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AU BONHEUR DES ENFANTS

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Au  bonheur  des  enfants  –  Martine  Lerude  

©http://www.freud-lacan.com/articles/article.php?url_article=mlerude080105

AU BONHEUR DES ENFANTS

Martine Lerude - 08/01/2005

Au cours des dix dernières années (1), les demandes que nous recevons au centre médico- psychologique se sont profondément modifiées. Elles sont moins souvent téléguidées par l'école, et si les symptômes capacitaires ou les défauts d'apprentissages restent fréquents, ils ne constituent plus la majorité écrasante des motifs allégués. Les parents viennent le plus souvent en leur nom propre. Il est tout à fait habituel actuellement que des parents viennent spontanément parce que "ça ne va pas".

Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce qui n'est pas supportable ? Je répondrai, de manière un peu hâtive et radicale : c'est le bonheur.

L'enfant n'est pas heureux, il est angoissé. L'angoisse est le symptôme principal et ses expressions en sont multiples. Il n'a pas d'amis, ou il est trop violent, trop timide, trop tendu, il n'est jamais satisfait, il est triste et souvent il a des difficultés à s'endormir. Bref, il n'est pas conforme, pas conforme à un idéal collectif, à un imaginaire collectif qui le voudrait "épanoui", "bien dans sa peau", heureux.

Souvent d'ailleurs, il n'a pas de problème scolaire du tout. Comme le remarquait joliment une jeune femme : "je passe ma journée à essayer de lui faire plaisir... et pourtant il n'est jamais content."

Bien entendu cette idée du bonheur de l'enfant est largement médiatisée, on la retrouve même formulée comme un impératif moral dans le texte concernant les droits de l'enfant où il est écrit notamment : "l'enfant doit grandir dans un climat de compréhension, de bonheur et d'amour". La compréhension, le bonheur et l'amour sont ainsi des droits, reconnus, ratifiés par les pays signataires.

Quand l'enfant se trouve en quelque sorte mis en demeure de devoir accomplir l'idéal de bonheur, pas seulement celui de ses parents, mais aussi l'idéal de bonheur tel que la collectivité l'imagine et l'impose aux parents, quand il se trouve être promu socialement, familialement objet d'amour, de compréhension dont la satisfaction doit être en permanence accomplie, quand sa jouissance à lui constitue la règle, qu'advient-il alors ? Il ne peut dès lors produire que des symptômes de manière quasi expérimentale ; il n'est pas hasardeux de remarquer que tout semble se mettre alors en place dans une véritable complicité collective pour fabriquer des toxicomanes, des délinquants ou des déprimés.

La psychanalyse nous apprend bien que c'est au nom du bien de l'autre, de l'amour que se met en place la destruction la plus subtile et la plus ravageante (cf. le séminaire de J. Lacan sur l'éthique). Quand le plaisir de l'enfant, son bonheur, devient la visée dominante, quand c'est lui l'enfant qui dicte au nom de son bonheur supposé la loi familiale (et cela au nom d'un impératif commun collectif : qu'il soit heureux !), cela produit expérimentalement du symptôme.

Faute de tiers symbolique qui vienne régler le rapport parents-enfants (et par parents-enfants j'englobe aussi bien le père qui tient parfois une position maternelle parce que lui aussi veut le bonheur à tout prix), faute d'une telle instance symbolique (que l'on peut appeler Dieu, morale, idéal laïc, fonction paternelle), la relation est purement duelle et par là dévastatrice, ravageante voire meurtrière : c'est l'autre face de la satisfaction et du bonheur !

Je suis frappée de voir à ma consultation ces enfants dont on ne veut que le bonheur et la satisfaction et qui vont mal. Nous constatons comment d'une manière légitime, c'est-à-dire légitimée par un imaginaire collectif (de magazine, de télé, d'idéal commun, tel que l'énonce par exemple la publicité de Parents Magazine "Pour être sûr de tout faire pour lui !") certains parents se déchargent de la loi de leurs désirs sur le dos de leur enfant dont le désir dès lors vient soumettre leur économie et leur jouissance.

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Au  bonheur  des  enfants  –  Martine  Lerude  

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Ces remarque banales méritent, je crois, notre attention et nous renvoient encore une fois à la question essentielle de la psychanalyse d'enfants : à qui appartient le symptôme ? Les symptômes pour lesquels un enfant est amené sont-ils des symptômes au sens freudien (de défense contre son désir, d'expression du refoulement), au sens lacanien (ce qui organise la structure), ou sont-ils simplement symptomatiques de ce qui constitue l'agencement de l'inconscient parental ?

Le symptôme dont l'enfant est le porteur est-il le résultat d'un processus psychique, celui du refoulement, est-il le symptôme de la névrose infantile ou bien n'est-il que symptomatique ? C'est-à- dire la réponse que l'enfant apporte à cette "combinaison de structures" à ce réseau de structures que constitue l'inconscient parental ? Si, en effet, comme l'énonce J. Lacan, "le désir est le désir de l'Autre"

et si l'enfant est déterminé dans son inconscient par le désir de l'Autre, ne peut-on alors concevoir les symptômes de l'enfant comme la reconnaissance du désir de l'Autre ? Comme la reconnaissance de ce réseau de structures qui en quelque sorte le détermine, lui, comme sujet et avec lequel il communique

?

(1) Extrait d'un article paru dans La psychanalyse de l'enfant, n°11, AFI, Paris, 1992

©http://www.freud-lacan.com/articles/article.php?url_article=mlerude080105

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