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Essai d’élaboration d’un document d’information pour les patientes qui reçoivent une invitation à une mammographie de dépistage

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Essai d’élaboration d’un document d’information

pour les patientes qui reçoivent une invitation à une mammographie de dépistage

Par :

Bernard JUNOD bernard.junod@ehesp.fr Enseignant-chercheur en épidémiologie Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) Rennes

Nicolas PROTHON, médecin généraliste enseignant de la Faculté de Médecine de Lyon. N.prothon@medsyn.fr

Introduction

Depuis le premier janvier 2004 l’ensemble des départements français organise un dépistage du cancer du sein par mammographie. (1)

La tranche d’âge concernée est celle des 50-75 ans .

Ces femmes reçoivent directement une invitation au dépistage.

Celles qui ont échappé au publipostage peuvent se signaler directement ou par l’intermédiaire de leur médecin traitant.

Pour la population des femmes concernées, ces évidences s’imposent :

- le cancer du sein est un processus évolutif, il débute par quelques cellules puis grossit progressivement.

- La mammographie est un examen fiable qui permet de le détecter à un stade précoce et d’éviter ainsi, son extension et la mort.

- La mammographie rassure quand elle est normale.

Les professionnels de santé, le public, les médias relaient en grande partie ces notions. (2)

Les premières remises en question de cette pensée unique sont venues en l’an 2000, puis en 2001 d’une méta analyse (3) parue dans The Lancet par les auteurs danois Gotzsche et Olsen. Le coup est rude : dépistage organisé du cancer du sein par mammographie ne servirait à rien en terme de vies sauvées.

Aussitôt, l’ANAES réagit (4), réunissant des spécialistes (radiologues, cancérologues, statisticiens…) sans inviter ni gynécologues, ni généralistes, ni femmes concernées. Sa conclusion est sans appel : cette méta analyse ne doit pas modifier le programme de dépistage.

D’autres voix se font entendre et un combat entre les « pour » et les « contre » le dépistage s’engage, qui dure encore aujourd’hui

Quand on cherche, on trouve… mais pour quel bénéfice ?

Une notion apparaît : le sur diagnostic. (5) (6) Le dépistage induirait des diagnostics de cancers par excès (environ un quart des mammographies positives) avec leur cortège de traitements, mutilations, effets secondaires, notamment d’ordre psychologique, difficiles à évaluer.

2° conséquence : le fait d’absorber des rayons X est oncogène ; le nombre de cancers radio induit est de 3 sur mille femmes exposées de façon répétée (7), soit une vie perdue pour 50 sauvées.

Cela conduit certains auteurs à réfléchir sur la notion même de diagnostic de cancer (8). Le seul progrès du dépistage ne serait-il alors que de détecter de faux cancers ? Voilà qui est indigne et tout soignant, même le plus expérimenté ne peut que s’effarer d’une telle question.

H Gilbert Welch, dans un ouvrage abondamment référencé, a montré que les comparaisons de survie à cinq ans ne sont pas pertinentes pour prouver l’utilité de ce dépistage. (9)

Le sein, organe de la peur du cancer, menace pour la femme ?

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Pour vaincre cette peur, réelle par la dimension de santé publique que le cancer du sein représente, mais largement dramatisée, la femme offre, sur le plateau, du mammographe, ses seins à la médecine (12). Cette toute puissante techno médecine, froide et douloureuse, chargée de débusquer le mal, celui qui s’insinue insidieusement, germe mortel dans l’organe féminin. Ce germe doit être éradiqué, vite, pour sauver la mère qui l’a engendré.

Des centaines de représentations symboliques se greffent sur une simple invitation à un dépistage du cancer du sein, que chacun interprétera selon son sexe, sa culture, ses traditions, cette injonction sociale à manipuler le sein.

Le sujet du cas

Et les femmes ? Ont elles leur mot à dire (10) ?

La plupart d’entre elles (95%) mettent leurs seins entre deux plaques afin d’être rassurées (ce qui aurait été le cas de toute façon sans programme de dépistage dramatiquement médiatisé). Mais pour celles qui sont « positives » : leurs seins et leur vie entrent alors dans un engrenage qui pourra se révéler infernal alors qu’elles ne sont, en grande majorité, pas malades. Leur vrai cancer sera celui qui rongera leur esprit, convaincues qu’elles sont d’être atteintes d’une terrible maladie.

Qui est capable, parmi les soignants, de comprendre les incertitudes de diagnostic et le sur diagnostic qui affecteront dix femmes pour une atteinte, en définitive et, peut-être, sauvée de son cancer ? Comment alors les femmes en seraient-elles conscientes ?

Le National Breast Cancer Australien a élaboré un guide en 2004 : « CCIS (carcinome canalaire in situ) :

Comprendre votre diagnostic et votre traitement » (11). Ce guide a été préparé avec la participation des femmes qui avaient reçu un diagnostic de CCIS et de leurs familles, de radio oncologues, de chirurgiens du sein, des chirurgiens généraux, de médecins généralistes, de psychiatres, d’infirmières…

Extrait : « La mise en place de programmes de dépistage par mammographie pour le cancer du sein a vu une augmentation du diagnostic de carcinome canalaire in situ (CCIS). L'avantage de trouver des CCIS est que des mesures peuvent être prises pour empêcher le développement du cancer du sein invasif. L'inconvénient est que beaucoup de femmes reçoivent des traitements lourds d'un état qui peut être ou ne pas être un cancer invasif.

Beaucoup de femmes se sentent désorientées au sujet de la différence entre un diagnostic de CCIS et le cancer du sein invasif. (…) cette brochure vise à vous aider à comprendre votre diagnostic et à prendre des décisions pour votre traitement.»

On ne peut qu’être qu’ébahi par tant d’intelligence … et de bon sens.

Conclusion

Le but de cet article est de promouvoir une information de qualité à toute femme appelée à un dépistage organisé du cancer du sein, avant que celui-ci ne soit, logiquement, abandonné…

Il n’est pas de dénigrer le dépistage organisé de façon idéologique et non raisonnée, mais d’apporter des arguments à celles qui réfléchissent à l’utilité de ce dépistage et de les aider à réfléchir.

Puisqu’il est désormais douteux que la preuve de la réelle utilité de ce dépistage soit un jour apportée, alors que de nombreuses questions, doutes, angoisses, peurs raisonnées ou non risquent de provoquer des dégâts collatéraux, laissons à la femme, parfaitement informée, le droit de décider elle-même de l’usage qu’elle doit faire de ses seins.

Le dépistage systématique doit laisser la place au retour du colloque singulier. Les économies ainsi réalisées devraient entraîner des progrès thérapeutiques pour le traitement des cancers graves et l’accompagnement des femmes atteintes de cancer, accompagnement souvent insuffisant notamment du point de vue psychosocial.

Aussi, nous proposons en annexe, un modèle d’information à remettre aux femmes qui sont concernées, base de discussion pour une décision éclairée.

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt concernant les données de cet article

Bibliographie :

1. http://www.invs.sante.fr/publications/2006/cancer_sein_inca/cancer_sein_inca_invs.pdf

DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN: QUE PEUT-ON DIRE AUJOURD’HUI DES BÉNÉFICES ATTENDUS?

2. http://www.rendezvoussanteplus.net/

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(3)

3. Olsen O, Gotzsche PC. Systematic review of screening for breast cancer with mammography. Kobenhavn (Denmark): The Nordic Cochrane Centre, 2001

4. Anaes. Dépistage du cancer du sein par mammographie : évaluation de la méta analyse de Gotzsche et Olsen. Paris : Anaes, 2002.

5. Philip T, Kasparian C, Fagnani F, Moatti JP, Meunieur A, Parodi AL, Mornex R, Paolaggi JB, Godeau P, Vacheron A, Dreux C, Dubois F, Junod B, Picard JD. Le dépistage du cancer du sein en France : bilan et limites. Discussion. Bulletin de l’académie nationale de médecine 2005, vol 189 N° 2 pp 321-339.

6. http://www.esculape.com/cqfd/cancer_surdiagnostic2.html

7. Ronckers CM, Erdmann CA, Land CE: Radiation and breast cancer: a review of current evidence. Breast Cancer Res 7 (1):

21-32, 2005. [PUBMED Abstract]

8. La Revue Prescrire - Mai 2006 - Tome 26 - N°272 - pp. 348-374

9. Dois-je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi H. Gilbert Welch Les presses de l’Université Laval 10. An End-User Perspective of Screening Mammography Hazel Thornton Mammology Volume 3 Issue 1 2008 13

11. The National Breast Cancer Centre, Australia. Ductal Carcinoma In Situ (DCIS) – Understanding Your Diagnosis and Treatment, 2004:

http://www.nbcc.org.au/resources/ resource.php?code=DCC

12. D. GROS “J’ai les réponses! Qui a les questions ? Réflexions sur la culture du dépistage Oncomagazine mai 2008 Vol 2 n°2

Annexe : Proposition pour une information objective des femmes invitées à un dépistage du cancer du sein par mammographie :

Information sur le dépistage du cancer du sein

Madame, Mademoiselle,

Vous avez entre 50 et 75 ans et vous avez reçu une invitation pour un dépistage organisé du cancer du sein par mammographie.

Vous avez 95% de chances que ce résultat soit normal

Vous avez donc un risque sur 20 pour que le résultat soit jugé anormal et qu’on vous fasse d’autres examens Vous avez un risque sur 400 pour qu’on vous diagnostique un cancer du sein.

Si, par malheur, on vous détecte un cancer, vous avez au moins une chance sur 4 pour que ce cancer du sein ne se développe jamais, et n’en soit donc pas vraiment un. Ce « sur diagnostic » entraînera le plus souvent un traitement inutile car le « cancer », ainsi détecté, n’a pas la gravité d’un vrai cancer.

Environ un quart à un tiers des cancers du sein ne sont pas reconnus par le dépistage : ce sont les cancers “de l’intervalle” qui apparaissent entre deux mammographies (deux ans) alors que la mammographie de dépistage est considérée comme normale avant la découverte de ce cancer de l’intervalle.

Il existe une probabilité que des cancers soient induits par la répétition des mammographies (radiations), mais le chiffre est incertain, et probablement très faible (de l’ordre de 10 à 30 sur 10.000)

Un des effets secondaires du dépistage est l’angoisse induite par l’attente du diagnostic : on ne sait pas si cette angoisse favorise le cancer ou d’autres maladies.

Si on vous détecte une anomalie, vous pouvez avoir une répétition d’examens, une biopsie, sans effets secondaires graves mais qui augmenteront l’angoisse.

Par contre, un résultat normal permet provisoirement de lever l’angoisse de la crainte du cancer.

Cet examen est un examen de détection d’un risque de tumeur, il ne vous protège pas du cancer du sein.

Actuellement, les données scientifiques dont on dispose ne permettent pas d’affirmer que le dépistage de masse par mammographie sauve des vies.

Ces quelques informations vous sont données dans un seul but :

Vous et vous seule devez décider d’accepter ou non de participer à ce dépistage organisé.

Attention

! Le dépistage de masse ne vous concerne pas si vous faites partie d’un groupe à risque de cancer du sein : dans cette circonstance votre médecin saura vous conseiller.

Pour plus d’information :

- Que Choisir santé janvier 2007

- Dois-je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi H. Gilbert Welch Les presses de l’Université Laval - Le Collectif FORMINDEP http://formindep.org

- La Revue Prescrire Mars, avril et mai 2006 ; Octobre 2007

- Médecine Octobre 2006

3

(4)

- La Recherche Mars 2006

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Références

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