L’AMMONIAC DANS LE TUBE DIGESTIF DES RUMINANTS - SA SIGNIFICATION
B. GAUSSERES
Madeleine VERMOREL Laboratoire des Métabolis!nes,
Centre national de Recherches
zootechniques,
2’8 -Jouy-en-Josas
- !..
SOMMAIRE
Cette étude rend compte des résultats de dosages d’ammoniac effectués sur les contenus de
rumen d’animaux soumis à différents
régimes.
Lesprélèvements
de contenu ont été effectués selonplusieurs techniques.
L’une d’entre elles a été mise aupoint
au laboratoire. La discussion portesur la validité et les
possibilités d’interprétation
des différents résultats.INTRODUCTION
Chez les
ruminants,
les aliments sont soustraitspendant
untemps plus
ou moinslong (de
10 heures à 5jours)
à ladigestion classique
par les enzymes de l’animal et soumis à des fermentations dues à desorganismes symbiotiques (bactéries
etprotozoaires).
Simultanément à cette actionenzymatique
etchimique
a lieu uneaction
mécanique
etphysique
tout aussiimportante.
Lamorphologie
et le fonc- tionnement du rumen danslequel
se situe laplus grande partie
de cesphénomènes
sont tels
qu’il
est très difficile d’évaluer defaçon quantitative (et
mêmequelquefois qualitative)
les transformations subies par les aliments. L’azote alimentaire se trouve pour unepart
sous formeprotéique,
et pour une autrepart
sous forme nonprotéique.
Cette dernière fraction est constituée essentiellement d’acides aminés et amides libres.
Quarante
àquatre-vingt-dix
p. 100 desprotéines
etprès
de 100 p. 100 de l’azote nonprotéique
sont métabolisés dans le rumen par lapopulation
micro-bienne
(MC D ONALD ,
zg54 ; Mc DONAIjDet HILL, 1057 ; WEi,1,ERetal., 195 8 ;
GAuss!R!s et
FAUCONNEAU, z965).
L’ammoniac
représente
un stade intermédiaire ou final de ce métabolisme(final,
s’il est absorbé à travers la
paroi).
Me DoxA!,D, 1952 ; ANNISON etal., 1954 ,
ont lespremiers
attiré l’attention sur son accumulation dans lesjus
de rumen. Les valeurs trouvées par différents auteurs s’échelonnent entrequelques milligrammes
d’azoteammoniacal par 100 ml de
jus (FAUCONNEAU
etG AUSSER E S , 19 6 1 ;
LEWIS,1 9 62)
et r3o mg
(J OHN S, rg56).
Unepartie
de cet ammoniac passe dans le sang des veines du rumen(M C
DoNe!,v,194 8).
On a pu mettre en évidence leparallèlisme
entreles taux d’ammoniac dans le rumen d’une
part
et les taux d’ammoniac et d’urée dans le sang d’autrepart (L E W IS ,
1957 ; HOGAN,19 6 1 ; G AR T N E R , ig6 3 ; GAE R T N E R ,
DEC K E
R et
H ILL , ig6i ;
SuTTO:V etal., rg6 3 ).
Comme l’urée est leproduit
terminaldu métabolisme de
l’azote,
on a admis que cetteproduction
d’ammoniac(trans-
formée en urée par le
foie) correspondait
à uneperte
d’azote.Quelques
études etnotamment celles de CHAi,MERS et al.
( 1954 )
ont montré que le bilan azoté était d’autantplus
faible que laproduction
d’ammoniac au niveau du rumen étaitplus élevée,
pour des rations dont le taux azoté était normal. Cetteproduction
seraitproportionnelle
à la solubilité desprotéines (LE WIS , 19 6 2 ),
bien que LITTLE etB URROU G
HS
( 19 6 3 )
ne trouvent pas une relation bien nette entre solubilité et pro- duction d’ammoniac.Comme les acides gras volatils
qui permettent
d’évaluer les fermentations desglucides,
l’ammoniac est utilisé comme test du métabolisme des matières azotées d’une ration.Ainsi, depuis
1959nous dosonssystématiquement
l’ammoniac dans les contenus de rumen. Pour tenterd’expliquer
certainsphénomènes observés,
nousavons été amené à faire une étude
critique
de laméthodologie
et à reviser certaines desconceptions
habituellement trouvées dans la littérature.MATÉRIEL EXPÉRIMENTAL
ETMÉTHODES
Nous avons effectué de nombreux
dosages
sur des animauxd’âges
et d’étatsphysiologiques
très différents, soumis à divers
régimes (les plus
couramment utilisés dans lapratique).
Ces ani-maux, dont nous
indiquons
lescaractéristiques
dans les tableaux,appartenaient
pour laplupart
à la Station de Recherche sur
l’Élevage
du Ruminant et étaient utilisés à d’autres finsexpéri-
mentales.
Trois
techniques
deprélèvements
étaient utilisées :prélèvements
sur animaux abattus,prélè-
vements sur animaux fistulisés avec pompages
sporadiques, prélèvements
sur animaux fistulisés avecpompages
automatiques, l’appareillage
demeurant in situ dans ce dernier cas. Pour les animauxabattus,
après homogénéisation
du contenu, les échantillons moyens étaientpressés
à la main,filtrés sur quatre
épaisseurs
de mousseline,puis centrifugés.
Les pompagessporadiques
étaient effec- tués, canule ouverte, à l’aide d’une machine à traire(deux
ou trois litres deliquide
étaientaspirés
au total dans les différentes
parties
du rumen,puis
filtrés etcentrifugés).
La
technique
desprélèvements automatiques
a été exposée par ailleurs(GAUSSERES, 19 65).
Une
crépine immergée
dans le rumen est reliée à une pompequi
fonctionne à intervalles de temps réguliers. Lejus prélevé
est récolté dans un collecteur de fractions maintenu à o°C. Lacrépine
peut demeurer en
place plusieurs
semaines sans inconvénient.Les
premiers
échantillons(i 959
etig6o)
ont étéanalysés
immédiatementaprès
leprélèvement.
Par la suite, nous avons conservé les
jus,
en abaissant leur pH entre 4 et 5avec de l’acidesulfurique
et en les
congelant
à -r 5 °C.
Dans le cas desprélèvements classiques,
lesjus
extraits ont été obtenuspar
centrifugation
duliquide
provenant de la filtration sur mousseline du contenu brut. Dans lecas des prélèvements
automatiques,
leliquide
pompé est filtré à travers uneépaisseur
constantede mousse de matière
plastique (polyuréthane) ;
sa teneur en matières sèches est faible et peu variable(pour
unrégime donné)
cequi
permet de ne pascentrifuger.
Les
dosages
ont tous été effectués par distillation àl’appareil
de Parnas-Wagner. Lesjus, centrifugés (ou non)
étaient amenés à pII 8,5-9avec une solution de borate de soude et l’ammoniac,recueilli dans une solution d’acide
borique,
dosé avec de l’acidechlorhydrique
0,014 N.Enregistrement
du compoî,tement alimentaireParallèlement aux
prélèvements automatiques
dejus
de rumen (et dans ce casseulement),
nous
enregistrons
le comportement alimentaire des animaux. Latechnique
estinspirée
de celleutilisée par RUCKBUSH
( 19 6 3 ).
Nous avons seulement transformé ledispositif d’enregistrement.
Unepoire élastique
est fixée par dessangles
sous la mâchoire de l’animal et est reliée à un manomètre par un tube de caoutchouc. L’axe du manomètre est solidaire d’un potentiomètreélectrique
dont lesvariations de tension sont
enregistrées
par unenregistreur galvanométrique
surpapier
métallisé gradué. La vitesse de déroulement dupapier
est de i cm par 5 minutes(lecture
facile etrapide
desrésultats).
L’autonomie de fonctionnement est d’environ sixjours.
La durée de consommation enre-gistrée
n’est malheureusement pas exactementproportionnelle
à laquantité
consommée. Les ali- ments sont donc pesés trois fois parjour.
L’intérêt du comportement alimentaire estqu’il
donnele moment où ont lieu les repas, leur durée, leur nombre et la vitesse
d’ingestion,
connaissant avecexactitude la
quantité
consommée entre les heures depesées.
RÉSULTATS
Les différents tableaux et
graphiques
réunissent les résultats dedosages
effec-tués
depuis
1959sur de nombreux animaux soumis à différentsrégimes,
les méthodesde
prélèvement
étant très variées.F,TUD!
DE RÉGIMESExpérience
I :Étude
sur avtimaux abattusLe tableau i donne les résultats relatifs aux contenus
provenant
d’animaux(z
4
8
autotal)
abattus à destemps précis après
un repas. Pour l’ensemble desrégimes (m régimes étudiés),
les taux d’ammoniac sont rarement élevés et nedépassent
pas46,7
mg d’NNH,/ioo
ml dejus (régime composé
de foin et d’alimentconcentré).
Même les
fourrages
verts tels que le ray-grass et le chou n’entraînent pas de tauxsupérieurs
à 30 mg. Il y a unegrande
variabilité des résultats pour des animaux de même étatphysiologique
soumis au mêmerégime.
C’est entre 3 h et 5 haprès
le repas que la variabilité est la
plus faible,
notamment pour les vaches et les tau- rillons recevant du foin de luzerne. Cela tient sans doute à ce que les animaux ont des niveaux de consommation très voisins. Au-delàde 5 h,
par contre,plus
letemps
écoulédepuis
le dernier repas estélevé, plus
semble-t-il la variabilité estgrande.
Nous avons
essayé,
pourquelques régimes,
de calculer lesquantités
totales d’ammoniacprésentes
dans le rumen(tabl. 2 ).
Nous avons pour ceci tenucompte
dupoids
du contenu et de sa teneur en eau. L’éventail des valeurs ammoniac total est semble-t-il moins ouvert que celui des valeurs donnant la concentration. Eneffet,
gq p. 100 des valeurs(indépendamment
de l’heure desprélèvements)
donnantla concentration se situent entre 0,7et 25
(mg
de NNH 3/IOO ml)
alors que pour lesquantités totales,
92 p. 100 des valeurs sontcomprises
entre i et 10(en
gdeNNH 3 ).
Expérience
II :Étude
sur animauxftstailisés
1
0 Fovme
Physique
dufoin.
Dans le tableau 3, nous donnons les résultats d’une
comparaison,
sur deuxvaches
fistulées,
de deux modes deprésentation
d’un même foin distribué entier oubroyé
etaggloméré.
I,es concentrations d’ammoniacaugmentent
dans le même sensque les
quantités consommées,
mais dans desproportions beaucoup plus
faibles que celles-ci.Ainsi,
en moyenne, on obtient 21-z!mg/roo
ml pour le foin entier et 27-32 pour le foinbroyé (les
consommations moyennesjournalières
étantrespectivement
9
kg.
et 20kg.
deM.S.).
Si l’onrapporte
la concentration moyennejournalière
del’ammoniac à la
quantité
consommée(nous
ne connaissons malheureusement pas lesquantités
totalesd’ammoniac),
on trouve des valeurscomprises
entre 2,3 et 3,4 pour le foin entier et entre 1,3et 1,5 pour le foinbroyé.
Cerapport
estdonc,
pour le foinbroyé, plus
faible etplus
constant. Pour une mêmequantité
de matières azotéesingérée,
il doit donc se former moins d’ammoniac. Le foin utilisé pour cetteexpé-
rience contenait 14 p. 100de matières azotées totales
(dans
la matièresèche), 6, 4 p.
100étant sous forme non
protéique (soit 4 6
p. roo de l’azote totalcomposésessentiellement
d’acides aminés
libres,
amides etpeptides).
2
° Mise à l’herbe.
En
I g6 3 ,
nous avons suivil’évolution,
au moment de la mise à l’herbe(luzerne),
des taux d’ammoniac des contenus de deux vaches fistulisées
(graph. i).
Avant lamise à l’herbe
(régime
defoin, ensilage, betteraves,
alimentconcentré),
lesquantités
d’azote ammoniacal sont
comprises
entre 1-5 mg et 20 mg par 100 ml. Au coursde la
journée,
il semble y avoir deuxmaxima,
l’un vers 10 h-mh,
l’autre vers 17h-i8 h. Lesquantités
consommées des différents aliments et les heures des distri- butions sontreportées
sur legraphique.
Au moment du passage aurégime d’herbe,
les taux d’ammoniacaugmentent atteignant
45 pour l’animalqui
consomme leplus
( 4
8
haprès
que la ration se compose d’herbeuniquement).
I,e maximum est atteintapproximativement
à 12 h. Comme lesdosages
n’ont pas été faitspendant
lanuit,
il est difficiled’interpréter
avecprécision
les courbes d’évolution.Quinze jours après
la mise àl’herbe,
les taux d’ammoniac reviennent sensiblement au niveau durégime
hivernal sans que la consommation de matière sèche aitchangé.
I,abaisse, pratiquement certaine,
de la teneur en matières azotées de la luzernepeut
êtreresponsable
de cette diminution.3
°
Évolution
au cours desdifférents cycles
de croissance de la luzerne.Durant la
période
devégétation
dei 9 6q,
nous avons suivi les taux d’ammoniac des contenus de deux vaches fistulisées recevant, àl’auge,
de la luzerne verte(graph.
3
).
Pourchaque cycle,
nous avonscomparé
les courbes d’évolution des taux d’ammoniac avec celles desquantités
de luzerne consommées(nous
n’avonsreporté
ces consommations que la veille et le
jour
desprélèvements).
Pendant les deuxpremiers cycles
dedéveloppement
de laluzerne,
on a une excellente concordance entre les taux d’ammoniac observés sur les deux vaches et unparallélisme
souventtrès net entre les courbes
figurant
l’ammoniac et celles de la consommation(exprimée
en kilos de matière
sèche).
Au troisième et auquatrième cycle,
les consommations sontplus irrégulières
et les taux d’ammoniac sontquelquefois
assez différents pourles deux vaches. Du début à la fin de
chaque cycle,
les taux d’ammoniac diminuentrégulièrement, parallèlement
à la teneur en matières azotées de la luzerne consommée.Dans aucun cas, au cours des
quatre cycles,
on nedépasse
55 mg d’HNH,
par100 ml
de jus.
I,e tableau suivant donne les coefficients d’utilisation
digestive apparents
de la matièreorganique
et des matières azotées de la luzerne(déterminés
surmoutons).
Nous avons
calculé,
pour certainsprélèvements,
lesquantités
totales d’ammo- niacprésentes,
deux heuresaprès
un repas, dans les rumens de ces deux vaches(tabl. q.),
pourceci,
les rumens ont été vidés en totalité et les teneurs en matières sèches calculées. Aupremier cycle
de croissance de laluzerne,
lesquantités
sonttrès voisines pour les deux animaux et peu variables
( 2 8
g d’NNH 3
en moyenne pour la vache77 8,
27 g en moyenne pour la vache9027 ).
Au deuxièmecycle,
ellessont d’abord élevées
( 29
g pour la vache77 8
et 42 g pour la vache9027 ) puis
dimi.nuent et se stabilisent aux environs de 26 g. L’évolution
paraît
la même aux troi-sième et
quatrième cycles.
ÉTUDES CINÉTIQUES
Expérience
III : .-Étude cinétique
sur vachefistulisée
Dans le but de
préciser
l’évolution de laproduction
de l’ammoniac au coursde la
journée, après
des repas decomposition variable,
nous avonsessayé
d’effectuer desprélèvements
sur une vachefistulisée, âgée
ettarie,
ayant un mauvaisappétit
(et
parconséquent
uncomportement
alimentairechangeant)
recevant unrégime
mixte. Dans ces conditions
(cf. graph. 2 )
nous avons observé unegrande
variabilité des taux d’ammoniac. Il est très difficiled’interpréter
les résultats obtenus sur unejournée
si l’onignore
comment ont évolué les consommations et le taux d’ammoniac avant lapériode expérimentale.
Expérience
IVPrélèvements
automatiques
et continus sur moutonsfistulisés
Le
graphique 4 montre
les courbes obtenues en effectuant lesprélèvements,
suivant la méthode
décrite,
toutes les heures ou toutes les deux heures.I,’ensemble
de cesprélèvements
a été fait sur la même brebis consommant le même foin ad libi- tum(trois
distributions parjour)
et le même aliment concentré(un
repas parjour).
Le
graphique
5 donne deuxexemples
depériodes
de 2! h pourlesquelles
lecomportement
alimentaire est différent. Dans un cas, il existe des repas entraînant debrusques augmentations
de la concentrationd’ammoniac ;
dans l’autre cas, cetteconcentration demeure élevée et peu variable par suite d’une consommation
régu-
lièrement
répartie
dans letemps.
Dans l’ensemble despériodes,
les concentrationsd’ammoniac,
à une heuredonnée,
sont très variables d’unjour
àl’autre,
bien que le mode d’alimentation demeurerigoureusement
le même.DISCUSSION
A. - MÉTHODES
Les difficultés
d’interprétation
desquelques
résultats que nous venons depré-
senter
expliquent
que nous ayons été amenés à revoir nos méthodes.1
° Méthode de
prélèvement
Sur animaux abattus.
Les résultats du tableau i
provenant
d’échantillonsprélevés
sur des animaux d’abattoirs nepermettent
pas de suivre avecprécision
la transformation de la frac- tion azotée de la ration au niveau du rumen. Ils ne donnent tout auplus
que des ordres degrandeur. L’échantillonnage,
dans cesconditions,
est difficile et les contenus des différentesparties
du tubedigestif peuvent
semélanger
au cours del’abattage.
On observe alors des différences individuelles assez
importantes,
surtoutlorsque l’abattage
est effectuéplus
decinq
heuresaprès
le repas. Sil’abattage
a lieu immé-diatement
après
le repas et si les niveaux de consommation des différents animaux sontvoisins,
les variations individuelles sontplus faibles,
le dernier repas constituantune
partie plus importante
du contenu du rumen( 20
p. 100à !o p. 100selon lerégime
et le nombre de
repas).
Suv animaux
fistulisés.
Les
prélèvements
sur animauxporteurs
de canulespeuvent
êtreégalement
peu satisfaisants suivant la manière dont onprocède.
Le contenu du rumen n’a pas lesmêmes
caractéristiques physiques
etchimiques
suivant la zone danslaquelle
il estprélevé.
Lapartie
ventrale estplus liquide (avec
laplupart
desrégimes)
et lepH augmente
de lapartie postérieure
à lapartie antérieure ;
la zone dorsalepostérieure
est la
plus acide;
il peut y avoirplus
d’une unité depH
d’écart entre deux zones(observations personnelles
survaches).
La constitution d’un échantillon moyenreprésentatif
de l’ensemble est difficile si l’on ne vide pas totalement le rumen. On soumet alors la masse endigestion
à une aérationimportante qui
nepermet
pas d’effectuerplusieurs prélèvements après
un même repas, car les orientations fermen- tairesrisquent
dechanger après
lapremière manipulation.
Nous avons donc
pensé qu’il
étaitpréférable,
dans unpremier temps,
d’étudierla
digestion
en suivantl’apparition
desproduits
terminauxsolubles,
en unpoint
du rumen
qui
soittoujours
le même(prélèvements automatiques).
Nous avons choisicomme lieu de
prélèvement
lapartie
centrale du sac ventral. I >ans cette zone, laphase liquide
estsusceptible
de transiterrapidement
vers le feuillet et la dilution par la salive n’estprobablement
pasimportante.
Les mouvements deliquide
à l’inté-rieur du rumen sont tels que
pendant
lescinq
minutes(ou
dixminutes)
que dure leprélèvement (cas
desprélèvements automatiques)
on a une série decycles
de contrac-tions
(un
par minute environ sur vached’après B AICH , 19 6 1 )
et donc àchaque cycle,
une remontée du
liquide
ventral à travers la zone dorsale etainsi,
un renouvellement duliquide
ventral.I,’échantillon
obtenureprésente
la fractionqui
transite vers lefeuillet sinon celle contenue dans l’ensemble du rumen
(pH variables).
Il serait sansdoute
opportun
d’observer les fermentations enplusieurs points
fixes du rumen.Quoi qu’il
ensoit,
les résultats obtenusjusqu’à présent
parprélèvements
con-tinus,
sont encoreparfois
difficiles àinterpréter.
Les courbesprésentent
souventdes
irrégularités
et des discontinuités dues sans doute pour unepart
à la consomma- tion de l’eau(qui
n’étaitjusqu’ici
contrôlée queglobalement ( 1 )
et aussi à ce que( 1
) Un dispositif enregistreur nous permet actuellement de suivre en continu la consommation d’eau.
la vitesse
d’ingestion
des aliments n’est pas constante(sauf peut-être
dans les casou l’aliment est très
homogène).
Le choix du lieu et de la méthode de
prélèvement
est unproblème complexe,
si l’on veut obtenir un échantillon
représentatif
des orientations fermentaires que l’on cherche à déterminer.2
0 Méthode
d’analyse
Suivant la méthode
utilisée,
ce que l’onappelle
azote ammoniacal necorrespond
pas
toujours
aux mêmescomposés.
Une étude récente de Hm,t, et M9rrGn!r(rg6q)
montre que 3 p. 100à 16 p. 100des bases volatiles dosées par distillation étaient de la
méthylamine.
Laméthylamine augmenterait après
le repas pour atteindre unmaximum
après
5 h environ. MICHEL(communication j!evsonneLLe)
a trouvé dans le contenu du rumen d’une brebis consommant du foin de luzerne I g,2yde méthylamine
et
22 ,8
y d’ammoniac par ml dejus.
3
0 Ex!vessio!a des
résultatsNous avons choisi
d’exprimer
les résultats en mg d’azote ammoniacal par 100ml dejus
de rumenpuisque
ce moded’expression
est leplus
habitueletqu’il correspond
à la valeur donnée par le
dosage.
Dans
quelques
cas(tabl.
2et!),
nous avons calculé lesquantités
totales d’ammo- niacprésentes
dans le rumen. Ce calcul est fait en tenantcompte
dupoids
totalde contenu et de sa teneur en eau. On obtient ainsi un volume
théorique qui
necorrespond
pasobligatoirement
au volume réel derépartition
de l’ammoniac. Dans les casparticuliers présentés ici,
il ne semble paspréférable (compte
tenu de la diffi-culté de détermination des
volumes)
de transformer les concentrations enquantités
totales. Ce mode de calcul diminue
l’hétérogénéité
de certaines données maisl’aug-
mente pour d’autres. Certains
préconisent
de ramener laquantité
totale d’ammoniacà la
quantité
d’azoteingéré,
on nepeut
alorsplus
se contenter de laquantité
totaleinstantanée mesurée à un moment donné. Il faut connaître les variations des
quantités
totales en fonction du
temps.
On est,cependant,
amené à donner alors des valeursqui
cherchent àreprésenter
les «pertes
a d’ammoniac consécutives àl’ingestion
d’unematière azotée donnée. Or, il est dithcile d’admettre de telles valeurs
quand
onignore
tout de
l’origine
exacte de cet ammoniac et de son devenir.B. - DISCUSSION GÉNÉRALE
En
effet, quelle
que soit lafaçon
dont on veuilleexprimer
la formation de l’ammo-niac,
pourinterpréter
les valeurstrouvées,
il est nécessaire de connaître les facteurs de ladigestion
et du métabolisme de l’azote.L’ammoniac
présent
dans le rumen est le résultat d’unéquilibre
entre laproduc-
tion et les différentes voies d’utilisation : métabolisme dans le rumen,
absorption
etévacuation vers le feuillet. Outre ces variations
dynamiques,
il existe des variationspassives
dues à lasalive,
à laconsommation,
auxéchanges
d’eau à travers laparoi
du rumen.
1
° Foymation de l’ammoniac - Les
facteurs
def o y mation
L’action
protéolytique et
désaminante desmicroorganismes
du rumen a étémontrée par de nombreux auteurs
(WaRw!R, 195 6 ; Er,-Sxar,zy,
1952 ; LEWIS, rg55 ! 1 BLACKBURNet HoBSO!r,
19 6 2 )
et notamment par OTAGAKI et al.( 1955 )
avec de lacaséine
marquée
au14 C,
concluant à la formation d’acides gras et d’ammoniac àpartir
desprotéines.
On alongtemps
considéré les bactéries comme lesprincipales responsables
de cettedésamination,
maisdepuis quelques
années où l’on accordeplus
d’intérêt auxprotozoaires qui peuvent parfois
se trouver enquantités
consi-dérables
(plus
de 10 g secs par litre dejus,
FAUCONNEAU etG AUSSERES , 19 6 1 ),
ona constaté
(KA NDA TS U
etT A GA HASHI , 19 62 ;
AkxaDa etHO W A RD , 19 62) qu’ils
pou-vaient
hydrolyser
lesprotéines puis
désaminer les acides aminés. Cxar,MERS et al.(1934),
LEwis et Me DONALD( 195 8)
ont effectué des études assezcomplètes,
maismalheureusement avec des animaux
qui
étaient maintenus dans des conditionsexpé-
rimentales assez
artificielles, puisqu’ils
étaient entraînés à consommer leur rationjournalière
en une heure. Il est certain que dans de tellesconditions, partant
d’unniveau de nutrition de la flore assez bas
(et
donc d’unepopulation
sans doutealtérée)
on amène
brusquement
une trèsgrande quantité
d’éléments nutritifs(par
la fraction solublesurtout),
cequi
oriente les fermentations dans un sensparticulier
etpeut
entraîner l’accumulation momentanée de certainsproduits
terminaux et intermé-diaires de la
digestion.
D’autres auteurs tels queJ OHNS ( 195 6)
ou HoGarr( 19 65)
se sont intéressés à la
digestion
aupâturage
et notamment auxpremiers jours qui
suivent la mise à l’herbe. Les fermentations
qui
ont lieupendant
cettepériode
sontaussi
probablement
assezspéciales.
La flore doits’adapter
à un substrat nouveau.Cependant,
cetteadaptation
n’estpeut-être
pas le seulphénomène qui
entre enjeu.
Des résultats
exposés précédemment (graph. i),
onpourrait
déduirequ’au
mo-ment de la mise à
l’herbe,
laproduction
d’ammoniac estintense, puis qu’après
une
période
d’environ 15jours (dans
ce casparticulier
aumoins) permettant
uneadaptation
de lapopulation
microbienne(soit
paraugmentation
del’utilisation,
soitpar diminution de la
production)
on retrouve un taux d’ammoniac assez faible.Mais une diminution du taux d’ammoniac
peut
aussi être due à une diminution de la teneur en matières azotées del’herbe,
d’où une consommation moinsimportante
de matières azotées. Dans nos résultats
(graph. 3 )
on constatequ’il
y a une relationétroite entre le niveau de consommation et le taux d’ammoniac. HoGaN
( 19 63)
pense
également
que pour un aliment donné il y a une relation entre le niveau de consommation et le taux d’ammoniac. Le niveau deconsommation,
ouplus précisé-
ment la consommation au cours des 24 h ou des
.!8
hprécédant
ledosage, peut agir
en modifiant la
quantité
d’uréeendogène
arrivant au niveau du rumen : par la salive(SoMExs, 19 6 1 )
ou directement à travers laparoi (EwGEr,xaxDT, 19 6 3 ). L’apport endogène peut
ainsi n’être pasnégligeable
dans certaines conditions d’alimentation.E NGE
i<HARDT
(rg6 3 ),
travaillant surchèvres,
estimequ’il
y a un passaged’urée,
dusang vers le rumen, variant entre
r,8
et17 ,8
g par 24h si l’on admet un taux moyen d’uréesanguine
de 25mg par 100 ml de sang. MoiR et HaRxrs(zg62),
estiment à 3 g d’azote l’entrée d’urée dans le rumend’agneaux.
Sur moutons, SOMERS(rg6r)
trouveque pour une
ingestion
de14 ,8
g d’azote parjour, près
de 300 mg sontrecyclés
dansle rumen sous forme d’urée salivaire
(ce qui
nereprésente
que 2,2 p.100 ).
DECKERet al.
( 19 6 0 )
ont montré que l’uréesynthétisée
dans le foiepassait
dans le rumen.G A E R T
NER et al.
(ig6i)
ontcependant
montré que le transfert actif du sang vers le rumen étaitindépendant
de la concentrationsanguine.
A
composition
azotéeéquivalente,
le mode deprésentation
semblejouer
unrôle
important (nos résultats,
tabl.3 ).
La structurephysique peut
déterminer une certaine «disponibilité
» et intervenir sur lavitesse,
l’intensité de ladigestion
et letemps
deséjour
dans le rumen et, parlà,
sur lesquantités respectives
des différentsproduits
terminaux. Le mêmephénomène
s’observequand
les matières azotées ontsubi des traitements
technologiques
tels quechauffage
ouimprégnation
par les tannins(L
EROY
etal., rg64).
Après
un repas,habituellement,
l’ammoniac augmenteatteignant
un maximumaprès
i hà 4 h, puis
revient à un niveaucomparable
à celui que l’on avait avant le repas. Pour un animal donné ayant unrégime donné,
certains auteurs observentune
reproductibilité
assez bonne dans ces courbes(CHn!,M!RS
etSYrrG!, rg5 4 ).
Pourceci,
il faut que l’animal effectue sonunique
repasjournalier rapidement,
le niveaud’alimentation demeurant le même. Dans nos résultats
(tabl.
i etgraph. 4 ),
pourun
régime donné,
on retrouve souvent avant le repas des taux d’ammoniac trèsdifférents,
dans des conditions d’alimentation normale. Deplus,
si laquantité ingérée pendant
le repas varie(donc
laquantité
deprotéines ingérées)
laproduction
d’ammo-niac est
plus
ou moinsimportante
et s’étale sur untemps plus
ou moinslong dépen-
dant de la durée de la consommation.
Enfin, quelquefois,
sansqu’il
y ait une nouvelleconsommation,
on observe 5 h à 8 h environaprès
le repas, une nouvelle augmen- tation du taux d’ammoniac. B!,ncKBUxn et HoBsoN( 19 6 2 )
ont constaté le mêmephénomène
sanspouvoir l’interpréter.
Cette nouvelleaugmentation peut
être due soit à uneautolyse
microbienne amenant une nouvelle sourced’azote,
soit à uneprotéolyse plus
intense suivie de désamination(après
laphase
demultiplication
desmicro-organismes),
soit d’un retour d’urée par les voiessanguines,
soit encore à uneproduction
deméthylamine (Hiu.
et MANGAK,19 6 4 )
dont le maximum de concen-tration se situe entre 3 et 5 h
après
le repas.Si le
comportement
alimentaire nechange
pas, si le niveau de consommation demeure lemême,
on obtientaprès
les repas(même quantité consommée,
mêmetemps
deconsommation)
descinétiques
deproduction
d’ammoniacqui
sont semblablesCeci,
ne demeurecependant
vrai que si l’on considère comme constants les autres facteurs liés aux aliments ou à laphysiologie
de l’animal.L’influence,
parexemple,
des
glucides
de la ration sur les concentrations d’ammoniac du rumen a faitl’objet
de nombreuses études discutées en détail par LEWIS
( 19 6 0 ).
En somme, si l’on tientles animaux dans des conditions
expérimentales rigoureusement
stables(repas
enune heure par
exemple),
on a toutes chances d’observer un processusdigestif qui
serareproductible,
maisqui
n’aura pas pour autant unesignification
nutritionnellegéné- rale,
dumoins,
si ces conditions sont trop artificielles.2
0 Utilisation de l’ammoniac
Les
micro-organismes, générateurs d’ammoniac,
en sontégalement
consomma-teurs. GmROy
( 1957 )
a montré sur des cultures pures de bactéries isolées de contenus de rumen que 50 p. 100d’entre elles utilisaient seulement l’ammoniac poursynthé-
tiser des
protéines,
les autres ayant besoin d’acides aminés pour sedévelopper.
B
RYANTet ROBINSON
( 19 6 2 )
ont trouvé que sur8 9
souches isolées du rumen, l’ammo- niac estindispensable
pour 25 p. 100 d’entre elles et que pour5 6
p. 100(y compris
les 25 p. 100
précédents)
on a undéveloppement
satisfaisant enprésence
d’ammoniacseulement.
- S’il n’est pas métabolisé par les
micro-organismes,
l’ammoniac estsusceptible
d’être absorbé. Si l’étude
qualitative
de cetteabsorption
est relativementsimple,
l’évaluation
quantitative
en est délicate par suite des difficultésd’appréciation
dudébit
sanguin.
LEWIS(rg 57 )
a travaillé dans des conditions telles que le taux d’ammo- niacaugmentait beaucoup pendant
unepériode brève,
cequi justifie
uneabsorption
élevée.
D’après
HOGAX( 10 6 1 ),
il y aurait diffusion vers le sang sous formeNH,.
Y
OSHIDA
( 19 6 3 )
estime quel’absorption
de la forme non ionisée estplus
intense.Il semble que l’on
puisse
admettre que laconcentration,
laquantité
d’acides gras volatils et lepH
sont lesprincipaux
facteursqui règlent l’absorption.
LEwis( 1957 )
évalue cette
absorption
à 14 g d’azote ammoniacal par 24h,
pour des moutons recevant 800 g de foin et 50 g de caséine. Ce chiffre est très élevé(conditions expéri- mentales) .
- Les
transports
de l’ammoniac et de l’urée sont essentiellement fonction de leurs concentrations dans le sang et dans le rumen. Si les orientations fermentaires dans le rumendépendent
avant tout desaliments,
les concentrationssanguines
sontle reflet du métabolisme
général
de l’animal. Cetaspect
duproblème
est assez malconnu, mais
quelques
études font penser que l’onpeut
difficilementappliquer
auruminant les
concepts classiques
admis chez lemonogastrique :
READ(ig52),
HouP’r(rg5g),
Mc LARENet al.( 19 6 2 ), ] UH iB’ SZ ( 19 6 2 ),
WATSO)¡&dquo; et al.(r 949 ),
SCHMIDT-NIEL-SEN et OSAKI
(rg58).
Ces auteurs ont observé desphénomènes originaux
concernantl’utilisation
métabolique
de l’urée. Onsait,
en outre, que chez lemonogastrique,
l’uréepeut
être assimilée(après
transformation par l’uréase microbienne du tubedigestif).
LnRn
yet FEI,I)OTT
(r 949 )
et ROSE et al.( I g 4 g)
ont montré que les sels d’ammoniumpouvaient
être utilisés dans lasynthèse
des acides aminés non essentiels. Deplus,
on a observé que le ruminant «
s’adaptait
» à une alimentation riche en urée(SmirH
et
al., I g6 0 ;
Mc LARE-!,m!64),
cetteadaptation
n’étant peut être pas dueuniquement
à la modification du faciès microbien.
Enfin,
les besoins azotés d’entretien déterminés récemment par Ei,i,ioTT et Toz rs( 19 6 3 )
sont sensiblement le tiers de ceuxpréconisés
par BROD1, cequi
sembleindiquer
que letype
de la ration et son mode deprésentation
interviennent au moins autant que sacomposition chimique,
enparticulier,
pour les faibles niveaux d’ali- mentation.Reçu pour
publication
en décernbre 1965.SUMMARY
AMMONIA IN THE DIGESTIVE TRACT OF RUMINANTS : ITS SIGNIFICANCE
The
samples
of rumen contentsanalysed
were takenby
three methods.They
were from :Slaughtered
cattle(tables
I and 2).From cattle with fistula