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Décision n° 2020 – 802 DC

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Décision n° 2020 – 802 DC

Loi organique portant report de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les

sénateurs représentant les Français établis hors de France

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Liste des contributions extérieures

Services du Conseil constitutionnel - 2020

Plusieurs auteurs peuvent rédiger une contribution commune

Contributions Date de

réception

Auteur(s)

01/07/2020 Mme Martine SCHOEPPNER

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Secrétaire général Conseil Constitutionnel 2, rue de Montpensier 75001 Paris

Bad Wildbad, le 1

er

juillet 2020,

Courrier adressé par voie électronique

Réf : N°2020-802 DC

Monsieur le Secrétaire général,

En application de l’article 61 alinéa 1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2020 du projet de loi organique portant report de l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Je tenais à vous adresser la contribution suivante.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’assurance de ma considération distinguée.

Martine Schoeppner

Vice-présidente de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) Conseillère à l’AFE pour la circonscription Allemagne, Autriche, Slovaquie, Slovénie, Suisse Conseillère consulaire pour la circonscription de Munich

Courriel : schoeppner.fr@t-online.de ou ms.afe.eu@gmail.com

Tel. : 00.49.163.7003300

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SUR L’INCONSTITUTIONNALITE DU PROJET DE LOI ORGANIQUE PREVOYANT UN REPORT PARTIEL DES ELECTIONS SENATORIALES PREVUES EN SEPTEMBRE

2020

1. Le projet de loi organique portant report de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France a été définitivement adopté par le Parlement.

La présente note démontrera que ce projet de loi organique contient des dispositions qui ne pourront qu’être déclarées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel.

I/ Contexte et procédure

2. Le 27 mai 2020, un projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles a été présenté en conseil des ministres par le Ministre de l’Intérieur et déposé sur le bureau du Sénat.

Le Gouvernement a déposé ce projet de loi afin de préparer l’hypothèse dans laquelle les conditions sanitaires ne seraient plus réunies pour que le second tour des élections municipales se tienne le 28 juin 2020.

En effet, si le second tour des élections municipales n’avait pas pu se tenir au mois de juin 2020, une large partie des membres du collège électoral sénatorial aurait été composée d’élus dont le mandat aurait été prorogé (conseillers municipaux, délégués des conseils municipaux, conseillers consulaires et leurs délégués).

S’appuyant sur un principe, énoncé dans l’exposé des motifs du projet de loi organique, selon lequel « les sénateurs ne doivent pas être élus par un collège en majeure partie composé d’élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal », le Gouvernement prévoyait de proroger le mandat des sénateurs de la série 2 d’un an, soit après le renouvellement complet des conseils municipaux et des instances de représentation des Français établis hors de France.

3. Contrairement à ce qui avait pu être envisagé au moment du dépôt du présent projet de loi organique, le second tour des élections municipales s’est bien déroulé le 28 juin 2020.

Néanmoins, compte tenu de la situation épidémiologique très incertaine à l’échelle internationale, conformément à l’avis du Conseil scientifique COVID-19 du 18 mai 2020, le Gouvernement a envisagé le report des élections consulaires et leur organisation au mois de mai 2021.

Ce report a été confirmé par la promulgation de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

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4. Par conséquent, dans le cadre de l’examen au Sénat du projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles, 7 amendements déposés par le Gouvernement et le rapporteur ont été adoptés afin :

- de revenir au calendrier prévu pour le renouvellement partiel du Sénat, en organisant l’élection de l’ensemble des sénateurs de la série 2 en septembre 2020, à l’exception des sénateurs représentant les Français établis hors de France ;

- de reporter l’élection des six sénateurs de la série 2 représentant les Français établis hors de France au mois de septembre 2021, et de prolonger le mandat des six sénateurs actuellement en fonction jusqu’à cette date ;

- d’aligner la fin du mandat des sénateurs des Français établis hors de France qui seront élus en septembre 2021, sur celui des autres sénateurs de la série 2, c’est-à-dire au mois de septembre 2026, réduisant ainsi d’un an la durée de leur mandat.

Le Gouvernement a donc choisi la deuxième option, parmi les trois options envisagées par M. Philippe BAS, président de la commission des lois du Sénat :

- ne prendre aucune mesure spécifique pour les sénateurs représentant les Français établis hors de France ;

- prolonger d’un an le mandat des six sénateurs représentant les Français de l’étranger, afin de tenir compte de la tenue des élections consulaires au mois de mai 2021 sans s’éloigner excessivement de l’échéance normale de septembre 2020 ;

- reporter l’élection des six sénateurs représentant les Français de l’étranger jusqu’au renouvellement partiel suivant du Sénat, en septembre 2023.

Ce dispositif n’a pas fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat, dès lors que celui-ci, par son avis du 26 mai 2020, ne s’est prononcé que sur le projet de loi organique initial, dans lequel il était prévu un report global des élections sénatoriales et des élections législatives partielles.

5. Dans ce contexte, il nous semble que le renouvellement partiel de la série 2 au mois de septembre 2020, tout en repoussant l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France au mois de septembre 2021, présente des fragilités constitutionnelles indéniables, en raison :

- d’une part, des limites du « principe » posé par le Conseil constitutionnel en 2005 qui, d’après le Gouvernement, justifierait constitutionnellement la nécessité de reporter l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France en 2021 (Cf. point 1) ;

- d’autre part, des risques constitutionnels qui résulteraient d’un renouvellement partiel des sénateurs de la série 2 (Cf. point 2).

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II/ Sur les limites des exigences du Conseil constitutionnel relatives à la composition du collège électoral des sénateurs

6. Par les alinéas 3 et 4 de son article 24, la Constitution consacre l’élection des sénateurs au suffrage indirect, la représentation des collectivités territoriales de la République par le Sénat, ainsi que la représentation des Français établis hors de France, conjointement avec l’Assemblée nationale :

« Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.

Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. »

Il résulte de ces dispositions que le Sénat doit être élu par un corps électoral qui est lui-même l’émanation de ces collectivités, ce corps électoral devant être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales, reflétant leur diversité, leur démographie, et les différentes catégories dont elles relèvent (Conseil constitutionnel, 6 juillet 2000, Loi relative à l’élection des sénateurs, n° 2000-431 DC).

Par ailleurs, l’article 25 alinéa 1er de la Constitution attribue au législateur organique le soin de fixer la durée des pouvoirs de chaque assemblée :

« Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités. »

7. S’appuyant sur ces dispositions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel a jugé que c’est en conformité avec la Constitution que le législateur organique a reporté les élections sénatoriales d’une série de sénateurs de septembre 2007 à septembre 2008, afin de tenir compte du report des élections municipales et des élections cantonales de mars 2007 à mars 2008 :

« 5. Considérant, d'autre part, que le législateur organique, compétent en vertu de l'article 25 de la Constitution pour fixer la durée des pouvoirs de chaque assemblée, peut modifier cette durée dans un but d'intérêt général et sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat doit être élu par un corps électoral qui soit lui-même l'émanation de ces collectivités ; que, par suite, c'est à juste titre que le législateur organique a estimé que le report en mars 2008 des élections locales imposait de reporter également l'élection de la série A des sénateurs afin d'éviter que cette dernière ne soit désignée par un collège en majeure partie composé d'élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal ;

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7. Considérant que le rôle confié au Sénat par l'article 24 de la Constitution pouvait également justifier que les renouvellements prévus en 2010 et 2013 soient reportés d'un an afin de rapprocher l'élection des sénateurs de la désignation par les citoyens de la majeure partie de leur collège électoral ; que la prolongation des mandats sénatoriaux en cours revêt un caractère exceptionnel et transitoire ; qu'ainsi, les choix faits par le législateur ne sont pas manifestement inappropriés à l'objectif qu'il s'est fixé ; » (Conseil constitutionnel, 15 décembre 2005, Loi organique modifiant les dates des renouvellements du Sénat, n° 2005-529 DC).

Ainsi, il nous semble que ce raisonnement du Conseil constitutionnel doit être interprété de la manière suivante :

- le législateur organique est le seul pouvoir constitutionnel à disposer d’un pouvoir d’appréciation de nature à déterminer la durée des mandats des sénateurs, le Conseil constitutionnel se contentant de vérifier que les modalités retenues par la loi organique adaptant les règles de la durée du mandat des sénateurs ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif d’intérêt général visé ;

- en application du point précédent, le Conseil constitutionnel considère que l’article 24 de la Constitution et le rôle de représentation des collectivités territoriales incombant au Sénat peut justifier que le législateur organique décale la date des élections sénatoriales pour l’ensemble des séries de sénateurs afin de tenir compte d’un report d’élections susceptibles d’affecter la majeure partie du collège électoral sénatorial ;

- le report possible des dates des élections sénatoriales portant sur l’intégralité d’une série de sénateurs afin de tenir compte de la représentation des collectivités territoriales par le Sénat se justifie lorsque la prolongation des mandats sénatoriaux en cours revêt un caractère exceptionnel et transitoire.

Ainsi, il nous semble que le Gouvernement méconnait la portée de la décision précitée lorsqu’il considère, dans l’exposé des motifs de son amendement à l’article 1er du projet de loi organique en question, que l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France doit être décalée en application du principe « que les sénateurs ne peuvent pas être élus par un collège en majeure partie composé d’élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal ».

En effet, si ce report est une possibilité, posant d’autres risques d’inconstitutionnalité évoqués dans le point 3. de la présente note, au regard de son pouvoir d’appréciation, et à la lecture des termes de la décision n° 2005-529 DC du Conseil constitutionnel, le législateur organique ne saurait être contraint de décaler les élections sénatoriales des six sénateurs de la série 2 représentant les Français établis hors de France, au seul motif que les élections consulaires seraient décalées au mois de mai 2021.

8. En outre, à notre sens, quatre autres éléments doivent relativiser l’analogie faite par le Gouvernement entre la situation des élections sénatoriales de 2007 et le renouvellement prévu pour le mois de septembre 2020 :

- dans sa décision n° 2005-529 DC, le Conseil constitutionnel a apprécié le report de l’ensemble de l’élection de la série A des sénateurs, et non d’une partie de ladite série comme c’est le cas en l’espèce, de telle sorte que les risques relatifs à la constitutionnalité d’un renouvellement partiel d’une série de sénateurs n’ont pas fait l’objet d’un examen du Conseil constitutionnel ;

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- le législateur organique de 2005 n’a pas fait de distinction entre les sénateurs d’une même série, ni même de distinction entre les sénateurs des différentes séries, puisqu’il a prolongé le mandat et décalé les élections sénatoriales pour l’ensemble des trois séries qui composaient le Sénat en 2005, contrairement à ce que le projet de loi organique récemment adopté prévoit pour les six sénateurs représentant les Français établis hors de France dont le mandat arrive à échéance en 2020 ;

- le report des élections sénatoriales de 2007 était justifié par le fait de tenir compte des renouvellement des conseils généraux et surtout des conseils municipaux, ces derniers représentant environ 95 % des quelques 162 000 membres du collège électoral sénatorial : l’impact de ces renouvellements sur le collège électoral sénatorial et la représentation des collectivités territoriales était donc sans commune mesure avec celui des conseillers consulaires, ces derniers n’étant pas au demeurant des représentants des collectivités territoriales ;

- le report des élections sénatoriales de 2007 faisait l’objet d’un accord entre les différents groupes politiques et les deux assemblées du Parlement, l’accord entre les assemblées étant au demeurant exigé constitutionnellement par l’article 46 alinéa 4 de la Constitution, ce qui n’est pas le cas pour le report partiel des élections sénatoriales de 2020.

Ainsi, parmi les cinq considérations évoquées dans le commentaire du Conseil constitutionnel sous sa décision n° 2005-529 DC, justifiant son appréciation de la constitutionnalité du report des élections sénatoriales de 2007, trois d’entre-elles ne sont, en tout état de cause, pas respectées par le présent projet de loi organique :

« Elle présente toutefois des mérites de nature à en faire admettre la constitutionnalité au regard d'une " pesée " des avantages et des inconvénients qui a pour but de vérifier que le législateur a adopté non nécessairement la solution optimale (du point de vue des exigences constitutionnelles et de l'intérêt général), mais une solution non manifestement inappropriée aux objectifs légitimes qu'il poursuit.

Ces mérites sont les suivants :

- Elle assure durablement que les sénateurs ne seront pas élus par des grands électeurs en fin de mandat. Ils le seront soit par des élus locaux en début de mandat (en 2008, 2014, 2020..), soit par des élus locaux à mi-mandat (2011, 2017, 2023..). Au regard du principe constitutionnel selon lequel le Sénat représente les collectivités territoriales, il est préférable (sans être indispensable) de rapprocher à l'avenir l'élection des sénateurs de la désignation par les citoyens de la majeure partie du collège électoral sénatorial ;

- Elle ne met pas en cause la durée des mandats sénatoriaux futurs ;

- Elle permet de traiter également les sénateurs actuels (élus en 1998, 2001 et 2004) : dans tous les cas, le mandat est prolongé d'un an ;

- Elle repousse loin dans le temps (2032) un nouveau télescopage des élections (du type de celui évité en 2007) ;

- Elle présente un degré d'acceptabilité suffisant tant entre assemblées parlementaires qu'entre familles politiques, considération qui, en pareille

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matière, n'est pas de simple opportunité et se rattache à un impératif démocratique de confiance dans les institutions. »

A notre sens, il résulte de cette analyse que :

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-529 DC en date du 15 décembre 2005 ne saurait être lue comme imposant au législateur organique de décaler des élections sénatoriales afin de tenir compte des circonstances susceptibles d’affecter la composition du collège électoral sénatorial ;

- l’analogie entre le report total des élections sénatoriales de 2007 ayant abouti à la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005 et le report partiel des élections sénatoriales de 2020 nous semble limitée, de telle sorte qu’elle ne saurait garantir la constitutionnalité du projet de loi organique portant report de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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III/ Sur les normes constitutionnelles impactées par un renouvellement partiel des sénateurs de la série 2

9. D’après les décisions du Conseil constitutionnel précédemment analysées, le législateur organique a un pouvoir d’appréciation large résultant de l’article 25 de la Constitution, lui permettant d’adapter la durée des mandats des sénateurs lorsque cette modification répond à un motif d’intérêt général et ne méconnait aucun principe constitutionnel.

Le Conseil d’Etat le rappelle dans son avis n° 400230 du 26 mai 2020 relatif au projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles, dans sa version initiale :

« Dans ces conditions, en permettant que le renouvellement de la série 2 intervienne après la tenue des élections municipales et consulaires elles-mêmes reportées, la prorogation, pour une durée d’un an, du mandat des sénateurs relevant de cette série répond à un motif d’intérêt général et ne méconnait aucun principe constitutionnel. » Toutefois, cet avis porte sur le projet de loi organique initial, prévoyant le report intégral des élections municipales et des élections consulaires, circonstance qui aurait pu justifier, au regard des développements relatifs à la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005, un report du renouvellement de l’ensemble de la série 2.

En l’espèce, s’agissant du projet de loi organique adopté définitivement par le Parlement, à supposer que le motif d’intérêt général justifiant le report partiel des élections sénatoriales de 2020 pour les six sénateurs de la série 2 représentant les Français établis hors de France soit avéré, un tel dispositif méconnait à notre sens l’article 32 de la Constitution ainsi que le principe d’égalité.

10. En premier lieu, l’article 32 de la Constitution prévoit :

« Le président de l'Assemblée nationale est élu pour la durée de la législature. Le Président du Sénat est élu après chaque renouvellement partiel. »

Ainsi, ont valeur constitutionnelle :

- l’élection des sénateurs par renouvellement partiel ;

- l’élection du Président du Sénat après chacun de ces renouvellements.

C’est pourquoi l’article 1er de la loi organique n° 83-449 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France précise :

« Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat par douze sénateurs.

A chaque renouvellement partiel du Sénat, sont élus six sénateurs représentant les Français établis hors de France. »

11. Or, le report des élections sénatoriales en 2021 pour les seuls six sénateurs de la série 2 représentant les Français établis hors de France conduit à ce que ces six sénateurs ne participent pas à l’élection du Président du Sénat en 2020, en parfaite contradiction avec les dispositions de l’article 32 de la Constitution.

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Au demeurant, bien que cette rédaction n’ait pas été retenue par le Sénat, la rédaction de l’amendement COM-2 du Gouvernement démontre que ce dernier a pleinement conscience des difficultés constitutionnelles du report partiel des élections sénatoriales de 2020, celui-ci ayant proposé d’intégrer à l’article 1er du projet de loi organique modifié un alinéa selon lequel

« le renouvellement partiel du Sénat au sens de l’article 32 de la Constitution s’entend de la seule élection des 172 autres sénateurs de la série 2. ».

D’une certaine manière, une telle rédaction démontre que l’élection des six sénateurs de la série 2 représentant les Français établis hors de France ne serait pas considérée par le législateur organique comme un renouvellement partiel, ouvrant droit à une nouvelle élection du président du Sénat ainsi que des différentes instances sénatoriales (Bureau, Questure, commissions…).

Dans la mesure où le projet de loi organique adopté définitivement par le Parlement empêche les six sénateurs des Français établis hors de France concernés par un report des élections sénatoriales de participer à l’élection du président du Sénat et des différentes instances sénatoriales résultant des élections sénatoriales de septembre 2020, il nous semble que cette disposition présente un vrai risque d’inconstitutionnalité au regard des dispositions de l’article 32 de la Constitution.

12. En second lieu, l’article 3 alinéa 3 de la Constitution dispose :

« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution.

Il est toujours universel, égal et secret »

Conformément à ces dispositions, dans le cas où le législateur prévoit un report d’élections, le Conseil constitutionnel vérifie que le législateur ne déroge au principe d’égalité que pour des raisons d’intérêt général, dès lors que les différences de traitement qui en résultent sont en rapport avec l’objet de la loi qui les établit :

« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution.

Il est toujours universel, égal et secret » (Conseil constitutionnel, 13 janvier 1994, Loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, n° 93-331 DC).

Ainsi, la prolongation du mandat des conseillers municipaux en 1995 afin d’éviter des difficultés de mise en œuvre de l’organisation de l’élection présidentielle prévue la même année, n’était justifiée que dès lors que cette prolongation était limitée à trois mois, en plus de revêtir un caractère exceptionnel :

« 5. Considérant qu'il résulte des dispositions constitutionnelles ci-dessus rappelées que le législateur, compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales, peut, sous réserve du respect des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, librement modifier ces règles ; que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ;

6. Considérant en outre que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas,

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la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;

7. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi que le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en œuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995 ; que cette prorogation et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel ; que le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés ; que ce choix ne crée, dans son principe, ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales ; que dans cette mesure l'article 1er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité ;»

(Conseil constitutionnel, 6 juillet 1994, Loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux, n° 94-341 DC).

En l’espèce, il nous semble que le report des élections sénatoriales pour les six sénateurs de la série 2, représentant les Français établis hors de France, instaure une différence de traitement non négligeable avec les autres sénateurs de la série 2, portant ainsi atteinte au principe constitutionnel d’égalité :

- comme évoqué précédemment, ces six sénateurs ne pourront pas participer à l’élection du président du Sénat et des différentes instances sénatoriales ;

- ils auront un mandat d’une durée de cinq ans, soit amputé d’un an par rapport aux sénateurs de la même série ;

- ils auront plus difficilement accès aux commissions, délégations et instances d’ores et déjà constitués en 2020.

De telles conséquences négatives d’un point de vue constitutionnel devraient nécessairement être mises en balance avec le seul objectif du législateur visant à tenir compte du résultat des élections consulaires de mai 2021 dans la perspective de l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Par conséquent, ces considérations sont susceptibles d’affecter l’appréciation qu’aurait le Conseil constitutionnel sur les avantages et les inconvénients du report partiel des élections sénatoriales de 2020, cette appréciation ayant pour but de vérifier que le législateur organique a adopté une solution non manifestement inappropriée aux objectifs légitimes qu’il poursuit.

Il en résulte nécessairement un fort risque d’inconstitutionnalité, désormais soumis à l’appréciation du Conseil constitutionnel.

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Au-delà du fait qu’aucune nécessité de report partiel des élections sénatoriales ne saurait être déduite de la seule décision n° 2005-529 DC, et que la situation de 2020 est sans comparaison avec le report total des élections sénatoriales initialement prévues en 2007 dont il était question dans cette décision, il nous semble le projet de loi organique dans sa version adoptée définitivement par le Parlement :

- Fait peser un risque réel de méconnaissance des dispositions de l’article 32 de la Constitution en ne permettant pas aux six sénateurs de la série 2 représentant les Français établis hors de France de participer à l’élection du président du Sénat et des instances sénatoriales ;

- Crée une différence de traitement substantielle entre les sénateurs d’une même série qui nous semble manifestement inappropriée par rapport aux objectifs fixés par le législateur organique.

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