• Aucun résultat trouvé

Gouvernance territoriale, conflits territoriaux : quelles solutions?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Gouvernance territoriale, conflits territoriaux : quelles solutions?"

Copied!
14
0
0

Texte intégral

(1)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

1

Gouvernance territoriale, conflits territoriaux : quelles solutions ?

Wafae Nada NEJJAR Professeure en Sciences de Gestion

FSJES Ain Sebaâ Université Hassan II –Casablanca- Maroc Résumé

Le territoire est un espace de création collective des ressources qui allie des acteurs privés (entreprises), publics (collectivités territoriales, établissements publics, …) et aussi sociaux (associations, syndicats, groupes de pression…). Inévitablement, ces configurations, à la fois plurales et évolutives, aboutissent à des conflits « territorialisés ». Dans ce contexte, la réalisation de projets collectifs suppose une harmonisation et donc la nécessité de mise en place d’une multitude de dispositifs. La coordination et la négociation deviennent nécessaires afin d’accompagner le territoire vers les objectifs souhaités dans le but de créer de nouveaux lieux de concertation et de nouvelles actions et décisions.

La gouvernance territoriale demeure, la condition sine qua non pour résoudre ces conflits territorialisés et parvenir, par le biais de la participation et de la négociation des différents acteurs, chacun avec son rayon d’action, à la cohésion territoriale. Elle est alors susceptible de prendre différentes formes (gouvernance privée, gouvernance publique et gouvernance mixte) en fonction de la nature de ces compromis et des logiques d’appropriation et de pouvoir.

Mots clés

Gouvernance, territoire, pouvoir, conflits, participation, négociation.

Abstract:

The territory is a space of collective creation that combines the resources of private actors

(companies), government (local authorities, public institutions,...) and also social

(associations, unions, pressure gr5oups ...). Inevitably, these configurations, both plural and

progressive, result in "territorially" disputes. In this context, the realization of joint projects

(2)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

2

presupposes harmonization and thus the need for establishment of a multitude of devices.

Coordination and negotiation become necessary to accompany the territory towards the desired objectives in order to create new places of dialogue and new actions and decisions.

Territorial governance remains the prerequisite for solving these regionalized conflicts and achieves, through participation and negotiation of different actors, each with its reach, to territorial cohesion. It is then likely to take different forms (private governance, public governance and joint governance) depending on the nature of the compromise and logic of ownership and power.

Keywords :

Governance, territory, power, conflict, participation, negotiation.

(3)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

3

Introduction

Notre article s’inscrit dans la lignée des travaux analysant les nouveaux champs d’application de la gouvernance d’entreprise et plus particulièrement la relation entre la gouvernance et le territoire.

La notion de gouvernance que nous utilisons, dans cet article, se situe dans une perspective plutôt économique. Elle ainsi appréhendée comme un processus de coordination des acteurs entre eux dans la seule perspective de l’organisation de l’activité économique. Ainsi, nous dépassons la seule perspective Williamsonnienne pour laquelle la gouvernance hors marché vise à retrouver une optimisation dans le processus de production. Il s’agit plutôt de constater que les coordinations et les organisations autour de ce processus qui varient non seulement d’un territoire à l’autre, mais dépendent de la configuration spécifique de chaque territoire (F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur, 2005).

La question de la gouvernance territoriale se situe dans l’implication grandissante des acteurs locaux, qu’ils soient privés, publics et associatifs dans les dynamiques de développement. Cette multiplicité d’acteurs donne lieu à des interactions et redéfini le territoire comme un espace d’expression de conflits d’appropriation et de conflits de pouvoir et d’autorité. Ainsi, les mécanismes de gouvernance ont été mis en place où la négociation est considérée comme élément central dans le traitement des conflits et un enjeu majeur dans la construction territoriale.

Dans ce sens, T. Schelling (1986), montre que toute situation conflictuelle peut être ramenée à une situation de négociation. Le conflit est donc la source de la négociation.

Nous recherchons à montrer, dans cet article, la spécificité de la gouvernance territoriale et son rôle dans la résolution les conflits. Après avoir repris les fondements, défini et analysé le lien entre la gouvernance et le territoire, nous allons analyser les différents conflits territorialisés. Avant de tirer quelques conclusions sur le rôle de la gouvernance territoriale, par la participation et la négociation, dans l’atténuation ou la résolution de ces conflits.

(4)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

4

I-

Contribution à l’analyse du lien entre gouvernance et territoire

Le terme de governance est utilisé, il y a plus d’un demi-siècle par les économistes en développant l’idée de la corporate governance. Ce n’est qu’à la fin des années 1980, que le terme est importé dans les sciences politiques afin de caractériser les modalités régissant le territoire. Le territoire qui était considéré comme un simple échelon spatial « situé entre la commune et l’Etat » ou s’élaboreraient par l’application d’une bonne subsidiarité des politiques de proximité et d’interface adéquates (F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur,2005). Or, il s’impose de plus en plus comme un construit social permanent.

Il peut être apparenté à un système dynamique complexe qui est basé sur des relations durables de proximité géographique développée entre plusieurs acteurs. Il est nourri par les échanges et les relations entre ses acteurs du système national, international, économique, politique et social. C’est pour cela, qu’il est défini par rapport à son environnement et évolue en fonction des interactions unissant ses acteurs et leurs échanges avec cet environnement. Un tel système défini ses limites non selon un périmètre politico-administratif, mais plutôt selon un lieu commun, d’une part, d’intersection de réseaux qu’ils soient physiques, humains, formels ou informels de l’autre part, de production, de négociation et de partage d’un devenir commun.

1.1 L’introduction de la notion de « territoire » dans la recherche en gouvernance

En 1937, Coase et Williamson ont mobilisé la « corporate governance » afin d’analyser la nature des coordinations entre agents individuels et collectifs. La firme est donc appréhendée comme une entité qui émerge car ses modes de coordination interne permettent de réduire les coûts de transaction que génère le marché ; elle s’avère ainsi, plus efficace que le marché pour organiser certains échanges.

Plus récemment, les économistes qui s’attachent à la prise en compte de la dimension spatiale comme facteur intrinsèque du fait productif se sont réapproprié cette notion de gouvernance. On parle d’abord, de gouvernance locale comme une forme de régulation territoriale et d’interdépendance dynamique entre agents. Dans ce sens, le territoire endosse le rôle de réducteur des coûts de transaction entre les firmes et de levier non négligeable pour coordonner les actions collectives. Dans cette approche, on considère que les institutions non économiques sont des acteurs à part entière dans les processus de coordination et décision, des coalitions et négociations étant donné qu’elles peuvent faciliter la coordination entre agents.

(5)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

5

En sciences politiques, l’introduction de la notion de gouvernance démontre une reconfiguration de l’action publique, l’émergence de nouveaux modes d’intervention et la transformation de modalités de l’action publique (Holec N. et Brunet-Jolivald, 2000). Son importance demeure dans la multiplicité

des acteurs liée à la définition et la mise en œuvre de l’action publique qu’il s’agisse des entreprises, organisations locales, régionales, nationales, internationales, associations à but non lucratif. Comme l’affirment N. Bertrand et al. (2001), « si la collectivité locale garde un rôle d’orientation et de pilotage, elle compose avec d’autres institutions, publiques ou privées, obéissant à leurs propres logiques d’intérêt et/ou exerçant des responsabilités sur des domaines de compétences tantôt partagés, tantôt disputés mais jamais absolument étanches ou autonomes » (p.6).

1.2

Spécificité de la gouvernance territoriale

L’origine des réflexions sur la gouvernance territoriale peut être restituée dans l’historique de la recherche de nouveaux modes d’organisation et de gestion territoriale. Théorisée par J.Rosenau et Czempiel (1992) puis par Kooiman (1993), le concept de la gouvernance, dans une optique territoriale, a été défini en 1995 par le rapport de la Commission des Nations Unies sur la gouvernance mondiale de la façon suivante « la gouvernance est considérée comme l’ensemble des différents processus et méthodes à travers lesquels les individus et les institutions, publiques et privées, gèrent leurs affaires communes ».

En 1975, Foucault fut parmi les premiers chercheurs à conceptualiser la gouvernance territoriale. Il l’a défini comme « un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques …».

Plus récemment, en 2014, P. Maurel et al. donnent la définition suivante : « La gouvernance territoriale est un processus dynamique de coordination (hiérarchie, conflits, concertation) entre des acteurs publics et privés aux identités multiples et aux ressources (au sens très large : pouvoirs, relations, savoirs, statuts, capitaux financiers) asymétriques autour d’enjeux territorialisés. Elle vise la construction collective d’objectifs et d’actions en mettant en œuvre des dispositifs (agencement des procédures, des mesures, des connaissances, des savoir-faire et informations) multiples qui reposent sur des apprentissages collectifs et participent des reconfigurations/innovations institutionnelles et organisationnelles au sein des territoires ». Aussi, d’un point de vue territorial, la gouvernance met l’accent sur la multiplicité et la diversité des acteurs qui interviennent ou peuvent intervenir dans la gestion des affaires publiques (S.Lardon et al. , 2008).

(6)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

6

La gouvernance territoriale s’affirme comme un processus nécessaire à la bonne conduite des affaires collectives (Laganier et al., 2002). R.Raymond (2008), relève deux voies complémentaires d’analyse des liens entre « la gouvernance » et « le territoire », selon que celui-ci est l’objet de la gouvernance « la gouvernance pour le territoire » ou le levier de la gouvernance « la gouvernance par le territoire ».

Ainsi, la gouvernance territoriale permet de soulever plusieurs questions, notamment :

- Comprendre les processus de coordination, d’adaptation, d’apprentissage et de régulation pour la construction collective et la réalisation des projets territoriaux commun ;

- Accompagner les acteurs locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs.

1.3 Typologie de la gouvernance territoriale

Pour F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur, (2005), chaque territoire représente une quasi infinie combinaison des variables qui s’y jouent appelant à chaque fois à un mode particulier et un type de gouvernance. Ainsi, différentes typologies existent selon le type d’acteur clé qui domine la coordination territoriale. Des chercheurs tels que J.P. Gilly et J. Perrat (2003) identifient trois types théoriques.

1.3.1 La gouvernance Privée

Ce premier type de gouvernance correspond au cas ou une organisation (groupe industriel, une association d’entreprises, un centre de recherche et développement…) est l’acteur clé du processus de coordination des acteurs. Les dispositifs de coordination sont dirigés par ces acteurs privés qui agissent dans le but d’appropriation privée. Dans ce cas, la négociation est biaisée par l’asymétrie des pouvoirs et la relation d’autorité initiée par cet acteur dominant.

1.3.2 La gouvernance publique ou institutionnelle

Ce deuxième type de gouvernance correspond au cas où les dispositifs de coordination sont pilotés par une institution ou un groupe d’institutions joue un rôle clé. Il s’agit soit de l’Etat, des collectivités territoriales… ces derniers assurent la production de biens et services publics ou collectifs dont peuvent bénéficier des entreprises.

(7)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

7

1.3.3 La gouvernance mixte ou partenariale

Ce troisième type de gouvernance correspond au cas ou des acteurs publics et des acteurs privés travaillent ensemble sur un projet commun de développement. La cohabitation entre ces acteurs rend l’appropriation des ressources et des compétences partenariale et souvent conflictuelle.

II-

Les conflits d’intérêt dans les territoires

La gouvernance territoriale est faite d’alliance d’acteurs des différentes catégories, de différents niveaux, qui au-delà de leur hétérogénéité, contribuent ensemble à la définition d’actions communes et de projets collectif (Chia E. et al., 2008). Toutefois, la gouvernance territoriale ne se limite pas à cette vision idéale et idyllique. Les interactions des acteurs qui se trouvent confrontés donnent lieu à plusieurs conflits.

Dans ce qui va suivre, nous allons nous focaliser sur les conflits au sein des territoires.

2.1 Origines des conflits territorialisés

J.J. Laffont (1999) structure son raisonnement sur l’hypothèse d’un comportement opportuniste des agents économiques publics (de l’élu politique au fonctionnaire), c'est-à-dire susceptibles d’adopter des comportements opportunistes à l’origine des conflits. Dans cette approche, développée notamment par la théorie de l’agence, de celui qui reçoit la délégation de pouvoir, un simple opérateur fonctionnel a qui est demandée la réalisation efficace de la mission qui lui a été confiée par délégation de pouvoir.

Pour C. Dupuy et al. (2003), l’espace de liberté dont l’agent dispose, et donc son rôle dans la construction territoriale est réduit à son pouvoir délégué et donc n’est pris en considération qu’a travers la seule mission qui lui a été confiée. Les mêmes auteurs, présentent en 2003, une description du contenu des visions micro économiques d’un ordre politique. Nous nous sommes inspirés de cette description afin de présenter, dans le tableau ci-dessous, les comportements opportunistes des acteurs, à l’origine des conflits territoriaux, suivant leur vision micro économique.

(8)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

8

Vision micro économique Comportement des agents

Une vision statique Il est toujours possible de trouver une répartition optimale des compétences entre autorités publiques

- Pas de recherche d’intérêt général ;

Une recherche de l’intérêt privé - Les agents recherchent la maximisation de leurs intérêts privés.

L’élément central est l’opportunisme des agents qui Une information imparfaite disposent d’une information privés (asymétrie

d’information). Les conflits sont donc des conflits d’appropriation.

2.2 Types des conflits territorialisés

La mise en place des projets territoriaux, dans une perspective de création collective des ressources amène à la confrontation d’une multiplicité d’intérêts potentiellement conflictuels. Dès lors, le territoire apparaît à la fois comme un espace d’expression des conflits d’appropriation et des conflits de pouvoir et d’autorité.

2.2.1 Conflit d’appropriation

La répartition des ressources collectives requiert que les acteurs mettent en place tout un dispositif de règles qui permettent d’anticiper les comportements opportunistes. Ces dispositifs demeurent néanmoins insuffisants et peuvent donner lieu principalement à deux types de conflits d’appropriation:

- Un premier type de conflit concerne l’appropriation des rentes. Le partage des ressources financières issues du système de subvention publique est l’un des premiers motifs de conflit entre les acteurs impliqués dans un projet collectif par exemple les revenus financiers dégagés par l’exploitation commune…

- Un deuxième type de conflit renvoie l’appropriation des informations portées par chacun des acteurs à un projet commun. Certains acteurs peuvent alors rechercher des rentes opportunistes grâce à l’exploitation des informations importantes (Thépaut, 2002).

2.2.2 Conflit d’autorité

Les conflits d’appropriation masquent le plus souvent des conflits de pouvoir, exercés de manière directe ou indirecte par les participants, tels que les collectivités territoriales, les entreprise, les organisations professionnelle…

(9)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

9

Les conflits sont donc la conséquence d’une confrontation entre ces différents types de pouvoir : pouvoir de décision, pouvoir d’arbitrage, pouvoir d’influence, pouvoir de négociation, exercice de contre pouvoir…

Selon P. Dockes (1999), ces différentes formes de pouvoir sont de manière sous jacente l’expression soit d’un pouvoir dissuasif, assimilé à un pouvoir discrétionnaire fondé sur la seule crédibilité vis-à- vis de l’exécution d’une menace.

Dès lors, au sein d’un projet territorial collectif, les conflits de pouvoir trouvent leurs origines : - Soit dans la perte du pouvoir décisionnel et d’autonomie fonctionnelle ;

- Soit dans la nature évolutive des rapports de pouvoir.

En somme, le territoire est considéré non seulement comme un espace d’expression de conflits d’appropriation, mais aussi comme un espace d’expression d’une pluralité de conflits de pouvoir et d’autorité. Ainsi, la mise en place de mécanismes de gouvernance permettant de traiter ces conflits devient indispensable.

III-

Traitement des conflits par les mécanismes de la gouvernance

territoriale

La mission de la gouvernance consiste désormais à prévenir les conflits entre les différentes parties prenantes afin de les empêcher de paralyser ou de détruire le territoire.

3.1 La gouvernance territoriale par la participation

La gouvernance territoriale se construit pas à pas et de ce fait, nécessite des outils permettant aux territoires d’analyser les facteurs déterminants de la gouvernance de façon à proposer et mettre en place une multitude de dispositifs.

Les dispositifs de gouvernance visent à faciliter la participation de porteurs d’intérêts de plus en plus diversifiés à des processus de décisions. Ils doivent, dans ce sens, garantir les coordinations et les articulations entre les acteurs et leurs représentations. Pour S. Lardon et al. , (2008), L’efficacité de ces dispositifs est liée à divers éléments, notamment la contribution des acteurs à l’élaboration des nouveaux projets de territoire et à la définition des besoins aux nouvelles fonctions qu’ils nécessitent.

Cette efficacité est aussi liée aux procédés d’apprentissage qui demeurent au cœur des dynamiques de gouvernance. Etant donné que de nouveaux acteurs émergent avec de nouveaux enjeux, de nouvelles modalités de coordination deviennent primordiales.

(10)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

10

La participation publique demeure un élément essentiel dans la réflexion sur la gouvernance d’entreprise. La commission européenne, dans son livre blanc de la gouvernance européenne, le défini comme l’un des principes donnant naissance à la bonne gouvernance avec l’ouverture, la responsabilité, l’efficacité et la cohérence. Aussi l’ONU Habitat le considère comme l’un des cinq indicateurs de l’indice de gouvernance urbaine du programme des Nations Unies pour les établissements humains.

Cassese et Wright (1996) considèrent la participation des acteurs et des niveaux locaux comme importante voire nécessaire dans la théorie du développement territorial

Les démarches participatives constituent un enjeu crucial dans les pratiques de gouvernance territoriale, car elles s’attachent à impliquer plus durablement des acteurs dans le projet de territoire, en les impliquant dès les étapes de conception et en adaptant les dispositifs à leurs échelles d’action.

3.2 La gouvernance territoriale par la négociation

La négociation s’impose comme élément central dans le traitement des conflits territorialisés et un enjeu majeur dans la construction territoriale. Cette notion permet ainsi d’enrichir la réflexion sur la gouvernance territoriale.

En effet, dans tout projet de développement territorial, les acteurs sont confrontés à des situations conflictuelles tenant tant à des questions d’intérêt qu’à des conflits de pouvoir. La gouvernance territoriale dépend de la capacité des acteurs à déboucher par la négociation sur des compromis justes.

Pour C. Dupuy et al. (2003), la négociation est définie comme un processus dans lequel le pouvoir est exercé, instrumentalisé, sous différentes formes : coercition, influence, persuasion, manipulation, menace… à des fins d’intérêts économiques ou politiques privées.

B. Frydman (1996) et C. Thuderoz (2004) distinguent deux formes de négociation. Il s’agit de la négociation des principes et des règles et la négociation des objets au cours de laquelle les acteurs échangent ou partagent des ressources physiques, financières et scientifiques.

Pour M. Renault (1997, p.62), « La négociation contribue à la construction d’un sens commun qui en retour impose des contrainte ». I. Leroux (2006) définit la négociation à l’échelle du territoire comme un processus intentionnel d’ajustement mutuel, visant non seulement à l’échange ou au partage de ressources mais aussi à la définition de principes et de règles.

(11)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

11

Elle est d’autant plus importante qu’elle peut agir avant, pendant et après les conflits territorialisés.

Nous distinguons ainsi entre :

- La négociation comme modalité d’anticipation des conflits dans la mesure où elle traduit la volonté des acteurs à ne pas entrer dans une situation de conflit ;

- La négociation comme modalité d’arbitrage des conflits en incitant les acteurs à déboucher vers un compromis ;

- La négociation comme modalité de résolution des conflits en soutenant les solutions qui éradiquent les conflits.

La gouvernance territoriale est fondée sur des compromis évolutifs qui résultent des processus de négociation entre plusieurs acteurs.

Même si la négociation est considérée par l’ensemble des acteurs impliqués dans un projet collectif comme modalité de gestion de leurs conflits d’intérêt, elle n’en demeure pas moins relative et limitée.

Elle peut ainsi devenir un processus d’instrumentalisation des règles qui rend la gouvernance territoriale fragile et instable en fonction des conflits non résolus.

(12)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

12

Conclusion

La gouvernance est un concept utilisé depuis plusieurs décennies tant en sciences économiques et en sciences de gestion qu’en sciences politiques au point où on peut parler de « gouvernances au pluriel».

Dans cet article, nous nous sommes focalisés sur une nouvelle facette de la gouvernance à savoir, la gouvernance territoriale.

La gouvernance territoriale constitue un objet de recherche particulièrement intéressant pour la communauté scientifique et un enjeu institutionnel majeur pour des acteurs de l’action publique.

La participation, la négociation, l’efficacité et la responsabilité semblent être les principales composantes d’une bonne gouvernance territoriale

Dans ce sens, la construction d’une grille d’analyse et de notation de la bonne gouvernance territoriale paraît comme une fin en soi. L’intérêt de cette grille tient au fait qu’elle va apporter à la fois un cadre global d’approche de la gouvernance mais aussi un outil spécifique, selon les étapes et les problématiques, mis à la disposition à la fois des chercheurs et des praticiens.

Cette grille sera donc à la fois une évaluation de la gouvernance territoriale et une évaluation pour la gouvernance territoriale.

C’est un beau défi à relever pour les années à venir !

(13)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

13

Bibliographie

- Bertrand N. et al. (2001), « Intégration des formes de proximité dans la gouvernance locale », les 3èmes journées de la proximité, Nouvelles Croissances et Territoires, Paris, 13 et 14 décembre 2001.

- Cassese et Wright (1996), « La recomposition de l’Etat en Europe », La découverte, Paris.

- Chia E. et al., (2008), « Apprenticeship and territorial governance :wich relationship?”

Governance, Vol. 11, N°2/3.

- Coase (1937), "The nature of the firm", Economica, n° 4, N.s., novembre, p. 386-405;

traduction française "La nature de la firme", Revue Française d'Economie, (1987), n°1, p. 135- 157, (Commentaires de X. Gillis, p. 157-161).

- Dockes P. (1999), “ Pouvoir et autorité en économie”, Economica, Paris.

- Dupuy C.et al. (2003), « Conflits, négociation et gouvernance territoriale », Droit et Société, N°54/2003.

- Foucault (1975), « Le sujet et le pouvoir », Gallimard, Paris.

- Frydman B. (1996), « Négociation ou marchandage ? » de l’éthique de la discussion ou droit de la négociation », Publication des facultés St Louis, Bruxelles

- Gilly J.P. et J. Perrat (2003), « La dynamique institutionnelle des territoires entre gouvernance locale et régulation globale » - XXXIX Colloque de l’ASRDLF – « Concentration et ségrégation, dynamiques et inscriptions territoriales » - sept. 2003 – 14p.

- Holec N. et Brunet-Jolivald, (2000), « De la gouvernance des économies à celle des territoires : note de synthèse sur la gouvernance », Centre de documentation de l’urbanisme.

- Kooiman J. (1993), « Modern governance: new government society interactions », Londres.

- Laffont J.J.(1999), « Etapes vers un Etat moderne :une analyse économique », Conseil d’analyse économique, Rapport, n°24.

- Laganier et al., (2002), « Le développement durable face au territoire :élément pour une recherche interdisciplinaire », Développement durable et Territoire, Dossier N°1.

(14)

Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

14

- Lardon S. et al. , (2008), « Dispositifs et outils de gouvernance territoriale », Environnement, Aménagement et Société, N°209.

- Leloup F., L. Moyart et B. Pecqueur, (2005), « La gouvernance territoriale comme nouveau mode de coordination territorial », Géographie, Economie et Société, Vol7, 2005/4.

- Leroux I. (2006), « Gouvernance territoriale et jeux de négociation. Pour une grille d’analyse fondée sur le paradigme stratégique », Revue Négociation N°6, 2006/2.

- Maurel P. et al. (2014), « Retour d’expérience sur la co-construction d’un guide sur la gouvernance territoriale », Sciences Eaux et territoires, Numéro 13.

- Pagès D. et Pélissier N., (2000), « Territoires sous influence », Paris.

- Raymond R. (2008), “Agreements and controversies around the notion of territorial governance”, Governance, Vol. 11, N°2/3.

- Renault M. (1997, p.62), “Economie et communication: une approche institutionnaliste des conventions et des institutions” Economie et Sociétés N° 10.

- Rosenau J. et Czempiel E. (1992), « governance without government », Cambridge University Press.

- Schelling T. (1986), « The strategy of conflict » Harvard College, PUF, Paris.

- Thépaut Y., (2002), « Pouvoir, information, Economie », Economica, Paris.

- Thuderoz C. (2004), « Une guerre des Dieux…négociée ? », Revue Négociations, N°1.

Références

Documents relatifs

Le développement durable est mobilisé dans ses deux acceptions contradictoires par les acteurs publics intervenant sur le périurbain : espace intermédiaire où se rencontrent,

Il faut l’entendre comme l’ensemble des processus et dispositifs par lesquels des parties prenantes ou acteurs de différentes natures (productifs, associatifs, particuliers,

A la suite de cette annulation la préfecture a fait savoir par la voix de Jean-François Savy le secrétaire général qu'une astuce serait trouvée pour

L’hypothèse principale est que la mise en place ou la modification des périmètres institutionnels de gestion de l’espace, si elle peut aboutir à l’apaisement de certains

• en outre, le personnel permanent des deux entreprises a globalement (indépendamment de l'entreprise et de l'année) un nombre d'accidents avec arrêt et sans arrêt plus élevé que le

4. Active particles, Large Deviations, Γ -convergence, Scaling limits, Macroscopic Fluctuation Theory, Dean equation, McKean-Vlasov equation... 1.. Future work and open

Os resultados obtidos das avaliações dos teores de nutrientes nas folhas foram submetidos à análise do software DRIS – Sistema Integrado de Diagnose e Recomendação de Adubação

Le rôle du médiateur doit donc être de savoir écouter et repérer des regroupements d’acteurs inédits, ne correspondant pas à la « société faite » (Latour, 2006)