• Aucun résultat trouvé

FARRON.qxp:FARRON int. 07/04/11 10:01 Page1 PIERRE MICHON

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "FARRON.qxp:FARRON int. 07/04/11 10:01 Page1 PIERRE MICHON"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)
(2)

PIERRE MICHON

(3)
(4)

IVAN FARRON

PIERRE MICHON

LA GRÂCE PAR LES ŒUVRES

(5)

COLLECTIONÉCRIVAINS

Ce livre constitue la version remaniée d'une thèse de doctorat en littérature française présentée à la Faculté des Lettres de Zurich au semestre d'hiver 2002-2003, sous la

direction des professeurs Luzius Keller et Roger Francillon.

Je remercie tout particulièrement le professeur Luzius Keller, qui m'a soutenu durant la rédaction de ce travail et m'a permis d'organiser à Zurich une journée d'étude consacrée à Michon. Merci également à Thomas Hunkeler, Arnaud Buchs et Peter Frei qui ont été mes premiers lecteurs et m'ont fait des remarques judicieuses.

© Éditions Zoé, 11 rue des Moraines, CH-1227 Carouge-Genève, et la Fondation Pittard de l’Andelyn, 2004 Maquette de couverture : Evelyne Decroux

Illustration : ISBN : 2-88182-000-0

(6)

Liste des abréviations utilisées

VM Vies minuscules

VR Vie de Joseph Roulin

EO L’Empereur d’Occident

MS Maîtres et serviteurs

R Rimbaud le fils

RB Le Roi du bois

GB La Grande Beune

TA Trois Auteurs

MH Mythologies d’hiver

CR Corps du roi

A Abbés

Pour Vies minusculeset Rimbaud le fils, je cite d’après l’édition

« Folio ». Je mentionne entre guillemets les textes parus en revue et non repris en volume et en italiques les parties iso- lées d’un recueil (par exemple Vie de Georges Bandy, qui fait partie des Vies minuscules). Pour toute indication plus détaillée, je me permets de renvoyer à la bibliographie en fin de volume.

5

(7)
(8)

OUVERTURE

Un retour au temps ?

En 1848, Balzac vient de terminer L’Envers de l’histoire contemporaine. Malade, il rejoint Mme Hanska en Ukraine et n’écrira plus une ligne jusqu’à sa mort, deux années plus tard. Dans Le Temps est un grand maigre(TA 11-46), Pierre Michon livre deux hypothèses susceptibles d’expliquer cet effondrement créateur :

Hypothèse idéaliste : « On renonce d’abord à l’impossible, ensuite à tout le reste » (Henri Thomas). Ou : quand on ne croit plus à l’impossible, pourquoi remuer le petit doigt ? Balzac ne croyait plus que la littérature lui fût inaccessible, pas plus que la femme titrée, ni la gloire. Il avait usurpé tout cela. Et quand par violence on s’est emparé de tout cela, quelle raison, quelle espérance insensée, peut vous pousser à continuer le cinéma nocturne ? Balzac, le gros homme vaniteux, le gros homme indigne, disait à part lui, comme Groucho Marx : « Comment voulez-vous que j’accepte d’ap- partenir à un club qui accepte des gens comme moi ? » Hypothèse nihiliste : « À propos, je suis enfin allé dans les appartements privés, et je dois avouer qu’ils n’existent pas

7

(9)

du tout… Curieux ! Et j’ai cru dur comme fer aux apparte- ments privés » (Robert Walser). Quand on a écrit La Comé- die humaine, on sait que ce n’était rien, la littérature : seule- ment cette frime nocturne, ces larmes qu’on s’arrache, ce putsch de l’incipit et ce vouloir qui vous tire en avant, vers la fin, ce corps qu’on troue de caféine, cette espérance mortelle.

Parmi ceux qui pénètrent dans les appartements privés, certains comprennent sur-le-champ qu’ils n’existent pas : Rimbaud. D’autres rament vingt ans pour l’apercevoir ; l’ayant compris, ils détournent la tête et continuent tout de même, mais déchoient sans recours : Parabolede Faulkner.

D’autres enfin mettent aux appartements de quadruples verrous et une porte blindée : Finnegans Wake. (TA 29-30) L’échec balzacien est examiné à travers une lorgnette contemporaine. Dans le champ de vision du préfacier inter- fèrent en effet plusieurs grandes entreprises littéraires pos- térieures à La Comédie humaine. Que ce soient l’abandon de la littérature causé par une conscience suraiguë de ses limites (Rimbaud), l’hermétisme brandi comme un déni du ratage (les « quadruples verrous et la porte blindée de Finne- gans Wake») ou la déchéance lucide de Faulkner, ces exemples montrent les stratégies déployées, selon Michon, par certains grands écrivains pour s’accommoder d’une exi- gence artistique si élevée qu’elle ne peut être payée de retour. Mais chez Balzac, l’« impossible » que doit affronter l’écrivain, ces « appartements privés » dont il recherche l’en- trée en frère jumeau du Jakob von Gunten de L’Institut Ben- jamenta 1, ne se mesurent pas encore en termes strictement littéraires. Le Balzac de Michon espère que son déploie- ment d’énergie littéraire lui donnera accès à la « femme titrée » et à la « gloire », comme le préfacier s’en explique au détour d’un entretien accordé au Magazine littéraire:

8

(10)

On peut dire que le seul écrivain réussi pour Balzac, c’est Napoléon. Bonaparte a fait des petits textes quand il était jeune et il a bien réussi son coup. Pour Balzac, tout est mêlé, la pureté littéraire, il ne savait pas ce que c’était, ça n’était pas inventé. C’est la génération de Baudelaire qui l’invente, la Littérature avec un grand L. C’est déjà en fili- grane chez Balzac, mais il n’a pas le concept affiné pour le dire, il n’a pas mis au point ce piège qu’ont mis au point Baudelaire, Mallarmé, Flaubert. […] Les gens qui viennent à Paris pleins d’énergie, c’est bien sûr pour écrire mais c’est aussi quand même pour coucher avec des duchesses.

Ils n’en sont pas encore réduits au fait qu’ils vont être toute leur vie dans une mansarde à écrire pour la postérité […].2 De même, l’abondance de la Comédie humaine, l’opti- misme démiurgique de son auteur, commenté à plusieurs endroits de la préface (« Il y a dans ce qu’on peut deviner de cet homme quelque chose de saisissant, une joie osten- sible et vaillante, comme une enfance lourde de larmes et de rire, balbutiante, gentille, mendiante, éprise de l’espoir, sous la puissance sans pareille de la statue de Rodin », TA 32) participent de conditions historiques antérieures à la modernité, dont la date de 1848 représente un des fonde- ments mythiques. Mais par sa crise d’impuissance littéraire, le Balzac de Michon est tiré du côté de la page blanche mal- larméenne et des propres difficultés à écrire du préfacier. Si derrière le portrait se décèle un autoportrait fantasmé, le rêve d’une omnipotence littéraire est battu en brèche.

Dans Pour un nouveau roman 3, Alain Robbe-Grillet s’en prenait violemment aux zélateurs de Balzac avec l’esprit polémique des avant-gardes :

Comment cette conception actuelle de l’œuvre pourrait- elle permettre que le temps soit le personnage principal du livre, ou du film ? N’est-ce pas plutôt au roman tradition- nel, au roman balzacien, par exemple, que s’appliquerait

9

(11)

justement cette définition ? Là le temps jouait un rôle et le premier : il accomplissait l’homme, il était l’agent et la mesure de son destin. Qu’il s’agisse d’une ascension ou d’une déchéance, il réalisait un devenir, à la fois gage de triomphe d’une société à la conquête du monde, et fatalité d’une nature : la condition mortelle de l’homme. Les pas- sions comme les événements ne pouvaient être envisagés que dans un développement temporel : naissance, crois- sance, paroxysme, déclin et chute.4

Or c’est précisément l’importance du temps dans l’uni- vers balzacien que souligne le texte de Michon, déjà dans son titre. Le Temps est un grand maigre adhère – avec nostal- gie ? – à la vision ancienne d’une littérature écrite afin de faire mourir ses héros (TA 12), de montrer « l’ignoble étreinte du grand maigre sur [la] chair, et le sourire tout de même de la chair » (TA 17). Le préfacier et sa préface s’ins- crivent eux-mêmes dans une durée en rendant hommage aux formes artistiques du passé (« Si la culture a un sens, elle est ce salut fraternel aux mânes des grands morts – comme une forme appauvrie de ce qu’au temps de Sigismond, roi burgonde, les moines de Cluny instituèrent sous le nom de laus perennis, la louange perpétuelle, la prière ininterrom- pue, assurée par trois équipes de moines qui se succédaient en tournant régulièrement chaque jour », TA 12).

Un goût paradoxal pour l’ancien

À l’image du Balzac dont elle fait le portait, la préface de Michon est construite selon un réseau d’oppositions qui tra- duisent une certaine ambiguïté. L’attachement aux archaïsmes 18e(TA 18) et à un monde provincial où « on ne sait pas encore que l’Éternité est morte, on croit toujours que sous la terre le temps affûte toujours ses dents longues »

10

(12)

(TA 22), le goût pour le détail d’histoire littéraire (ainsi de George Sand, Michon dit qu’elle a « de beaux yeux de vache limousine dans les prés », TA 25), le personnage roma- nesque (« Quel jour Proust eut-il l’idée de Charlus ? Mel- ville, d’Achab ? Dostoïevski, du Prince ? Faulkner, de Benja- min Compson (Benjy. Notre benjamin. Qui fut vendu en Égypte)? Quel jour Balzac a-t-il vu passer Vautrin ? », TA 13) traduisent un parti pris de l’ancien. Mais ce retour à des catégories apparemment sécurisantes (le temps, la transcen- dance, le sujet) répudiées par la théorie des années 60-70 est envahi par le doute, comme en témoignent les nom- breuses tournures interrogatives qui émaillent le texte. De plus, ce regard tourné vers l’arrière est souvent insolent et surprenant. Anecdotes oui, mais pas les plus connues, his- toire littéraire oui, mais dans une optique nouvelle : quand Balzac a-t-il eu l’idée de Vautrin ?

« On ne sait qui meurt ni qui vit » (TA 13) dit le préfacier Michon en évoquant le destin incertain d’un camarade de conseil de révision. Comment reconstruire un passé mythique, comme l’épisode de la rencontre entre Baude- laire et Balzac, rapportée de seconde main, puisque Michon se fonde sur le récit qu’en fit Prarond dans une lettre à Eugène Crépet ? :

Qu’est-ce qui me charme tant dans ces morceaux mythiques ? L’entrée de plain-pied dans les appartements pri- vés? Le côté Théogonie, comme une rencontre d’Hadès et d’Héphaïstos ? Le peu de réel qui s’y cache quand même […] ? Qu’est-ce qui me charme tant – et me laisse pourtant sur ma faim ? C’est peut-être que j’y vois une des parties émergées de l’immense roman mille fois ébauché par mille plumes mais jamais rassemblé dans un impossible corpus, un corpus qu’aucun Bouvard et Pécuchet ne pourrait com- bler, le roman de la littérature en personne, en toutes ses per- sonnes, depuis Homère. C’est une petite épiphanie en

11

(13)

miroir de la littérature personnellement qui m’émeut là.

(TA 39-40)

La lucidité critique accompagne ici l’évocation émue. Ce passé où se cache « [un] peu de réel » est indiscernable dans son ensemble et sa quête se réduit à la vaine tentative de mettre à jour un « impossible corpus », finissant par « [lais- ser] sur sa faim » l’hypothétique témoin-biographe et carré- ment disparaître de sa vue :

Le grand maigre a pris le gros homme par le bras, le gilet du grand maigre est long et noir, la canne de l’autre a pour pomme une turquoise de Mogol, ils ont l’un et l’autre le fantastique habit noir, sur la tête la chose noire et surnatu- relle, ils s’éloignent le long de la Seine, ils gesticulent un peu, ils tournent le coin de la rue du Bac, on ne les voit plus. On ne voit plus les habits noirs. On voit en plein jour la lune voilée de nuages. Était-ce bien la littérature, là, tout à l’heure ? Il y a un peu de brouillard sur Paris, ce matin de mars 1842. (TA 40-41)

Une quête de l’origine

Aux poétiques de tabula rasa des avant-gardes comme celle du Nouveau Roman dans sa période militante se sub- stitue chez Michon un travail d’exploration du passé, une préoccupation constante de l’originequi le conduit à fouiller la mémoire individuelle et collective, à chercher dans ses propres antécédents ainsi que dans l’histoire au sens plus large ce qui le fonde et le constitue comme sujet et comme écrivain. Rien ici qui ne s’inscrive dans la mutation littéraire observée en France lors du dernier quart de siècle5: enquête sur les formes artistiques et symboliques du passé (Quignard) ; prééminence accrue de l’autofiction (Dou-

12

(14)

brovsky, Guibert) et exploration du roman familial (Simon, Rouaud). La tentative de Michon est emblématique de ces questionnements qui touchent simultanément aux champs de l’art et de la pensée. Cette œuvre interroge en effet anxieusement ses propres conditions de possibilité. Pour- quoi et comment se met-on à écrire, à peindre ? De quelle manière, sous le regard de quelles instances, réprobatrices ou favorables, le désir de l’entreprise artistique peut-il espé- rer une improbable réalisation ? Quelle est la source de ce désir ? De quelles fêlures procède-t-il ? Quelles généalogies, fictives ou réelles, s’invente-t-il pour se justifier ?

Mais aussi, comment écrire quand on n’adhère pas plei- nement à une entreprise à l’égard de laquelle Michon, déniaisé de toute naïveté conceptuelle, est empreint d’une lucidité qu’il délègue à différentes instances narratives ? quand l’origine provinciale rend d’autant plus difficile la vocation littéraire, confrontant l’écrivain impétrant à une honte inextinguible ? quand une relation problématique au père désigne un manque immense que l’écriture tentera de combler avec des moyens limités et perçus en tant que tels ? Ces questions, l’œuvre de Michon les ressasse, constituant à la fois une quête ininterrompue de l’écriture et le récit cri- tique de cette quête.

L’art et la création sont sans cesse (ré)examinés chez Michon. On pense au héros de Vies minuscules, écrivain en devenir ; à Rimbaud, objet d’un livre qui interroge le mythe du poète (Rimbaud le fils); à Balzac, Cingria, Faulkner, Flau- bert, Beckett, Hugo auxquels sont consacrées les études de Trois Auteurs et de Corps du roi; mais aussi aux peintres

« réels » de Vie de Joseph Roulin, Maîtres et serviteurs, Le Roi du bois; au peintre « fictif » des « Onze »6, au musicien de L’Em- pereur d’Occident et aux différentes figures qui peuplent les Abbés et les Mythologies d’hiver. Dans une forme qui annule souvent les distinctions entre la fiction et l’essai, elle établit

13

(15)

sans cesse les conditions de sa propre existence, problémati- sant la possibilité de la littérature tout court dans une pers- pective contemporaine.

Vies minuscules, paru en 1984, explicite l’aspect personnel de ce propos. Ce premier livre a une portée non dépassée dans l’œuvre de Michon, qui tient pour beaucoup à sa visée rédemptrice. Texte à forte teneur autobiographique, Vies minuscules assimile la possibilité d’écrire au salut de son auteur. Le calvaire de l’écrivain impuissant, décrit dans une rhétorique traduisant l’enjeu littéraire en termes de grâce ou de damnation, est contredit implicitement par l’accom- plissement progressif du livre. Les enjeux de cette réussite donnent aux Vies minusculesla dimension unique d’une pre- mière fois, que ne pouvaient atteindre – et pour cause – les ouvrages qui ont suivi. Michon a résolu en partie le pro- blème en faisant de cet ouvrage le centre de son œuvre, lié aux autres textes par un principe d’éclairage réciproque (« Tous les livres qui ont suivi sont comme un commentaire des Vies minuscules»7), même s’il avoue parfois que son acti- vité d’écrivain a pâti du poids de cette réussite initiale.

Ce premier texte inaugure la désormais fameuse manière oblique de Michon. Le récit autobiographique s’articule en filigrane à l’intérieur de huit biographies que le narrateur- protagoniste a connu, réellement ou par ouï dire : vies appa- remment insignifiantes voire misérables, « infâmes » au sens étymologique, mais dont l’écriture, ample et n’hésitant pas devant l’emploi de l’hyperbole et de la période, tente de rédimer le ratage et de les décliner sur le mode de l’hagio- graphie. La médiation du minuscule, qui connaît aujour- d’hui une grande fortune dans les domaines de la littérature et des sciences humaines (si l’on pense par exemple aux tra- vaux d’Arlette Farge, arrachant à l’anonymat de l’archive des figures de témoins oubliés de l’histoire)8, permet ici un jeu subtil d’identifications entre le soi et l’autre. Le dépasse-

14

Références

Documents relatifs

Si la peinture est ici si frontalement convoquée, c’est qu’elle permet à Pierre Michon de s’adonner à sa passion des visages, car non seulement figure l’événement, mais elle

La composition même du recueil semble filer la symbolique, puisqu’il compte, répartis en trois parties, non pas treize, mais quatorze livres – signe que le roman, comme l’Histoire,

In this paper, an adaptive multi-controller architecture of control is proposed and applied on the task of mobile robot navigation in presence of obstacles. The proposed

Bien que le rôle joué par le gène NF2 soit évident dans la tumorogénèse des méningiomes pédiatriques, l’association à une NF2 n’est pas corrélée à

Le récit est tout entier bâti autour de cette fiction de présence, pour reprendre la formule de Sophie Rabau 21 : un narrateur qui, par ses tournures de bonimenteur,

Leur travail a été remarquable (par exemple c'est eux seuls qui ont travaillé l'étranger pour les premières traductions : les Vies minuscules ont été traduites bien après Roulin,

This is quite natural if the central figure of the prophecy is seen in analogy to that of the Royal Psalms (Ps.72:8-n, etc.). As to the rebuilding of the walls, it should be pointed

Bochart], dont la vertu et le sçavoir rendent digne d’une eternelle mémoire, a esté traitté de pedant dans cette Cour ; la Reyne s’est souvent plainte dequoy il estoist for