la crise du milieu de la vie
C H E Z L E M Ê M E É D I T E U R
PSYCHOLOGIE PATHOLOGIQUE, THÉORIQUE ET CLINIQUE, sous la direction de Jean BERGERET. Préface de D. WIDLOCHER. Collection Abrégés de Méde- cine. 1995, 6e édition complétée, 344 pages, 21 figures.
LA DÉPRESSION. ÉTUDES, sous la direction de André FELINE, Patrick HARDY, Monique DE BONIS. Collection Abrégés de Médecine. 1991, 308 pages, 7 figures, 11 tableaux.
PSYCHOLOGIE MÉDICALE, par Philippe JEAMMET, Michel RAYNAUD, Silla CONSOLI. Préface de H. FLAVIGNY. Collection Abrégés de Médecine. 1992, 6e tirage, 368 pages.
FACTEURS HUMAINS ET SITUATIONS EXTRÊMES, par Jean RIVOLIER. Collection Médecine et Psychothérapie. 1992, 264 pages, 7 figures, tableaux.
TROUBLES SEXUELS MASCULINS EN CONSULTATION DE PSYCHOLOGIE MÉDICALE,
par Jean TIGNOL, Collection Médecine et Psychothérapie. 1992, 152 pages,
4 figures, 5 tableaux.
COLLECTION MÉDECINE ET PSYCHOTHÉRAPIE
la crise du milieu de la vie
p a r L. M I L L E T
avec la collaboration de J. PON et F. MILLET-BARTOLI
2e tirage
MASSON Paris Milan Barcelone
1995
DANGER
PHOTOCOPILLAGE LE
TUE LE LIVRE
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Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée.
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© M a s s o n , P a r i s , 1 9 9 3 ISBN : 2-225-84374-0
ISSN : 0982-2712
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avant-propos
Deux équipes nous ont aidés à réaliser ce travail :
• l'une est celle du Service de Psychiatrie et Psychologie Médicale du C H U de Toulouse (Pr P. MORON), aux activités de laquelle nous participons depuis son origine,
• l'autre, celle que nous avons organisée à la Clinique de Montberon, depuis 1968, avec l ' a c c o r d des Drs, J. BOUE et J. SOLIER.
Nous tenons à remercier globalement chacun de leurs membres p o u r avoir a p p o r t e r sa pierre à notre effort de construction, mais plus particulièrement les Drs C. ANDRÉ, R. BAUX, P. CABAL, B. DESCLAUX, B. RIVES, M. RUDAZ- RIDOUARD, E. SOLLES, ainsi que Mmes J. DEMOLLIENS et M. SUDRIES.
Mme C. FABRE a été une collaboratrice compétente, intelligente, dévouée et efficace p o u r la dactylographie de ce rapport ; qu 'elle en soit vivement remerciée.
Nous avons reçu des remarques bibliographiques précieuses du Dr J. GARRABE et du Pr F. GRUNBERG; à tous deux, nous tenons à exprimer notre très vive gratitude. Celle-ci s'adresse, aussi, p o u r des raisons du même ordre, aux Prs B. BENSMAIL, M. ESCANDE, J. GUYOTAT, J.-M. LÉGER, J.-L. MONTASTRUC et D. PRINGUEY et aux Drs R. CHATELAIN, A. GASSIOT, J.-C. PENOCHET, C. RODIÈRE-REIN, L. SCHMITT, D. TRONCHE.
Nous tenons à dire notre admiration aux Drs D. M ARC ELLI et A. BRACONNIER, p o u r leur ouvrage sur la « Psychopathologie de l'adolescent », dont la qualité nous a aidés à structurer notre travail.
Au-delà de cette reconnaissance immédiate, et à des titres très divers mais tous très importants, nous remercions, de f a ç o n profonde et essentielle,
• p o u r leur affection attentive et leurs conseils, tous les membres de notre entourage familial,
• pour la confiance et l'attention qu'ils nous ont accordées, le Médecin Inspecteur Général J.-V. PARAIRE, le Pr Y. PELICIER et le Pr M. POROT, ainsi que R. G IRA U DON, L. NOT et A. TOUZEL,
• p o u r leur amitié et leur enseignement, notre Maître M. RISER, notre ami P.-F. COMBES, ainsi que l'écrivain R. ABELLIO, tous trois trop tôt disparus,
• p o u r l'aide qu'ils nous apportent à comprendre tels ou tels aspects de la vie humaine, les patients qui nous f o n t confiance.
L. MILLET.
Nous remercions le Professeur J.-M. LEGER qui, au nom du Congrès de
Psychiatrie et de Neurologie de Langue française nous a autorisé la reproduc-
tion de notre Rapport présenté à Lille en 1990.
INTRODUCTION
Ce travail se donne pour but d'étudier et de discuter la notion de « Crise du Milieu de la Vie », peu usitée en France, fréquemment employée, au contraire, aux U.S.A., où elle semble entrée dans le langage courant. Son intérêt majeur nous paraît, dans le domaine de la psychopathologie, consis- ter à placer l'accent sur l'importance des changements possibles des compor- tements personnels au cours de l'âge moyen.
Notre article de 1983, dans les Annales Médico-Psychologiques, posait une question : « La crise du milieu de la vie : mythe ou réalité clinique ? » Il nous semble, aujourd'hui, possible d'y répondre avec une meilleure approche, car nous avons, très souvent depuis lors, rencontré de nombreux patients dont la problématique correspond bien à l'ébauche clinique que nous proposions. Peut-être, cependant, ne s'agit-il que d'un mythe, puisque la véritable réalité — à laquelle se confronte, tous les jours, notre pratique psychiatrique — concerne essentiellement l'existence concrète des person- nes dans leurs variétés et leurs unicités et non pas une abstraction, forcément théorique et trop générale ; mais il est des mythes dont l'intérêt explicatif est fécond et utile. Il nous semble que la notion de crise du milieu de la vie peut nous aider à comprendre certains de nos patients et à adopter à leur égard une attitude plus adaptée et plus satisfaisante.
Bien sûr, l'expression même de « crise du milieu de la vie » peut apparaî- tre discutable, ce que nous ne manquerons pas d'admettre et d'argumenter ; peut-être aurait-il mieux valu parler de « modifications psychologiques de l'âge moyen » ou encore de « tournant(s) de la vie adulte », mais nous avons préféré garder son aspect imagé en raison d'une part de ses lettres de noblesse, relevant du « divin » DANTE lui-même (il évoque le milieu de la vie), d'autre part de sa connotation populaire, relevant de la sagesse des nations (qui parle, aussi, du « démon de midi »). Il ne s'agit pas, en tout cas, d'un concept stéréotypé, d'une forme rigide ; chacun crée sa manière, profondément personnelle, de subir et de construire les moments de son existence. Quant à la notion de milieu, il faut la prendre dans son sens psychologique et non pas mathématique.
Le terme de crise, lui-même parfois contesté, laisse place en réalité à
une définition large qui lui permet de désigner, bien au-delà d'un trouble
p a t h o l o g i q u e , u n e é v o l u t i o n v e r s l a m a t u r a t i o n e t l ' é p a n o u i s s e m e n t ( p e r m e t - t a n t p a r e x e m p l e à l a c h r y s a l i d e d e d e v e n i r p a p i l l o n ) .
N o u s s a v o n s d ' e m b l é e q u e n o t r e t r a v a i l n ' e s t q u ' u n e e s q u i s s e e t q u e , s a n s d o u t e , s o n s e u l m é r i t e ( s ' i l e n a u n . . . ?) c o n s i s t e r a à p r o v o q u e r d ' a u t r e s t r a v a u x s u r l e s t a t u t p s y c h o p a t h o l o g i q u e d e l ' a d u l t e a u m i d i d e l a v i e . N o u s n e s o u h a i t o n s p a s u n é c l a t e m e n t d e l a p s y c h i a t r i e , m a i s il f a u t b i e n le c o n s t a t e r , a u m o m e n t o ù l a p é d o p s y c h i a t r i e d e v i e n t a u t o n o m e , o ù l a p s y c h o - g é r i a t r i e é t e n d s o n d o m a i n e t h é o r i q u e e t p r a t i q u e , o ù d e t r è s n o m b r e u x t r a v a u x s o n t c o n s a c r é s à l a p s y c h o p a t h o l o g i e d e l ' a d o l e s c e n c e , l a p s y c h o l o - g i e e t l a p s y c h o p a t h o l o g i e d e l ' â g e m o y e n a p p a r a i s s e n t c o m m e l e s p a r e n t s p a u v r e s d e n o t r e r e c h e r c h e ; J . ROUART é v o q u a i t d é j à c e t t e c a r e n c e , il y a u n e q u i n z a i n e d ' a n n é e s : « T a n t a été c o n s i d é r é e c o m m e t y p i q u e c e t t e p s y c h o p a t h o l o g i e d e l ' a d u l t e q u ' o n a p e u s o n g é à e n v i s a g e r les f o r m e s m ê m e s q u e p r e n d s a m o r b i d i t é m e n t a l e , c o m m e d é t e r m i n é e s p a r les d i f f i c u l t é s d e s a t i s f a i r e a u x e x i g e n c e s s p é c i f i q u e s d e c e t â g e , m o i n s p e u t - ê t r e à celles q u e r é c l a m e n t d e l u i les c i r c o n s t a n c e s e x t é r i e u r e s q u e celles q u e p o s t u l e s a c o n f o r - m i t é à la r e p r é s e n t a t i o n a l l é g o r i q u e q u ' o n s ' e n f a i t . » N o t r e m o d e s t e a m b i t i o n e s t d e p a r t i c i p e r à r é p o n d r e à c e t y p e d e q u e s t i o n s , m u l t i p l e s à n o t r e a v i s , e t i m p o r t a n t e s à l a f o i s s u r le p l a n s o c i a l e t t h é r a p e u t i q u e .
A u n e c e r t a i n e p h a s e d e l ' â g e m o y e n , le s u j e t p r e n d , le p l u s s o u v e n t , u n e c o n s c i e n c e d e p l u s e n p l u s n e t t e e t c l a i r e d e l a c o n d i t i o n p r é c a i r e d e s o n i n d i v i d u a l i t é p r o p r e . A y a n t c o n s a c r é s e s p r e m i e r s e f f o r t s d ' a d u l t e à s ' a f f i r - m e r s o c i a l e m e n t e t a f f e c t i v e m e n t , e t f r é q u e m m e n t a u s s i p a r l a p a r e n t a l i t é , à s ' i n s c r i r e d a n s l a s u c c e s s i o n d e s g é n é r a t i o n s , il p a r v i e n t à u n e p é r i o d e o ù il f a i t u n b i l a n d e s o n p a s s é e t d e s e s r é a l i s a t i o n s , s ' i n t e r r o g e a n t d e f a ç o n p l u s o u m o i n s c l a i r e e t p r é c i s e s u r le s e n s d e s o n e x i s t e n c e ; il p r e n d p o u r c e l a u n e c e r t a i n e d i s t a n c e v i s - à - v i s d e l u i - m ê m e e t s ' a p e r ç o i t s o u v e n t q u e l a f i n d e l ' a d o l e s c e n c e n e s i g n i f i e p a s t o u t à f a i t l a m a t u r i t é ; il a p a r f o i s l ' i m p r e s s i o n d ' a v o i r é t é p r i s o n n i e r , e n g r a n d e p a r t i e , d e s o n p a s s é , d e s o n e n f a n c e e t m ê m e d e c h o i x i n i t i a l e m e n t r e s s e n t i s c o m m e t o u t à f a i t l i b r e s , a c t u e l l e m e n t é p r o u v é s c o m m e t r o p m a r q u é s e t c o n d i t i o n n é s p a r le g r o u p e f a m i l i a l i n t é r i o r i s é d o n t il e s t i s s u ; d a n s q u e l q u e s c a s , il s e d e m a n d e si le fil r o u g e d e s e s d é c i s i o n s n ' a p a s é t é p r é p a r é p a r l ' i d é a l d e s o n g r o u p e e t n o t a m m e n t d e s a m è r e . Il se r e n d c o m p t e q u e , d u f a i t m ê m e d e s c h o i x n é c e s s a i r e s , il a d û a b a n d o n n e r n o m b r e d e s e s a s p i r a t i o n s p e r s o n n e l l e s ; d a n s s a c o n s t r u c t i o n d e l u i - m ê m e , il n ' a p u f a i r e i n t e r v e n i r t o u t e s s e s c a p a c i - t é s e t s e s v i r t u a l i t é s . S a s i t u a t i o n , s o n d é s i r l ' a m è n e n t à s o u h a i t e r d e s c h a n g e m e n t s e t à les m e t t r e e n œ u v r e .
L e b i l a n d u m i d i d e l a v i e c o m p o r t e d o n c s o u v e n t d e s é l é m e n t s i m p o r t a n t s d e r e g r e t s e t d e d é c e p t i o n , d ' a u t a n t q u e le t e m p s s ' a m e n u i s e p o u r m e n e r à b i e n les a s p i r a t i o n s e n c o r e n o n r é a l i s é e s . D i v e r s e s t e n t a t i o n s s e p r é s e n t e n t a l o r s a u s u j e t : a s s u m e r le p a s s é e t r e c o n n a î t r e l a v a l e u r d e c e q u i a é t é c r é é ; p a r f o i s , il l u i s u f f i r a d ' é p a n o u i r l a s i t u a t i o n a c t u e l l e ; le s u j e t v a a l o r s
d e v e n i r p r o f o n d é m e n t c r é a t e u r , n o t a m m e n t d e s a p r o p r e v i e , e t a u s s i d e c e q u i l a c o n d i t i o n n e ; il d e v i e n t a l o r s u n « c r é a t e u r t a r d i f » a u s e n s d e JAQUES.
P a r f o i s , a u c o n t r a i r e , le s e n t i m e n t d ' é c h e c l ' e m p o r t e a v e c t a n t d ' i n t e n s i t é q u e le s u j e t é p r o u v e le d é s i r d e d é t r u i r e s o n p a s s é , d e m o u r i r à s o i - m ê m e p o u r d e v e n i r a u t r e ; t e l e s t le s e n s q u e d o n n a i e n t l e s a n c i e n s a u x é p r e u v e s p r o p o s é e s p a r le « d é m o n d e m i d i », d a n s le s e n s d e l ' a u t o - d e s t r u c t i o n . P l u s i e u r s v o i e s s o n t , a l o r s , p o s s i b l e s : — c e l l e d ' u n e r é a d a p t a t i o n , d ' u n c h a n g e m e n t d e v i e p e r s o n n e l l e e t / o u p r o f e s s i o n n e l l e , é v e n t u e l l e m e n t d e l i e n e t d e l i e u ; p l u s o u m o i n s r é u s s i e , c e t t e n o u v e l l e o r i e n t a t i o n p l a c e à l ' é c a r t d u f u t u r t o u t e l ' e x p é r i e n c e p a s s é e , e t r i s q u e d e c r é e r u n e d i s s o c i a t i o n d i f f i c i l e à a s s u m e r . U n e a u t r e v o i e c o n s i s t e e n l a m a l a d i e , s o i t d ' o r d r e p s y c h o p a t h o l o - g i q u e , — tel e s t le c a s d e n o m b r e u s e s « d é p r e s s i o n s r é s i s t a n t e s », d ' h y p o - c o n d r i e s d é f i n i t i v e s , r é a l i s a t i o n d e r e f u g e s p e u é p a n o u i s s a n t s — , s o i t d ' o r d r e s o m a t i q u e p e r m e t t a n t a u s u j e t d e se d é - r e s p o n s a b i l i s e r , p l a ç a n t s a p a s s i v i t é s u r le c o m p t e d e l a d é f a i l l a n c e d e s o n c o r p s ; p e u t - ê t r e c e r t a i n s a c c i d e n t s g r a v e s p s y c h o - s o m a t i q u e s , v o i r e c e r t a i n e s i s s u e s d é f i n i t i v e s s o n t - e l l e s l i é e s à c e p r o c e s s u s . C e p e n d a n t , u n e m o d a l i t é p a r t i c u l i è r e d e r é a c t i o n o f f r e - t - e l l e l a f o r m u l e l a p l u s t y p i q u e d e c r i s e d u m i l i e u d e l a v i e : c e l l e d e l a « m a l a d i e c r é a t r i c e », m o m e n t d i f f i c i l e , o ù le s u j e t f a i t a p p e l a u m é d e c i n , se p l a c e d a n s u n e s i t u a t i o n d e « r e t i r a n c e » p a r r a p p o r t à s o n e x i s t e n c e h a b i t u e l l e , a v a n t d e r e t r o u v e r s o n d y n a m i s m e , o r g a n i s é s e l o n u n e f o r m e n o u v e l l e , p e r m e t t a n t u n n o u v e a u d é p a r t v e r s les h o r i z o n s p r é a l a b l e m e n t p r é v u s o u d a n s d e s d i r e c t i o n s n o u v e l l e s .
N o t r e p r o p o s s e d é r o u l e e n t r o i s p a r t i e s e s s e n t i e l l e s .
A u c o u r s d e l a p r e m i è r e p a r t i e , n o u s n o u s e f f o r c e r o n s d e m o n t r e r les m u l t i p l e s m o d a l i t é s q u e p e u t r e v ê t i r la c r i s e d u m i l i e u d e la v i e , e n f o n c t i o n d e s œ u v r e s l i t t é r a i r e s e t d ' u n e r é f l e x i o n g é n é r a l e ; n o u s t e n t e r o n s d e m e t t r e e n é v i d e n c e l a s i g n i f i c a t i o n p s y c h o l o g i q u e q u ' i l f a u t d o n n e r à l ' e x p r e s s i o n
« m i l i e u d e l a v i e », q u i n e d o i t p a s ê t r e é t r o i t e m e n t c o n s i d é r é e c o m m e u n e n o t i o n c h r o n o l o g i q u e . N o u s e s s a i e r o n s , é g a l e m e n t , d e d é f i n i r l a c r i s e , d e f a ç o n l é g i t i m e m e n t é l a r g i e , d é p a s s a n t l a r g e m e n t s e s a s p e c t s p a t h o l o g i q u e s . N o u s v e r r o n s e n f i n c o m m e n t c e r t a i n s o n t p e n s é p o u v o i r t r a n s c e n d e r c e t t e p é r i o d e c a p i t a l e d e l ' e x i s t e n c e , c o n s i d é r é e p a r f o i s c o m m e n a i s s a n c e , r e n a i s - s a n c e , o u « v r a i e n a i s s a n c e ».
N o t r e d e u x i è m e p a r t i e c o m p o r t e t o u t d ' a b o r d u n e b r è v e r é f l e x i o n s u r la d i f f i c u l t é d e s l i m i t e s e n t r e s a n t é e t m a l a d i e , n o t a m m e n t a u t o u r d e l a n o t i o n d e d é p r e s s i o n ; d e n o s j o u r s d é s o r m a i s , le m é d e c i n n e s a u r a i t se c o n t e n t e r d ' é t u d i e r e t d e s o i g n e r les m a l a d i e s , m a i s d o i t s ' e f f o r c e r d e c o n n a î t r e e t d e p r o m o u v o i r l a s a n t é ; e l l e a p p o r t e , e n s u i t e , u n e s é r i e d e d o c u m e n t s c l i n i - q u e s : p l u s d e c i n q u a n t e o b s e r v a t i o n s , la p l u p a r t p e r s o n n e l l e s , m a i s q u e l q u e s - u n e s d e s o u r c e s d i v e r s e s , s o n t p r é s e n t é e s d e f a ç o n p l u s o u m o i n s d é t a i l l é e p o u r i l l u s t r e r t e l l e o u t e l l e f o r m e d e d é c o m p e n s a t i o n p s y c h o p a t h o -
l o g i q u e ; n o t r e p l a n r e s t e c e n t r é s u r l a n o s o g r a p h i e c l a s s i q u e m a i s t e n t e a u s s i d ' e n é l a r g i r l a c o n c e p t i o n .
N o t r e t r o i s i è m e p a r t i e e s q u i s s e u n e r é f l e x i o n p s y c h o p a t h o l o g i q u e e t s ' e f - f o r c e d e m o n t r e r q u e l s f a c t e u r s o n t p a r u j o u e r u n r ô l e m a j e u r d a n s l e s d é c o m p e n s a t i o n s c l i n i q u e s d e n o s m a l a d e s . C i n q p o i n t s , s u r t o u t , t e n t e r o n t d ' ê t r e d é g a g é s . L e p r e m i e r i n s i s t e r a s u r l ' i m p o r t a n c e m a j e u r e d e s s é p a r a t i o n s d a n s l a v i e , p r o c e s s u s n é c e s s a i r e à l a m a t u r a t i o n d e l ' ê t r e , m a i s d i f f i c i l e à a s s u m e r , s u r t o u t l o r s q u e l e s c i r c o n s t a n c e s e n s o n t p r o f o n d é m e n t d é f a v o r a - b l e s , e t p a r f o i s t r è s r é e l l e m e n t d é s t r u c t u r a n t e s , n e p e r m e t t a n t a u c u n e r e c o n s t r u c t i o n é q u i l i b r a n t e ; l a c r i s e d u m i l i e u d e l a v i e s e r a é t u d i é e d a n s c e t t e p e r s p e c t i v e c o m m e l a t r o i s i è m e p h a s e d e « s é p a r a t i o n - i n d i v i d u a t i o n » s e c o n d e a d o l e s c e n c e , é t a p e d e « m a t u r e s c e n c e » 1 p r é a l a b l e à l a f u t u r e s é n e s c e n c e . L e s e c o n d p o i n t e x p l o r e r a le s e n t i m e n t v é c u d e l a r é a l i t é d e l a m o r t i n d i v i d u e l l e e t d e l ' u n i q u e c y c l e d e v i e d o n t d i s p o s e c h a c u n ; c e t t e c o n s c i e n c e , p l u s n e t t e a u c o u r s d e l ' â g e a d u l t e , e s t a c c e n t u é e g r a v e m e n t p a r l a s u r v e n u e d a n s l ' e n t o u r a g e d e s d e u i l s r é e l s , p l u s o u m o i n s p r é m a t u r é s . L e t r o i s i è m e p o i n t a b o r d e r a l a q u e s t i o n d e s r e l a t i o n s d e c e v é c u p s y c h o l o g i q u e a v e c les m o d i f i c a t i o n s l i é e s a u v i e i l l i s s e m e n t b i o l o g i q u e . C e p o i n t e s t t r è s i m p o r t a n t e t n é c e s s i t e r a i t , à l u i s e u l u n é n o r m e v o l u m e ; n o u s n e p o u r r o n s , ici, y c o n s a c r e r q u e q u e l q u e s p a g e s , d o n t n o u s n e m e s u r o n s q u ' e n p a r t i e l ' i n s u f f i s a n c e ; les n o m b r e u x t r a v a u x b i o l o g i q u e s a c t u e l s s u r c e s u j e t a p p o r - t e n t t o u s les j o u r s d e s é c l a i r a g e s s u p p l é m e n t a i r e s , d e v a n t ê t r e i n t e r p r é t é s a v e c p r u d e n c e e t u n m i n i m u m d e r e c u l . L e q u a t r i è m e p o i n t , q u i d é p a s s e t r è s l a r g e m e n t n o s c o m p é t e n c e s e t a m é r i t é d e s é t u d e s s o c i o l o g i q u e s a p p r o f o n - d i e s , é v o q u e r a les v a r i a t i o n s d u v é c u d e l ' â g e m o y e n , s e l o n l e s d i v e r s e s c i v i l i s a t i o n s , m a i s d e v r a s e c o n t e n t e r d e b r è v e s r e m a r q u e s c o n c e r n a n t n o t r e s o c i é t é a c t u e l l e e t q u e l q u e s a s p e c t s d e l a s o c i é t é n o r d - a m é r i c a i n e . L e cin- q u i è m e p o i n t , e n f i n , e s s a i e r a d e m o n t r e r c o m m e n t , d a n s n o s o b s e r v a t i o n s , les r e l a t i o n s d e l ' ê t r e a v e c s o n e n t o u r a g e c o n d i t i o n n e n t e n p r o f o n d e u r t o u t e s les r é a c t i o n s d u s u j e t , l ' e n t o u r a g e i n f i l t r a n t , d e p u i s l ' e n f a n c e , l ' i n t é r i o r i t é d e c h a c u n , f o r m a n t p o u r le s u j e t u n b o u c l i e r d e d é f e n s e o u u n e t u n i q u e d e N e s s u s , u n e l i m i t e p r o t e c t r i c e o u u n e i n c l u s i o n d é s t r u c t u r a n t e ; t o u t s u j e t a p p a r a î t lié à s o n e n t o u r a g e p a r d e v é r i t a b l e s a t t a c h e s s y m b i o t i q u e s , n o t a m - m e n t d a n s l ' e n c h a î n e m e n t d e s g é n é r a t i o n s ; d e c e p o i n t d e v u e , l a c r i s e d u m i l i e u d e l a v i e d o i t ê t r e p r o f o n d é m e n t r a t t a c h é e a u x é v é n e m e n t s f a m i l i e r s s i g n i f i c a t i f s p a r m i l e s q u e l s d o i v e n t ê t r e , à n o t r e a v i s , p r i v i l é g i é s le v i e i l l i s s e - m e n t e t l a m o r t d e s p a r e n t s , l a m a t u r a t i o n , l a d i s t a n c i a t i o n e t l ' a u t o n o m i s a - t i o n d e s e n f a n t s , a i n s i q u e le d i v o r c e e t le v e u v a g e . U n e p l a c e à p a r t d o i t ê t r e f a i t e , d ' u n e p a r t , à l ' i n t e r f é r e n c e d e s c r i s e s i n d i v i d u e l l e s d a n s u n e f a m i l l e , l a « m a t u r e s c e n c e » d e l ' u n e n t r a n t e n r é s o n a n c e a v e c l ' a d o l e s c e n c e o u l a s é n e s c e n c e d e l ' a u t r e , d ' a u t r e p a r t a u d é c a l a g e e n t r e l a s i t u a t i o n
(1) Nous empruntons ce mot à C. ATTIAS-DONFUT, qui l'a proposé, la première.
a c t u e l l e m e n t v é c u e e t l e s p r o j e t s a n t é r i e u r e m e n t p r é v u s d a n s l e c a d r e d e l ' i d é a l i s a t i o n n o r m a l e e t p a t h o l o g i q u e d u s u j e t .
D a n s l ' e s p a c e t r o p l i m i t é d e c e t r a v a i l , il s e r a d i f f i c i l e m e n t q u e s t i o n d e l ' a b o r d t h é r a p e u t i q u e , h o r m i s q u e l q u e s r e m a r q u e s g é n é r a l e s t e n a n t c o m p t e e n p a r t i c u l i e r , d ' u n e p a r t d e l a n é c e s s i t é , à c e t t e p é r i o d e d e l a v i e , d ' u n e c e r t a i n e « d i s t a n c i a t i o n » ( e l l e d o i t s e t r a d u i r e f r é q u e m m e n t p a r l ' a c c e p t a - t i o n d e m o m e n t s d e r é f l e x i o n d a n s le c a d r e d e c e q u e n o u s d é s i g n o n s s o u s le t e r m e d e « r e t i r a n c e »), d ' a u t r e p a r t d e l a n o t i o n d e « m a l a d i e c r é a t r i c e », b i e n q u ' à n o t r e a v i s , t o u s les s y m p t ô m e s n e d o i v e n t p a s t o u j o u r s ê t r e r e s p e c t é s , c a r p a r f o i s , e n e u x - m ê m e s , ils s o n t s o u r c e s d e c o m p l i c a t i o n e t d ' a g g r a v a t i o n d e l a c r i s e , e t m ê m e d e c h r o n i c i s a t i o n ; l a c h i m i o t h é r a p i e , d e c e f a i t , n o u s a p p a r a î t e x t r ê m e m e n t u t i l e , e t s o u v e n t i n d i s p e n s a b l e d a n s l a p l u p a r t d e s f o r m e s p a t h o l o g i q u e s , a s s o c i é e s à l ' a i d e p s y c h o l o g i q u e e t / o u à l a p s y c h o t h é r a p i e 2
E S Q U I S S E H I S T O R I Q U E
F a i s a n t r é c e m m e n t a u x U . S . A . le b i l a n d e s t r a v a u x s c i e n t i f i q u e s s u r l a
« p s y c h o l o g i e e t l a p s y c h i a t r i e d e l ' â g e m o y e n », R . N . BUTLER é v o q u e t o u t d ' a b o r d q u e l q u e s a u t e u r s l i t t é r a i r e s : il c i t e — d ' u n e p a r t , d a n s l a l i t t é r a t u r e e u r o p é e n n e BALZAC, TOLSTOÏ, DICKENS, T h o m a s MANN — d ' a u t r e p a r t le b e s t - s e l l e r d e l ' a m é r i c a i n W a l t e r B . PITTKIM, p u b l i é e n 1 9 3 2 « l a vie c o m m e n c e à 4 0 a n s ». Il d i t , p a r a i l l e u r s , q u e l q u e s m o t s d e JUNG q u i « e n 1 9 6 0 , t e n t a d e d é l i m i t e r les é t a p e s d e l a v i e » e t d e FREUD, q u i « f u t p e s s i m i s t e s u r l ' â g e m o y e n et l a v i e i l l e s s e e t m a n i f e s t a p e u d ' i n t é r ê t t h é o r i q u e et p r a t i q u e à l e u r s u j e t . I r o n i q u e m e n t , FREUD i l l u s t r e l u i - m ê m e la c r é a t i v i t é c o n t i n u e à t r a v e r s l ' â g e a v a n c é , a l o r s q u ' i l n e s e r a i t q u ' à p e i n e r e m a r q u é d a n s l ' h i s t o i r e m é d i c a l e p o u r s o n t r a v a i l s u r l a c o c a ï n e , s ' i l é t a i t m o r t a v a n t 4 0 a n s . S o n œ u v r e m a j e u r e ,
" l ' i n t e r p r é t a t i o n d e s r ê v e s " f u t p u b l i é e q u a n d il a v a i t 4 4 a n s ».
P o u r BUTLER, l e s r é f é r e n c e s s c i e n t i f i q u e s d e s p l u s a n c i e n n e s d a n s c e d o m a i n e s o n t l e s t r a v a u x d e BENEDEK, e n 1 9 5 0 , s u r l a p a r e n t é e t l a m é n o - p a u s e c o m m e é t a p e s d u d é v e l o p p e m e n t , d e BERGLER, e n 1 9 5 7 , s u r « la révolte d e l ' h o m m e d ' â g e m o y e n », e t d ' E R I K S O N q u i , e n 1 9 5 9 , a c o n t r i b u é à
« c o n c e v o i r le c y c l e d e la vie c o m m e u n e n s e m b l e ». Il c i t e é g a l e m e n t GAIL SHEEHY p o u r s o n o u v r a g e « P a s s a g e s , les c r i s e s p r é v i s i b l e s d e l ' â g e a d u l t e » p u b l i é e n A m é r i q u e e n 1 9 7 4 ( e t e n F r a n c e e n 1 9 7 7 ) . Il i n s i s t e , s u r t o u t , s u r l e s r e c h e r c h e s r é a l i s é e s — d ' u n e p a r t , p a r l e « C o m i t é d ' é t u d e s s u r le d é v e l o p p e m e n t h u m a i n d e l ' U n i v e r s i t é d e C h i c a g o », e x p r i m é e s n o t a m m e n t
(2) N.B. Nous nous permettrons d'utiliser le plus souvent, désormais, dans ce travail, le sigle C.M.V., comme équivalent de « crise du milieu de la vie » ; nous prions le lecteur de nous en excuser, et d'en comprendre la raison dactylographique.
e n 1 9 6 8 , p a r les t r a v a u x d e B. NEUGARTEN, — d ' a u t r e p a r t , p a r le « p r o - g r a m m e d u d é v e l o p p e m e n t d e l ' a d u l t e d e l ' U n i v e r s i t é d e C a l i f o r n i e » p u b l i é e n 1 9 7 5 , p a r M . F. LOWENTHAL e t c o l l . , — e n f i n p a r D. LEVINSON, à l ' U n i v e r - s i t é d e Y a l e , e n 1 9 7 8 . A v r a i d i r e , d e n o m b r e u x a u t r e s t r a v a u x a n g l o - s a x o n s o n t é t é c o n s a c r é s à l a c r i s e d u m i l i e u d e l a v i e p a r m i l e s q u e l s n o u s r e t i e n - d r o n s , p a r t i c u l i è r e m e n t , l a c o n f é r e n c e r é c e n t e d e P . - H . MILLARD p r o n o n c é e e n F r a n c e , l o r s d e l a r é u n i o n s u r le « d é f i c i t n e u r o b i o l o g i q u e d e l a c i n q u a n - t a i n e » ( D . N . B . C . ) . N o u s é v o q u e r o n s l e s p r i n c i p a l e s r é f é r e n c e s a n g l o - s a x o n - n e s d a n s le c o u r s d e c e t r a v a i l . C e p e n d a n t l ' e s p a c e l i m i t é d e n o t r e r a p p o r t n e n o u s a p a s p e r m i s u n e r e v u e e x h a u s t i v e d e t o u t e s les p u b l i c a t i o n s e n l a n g u e a n g l a i s e ; c ' e s t p o u r q u o i n o u s a v o n s d o n n é u n r é s u m é d e t o u s l e s t r a v a u x q u e n o u s a v o n s p u c o n n a î t r e , d a n s c e d o m a i n e , d a n s l a T h è s e d ' E . SOLLES, q u i c o n t i e n t é g a l e m e n t u n c e r t a i n n o m b r e d ' o b s e r v a t i o n s p e r - s o n n e l l e s q u e n o u s n ' a v o n s p u e x p o s e r ici.
E n F r a n c e , m a l g r é l ' o u b l i a c t u e l e t c e r t a i n s a s p e c t s d é s u e t s d e c e t t e œ u v r e , il f a u t r a p p e l e r l ' i n t é r e s s a n t e p u b l i c a t i o n , e n 1 9 1 4 , p a r P a u l BOURGET, d u r o m a n , a l o r s t r è s c é l è b r e , a c t u e l l e m e n t i n t r o u v a b l e e n l i b r a i r i e , « L e D é m o n d e M i d i » ; t o u t le m o n d e c o n n a î t d é s o r m a i s c e t t e e x p r e s s i o n , n ' e n r e t e n a n t s o u v e n t q u e l a s i g n i f i c a t i o n é t r o i t e d e g r i v o i s e r i e p l u s o u m o i n s c a c h é e d u n o t a b l e d e 5 0 a n s ; P a u l BOURGET a v a i t s u , p l u s p r o f o n d é m e n t , c r e u s e r l a p s y c h o l o g i e d e s c h a n g e m e n t s , p a r f o i s p r o f o n d s o u p a s s i o n n e l s , d a n s l a v i e a d u l t e ; s o n r o m a n a v a i t é t é é t u d i é , p a r REPOND, d a n s l ' É v o l u t i o n p s y c h i a t r i q u e . P a r l a s u i t e , c e p e n d a n t , p e u d e t r a v a u x s c i e n t i f i q u e s n o u s s e m b l e n t a v o i r é t é c o n s a c r é s à l a c r i s e d e l ' â g e m o y e n e n d e h o r s d e c e u x p u b l i é s — e n 1 9 7 4 , s o u s le t i t r e g é n é r a l « P s y c h a n a l y s e d u G é n i e c r é a t e u r » c o m p o r t a n t e n p a r t i c u l i e r l a c o n t r i b u t i o n d e D. ANZIEU, « v e r s u n e m é t a p s y - c h o l o g i e d e la c r é a t i o n » e t l a t r a d u c t i o n d e l ' a r t i c l e d e E . JAQUES « m o r t et c r i s e d u m i l i e u d e la vie », — e t , e n 1 9 7 9 , d a n s « c r i s e , r u p t u r e et d é p a s s e - m e n t », a v e c n o t a m m e n t , d e s a r t i c l e s d e R . KAES « I n t r o d u c t i o n à l ' a n a l y s e t r a n s i t i o n n e l l e », d ' A . MISSENARD s u r « N a r c i s s i s m e et r u p t u r e » , d e D . AN- ZIEU « la d é m a r c h e d e l ' a n a l y s e t r a n s i t i o n n e l l e e n p s y c h a n a l y s e i n d i v i d u e l l e », e t d e J . GUILLAUMIN « p o u r u n e m é t h o d o l o g i e g é n é r a l e d e s r e c h e r c h e s s u r les c r i s e s ». U n e a u t r e c o n t r i b u t i o n d e R . KAES a é t é p u b l i é e d a n s le n u m é r o h o r s - s é r i e d u « J o u r n a l d e s p s y c h o l o g u e s » d e m a i 1 9 8 8 , c o n s a c r é a u x
« T e m p s d e l a v i e ».
U n c h a p i t r e i m p o r t a n t s u r l a c r i s e d u m i l i e u d e l a v i e , r a p p r o c h é e d e l a
« c r i s e p a r e n t a l e » e s t c o n s a c r é , d a n s l e u r o u v r a g e s u r l a « P s y c h o p a t h o l o - gie d e l ' a d o l e s c e n t », p a r D. MARCELLI e t A. BRACONNIER. P a r c o n t r e , il n ' e s t , à n o t r e c o n n a i s s a n c e , g u è r e f a i t m e n t i o n d e c e t h è m e d a n s l e s a u t r e s m a n u e l s o u t r a i t é s d e p s y c h i a t r i e d e L a n g u e F r a n ç a i s e , e x c e p t é c e l u i d e LALONDE e t GRUNBERG, é d i t é a u C a n a d a .
E n c e q u i n o u s c o n c e r n e , n o u s a v o n s r é a l i s é e n 1 9 8 1 , le M é m o i r e p o u r le C . E . S . d e P s y c h i a t r i e d e J . - R . PON, c o n s a c r é à « l a c r i s e d u m i l i e u d e l a
v i e » q u e n o u s a v o n s r e p r i s e t r é s u m é d a n s n o t r e c o m m u n i c a t i o n e n 1 9 8 3 , d e v a n t la S o c i é t é M é d i c o - P s y c h o l o g i q u e .
A v r a i d i r e , si le t e r m e d e « m i l i e u d e vie » t r o u v e s e s s o u r c e s l i t t é r a i r e s les p l u s p r o f o n d e s e t b r i l l a n t e s d a n s l a D i v i n e C o m é d i e , c ' e s t à C a r l G u s t a v JUNG q u e r e v i e n t le m é r i t e , n o u s s e m b l e - t - i l , d ' a v o i r i n t r o d u i t c e c o n c e p t s o u s le t e r m e d e « t o u r n a n t d e l a v i e ». C e t a u t e u r é t u d i e le p r o c e s s u s q u i c o n d u i t n o r m a l e m e n t l ' ê t r e h u m a i n v e r s l ' u n i f i c a t i o n d e s a p e r s o n n a l i t é e t le d é s i g n e s o u s le t e r m e d ' « i n d i v i d u a t i o n », p r o c e s s u s s ' é t e n d a n t s u r le c o u r s e n t i e r d e la v i e h u m a i n e ; c e t t e d e r n i è r e p a s s e p a r u n e s é r i e d e m é t a - m o r p h o s e s q u i c o n d u i s e n t le s u j e t , à p a r t i r d e l a s y m b i o s e p s y c h o l o g i q u e a v e c l a m è r e j u s q u ' à l ' â g e a d u l t e e t à l a v i e i l l e s s e . L e « t o u r n a n t d e l a v i e », e n t r e 3 2 e t 3 8 a n s , c o n s t i t u e l ' u n e d e s p r i n c i p a l e s m é t a m o r p h o s e s , n é c e s s a i r e , e n t r a î n a n t u n p r o f o n d c h a n g e m e n t , p r o g r e s s i f o u b r u t a l s e l o n les i n d i v i d u s . C ' e s t a l o r s q u e « les p r o b l è m e s , les d e v o i r s , o u les b e s o i n s n é g l i g é s p e n d a n t la p r e m i è r e p a r t i e d e la vie s e m a n i f e s t e n t . A i n s i , u n h o m m e q u i a t o u j o u r s r e f o u l é s o n b e s o i n d ' a m o u r s e r a f a c i l e m e n t la p r o i e d u " d é m o n d e m i d i " ». A i n s i s ' e x p r i m e H . ELLENBERGER à q u i n o u s e m p r u n t o n s l ' e s s e n - t i e l d e c e t t e é v o c a t i o n d e s t r a v a u x d e JUNG ; il p o u r s u i t « D a n s d ' a u t r e s c a s , la n é v r o s e a u r a s a s o u r c e d a n s d e s b e s o i n s i n t e l l e c t u e l s o u s p i r i t u e l s l o n g t e m p s refoulés... L e s u j e t d o i t c h a n g e r d e m o d e d e vie s ' i l n e v e u t p a s m a n q u e r la s e c o n d e m o i t i é d e s a vie. D e m ê m e q u ' i l i m p o r t e , e n a t t e i g n a n t la m a t u r i t é , d ' a b a n d o n n e r c e q u i a p p a r t i e n t à l ' e n f a n c e o u à l ' a d o l e s c e n c e , d e m ê m e l ' i n d i - v i d u d o i t s e d é t a c h e r d e c e q u i a p p a r t i e n t à la p r e m i è r e p a r t i e d e s a vie q u a n d il e n t r e d a n s la s e c o n d e . L a s e c o n d e m o i t i é d e la vie e s t u n e p é r i o d e d e c o n f r o n t a - t i o n s a v e c les a r c h é t y p e s d e l ' e s p r i t et d e soi. JUNG d é p l o r e la p s e u d o - j e w z e s s e d e s g e n s â g é s d a n s la c i v i l i s a t i o n o c c i d e n t a l e . . . L o r s q u e / ' i n d i v i d u a t i o n est a c h e v é e , le m o i n ' e s t p l u s le c e n t r e d e la p e r s o n n a l i t é , m a i s r e s s e m b l e à u n e p l a n è t e t o u r n a n t a u t o u r d ' u n s o l e i l i n v i s i b l e . L ' i n d i v i d u a t t e i n t la s é r é n i t é et n e c r a i n t p l u s la m o r t ; il s ' e s t t r o u v é l u i - m ê m e et il a a p p r i s e n m ê m e t e m p s à é t a b l i r d e s r a p p o r t s a u t h e n t i q u e s a v e c a u t r u i . JUNG n ' h é s i t e p a s à u t i l i s e r le m o t q u e l q u e p e u d é m o d é d e " s a g e s s e " ( p o u r l e q u e l le t e n n e m o d e r n e d e " m a t u - r i t é " n ' e s t q u ' u n s u b s t i t u t i n s a t i s f a i s a n t ) , et il d é c l a r e "la f i n n a t u r e l l e d e la vie h u m a i n e n ' e s t p a s la s é n i l i t é , m a i s la s a g e s s e " . L ' i n d i v i d u a t i o n p e u t s ' i n t e r r o m - p r e e n c o u r s d e r o u t e et il r e v i e n d r a a u p s y c h o t h é r a p e u t e d ' a i d e r le p a t i e n t à é c a r t e r les o b s t a c l e s q u i p o u r r a i e n t e n t r a v e r le d é v e l o p p e m e n t c o n t i n u d e s a p e r s o n n a l i t é .
JUNG é v o q u e a u s s i " l ' é n a n t i o d r o m i e " , s i g n i f i a n t le " r e t o u r à la c h o s e o p p o s é e " . C e r t a i n s p r o c e s s u s m e n t a u x se t r a n s f o r m e n t , à u n m o m e n t d o n n é , e n l e u r c o n t r a i r e , c o m m e p a r u n e s o r t e d ' a u t o - r é g u l a t i o n . . . C e p h é n o m è n e m y s t é r i e u x s e r e t r o u v e d a n s l ' e x p é r i e n c e d e c e u x q u i s o n t s o r t i s v a i n q u e u r s d ' u n e m a l a d i e c r é a t r i c e . Tel p e u t a p p a r a î t r e , p a r e x e m p l e , le " t o u r n a n t d e la vie" : c e l u i - c i p e u t , e f f e c t i v e m e n t , se t r a d u i r e p a r u n e s o r t e d e m a l a d i e , q u i " g u é r i t " e n s u i t e s p o n t a n é m e n t et s u b i t e m e n t , e n g e n d r a n t a l o r s u n s e n t i m e n t d ' e x a l t a t i o n . . . P a u l
VALÉRY a m o n t r é c o m m e n t la p e r s o n n a l i t é d ' u n é c r i v a i n c r é a t e u r p o u v a i t ê t r e r e m o d e l é e à l ' i m a g e m ê m e d e s o n œ u v r e . D a n s le c a s d e la m a l a d i e c r é a t r i c e , la m é t a m o r p h o s e e s t e n c o r e p l u s p r o f o n d e . C ' e s t c o m m e s i c e l u i q u i p a s s e p a r c e t t e c r i s e a v a i t e n t e n d u l ' a p p e l d e S t A u g u s t i n : " n e c h e r c h e p a s a u d e h o r s , r e n t r e e n t o i - m ê m e , c a r c ' e s t d a n s l ' h o m m e i n t é r i e u r q u ' h a b i t e la v é r i t é " . JUNG i n s i s t e , p a r a i l l e u r s , s u r la n é c e s s i t é d e p r e n d r e c o n s c i e n c e d e la r é a l i t é e x t é r i e u r e et i n t é r i e u r e et d e la s i t u a t i o n p r é s e n t e , s u r le b e s o i n d ' e x p r i m e r à q u e l q u ' u n e n q u i o n a t o t a l e c o n f i a n c e c e q u ' i l a p p e l l e les " s e c r e t s p a t h o g è n e s " et d e c l a r i f i e r , v i s - à - v i s d e s o i - m ê m e , s a p r o p r e a t t i t u d e à l ' é g a r d d e la r e l i g i o n ; c e n ' e s t q u ' a p r è s a v o i r a c c o m p l i c e t t e r é f l e x i o n s u r s o i - m ê m e q u e le s u j e t , s ' i l n ' a p a s r e t r o u v é u n e h a r m o n i e i n t é r i e u r e s u f f i s a n t e , d e v r a a b o r d e r u n e f o r m e p l u s t e c h n i q u e et p l u s s p é c i a l i s é e d e p s y c h o t h é r a p i e . JUNG d é f i n i t , a u s s i , le b u t d e t o u t e l ' i n d i v i d u a t i o n : p l u s u n i n d i v i d u e s t " d e v e n u ce q u ' i l est", p l u s il s e r a u n h o m m e v é r i t a b l e m e n t s o c i a l . »
O n p e u t , s e l o n ELLENBERGER, r a p p r o c h e r q u e l q u e s c o n c e p t i o n s d e JUNG d e s i d é e s d e R u d o l f STEINER, s o n c o n t e m p o r a i n q u i p r o p o s e l ' é v o l u t i o n d e l ' ê t r e h u m a i n v e r s u n é t a t p a r t i c u l i e r , o b t e n u g r â c e à u n e m é t h o d e d ' e n t r a î n e m e n t p s y c h i q u e l u i p e r m e t t a n t d e p r e n d r e c o n s c i e n c e d e c e r t a i n e s f a c u l t é s l a t e n t e s d e l ' e s p r i t l ' a m e n a n t à u n e c o n n a i s s a n c e d i r e c t e d e m o n d e s s u p é r i e u r s p u r e m e n t s p i r i t u e l s . C o m m e JUNG, « STEINER p e n s a i t q u e le " t o u r - n a n t d e la vie", c ' e s t - à - d i r e 3 5 à 4 0 a n s , e s t le m o m e n t p r i v i l é g i é , p o u r a c c é d e r à c e s c a p a c i t é s , a c c e s s i b l e s à t o u s , m a i s a y a n t n é c e s s i t é la p r a t i q u e d ' e f f o r t s p r o l o n g é s d a n s la r e c h e r c h e d e la vérité, l ' a p p r e n t i s s a g e d e la d i s t i n c t i o n e n t r e l ' e s s e n t i e l et l ' a c c e s s o i r e , la p e r c e p t i o n d e c h a q u e ê t r e d a n s s a d i m e n s i o n t e m p o - relle, c ' e s t - à - d i r e d a n s s o n c y c l e e x i s t e n t i e l et e n f i n d a n s la m a î t r i s e n o n s e u l e - m e n t d e s e s s e n t i m e n t s et d e s e s p e n s é e s , m a i s e n c o r e d e s o n s o m m e i l e t s e s r ê v e s ».
Les nombreuses expressions utilisées par les divers auteurs « tournant de
la vie, manifestations critiques de l'âge moyen, passages, transitions, démon de
midi, deuxième carrière, nouvel âge, maturescence... », expriment une certaine
réalité des modifications survenant entre l'adolescence et la sénescence ; le
terme de « crise du milieu de la vie » met en évidence l'importance majeure
de ces changements, entraînant parfois une véritable réorientation des atti-
tudes existentielles, quelquefois marqués par des épisodes psychopathologi-
ques de diverse gravité ; nous allons tenter de les évoquer.
PREMIÈRE PARTIE
APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DE LA CRISE
DU MILIEU DE LA VIE
1. LES ÂGES DE LA VIE
« Il est un temps p o u r toute chose sous le soleil, dit l'Écclésiaste, un temps p o u r naître et un temps p o u r mourir, un temps p o u r jeter des pierres, un temps p o u r les ramasser, un temps p o u r coudre, un temps p o u r déchirer, un temps p o u r enlacer, un temps p o u r se soustraire aux enlacements... »
« On entre, on crie, et c'est la vie... on baille, on sort et c'est la mort. » Malgré sa h a u t e u r de vue, on ne s a u r a i t se c o n t e n t e r de cet a p h o r i s m e d ' u n h u m o r i s t e noir, qui place le discours de la vie u n i q u e m e n t e n t r e les p a r e n t h è s e s de la n a i s s a n c e et de la m o r t . Si l'on p e u t c o n s i d é r e r q u e la vie ne d u r e q u ' u n instant, elle c o n s t i t u e bien un long et vrai voyage, c o m m e l'envisage p o é t i q u e m e n t Ch. SINGER : « N o u s s o m m e s tous gens du voyage.
E t ce voyage est la vie. N o u s traversons l'un après l'autre des pays où les perspectives et les aventures ne se comparent p a s entre elles, où change j u s q u ' à la perception que nous avons des êtres, des choses, du temps et de l'espace. Ces pays ont leurs villes, leurs campagnes, leurs m o n t s et leurs mers — et les cols vertigineux qui les séparent en font des territoires a u t o n o m e s dont l'exploration successive constitue l'existence humaine. Cette traversée, nous ne l'effectuons p a s seuls, mais, bon gré m a l gré, avec la caravane de la génération avec laquelle nous nous s o m m e s mis en m a r c h e et dont les rangs iront s'éclaircissant j u s q u ' a u terme. Tantôt pleine d'ardeur, elle nous porte de son élan ; tantôt rétive et incertaine, elle nous grève de son anxiété... Celui qui n'a p a s reconnu que la vie est incessante métamorphose n ' a u r a p a s sa p a r t du miracle. Étranger, tant a u pays qu'il traverse q u ' à celui qu'il convoite, il se verra, tout c o m m e la femme de Loth qui rechignait aussi à avancer, transformé en statue de sel. » Il n'est donc pas é t o n n a n t que, d e p u i s toujours, l'on ait essayé de p r e n d r e des r e p è r e s p o u r la c a r t e de cet e s p a c e - t e m p s . D a n s cette o p t i q u e , de n o m - breuses p r o p o s i t i o n s o n t été avancées. R a p p e l o n s - e n q u e l q u e s - u n e s .
Le m é d e c i n KHI-PA, d a n s le NEI-KING, livre sacré de m é d e c i n e chinoise,
situe l'inflexion d u p r o c e s s u s vital à 40 ans, d a n s le c a d r e d ' u n e division
c e n t r é e s u r les décennies. « A l'âge de 10 ans, les organes de l ' h o m m e sont
fermes, son énergie est concentrée vers le bas du corps, c'est p o u r q u o i les enfants
a i m e n t toujours courir. A l'âge de 20 ans, le s a n g et l'énergie sont en période
de croissance, on se sent vif et léger. A l'âge de 30 ans, les cinq organes sont en parfait fonctionnement, l'énergie et le sang sont à leur maximum d'intensité, la démarche est tranquille. A l'âge de 40 ans, la chair et l'épiderme commencent à se relâcher, les cheveux tombent, l'énergie et le sang sont en équilibre, on aime à s'asseoir. A l'âge de 50 ans, l'énergie du foie commence à s'affaiblir, la sécrétion biliaire diminue, l'acuité visuelle baisse. A l'âge de 60 ans, l'énergie du cœur s'affaiblit, on a tendance au sommeil. A l'âge de 70 ans, l'énergie de la rate diminue, la peau se dessèche. A l'âge de 80 ans, l'énergie des poumons s'affaiblit, l'esprit commence à se troubler, on perd la mémoire, on se trompe en parlant. A l'âge de 90 ans, l'énergie des reins s'affaiblit à son tour l'homme s'épuise. A l'âge de 100 ans, l'énergie des organes a disparu, l'esprit s'en va, il ne reste que le corps physique. »
La valeur symbolique du chiffre sept, basée sur la connaissance de sept planètes avait, elle, fasciné les CHALDEENS, qui décrivaient ainsi sept âges particuliers. — L'enfance, correspondait à la Lune « à cause de sa moiteur et de son humidité », la seconde période correspondait à Mercure « c'est l'âge où l'homme commence à parler distinctement et avec l'usage de raison et néanmoins se plaît aux ébats, et s'adonne tout ensemble à l'apprentissage des arts et des lettres », l'adolescence correspond à Vénus « à cause qu'en cet âge l'homme commence à ressentir les aiguillons de la chair et d'être capable d'engendrer son semblable », la jeunesse, quatrième âge, correspond au Soleil « d'autant que la beauté de l'homme reluit le plus en cet âge », la cinquième période correspond à Mars. C'est l'âge de la virilité.
« L'homme en sa parfaite vigueur en est plus assuré, résolu, courageux et plus capable de discipline et de conduite militaire ». La première vieillesse correspond à Jupiter ; c'est l'âge de la gravité, de la pleine maturité, de l'expérience et du bon conseil. La dernière vieillesse ou décrépitude corres- pond à Saturne « à cause de sa froideur et faiblesse extrêmes ».
SHAKESPEARE, dans « Comme il vous plaira », reprend une symbolique
du même ordre, avec l'humour qui le caractérise. « Le monde entier est un
théâtre et tous, hommes et femmes n'en sont que les acteurs. Tous ont leurs
entrées et leurs sorties et chacun y joue successivement les différents rôles d'un
drame en sept âges. » « C'est d'abord l'enfant vagissant et bavant dans les bras
de la nourrice. Puis, l'écolier pleurnicheur, avec sa sacoche et sa face radieuse
d'aurore, qui, comme un limaçon, rampe à contrecœur vers l'école. Et puis,
l'amant, soupirant, avec l'ardeur d'une fournaise, une douloureuse ballade
dédiée aux sourcils de sa maîtresse. Puis le soldat, plein de jurons étrangers,
barbu comme un léopard, jaloux sur le point d'honneur, brusque et vif à la
querelle, poursuivant la fumée réputation jusqu'à la gueule du canon. Et puis,
le juge dans sa belle panse ronde garnie d'un bon chapon, l'œil sévère, la barbe
solennellement taillée, plein de sages dictons et de banales maximes, et jouant,
lui aussi, son rôle. Le sixième âge nous offre un maigre Pantalon en pantoufles,
avec des lunettes sur le nez, un bissac au côté ; les bas de son jeune temps bien
conservés, mais infiniment trop larges pour son jarret racorni ; sa voix, jadis pleine de mâle, revenant au fausset enfantin et modulant un aigre sifflement.
La scène finale, qui termine ce drame historique, étrange et accidenté, est une seconde enfance état de pur oubli : sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien. » Dans une optique plus idéologique, et moins poétique, l'Ordre de la ROSE- CROIX voit en la vie humaine une progression de périodes durant approxima- tivement, chacune, sept années solaires complètes. La première période 0- 7 ans est celle où l'on commence à prendre conscience de soi et où l'on apprend à se connaître soi-même pendant que nous nouons des rapports avec le monde matériel objectif, la deuxième période 7 à 14 ans, est celle des changements et du développement physique, la troisième période de 14 à 21 ans voit le développement du versant psychique de la nature humaine, la quatrième période de 21 à 28 ans voit l'évolution se concentrer sur la nature émotive du sujet, la cinquième période de 28 à 35 ans assiste à l'évolution créatrice de l'esprit, la sixième période de 35 à 42 ans voit l'homme arriver à un stade de développement qui l'amène à réfléchir sur les grands mystères qui l'habitent et qui habitent la vie. Cette période doit être perçue comme l'apogée du cycle. La septième période (7x7 !) qui va de la quarante deuxième à la quarante neuvième année, entraîne chez l'être humain un changement caractéristique qui se développe avec force
« jusqu'à ce que l'individu devienne un être nouveau, orientant ses désirs et ses espoirs vers de nouveaux buts ou un nouvel idéal » écrit SPENCER LEWIS ; les périodes suivantes sont marquées par l'affaiblissement progressif des différentes fonctions, l'évolution progressive permettant le passage d'un être physique à un être spirituel.
PYTHAGORE avait pour sa part choisi la division de la vie en quatre périodes d'âges, établies en parallèle avec les quatre saisons.
Scipion Du PLEIX, en 1606, nous révèle une nouvelle distinction des âges
basée sur « La diuerfe conftitution & difpofition de la chaleur naturelle
auec l'humide radical : laquelle eftant de trois fortes, il faut auffi diftinguer
noftre vie en trois âges. Car en premier lieu le chaud & l'humide és premières
années après la naiffance font tref-abondans en l'homme, à caufe que fon
corps eft recentement formé de la femence & du fang menftrual qui abondet
en chaleur et humidité... après ce temps-là le chauf et l'humide eftant plus
tempérés en l'homme, fon corps qui eftoit mol, fouple & flexible, commence
à fe fortifier & affermir en ce fécond âge, qui eft fubdiuifé en deux. La
jeuneffe s'éftend de vingt & quatre ou vingt cinq ans, jufqu'à trente & cinq
ou trente & huit : & la virilité de là jufqu'à cinquante ans ou environ. Ainfi
fe paffe l'orgueil & la vanité de l'homme en peu de temps. Nous mourons
tous & nous efcoulons comme des eaux, qui ne retournent plus. Ainsi que
nous enfeigne l'efcriture fainte. Car le deffaut qu'aporte la continuelle cor-
ruption & changement (dit S. GREGOIRE) qu'eft ce autre chofe qu'une pro-
lixité de mort ? »
A s p e c t s évolutifs d e la C . M . V .
1. D é s a r r o i i n i t i a l ( " é p r o u v é " a n x i o g è n e d u v i e i l l i s s e m e n t e t d e l a m o r t i n é l u c t a b l e s ) .
2. T r o i s p r i n c i p a u x a s p e c t s é v o l u t i f s ( n o n e x h a u s t i f s ) e n f o n c t i o n d e s
" f a c t e u r s d e p r o t e c t i o n " (1) e t d e " r i s q u e s " (2).
(1) F a c t e u r s de p r o t e c t i o n - I n t é r i e u r s
. Cohésion i n t é r i e u r e s o u p l e . C a p a c i t é d ' i n s i g h t . b o n n e d i s t a n c e à s o i - m ê m e . sens des réalités
. g é n é r a t i v i t é et i n t é g r i t é - E n t o u r a g e
. c o h é s i o n s o u p l e . c a p a c i t é d ' a t t e n t i o n . c a p a c i t é d ' a i d e
. sans d é s i r de d o m i n a t i o n - H a r m o n i e e n t r e r e s s o u r c e s i n t é r i e u r e s et e n t o u r a g e
(2) F a c t e u r s de r i s q u e s - I n t é r i e u r s
. F a i b l e c o h é s i o n i n t é r i e u r e . R i g i d i t é des défenses . Défaut d ' i n s i g h t
. M a u v a i s e d i s t a n c e à s o i - m ê m e . T e n d a n c e s m é g a l o m a n i a q u e s . I d é a l o p a t h i e
. S t a g n a t i o n et d é s e s p o i r - E n t o u r a g e
. F a i b l e c o h é s i o n , crise possible . Figé
. D o m i n a n t o u é t o u f f a n t . E x i g e a n t u n s u p p o r t
- H a r m o n i e faible, o u d y s h a r m o n i e e n t r e le s u j e t et son e n t o u r a g e .