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Une T4 fort peu martiale

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 7 - septembre 2016 196

C a s c l i n i q u e

* Service d’endocrino­

logie, CHU de Rouen.

Une T4 fort peu martiale

A low-ironed T4

Jean-Marc Kuhn*

M

adame L., âgée de 32 ans, sportive de très bon niveau, pratique le “running”. Elle se plaint depuis quelques semaines de violentes dou- leurs abdominales qui surviennent au bout de trois quarts d’heure de course à pied. Les phénomènes algiques, qui ne s’accompagnent pas de troubles du transit intestinal, s’amendent spontanément en 1 à 2 heures après arrêt de l’effort musculaire. La rapidité de la sédation douloureuse est accélérée par la prise ponctuelle d’un cocktail médicamenteux associant antispasmodique et paracétamol. Aucun stigmate de saignement digestif n’a été constaté par l’intéressée qui s’inquiète légitimement de l’origine de cette sympto- matologie algique et perturbatrice de son entraînement sportif.

L’interrogatoire ne retrouve pas d’antécédent patho- logique particulier. Madame L. ne suit comme trai- tement qu’une contraception estroprogestative. Ses cycles menstruels sont donc parfaitement réguliers.

L’examen clinique de cette jeune femme, un peu pâlotte, retrouve un poids de 44 kg pour une taille de 1 m 64 (indice de masse corporelle = 16,4 kg/m2). La pression artérielle est mesurée à 110/60 mmHg et le rythme cardiaque est régulier à 60 pulsations par minute.

La palpation abdominale est normale et le reste de l’examen clinique ne retrouve pas d’anomalie notable.

L’enquête diététique va identifier de manifestes erreurs alimentaires chez cette jeune femme soucieuse d’éviter une prise de poids qui serait susceptible d’influencer négativement ses performances sportives.

Anémie et T4 basse

L’échographie abdominale est normale, l’Hemoccult® est négatif et l’examen des selles ne retrouve aucun argument en faveur du diagnostic de maladie cœliaque.

Cela est confirmé par la négativité de la recherche de la présence d’anticorps antitransglutaminase et anti- endomysium. La glycémie à jeun est mesurée à 5,1 mmol/l. Le bilan de l’équilibre lipidique fournit les informations suivantes : cholestérol total = 5,7 mmol/l (valeurs normales [N] : 4,7-5,2), HDL-cholestérol = 2,1 mmol/l (N > 1,4), triglycérides = 1,2 mmol/l (N <

1,7). Natrémie, kaliémie et créatininémie sont normales.

La numération formule sanguine permet d’identifier une anémie microcytaire. Le chiffre d’hémoglobine est de 9 g/dl (N : 12,5-15,5), le volume globulaire moyen est mesuré à 77 μm3. Cette anémie paraît liée à une carence en fer : fer sérique = 7 μmol/l (N : 11-34), ferri- tine = 11 μmol/l (N : 15-150). La calcémie = 2,46 mmol/l (N : 2,2-2,6), l’albuminémie = 40 g/l (N : 38-48), la magné- sémie = 0,8 mmol/l (N : 0,75-0,9) et le 25 OH-cholécalcif érol = 18 nmol/l (N : 75-175). Les niveaux plasmatiques de zinc (17,4 mmol/l, N : 7,6-23), vitamine B12 et folates sont normaux. Enfin, le taux de thyréostimuline (TSH) plasmatique est de 2,4 mU/l (N : 0,1-4,5), ceux de T4 et T3 libres plasmatiques sont respectivement de 7 pmol/l (N : 10-23) et 4,2 pmol/l (N : 3,5-6) et la recherche de la présence d’anticorps antithyroïdiens est négative.

Compensation des facteurs carentiels

À ce stade, les résultats des investigations étiologiques digestives sont rassurants, en ce sens qu’ils permettent d’écarter l’hypothèse de l’existence d’une lésion orga- nique à l’origine des symptômes ressentis. L’origine la plus probable des phénomènes douloureux doit être le double impact de l’anémie et du retentissement de l’exercice physique, tout particulièrement de la course à pied (1), sur le tractus gastro-intestinal. Ces 2 facteurs favorisent en effet l’ischémie colique, phénomène plus fréquemment observé chez les sportives (2). L’anémie ne représente qu’une des anomalies biologiques qui ont été mises en évidence et qui nécessitent d’être corrigées. Chacune de ces anomalies est très vraisem- blablement liée à des erreurs diététiques. Plutôt que par un apport oral de sels de fer, la carence martiale est rapidement compensée par 2 administrations intravei- neuses d’hydroxyde ferrique-saccharose. On s’attend à ce que sa correction s’associe parallèlement à celle de l’anémie et, consécutivement, à la disparition des douleurs abdominales. Le déficit en vitamine D est, quant à lui, aisément substitué par un apport oral suf- fisamment prolongé en ergocalciférol. L’élévation de la cholestérolémie totale ne justifie bien sûr pas de thérapeutique particulière puisqu’elle est liée à celle

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du HDL-cholestérol, qui constitue un des effets béné- fiques de l’activité sportive. Une correction des erreurs diététiques les plus marquantes et un encouragement à un retour vers un indice de masse corporelle normal complètent l’attitude thérapeutique proposée.

Quid de la basse T4 ?

Reste à expliquer le profil très particulier des résultats du bilan hormonal thyroïdien et à décider s’il nécessite ou non un traitement spécifique. Sur la base des seules valeurs de TSH et de T4 libre, l’hypothèse d’un déficit thyréotrope est plausible. Au demeurant, l’examen cli- nique de Mme L. ne révèle aucun signe d’hypothyroïdie et le taux de T3 libre s’inscrit dans la fourchette de la normale, 2 arguments qui plaident contre cette hypo- thèse. Le tableau est donc celui d’une euthyroïdie à T4 libre isolément basse. Aucune prise médicamenteuse (diphénylhydantoïne, rifampicine) ne l’explique. Un rôle des particularités diététiques et de leurs consé- quences pondérales paraît être exclu, puisque le taux de T3 libre plasmatique est normal (3). Une carence modérée en iode, privilégiant la production de T3 à celle de T4, ne paraît pas non plus plausible, compte tenu de la normalité du résultat de la mesure de l’io- durie (1 200 nmol/24 h, N : 300-2 000). C’est donc sur le compte d’un ou de plusieurs autres déficits nutri- tionnels que réside l’explication de ce profil hormonal thyroïdien atypique.

Sélénium, zinc et fer sont 3 des acteurs intervenant dans la fonction et dans l’équilibre hormonal thyroïdien.

Thyroperoxydase et désiodases, enzymes clés de la syn- thèse et du métabolisme des hormones thyroïdiennes, sont des sélénoprotéines. Un déficit en sélénium est susceptible de retentir sur la fonction thyroïdienne (4).

Cependant, dans le cas présent, une carence en sélé- nium, qui n’apparaît que dans des conditions diété- tiques particulières (nutrition parentérale prolongée), semble peu probable en raison de l’importance des

réserves intrathyroïdiennes en sélénoprotéines (5). Un déficit en zinc représente un deuxième mécanisme qui pourrait expliquer le profil hormonal observé. Le zinc est en effet un métal essentiel à la synthèse et à l’action des hormones thyroïdiennes (figure) − dont les récepteurs sont des protéines à doigts de zinc. Cependant, une carence en zinc serait responsable d’un abaissement du taux de T3 (6, 7), particularité qui n’est pas observée chez Mme L. La carence martiale reste donc le dernier suspect. Le déficit en fer réduit en effet l’activité de la thyroperoxydase (8) et il a été récemment montré qu’une carence martiale était un facteur indépendant d’hypothyroxinémie isolée (9). C’est donc ce dernier mécanisme qui a été retenu pour expliquer la baisse exclusive de la T4 observée chez Mme L. Parallèlement à celui du taux d’hémoglobine, le retour à la normale de la T4 après supplémentation en fer confirme, in fine,

cette hypothèse. ■

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

1. de Oliveira EP, Burini RC. The impact of physical exercise on the gastrointestinal tract. Curr Opin Clin Nutr Metab Care 2009;12(5):533-8.

2. Moses FM. The effect of exercise on the gastrointestinal tract. Sports Med 1990;9(3):159-72.

3. Douyon L, Schteingart DE. Effect of obesity and starvation on thyroid hormone, growth hormone, and cortisol secretion.

Endocrinol Metab Clin North Am 2002;31(1):173-89.

4. Drutel A, Archambeaud F, Caron P. Selenium and the thy- roid gland: more good news for clinicians. Clin Endocrinol (Oxf ) 2013;78(2):155-64.

5. Moreno-Reyes R, Suetens C, Mathieu F et al. Kashin-Beck osteoarthropathy in rural Tibet in relation to selenium and iodine status. N Engl J Med 1998;15;339(16):1112-20.

6. Ertek S, Cicero AF, Caglar O, Erdogan G. Relationship between serum zinc levels, thyroid hormones and thyroid volume following successful iodine supplementation. Hormones (Athens) 2010;9(3):263-8.

7. Arthur JR, Beckett GJ. Thyroide Function. Br Med Bull 1999;55(3):658.

8. Zimmermann MB, Köhrle J. The impact of iron and selenium deficiencies on iodine and thyroid metabolism: biochemistry and relevance to public health. Thyroid 2002;12(10):867-78.

9. Yu X, Shan Z, Li C. Iron deficiency, an independent risk factor for isolated hypothyroxinemia in pregnant and nonpregnant women of childbearing age in China. J Clin Endocrinol Metab 2015;100(4):1594-601.

R é f é r e n c e s

Figure. Points d’impact des carences en fer, en sélénium ou en zinc sur la synthèse et l’action des hormones thyroïdiennes.

Fe, Se, Zn

Se

Zn Thyroperoxydase

Désiodase type I

Récepteur T3/T4

Cellule réceptrice Hépatocyte

Thyrocyte

T3

T3 T4

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Références

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