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Première escapade. Expressions

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Préambule

L’idée d’escapade renvoie ici à celle d’une aventure tout à fait primesautière, celle qui préside au plaisir de l’écriture et à l’exploration de sujets hétéroclites.

Voici donc un recueil de textes dans lequel chacun est convié à suivre plusieurs itinéraires, de tons et de styles délibérément différents. Parfois graves ou cocasses, parfois grinçants ou facétieux. Ce sont, notamment, des anecdotes, des fantaisies, des fables et des récits fantastiques.

Il s’agit donc bien de récréations littéraires.

Il convient cependant de garder à l’esprit que, au- delà de leur diversité, le dénominateur commun de ces récits, comme le prétexte originel, c’est, essentiellement, le plaisir des mots !

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Première escapade

Expressions

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Hêtre ou ne pas être

Sous le regard amusé du fantôme de Shakespeare, a eu lieu, ce matin, une savoureuse discussion entre un philosophe et son ami le bûcheron. Ils devisaient tout en marchant dans une forêt où ils aimaient souvent se retrouver. Ce jour-là, le débat ne manqua pas de charme, quand bien même, aurait pu s’amuser à souligner un elfe malicieux, quand bien même de charme, il n’y en eut jamais dans cette forêt-là !

– Ne perdez pas de vue, cher ami philosophe, disait le bûcheron, que le hêtre – ou l’hêtre comme disent les facétieux ou les personnes impatientes –, cet arbre qui nous occupe et dont nous nous plaisons à louer les mérites, c’est vraiment mon affaire et j’en connais plusieurs qui sont même, savez-vous, tout à fait Remarquables.

– Fort bien, mon cher ami, je n’en disconviens pas et je suis presque sûr que vous, qui connaissez si bien les hommes et la nature, admettrez avec moi que l’être, comme vous et moi, celui dont nous nous ingénions à recenser les qualités et les vertus, est une essence vraiment très répandue, même en dehors des bois !

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Son interlocuteur, loin de le contester, esquissa un petit sourire de connivence et pour bien lui prouver que la question lui était tout à fait familière, enrichit le débat en citant une phrase d’un poème qu’il avait conservée au fond de sa mémoire.

– Un auteur merveilleux, vous l’avez lu sans doute, avait un jour écrit, fort justement me semble-t-il, que c’est l’arbre et son bois légendaire qui suscite en nous le verbe être.

– Certes, certes, mon cher, mais n’en tirez pas trop un argument spécieux, du genre de celui qui fit dire à certains que l’homme descend de l’arbre !

Et l’autre alors, en s’esclaffant, lui répondit : – Jamais je n’ai dit ça et sous ces frondaisons si nobles et généreuses il ne me viendrait une pensée si sotte. Je ne fais seulement qu’une simple hypothèse.

Dans l’histoire de la vie, l’arbre précède l’homme et il doit être assez plausible, alors, que le hêtre lui-même, avec ses racines et son feuillage généreux, annonce déjà l’être qui va germer dans l’homme. Vous qui êtes vous-même un être remarquable, n’appréciez-vous pas de revenir souvent au cœur de ces forêts comme on vient se désaltérer à une source qui vous est essentielle ? Ou comme on cherche à retrouver ses racines les plus authentiques ? Une sorte de parenté ?

– Vous avez bien raison, ma foi, sur ce coup-là ! Puis après quelques instants de silence et de contemplation paisible, le philosophe reprit :

– Cher ami, il me vient une pensée malgré tout fort troublante. Elle me rend bien perplexe, elle me gêne beaucoup, elle fait question pour moi, et cette question-là est par trop délicate, mais je dois bien vous la poser.

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– Mon Dieu, mon cher, je vous connais fort bien, avec moi pourquoi tant de méfiance et tant de précaution ? Allez, je vous écoute sans la moindre inquiétude.

– Eh bien, vous qui parlez si justement des hêtres et des forêts, qui en louez, sans vous lasser, la grâce et la puissance, quelle est donc la nature de votre jouissance à les abattre sans merci et à les tronçonner à longueur d’année ? Non content de les ébrancher vous les fragmentez et les morcelez pour en faire des planchettes quand vous ne les réduisez pas en copeaux. En vérité, j’en suis fort étonné et …

– Mais je fais comme vous, l’interrompit le bûcheron !

– Comme moi ? s’exclama notre philosophe, mais ce n’est pas possible !

– Mais si, mon cher ami, mais si ! Je me comporte ainsi que vous. Ne vous plaisez-vous pas à dépecer les êtres ? A en décortiquer les ombres et les secrets ? N’êtes-vous pas à votre affaire lorsque vous les scrutez et les analysez en allant jusqu’à l’os afin de mettre à nu leurs caractères et leur destin ?

– Sans doute, ce n’est pas faux.

– Mais c’est tout à fait vrai ! En plus de cela, vous vous livrez, sans la moindre vergogne, à l’autopsie de l’existence qui est, n’est-ce pas, d’après certains de vos collègues, la matrice de l’être. Et jamais, dans ces occurrences, vous n’y êtes allé de main morte ! Serais-je dans l’erreur ? Et au bord du néant ?

L’allusion était fort spirituelle et tombait à propos.

Ils partirent tous deux d’un bel éclat de rire, d’un rire sonore et très joyeux.

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L’homme des bois et celui des concepts bavardèrent ainsi bien longtemps. Tout en marchant paisiblement ils échangeaient leurs arguments. Ils s’amusèrent même à remarquer que la cognée, c’est- à-dire la hache, qui s’abat sur un hêtre n’a pas grand- chose à voir avec la lettre h qui l’annonce et le différencie. Cette plaisante controverse articulée autour d’un jeu de mots aurait pu s’achever comme elle avait débuté, bien amicale, plaisante et anodine.

Mais elle trouva, malheureusement, un épilogue désastreux. Désastreux et macabre. De ceux que l’on aurait bien préféré ne jamais évoquer.

En effet, comme ils arrivaient au cœur d’une clairière, ils aperçurent, non sans tressaillir vivement, qu’à la plus grosse branche d’un hêtre un être était pendu !

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Unis comme les cinq doigts de la main

Unis comme les cinq doigts de la main. Voici un postulat qui semble ne pas souffrir la moindre dérogation. Ni accepter d’ailleurs la plus infime amputation. Mais en est-on à ce point si certain ? N’y a-t-il jamais eu la moindre désunion, le moindre désaccord au sein de ce quintette ? Depuis que la main existe, depuis ces temps immémoriaux où elle a vu le jour, n’y a-t-il eu vraiment jamais de dissensions, griefs ou jalousies ? Pas l’ombre d’un conflit ? Pas la moindre griffure ? Pas de querelle ? Aucune guerre ? Jamais la moindre trahison ? Sommes-nous bien tout à fait persuadés que prises d’ongle et crocs en doigt, démembrements, entorses, élongations suspectes n’ont jamais été provoqués entre un doigt et un autre ? Sur le clavier non plus jamais aucun ne s’est joué de son voisin en le faisant tout soudain trébucher ? Peut-on être certain que l’annulaire jamais n’a reçu un coup de pouce en douce un peu trop violent ? L’auriculaire, petit dernier, tout juste bon à copier les aînés, ne garde-t-il pas pour lui, et le tuyau de nos oreilles, quelques secrets qui seraient bien censés intéresser les grands ?

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Le majeur n’a-t-il jamais mis son voisin à l’index, alors que c’était lui dont l’honneur s’était vulgairement fourvoyé ? Curer quelques narines encrassées peut très bien rendre un doigt acariâtre et jaloux. Il semble qu’on pourrait trouver mille raisons valables pour que chacun s’aigrisse et fomente à l’égard de ses frères quelque vilenie, quelque crime !

Mais non. Nous avons beau chercher, il faut se rendre à l’évidence. Tous les doigts d’une main se sont toujours serré les coudes. Jamais la moindre plainte, aucune rancœur, pas de brouille. Aussi loin que l’on mène les recherches, aucun exemple d’empoignade n’est proposé dans l’art, l’histoire ou la littérature. Nul témoin à charge du côté de nos manucures. C’est donc bien réel, ils s’entendent très bien. Les cinq doigts de la main, mieux que les mousquetaires, sont parfaitement joints. Rien ne semble jamais pouvoir les séparer, ni mettre en défaut leur grande complicité. On tiendrait donc là, sous nos yeux, comme à portée de main, fort opportunément, un pur modèle de démocratie et de confrérie harmonieuse. Ce phalanstère de phalanges ne serait donc pas une société fictive quelque peu utopique.

Puisque tel est le cas, cette fraternité mérite bien une bonne et vigoureuse poignée de main. Un shake-hand des plus enthousiastes. Et nos félicitations manuelles les plus sincères. Cela veut donc bien dire, aussi, et c’est une contrepartie d’exigence qu’une certaine sagesse nous enseigne, que, pour chacun de nous, il ne faudra souvent compter que sur les doigts d’une main les bonnes occasions d’être enfin réunis en bien belle harmonie.

Un poing, c’est Tout !

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Lassitude

– S’il te plaît, ne me dessine plus de moutons ! Ce matin-là, le Petit Prince avait vraiment l’air contrarié. Très contrarié. Il s’était approché de son nouvel ami, celui qu’il avait rencontré deux ou trois semaines auparavant quelque part dans le désert, et l’avait donc ainsi apostrophé.

– S’il te plaît, ne me dessine plus de moutons. Plus jamais. J’en ai partout, c’est une horreur ! Au début, c’est vrai, ça m’amusait bien, c’était sympa, attendrissant. Mais maintenant, je te jure, trop c’est trop, j’en ai de vrais cauchemars. On dirait que tu ne sais rien faire d’autre ! Ils défilent, ils sautent toute la nuit, je ne peux même plus m’endormir. Tu avoueras, c’est un comble ! Ne m’en dessine plus jamais, je t’en supplie. J’en ai ma dose. Je suis saturé, oui, c’est le mot, je suis vraiment saturé de moutons.

Son nouvel ami, l’homme immobilisé dans le désert à la suite d’une panne, l’avait écouté sans broncher. De toute façon il avait bien d’autres soucis en tête. Il n’avait pas encore trouvé comment réparer son engin. Alors, l’intervention du gamin l’avait quelque peu agacé.

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– Bon, très bien ! dit-il alors. Mais faut savoir ce que tu veux, à la fin. Je te rappelle que c’est quand même toi qui m’a demandé de te dessiner un mouton et maintenant tu …

– Oui, oui, d’accord ! l’interrompit le Petit Prince.

Un mouton, très bien. Deux, trois, pourquoi pas ! Mais là, c’est trop, j’ai encore compté ce matin, c’est quarante neuf moutons que tu as dessinés. Un par jour ! Et tous pareils ! Dessine autre chose, mon vieux ! Un peu de fantaisie, que diable !

L’homme se renfrogna encore davantage. Et marmonna :

– Repasse ce soir. Je verrai ce que je peux faire.

– Mais écoute, j’ai une idée.

– Ouais ?

– S’il te plaît, dessine-moi un angelot. Un angelot avec de beaux cheveux frisés.

L’homme tourna la tête vers l’enfant : – Comme un mouton, ricana-t-il ?

– Oh non ! arrête ! dessine-moi un chérubin d’église ou quelque chose comme ça ! Allez ! Tu vois bien ce que je veux dire !

Le soir venu, le Petit Prince revint donc vers son ami :

– Alors, c’est bon ? Fais voir !

L’homme, souriant d’un air bizarre, lui indiqua une feuille posée à côté de lui sur un rocher plat.

– Tiens, le v’là, ton ange ! C’est tout c’que j’ai pu faire !

Le dessin ne sembla pas satisfaire le gamin. Mais alors pas du tout. Après l’avoir regardé deux trois secondes, il fit une affreuse grimace dont on ne

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l’aurait jamais cru capable, lança un regard haineux en direction de l’homme, chiffonna nerveusement la feuille et la jeta par terre. Puis, furieux et retenant des sanglots, il partit en courant.

Epuisé et devenu au fil des jours très anxieux à cause de sa situation qui ne s’améliorait pas, l’homme en avait vraiment eu assez des bavardages et des exigences du gamin. Son agacement et sa lassitude étaient tels que pour se débarrasser de l’importun et qu’il lui fiche la paix une fois pour toutes, il n’avait rien trouvé de mieux que de griffonner la hyène la plus monstrueuse et la plus hideuse qui n’ait jamais existé ! Parodiant sans trop y avoir pensé, d’ailleurs, la célèbre sentence : Qui veut faire l’ange fait la bête.

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Prévoyance

Je mendors toujours le sourire aux lèvres.

C’est ce que le p’tit Maurice, huit ans, avait noté sur le cahier d’écolier qui lui servait de confident.

Depuis deux ans, depuis des événements douloureux qui l’avaient naturellement beaucoup affecté, il avait adopté un comportement étonnant pour son âge, une sorte de discipline de vie qui laissa souvent ses proches assez perplexes.

L’année de ses six ans, en effet, avait été une année terrible pour p’tit Maurice. En février, son grand-père paternel, avec lequel il était très complice, était décédé brutalement. Arrêt cardiaque. Et en juillet, quelques mois après, dans la nuit du 22 au 23, c’est sa mère qui était morte à son tour. Elle souffrait depuis quelques semaines d’une forme de leucémie très agressive.

Or, il avait entendu dire que ces deux événements bouleversants avaient eu lieu dans les mêmes conditions. Sa mère comme son grand-père étaient morts pendant leur sommeil. Oui, pendant qu’ils dormaient. Certains propos attrapés au milieu des chuchotements laissaient même entendre que c’était

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mieux comme ça. Que c’était mieux pour eux. Qu’ils n’avaient pas souffert.

Pour p’tit Maurice, il ne fit aucun doute que le sommeil était donc ce lieu étrange, insaisissable et mystérieux où l’on finissait sa vie. Où l’on devait naturellement finir sa vie.

Alors, pour lui, dès cette période, il était devenu évident que la mort, sa propre mort, ne pouvait survenir que pendant son sommeil. Dans les premiers temps, il en éprouva une vive terreur. L’idée l’effraya au point de vouloir renoncer à s’endormir aussi longtemps que possible. Pour retarder l’échéance, il restait assis dans son lit, très tard dans la nuit, le plus longtemps possible, se forçant à garder les yeux ouverts dans le noir, luttant contre la somnolence, jusqu’à ce qu’il finisse par sombrer dans le sommeil.

Puis, les mois passant, l’angoisse avait peu à peu diminué et il s’était en quelque sorte accoutumé à cette fatalité. Il n’avait plus de frayeur. Il considérait, désormais, plus sereinement mais avec une forme de gravité assez poignante de la part d’un enfant, il considérait que le fait d’aller se coucher, d’aller dormir, était le moment le plus sérieux et le plus important de la journée, que c’était un moment lourd de conséquences. Chaque soir, avec une ferveur et une affection intenses, bouleversantes même, il embrassait son père et ses deux grandes sœurs avec la pensée que c’était peut-être la dernière fois que les uns et les autres se voyaient. C’était très naturel puisque, pour lui, sans crier gare, les uns comme les autres pouvaient, normalement, mourir pendant leur sommeil.

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