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View of Sémiotique de la photographie

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 180 Sémiotique de la photographie

Andrea Catellani

Maria Giulia Dondero et Pierluigi Basso Fossali Sémiotique de la photographie

Roma : Guaraldit, 2006, 440 p. ISBN-10: 8880493000

ISBN-13: 9788880493006

Traduction française chez Hermès-Lavoisier : à paraître en 2009

L’ouvrage dirigé par M. G. Dondero et P. Basso est une contribution scientifique stimulante pour les études actuelles sur la photographie. Il propose une approche sémiotique d’orientation globalement post-générative, faisant référence aux recherches actuelles qui ont retravaillé l’héritage de l’école structuraliste de Paris (A. J. Greimas, J. M. Floch, etc.), tout en développant aussi un riche dialogue avec les autres courants sémiotiques (en particulier, d’orientation interprétative) et avec les autres disciplines qui s’occupent de la photographie (sociologie, culturologie, histoire de l’art, etc.). Cette orientation sémiotique, comme M. G. Dondero le souligne dans le premier chapitre, a été peu explorée dans ses applications possibles à la photographie après les années 1980, malgré les évolutions et les développements importants de ce courant. Cette opération de mise à jour est caractéristique aussi de l’autre ouvrage publié par M. G. Dondero, consacré à la relation entre la photographie et le sacré (Fotografare il sacro, Rome, Meltemi, 2007), et semble être un trait constant de l’œuvre scientifique de cette chercheuse et de Pierluigi Basso Fossali.

Sémiotique de la photographie est un exemple abouti d’un effort que je considère comme précieux, et qui consiste à développer une réelle confrontation (et ce que les auteurs appellent « un effort de traduction ») entre différentes propositions théoriques : ce qui contraste avec les tendances à la clôture autoréférentielle souvent manifestées par les écoles scientifiques, et sémiotiques en particulier.

Le livre est articulé en deux grandes parties, selon une disposition usuelle en sémiotique. La première partie propose un travail d’exposition et de critique approfondie de différentes propositions théoriques sur la photographie des dernières décennies. Cette exploration s’organise autour d’un mouvement multiple : en premier lieu, la présentation de la contribution de la sémiotique structuraliste et post-structuraliste ; en deuxième lieu, une présentation et une révision des autres contributions théoriques, d’orientation peircienne et qui proviennent d’autres disciplines ; enfin, une révision des propositions de la sémiotique textualiste de J. M. Floch, du point de vue des recherches post-génératives et des suggestions qui viennent des autres théories. Les perspectives théoriques sont régulièrement comparées, afin de mettre en évidence les défauts et les nécessités d’intégration : une théorie (par exemple, celle de R. Barthes) est souvent critiquée d’un certain point de vue, mais ensuite récupérée et valorisée pour d’autres aspects. Le point central est l’affirmation de la nécessité de prendre en compte l’étude des textes photographiques, des pratiques de fruition de la photographie et des différents statuts des images photographiques, pour ne pas se limiter à une réflexion générique sur la photographie comme médium, ou à une simple histoire des techniques photographiques. Cette position polémique, antiréductionniste, est le fil

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Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 181 conducteur du livre, en conformité avec un projet qui consiste à restituer à l’analyse de la photographie une multiplicité de niveaux de pertinence possibles.

Selon une tradition typiquement sémiotique, l’auteur rejette les approches qui considèrent la photographie seulement comme prétexte pour parler d’autre chose (W. Benjamin, R. Barthes), et les approches qui parlent de l’image photographique « en général » (P. Dubois, etc.) : il s’agit d’un projet global de désessentialisation de l’analyse de la photographie, qui propose l’ouverture à des pratiques opposées à l’essentialisme des approches barthésiennes, peirciennes et de J.-M. Schaeffer, entre autres. M. G. Dondero critique essentiellement la réduction du statut de la photographie à celui de simple empreinte, pour souligner la nécessité d’en analyser la vie et la circulation à l’intérieur de la société. Elle présente l’approche de Floch, qui analyse les formes et les valorisations variées des photographies, mais suggère en même temps la nécessité de dépasser les limites d’une approche uniquement textualiste, pour prendre en compte les logiques du sensible et leur inscription dans la photographie. Cette critique permet d’introduire l’approche de J. Fontanille et de la « sémiotique de l’empreinte ». L’attention est portée sur les façons d’analyser le texte photographique (en relation avec les statuts, les pratiques, etc.), mais aussi sur l’analyse de la photographie comme objet dans son épaisseur matérielle, en prenant en considération des problèmes comme l’authenticité, la relation entre original et copies, la conservation et le catalogage.

Le deuxième chapitre, écrit par P. Basso Fossali, opère une archéologie de la pensée de C. S. Peirce appliquée à la photographie, pour en montrer la profondeur, bien éloignée des simplifications souvent présentes dans les contributions qui se veulent « peirciennes » (R. Krauss, P. Dubois, J.-M. Schaeffer, etc.). Un autre but est de montrer que les fondements peirciens ne sont pas étrangers à une perspective post-générative, qui met au centre la nature inévitablement culturelle et sémiotique des photographies ainsi que l’action des instances interprétatives et énonciatives.

L’auteur part de l’analyse des catégories de base de la philosophie de Peirce, dites « cénopythagoriques » (primité, secondité, « tiercité »), pour courageusement revoir la triade peircienne plus diffusée dans les études sur la photographie (icône, indice, symbole), en la mettant en relation avec la catégorie d’énonciation. La notion d’indice, cruciale pour la théorie de la photographie, est revue de ce point de vue, en soulignant que cette notion n’exclut pas la présence d’une « tiercité », c’est-à-dire d’une médiation et d’une sémiotisation. On affirme ainsi que la photographie est toujours traversée par les dimensions symbolique et iconique, et que donc elle n’est pas reconductible simplement à la condition d’indice brut. Un objectif polémique clair est la théorie de la photographie comme langage transparent, purement indiciel, et donc par exemple comme « art de l’indice » et comme « ready made ». L’analyse permet de définir un paradigme de différentes stratégies de sémantisation et parcours d’interprétation possibles. Les différentes classes qui émergent font référence aux pratiques photographiques concrètes et aux statuts des photos qui en dérivent : on revient à la centralité de la dimension praxique et à la distinction d’une sémiotique textuelle et d’une sémiotique des pratiques. L’opération globale sur la pensée de Peirce est en même temps une lecture philologique des textes et une réinterprétation.

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Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 182 La deuxième partie de l’ouvrage, intitulée « pratiques d’analyse », propose le « corps-à-corps » avec des photographies concrètes de différents types. Comme dans le livre dédié à la relation entre photographie et sacré, M. G. Dondero démontre ici ses qualités d’analyste « de terrain », en soumettant à l’examen descorpora textuels complexes, peu étudiés et qui tendent à « résister » à l’application des catégories analytiques : la photographie de théâtre, les photos touristiques, une œuvre artistique comme Les preuves du temps de Denis Roche. L’auteur discute la rencontre dialectique et même conflictuelle entre deux arts, le théâtre et la photographie. Le discours est à nouveau conduit sur un double plan : d’un côté celui du texte, et de l’autre celui des pratiques dans lesquelles les textes sont produits et consommés. L’analyse des photographies de Roger Pic qui montrent des scènes d’une pièce théâtrale de Bertold Brecht, Mère Courage et ses enfants, met en évidence le travail des photographies par rapport au dispositif théâtral.

Les photographies touristiques non artistiques sont prises en considération pour en proposer une typologie, qui garde à l’esprit l’articulation entre textes et pratiques. L’auteur oppose entre autres les caractères des photos-cartes postales et des photos-journaux intimes, en distinguant différents types de présence corporelle et différentes façons de proposer l’« habitabilité » d’un lieu. Enfin, l’analyse de l’œuvre de Denis Roche est surtout l’occasion de mettre en évidence les différents axes sémantiques présents, en particulier en relation avec la temporalité, les formes de réflexion méta-photographiques et le raisonnement en images sur la relation de couple.

Le livre de M. G. Dondero et P. Basso Fossali est donc une contribution scientifique riche et stimulante au débat actuel dans le champ de l’analyse de la photographie. Les réflexions théoriques et les analyses de corpus montrent aussi les possibilités de renouvellement des études sémiotiques, quand cette discipline ne craint pas de se confronter avec ses articulations internes et avec des objets culturels complexes.

Andrea Catellani est enseignant-chercheur au département de Communication (COMU) de l’UCL (Louvain-la-Neuve).

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