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La géométrie dans l'art islamique

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Academic year: 2021

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SOMMAIRE

I. Introduction

> La culture islamique : une part de l’identité de beaucoup d’élèves . . . . > L’art islamique au service de la formation des élèves . . . . > L’art islamique, vecteur d’un enseignement interdisciplinaire . . . . > Problématique . . . .

II. L’art islamique

> La genèse de la civilisation islamique . . . . > L’art islamique : quelle définition ? . . . . > La personnalité de l’art islamique . . . . > Art figuratif, art non-figuratif . . . .

III. La géométrie dans l’art islamique

> Les aspects historiques, culturels et philosophiques . . . . > Les caractéristiques techniques . . . .

IV. Une chronologie, une géographie, des œuvres

> Les Umayyades . . . . > Les Abbassides . . . . > Les Fatimides . . . . - Analyse d’œuvre 1 . . . . - Analyse d’œuvre 2 . . . . > Les Berbères . . . . > Les Turques. . . . - Analyse d’œuvre 3 . . . . > Les Ayyubides . . . . > Les Nasrides . . . . > Le style mudéjar . . . . > Les Mameloukes . . . . > Les Mongols . . . . > Les Timourides . . . . > Les Safavides . . . . > Les Ottomans . . . . > Les Mogholes . . . .

V. L’enseignement de la géométrie

> Pratiques pédagogiques . . . . > Théorie du développement de l’enfant et méthode Montessori . . . .

VI. Mise en œuvre pédagogique

> Proposition de séquence pédagogique pour une classe de CM2 . . . . > Analyse de pratique . . . .

SOMMAIRE

I. Intuction

page 3 page 4 page 5 page 5

ue

page 6 page 6 page 7 page 8

omét

page 11 page 13

IV. chrgie,

page 17 page 18 page 18 page 19 page 22 page 25 page 25 page 26 page 29 page 29 page 30 page 31 page 31 page 32 page 33 page 34 page 34

V.L’enseint

page 35 page 36

VI. Mise re

page 38 page 58

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I. INTRODUCTION

La culture islamique : une part de l’identité de beaucoup d’élèves

La civilisation islamique s’est en partie développée autour du bassin méditerranéen, berceau de notre civilisation judéo-chrétienne, qui devint donc une zone importante de contact et d’échanges entre l’Europe méditerranéenne, dont la France fait partie, et certains pays de culture islamique. La frontière de l’aire d’influence islamique s’est longtemps trouvée aux portes de la France, en Espagne. Dès le début de l’expansion de l’Islam au VIIe siècle, l’Empire arabe omeyyade conquiert la péninsule ibérique. La présence maure en Europe ne prend fin qu’en 1492, lorsque les souverains espagnols prennent Grenade, dernier bastion musulman en Espagne. Plus à l’est, l’Empire Ottoman (1299-1923) connaît au XVIe siècle un âge d’or tel que l’étendue de ses territoires s’étire jusqu’en Autriche. Aujourd’hui, la culture islamique en Europe, héritage de cette présence ottomane, est portée par le peuple bosniaque dans la région des Balkans.

De part son passé de puissance coloniale, la France est très liée à la culture islamique. La grande proportion de Français d’origine arabe et de culture islamique au sein de la population témoigne des relations très fortes que notre pays a entretenu avec les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) pendant de nombreuses décennies. À la présence et au contrôle administratif français dans ces pays succédèrent leur indépendance et les vagues d’immigration successives de la seconde moitié du vingtième siècle. En 2017, l’INSEE recensait que les descendants d’immigrés - c’est à dire les personnes dont au moins un des parents est immigré - représentent 11% de la population française et que 31 % d’entre eux sont issus des pays du Maghreb. L’Algérie est le premier pays d’origine des descendants d’immigrés et le Maroc en est le troisième. Les enfants d’immigrés sont nettement plus jeunes que la moyenne nationale ; 47 % d’entre eux ont moins de 25 ans.1

Plus de la moitié des élèves de la classe de CE1 dans laquelle j’enseigne cette année appartient en partie à la culture islmamique. Sur 26 élèves au total, 8 élèves sont arabophones, 5 élèves sont turcophones et 1 élève est bosniaque. Certains fréquentent la mosquée et pour la plupart le Français n’est pas leur langue maternelle. Dans la classe de CM2 de cette même école, dans laquelle j’ai pu mettre en œuvre une partie de ma séquence pédagogique, la proportion d’élèves issus de cette culture islamique est encore plus grande. L’école en question se trouve dans un quartier périphérique de la ville de Luxeuil-les-bains (70), quartier que l’on qualifierait, s’il se trouvait dans une plus grande agglomération, de « banlieue ».

L’enseignement de l’expansion de la civilisation islamique a disparu des programmes d’enseignement de l’histoire au cycle 3 depuis 2016. C’est en s’appuyant désormais sur l’enseignement de l’histoire des arts qu’il devient possible d’aborder la culture islamique. En effet, cet enseignement 1 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/08/sept-chiffres-sur-les-enfants-d-immigres-en-france_5076714_4355770.html

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« intègre autant que possible l’ensemble des expressions artistiques du passé et du présent, savantes et populaires, occidentales et extra occidentales ».2 Faire une place à cette culture dans nos écoles c’est d’une part reconnaître une partie de l’identité d’une grande proportion de nos élèves, et c’est d’autre part ouvrir les autres élèves à l’altérité à travers une culture différente, à la fois lointaine et proche ; une culture dont les dimensions historique, artistique et religieuse viennent considérablement enrichir nos connaissances sur notre propre civilisation occidentale et, de ce fait, aide à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

L’art islamique au service de la formation des élèves

La culture artistique apparaît dans tous les domaines du socle commun de 2015.3 Ce socle commun compile et articule la somme des connaissances et compétences que chaque élève doit posséder à la fin de sa scolarité obligatoire. L’art c’est tout d’abord différents langages que les élèves apprennent à comprendre et à utiliser pour communiquer et s’exprimer (domaine 1, les langages pour penser et communiquer). Tout au long de leur parcours artistique à l’école, les élèves s’approprient des outils et des méthodes comme le travail collaboratif pour réaliser des projets de création artistique notamment (domaine 2, les méthodes et outils pour apprendre).

Dans le cadre de la formation de la personne et du citoyen (domaine 3), les arts et l’histoire des arts jouent un rôle non négligeable en contribuant «  à former un lien particulier entre dimension sensible et dimension rationnelle ». L’histoire des arts permet également d’accompagner « l’éducation au fait historique d’une perception sensible des cultures, de leur histoire et de leurs circulations » (domaine 5, les représentations du monde et l’activité humaine). Aborder l’islam à travers l’art c’est donner aux élèves l’opportunité de poser un regard dépassionné et bienveillant sur cette civilisation. En distinguant la religion (Islam) de la culture (islam) et en choisissant l’art comme vecteur d’enseignement, l’enseignant confère à l’islam son statut de culture et lui (re)donne toute sa richesse et son épaisseur.

L’islamisme est depuis de nombreuses années au cœur de l’actualité des attentats, des guerres, de l’immigration et de certaines tensions au sein même des établissements scolaires en France. Ces phénomènes d’actualité ont tendance à occulter la culture qu’est l’islam et à provoquer certains amalgames. Il apparaît important de ne pas laisser aux médias le monopole de l’information sur l’islam et l’Islam et de les faire entrer dans la sphère scolaire. La découverte de cette culture à travers l’enseignement de l’histoire des arts et des arts visuels contribue certainement à transmettre aux élèves des connaissances et des compétences essentielles à l’exercice futur d’une citoyenneté éclairée, rationnelle, responsable et libre. Parmi les compétences visées par le domaine 3 du socle

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commun (la formation de la personne et du citoyen), on trouve notamment « distinguer ce qui est subjectif et ce qui est objectif  », «  vérifier la validité d’une information  », «  mettre à distance les préjugés et stéréotypes », fonder et défendre « ses jugements en s’appuyant sur sa réfléxion et la maîtrise de l’argumentation ».

L’art islamique, vecteur d’un enseignement interdisciplinaire

Proposer aux élèves des projets interdisciplinaires c’est permettre aux élèves de faire du lien entre différents champs disciplinaires et par conséquent de se forger des représentations complexes du monde. Les vertus pédagogiques de l’interdisciplinarité sont nombreuses et ces pratiques sont largement encouragées dans la plupart des publications institutionnelles à destination des enseignants. La mise en œuvre pédagogique d’une séquence sur l’art islamique que je propose au cycle 3 fait appel aux trois champs disciplinaires de l’école élémentaire que sont l’histoire des arts, les arts visuels et les mathématiques (géométrie et grandeurs et mesure).

Une autre entrée, celle de l’étude comparative des arts occidentaux et islamiques, aurait pu être envisagée pour éclairer cette civilisation islamique, son histoire et sa culture. C’est une modalité d’enseignement que j’ai finalement employée à un moment de la séquence, pour mettre en exergue le caractère aniconique de l’art islamique religieux.

Le lien avec l’enseignement de l’histoire est bien sûr très fort, la frise chronologique et les cartes historiques étant des outils communs. Un tel projet de séquence devrait se mener sur plusieurs mois, voire sur l’année. Elle pourrait peut-être se déployer au rythme du programme d’histoire qui couvre, en CM2, la période qui nous concerne dans ce mémoire et qui s’étend du VIIe au XIXe siècle.

Problématique

Dès lors, en s’appuyant sur l’ornementation géométrique dans l’art islamique, quelles pratiques artisitiques peut-on envisager au cycle 3 qui répondraient aux objectifs de l’enseignement des arts visuels à l’école (exploration culturelle, sensible et technique) et s’inscriraient dans l’apprentissage des mathématiques, et notamment de la géométrie, en lien avec le développement de l’enfant âgé de 9 à 10 ans ?

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II. L’ART ISLAMIQUE

La genèse de la civilisation islamique

La religion musulmane voit le jour au VIe siècle dans la péninsule arabique, lorsque le prophète Muhammad, à qui Dieu aurait révélé un nouveau monothéisme, s’exile en 622 à Médine. Cet Hégire (exil en arabe) marque le début du calendrier musulman. À la mort du prophète en 632, la religion de l’islam s’est imposée en Arabie. Cette dynamique d’islamisation se poursuit tout au long du premier siècle de l’Hégire avec non seulement des conquêtes territoriales menées par les califes (les successeurs du prophète en arabe) mais aussi grâce au désir d’intégration des élites d’autres cultures qui adhèrent à cette réforme du monothéisme qu’est l’islam et adoptent le modèle politique qui leur est proposé.1 À la fin du XIIe siècle de notre ère, l’aire islamique s’étend sur un vaste territoire allant de l’Espagne à la Mongolie (carte 2, page17).

L’art islamique : quelle définition ?

Il convient tout d’abord de distinguer les termes islam et Islam. Le terme islam est utilisé pour nommer la religion musulmane, alors que le terme Islam fait référence à l’espace profane et politique.2 D’après le centre national de ressources textuelles et lexicales, l’Islam est « l’ensemble des peuples qui professent cette religion ; la civilisation qui les caractérise ».3 La nuance est importante pour notre propos car l’art islamique ne se réduit pas seulement à l’art associé à la religion musulmane. Il n’est pas simple de définir cet art car cela suppose une relative unité des œuvres ou tout au moins un ou plusieurs facteurs communs à chaque élément de cet ensemble. Dès lors comment réunir des œuvres produites dans des régions aussi lointaines géographiquement et aussi diverses culturellement que l’Espagne, l’Anatolie et l’Asie centrale entre le VIIe et le XIXe siècle ?

Marianne Barrucand, dans son essai intitulé L’Islam, publié dans le Grand Atlas de l’art, cite la définition que Georges Marçais donnait à l’art islamique en 1950 dans son ouvrage L’art musulman : l’art islamique est selon lui « l’art des pays dont la culture est marquée par la religion de l’islam ».4

L’aire islamique depuis les premiers califats est en effet une mosaïque linguistique et culturelle. La culture des détenteurs du pouvoir politique ne reflète pas nécessairement la multiplicité culturelle et religieuse propre à beaucoup de pays islamisés. Souvent, des non-musulmans partagent la culture de l’islam et cela depuis le premier État islamique jusqu’à l’époque Nasride dans l’Espagne du XVe siècle en passant par la période d’hégémonie mamelouke entre le XIIIe et XVIe siècle.5 En ce qui concerne l’art islamique, celui-ci comprend à la fois des œuvres réalisées par des « infidèles » pour

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des musulmans, aussi bien que des œuvres réalisées par des musulmans pour des non-musulmans.6 Cela témoigne notamment des liens et des flux qui existent entre le monde occidental chrétien et le monde islamique. Par exemple, au XIe siècle, Roger II de Sicile commande au savant arabe al-Idrîsî une Géographie universelle, ouvrage qui sera publié en arabe à Rome puis traduit en latin (annexe 2, figures 2 et 3).7 Un autre témoignage de ces liens peut s’illustrer par le suaire de saint-Josse rapporté par Étienne de Blois au retour de la croisade. Ce samit de soie8 fabriqué par des musulmans, servit à envelopper les ossements du saint breton (annexe 1, figure 1).9

Dans un premier temps, les empires byzantin et sassanide (perse) sont les principaux réservoirs primitifs du monde islamique en formation selon l’historien de l’art Giovanni Curatola.10 Les œuvres issues de la première dynastie islamique des Umayyades témoignent de cette continuité de style dans la production artistique. Par exemple, l’iconographie de la monnaie reprend d’abord le modèle antique (annexe 2, figure 4). Les artistes musulmans reprennent également la technique du plâtre moulé et peint issue de l’ère sassanide pour créer bas-reliefs et décors muraux. L’ornementation d’objets sculptés utilise abondamment le vocabulaire antique oriental : feuilles de rinceaux chargées de fruits et palmettes entre autres.11 L’exemple le plus connu et peut-être le plus frappant de cette continuité dans l’histoire de l’art à cette époque charnière de l’empire Umayyade est le décor en mosaïques de feuille d’or qui orne la grande mosquée de Damas (annexe 9, figure 18) dont la technique et le style de représentation sont issus de la civilisation byzantine. On remarque tout de même que ces fresques se distinguent de leurs pendants bizantins en ce qu’elles ne présentent aucune représentation figurée humaine, ce qui préfigure déjà une caractéristique de l’art religieux islamique.

L’art des débuts de l’islam est donc un art hybride, cosmopolite, qui n’a pas encore de « personnalité », que l’on ne peut encore identifier comme un art unique, à part entière.12 Dès lors, qu’est-ce qui, au fil des siècles, va conduire la production artistique islamique à une unité esthétique singulière ?

La personnalité de l’art islamique

Tout d’abord il convient de revenir à ce qui se trouve à la racine de cette nouvelle civilisation : les textes fondateurs de la religion musulmane, à savoir le Coran et les hadiths. Ces textes sacrés ne se prononcent pas explicitement sur l’art. En revanche ils mettent en garde contre une architecture trop luxueuse, interdisent l’idôlatrie et invitent à la méfiance envers les représentations figurées.13

6 Marianne Barrucan, op. cit., p. 204

7 <http://classes.bnf.fr/idrisi/pres/present.htm>

8 «Riche tissu de soie lamé d’argent et d’or, utilisé jusqu’au XVIIe siècle» ; source : cnrtl.fr 9 Marianne Barrucand, op. cit., p. 204

10 Giovanni Curatola, L’art de l’islam, Paris, 2014, p. 17 11 Sophie Makariou, op. cit., p. 60

12 Marianne Barrucand, op. cit., p. 204 13 Ibid, p. 204

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L’écriture quant à elle y est extrêmement valorisée : selon le Coran, l’écrit est le moyen par lequel Dieu instruit les hommes. La lecture et la récitation des textes sacrés sont les conditions du salut des hommes.14 Au delà de son caractère sacré, la langue et l’écriture arabe deviennent rapidement sous l’empire Umayyade des instruments de pouvoir et d’unification. La vaste réforme d’arabisation de l’administration menée par le calife umayyade ‘Abd al-Malik (r. 685 à 705) a pour conséquence notamment d’arabiser la frappe des pièces de monnaie. L’effigie du prince, vestige de la culture bizantine, disparaît au profit d’une inscription en langue arabe (annexe 3, figure 5).15 16 La calligraphie n’est donc pas seulement confinée au support traditionnel du papier. Elle s’affiche également de façon monumentale sur les architectures depuis le VIIe siècle à Jérusalem sur la coupole du Rocher jusqu’aux imposants édifices ottomans du XVe siècle au XIXe siècle.17  18 À travers la calligraphie, l’écriture et la langue arabe sont omniprésentes dans les œuvres d’art islamiques et en deviennent un élément d’ornementation à part entière.19

Les historiens de l’art mettent en avant d’autres facteurs qui viennent éclairer la question de l’unité de l’art islamique. Tout d’abord, la structure politique des sociétés islamiques serait, selon Sophie Makariou, en partie à l’origine de la stabilité et de la longévité de la culture visuelle des sociétés islamisées. Contrairement à l’Europe occidentale médiévale où le pouvoir impérial et le pouvoir de l’Église se concurrencent, le pouvoir politique en terre d’Islam est monolithique. Pouvoir temporel et pouvoir spirituel sont détenus par un seul et même homme et bien que les centres de pouvoir vont se multiplier au cours du temps, aucun contre-pouvoir véritable ne cherchera sa légitimisation politique par la création d’œuvres d’art.20

Dès lors, on constate un fort conservatisme de ces sociétés dont la création artistique est de surcroît hermétique aux cultures extérieures, à l’exception des influences chinoises en matière de vaisselle de luxe notamment.21 En revanche, les échanges entre les différentes régions à l’intérieur de l’aire islamique sont abondants et dynamiques. Les récurrents « mouvements de balancier entre centres et périphéries » contribuent à expliquer l’évolution de l’histoire de l’art islamique.22

De plus, la mobilité des populations sous forme de véritables migrations saisonnières occasionnées par les pélerinages religieux annuels facilitent les échanges entre musulmans provenant de toutes les régions du monde islamique.23

14 Sophie Makariou, op. cit., p. 343 15 Ibid, p. 60

16 Carine Juvin, Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 64 17 Carine Juvin, op. cit., p. 64

18 Stéphane Yerasimos, Le grand atlas de l’art, Paris, 1993, p. 226

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Art figuratif, art non-figuratif

Pour Marianne Barrucand, l’invitation à la méfiance vis à vis de la représentation figurée contenue dans le Coran aurait d’une part rendu impossible le développement d’une « iconographie princière de propagande » et aurait d’autre part également proscrit toute iconographie religieuse.24 L’historienne évoque cependant des exceptions à cette règle, bien que Dieu lui même, qui, dans la tradition islamique ne s’est jamais incarné, n’a jamais été représenté et le Coran n’a jamais été illustré. En revanche d’autres textes religieux ont été mis en images. Un exemple de représentation figurative dans le domaine religieux peut se trouver dans la peinture de manuscrit au XVIe siècle. Le programme iconographique du Siyar-i Nabi (la vie du prophète) est initié par la commande du sultan ottoman Murad III (r. 1574-1595). Une des illustrations conservées au musée du Louvre représente l’archange Gabriel révélant à Muhammad la sourate VIII du Coran (annexe 3, figure 6). 25

La place de l’art figuratif varie selon les époques et les dynasties dominantes qui semblent interpréter les textes religieux différemment. Par exemple, on a retrouvé une sculpture de tête princière, grandeur nature, façonnée dans du stuc et qui était à l’origine polychromée (annexe 4, figure 7). La datation de cette œuvre correspond à la période pendant laquelle les dynasties turques seldjoukides dominaient le monde islamique oriental, entre le XIIe et le XIIIe siècle. D’après Delphine Miroudot, les dynasties d’origine turque n’hésitaient pas à mettre en scène la figure du souverain. Il n’en va pas de même avec les dynasties mongoles qui, au XIIIe siècle, vont brutalement succéder aux Seldjoukides et détruire la plupart des œuvres figuratives. Dès lors, l’art du stuc priviligiera les compositions végétales et épigraphiques.26

Un autre exemple qui révèlerait une autre interprétation des injonctions religieuses se manifeste dans l’art ottoman qui, selon l’historien Stéphane Yerasimos, se caractérise par un foisonnement d’œuvres architecturales monumentales. L’architecture imposante serait le moyen privilégié par les Ottomans pour servir leurs ambitions impériales dans un contexte où «  la religion proscrit toute sculpture figurative et toute représentation picturale humaine de grandes dimensions ».27

La figuration humaine, animale et mythologique est en revanche abondante dans le domaine profane des arts du textile, du métal et de la céramique comme en témoignent les œuvres conservées par le département de l’islam du musée du Louvre. Précisons que les édifices publiques (relevant du domaine profane ou religieux) tels que les madrasas ou les marchés ne sont jamais affublés de décors figuratifs. L’art figuratif se retrouve exclusivement dans le domaine privé (palais, pavillons

24 Marianne Barrucand, op. cit., p. 205

25 Charlotte Maury, Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 428 26 DM, Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 202

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de résidence).28 Certaines œuvres ont une fonction purement ornementale comme les bouches de fontaine retrouvées en Espagne, témoignage du raffinement de l’art palatial nasride (annexe 4, figure 8).29 Beaucoup d’œuvres figuratives ont cependant une fonction narrative ou poétique, à des fins de divertissement réservé à l’élite. L’Iran seldjoukide des XIIe et XIIIe siècles est le lieu privilégié du développement de ce nouvel intérêt pour les images narratives ou « décor historié » qui se déploie notamment sur des revêtements muraux en céramique (annexe 5, figure 9).30 Après les invasions et le règne mongols, dont l’art se caractérise par l’absence de représentation figurée, les images figuratives renaissent au XVIe siècle en Iran safavide. À cette époque, par exemple, l’évolution des techniques de tissage permet alors l’introduction de motifs animaliers et végétaux dans les tapis dont les compositions s’inspirent de récits littéraires célèbres (annexe 5, figure 10).31

La relation à Dieu se reflète dans le style islamique : nous l’avons vu, c’est un art très peu sou-vent figuratif dans l’ensemble mais surtout c’est un art non réaliste.32 Selon l’historienne Marianne Barrucand, il y a, dans les motifs végétaux par exemple, la volonté de ne jamais imiter la nature qui est une création divine. Les arabesques ont pour référent des éléments végétaux que l’on retrouve dans la nature et cependant elles sont une végétation totalement « artificielle » et qui « se déploie en obéissant à une trame géométrique précise ».33 L’art islamique se distingue de certaines autres formes d’art en ce qu’il ne cède jamais à « l’improvisation » et au « fugitif ». Il est toujours conscien-cieusement élaboré de façon à recréer une beauté parfaite qui « rend hommage » et « glorifie » la création divine. 34

28 Giovanni Curatola, op. cit., p. 16

29 <http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=col_frame> 30 Ibid

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III. LA GÉOMÉTRIE DANS L’ART ISLAMIQUE

Les aspects historiques, culturels et philosophiques

Dans son livre L’ornement : formes et fonctions dans l’art islamique, Oleg Grabar nous donne cette définition de l’ornement : « toute décoration qui n’a pas de référent en dehors de l’objet sur lequel elle se trouve, sauf dans des manuels techniques ».1 C’est selon lui l’une des « caractéristiques visuelles suffisamment fréquentes pour être jugées typiques de l’art islamique  ».2 En effet, bien que la religion musulmane ne soit pas à proprement dite iconoclaste ou aniconiste (le Coran ne contiendrait pas l’interdiction explicite de la représentation figurative que l’on retrouve cependant abondamment dans le domaine profane), la représentation figurative concrète de la divinité, considérée comme une régression à l’idolâtrie païenne, est tacitement proscrite, tout comme le culte des images en général.3 La calligraphie et l’ornementation, dévolues à la concentration de la prière, sont les formes d’art exclusives du domaine religieux.4 C’est au IXe siècle à Samarra, capital de la dynastie des Abbassides dans l’Irak actuelle, que l’on peut attribuer la fin du «  processus d’installation de l’art islamique » et l’avènement d’un « style musulman » affirmé qui se constitue notamment d’épigraphes, de géométrie et d’arabesques.5

Selon Oleg Grabar, ce qui est « ornemental » est ce « qui n’est pas dicté par le sujet lui-même et n’en modifie pas la qualité originelle ».6 Les qualificatifs « abstrait » et « stylisé » ne conviendraient pas à cette forme d’art et la vision très européanocentrique qui constitue à ne lui attribuer que la seule fonction d’embellissement serait très réductrice.7 Dans d’autres cultures, dont la culture arabe, l’ornement implique « une notion de complétude » et « l’achèvement réussi d’un acte ».8 Le philosophe Ruskin postule quant à lui que « l’ornement est reconnu et apprécié parce qu’il montre (ou peut montrer) le plaisir du travail  ».9 Aux considérations d’ordre esthétique s’ajoutent alors certaines d’ordre moral :

Dans la création ornementale prédominent les notions de travail investi, de coût et d’utilité […] notre perception des motifs ornementaux exige que la beauté et la moralité deviennent les principales – voire les seules – catégories d’analyse et de jugement.10

De manière plus générale, Oleg Grabar nous dit que l’ornement « touche aux fondements même de l’expérience visuelle, là où l’expérience n’est pas troublée par le goût, le snobisme,

1 Oleg Grabar, op. cit., p. 8 2 Oleg Grabar, op. cit., p. 13 3 Giovanni Curatola, op. cit., p. 13 4 Giovanni Curatola, op. cit., p. 19 5 Giovanni Curatola, op. cit., p. 67 6 Oleg Grabar, op. cit., p. 15 7 Oleg Grabar, op. cit., pp. 19 à 22 8 Oleg Grabar, op. cit., p. 23 9 Oleg Grabar, op. cit. p. 29 10 Ibid

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l’idéologie, les conventions sociales, [...] ».11

Ne se satisfaisant pas de « l’optique des grandes fonctions de l’ornement définies par Gombrich (encadrement, remplissage et liaison)  » pour lesquelles, il ne fait aucun doute, la géométrie est abondamment employée, Oleg Grabar est à la recherche d’un terme qui manquerait pour décrire « la fonction du motif géométrique qui serait une fin en soi et l’objet exclusif d’un plaisir ».12

Dans le cadre de sa théorie des intermédiaires dans l’art islamique (qui sont l’écriture, la géométrie, l’architecture et la Nature), Oleg Grabar considère la géométrie comme parfait intermédiaire dans la mesure où elle agit comme un « aimant », attirant notre attention « non sur elle-même mais sur d’autres lieux et d’autres fonctions qu’elle-même ».13 C’est le cas pour nombre d’objets du quotidien dont le plaisir de l’usage est augmenté par la qualité de leur ornemenation ou de certains murs ou portails de palais ou de mausolées dont la richesse des motifs fait entrevoir un passage entre deux mondes ou vers une vie éternelle.14

Plus rarement, certains motifs géométriques peuvent être des fins en soi, des objets de contemplation propre. Dans ce cas, la géométrie est semblable à l’écriture :

Elle aussi est un système de règles arbitraires qui renvoie à autre chose qu’elle même et qui peut, par une manipulation culturellement signifiante, conduire à la création d’œuvres d’art.15

L’aspect culturel lié à la période historique d’étude ne doit en aucun cas être écarté dans l’analyse. Certes la géométrie est « une taxinomie des formes, une liste d’éléments numériquement et algébriquement définissables, achroniques et culturellement neutres (des cercles, des carrés, des losanges, des polygones et des étoiles) » mais, pour en comprendre les fonctions, elle doit être replacée à « un moment de l’Histoire, synchroniquement et culturellement bien défini ».16

Cette démarche a permis d’élaborer une hypothèse quant à l’apparition du décor géométrique (mosaïques de sol, murales) dans le monde islamique. Cet événement remonte à la première moitié du VIIIe siècle, dans la vallée du Jourdain, où se trouve le « château du désert » umayyade Khirbat al-Mafdjar, l’un d’une série de monuments construits par la première dynastie islamique. L’adoption du «  mode géométrique  » pour décorer les vastes surfaces  de mur et de sol proviendrait de la seule technique pour laquelle la répétition des motifs soit un aspect fondamental : le tissage. Ces musulmans « formés en Arabie et habitués à vivre dans des espaces revêtus de soieries, de lin et de tapis » auraient voulu recréer une « esthétique textile ». S’ajouterait à la considération pratique de la décoration par la répétition de motifs, la recherche d’un effet bien précis. Cela ferait de la géométrie

11 Oleg Grabar, op. cit., p. 32 12 Oleg Grabar, op. cit., p. 72

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« un intermédiaire vers une autre technique, [...] manipulée vers un autre effet, l’esthétique textile ».17 La prise en compte de la matérialité comme unité géométrique de base se retrouva plus tard dans le brick style, en Iran. La brique, moyen de construction, devient un moyen de décoration (annexes 6 et 7, figures 11, 12 et 13).

C’est à partir du XIe siècle que la géométrie « élaborée » prend son essor selon Oleg Grabar. On retrouve dans les motifs géométriques trois dessins de base dont les formes et les clés numériques qui leur sont rattachées sont : le carré et la racine carré, l’hexagone et la racine de trois, le pentagone et le nombre d’or.18

Les textes de l’époque nous procurent les méthodes de réalisation de ces motifs mais ils ne donnent aucune indication claire quant à leur interprétation. Les différences de qualité observables auraient une signification sociale, témoignant d’un « investissement très différent dans la création et la formulation d’un message visuel ».19 Certaines formes géométriques pourraient encore être les témoins d’un état de la pensée mathématique à une époque donnée, comme un engouement pour la recherche sur les nombres irrationnels (nombre d’or). Elles seraient le reflet des connaissances théoriques des mathématiciens au terme de plusieurs siècles de développement particulièrement fructueux de la science et de la technologie islamique.20

Les caractéristiques techniques

Selon Owen Jones, théoricien de l’ornement de la première moitié du XIXe siècle, «  tout ornement doit reposer sur une construction géométrique  ».21 Il met en avant le rôle de la proportionalité dans toute composition ou «  assemblage de formes  », autant dans le domaine architectural que décoratif, qui se traduit par le fait que « le tout et chaque élément doivent être un multiple d’une unité simple ».22 Owen Jones fait ici référence à ce qu’Oleg Grabar appelle la géométrie implicite, « support silencieux, invisible » qui régit la composition des images. Cette géométrie ne renvoie pas à elle-même : elle sert à présenter un développement narratif, ornemental ou autre.23 Autrement dit la géométrie implicite sert de trame à la composition des images.

Par opposition, la géométrie régulière fait référence aux « ornements géométriques comme fin en soi » dont « l’objet (…) est avant tout une figure régulière créant un motif « régulier ».24 25 Oleg Grabar précise que bien que « ces figures, probablement infinies dans leurs variantes », elle sont néanmoins « générées par un nombre limité de types fondamentaux ».26 Il existe une typologie des

17 Ibid, pp. 78 à 80 18 Oleg Grabar, op. cit., p.82 19 Ibid 20 Ibid 21 Ibid, p. 73 22 Ibid 23 Ibid 24 Ibid, p. 78 25 Ibid, p. 76 26 Ibid

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figures fondamentales qui permettent de construire les innombrables motifs étoilés que l’on retrouve dans la plupart des ornementations géomériques islamiques. Eric Broug détermine ainsi trois types d’étoiles (annexe 7, figure 14).27 Le point de départ de tout motif est un cercle parfait. La première famille de motifs (A) se décline à partir de quatre cercles secondaires entrelacés entourant le cercle primaire. Les motifs de la deuxième famille (B) se construisent à partir de cinq cercles secondaires et ceux de la troisième famille (C) se construisent à partir de six cercles secondaires. Le nombre de formes générées autour de l’étoile centrale sont des multiples de 4 (famille A), de 5 (famille B) et de 6 (famille C). Elles s’inscrivent respectivement dans un carré, un pentagone et un hexagone.28

Les entrelacs géométriques et les arabesques végétales sont les deux procédés ornementaux les plus emblématiques de l’art islamique.29 Dans les enluminures, les entrelacs se forment en dédoublant les lignes qui dessinent les polygones. On obtient une composition géométrique à deux dimensions : un premier plan avec le réseau de rubans entrecroisés et un deuxième avec les polygones dessinés en creux par ces rubans (annexe 60, figures 115 et 116). On peut se demander si ces entrelacs géométriques, que l’on retrouve sous forme de dessin dans les enluminures, n’auraient pas pour origine les contraintes techniques propres à d’autres matériaux utilisés dans l’art islamique. Par exemple, la technique de revêtement en céramique appelée cuenca o arista consiste, non pas à découper puis assembler les carreaux du décor, mais à remplir de différentes glaçures les champs dessinés par de fines bandes d’argile (annexe 25, figure 54).30 En d’autres termes, on fabrique d’abord les contours en reflief qui sont comme des rubans d’argile, avant de remplir les espaces laissés vides, qui forment des polygones. Les techniques développées dans le travail du bois provoquent la même esthétique d’entrelacs. Le fragment de joue de meuble conservé au musée du Louvre en est un parfait exemple (annexe 27, figure 58). Les fines baguettes de bois sont assemblées en entrelacs qui forment des espaces vides polygonaux comblés par les éléments sculptés dans l’ivoire.

Si les entrelacs géométriques se forment à partir de lignes droites, les arabesques, en revanche, se construisent à partir de lignes courbes. Les arabesques déploient des motifs végétaux stylisés qui ont souvent pour fonction de combler les vides d’une composition, de remplir totalement l’espace. On retrouve souvent ce couple entrelacs / arabesques qui se complète : les entrelacs géométriques structurent la composition pendant que les arabesques végétales en remplissent tous les champs laissés libres.31 Ces procédés d’ornementation se retrouvent sur de nombreux supports : les enluminures (annexe 32, figure 70), le bois et l’ivoire (annexe 18, figures 36 et 38), la céramique sculptée (annexe 20, figure 41), la céramique peinte (annexe 20, figure 42). Les arabesques accompagnent parfois des éléments figuratifs. Elles s’épanouissent à l’arrière-plan, comme le décor 27 Eric Broug, L’art des motifs islamiques : mode d’emploi, Paris, 2015, p. 9

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intemporel de la scène représentée (annexe 16, figures 32 et 33 ; annexe 5, figure 10).

Le pavage est un procédé très utilisé dans l’art islamique. Il s’agit de remplir un espace en deux dimensions sans laisser de vide. Pour réaliser un pavage on utilise les quatre opérations qui génèrent la répétition et permettent la création de nombreux motifs. Ces opérations géométriques sont la translation, la rotation, l’image en miroir (symétrie axiale et centrale) et l’image en miroir glissée (déplacement d’une unité sur une même ligne).32 Les techniques permettant la réalisation de motifs géométriques dans l’art islamique ont évolué au cours des siècles. Avant le XIe siècle, elles se reposent essentiellement sur « la géométrie de la règle et du compas » héritée notamment des Éléments d’Euclide.33 Au IXe siècle, un mathématicien arabe invente l’algèbre. Plus tard apparaissent les premiers ouvrages consacrés aux «  constructions géométriques applicables aux arts  » qui proposent des règles de construction combinant algèbre et géométrie. Cela permet d’enrichir les procédés de construction et les possibilité de motifs en proposant notamment de nouveaux instruments mais aussi des règles pour construire des figures plus complexes sur un plan, dans l’espace et sur des sphères.34

On constate à partir du XIe siècle une complexification des motifs générée par l’emploi d’étoiles à huit et seize pointes. L’utilisation de gabarits en plus du compas devient alors nécessaire à la reproduction de figures toujours plus complexes.35 Le développement de ce vocabulaire visuel donne naissance à une «  nomenclature imagée  » qui évolue «  en fonction des lieux du monde islamique et des époques » et permet la transmission aussi bien orale qu’écrite de ce savoir-faire.36 On connaît notamment, pour le XIIe siècle, le terme lawz qui fait référence à l’amande ou losange irrégulier ; le badam pour le losange régulier ; le muhr pour le motif formé par l’étoile à six pointes cerné de six amandes rayonnantes.37

32 Oleg Grabar, op. cit., p. 76 33 Sophie Makariou, op. cit., p. 220 34 Ibid, p. 221

35 Ibid 36 Ibid 37 Ibid

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IV. UNE CHRONOLOGIE, UNE GÉOGRAPHIE, DES ŒUVRES

Du VII

e

au XI

e

siècle (632 à 1000) : De la fondation à l’Empire

Carte 1 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

622 : Hégire de Muhammad de la Mecque à Médine 632 : Mort de Muhammad

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Carte 2 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Umayyades

,

en Syrie

657 - 750

Architecture Objet Ornementation

Grande mosquée des Umayyades

(annexe 8, figure 15)

Coupelle ou couvercle à décor d’écailles et son revers (annexe 8, figures 16 et 17)

Mosaïques de la grande mosquée des Umayyades (annexe 9, figures 18)

La dynastie des Umayyades

,

en An-andalus, Espagne actuelle

756 - 1031

Architecture Objet

Grande Mosquée de Cordoue (annexe 9, figure 19)

Pyxide d’al-Mughira (annexe 10, figure 20)

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Carte 3 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Abbassides

,

en Irak actuelle

750-1256

Architecture Objet Ornementation

Mosquée d’al-Mutawakkil (annexe 10, figures 21)

Plat au porte-étendard (annexe 11, figures 22 et 23)

Fragment de panneau en stuc

(annexe 14, figure 28)

La dynastie des Fatimides

,

en Égypte

909-1117

Architecture Objet Ornementation

Mosquée al-Azhar (annexe 15, figure 30)

Aiguière à décor d’oiseaux affrontés ; inscription coufique (annexe 15, figure 31) 1- Plaque décorative (annexe 16, figure 32) 2- Fragment de panneau (annexe 16, figure 33)

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Analyse d’œuvre n°1

Plat au porte-étendard (annexe 11, figures 22 et 23) Provenance : Irak

Datation : Xe siècle Matières et techniques :

Pâte argileuse, décor de lustre métallique monochrome sur glaçure blanche Dimensions : H. 9,8 cm ; D. ouverture 31,7 cm ; D. base 12,6 cm

Lieu de conservation : musée du Louvre Analyse de l’œuvre

Ce plat (annexe 11, figures 22 et 23), par sa silhouette, est typique de la production céra-mique du Xe siècle. De base circulaire (12,6 cm), ses parois sont très évasées (diamètre d’ouverture : 21,7 cm) et ses bord éversés (figure 23), ce qui constitue une évolution par rapport aux plats fabri-qués un siècle plus tôt dont les parois étaient plus renflées et les bords plus tombants (annexe 12, figure 25).1

Cet objet est une faïence, c’est à dire une céramique argileuse recouverte d’une glaçure opaci-fiée à l’étain.2 Elle a en outre la caractéristique d’être dotée d’un décor de lustre métallique. La tech-nique de la faïence (du nom de la ville italienne Faenza) qui permet d’obtenir une glaçure blanche (annexe 12, figure 24), a été inventée par des potiers de l’ère abbasside dès le VIIIe siècle.3 La raison pour laquelle cette technique se développe dans cette région irano-irakienne proviendrait d’une part des recherches technologiques menées par les cultures locales pré-existantes à l’islam (parthe et sassanide). De plus, les efforts des artisans pour obtenir de la céramique blanche s’expliquerait par l’attrait des populations pour la blancheur de la porcelaine chinoise. En effet, les fouilles archéolo-giques ont démontré que de grandes quantités de porcelaines chinoises étaient exportées dans les régions du pourtour du Golfe persique.4 Le désir d’inspiration des arts chinois se retrouve par ailleurs dans d’autres expressions artistiques islamiques telles que certains motifs végétaux comme la fleur de lotus par exemple.5

La substance de la glaçure est obtenue à partir de silice (sable ou galet pilé) et s’apparente au verre. On en recouvre la pâte argileuse mise en forme qui est ensuite cuite avec cette glaçure à très haute température, ce qui a pour effet d’imperméabiliser la céramique.6 On peut observer l’aspect

1 Rocco Rante, Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 105 2 Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 515 (glossaire)

3 Rocco Rante et Sophie Makariou, Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 72 4 Giovanni Curatola, op. cit., p. 82

5 Gwenaëlle Fellinger et Charlotte Maury, Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 229 6 Les arts de l’islam au musée du Louvre, Paris, 2012, p. 516 (glossaire)

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vitrifié donnée par la glaçure sur le plat que nous étudions. Les reflets de lumière sont d’autant plus forts que la surface de l’objet a reçu un traitement supplémentaire : le décor de lustre métallique.

Le décor de lustre métallique sur céramique est une technique décorative qui apparaît en Irak au IXe siècle. Elle est déjà utilisée sur les objets en verre depuis l’époque pré-islamique en Égypte.7 Cette technique consiste à peindre un décor sur la glaçure opaque de l’objet préalablement cuit en utilisant un mélange à base de composés métalliques oxydés, de souffre et de vinaigre. Ce der-nier est nécessaire pour rendre le mélange homogène et pour pouvoir l’appliquer au pinceau.8 Les oxydes métalliques les plus utilisés sont l’argent et le cuivre qui donnent des couleurs ocre rouge et jaune.9 Une fois le décor peint, l’objet est à nouveau cuit mais cette fois à plus basse température et dans une atmosphère pauvre en oxygène ; c’est une cuisson réductrice. Afin de priver l’atmosphère du four de son oxygène, on y introduit en cours de cuisson des matériaux fumigènes comme de l’herbe ou des poils d’animaux.10 La réaction chimique qui se produit dans ces conditions permet aux oxydes métalliques de pénétrer dans la glaçure.11 Ainsi les particules brillantes du métal sont conser-vées alors qu’une cuisson oxydante les aurait rendues mates. L’aspect métallique des décors n’est pas très visible sur les photographies de notre objet car les coloris varient selon « l’angle d’incidence de la lumière ».12

Les bords de l’intérieur de la coupe sont décorés d’un feston continu. Les décors sur les parois extérieures de la coupe sont constitués de motifs circulaires, probablement la marque de l’atelier de fabrication.13 Daté du Xe siècle, ce plat est peint en monochrome alors qu’avant le Xe siècle, les décors de lustre métalliques étaient principalement polychromes (annexe 13, figures 26 et 27). Ce change-ment de gamme chromatique a provoqué une transformation stylistique des décors. Avec les coloris polychromes, le décor est davantage « morcelé » et abstrait, et les effets jouent sur les variations de tonalités.14 La monochromie s’accompagne d’un retour à des dessins figuratifs encore fortement sty-lisés et au motif unique monumental. Comme l’illustre ici le plat au porte-étendard, le sujet du décor est central et occupe la quasi totalité de la surface.

Ce décor intérieur est composé de deux plans : au premier plan se tient un personnage qui porte un grand étendard de forme triangulaire dont le tissu flotte au-dessus de lui. À gauche du per-sonnage ont été représentées deux palmettes dont une pointe vers le haut. À droite du perper-sonnage se trouve un paon, symbole de la beauté, représenté de profil. Tous les éléments de ce plan ont été peints en aplats de couleur, à l’exception du visage et des deux inscriptions figurant sur l’étendard.

7 Rocco Rante et Sophie Makariou, op. cit., p. 72 8 Giovanni Curatola, op. cit., p.84

9 Ibid 10 Ibid

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L’arrière-plan est figuré par un petit motif triangulaire répétitif contenu dans des lignes fermées et courbes. Ces plages de motifs viennent remplir la surface non occupée par les éléments pleins du premier plan et permet ainsi de mettre en valeur les éléments figuratifs. La limitation que constitue la monochromie est ici surpassée par le jeu sur les textures (aplats et motifs).

Le personnage central est un homme debout représenté de face. Son visage se caractérise par un long nez aux narines proéminentes qui cache probablement une bouche que l’on ne voit pas. Ses yeux sont ronds et ses sourcils droits. Ce type de visage se retrouve sur d’autres coupes fabriquées à la même époque et ce type de représentation frontale ainsi que le type de vêtement (manteau se fermant sur le devant) évoque des influences de la culture iranienne sassanide pré-isla-mique.15

Le sujet de ce décor est une figure martiale, celle d’un homme probablement important qui brandit un étendard, incarnation de la légitimité politique et affirmation du pouvoir califal. La référence au renversement du califat umayyade par les Abbassides en 750 est évidente, d’autant plus que la bannière de l’armée umayyade est blanche et que celle des Abbassides est noire.16 Cela explique d’ailleurs le choix du peintre de réserver la couleur - le sombre - aux éléments du premier plan (manteau et étandard) et l’absence de couleur (qui ici a pour effet d’éclaircir) à l’arrière-plan. L’inscription figurant sur l’étendard n’a pas pu être déchiffrée.17

Intérêts pédagogiques de l’œuvre

Cette œuvre présente deux intérêts majeurs du point de vue de la démarche de création artisitique. Sa présentation à des élèves dans le cadre de l’enseignement en arts visuels pourra faire émerger deux questionnements, lié à deux contraintes.

Premièrement, la contrainte du support : il s’agit d’un objet en volume dont les parois sont renflées, non planes. Le décor a donc été peint à main levée. Un indice supplémentaire qui converge vers cette hypothèse est l’abondance des lignes courbes. En outre, la présence du motif répétitif triangulaire témoigne d’une utilisation d’une forme géométrique sans instrument de tracé et de mesure.

Deuxièmement, la contrainte de la couleur : la monochromie a déterminé le type et la com-position du décor. Cette contrainte chromatique amène l’artiste à utiliser les contrastes (ombres et lumières) ainsi que le motif répétitif qui crée une « texture ». Ces procédés permettent de distinguer, en n’utilisant qu’une seule couleur, les différents éléments qui composent l’image. Les élèves auront pu, lors de séquences précédentes, explorer d’autres caractéristiques de la peinture monochrome comme l’utilisation de différents outils pour créer différentes textures ou la modulation de la satura-15 Rocco Rante, op. cit., p.105

16 Ibid 17 Ibid

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tion et de la quantité de la matière picturale.

On pourra également mettre en évidence le fait que ce décor utilise à la fois un répertoire figuratif et non-figuratif. Enfin le choix du triangle comme motif ou texture d’arrière-plan peut s’in-terpréter de façon symbolique. Le triangle, dont l’un des sommets est orienté vers le haut, évoque la pyramide et représente la hiérarchie. La pointe du sommet ainsi orientée évoque le tranchant, la violence et la mort. L’étendard est également de forme triangulaire. L’entrée par l’interprétation de cette forme géométrique permet de parler du sens de cette image martiale.

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Analyse d’œuvre n°2

Fragment de panneau (annexe 14, figure 28) Provenance : Samarra, Irak

Datation : IXe siècle

Matières et techniques : stuc moulé

Dimensions : H. 130 cm ; L. 77 cm ; ép. 10 cm

Lieu de conservation : Museum für islamische Kunst (Berlin, Allemagne) Analyse de l’œuvre

Ce panneau décoratif en stuc (annexe 14, figure 28) a été découvert à Samarra, en Irak ac-tuelle. Cette ville est fondée en 836 par le califat abbasside pour servir de nouveau centre du pou-voir, éloigné de Bagdad, capitale historique fondée en 762.

Samarra s’étend sur cinquante kilomètres le long du tigre et son noyau central est le com-plexe palatiale du Dar al-Khalifa, dont le vantail de porte conservé au musée du Louvre (annexe 14, figure 29) est issu.1 Le panneau en stuc à l’étude n’est qu’un exemple parmi la multitude de frag-ments similaires retrouvés sur le site et qui servaient à revêtir les murs des palais et maisons privées de Samarra.2

Le stuc est une matière sculpturale utilisée depuis l’Antiquité. Selon la définition donnée par le centre national de ressources textuelles et lexicales (CRNTL), le stuc est :

Un enduit composé de marbre blanc pulvérisé, de chaux éteinte et de craie gâchés dans l’eau, ou de plâtre très fin dissous dans une colle forte, pouvant prendre les nuances colorées de divers marbres, acquérant une grande dureté et un beau poli.

L’utilisation abondante de ce matériau pourrait s’expliquer par la rareté du bois et de la pierre qui doivent être importés dans la région. Par conséquent il est moins onéreux et plus rapide de produire l’ornement architectural en stuc.3 De plus, la sculpture en stuc permet d’obtenir un rendu proche de la sculpture sur marbre, matière noble.

Le stuc peut être moulé dans une matrice en bois ou sculpté à même la surface enduite. À Samarra, la technique qui s’impose est le moulage et un nouveau style esthétique apparaît.4 Les motifs et les reliefs semblent avoir été obtenus par une taille en biseau du moule. La taille oblique 1 Rocco Rante, op. cit., p. 85

2 Site du Museum fur islamische... 3 Ibid.

4 <http://www.museeduplatre.fr/fichiers_site/a4444ass/contenu_pages/Articles%20du%20musee/Le%20decor%20de%20stuc%20dans%20 l’art%20islamique.pdf>

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devient une spécificité décorative de la sculpture ornementale abbasside qui a pour effet d’obtenir des motifs très stylisés.5 On retrouve les mêmes types de motifs en biseau sur le vantail de porte conservé au musée du Louvre (annexe 14, figure 29) ainsi que sur l’ensemble des panneaux en stucs retrouvés à Samarra. L’unicité du vocabulaire visuel utilisé témoigne d’une grande cohérence graphique. Sur la partie droite du panneau on retrouve des motifs végétaux récurrent tels que des rosettes, palmettes, bourgeons et feuilles. La géométrie est, elle, davantage « implicite » c’est à dire utilisée comme moyen de structurer la composition comme la définit Oleg Grabar (cf. La géométrie dans l’art islamique, page 13). Sur ce panneau, la géométrie se retrouve dans les encadrements rec-tangulaires et les frises de motifs générées par la répétition. Le véritable corps de ces compositions ornementales - partie du décor vers laquelle l’oeil est immédiatement attiré - est constitué des motifs végétaux. Cependant, ce corps végétal est lui-même régit par les opérations géométriques de la répétition et de la translation, voire de la symétrie. Si l’on observe bien la partie droite de ce pan-neau on peut identifier une structure en quinconce. Les éléments végétaux qui jaillissent des vases s’imbriquent dans le vase supérieur : la forme de la feuille supérieure du bouquet a la forme du vase au-dessus, et la forme du contour des vases épouse la forme des feuilles adjacentes. D’un point de vue pédagogique, l’identification de cette strucure échelonnée pourrait se faire en isolant le motif répété par exemple, ou en traçant la structure sous forme d’un quadrillage directement sur l’image. Cette activité amènerait les élèves à observer et décrypter la composition de manière approfondie car elle est particulièrement dense et complexe.

La composition ne semble pas avoir de limite sur l’axe latéral : à gauche, le motif est coupé sur son axe de symétrie verticale, comme pour signifier que la frise aurait pu continuer de se déployer si la cadre rectangulaire ne l’avait pas arrêtée. En revanche, la frise est limitée sur l’axe vertical : la composition a un début dans la partie inférieure, et une fin dans la partie supérieure. Ces limites sont représentées, ou signifiées, par des formes différentes des motifs initiaux. Par exemple, il semble évident que les feuilles des bouquets dans la partie supérieure ne s’enchevètrent pas dans un vase.

La géométrie « régulière » est, dans une certaine mesure, présente également. La frise qui encadre la partie de droite est composée d’alignements de demi-sphères évidées ou percées en leur centre. Le même type d’ « yeux » se retrouve également dans les espaces entre les cadres rectan-gulaires. Il est possible de soulever ici la question de la frontière entre figuration et abstraction. La reconnaissance de référents aux formes végétales représentées, donc d’une représentation figura-tive, n’est pas évidente. Les éléments qui composent cette frise demandent un décryptage attentif, d’autant plus que la couleur n’est aujourd’hui plus visible. La volonté de fortement styliser la nature, le réel, est présente dans cette culture islamique dont l’art se définit notamment par la volonté de

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glorifier l’œuvre de Dieu, et non de l’imiter. Le matériau et l’outil ont de surcroît accentué la défor-mation du réel prétendument représenté. Enfin la mise en scène géométrique de ces éléments vé-gétaux parachève l’artificialité de ce décor végétal.

La dimension historique et culturelle des formes et représentations pourra être ainsi dis-cutée avec les élèves : avec leur regard et leur culture de Français du début du XXIe siècle, sont-ils capables de reconnaître aisément des vases, des bourgeons et des feuilles sur cette frise ? On pourra également évoquer ces demi-sphères percées en leur centre qui peuvent faire penser à des yeux. Quelle interprétation en avoir ? Les mêmes demi-sphères qui apparaissent dans le décor végétal de la frise, représentent-elles des bourgeons uniquement ? Ne voit-on pas apparaître des visages ?

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Du XIe au milieu du XIIIe siècle (1000 à 1250) : Rupture et recomposition du monde islamique

Carte 4 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

Les dynasties berbères (Almoravides et Almohades)

,

en Afrique du Nord et en

Espagne, 1090 - 1289

Architecture Objet Ornementation

1- Djamaa el-Kebir (annexe 17, figure 34) 2- Giralda

(annexe 17, figure 35)

Éléments de décor d’un minbar (annexe 18, figure 36)

Minbar (motifs)

(annexe 18, figures 37 et 38)

Les dynasties turques (Seldjuqides, Ghaznavides et Ghurides)

,

en Iran, Asie centrale,

Anatolie et Inde, milieu XIe siècle - début XIVe siècle

Architecture Objet Ornementation

Masjed-e Jāme’ d’Ispahan

(annexe 19, figure 39)

1- Chandelier aux canards et aux félins (annexe 19, figure 40)

2- Aiguière à tête de coq

Éléments de revêtement (annexe 20, figure 42)

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Analyse d’œuvre n°3

Éléments de revêtement (annexe 20, figure 42) Provenance : Konya, Turquie

Datation : fin XIIe début XIIIe siècle Matières et techniques :

Céramique silicieuse à décor peint et doré sur glaçure Dimensions :

Étoile : L. 12,3 cm, ép. 1,5 cm Polygones : L. 6,3 cm

Losanges : L. 9,5 cm

Lieu de conservation : musée du Louvre Contexte

Ces éléments de revêtement en céramique (annexe 20, figure 42) faisaient partie à l’origine du décor architectural du kiosque de Kiilij Arslan II à Konya. Cette ville, située sur le plateau ana-tolien, fut la capitale des Seldjuqides de Rum au XIIe siècle. Le kiosque, effondré en 1907, était le dernier vestige d’un vaste complexe architectural comprenant grandes mosquées, mausolées et palais.1

Description et analyse

Ces éléments décoratifs - qui sont des polygones - sont au nombre de treize : au centre se trouve une étoile à six branches ; puis la première couronne autour de l’étoile centrale est composée de six losanges irréguliers, aussi appelés lawz. Enfin, la troisième et dernière couronne est constituée de six losanges réguliers. L’assemblage forme un hexagone régulier. La première étape d’un travail avec les élèves consisterait à identifier ces polygones. Il serait également important de se rendre compte de l’échelle. Ces éléments sont de petite taille, ce qui témoigne d’un travail minutieux de la part des artistes ou artisans qui ont découpé la céramique et peint les décors (dont les détails sont d’une grande précision). Ces petits éléments finement ornés nous font l’effet d’être de précieux bi-joux. On pourra, avec les élèves, associer cette œuvre à l’art de riches élites.

Étant isolés du manteau décoratif auquel ils appartenaient, ces éléments assemblés forment un décor rayonnant, c’est à dire structuré autour d’un centre, l’étoile à six branches. Cependant, il faut les imaginer intégrés à une composition plus large, probablement non rayonnante : cet hexa-1 Carine Juvin. op. cit., p. 172

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gone composite a probablement été reproduit à l’identique en plusieurs exemplaires. Les hexago-nes ont ensuite été juxtaposés. Il ne s’agit donc pas seulement de déployer un décor à partir d’une figure centrale mais aussi de reproduire et déplacer une même figure par translation. La composition du décor se réalise donc en deux étapes.

Avec les élèves, il conviendrait de réaliser un travail de comparaison pour distinguer une composition rayonnante (annexe 21, figure 44) d’une composition générée par la répétition et la translation (annexe 14, figure 28 ; annexe 35, figure 77). L’étape suivante consisterait à identifier et à isoler dans un décor les éléments structurés autour d’un centre (annexe 25, figure 53).

Les polygones qui composent le grand hexagone sont espacés ; un élément semble avoir dis-paru. Il s’agit du mortier qui scellait ces éléments entre eux et à leur support. On peut, en observant la photographie, grâce aux ombres portées des objets sur le fond gris, se rendre compte que ces éléments sont biseautés sur leur face cachée. C’est une caractéristique qui témoigne de l’utilisation de la technique de la mosaïque de céramique qui se développe en Anatolie au XIIIe siècle.2 La forme en biseau permet à l’élément en céramique de s’implanter solidement dans le mortier, comme une racine de dent.

La formulation d’hypothèses par les élèves sur la raison d’un espacement entre les différents polygones de céramique ainsi que sur leur présentation / disposition sur la photographie (sont-ils disposés sur un support vertical ou horizontal ?) pourra permettre de faire émerger la nécessité de l’utilisation d’une « colle », d’un mortier, afin d’assembler ces éléments et obtenir un revêtement.

Cette œuvre témoigne d’une part de la place importante qu’occupe la figuration dans l’art islamique et d’autre part de la diversité des registres d’ornementation. Sur l’étoile centrale est repré-senté un personnage assis, richement vêtu et entouré d’éléments végétaux, vraisemblablement des fleurs. Des animaux fanstastiques tels que des sphinx et des griffons sont représentés sur d’autres éléments appartenant au même décor.3 La figuration à l’époque des dynasties turques en Iran et en Anatolie est en effet abondamment utilisée dans l’art palatial. Ensuite, le répertoire décoratif le plus saillant est bien sûr le répertoire géométrique puisque la matière elle-même est sculptée en poly-gones. Les douze losanges rayonnants sont eux décorés d’éléments abstraits dont des arabesques végétales.

La riche polychromie du décor est une autre caractéristique importante de cette œuvre. La glaçure de l’étoile centrale est blanche et ses éléments de décor vont du vert au rouge en passant par le bleu. Les lawz sont turquoise, leur décor jaune et ocre entre autres. Enfin les losanges sont bleus cobalt et leur décor blanc, ocre et jaune. La technique utilisée est appelée « haft rang », ce qui signifie « sept couleurs » en persan. Elle apparaît en Iran au XIIe siècle et permet de diversifier la palette

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chro-matique des glaçures de céramiques. Une première cuisson permet de fixer les couleurs obtenues avec les oxydes les moins fragiles ; les couleurs de « grand feu ». Une seconde cuisson, à plus basse température, dite « de petit feu », permet de fixer les oxydes les plus fragiles.4

Le bleu est une couleur privilégiée dans l’art islamique, comme en témoigne un bon nombre d’œuvres que les élèves vont rencontrer. Les bleus turquoise et cobalt sont fréquemment employés à différentes époques, dans différentes régions et sur différents supports. Ici, ils sont juxtaposés ; cette proximité peut créer un sentiment de disharmonie pour un regard habitué à des associations de couleurs complémentaires par exemple. Tout d’abord, deux bleus côte à côte générent très peu de contraste. Ensuite, le turquoise contient beaucoup de jaune, alors que le cobalt contient du rouge, ce qui en fait deux bleus fondamentalement différents.

Le procédé qui permet de mettre en valeur un élément pourra être identifié avec les élèves : ici c’est l’étoile blanche centrale qui profite du faible contraste des bleus. Dans une moindre mesure le bleu turquoise est valorisé car il est plus lumineux que le cobalt. En somme, nous pouvons distin-guer trois plans et un effet de profondeur créé par le choix des couleurs.

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Du XIe au milieu du XIIIe siècle (1000 à 1250) : Rupture et recomposition du monde islamique

Carte 5 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Ayyubides

,

en Égypte et en Syrie

1169-1260

Architecture Objet Ornementation

Madrasa al-Chamiyya (annexe 21, figure 43)

Coupe à la fleur éclatée (annexe 21, figure 44)

Bassin au nom du sultan al-’Adil II (annexe 22, figure 45)

Les Nasrides

,

en Espagne

1237-1492

Architecture Objet Ornementation

l’Alhambra

(annexe 22, figures 46 et 47)

Écritoire

(annexe 23, figure 48)

Panneau de tissu à motifs géométriques

(31)

Le style mudéjar,

en Espagne Début XIIe siècle - XVIe siècle

L’art mudéjar est l’art des musulmans restés dans le Péninsule Ibérique pendant et après les reconquètes chrétiennes - la «Reconquista» - jusqu’à la Contre-Réforme et l’Inquisition au XVIe siècle.1

Conquête de Cordoue : 1236 ; Conquête de Séville : 1248 ; Conquête de Grenade : 1492

Architecture Objet Ornementation

L’Alcázar de Séville

(annexe 24, figures 50 et 51)

Porte de sacristie à réseau étoilé (annexe 24, figure 52) Revêtement mural en décor d’azulejos (annexe 25, figure 53) Détail du décor d’azulejos (annexe 25, figure 54) 1 http://www.discoverislamicart.org/dynasty.php?id=17&, consulté le 08/10/2018

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Du milieu du XIIIe siècle au début du XVIe siècle (1250 à 1500) : Le deuxième souffle de l’islam

Carte 6 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Mamelouks

,

en Syrie, Égypte et Péninsule Arabique

1250 - 1517

Architecture Objet Ornementation

Complexe du sultan al-Mansour Qalawun

(annexe 26, figures 55 et 56)

Bouteille de Tuguz Timur (annexe 27, figure 57)

Fragment d’une joue de meuble (annexe 27, figure 58)

Les Mongols

,

en Iran, Irak, Asie centrale et Anatolie

1258 - 1330

Architecture Objet Ornementation

Mausolée de Shaykh ‘Abd al-Samad (annexe 28, figure 59)

Boîte en forme de mausolée (annexe 28, figure 60)

Muqarnas

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Carte 7 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Timourides

, en Iran, Irak et Asie centrale

1370 - XVe siècle

Architecture Objet Ornementation

Sanctuaire d’Ahmad Yasavi (annexe 29, figure 62)

Eléments d’un flambeau (annexe 27, figure 63)

Carreau de revêtement architectural à décor moulé (annexe 30, figure 64)

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Du début du XVI

e

s. à la fin du XVIII

e

s. (1500 à 1800), Les trois empires modernes de

l’islam

Carte 8 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Safavides,

en Iran

1501-1736

Architecture Objet Ornementation

Palais d’Ali Qapu (annexe 31, figure 65)

Casque

(annexe 31, figure 66)

Tapis à figures (annexe 31, figure 67)

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Carte 9 - carte extraite du site

http://www.sciencespo.fr/cartographie/les-arts-de-lislam-au-musee-du-louvre/ (consulté le 10/01/2018)

La dynastie des Ottomans,

en Anatolie, Proche-Orient, Égypte et Maghreb oriental

fin XIIIe siècle - 1924

Architecture Objet Ornementation

Mosquée Selimiye (annexe 32, figure 68) 1- Coran et sa reliure (annexe 32, figures 69 et 70) 2- Moucharabieh (annexe 33, figure 71)

1- Les carreaux ottomans (annexe 34, figure 73) 2- Bouteille à décor floral (annexe 33, figure 72)

Les dynasties Mogholes,

sous continent indien

1526 - XVIIe siècle

Architecture Objet Ornementation

Le Taj Mahal (mausolée) (annexe 34, figure 74)

Boîte à couvercle (annexe 35, figure 75)

1- Tenture à décor de treillis floral (annexe 35, figure 76)

2- Jali à décor d’octogones et d’étoiles (annexe 35, figure 77)

Références

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