Les substituts nicotiniques
REINERT Carine
Congrès SASPAS du 26/03/2013 Lyon
Les outils en tabacologie
Lors de la venue d’un patient tabagique, le médecin donne tout d’abord un conseil minimal :
« Avez-‐vous déjà envisagé d’arrêter de fumer ? ». Les patients s’intéressant à la problématique du tabac réalisent ensuite le test de Fagerström pour quantifier leur dépendance au tabac. La mesure du CO expiré grâce au CO testeur, peu utilisé en pratique, augmente le désir d’arrêt du tabac dans les 30 jours.
Le médecin analyse l’état psychique du patient et identifie son cheminement sur le cycle des étapes du changement de Proshaska et Di Clemente : le patient est-‐il prêt à arrêter de fumer ? Il demande au patient de réfléchir aux bénéfices et non bénéfices de poursuivre ou arrêter le tabagisme, pour motiver la décision de poursuivre ou d’arrêter le tabac ; c’est la balance décisionnelle.
Les outils de substitution nicotinique
Plusieurs outils de substitution nicotinique sont commercialisés :
Patch : 7mg/24h, 14mg/24h, 21mg/24h ou 5mg/16h, 10mg/16h, 15mg/16h, 25mg/16h Gommes : 2 et 4 mg (goûts divers)
Comprimés et pastilles sublinguales : 1mg, 1.5mg, 2mg, 2.5mg et 4mg (goûts divers) Inhaleur buccal : 10mg (goût neutre)
Cigarette électronique : interdite en pharmacie
La substitution nicotinique en pratique
Principe de la substitution : Le fumeur inhalant dépendant a besoin d’un taux sanguin de nicotine supérieur à un certain seuil pour ne pas ressentir les signes de manque. Lorsqu’il fume une cigarette, sa nicotinémie augmente puis diminue très rapidement (en 1 heure environ).Le fumeur prend une cigarette lorsqu’il ressent les signes de manque le matin, puis pour maintenir une nicotinémie au-‐dessus de ce seuil tout au long de la journée.
Le patch a pour but d’atteindre rapidement puis de garder une nicotinémie constante légèrement supérieure au seuil de besoin. Les variations et l’élévation importante de la
nicotinémie, néfastes pour l’organisme, sont ainsi évitées.
Conditions d’efficacité de sevrage : La motivation est-‐elle bien personnelle ? La période choisie pour le sevrage est-‐elle favorable ? Existe-‐t-‐il une dépression associée ? Si oui, est-‐elle traitée ? L’objectif est-‐il de diminuer ou d’arrêter le tabagisme ? Temporairement ou définitivement ?
Prise en charge psycho-‐comportementale : C’est la base du traitement.
Posologie initiale
Plusieurs méthodes sont utilisées pour aider à choisir la posologie initiale des substituts nicotiniques. La plus fiable est celle s’appuyant sur le test de Fagerström.
1 cigarette = 1 mg CO dans l’air expiré
Fagerström : < 4 : formes orales, 4–6 : patch 14 ou 10 mg,
7–8 : patch 21 ou 15 mg, 9-‐10 : patch 21+14 ou 2x21 ou 25 mg
Suivi : Le patient est revu à J7 pour adapter la posologie. Les signes de sur et sous-‐dosage sont dépistés.
Selon leur intensité, les produits oraux seuls ou les patchs sont modifiés. Les effets secondaires comme la prise de poids, les troubles de transit et du sommeil sont prévenus, recherchés et expliqués, tout comme les nombreuses interactions médicamenteuses. En cas de grossesse, les substituts nicotiniques peuvent et doivent être poursuivis. Ils sont moins néfastes que le tabac. Le patch ne sera administré que la journée (patch à 5, 10 ou 15 mg/16h). Les femmes enceintes bénéficient d’une prise en charge de 150€ pour l’achat de substituts nicotiniques (contre 50€ par an pour tout patient).
Le rythme de suivi est ensuite adapté à chaque patient. Il est souhaitable de le voir à J14, J21, J30, puis à J60, J90, J120 et J360. Si l’objectif est l’arrêt du tabac, le patient ne devrait plus fumer au bout de 2 semaines (sinon reprendre le problème). La durée d’administration des substituts nicotiniques est idéalement de 6 semaines à 6 mois.
La cigarette électronique
Le concept a été fondé en 1963 et le premier prototype date de 2001. La cigarette électronique est en plein essor. Elle est composée d’une résistance électrique, d’une cartouche et d’un dispositif électrique pour faire fonctionner la résistance (souvent une batterie).
La cigarette électronique n’a pas d’AMM en France.
Le 30/05/2011 un recommandé de l’AFSSAPS préconise de ne pas l’utiliser car la nicotine est potentiellement mortelle et le risque de dépendance primaire important. En 2012 l’ESC de Cardiologie s’appuie sur l’étude de K. Farsalinos : la cigarette électronique est une alternative à la cigarette de tabac, possiblement plus sûre et bénéfique pour la santé (moins néfaste sur la TA, le pouls, la fonction diastolique ; mais les résultats sont-‐ils significatifs ?). Des études ultérieures sont à prévoir. Le 02/2013, lors du 17e Congrès de pneumologie de la langue française, Dr Dautzenberg souhaite un encadrement de leur utilisation. Le 05/03/2013 Marisol Touraine demande une enquête sanitaire sur leur nature et leurs bénéfices/risques.
L’avis de Prescrire :
Prescrire se méfie des cigarettes électroniques, notamment du contenu e-‐liquide à inhaler. Il rappelle que leur vente n’est pas autorisée en officine.
La méthode de sevrage de premier choix reste l’aide psychologique, avec éventuellement les spécialités pharmaceutiques à base de nicotine. La nicotine augmente modestement le taux de succès : environ 16% d’abstinents durant 1 an, versus 10% avec un placebo.
Bibliographie
• Réseau Addiction 01, Résadh73. Prise en charge du patient consommateur de tabac. FMC 2012 Mar.
• AFSSAPS. Les stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses de l’aide à l’arrêt du tabac. Fiche pratique thérapeutique : Traitement nicotinique de substitution. 2003 Mai 23.
• CNGE. Thérapeutique en médecine générale. Consommations excessives et addictions : patient tabagique. 2009.
• Prochaska, Di Clemente, Norcross. In search of how people change. Applications to addictive behaviours. Am Psychol. 1992;47(9):1102-‐14.
• Fagerström KO. Measuring degree of physical dependance to tobacco smoking with reference to individualization of treatment. Addict. Behav. 1978;3:235-‐41.
• G. Lagrue. Traitement de la dépendance tabagique. Treatment of smoking addiction. Centre de tabacologie de Créteil
• Actualités à la Loupe. Cigarettes électroniques : gare au contenu e-‐liquide à inhaler, vente non autorisée en officine. La Revue Prescrire. 2012 Fev/Tome 32 N°340.
• K. Farsalinos, D. Tsiapras, S. Kyrzopoulos, M. Savvopoulou, E. Avramidou, D. Vassilopoulou, V. Voudris.
Acute effects of using an electronic nicotine-‐delivery device (e-‐cigarette) on myocardial function:
comparison with the effects of regular cigarettes. ESC Cardiologie Congrès München 2012: 2012.