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L’importance de l’entretien motivationnel chez un patient en difficulté avec l’alcool

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Academic year: 2022

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(1)

HOARAU Karine

Conseillère en ESF à la SEMAC DU addictologie

L’importance de l’entretien motivationnel chez un patient

en difficulté avec l’alcool

Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme Universitaire en Addictologie

Université de la Réunion

Année 2012

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SOMMAIRE

Introduction p 1

Présentation du Service d’addictologie du CHU Félix Guyon p 3 I. Comment est-on passé de l’alcoologie à l’addictologie ? p 3

II. Le sevrage p 4

III. Mon expérience au sein du service d’addictologie p 5 1ère partie : Présentation clinique du cas de Monsieur B

I. Histoire familiale p 7

1.1 Qu’est-ce que le génogramme ? p 7

1.2 Qu’est-il important d’y faire figurer ? p 8 1.3 Quels sont les apports du génogramme ? p 8

II. Contexte familial p 10

2.1 Scolarité, adolescence, début d’alcoolisation p 11

2.2 Ecosystème de la conduite addictive p 12

2.3 Vie maritale/ abstinence puis rechute p 13

2.4 Parcours lié au logement p 14

2.5 Nouvelle situation conjugale p 14

III. L’alcool et ses propriétés p 15

IV. Dépendance associée au tabac p 15

V. Evolution de sa conduite d’alcoolisation p 16 VI. Qu’est-ce que l’alcoolo-dépendance ? p 19 VII. Existence d’une comorbidité psychiatrique p 20

7.1 Dépression et statistiques p 20

7.2 Qu’est-ce que la dépression ? p 20

7.3 Dépression et tentatives de suicide p 21

(3)

2ème partie : Prise en charge, alliance thérapeutique, entretien motivationnel

I. La prise en charge p 25

II. L’alliance thérapeutique p 25

III. Comment optimiser le changement ? p 25

3.1 Concept de l’entretien motivationnel p 26

3.2 Concept de l’ambivalence p 26

3.3 Les stades de préparation au changement p 27

3.4 L’entretien motivationnel p 29

Conclusion p 30

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1

« Nous sommes à l’automne, dans le Sud-Est asiatique, voilà quelques milliers d’années. De la vigne pousse à l’état sauvage. Les grappes de raisins bien mûrs se détachent de la vigne et tombent sur le sol. Plusieurs jours plus tard, des Homos sapiens affamés passent par là et mangent les fruits qui pourrissent sur le sol. Ils constatent que le jus un peu piquant de ce raisin trop mûr a d’étonnantes propriétés euphorisantes que n’avait pas le jus de fruit frais….La fermentation alcoolique venait d’être découverte et avec elle, commençait l’histoire de l’alcool.1 »

L’histoire des addictions est sans doute à peu de choses près aussi vieille que celle de l’humanité.

L’alcool a dans cette histoire la place la plus importante pour des raisons culturelles évidentes.

L’usage sacré et religieux du vin en est un exemple puisqu’il est utilisé pendant l’eucharistie dans la religion chrétienne. Il est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromages et sa culture.

Celui qui va nous intéresser est l’alcool éthylique (ou éthanol) connu depuis plus de 4 000 ans.

Cette substance bien que licite est addictive, psychotrope et toxique pour l’organisme.

L’alcool est à la fois un lubrifiant social mais aussi un destructeur social. La majorité de la population en fait usage : plus de 80% des adultes.

Il s’agit d’un phénomène social structuré, responsable d’une morbi-mortalité importante avec une forte mortalité prématurée (avant 65 ans) et une nette prédominance masculine (80% de décès masculins).

Selon le tableau de bord des addictions publié par l’Observatoire Régional de la Santé, 250 décès sont directement liés à l’alcool en moyenne chaque année à l’Ile de la Réunion contre 40 000 en France métropolitaine.2

Lors de mon stage de courte durée au Centre Hospitalier Universitaire Félix Guyon, au sein du service d’addictologie, j’ai rencontré des patients hospitalisés pour des sevrages.

J’ai pu assister aux consultations notamment en inter-service avec l’Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA).

1 Extrait du livre de Louise Nadeau, vivre avec l’alcool, la consommation, les effets, les abus.

2 Mortalité liée à l’alcool à la Réunion 2007-2009, sources INSERM CépiDc, INSEE

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2

Avec l’infirmière de liaison, nous avons été à la rencontre de plusieurs patients ayant une conduite addictive, hospitalisés dans des services divers et notamment en Unité d’Accueil Psychiatrique (UAPSY).

J’ai souhaité à travers ce mémoire vous présenter le service d’addictologie puis le cas clinique de Monsieur B refusant dans un premier temps une orientation au sein de ce service. De part cet entretien, nous allons analyser son histoire qui sera source de richesse, comprendre comment s’est installée son alcoolo-dépendance. Nous verrons que l’entretien motivationnel a toute son importance pour pouvoir favoriser le changement mais qu’il est tout aussi primordial de construire une alliance thérapeutique.

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3

PRESENTATION DU SERVICE D’ADDICTOLOGIE DU CHU FELIX GUYON

I. Comment est-on passé de l’alcoologie à l’addictologie ?

L’addictologie moderne à la Réunion n’aurait pu naître sans l’action de deux pionniers : Docteur Guy Letourneur (fondateur de la Fédération Régionale d’Addictologie à la Réunion) et Docteur Maurice Jay (psychiatre, ancien directeur du Centre Hospitalier Spécialisé de St Paul, fondateur du Comité Départemental de Prévention de l’Alcoolisme et du Tabagisme devenue Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie 974).

Ce dernier, dans les années 1970, a été l’organisateur et l’initiateur de l’alcoologie sur l’île.

A ses débuts, en tant que psychiatre et directeur du Centre Hospitalier de St Paul, il a été le premier à accueillir des malades de l’alcool dans le cadre d’une prise en charge résidentielle au CHS, avec la mise en place du groupe des alcooliques de St Paul.

L’unité d’alcoologie a été créée en 1988 par le Docteur Guy Letourneur au sein du service de médecine polyvalente du Centre Hospitalier Départemental Félix Guyon. Le service proposait un sevrage physique de quatorze jours, un contrat de cure et un bilan des complications liées à l’alcool.

Les activités de groupe thérapeutiques (relaxation, éducation sanitaire, activités occupationnelles) débutent dans les années 1992-1993. Elles sont animées par une infirmière.

Vers 1995-1996, le service comporte 18 lits d’alcoologie et une équipe pluridisciplinaire et polyvalente.

L’hospitalisation de jour est créée fin 1997 (deux lits). Docteur Guy Letourneur prend sa retraite et confie la responsabilité du service au Docteur Dominique Ferrandiz.

En 1998, il fonde la FRAR.

A ce jour, le Docteur David Mété (Chef de service) gère le service d’addictologie. Celui-ci comprend 18 lits d’hospitalisation (hospitalisation complète et de jour). Le séjour dure deux, voir trois semaines dans certains cas.

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4

L’équipe est composée d’infirmiers, d’aides-soignants, de médecins addictologues, d’une assistance sociale, d’une psychologue, d’un psychiatre à temps partiel et deux infirmières de liaison.

Des consultations externes individuelles sont proposées ainsi que des consultations de groupe pour une aide au sevrage tabagique.

L’équipe de liaison addictologique dont les missions, définies par la circulaire de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation de Soins (DHOS) du 8 septembre 2000 sont de repérer les patients en difficulté pendant leur hospitalisation et les orienter dans le parcours de soins pour qu’ils trouvent une réponse appropriée.

La discipline alcoologique est à présent intégrée dans la pratique. Elle fait l’objet de pratiques de plus en plus consensuelles.

Ainsi, les modalités du sevrage du patient alcoolo-dépendant ont été établies par la conférence de consensus du 17 mars 1999 (sous le contrôle de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation de la Santé).

II. Le sevrage

L’objectif du sevrage est de passer dans les meilleures conditions de l’état de consommateur d’alcool dépendant à celui de sujet abstinent durable.

Il existe deux types de sevrage : résidentiel (hospitalier) et ambulatoire.

Dans quel cas recommande-t-on un sevrage hospitalier ?

Le sevrage sera indiqué dès qu’il existe une alcoolodépendance 3: - Echec d’une tentative de sevrage en ambulatoire

- Complications somatiques associées - Antécédents de tentatives de suicide

- Antécédents de complications du syndrome de sevrage - Toxicomanie médicamenteuse associée

- Isolement social et situations psychosociales de « crise »

3 Notion sur laquelle je reviendrai plus tard et que je développerai.

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5

Le séjour d’aide au sevrage et au maintien de l’abstinence consiste à : - Prévenir et traiter le syndrome du sevrage de l’alcool

- Repérer et traiter les complications somatiques de l’alcoolisation - Proposer des psychothérapies de groupe ou individuel et de soutien - Prescrire des médicaments régulateurs de l’appétence

- Evaluer la situation sociale, cognitive et psychologique

III. Mon expérience au sein du service d’addictologie

Dans le cadre de la préparation de mon diplôme universitaire en addictologie, j’ai souhaité effectuer trois jours de stage au sein du service. Celui-ci s’est déroulé en juin 2012.

Ce stage m’a permis de découvrir le travail effectué auprès des patients hospitalisés pour conduites addictives et d’observer comment s’articule la prise en charge médico-psycho-sociale du patient.

J’ai assisté aux diverses activités du service (Thérapies Cognitivo-Comportementales, réunions ouvertes) et aux consultations notamment en inter-service via l’ELSA avec l’infirmière.

Dans la pratique, les missions de l’ELSA concernent la prise en charge, le bilan et l’orientation de personnes souffrant de pathologies addictives (alcoolisme, tabagisme, consommation de substances illicites, médicaments détournés de leur usage thérapeutique). Elles s’inscrivent dans une démarche de transversalité afin de faciliter l’accès à des soins spécialisés autres que ceux pour lesquels les patients ont été hospitalisés et dans les services qui n’ont pas eux-mêmes développé cette compétence transversale tel que le cas clinique de Monsieur B que je vais vous présenter.

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6

Le 19 juin 2012, nous allons à la rencontre de Monsieur B avec l’infirmière de liaison.

Un bon de consultation nous est adressé par l’UAPSY (Unité d’Accueil Psychiatrique), service dans lequel est hospitalisé Monsieur.

Il apparaît après échange avec l’infirmier de l’UAPSY et du compte-rendu d’hospitalisation que Monsieur B est à sa deuxième IMV (intoxication médicamenteuse volontaire) en une semaine. Il a avalé 28 comprimés de Deroxat accompagné d’une alcoolisation aigue (1litre de vin consommé + des bières).

Utilisation du Deroxat

Le Deroxat est un médicament antidépresseur destiné à traiter les dépressions, les épuisements psychiques et les troubles organiques qui peuvent être en rapport avec la dépression. Il améliore l’humeur mais aussi les symptômes physiques. La paroxétine est le principe actif du Deroxat.

Pendant le traitement, il est totalement déconseillé de prendre des boissons alcoolisées car l’alcool peut aggraver les effets secondaires.

Chez les adultes présentant un épisode dépressif majeur, il a été observé une augmentation de la fréquence des comportements suicidaires chez les patients traités par paroxétine.4

Il est probable que chez Mr B, la prise de cet antidépresseur sous l’emprise d’alcool a influencé son comportement suicidaire.

Il a tenté de se suicider par défenestration. Quelles sont les raisons de son geste ? Quand a eu lieu cette tentative ?

Compte-rendu d’hospitalisation

Des antécédents dépressifs sont existants. En effet, Monsieur B n’est pas à sa première IMV.

Lorsque nous consultons le dossier, il apparaît une IMV en 1993, 2007, 2011. Ce qui m’amène à m’interroger sur son état psychologique qui reste fragile. Dans quelles conditions ont eu lieu ces IMV répétées ? Ces dates ont-elles un lien avec un fait marquant dans son histoire de vie?

4 Analyse de la suicidalité chez l’adulte comparant la paroxétine à un placebo chez des adultes présentant des troubles psychiatriques

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Avant qu’on se rende au chevet du patient, l’infirmier nous informe que ce dernier semble peu intéressé par une orientation au sein du service d’addictologie, il se montre peu communicatif et semble minimiser sa consommation.

Son dossier montre également comme antécédents médicaux : asthme, arthrose et une cardiopathie traitée par Kardégic.5

Est-il dans le déni de sa maladie ? Pourquoi a-t-il voulu mettre fin à ces jours ? Dans quel mésusage se situe-t-il ? Quel est le contexte d’alcoolisation ? Quelle est son histoire familiale ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre et d’analyser pendant l’entretien motivationnel.

Situation familiale actuelle

Monsieur B est âgé de 54 ans et père d’une fille de 30 ans. Il est en procédure de divorce et sera convoqué au tribunal de grande instance en septembre prochain.

Depuis quatre ans, il vit maritalement avec Madame D. Cette dernière vivait avec ses deux dernières filles dans un logement de type T5 sur la commune de Saint-Benoît.

Parcours professionnel

Monsieur a été manutentionnaire dans un magasin électronique pendant quinze ans. Il appréciait son travail jusqu’à ce qu’il soit licencié (rupture conventionnelle) pour raisons économiques.

Par la suite, il a occupé différents postes dont chauffeur de poids lourd (environ trois ans).

Le dernier emploi exercé est celui de cuisinier.

Depuis 2010, il est au chômage et bénéficie des allocations de chômage.

I. Histoire familiale

Monsieur B est issu d’une fratrie de cinq soeurs et de deux frères. Il est le troisième enfant sur huit.

A travers sa situation, il m’a semblé intéressant de réaliser son génogramme simplifié avec les éléments apportés à ce premier entretien.

5 Médicament sous forme de poudre pour solution buvable préconisé dans le traitement de certaines affections du cœur et des vaisseaux (ex : utilisé en prévention secondaire en traitement chronique après un accident ischémique myocardique ou cérébral lié à l’athérosclérose).

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1.1 Qu’est- ce que le génogramme ?

Celui-ci a été développé à partir de la théorie de Murray Bowen en 1978, théorie dite des systèmes familiaux (chirurgien, psychiatre, psychanalyste et pionnier de la thérapie familiale 1912-1990).

Le génogramme est beaucoup utilisé en thérapie familiale. Il s’agit d’un outil thérapeutique destiné au patient. De nombreux thérapeutes situent le génogramme parmi « les objets flottants ». Dans la rencontre thérapeutique, il s’agit d’un espace intermédiaire entre la famille et le thérapeute qui permet à chacun une élaboration de la représentation de la famille propice au changement.

Il est beaucoup utilisé en addictologie.

Il existe plusieurs types de génogrammes mais celui qui va nous intéresser est le génogramme classique plutôt centré sur l’impact des problèmes, les répétitions transgénérationnelles et la fonction homéostatique du symptôme.

1.2 Qu’est-il important d’y faire figurer ?

L’important est d’y faire figurer quelques générations et d’observer ce que la personne sait de sa famille et aussi ce qu’elle ne sait pas.

Il offre des clés importantes pour identifier et comprendre la nature de l’impact de certains évènements et aider les personnes à réagir pour changer leurs habitudes, réorganiser leur vie, leurs relations et ajuster certains de leurs comportements.

1.3 Quelles sont les apports du génogramme ?

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- Prise en compte du système dans sa globalité.

Avec les patients addictifs et leurs familles, l’univers semble souvent chaotique et confus, le temps se conjugue au présent. Le génogramme participe à clarifier les repères spatio-temporels, et rétablir de la continuité entre la passé, le présent et le futur.

- Mise en évidence des structures familiales.

C’est un moyen de repérage et de réflexion autour des liens et de l’histoire familiale.

6 Cours de B.Drapier sur le génogramme, psychologue et psychothérapeute à l’Institut Robert Debré

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9 - Situer la phase du cycle vital du système

Les systèmes s’inscrivent dans la temporalité, en évolution constante ils passent par des phases de stabilité et de changement que le génogramme peut resituer dans le temps.

- Répétitions et transmissions transgénérationnelles

Il est possible de repérer des patterns répétitifs à travers les générations : les divorces, les maladies, les addictions, les violences, les maltraitances. Cette connaissance des problèmes, des vulnérabilités et des interdits familiaux peut permettre de prévenir des difficultés en restaurant la possibilité de sortir de la répétition et de choisir des alternatives.

En addictologie, l’intervention familiale, à l’aide d’objets flottants comme le génogramme, n’a pas pour objet de donner des conseils, ni d’analyser les causes, ni même de proposer des solutions, mais d’être activateur d’un processus de changement dont la personne, ou la famille, ou le système, a la responsabilité.

Il m’a paru nécessaire de développer cette partie théorique du génogramme afin de mieux comprendre la situation de Monsieur B.

Génogramme de Monsieur B

Alcoolique /violent IRC7/amputation

+1970 + 2007

--- 2007

AVC + ? AVC KS8

TS9/ IMV

30 ans

7 Insuffisance rénale chronique

8 KS : cancer du sein

9 Tentative de suicide

Mr B

D 54 ans

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II. Contexte familial

Monsieur a perdu son père lorsqu’il avait douze ans. Ce dernier était alcoolique. Il était agressif et violent vis-à-vis de sa femme mais aussi de ses enfants. Ils prenaient régulièrement des coups lorsque le père rentrait ivre.

Parfois, les individus en état d’ébriété abandonnent l’urbanité qui caractérise les rapports humains harmonieux ; ils expriment des désirs interdits, agissent parfois de façon destructrice et violente.

Les boissons alcoolisées ont la propriété de désinhiber le consommateur. Les gens deviennent plus sociables ou plus agressifs. Sous l’empire de l’état alcoolique, les individus potentiellement agressifs seraient plus susceptibles de passer à l’acte lorsque leurs facultés sont affaiblies. Tant que le sang ne contient pas d’alcool, ces impulsions, ces inclinaisons demeurent sous contrôle.

Autrement dit, ces individus sont en mesure de contrôler leurs impulsions lorsqu’ils sont sobres.

Les propriétés pharmacologiques de l’alcool ont des effets plus significatifs chez les individus ayant un fond d’agressivité. Ainsi, la bête qui sommeille en nous se réveille…

Monsieur a grandi dans ce climat de violences intra-familiales où l’alcool était associé à l’agressivité, à la violence physique. Celles-ci ne sont pas sans conséquences sur le plan physique et psychologique.

A l’âge de 9 ans, il a défendu sa mère en répondant par de la violence aux attaques récurrentes de son père. Enfant, il endosse le rôle de sauveteur.

Sa mère est décédée en 2007 certainement de ses multiples pathologies chroniques : insuffisance rénale chronique, diabète, amputation des orteils, pieds = syndrome infectieux (septicémie ?).

Il nous explique avoir été proche de sa mère durant les six derniers mois de sa vie. Cependant, ça n’a pas été toujours le cas.

En effet, elle le sermonnait beaucoup et lui reprochait son comportement violent et agressif dès son jeune âge. Elle en parlait au voisinage, ce qui donnait une mauvaise image de lui qu’il a eu du mal à accepter. Cela l’a beaucoup affecté. Déjà, il était stigmatisé comme étant « un mauvais marmaille » et n’avait pas l’affection qu’il aurait souhaitée de sa mère.

Paradoxalement, il s’est beaucoup occupé d’elle quand tout le monde leur a tourné le dos.

Il nous fait part qu’il avait des difficultés à faire son deuil jusqu’à ce jour.

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Au sein de la fratrie, il a deux sœurs atteintes de pathologies : accident vasculaire cérébral, cancer du sein. Un de ses frères a fait également un AVC et une sœur est décédée.

La famille représente un repère important dans la vie d’un jeune, elle conditionne de nombreuses attitudes sur la consommation.

Le modèle parental (comportement au quotidien du parent), les facteurs de risque (membre proche ayant des conduites addictives) ne sont pas sans conséquence sur un risque accru d’initiation à l’alcool chez les adolescents. C’est toute une culture familiale qui influence la consommation d’alcool.

2.1 Scolarité, adolescence, début d’alcoolisation

Monsieur a cessé sa scolarité vers l’âge de 17 ans. Il a fait son service militaire à la Réunion.

Il a commencé à consommer de l’alcool à cet âge en s’initiant à la bière de manière occasionnelle. L’intérêt porté était festif. Ces premiers usages, parfois sous la pression des pairs, procurent l’expérience de sentiments de sécurité, d’appartenance, de soulagement de la tension interne qui vont conduire à la répétition de plus en plus régulière de la consommation.

Par ailleurs, il débute ses premières cigarettes à cette même période.

De 17 à 21 ans, il profite des permissions pour s’alcooliser avec ses camarades. Il consomme les week-ends à visée de « défonce », surtout « pour mettre l’effet ». Les boissons consommées étaient le rhum, le whisky, le vin, la bière, tout y passait. Il ne se souvient plus des quantités consommées, difficile à évaluer mais il est à supposer que cette alcoolisation était massive.10 Cette consommation était-elle à visée anxiolytique ? Recherchait-il l’ivresse pour soulager une souffrance psycho-affective, un mal-être ?

L’adolescence est une période de grands bouleversements, à la fois physiologiques, émotionnels et cognitifs.

Ces conduites d’essai, à risques sont valeurs d’initiation et d’intégration au groupe. Elles ne sont souvent qu’une façon réactive d’exprimer une souffrance, un abandon.

10 Connu également sous le terme « d’intoxication alcoolique aigue », l’Organisation Mondiale de la Santé admet que ce comportement correspond à la consommation en une seule occasion de 5 verres ou plus pour un homme et 4 verres ou plus pour une femme. La forme aigue ne comporte pas en règle générale de phénomène de dépendance.

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Elles peuvent être vécues comme positives quand elles sont sans dommages, négatives quand elles peuvent entraîner un dommage pour le sujet qui s’y livre.

Les adolescents prédisposés aux conduites addictives, du fait de facteurs de vulnérabilité biologiques, génétiques, psychopathologiques et environnementaux, vont entrer dans un schéma relativement bien défini après l’exposition à ces substances conduisant de l’expérimentation à l’addiction. L’évolution est influencée par l’âge, le sexe, l’origine ethnique et le choix du produit.

2.2 Ecosystème de la conduite addictive ou le modèle bio-psycho-social selon Claude Olievenstein

11

C’est la rencontre entre un individu, une substance et un environnement socio-culturel.

L’alcoolisme, c’est tout d’abord un problème biologique, psychologique et social.

Chez Monsieur B, il existe des facteurs de risque à la fois :

11 Fondateur du centre Marmottan, un des pionniers de la prise en charge du toxicomane en France Mr B

Facteurs individuels (de résistance ou de vulnérabilité) : génétiques, biologiques, psychiatriques, psychologiques

Substance = alcool

Facteurs de risque liés aux produits : dépendance, statut social du produit, complications sanitaires,

psychologiques et sociales

Facteurs d’environnement : Familiaux (fonctionnement familial, consommation familiale Sociaux (exposition, marginalité) les copains

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- génétiques12 (alcoolodépendance du père). Il est bien acquis qu’il n’y a pas de gène de l’alcoolisme. Mais, comme pour beaucoup de maladies, il y a une sensibilité particulière, génétiquement déterminée et d’origine multigénétique.

- psychopathologiques (traits de personnalité antisociale). Son agressivité, son impulsivité, ses difficultés relationnelles sont autant de traits qui l’associent à un haut niveau de recherche de sensations, de nouveauté et à un faible niveau d’évitement du risque.

- familiaux. L’environnement a un rôle essentiel dans l’apprentissage de ces comportements, que ce soit par l’imitation des conduites familiales ou par l’éducation. Le risque est accru en cas d’éducation trop rigide par rapport aux conduites addictives. Une mauvaise ambiance familiale (divorce, décès) est aussi un facteur délétère.

- socio-environnementaux et économiques. Les facteurs socio-culturels sont importants en Métropole comme à la Réunion. Rappelons que la France est un des tout premiers pays producteurs de vin et que la filière alcool représente un poids économique considérable.

Ce qui caractérise le contexte historique et culturel réunionnais, c’est bien une culture du rhum. L’histoire du rhum à la Réunion commence bien avant celle du sucre (Sudel Fuma)13. Cette fabrication de l’alcool n’est pas sans conséquence dans la construction identitaire du réunionnais. Trois siècles plus tard, après l’abolition de l’esclavage, le rhum est toujours présent comme l’un des emblèmes de l’Ile.

2.3

V

ie maritale/ abstinence puis rechute

Monsieur B a été marié pendant 25 ans. De cette union est née leur fille âgée aujourd’hui de 30 ans.

De 18 ans à 30 ans, il a eu une période où il répondait par de l’agressivité, de l’impulsivité. Une remarque, un regard mal interprété peuvent dégénérer. L’alcool favorisait-il le passage à l’acte ? Il nous explique qu’il a cessé de boire 6 mois après avoir rencontré sa femme soit à 22 ans. Son abstinence a duré 4 ans (jusqu’à ses 26 ans).

12 Beaucoup d’études ont montré que la présence d’un sujet présentant un mésusage d’alcool augmente la fréquence de la maladie chez les apparentés, et cela d’autant plus que le degré de proximité familiale est plus important.

13 Historien français, docteur d’Etat en histoire contemporaine, Maître de conférence à l’université de la Réunion.

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14

Puis, il a recommencé à boire avec son beau-père en consommant des bières. Quels ont été les facteurs déclenchants ? Etait-il dans des consommations excessives ?

2.4 Parcours lié au logement

Après ces 25 ans de vie maritale, il a été « mis à la porte » mais nous n’en savons pas les raisons.

Sa voiture lui a servi d’abri provisoirement. Pourquoi en est-il arrivé au divorce ? A-t-il maintenu des liens avec sa fille ?

Il a effectué des démarches pour obtenir un logement chez les bailleurs sociaux. Combien de temps a-t-attendu pour obtenir un logement? A-t-il bénéficié d’un appui social avec un travailleur social ?

Ainsi, il a occupé un studio sur Saint-Denis qu’il n’a pas équipé. Il dormait sur un carton dans son appartement. Je m’interroge sur la précarité de sa situation, sur l’appropriation de son logement, avait-il les moyens de l’équiper ? A-t-il sollicité de l’aide ?

2.5 Nouvelle situation conjugale

Depuis quatre ans, il a refait sa vie avec Madame D qui avait à sa charge quatre enfants. A ce jour, il lui reste deux filles au foyer. Cependant, la cohabitation est difficile, le climat « pesant » en raison de conflits, de « la di la fé » opposant Mr, Mme et les filles.

Il nous parle de manipulations de Madame D par ces enfants. L’une des filles aurait accusé Monsieur d’attouchements. Cette accusation « infondée » l’a beaucoup fragilisée psychologiquement. Il nous jure sur la Bible n’avoir rien fait. Ne supportant pas cette nouvelle et étant partagée entre ses filles et Mr B, Madame est hospitalisée à l’Etablissement Public de Santé Mentale de la Réunion de Saint-Benoît.

Faisant part de son ressenti, il nous indique qu’il s’isole, se sent rejeté. Il augmente sa consommation d’alcool, en réponse à un mal-être psychique, pour calmer son agressivité, ses tensions antérieures (d’où le passage à l’acte ?). Boit-il pour diminuer des malaises intimes ou pour résoudre des problèmes ? L’alcool a-t-il une fonction d’automédication ? Est-il une solution à son état psychologique ?

III. L’alcool et ses propriétés…

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15

L’alcool est obtenu par fermentation de végétaux riches en sucre ou par distillation et entre dans la composition des boissons alcooliques : vin, cidre, bière, rhum et alcools distillés, vodka et whisky.

Les alcools forts occupent une place prépondérante dans la consommation locale même si en volume, c’est la bière qui est la plus consommée. En volume, la bière représente à la Réunion 57% des ventes, le rhum 7% des ventes. 14

La consommation de boissons alcoolisées (traditionnelles comme le rhum et plus récentes comme la bière, le whisky, le vin…) fait partie des usages ponctuant la vie sociale (fêtes, rituels religieux).

Il a un pouvoir addictogène lié à ses propriétés psychotropes. Il modifie l’état mental, agit sur le psychisme. Il est à la fois désinhibiteur, euphorisant, excitant, dépresseur ou antidépresseur, anesthésiant.

Néanmoins, il reste un toxique cellulaire et expose l’organisme à des atteintes de tous les systèmes : nerveux, hépatique, cardio-vasculaire. Tous les métabolismes fondamentaux sont perturbés.

L’action de l’a lcool sur le système nerveux central implique différents récepteurs. Les mécanismes de la dépendance ne sont pas actuellement totalement élucidés, mais le système méso-cortico-limbique (circuit du « plaisir » et de la « récompense ») semble constituer le substratum anatomique de la dépendance. La libération de dopamine dans certaines zones, en particulier dans le noyau accumbens (plaisir) et le cortex préfrontal (décision) entraîne dans un premier temps une stimulation, puis une vulnérabilité à celle-ci appelée renforcement.

Alors que la majorité des consommateurs d’alcool consomment modérément, un faible pourcentage (3 à 4% des adultes) évolue vers la dépendance.

IV. Dépendance associée au tabac

La consommation d’alcool et de tabac sont souvent associées, plus la consommation d’alcool est importante, plus la consommation de tabac est importante (et inversement).

De 71 à 97 % des alcoolo-dépendants sont fumeurs.15

14 Représentations et pratiques sociales de l’alcoolisation à la Réunion, synthèse de l’étude, septembre 2003

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En effet, la nicotine, substance contenue dans le tabac est la plus impliquée dans la survenue de la pharmacodépendance.

Elle favorise la libération, au niveau du système nerveux central, de la dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine.

La dopamine contribue fortement à la sensation de plaisir et au renforcement positif du comportement.

La noradrénaline joue un rôle stimulant sur l’éveil et les performances psychoactives. Elle agit comme la sérotonine sur la régulation de l’humeur, de l’anxiété, de l’appétit.

Sur le plan neurobiologique, l’alcool et le tabac diminuent la dégradation de la dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine.

Lors de ce premier entretien, nous avons beaucoup parlé autour de l’alcool, de son histoire familiale mais peu évoqué sa consommation liée au tabac. De ce fait, nous n’avons pu définir la relation qu’entretenait Monsieur avec la cigarette. Toutefois, il nous précise qu’il fume depuis l’âge de 17 ans. La précocité de la consommation de tabac est un facteur de sévérité de la dépendance. Elle constitue un facteur prédisposant à l’usage d’autres substances psychoactives.

Y-a-t-il une dépendance pharmacologique, comportementale et psychologique ?

Est-il dans une consommation régulière ? Quelle est l’intensité de sa consommation ? Quelles sont les modalités de sa consommation ?

Il serait utile de faire le test HAD16, ce qui permettrait de dépister l’anxiété pathologique et la dépression.

V.

Evolution de sa conduite d’alcoolisation

Sa consommation a augmenté ces dernières années surtout depuis 2007, date revenant fréquemment à l’entretien à laquelle il fait référence. Cette année marque un tournant dans sa vie puisque sa mère décède cette même année. N’ayant pu faire son deuil jusqu’à ce jour, son état psychologique s’est fragilisé.

15 Audition publique, « Abus, dépendances et polyconsommations : stratégies de soins », alcoologie et addictologie, t.29, n°4, 1997.

16 Hospital Anxiety Depression, échelle mise au point et validée pour fournir aux médecins non psychiatres un test de dépistage des troubles psychologiques les plus communs.

(20)

17

A ce jour, il consomme du rhum le soir (2 à 3 verres/j mais s’agit-il de verres standard 17?) mais il privilégie la bière (4 ou 6 par jour) ou le vin (1 bouteille de 75 cl correspond à 7 verres d’alcool et dure 1 ou 2 jours).

Il espace ces consommations sur 2 jours par exemple puis reprend le week-end surtout quand il n’a pas le moral.

Lorsque je lui demande s’il buvait quand il travaillait, il me répond négativement. Toutefois, pour se détendre après une journée de travail, il consommait quelques bières.

A ce propos, des représentations ambivalentes sont ancrées dans les mœurs réunionnaises (vie sociale et culturelle : en référence au dur labeur des champs ou du bâtiment, il est considéré comme « normal » pour un travailleur de force de boire son p’tit rhum (ou la bière de plus en plus fréquemment) avant de partir (il donne la force) ou le soir en rentrant (il détend, il défatigue).

Par ailleurs, quand il va pêcher dans le Port de Sainte-Marie, il apprécie de consommer une bière.

Aussi, il nous informe qu’il n’a pas de casier judiciaire mais que son permis lui a été retiré pour une durée de 6 mois en avril 2011 (Motif : accident sur la voie publique sous l’emprise d’alcool).

Actuellement, il possède un permis provisoire.

Au vu des éléments sus-indiqués, il est évident que Monsieur se situe dans un mésusage18 depuis son adolescence.

La situation environnementale, les difficultés, les problèmes d’ordre conjugaux, familiaux, professionnels et/ou sociaux, sont souvent la conséquence du mésusage d’alcool. Ils peuvent aussi en être la cause.

La pyramide de Skinner est un outil pratique qui permet d’évaluer le niveau de risque de 0 à 4.

(cf : voir schéma ci-dessous).

17 1 verre standard = 1 unité d’alcool = 10g d’alcool pur selon les normes de l’OMS

18 Conduite d’alcoolisation problématique distinguant 3 groupes de consommateur, à risque, nocif, avec dépendance.

(21)

18

Les nombreuses classifications existantes décrivent essentiellement les différentes formes de dépendance, mais abordent peu les modes de début de ces conduites et leurs modalités évolutives précoces avant l’apparition de dommages sévères. Les recommandations de la Société Française d’Alcoologie proposent d’organiser la classification des conduites d’alcoolisation en différentes catégories autour des termes « usage » et « mésusage ».19

L’alcoolisation de Monsieur B a évolué depuis son adolescence. Si au départ, il se situait dans un usage à risque20(conduites d’excès via recherche d’ivresses, de « défonce », à visée anxiolytique, précocité) avec une consommation à visée autothérapeutique, progressivement, il a évolué vers un usage nocif puis vers une alcoolo-dépendance ou usage avec dépendance.

Sa consommation a induit des dommages sociaux (problèmes judiciaires, perte de son permis) et psychoaffectifs et des dommages somatiques (cardiopathie traitée par du Kardégic).

19 « les conduites d’alcoolisation. Lecture critique des classifications et définitions. Quel objectif thérapeutique ? Pour quel patient ? Sur quels critères ? », Alcoologie et Addictologie, n°23, suppl n°4, 2001, 3S-75S.

20 Il s’agit d’une conduite d’alcoolisation, ponctuelle ou régulière, qui associe une consommation supérieure aux seuils définis par l’OMS non encore associée à un quelconque dommage médical, psychologique ou social et/ou une dépendance mais susceptible d’en induire à court, moyen ou long terme.

(22)

19

VI. Qu’est-ce que l’alcoolo-dépendance ?

Il s’agit de toute conduite d’alcoolisation caractérisée par une perte de la maitrise de la consommation. Cette catégorie ne se définit ni par rapport à un seuil ou une fréquence de consommation, ni par l’existence de dommages induits qui sont cependant extrêmement fréquent. La définition de la dépendance ne comporte pas de critères impliquant que la consommation soit quotidienne ou habituelle. On distingue schématiquement :

- la dépendance physique, définie par la survenue d’un syndrome de sevrage lors de l’arrêt brutal de la consommation d’alcool,

- La dépendance psychique, qui est la pulsion à consommer des boissons alcoolisées pour en retrouver les effets.

Le Haut Comité de la Santé publique estime qu’actuellement, en France, 2 millions de personnes seraient dépendantes de l’alcool.21

Si une première description du syndrome d’alcoolodépendance a été publiée en 1976, elle a été ensuite définie dans différentes versions des DSM.22

Les critères permettent d’évaluer la tolérance à l’alcool (besoin d’augmenter les doses pour ressentir les mêmes effets ou effets diminués pour des doses stables), la dépendance physique et la dépendance psychologique. Il est aussi important de différencier les malades qui développent une dépendance précoce, de ceux qui développent une dépendance tardive. Les premiers sont considérés comme biologiquement prédisposés. Ils ont plus souvent des comportements antisociaux et des antécédents d’alcoolisme chez leurs parents au premier degré.23

Nous avons vu précédemment que plusieurs facteurs (génétique, psychosociale, environnementale, neurobiologique) semblaient s’impliquer dans le mécanisme de la dépendance de Monsieur B.

A priori, il semblerait qu’il n’ait pas de symptômes physiques (signes de sevrage).

21 Extrait du concours médical formation « prise en charge par le généraliste du patient alcoolo-dépendant » tome 125-29, 8/10/2003, Nadine Meunier, Henri-Jean Aubin, Chafia Berghout

22 Diagnostic and Statistical Manuels.

23 Classification de Cloninger, alcoolisme de type 1 et 2.

(23)

20

Il est alors à supposer que Monsieur n’est pas dans une dépendance physique mais plutôt psychologique.

VII.

L’existence d’une comorbidité psychiatrique

Une comorbidité ou diagnostic associé signifie une co-occurrence chez un même individu d’un trouble dû à la consommation d’une substance psycho active et d’un autre trouble psychiatrique.

En pratique, les personnes souffrant d’une addiction présentent dans 80% des cas un diagnostic psychiatrique clairement identifié comme comorbide.24

Les comorbidités psychiatriques les plus fréquentes sont la dépression, l’anxiété et les troubles de la personnalité.

L’alcoolodépendance augmente le risque de trouble psychiatrique associé.

Nous avons vu dans le compte-rendu d’hospitalisation de Monsieur B, qu’il existait des antécédents dépressifs. Il a effectué plusieurs IMV et a été traité pour sa dépression avec Déroxat.

7.1 Dépression et statistiques

La dépression, problème de santé publique, touche 340 millions de personnes dans le monde.

C’est une maladie très répandue, un homme sur 10 en est atteint au cours de sa vie.

Bien qu’elle soit l’une des pathologies les plus fréquentes dans le domaine de la santé mentale, c’est aussi l’une de celles qui est la moins reconnue.

Elle représente actuellement la cinquième cause de mortalité et de handicap dans le Monde et d’après le Docteur Benedetto Saracano, directeur du département de santé mentale de l’OMS, elle devrait atteindre la deuxième place d’ici 2020.

7.2 Qu’est-ce que la dépression ?

La dépression, ce n’est pas un coup de « déprime », c’est une maladie et c’est HAARDD ! Elle se caractérise par 25:

24 Objectif drogues briefing de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, 3ème édition 2004

(24)

21

- Une Humeur triste qui va durer dans le temps et s’associer à d’autres symptômes,

- Une Anhédonie (perte de l’élan vital, diminution du plaisir, désintérêt pour les activités, découragement),

- Une Anxiété (inquiétude, tensions intérieures, hypervigilance, dépersonnalisation...)

- Un Ralentissement (difficulté à se concentrer, pour entreprendre des activités, ralentissement des gestes, sentiment de fatigue pesant)

- Une Dévalorisation ou Douleur morale (idées noires, pessimisme, idées suicidaires, tentatives de suicide, mélancolie)

- Des troubles des fonctions instinctuelles ou Disability (troubles du sommeil, troubles de l’appétit)

Les symptômes de la dépression sont listés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Ils sont fréquents chez les alcooliques, notamment avant le sevrage.

Elle se distingue d’une maladie somatique par le fait qu’elle touche aussi notre esprit et par la même, notre fonctionnement psychique. C’est le noyau profond de la personnalité qui est atteint.

La maladie dépressive peut prendre plusieurs formes, variables dans le mode d’expression comme dans l’intensité, les causes étant multiples.

7.3 Dépression et tentatives de suicide

Les dépressions et toxicomanies sont souvent rattachées, mais il est généralement admis que l’usage de substances toxiques est couramment lié à un état-dépressif sous-jacent, qu’il s’agisse d’alcool, de cannabis ou d’autres drogues.

A la Réunion, difficile d’avoir des données récentes sur le phénomène. Les derniers chiffres recensés par l’ORS datent de la période 2005-2007, 91 suicides ont été recensés en moyenne chaque année.

25 Cours sur les comorbidités psychiatriques du Dr Reufllet de l’EPSMR

(25)

22

Dans ces données, il est à noter que le nombre de décès par suicide à la Réunion est nettement plus élevé chez les hommes. Ils sont en moyenne 71 à s’être donné la mort par suicide sur un total de 91.

Selon cette enquête, l’auto-intoxication par produits médicamenteux reste le troisième mode de suicide après la pendaison suivi du saut dans le vide.

La tentative de suicide est un appel au secours, une façon de tirer la sonnette d’alarme. Bien souvent, il n’y a pas la volonté de se donner la mort, mais juste de mettre un terme à ses souffrances…26

Les états dépressifs associés aux conduites alcooliques comportent un risque de suicide particulièrement élevé.

La prévalence des tentatives de suicide est de l’ordre de 20% chez les patients présentant un abus ou une dépendance à l’alcool.

Une étude menée à San Diego à partir de 283 cas de suicide avait retrouvé 58 % d’alcooliques et de toxicomanes. L’alcoolisme était dans plus d’un tiers des cas, le diagnostic principal établi de manière rétrospective. Les patients alcooliques et déprimés sont donc exposés à un risque majeur de tentatives de suicide et aussi de mort par suicide. Leurs gestes suicidaires, quand ils surviennent, sont souvent impulsifs. Ce risque suicidaire est un argument majeur pour repérer et traiter les dépressions associées à l’alcoolisme.27

L’alcool peut donner temporairement une impression de soulagement et la sensation d’être détendu. Cependant, les problèmes d’alcool et de dépression surviennent généralement en même temps et au lieu de soulager, l’alcool contribue au renforcement de la dépression.

Conformément à ce qu’a démontré cette étude, quand une personne alcoolique souffre de dépression majeure, elle présente davantage de risques de commettre une tentative de suicide.

En effet, les idées et les tentatives de suicide sont induites par les effets dépressogènes de l’ingestion massive d’alcool.

L’ingestion aigue d’alcool chez une personne déprimée peut aussi inspirer des idées suicidaires et surtout faciliter la mise en acte du suicide par la levée d’inhibition qu’elle provoque.

26 Hélène Daniel, psychologue à Saint-Pierre.

27 Rich C.L, Fowler R.C, YOUNG D, « substance abuse and suicide : the San Diego Study” Ann Clin Psychiatry, n°1?

1989, p 79.

(26)

23

Monsieur B a fait une tentative de suicide par défenestration après avoir fait une IMV, ce qui explique son hospitalisation à l’UAPSY en juin dernier.

Y-a-il un lien entre la tentative de suicide de Monsieur et les évènements dont l’accuse sa belle- fille ?

A travers son geste, a-t-il voulu faire comprendre qu’il en avait assez ?

Comment s’en sortir ?

Des solutions efficaces et complémentaires conduites par des médecins, existent aujourd’hui adaptées à chaque individu et à l’intensité de sa maladie :

- Les psychothérapies proposées par un professionnel formé à l’écoute et à la compréhension des problèmes psychologiques. Elles sont des prises en charge basées sur la rencontre, le dialogue, l’écoute et la relation avec un psychothérapeute généralement un psychiatre (ou un autre professionnel tel que psychologue). Cette relation thérapeutique va permettre au sujet d’exprimer ses souffrances, d’élaborer un nouveau rapport au monde, une nouvelle approche de son histoire et de sa vie.

- Les médicaments antidépresseurs réduisent les symptômes de la dépression après 3-4 semaines de traitement continu. Ils aident à retrouver le sommeil, l’appétit, l’initiative.

Aujourd’hui, les antidépresseurs sont bien tolérés avec peu d’effets secondaires vraiment gênants. Ils n’induisent pas de dépendances.

L’hospitalisation est parfois nécessaire, notamment lorsque le risque suicidaire est important.

Dans toutes les formes d’association alcool-dépression, le sevrage d’alcool est indiqué. En cas de dépression secondaire à l’alcoolo-dépendance, le traitement le plus efficace de la dépression est le sevrage d’alcool.

Qui Monsieur B a-t-il consulté pour son traitement (son médecin généraliste ou un psychiatre) ? Pendant combien de temps a-t-il été traité par Déroxat ? Pourquoi s’est-il alcoolisé pendant son traitement antidépresseur sachant que cela est déconseillé ?

Alcool et médicaments = danger !

28

28 Cours du Dr W.Lederer sur le métabolisme de l’alcool, unité d’addictologie au GHER de St André

(27)

24

L’alcool potentialise les effets centraux de nombreux médicaments. Il augmente le risque de survenue de certains effets indésirables. L’intoxication alcoolique aigue entraîne une inhibition enzymatique et l’alcoolisme chronique une induction enzymatique.

Les associations déconseillées avec l’alcool sont : - L’insuline (risque de coma)

- Les sulfamides hypoglycémiants (effet antabuse)

- L’acide nicotinique (effet vasodilatateur augmenté, risque de flush) - L’AVK29

- Les sédatifs

Dans cette dernière catégorie figure les barbituriques, les benzodiazépines et dérivés, les anxiolytiques, les neuroleptiques, les hypnotiques, les antidépresseurs sédatifs…

Jusqu’à présent, nous avons vu comment s’est installée l’alcoolo-dépendance de Monsieur B, dans quel contexte a- t-il grandi, la place qu’occupait l’alcool dans sa vie…

Dans la prochaine partie, j’énoncerai la prise en charge du patient en présentant certains outils qui peuvent permettre aux personnes souffrant d’addiction de commencer à travailler à un changement de comportement.

29 Médicament antivitamine K

(28)

25

I. La prise en charge

La prise en charge doit être pluridisciplinaire car il s’agit d’une maladie biopsychosociale complexe. Le traitement associe le sevrage et le maintien de l’abstinence. Il consiste principalement en des interventions psychologiques, sociales et pharmaco-thérapeutiques.

Pour optimiser cette prise en charge, il faut obtenir l’adhésion du patient au projet thérapeutique qui sera adapté à son degré de motivation.

Comment motiver un patient ayant un problème d’alcool pour qu’il arrête de boire ?

II. L’alliance thérapeutique

30

Il faut avant tout établir une alliance thérapeutique, préalable indispensable au soin.

Il s’agit de la première étape du processus thérapeutique.

Le concept d’alliance thérapeutique est dû à Freud (1913) : « compréhension sympathique, affection et amitié sont les véhicules de la psychanalyse. »

Elle se constitue dès lors des premiers instants dans une démarche dynamique et renouvelée, orientée sur la résolution des problèmes définis.

Ses principes sont :

- L’absence de jugement,

- La relation empathique, chaleureuse, authentique, (dimension affective selon Carl Rogers) - Etre professionnel,

- Savoir rouler avec le déni, la minimalisation, - Accepter la rechute

Il est important d’accepter la personne en difficulté avec l’alcool et de ne pas réduire le sujet à son problème avec l’alcool.

III. Comment optimiser le changement ?

Des outils permettent d’aider le sujet en difficulté avec l’alcool de s’engager dans un changement de ses habitudes.

30 Cours du Dr Mété sur le traitement de l’addiction à l’alcool, Chef du service Addictologie au CHU Félix Guyon

(29)

26 Ce sont les :

- Interventions brèves - Entretiens motivationnels

Les interventions brèves sont des conseils standardisés chez les sujets chez lesquels a été repéré un mésusage d’alcool.

Elles sont particulièrement adaptées aux patients concernés par l’usage à risque ou l’usage nocif.

En ce qui concerne l’alcool, ce sera :

- Une information sur les effets aigus et chroniques de l’alcool,

- Une information sur le verre standard et des recommandations sur les limites, - Des suggestions pour la mise en application de ces recommandations,

- La remise d’une brochure type INPES

Dans le cas de Monsieur B, ce qui va nous intéresser est l’entretien motivationnel.

3.1 Concept de l’entretien motivationnel

Il a été décrit par William R. MILER (psychologue clinicien aux USA) et Stephen ROLLNICK (psychologue clinicien en UK).

Il s’agit d’une méthode directive centrée sur le patient dans le but d’augmenter sa motivation intrinsèque vers le changement en l’aidant à explorer et à résoudre son ambivalence.

C’est un style relationnel et un état d’esprit.

3.2 Le concept de l’ambivalence

Il s’est révélé décisif dans la négociation autour du changement de comportement d’un patient alcoolique.

Dans le contexte de la dépendance, l’entretien motivationnel reconnaît l’ambivalence comme un état psychique normal et adapté face à une situation de choix difficile mais pouvant immobiliser le sujet dans un conflit intrapsychique particulièrement compliqué à résoudre. Pour l’alcool, le

(30)

27

conflit apparaît entre les effets positifs et les effets négatifs de l’alcool ou encore entre les avantages et les inconvénients d’arrêter de boire.31

L’ambivalence est difficile à résoudre parce que chaque option du conflit a ses coûts et bénéfices. Le rôle du thérapeute est d’aider le patient à explorer la complexité de son ambivalence en l’autorisant à l’exprimer librement.

3.3 Les stades de préparation au changement

Un autre concept central dans la recherche sur le traitement de la dépendance à l’alcool est celui des stades de préparation au changement.

La majorité des personnes aux prises avec la consommation et ayant un comportement problématique, réussissent à modifier leur comportement sans aide professionnelle.

Les travaux de Prochaska et Diclemente (1982) ont démontré que ces personnes passent à travers une série « naturelle » de stades de changement :

- L’indétermination/pré-contemplation. Le sujet dénie et/ou minimalise l’importance de sa consommation d’alcool ainsi que les conséquences néfastes. A ce stade, le patient ne consulte en général pas spontanément, mais est souvent poussé à le faire par un membre de sa famille, ou par un médecin. L’infirmier de l’UAPSY nous avait bien indiqué avant

31 Comment motiver un patient pour qu’il arrête de boire ? Monographie, La revue du praticien /2006 : 56

Modèle de Prochaska et DiClemente

INDETERMINATION

INTENTION

DETERMINATION ION

ACTION CONSOLIDATION

RECHUTE

(31)

28

l’entretien, que Mr B minimisait le problème. Le rôle de l’infirmière de liaison était de faire naître le doute. Lors de l’entretien, Monsieur B a été attentif et nous a parlé librement de son histoire avec l’alcool. Il ne nous a pas paru fermé à la discussion. Bien au contraire, ce moment d’échanges a été très riche. Il est conscient que sa dépendance est psychique.

L’alcool est utilisé pour le calmer, pour l’aider à gérer ses émotions, à visée autothérapeutique et anxiolytique.

- L’intention/contemplation. A ce stade, le patient a pris conscience de la gravité de sa situation de dépendance à l’alcool, avec ce que cela implique en terme de conséquences néfastes sur sa vie familiale, professionnelle, sociale mais il n’envisage pas réellement un sevrage à court terme. Monsieur B se trouve à ce stade de changement lorsque nous le rencontrons. Devant faire face à son ambivalence, il est conscient du problème mais il n’envisage pas pour autant un sevrage hospitalier. Le rôle de l’infirmière consiste à aider le patient à réaliser combien il est ambivalent. Elle va l’aider à établir une balance décisionnelle 32en lui faisant peser les avantages et inconvénients à changer.

- La détermination/préparation. Le patient a pris sa décision de changement. Plusieurs stratégies peuvent lui être proposées. Un programme d’actions peut être planifié.

- L’action. Le patient réalise son changement, avec ou sans l’aide d’une hospitalisation. Le médecin le soutient, l’accompagne dans les étapes du changement. En cas de difficultés, le patient doit pouvoir être entendu par son thérapeute rapidement.

- La consolidation. Une fois le changement obtenu, un travail sur la prévention de la rechute est nécessaire. (Ex : utiliser des stratégies de prévention de la rechute).

- La rechute. Elle s’inscrit fréquemment dans la trajectoire du patient alcoolo-dépendant Elle doit être dédramatisée et déculpabilisée. Le patient est invité à comprendre les mécanismes qui l’ont conduit à la rechute et à repérer des stratégies efficaces, soit déjà expérimentées soit nouvelles. Le médecin essaie d’amener de nouveau le patient vers le stade de l’action.

Seuls 20 à 30% des individus qui ont des problèmes d’alcool se trouvent au stade de l’action, alors que la majorité est aux stades précontemplatif (indétermination) et de la contemplation (intention).33

Concernant Monsieur B, il ne nous a pas semblé faire de la résistance au changement34.

32 Methode de prise de décision utilisant l’image de la balance. Concept développé par Janis et Mann (1971)

33 Rumpf HJ, Hapke U, MEYER C, John U. Motivation to change drinking behavior : comparaison of alcohol- dependent individuals in a general hospital population sample. Gen Hosp Psych 1999; 21:348-53.

(32)

29

Pour faire émerger la motivation intrinsèque de Mr B à ce premier entretien, nous avons appliqué les techniques de préparation au changement: OUVER :35

- Poser des questions OUvertes. Celles-ci lui ont permises de s’exprimer, de faire part de son ressenti. D’ailleurs, il était ému à certains moments notamment lorsqu’il nous parlait de sa mère, de sa disparition et de ce deuil qu’il n’a toujours pas fait. Sa souffrance est encore palpable. En parallèle, nous avons posé aussi quelques questions fermées.

- Valoriser Monsieur dans sa démarche, dans ses envies de changer. Il est important de renforcer son sentiment d’efficacité personnelle et son estime de soi qui sont faibles.

- Proposer une Ecoute réflective. Nous l’avons écouté avec attention. En effet, il nous a beaucoup parlé de son passé, de son enfance qui a été marquée par l’alcoolisme de son père et des violences intra-familiales, de son agressivité. Nous avons reformulé certains de ses propos, préciser certaines dates, faits marquants.

- Résumer fréquemment. Cela permet de ponctuer l’entretien, de sélectionner les éléments qui sont ressortis en faveur du changement et de conclure l’entretien.

3.4 L’entretien motivationnel

C’est une technique d’entretien dont se sert le médecin et/ou l’infirmière de liaison pour aider le patient à envisager, à réaliser, puis à poursuivre le changement dans son comportement vis-à-vis de l’alcool.

L’efficacité d’un tel entretien dans le traitement de l’alcoolo-dépendance a été démontrée dans plusieurs études. Cette technique est également utilisée dans d’autres addictions (tabac, drogues) ainsi que dans d’autres pathologies médicales où la motivation du patient sont primordiales.

L’entretien motivationnel requiert quelques principes de base qui sont fondamentaux, à savoir : - Manifester de l’empathie,

- Mettre en évidence les contradictions,

- Renforcer le sentiment d’efficacité personnelle, - Eviter l’affrontement, ne pas forcer la résistance, - Créer et maintenir une relation neutre et de confiance

34La résistance est un indicateur de dissonance à l’intérieur d’une relation thérapeutique, un signal pour changer de stratégie.

35 Cours du Dr W. Lederer sur l’entretien motivationnel et les stades du changement, GHER de St André.

(33)

30

Semblant prêt au changement et favorable à un suivi ambulatoire, l’infirmière de liaison lui a proposé une consultation le 17 juillet à 14h50 avec l’un des médecins addictologues. Par ailleurs, une hospitalisation avait été programmée pour laquelle il s’est désisté.

Lorsque j’ai repris contact avec le service mi-juillet pour avoir de nouveaux éléments sur la situation de Monsieur et éventuellement le rencontrer, le secrétariat m’a appris qu’il ne s’était pas présenté à son rendez-vous.

Ce qui m’a amené à m’interroger sur son ambivalence. Celle-ci étant vue comme une étape du processus de changement, elle intègre aussi l’échec. Je me rends compte qu’il n’est pas aussi simple de changer ses habitudes. Le patient mène un combat, il lui faut un temps de maturation.

C’est un mécanisme complexe où des facteurs internes et externes influencent la décision du patient dans son parcours de changement.

A-t-il été influencé par son entourage ? A t-il perdu confiance en ses possibilités et sa motivation ? A-t-il changé d’avis parce qu’il ne sentait pas prêt ?

Je réalise que chaque individu vit ses difficultés à sa manière et pour pouvoir l’aider, il est indispensable de comprendre le rôle qu’entretient le patient avec cette substance qui lui sert de

« béquille ». Chez Monsieur B, l’alcool répond à un mal-être psychologique, apaise les tensions.

Nous avons vu que le syndrome anxio-dépressif était bien présent. S’agissant d’une comorbidité psychiatrique, il est important de traiter la pathologie psychiatrique en parallèle de l’addiction.

Si j’avais eu l’occasion de le revoir, j’aurais souhaité poursuivre l’entretien, enrichir mon mémoire avec de nouveaux éléments notamment compléter le génogramme.

Peut-être qu’un jour, de son plein gré, Monsieur B reprendra t-il contact avec le service ou subira t-il la pression de ces proches ? Quoiqu’il en soit, la prise d’une décision aussi engageante et difficile ne peut se faire sans cette approche motivationnelle et dépend de l’évolution du patient.

Je tiens à remercier le Docteur Mété pour m’avoir accueilli au sein de son service, Mme Deffrasnes (infirmière de liaison) pour la lecture et les corrections apportées à mon mémoire, le Docteur Wind pour avoir répondu à mes interrogations ainsi qu’à tous les intervenants de ce Diplôme Universitaire qui ont fait de cette formation un moment d’échanges exceptionnel.

La préparation de ce diplôme m’a permis d’approfondir mes connaissances sur l’ensemble des addictions et sur le travail mené sur le terrain, de développer un partenariat avec un réseau de professionnels venant d’horizons différents. Aussi, je ne fais que confirmer mon intérêt à vouloir travailler dans ce domaine en instaurant une meilleure relation humaine et chaleureuse pour ce public qui n’est pas toujours compris de tous.

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