A NNALES SCIENTIFIQUES
DE L ’U NIVERSITÉ DE C LERMONT -F ERRAND 2 Série Mathématiques
H ARALD C RAMÉR
Décompositions orthogonales de certains processus stochastiques
Annales scientifiques de l’Université de Clermont-Ferrand 2, tome 8, série Mathéma- tiques, n
o2 (1962), p. 15-21
<
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DÉCOMPOSITIONS ORTHOGONALES DE CERTAINS PROCESSUS STOCHASTIQUES
Harald CRAMÉR
Ancien Recteur de l’Université de Stockholm
1 - Soient x, y, .. ~ des variables
complexes
aléatoires définies sur un espace deprobabilité
fixe. Nous supposerons que toute variable a une valeur moyenne
égale
àzéro,
et un moment fini de second ordre :Deux variables x et y telles que
E ]x - yl2
= 0 sont considérées commeidentiques.
L’ensemble de toutes les variables aléatoires satisfaisant à ces conditions constitue un espace H de
Hilbert,
en définissant leproduit
scalaire et la norme par les relations :La convergence en norme d’une suite d’éléments xp X2"... coïncide alors avec la convergence en moyenne
quadratique (m. q. )
des variables aléatoires ...Deux éléments x, y sont
orthogonaux, x 1 y,
si l’on a :Considérons un processus
stochastique
défini par une famille de variables aléatoiresx(t),
oùt est un
paramètre
variant d’une manière continue sur tout l’axe réel Dans ungrand
nombre
d’applications importantes
tsignifie
letemps,
et nousemploierons
souvent uneterminologie qui
se réfère à ce cas.Chaque x(t) représentant
unpoint
deH,
le processusx(t)
définit une"courbe"
C dans cet espace. Leplus petit
sous-espaceH(x)
C H renfermant toute la courbe C seraappelé l’espace
du processusx(t).
C’est le sous-espace de Hengendré
par toutes les variablesx(t)
avec - 00 t + oo .
D’autre
part,
considérons l’arcC(t)
de la courbe C formé par tous lespoints x(u)
avec u ~ t, etdésignons
parH(x~t)
leplus petit
sous-espace de H renfermantC(t).
On voit queH(x, t)
est lesous-espace
engendré
par tous lesx(u)
avec u~t. Tout élément deH(x,t)
estdonc,
soit une com- binaison linéaire d’un nombre fini de variablesx(ul), ... ,
J avec t, soit la limite en m. q . d’une suiteconvergente
de telles combinaisons. Dans un certain sens onpeut
donc dire quel’espace H(xJ t)
renferme la totalité de l’information contenue dans lepassé
et leprésent
du processusx(t) ,
Jdu
point
de vue de l’instant t. Evidemmentl’espace H(xJ t)
n’estjamais
décroissantquand
tcro1t
Jet l’union de tous les
H(xJ t)
+00 coïncide avecH(x).
Endésignant
par l’inter- section de tous lesH(x, t),
J on a donc :Le sous-espace renferme l’information contenue dans le
passé
infinimentéloigné
du pro-cessus
x(t).
Considérons les deux cas extrêmes :où nous avons
désigné
par 0 le sous-espace formé par le seul élément zéro de H.Dans le cas
(A)~
il est évident que lepassé
infinimentéloigné
du processusx(t)
ne nous ap-prend
rien sur ledéveloppement
futur du processus. Toute information contenue dans ce processus doit donc être entrée comme une innovation à un certain moment. Dans ce cas nous dirons quex(t)
est un processus
parfaitement
non-déterministe.Dans le cas
(Bj,
aucontraire,
toute information relativement au processus estdéjà
contenuedans son
passé
infinimentéloigné,
et nous dirons alors quex(t)
est un processus déterministe.Dans le cas
général,
on aura 0 C CH(x),
et nous dirons quex(t)
estnon-déterministe,
sans être
parfaitement
non-déterministe.Deux processus
x(t)
ety(t)
sont ditsorthogonaux
l’un àl’autre,
si nous avonsx(s)
1y(t)
pour tous s et t réels.2 - Soit
x(t)
un processus donné tel que pour tout t :Nous dirons que la relation :
définit une
décomposition orthogonale
du processusx(t)
si les processusu(t)
etv(t)
sontorthogo-
naux l’un à
l’autre,
et si l’on a pour tout t :THEOREME 1 - Pour tout processus
x(t)
satisfaisant à(1),
il y a unedécomposition
ortho-gonale (2) uniquement
déterminée telle queu(t)
estparfaitement non-déterministe,
tandis quev(t)
est déterministe.
Dans mes travaux antérieurs sur ce
sujet (1), j’ai
énoncé ce théorème sans donner une dé-monstration détaillée. Voici comment on
peut
le démontrer.Désignons
parPt x
laprojection orthogonale
d’un élément arbitraire de H sur le sous-espaceH(x, t),
et posons :D’abord il est évident que les deux
composantes u(t)
etv(t) appartiennent
àH(x, t).
Eneffet , v(t) appartient
àH(x, - qui
est un sous-espace deH(x, t),
tandis queu(t)
=x(t) - v(t)
EH(x, t) .
D’autre
part, v(t)
étant laprojection
dex(t)
surH(x, -a»,
etx(t)
=u(t)
+v(t),
on voit queu(t)
doit être
orthogonal
àH(x, - m)
pour tout t, et il s’ensuit queu(s)
1v(t)
pour tout s et t. Les pro-cessus
u(t)
etv(t)
sont doncorthogonaux
l’un à l’autre.En
désignant
parH(u, t)
etH(v, t)
les sous-espaces de Hqui,
pour les processusu(t)
etv(t) , correspondent
àH(x, t),
il suit des remarquesprécédentes qu’on
a pour tout t :En faisant tendre t vers dans les deux
premières
de cesrelations,
on voit tout de suitequ’on a :
H(u,-oo)=0;
u(t)
est donc un processusparfaitement
non-déterministe.Or,
la relationx(t) = u(t) + v(t)
montre que le sous-espaceH(x, t)
est contenu dans la sommevectorielle des
sous-espaces
mutuellementorthogonaux H(u, t)
etH(v, t), qui
sont eux-mêmes dessous-espaces de
H(x, t) ;
donc :(1) Voir : Colloque sur le Calcul des Probabilités, Paris 1959,
p,103-112 ; Proceedings
of the FourthBerkeley
Symposium 1961, Vol. II, p. 57-78 ; Arkiv for Matematik, Stockholm 1961, Vol. 4, Nr 19.Il s’ensuit en
particulier :
En combinant ceci avec les deux dernières relations
(3),
on obtient :pour tout t, ce
qui
donne :v(t)
est donc un processus déterministe. De(4)
et(5)
on déduit aussi :ce
qui
montre queH(u1 t)
est lecomplément orthogonal
de parrapport
àH(x1 t).
Il reste à démontrer que la
décomposition
estunique. Supposons
donc que :est une
décomposition orthogonale
satisfaisant aux conditions duthéorème,
mais différente de cellequ’on
vient de considérer. Posons :u(t)
etv(t)
étant définis comme ci-dessus. Alors on a,puisque
lescomposantes
etVI (t)
doi-vent
appartenir
àH(x, t),
On voit maintenant que
H(u1, t)
est lecomplément orthogonal
de parrapport
àH(x, t),
c’est-à-dire
identique
àH(u, t).
Il suit donc de(6)
que nous avons :Or,
les sous-espacesH(u,t)
etH(v)
sontorthogonaux
l’un à l’autre. Doncz(t)
doit se réduire àzéro pour tout t, et il s’ensuit que :
La démonstration du théorème est donc achevée.
3 - Considérons maintenant un processus
x(t) qui
estparfaitement non-déterministe,
de ma-nière que
x(t)
coïncide avec sacomposante
non-déterministeu(t),
tandis que lacomposante
déter- ministev(t)
se réduit à zéro.Supposons
encore, pour éliminer des castrop irréguliers,
que les limites en m. q.existent pour tout t,
quand
h tend vers zéro par des valeurspositives.
Dans mon travail dans l’Arkiv f. Matematik cité
plus
hautj’ai
montré que, sous ces condi-tions, x(t)
admet unedécomposition orthogonale
dans un sensgénéralisé,
queje
vais maintenantrappeler.
Le sous-espace
H(x, t)
défini ci-dessus n’estjamais
décroissantquand
t croît et l’on a,x(t)
étant
parfaitement non-déterministe,
1H(x, - oo)
= 0. Lescompléments orthogonaux :
sont
orthogonaux
l’un à l’autre si les intervalles(t, t
+àt ]
et(u, u +l1u]
sontdisjoints.
On voit que le sous-espace estengendré
par les innovations reçues par le processusx(t) pendant
l’inter-valle de
temps (t, t
+Si,
pour tout h >0,
on a :le processus
reçoit
donc effectivement des innovations dans tout intervalle(t - h, t +h], et
l’ensemblede toutes les valeurs de t telles que
(8)
est satisfaites’appelle
lespectre
d’innovations du proces-sus x(t).
Si,
pour une certaine valeur de tappartenant
auspectre d’innovations,
lepremier
membrede
(8)
ne tend pas vers zéro avech,
nous dirons que t est unpoint
de discontinuité duspectre ;
dans le cascontraire,
c’est unpoint
de continuité. J’ai démontré(l. c. )
que, si les limites(7)
existent pour tout t,
l’espace H(x)
estséparable,
et l’ensemble despoints
de discontinuité duspectre
d’innovations est auplus
dénombrable.Soit maintenant z une variable aléatoire
quelconque
dansH(x),
et posons :Pt désignant,
commeplus haut,
1 laprojection
sur le sous-espaceH(x, t).
Il suit alors des pro-priétés
de la familleH(x1 t)
quez(t)
est un processusstochastique
àaccroissements orthogonaux .
Dans mon travail
cité, j’ai
démontré le théorème suivant.THEOREME 2 - Soit
x(t)
un processusparfaitement
non-déterministe tel que les limites(7)
existent pour tout t. Alors il existe un nombre N
uniquement déterminé, qui s’appelle
lamultipli-
cité
spectrale
du processusx(t),
1 etqui peut
être un entierpositif fini,
ou bienégal
à +ayant
les
propriétés
suivantes. Onpeut
trouver N éléments 1 z~ deH x
tels que les processuscorrespondants Zl (t) 1 ...
1zN(t)
définis par(9)
sontorthogonaux
l’un àl’autree
et que l’on a pour tout t :où les
gn
sont des fonctions non aléatoires telles que :Enfin,
N est leplus petit
nombreayant
cespropriétés.
On voit que
(10)
donne unedécomposition
du processus donné dans une infinité d’éléments :qui
sont tousorthogonaux
l’un àl’autre,
etqui appartiennent
tous àH(x, t).
C’est donc unegéné-
ralisation de la
simple décomposition orthogonale x(t)
=u(t)
+v(t)
considéréeauparavant.
Chaque
élément(12) peut
être considéré comme l’effet à l’instant t d’une innovationdz~(u)
entrée dans l’intervalle
(u,
u +du).
Donc(10)
donne unereprésentation
linéaire dex(t)
au moyen de toutes les innovationsappartenant
aupassé
et auprésent
du processus, dupoint
de vue de l’instant t. Le processus vectoriel :peut
êtreregardé
comme le processus d’innovations lié au processus donnéx(t).
On voit que, dans le casgénéral,
le processus d’innovations seramulti-dimensionnel,
sa dimensionnalité étantégale
à la
multiplicité spectrale
N dex(t).
4 - Le théorème 2 donne une
généralisation
de certainespropriétés
bien connues des pro-cessus stationnaires à une classe
plus générale
de processusstochastiques.
Pour les processusstationnaires,
on sait que lamultiplicité
esttoujours égale
à l’unité : N = 1. Il est donc bien na-turel de poser la
question
s’il existent des processusx(t)
satisfaisant aux conditions du théorème2 , ayant
unemultiplicité
Ndonnée,
finie ou infinie. Dans mon travailcité, j’ai répondu
à cette ques- tion parl’affirmative,
en construisant unexemple
d’un tel processus.Cependant,
dans cetexemple
lespectre
d’innovations estpurement discontinu,
et ne contienten effet
qu’un
seulpoint.
Il serait d’un intérêt bienplus grand
de connaître unexemple
d’un pro- cessusx(t)
àspectre
d’innovationspartout continu, ayant
unemultiplicité
N donnée.L’exemple
suivant d’un processusx(t)
avec cespropriétés
a été construit et discuté au coursd’une
correspondance
entre M. A. N.Kolmogorov
et moi. Soit :une suite infinie de processus
orthogonaux
l’un à l’autre et avec des accroissementsorthogonaux ,
et supposons que l’on a pour tous n et t :
où
f(u)
estpartout continue,
bornée etpositive,
avec un moment fini de second ordre.Soit d’autre
part Al, A2, . , ,
une suite d’ensemblesdisjoints
de nombresréels,
toutA~
étant de mesurepositive
danschaque
intervalle A :désignons
parbn(s)
la fonctioncaractéristique
de l’ensembleA~,
et posons pouru ~
tOn trouve alors sans difficulté que la série :
converge en m. q. pour tout t, et
représente
un processusx(t)
satisfaisant aux conditions du théo- rème 2. On a évidemment :D’autre
part,
on a :la dernière relation
ayant
lieu danschaque point
de continuité de la fonctionz~(t),
J c’est-à-dire avec uneprobabilité égale
à l’unité pourchaque
t. On tire de là :et
d’après (14),
pour tout t,Pour les
compléments orthogonaux correspondant
à un intervalle(t, t + /J. t]~
on obtient :et on voit que le
spectre
d’innovations dex(t)
estpartout continu,
et contient tout l’axe réel.Nous allons montrer
explicitement
quex(t)
a unemultiplicité
N = 00.Supposons,
eneffet,
que N a une valeurfinie,
et que :est pour
x(t) l’analogue
de lareprésentation (10)
du théorème 2. Alors lesy~(u)
sont des processusorthogonaux
l’un àl’autre,
et à accroissementsorthogonaux,
tels queet pour un intervalle
(u, u
+Au) :
On
peut
donc écrire :J~
étant nondécroissante,
tandis queKmn
est à variation bornée dans tout intervalle fini. On a alors pouroù nous avons écrit :
Il s’ensuit :
Cette identité
ayant
lieu pour tout intervalle(u,u + ~u)
tel que u u + Au t, on voit que la contri- bution de lacomposante
non absolument continue de s’il y en a une - à la valeur dupremier
membre doit se réduire à
zéro,
de manièrequ’on
aura, presquepartout
en u :/*u+Au 20132013201320132013
En
multipliant (16)
u on obtient :et’par
un raisonnementanalogue
à celui de tout à l’heure :presque
partout
en u. En donnant N + 1 intervallesdisjoints
onpeut toujours
supposer les ensemblesA1, A2, .. ,
choisis tels que la matrice :aura le rang N + 1.
Or,
la matrice dont les éléments sont donnés par lepremier
membre del’identité
(17),
enremplaçant
successivement t part~,...,
et enprenant
n =1, 2, ... ,
sera auplus
du rang N. Il y a donc ici unecontradiction,
et lareprésentation (15)
nepeut
pas avoir lieu.Le processus
x(t)
a donc unemultiplicité
infinie.En modifiant cet
exemple
d’une manièreévidente,
onpeut
construire un processusayant
unemultiplicité
finie N donnée d’avance.DISCUSSION
M. FORTET - A
quelles décompositions
corrélatives de la fonction de covariance correspon- dent lesdécompositions indiquées
pour la fonction aléatoire ?M. CRAMER - Dans le cas stationnaire les
composantes
non déterministes et déterministescorrespondent
à descomposantes
déterminées duspectre
de la fonction de covariance.Pour les classes de processus harmonisable il y a
correspondance incomplète
entre les com-posantes
duspectre
de la fonction de covariance et cettedécomposition.
M. FORTET -
Quel
est le mode de convergence utilisélorsque
N = + 00 ?M. CRAMER - Si . N la convergence est définie en moyenne
quadratique,
la condition de convergence est :Lorsque F~
est définie par :M. ITO - Can you use the same method to construct an
example
which needs a countable number oforthogonal processes ?
M. CRAMER -
Yes, by
the same method. 1 treated ageneral example
in my paper.M. BASS - Dans la
représentation :
Les
propriétés d’orthogonalité
deZn(u)
relativement à u et à nprésentent
del’analogie.
Y-a-il de l’intérêt à