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Neurosciences et sciences sociales : un dialogue appelé à évoluer

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Neurosciences et sciences sociales : un dialogue appelé à évoluer

BONDOLFI, Guido, STIEFEL, Friedrich

BONDOLFI, Guido, STIEFEL, Friedrich. Neurosciences et sciences sociales : un dialogue appelé à évoluer. Revue médicale suisse , 2017, vol. 13, no. 549, p. 347-348

PMID : 28708353

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:111376

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Éditorial

www.revmed.ch

8 février 2017

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Neurosciences et sciences sociales : un dialogue

appelé à évoluer

Pr GUIDO BONDOLFI

Le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), programme lancé aux Etats- Unis dans les années 80 pour réviser le sys- tème de classification des troubles mentaux, avait deux objectifs : a) améliorer la fiabilité des diagnostics psychiatriques ; b) promou- voir la compréhension de la physiopathologie des affections psychiatriques. Si le premier objectif a été en grande partie atteint, la con- ception descriptive et a-théorique des sys- tèmes actuels de classification (DSM et CIM) conduit néanmoins à une simplification ex- cessive de la psychopathologie qui,

trop souvent, engendre une dés- humanisation des pratiques cli- niques en psychiatrie et se trouve trop éloignée du champ d’inves- tigation des neurosciences.1 En ce qui concerne le deuxième ob- jectif, malgré trois décennies de recherches intensives et coûteu- ses, la physiopathologie des trou- bles mentaux est loin d’être élu-

cidée. Après une période d’essor exceptionnel de la recherche en neurosciences, on observe aujourd’hui une certaine désillusion en rai- son de l’impact limité de ces progrès pour la pratique clinique psychiatrique. Une consé- quence particulièrement préoccupante est l’éloignement, qui ne fait que croître, entre les psychiatres cliniciens et ceux qui sont engagés dans la recherche académique.

Dans ce contexte, le dialogue entre les neu- rosciences et les sciences sociales appliquées à la psychiatrie doit évoluer. Aujourd’hui, le temps des confrontations polémiques entre ces deux domaines est presque révolu et doit céder la place à des interactions plus con s- tructives. On assiste ainsi à l’exploration de modèles de recherche novateurs qui pour- raient favoriser le développement de nouvelles approches thérapeutiques. Il n’y a pas de doute que ces deux domaines, les neuro-

sciences et les sciences sociales, existent : chacun a ses propres processus et lois, étu- diés le plus souvent séparément et qui ne peuvent pas être réduits l’un à l’autre. Par contre, il semble peu plausible de postuler qu’ils soient indépendants l’un de l’autre.2 Jusqu’à récemment, dans le domaine des neurosciences et des sciences cognitives, le corps et le cerveau ont été fréquemment conçus et étudiés comme une «machine bio- logique», plutôt isolés des con textes et des

influences sociales. Dans cette vision, la maladie mentale est alors appréhendée en tant que dysfonctionnement de circuits neuronaux et, à terme, la clini- que psychiatrique pourrait même se transformer en une sorte de

«neuroscience appliquée».3 A l’in verse, dans le domaine des sciences sociales, les relations humaines ont le plus souvent été explorées en ignorant les processus céré- braux.4 C’est la perspective du paradigme psychosocial qui conceptualise les troubles mentaux comme des réponses à des situa- tions environnementales défavorables ou à des relations inter personnelles problémati- ques. Ici, l’accent est mis sur une conception qui considère les troubles mentaux comme l’expression de difficultés vécues par une personne située dans le temps, l’espace, la culture et l’histoire et non pas comme des problèmes de «cerveaux dans les laboratoi- res».5 Ainsi, le travail du psychiatre, qui consiste à donner un sens à des expériences humaines, ne peut alors être conçu qu’à tra- vers la compréhension du contexte environ- nemental et affectif dans lequel vit la per- sonne, y compris son contexte historique.

Indiscutablement, les trois dernières décen- nies de recherche en psychiatrie nous ont Articles publiés

sous la direction de

GUIDO BONDOLFI Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise Département de santé mentale et psychiatrie, HUG, Genève

FRIEDRICH STIEFEL Service de psychiatrie de liaison

CHUV, Lausanne

LE DIaLOGUE ENTRE LES NEURO SCIENCES ET LES SCIENCES SOCIaLES aPPLI-

qUéES à La PSyCHIaTRIE DOIT évOLUER

Bibliographie 1

Andreasen NC. DSM and the death of phenome- nology in america : An example of unintended consequences. Schizophr Bull 2007;33:108-12.

2

Maj M. Social neuro- science as an ideal basic science for psychiatry.

World Psychiatry 2014;13:105-6.

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Insel TR, Quirion R.

Psychiatry as a clinical neuroscience discipline.

JAMA 2005;294:2221-4.

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Cacioppo JT, Amaral DG, Blanchard JJ, et al.

Social neuroscience : Progress and implica- tions for mental health.

Perspect Psychol Sci 2007;2:99-123.

5

Maj M. Mental disorders as « brain diseases » and Jaspers’ legacy. World Psychiatry 2013;12:1-3.

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 8 février 2017

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appris que l’origine de la plupart des affec- tions psychiatriques est complexe et que la plupart des troubles mentaux sont suscep- tibles d’émerger à la faveur d’une interaction dynamique de ces deux domaines. Par con- séquent, lorsque les dysfonctionnements neuronaux et les relations interpersonnelles problématiques sont considérés isolément, ils ne peuvent expliquer pleinement ces troubles ni même identifier ce qui est pri- maire de ce qui est secondaire, exercice le plus souvent inutile et trompeur.

Un des héritages le plus précieux de la phé- noménologie européenne du XXe siècle (M.

Heidegger, M. Merleau-Ponty, P. Ricœur) est la prise de conscience que le sens n’est pas quelque chose qui se passe à l’intérieur d’un esprit ou d’un cerveau individuel, mais qui émerge dans nos vies à travers des pratiques sociales qui façonnent le monde qui nous entoure. C’est dans et à travers ce monde que nous devenons des êtres humains et que nous pouvons nous connaître nous-mêmes et connaître les autres. Les pratiques sociales génèrent un contexte dans lequel nos mots, nos maux, nos expériences et nos vies ont un sens. Dans la lignée de la phénoménologie européenne, en tant qu’êtres humains, nous

sommes des « sujets incarnés », c’est-à-dire que nous existons à la fois comme des objets (ou des corps, y compris nos cerveaux) dans un monde physique et comme des sujets dans un monde interpersonnel : deux versants de notre identité inextricablement liés. En con- séquence, les troubles mentaux

nécessitent tant un cadre de re- cherche interdisciplinaire qu’une expertise clinique intégrative.2,6 Le fait que nous soyons des

« s ujets incarnés» n’est pas per- tinent que pour la psychiatrie, mais pour l’ensemble de la mé- decine. Les maladies physiques, même lorsqu’elles se situent sans

équivoque dans le corps, ont toujours une composante psychique et interpersonnelle dans leurs manifestations et leur évolution.

Cette composante a besoin d’être reconnue dans l’évaluation clinique, prise en compte dans la gestion et explorée par une recherche éclairée par les neurosciences. Dans cette optique, la psychiatrie peut cesser de repré- senter une exception dans le domaine de la médecine et même devenir un modèle de réflexion et d’apprentissage.2

LE SENS N’EST PaS qUELqUE CHOSE qUI SE PaSSE à L’INTéRIEUR D’UN ESPRIT OU

D’UN CERvEaU INDIvIDUEL

Bibliographie 6

Arciero G, Bondolfi G.

Soi-même, identité et styles de personnalité.

Chêne-Bourg, Genève : Médecine et Hygiène, 2014.

Références

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