, page 4I5. BuRKITT a cependant admis plus tard que l'expression pouvait être entendue d'un souhait réalisé (cf. The Last Supper and the paschal Meal, Journal of theo!. Studies, 1916, pages 29I-297). Voir aussi E. LoHMEYER, vom urch. Abendmahl,

pages I94, 198. ,

(17)

LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

L'interprétation pascale du dernier repas de Jésus ne nous paraît donc pas dépendre directement de la solution du problème chrono- logique 1• On peut regretter que les indications fournies par les évan- gélistes ne nous permettent pas de trancher le point avec certitude. Au moins peut-on s'expliquer que ces rédacteurs ne se soient pas inté- ressés de très près à ce qui n'était que la partie caduque de la fête pascale. Ils regardaient moins au rite juif qu'au rite chrétien. Peut-être voulurent-ils, en taisant le plus possible ce qui concernait le premier, éviter une confusion et sauvegarder le caractère propre du second.

Toutefois ils en ont dit assez pour suggérer la solidarité profonde et essentielle de la cène eucharistique et de la pâque juive.

1 Beaucoup d'auteurs ont adopté l'hypothèse proposée par W. O. E. 0EsTERLEY, The Jewish Background of the christian Liturgy, 1925, p. 171 et 176, selon laquelle Jésus aurait célébré avec les siens un Kiddus, repas de sanctification du sabbat. Il y a deux objections à faire. D'abord cette explication n'explique rien; l'indigence liturgique du Kiddus ne permet pas de rendre compte des faits et gestes de Jésus. Ensuite et surtout, ce Kiddus aurait été destiné, en cette circonstance, à sanctifier la :fête pascale, grâce à une anticipation de 24 h. A l'hypothèse d'un Kiddus, on a objecté qu'il« est un pur pro- duit de la fantaisie, en faveur de quoi on ne peut produire l'ombre d'une preuve))

a.

jEREMIAs, ouv. cité, p. 19, et, non moins catégorique, F. C. BuRKITT, The last Supper,.

p. 294). Finalement, W. O. E. 0ESTERLEY recourt indirectement à l'interprétation pascale, quand il admet que les conditions dans lesquelles fut pris le Kiddus auront créé « ce qu'on pourrait appeler une atmosphère pascale, qui aura fortement marqué l'esprit des disciples». H. HuBER, Das Herrenmabl im Neuen Testament, 1929, p. 7I fait un aveu semblable. Ce que l'on prétend tirer en outre de l'idée de la chahûrab (com- munauté fraternelle des convives) est plus aléatoire encore (OEsTERLEY, ouv. cité, p. 203-204; H. LIETZMANN, Messe und Herrenmahl, 19i6, p. 206, 208, 210);pour une dis- cussion de ce point, voir STRACK-BILLERBECK, Kommentar... t. IV, p. 6o7 et suiv.;

P· 276, rem. 3; t. II, p.

soo-so9.

J. jEREMIAS, OUf). cité, p. 20.

(18)

III

La signification' du repas pascal

Qu'était le repas pascal ? Les disciples devaient comprendre immédiatement ce que Jésus dit et fit dans la chambre haute. Si ces gestes et ces paroles ont pu être compris malgré leur extrême brièveté, c'est qu'ils recevaient une interprétation du contexte intellectuel et affectif que le rituel et la théologie pascals leur fournissaient spontanément. La coïncidence exacte des dates n'est pas indispensable pour que l'atmosphère pascale dominât la pensée des convives de la chambre haute. Le moins que nous devions exiger de nous, pour comprendre, c'est de nous mettre à la place des disciples.

Le repas pascal devait être pris couché, car l'homme libre mange couché, pendant que le serviteur le sert. Nous voilà aussitôt introduits dans le symbolisme du rituel pascal, et voilà également soulignée la note dominante de la fête entière, qui était une fête de la libération, la fête de la rédemption d'Israël.

On buvait à quatre occasions au cours du repas, chacun ayant vraisemblablement sa coupe. Le père de famille, remplissant la pre- mière coupe, prononçait cette bénédiction: «Béni sois-tu, Eternel, notre Dieu, roi de la terre, qui as donné à ton peuple Israël ces jours de fête pour la joie et pour le souvenir. Béni sois-tu, Eternel, qui sanc- tifies Israël et la fête» 1Pour la joie, car Jahvé a montré son amour

1 Nous tirons nos renseignements sur le rituel pascal du traité Pesachim. Une tra- duction française en est donnée dans Le 'Ialmud de Jérusalem, trad. par MoïsE ScHWAB,

tome 5, 1882; pages 1 à 154· On consultera aussi avec fruit STRACK-BILLERBECK, Kom- mentar ... , Exkurse, tome IV, 1, 1928, pages 41 à 76. L'exposé ci-dessus n'entre pas dans tous les détails, on le comprencJ. Il est destiné à mettre en lumière ce qui, dans la pâque, sert à comprendre la cène.

(19)

16 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

et sa puissance en délivrant Israël d'Egypte. Pour le souvenir, car cette rédemption garde une actualité qui sera encore soulignée de façon caractéristique par tout le repas. « Il est de notre devoir, dit la Mischna, de remercier, de louer, de glorifier, de bénir, d'exalter, de chanter, de proclamer celui qui a accompli tous ces miracles en notre faveur, qui nous a tirés de l'esclavage en vue de la liberté. » L'usage du vin n'était pas déjà prescrit par l'Exode (ch. 12 ), mais il est constant dans le judaïsme; il s'imposait comme signe de la joie pascale 1

Après ces bénédictions liminaires, on apportait des laitues sur la. table, puis les pains sans levain, enfin l'agneau 2• -On remplissait la seconde coupe. Alors commençait la partie caractéristique du repas.

Le fils posait cette question liturgique: «Qu'est -ce qui distingue cette nuit des autres nuits ... ? >> Comme dit la Mischna : cc Le père répond en proportion de l'intelligence de l'enfant>> (X. 4). Cette réponse devait, selon les termes de la Mischna, « commencer avec la honte et finir avec la louange», c'est-à-dire évoquer d'abord la misère et l'humiliation du séjour en Egypte, l'esclavage et la faim, puis évoquer la puissance du Dieu des délivrances qui donna à son peuple la gloire des triomphes et l'abondance des biens. Cette explication se présentait comme un commentaire du passage du Deutéronome 26. 5 à II.

Il faut relire ce texte pour en comprendre la puissance d'évocation.

Mais loin de faire une simple leçon d'histoire, le père de famille, par de telles explications, donnait son vrai sens à tout le repas spi- rituel; il expliquait la significatio~ profonde des aliments qu'on y

1 Le vin n'est-il pas, selon l'Ecriture, ce qui réjouit le cœur de l'homme (Ps. 104- 1 5)!

La note de joie prit toujours plus d'importance. L'Ecriture ne commande-t-elle pas de se réjouir devant Dieu (Dent. 27. 7; cf. 16. 14) ? On poussa si loin l'obéissance que rabbi Jona ressentit jusqu'à Pentecôte les effets du vin bu à Pâque, et Juda ben Ilaj jusqu'à la fête des tabernacles (septembre-octobre) (cf. G. DALMAN, Jesus-Joshua, 1922, p. 135). Dans cette même perspective MARKUS BARTH, Das Abendmahl, Passamahl, Bundesmahl und Messiasmahl, Theologische Studien x8, 1945, p. 38) voit dans le vin l'aliment qui engendre la joie; sa raison d'être dans la cène serait donc sa fonction

physiologique ! ·

2 L'agneau n'était pas absolument indispensable. Comme il devait être mangé dans la ville sainte, si l'on avait été empêché de s'y rendre, on célébrait la pâque à la campagne en remplaçant l'agneau par du poisson ou des œufs, etc .... Après la destruction du Temple, dans l'impossibilité où l'on se trouvait de sacrifier l'animal, on tint à éviter toute confu- sion et l'on s'abstint non seulement de manger l'agneau, mais même de préparer Ja viande d'une manière qui pût évoquer le rite traditionnel.

(20)

LA SIGNIFICATION DU REPAS PASCAL 17 mangeait et soulignait bien par là pourquoi ce repas se distinguait véritablement de tous les autres.

Les aliments du repas pascal n'étaient pas, en effet, pour la satis- faction du corps. Ils avaient une signification qui en faisaient une véri- table nourriture pour l'âme. C'est pourquoi la Mischna précise que l'explication doit porter particulièrement sur ces trois mots : pâque ( pesah), pain sans levain (matz a'), herbes amères ( merourim) . Les deux premiers mots étaient expliqués selon Exode 12. 27 et 39: les maisons des Israélites furent épargnées et les pères s'enfuirent en grande hâte, avant que le pain eût le temps de lever. Quant aux herbes amères, elles signifiaient que l'Egyptien avait fait la vie dure aux enfants d'Israël1Sous les aliments déposés devant lui, chaque convive devait discerner une réalité que ses yeux ne voyaient pas, que la bouche ne mangeait pas, une réalité cependant que la foi saisissait. Derrière et au delà des herbes, la foi rencontrait la misère de l'esclavage et le cri de détresse : qui me délivrera ? Derrière et au delà de l'agneau, elle saluait la réponse de Dieu, le grand acte rédempteur qui délivra Israël.

Derrière et au delà du pain, elle retrouvait l'obéissance empressée d'un peuple aux ordres de son Dieu pour s'engager sur les chemins du désert, où il ne devait plus vivre que de la seule grâce renouvelée de son rédempteur.

Il ne suffit pas de dire que les aliments évoquaient des événements historiques et en restituaient le souvenir. Le rituel pascal avait une intention plus profonde et plus réaliste. Il visait à associer les convives du repas aux réalités qu'il signifiait. Par son office, la rédemption n'était pas seulement enseignée, de façon très impressive, comme un événement appartenant au passé. Elle était bien plutôt actualisée comme un événement auquel chaque convive prenait part. Chacun était mis en présence d'une rédemption dont il était lui-même l'objet et le bénéficiaire. Chacun savait non seulement ce que Dieu avait fait jadis pour ses pères, mais aussi ce que Dieu avait fait pour lui- même.

1 Une compote de fruits arrosée de vinaigre (charoseth) figurait également sur la table; elle devait rappeler le limon d'Egypte (cf. M.-]. LAGRANGE, Evangile selon saint Marc,

se

éd., 1929, p. 377)· Pour d'autres explications, voir la guemara de Pes. IO. 2.

2

(21)

18 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

Deux faits mettent bien en évidence ce caractère remarquable du repas pascal. Tout participant devait non seulement avaler, mais proprement mâcher les herbes amères. ((Nous devons bien avoir le goût de l'amertume '' explique la Mischna. Cela signifie que l'homme d'aujourd'hui doit communier au sort de ses pères en participant à l'amertume qu'ils connurent. L'aliment n'apporte pas seulement un enseignement, il doit mettre l'homme d'aujourd'hui dans la situa- tion de l'israélite captif et rédimé.

Plus explicite encore, le mot de Gamaliel : (<Il faut que dans chaque génération chaque homme se considère comme ayant été lui-même délivré d'Egypte. Il faut que tout israélite sache que c'est lui qui a été délivré de la servitude. » Ce mot n'est que le commentaire d'Exode 13. 8 :«Ceci est en mémoire de ce que l'Eternel a fait pour moi, lorsque je suis sorti du pays d'Egypte. » On ne célèbre donc pas annuellement un mémorable souvenir: chacun se dit et se reconnaît personnelle- ment associé à cette glorieuse délivrance. La bonté de l'Eternel ne concerne pas seulement l'heureuse génération qui vécut la grande épopée; elle embrasse toutes les générations de ceux qui s'assiéront un jour à la table où déjà l'Eternel les conviait en instituant le rite pascal. Si elle se manifeste à un moment donné dans l'histoire, son actualité demeure indifférente à l'usure du temps; elle participe de l'éternité même de la volonté de l'Eternel.· De pauvres aliments, qui n'étaient rien par eux-mêmes, devenaient pour les croyants le signe de leur participation à la rédemption opérée par Dieu.

Il est inutile de souligner l'importance de la notion de sacrement - on peut légitimement employer le mot - que contient une telle théologie du repas pascal. Nous avons là le cadre déjà tout formé dans lequel Jésus pourra mettre un contenu nouveau, un instrument qu'il pourra utiliser sans avoir à le définir et à l'expliquer, les disciples sachant bien de quoi il s'agissait.

La Mischna - ou plutôt la tradition qu'elle fixe - n'inventait rien. La fête pascale était déjà comprise de cette façon-là dans l'Exode : « Ce jour sera pour vous un zikkaron, et vous fêterez une fête pour Yahvé ... » (Ex. 12. 14). On ne peut se contenter .de traduire zikkaron par mémorial. Car la racine d'où vient ce mot avait, dans la

(22)

LA SIGNIFICATION DU REPAS PASCAL 19 pensée hébraïque, une autre résonance que n'a dans la nôtre tout ce qui relève de la mémoire (mémorial, réminiscence, commémoration, souvenir, anniversaire, etc ... ). Quand Dieu se souvient de quelqu'un, ce n'est pas seulement pour évoquer son nom dans sa mémoire; c'est pour se tourner vers lui et intervenir en sa faveur 1 • Il se souvient afin de rétablir avec telle créature la relation originelle, celle que définit sa propre nature ou l'alliance qu'il a conclue; le Deutéronome insiste particulièrement sur ce dernier aspect. Quand Dieu se souvient, quelque chose se passe : une situation nouvelle est créée ou une situa- tion ancienne restaurée; c'est un événement réel et non simplement une évocation. Dieu pose dans le présent une réalité qui n'existait pas.

Ainsi en est-il également de l'homme; quand il se souvient de l'alliance ou de son Dieu, il se replace dans les conditions antérieurement posées, et posées par Dieu, il rentre, en quelque sorte, dans l'alliance 2 • Aussi est-il juste de dire que, par le zikkaron, toute la situation créée par l'intervention rédemptrice de Dieu est restituée. Le sens de la fête pascale, définie comme un zikkaron, était de rendre chaque année sa vivante actualité à l'alliance établie par la grâce divine entre Yahvé et Israël3 •

Telle était donc la signification profonde du repas pascal. On voit à quelles conditions l'israélite participait dignement à ces aliments;

il devait savoir discerner en eux ce que la foi lui enseignait à y trouver.

* * *

Ces aliments ainsi expliqués, on chantait une partie du Halle[

(Ps. 1 13 à 1 I 8), on faisait des ablutions, puis on mangeait, après que le père de famille eût donné le signal en mangeant lui-même. Bientôt on remplissait une troisième coupe sur laquelle une bénédiction était, encore prononcée et le père de famille, peu après, remerciait Dieu pour le repas en prononçant encore une bénédiction; pour cette

1 Voir par exemple Gen. 8. 1; 19. 29; 30. 22; Exode 32. 13; 1 Sam. 11. 19; 25. 31.

2 Cf. O. MicHEL, art. f!..qJ.v~a-xof!..cxt, 'Iheologisches Worterbuch, t. III, p. 678.

a On trouvera une intéressante étude de la notion de signe dans l'Ancien Testament sous la plume de CARL-A. KELLER, Das W ort Oth als << Ofjenbarungszeichen Gottes ».

Eine philo'ogisch-theologische Begrifjsuntersuchung zum· Alten 'Testament, 1946. Voir not. pages 136-140 et 157 n. 66.

(23)

20 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

raison, cette troisième coupe était appelée la coupe de bénédiction;

on lui attribuait une importance particulière; l'offrir ou la recevoir avait un prix spécial. Enfin venait la quatrième coupe; on chantait la fin du H alleZ et, après une dernière bénédiction, le repas était terminé.

Ce repas tout baigné de la joie de la délivrance magnifique dont Israël avait été l'objet, prit inévitablement un caractère:·particulier en un temps où le peuple souffrait dans un esclavage nouveau. Israël avait de nouveau perdu sa liberté. Aussi le souvenir de la grande rédemption passée soulevait-il l'espoir d'une nouvelle délivrance 1 •

Le Dieu qui a manifesté sa bonté jadis ne manquera pas de la mani- fester à nouveau; sa puissance jadis efficace pour le salut est une garantie pour le salut à venir. On trouvait dans le passé glorieux du peuple des motifs d'espérer et d'attendre la grande rédemption 2

Le passé devenait un gage de l'avenir. Certains psaumes du Halle[ en reçurent une interprétation messianique 3Sur la table on plaçait parfois une coupe supplémentaire pour Elie, au cas où il reviendrait; on ne fermait pas la porte pour qu'il ne perdît pas de temps à attendre; on pensait que cette nuit-là devait être la nuit où le messie paraîtrait 4• C'est autour des coupes que se fixa surtout la pensée messianique. On les interpréta comme les quatre coupes que Yahvé donnera aux nations le jour du grand règlement de compte;

coupes de malédictions dont on trouvait la prophétie dans les quatre textes de l'Ecriture qui mentionnent des coupes de malédiction, soit Jérémie 25.15; 51.7.Psaumes 75· 9; 11.6.Enmêmetempsonrelevait

1 Voir GEORG BEER, Pesachim, rgrz, p. I et 2. Le caractère messianique s'accentua sous la domination romaine (cf. p. 63), particulièrement par l'introduction de ces mots:

<<Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (cf. A. MERX, ouv. cité, t. II, z, p. 423).

2 « The retrospect invites the prospect of the future delivrance », GEORG FooT MooRE. Judaïsm in the first Centuries, tome II, p. 42.

a « Pâques est la plus messianique de toutes les solennités israélites >>, G. BEER, ouv. cité, p. rg6 ..

4 G. DALMAN, Jesus-Joshua Ergiinzungen und JT erbesserungen zu. .. , 1929, p. 9 souligne fortement ce point. « La réalité de l'intervention divine en Egypte, quand on y reconnaissait par la foi le fondement de l'existence d'Israël en· tant que peuple de

·Dieu, contenait en soi la garantie qu'une seconde intervention divine ne manquerait pas de se produire, q.uand les résultats de la première auraient été anéantis par le péché des hommes. On était donc disposé à penser que Dieu utiliserait le même jour qu'il avait choisi. On en arriva à attendre de la pâque l'avènement de la délivrance à venir.»

(24)

LA SIGNIFICATION DU REPAS PASCAL 21

les quatre textes qui parlent de coupes de bénédiction ·1 et l'on voyait dans les coupes du rituel pascal le signe des bénédictions dont Israël serait alors le bénéficiaire.

On se rend ainsi bien compte du caractère général du repas pascal.

On voit l'atmosphère qui régnait au cours de sa célébration. La pensée y était dominée par le souvenir de la rédemption déjà accomplie et par l'attente d'une nouvelle, qui accomplirait définitivement les virtualités de la première. Pour exprimer cette double pensée, des aliments et des coupes. Aliments considérés comme de simples ali- ments, nullement chargés d'une puissance magique, nullement

« mystériques », et cependant hautement significatifs, signifiant à chaque enfant d'Israël l'acte rédempteur dont il avait été lui-même l'objet et au bénéfice duquel il vivait maintenant. Et des coupes de vin, étroitement liées par la liturgie aux formules de bénédiction, annonciatrices de la joie messianique, offrant aux croyants les glo- rieuses perspectives de la rédemption finale.

Le repas pascal, avec ses deux composants, apparaît comme le sacrement du salut. Il évoque ce que Dieu a fait et ce qu'Il fera, le salut historique et le salut eschatologique. La notion de zikkaron, qui est à la base de son rituel, donne déjà une véritable base à l'idée du sacrement. Nous ne serons pas obligés de recourir à l'hellénisme pour comprendre la naissance du sacrement eucharistique, et l'histoire ne nous contraint pas à refuser à Jésus la possibilité de l'avoir institué.

1 En réalité, on n'en trouverait que trois dans l'Ecriture: Psaumes I6.

s;

23·

s;

116. 13. Mais comme dans ce dernier texte il est parlé de la coupe des délivrances, on pensa que ce pluriel indiquait qu'il s'agissait de deux coupes! (cf. BILLERBEcK, Kom- mentar, t. II, p. 256).

(25)
(26)

IV

La distribution du pain

On a dit avec raison que le problème de la dernière cène est le problème même de la vie de Jésus 1C'est peut-être pour l'avoir oublié que les interprétations des paroles et des gestes de Jésus dans la chambre haute n'ont pas serré la question d'assez près. Elles ont trop souvent isolé ce moment de la vie de Jésus et l'ont considéré en lui -même.

Il importe de replacer la cène dans son contexte historique, à la fois psychologique et théologique. Nous venons d'évoquer une partie de ce contexte, le rite traditionnel du repas pascal, dont on aura corn ...

pris, nous l'espérons, qu'il avait « non seulement une signification sacramentelle, mais une singulière et émmivante beauté » 2 Il faut maintenant indiquer rapidement le contexte plus immédiat que cons•

titue, pour les gestes et les déclarations de Jésus, la pensée qui devait dominer son esprit à l'heure où il prend ce dernier repas.

Jésus savait ce qui l'attendait à Jérusalem. Il a vu Jean Baptiste périr sous l'hostilité des ennemis de Dieu, de son règne et de sa justice. Après avoir dit de Jean : « Ils lui ont fait tout ce qu'ils ont voulu », Jésus tire la conclusion en ce qui le concerne : «Ainsi de même le Fils de l'homme doit souffrir de leur part» (Marc 9· 13; Mat. 17.

12). Même en l'absence de prophéties explicites, nous pouvons être convaincus que Jésus a prévu sa mort; le cas de Jean, le précurseur du Messie, était assez significatif. En montant à la ville qui tue les prophètes, Jésus savait ce qu'il faisait (cf. Mat. 23. 37; Luc 13. 34).

1 ALBERT ScHWEIZER, Das Abendmahl im Zusammenhang mit àem Leben Jesu und der Geschichte des Urchristentums, 1901, p. 62.

2 G. F. MooRE, Judaïsm ... t. II, p. 43·

(27)

24 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

D'ailleurs, toute la pente de son enseignement conduisait Jésus à cette conviction. Le monde est sous la puissance d'un adversaire qui ne se laissera pas dépouiller sans une résistance opiniâtre. Toute l'activité de Jésus vise cependant à bouter dehors cet adversaire après l'avoir lié (Marc 3· 27; Mat. 12. 29; Luc II. 21) et elle triomphe effec- tivement de lui (Luc 10. 18). Il en résulte un combat, qui persiste malgré toutes les victoires remportées jusqu'ici. Plus le règne de Dieu s'avance, plus la résistance de l'adversaire se raidit. Plus la prédi- cation de la Bonne Nouvelle s'étendra, plus les disciples seront per- sécutés. Les disciples vont, comme leur maître, à l'assaut du mal;

ils en subiront eux aussi l'assaut furieux 1 •

Ces sombres perspectives s'imposaient à Jésus avec d'autant plus de force que la réflexion théologique et la méditation des juifs avaient déjà donné aux croyants la conviction que les temps messianiques seraient précédés d'une période de tribulations et de catastrophes.

Le monde connaîtrait alors les douleurs d'un véritable enfantement 2•

« Ce temps sera un temps de détresse telle qu'il n'y en a pas eu de pareille depuis qu'il existe une nation jusqu'à ce jour» (Daniel 12. 1).

Une expression technique avait même été forgée pour désigner ce temps, qu'on appelait « les douleurs du Messie »; ce qui fit penser à quelques-uns que cette période durerait le temps d'une grossesse!

L'effroi qu'on en avait poussait certains à renoncer au règne messia- nique qui devait être ainsi enfanté 3•

Jésus adopta ces vues sur le destin du monde, bien qu'il en ait répudié la forme parfois grossière pour n'en conserver que la subs- tance. Il devait être amené par elles à envisager son propre destin selon les mêmes catégories. La perspective de ses souffrances s'imposa donc à lui. On en trouve plusieurs témoignages manifestes. Qui

1 Cet enchaînement d'actions et de réactions se trouve dans le« discours» d'envoi des disciples en mission (Mat. 10. 1-40). Le caractère artificiel de cette composition ne change rien à la logique interne des choses annoncées. A toute action correspond une réaction. Satan se défendra. Même perspective dans les fragments composant l'apoca- lypse synoptique (Marc 13. 5-37; Mat. 24· 4-36; Luc 21. 8-36). Dans l'Apocalypse johan- nique, on trouve encore évoqué le combat dernier, avec la victoire finale.

2 Cf. Esaie 26. 17; 62. 8. Jér. 22. 23. Osée 13. 13. Michée 4· 9·

· s Cf. M.-J. LAGRANGE, Le messianisme chez les Juifs, 1909, p. 186. BILLERBEcK,

Kommentar, t. 1, p. 95o; t. IV, p. 977-986. P •. VoLZ, Die Eschatologie der Judischen Gemeinde im neutestamentlichen Zeitalter, 2e éd.,· 1934, p. 128-131.

(28)

LA DISTRIBUTION DU PAIN 25 mesure exactement la portée d'un mot comme celui-ci: «C'est un feu que je suis venu jeter sur terre, et que désirè-je, sinon qu'i] soit allumé? J'ai à être baptisé d'un baptême, et quelle angoisse pour moi jusqu'à ce qu'il soit accompli!» (Luc 12. 49-50) 1Nécessité de souffrances endurées dans le mépris de tous (Marc 9· 12; Mat. 17.· 12).

Perspective d'un conflit décisif avec Hérode (Luc 13. 31-33) et avec cette génération (Marc 9· 31; Mat. 17. 22; Luc 17. 25; 9· 44), sans compter les prophéties de Marc 8. 31; Mat. 16. 21; Luc 9· 22, qui

1

sont probablement authentiques pour le fond.

C'est un conflit implacable qui oppose Jésus et les puissances mauvaises. D'autres peuvent se tromper sur la gravité du conflit, ainsi Pierre. Jésus ne s'y trompe pas; il sait le sort réservé au fils du maître de la vigne dans la parabole qu'il a lui-même racontée (Marc 12. 1-12; Matt. 21. 33-46; Luc 20. 9-19).

On peut. cependant se demander si Jésus a toujours envisagé que sa mort fût la seule issue possible de ce conflit. Après tout, Dieu ne devrait-il pas écarter cette suprême humiliation? Ne pourrait-il pas vaincre l'opposition des méchants et faire triompher le Jus te, avant .que la main des meurtriers ne soit portée sur lui ? Certainement, Jésus a dû entrevoir la possibilité, voire la légitimité d'une interven- tion de Dieu qui l'eût délivré de ses adversaires en les écrasant.

S'il a lutté à Gethsémané pour accepter la voie douloureuse, c'est que l'autre voie, la voie du triomphe, avait été vraiment pour lui une possibilité réelle, qu'il avait envisagée. Il avait pensé que Dieu pou- vait lui donner un triomphe immédiat, terrassant ses ennemis par une intervention puissante, faisant triompher sa cause par une mani- festation glorieuse et écrasante de sa souveraineté. Cette perspective bouleversante d'une action qui eût empêché le dernier crime, n'est-elle pas évoquée en propres termes par Jésus dans ces mots : « Je pourrais prier mon père et il mettrait à ma disposition plus de douze légions d'anges»· (Mat. 26. 53)? Cette solution transcendante était possible.

On peut penser d'autant plus aisément qu'elle est entrée dans l'hori- zon de Jésus, que celui -ci a cru, à un moment de son ministère, à la venue du Royaume dans des délais très prochains. La venue du

1 A ces paroles font encore écho les versets 51 et suiv. et Mat. 10. 34-36.

(29)

26 LE SACREMENT DE LA SAINTE CÈNE

Royaume, c'était la victoire du Christ sur tous ses ennemis, leur écrasement et sa justification. C'était sa glorification et la mort des méchants.

Or Jésus a écarté, en définitive, l'idée de triompher de ses ennemis par ce coup de force. Il n'a pas prié son père qu'il vînt le délivrer en envoyant des légions d'anges. Il a préféré mourir. Il a accepté que les ennemis de Dieu triomphassent de lui. Pourquoi ? Parce qu'une intervention immédiate et souveraine de Dieu instaurant son règne et glorifiant son Fils, c' eût été la condamnation et la mort de tous ceux qui avaient repoussé l'évangile du pardon et de l'amour. Le déploie- ment de la puissance céleste eût instauré le règne de Dieu sur un désert humain. L'amour n'eût pas triomphé du péché.

Jésus n'a pas voulu cela. 11 savait qu'il était possible que le Fils de l'homme à son retour ne trouvât point la foi parmi les hommes (Luc r8. 8), mais il voulait du moins qu'un temps s'écoulât pendant lequel les hommes fussent mis dans le cas de se repentir et de recevoir l'év3;ngile qu'il avait annoncé. La perspective d'une venue très pro- chaine du règne de Dieu cédait ainsi la place à la pensée d'un sursis.

Un temps s'écoulerait pendant lequel le maître absent laisserait les serviteurs devant leurs responsabilités.

Or, si Dieu n'intervenait pas maintenant pour mettre fin au conflit, la seule issue concrète devait bien être le succès des entreprises diaboliques contre son fils. Le conflit était à la mort ou à la vie. Si Jésus n'avait pas accepté de mourir, les hommes eussent péri dans le bouleversement qui instaurerait son règne. Pour les sauver de cette condamnation et de cette mort, il fallait qu'il acceptât de mourir à la place de ses ennemis et pour eux. Leur juste punition ne les frappera pas, mais lui, il portera à leur place la conséquence de leur péché déicide. Le Fils a compris que le Père lui demandait cela, parce que l'amour parfait ne pouvait accepter que le message de la grâce aboutît à la condamnation. Jésus déclara qu'il était venu servir. Dans les circonstances créées par la dureté des cœurs, servir aboutissait à donner sa vie pour affranchir de la condamnation les hommes qui refusaient de se repentir. On voit, dans la pensée de Jésus, le ministère du service lié à la nécessité de la mort, et celle-ci comprise justement

(30)

LA DISTRIBUTION DU PAIN

27

comme une rançon, comme un don gratuit offert au bénéfice d'un esclave (Marc 10. 45; Mat. 20. 28). Jésus mourra pour sauver. Il prendra sur lui le destin tragique qu'il a évoqué avec l'image du bap- tême : il sera submergé par le flot de la méchanceté, il disparaîtra de la vue des hommes. Il accepte cela dans l'angoisse (Luc 12. 50) et, à Gethsémané, il connaîtra une indicible agonie de l'âme, quand l'heure sera venue d'aller jusqu'au bout. A cette heure, c'est par obéissance qu'il va de l'avant; c'est son Père qui lui demande de pren- dre sur soi le drame de la révolte de l'homme. Le plan de Dieu pour le salut du monde veut que le Christ passe par cette humiliation suprême : « Que ta volonté soit faite, et non la mienne » (Marc 14.

32-42; Mat. 26. 36-46; Luc 22. 40-46).

Une fois écartée l'idée d'une intervention surnaturelle des légions d'anges, lé drame devait se dérouler jusqu'au bout. Les partis en présence, çe n'est pas seulement Jésus et ses adversaires : c'est Dieu et Satan. Dans les hommes qui s'avancent pour s'emparer de lui et l'emmener à la mort, Jésus voit les valets du Malin. Ille leur déclare

~n face : « Voici votre heure, dit-il, et la Puissance des ténèbres agit par vous» (Luc 22. 53). Ce mot éclaire bien le sens que Jésus donne à ces événements derniers. Satan joue sa dernière carte, il frappe à la tête, il va remporter une apparente victoire. Mais Dieu sait ce qu'il fait quand il engage son fils dans cette voie douloureuse. Il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il vive. Telle est la volonté dernière à laquelle Jésus obéit librement, par amour pour Dieu et par amour pour les hommes, au moment où il va entrer dans le dernier acte du conflit qui l'a opposé à la «Puissance des ténèbres» 1 •

1 On s'en rend bien compte, il faudrait encore d'autres développements pour mon- trer la portée de l'interprétation de la pensée de Jésus sur sa mort, que nous venons de proposer. Bien que trop brèves, ces indications montreront comment la nécessité de sa mort s'est imposée à Jésus. Elles suffiront, nous l'espérons, à convaincre qu'une expli- cation des intentions de Jésus ne peut en aucun cas faire abstraction de la croix, ni la reléguer au second plan. Telle est cependant l'emprise des formulations dogmatiques, que l'on se croit généralement acculé à choisir entre les fadaises sentimentales des inter- prétations << libérales >> et les outrances juridiques des interprétations << orthodoxes ».

Les textes et les faits nous obligent à récuser ce très fâcheux dilemme, qui pèse comme un interdit séculaire sur la compréhension historique et théologique de la pensée de Jésus.

Ajoutons que les essais qu'on a tentés, et toujours renouvelés, d'enraciner la nécessité de la mort dans l'histoire de la pensée de Jésus, en faisant appel à la prophétie du second Esaïe, nous paraissent trop mal fondés et finalement arbitraires. Si Jésus avait eu la

Références

Documents relatifs

Question 5 : en ne considérant que les 5 mois d’hiver (novembre à mars), donner une estimation de la production d’énergie électrique sur une année pour l’ensemble

alin saute dans la mare de pisse et clabousse les premiers rangs un prtre grim en Pre Nol se fait insulter des crachats recouvrent le corps et les joues d'un homêmeles comdiens

« Le soir de la fête de la Pâque avec tes apôtres, Seigneur Jésus tu donnes ton corps et ton sang en nourriture en disant « Faites cela en mémoire de moi ». Tu es mort sur la

Il nous atteste ainsi que, tout aussi certainement que nous prenons et tenons le sacrement dans nos mains et que nous le mangeons et le buvons par notre bouche (moyen par lequel

On ne saura sans doute jamais de quelle manière l’apôtre-patriarche Bischoff a reçu ce message, cette révélation.. Lui-même s’exprimait toujours de manière très générale à

Des cellules qui n’ont jamais été exposées aux UV, sont prélevées chez un individu sain et chez un individu atteint de Xeroderma pigmentosum.. Ces cellules sont mises en

C’est en fidélité à son commandement que nous allons nous « laver les pieds les uns aux autres » pour apprendre à ressembler à notre Seigneur qui, selon

— Oui, car puisqu’ils appartiennent aussi bien que les adultes à l’alliance de Dieu et à son Église 1 , et puisque la rémission des péchés 2 par le sang du Christ et par le