FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1895 — 1896
N° 22.
TRAITEMENT
DU LUPUS TUBERCULEUX
par les emplâtres à l'acide salicylique et la créosote
THÈSE
POUR LE
DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le
22 Novembre 1895
PAR
Louis-Henry
BERN ARD
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTE DE LA MARINE
JSJ"é à "Voisey (Haute-Marne), le 35 juillet
1870
MM. ARNOZAN professeur
Président
. , , , x , DUPUY
professeur i
Examinateurs delaThese.. CASSAET agrégé juges
AUCHÉ agrégé
Le Candidat répondraà toutesles
questions qui lui seront faites sur les diverses
parties de
l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE
DU MIDI, P. CASSIGNOL
91, RUE PORTE-DIJEAUX,
91
1895
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS
|
Professeurs honorairesAZAM (
Messieurs
v PICOT.
Cliniqueinterne
j
PITRESor . \ DEMONS.
Cliniqueexterne
j
LANELONGUE.Pathologie interne DUPUY.
Pathologie etthérapeutiquegénérales YERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire MASSE.
Clinique d'accouchements MOUSSOUS.
Anatomie pathologique COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie généraleet Histologie VIAULT.
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Physique BERGONIE.
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Cliniquegynécologique BOURSIER.
AGRÉGÉS EN EXERCICE
SECTION DE MÉDECINE 1 MESNARD.
CASSAET.
Pathologie interne etMédecine légale ( AUCHE.
SABRAZÈS.
LE DAN TEC.
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS t VILLAR
Pathologieexterne
j
QUEHAYE.Accouchements
J
CHAMBRELENT.SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
... I PRINCETEAU.
Anatomie
^ CANNIEU.
Physiologie PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique S1GALAS.
ChimieetToxicologie DENIGES.
Pharmacie BARTHE.
COURS CO M RL_ÉM E NT"A I R ES
Clinique int. des enf. MM.MOUSSOUS Maladies mentales.... MM.
RÉGIS.
Clinique desmaladies Pathologieexterne DENUCE
cutanéesetsyphilitiques DI1BRE11ILII Accouchements RIVIÈRE
Cliniq. des maladies desvoies urin. POUSSON Chimie DENIGÈS
Mal. dularynx, desoreilles et dunez MOURE
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que lesopinions émises dans les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs et qu'ellen'entend leur donner ni approbationni improbation.
A LA
MÉMOIRE DE MON PÈRE
A MA
MÈRE
A MON
FRÈRE
A
MES AMIS
A mon
président de thèse,
MONSIEUR LE DOCTEUR ARNOZAN
PROFESSEUR DE THÉRAPEUTIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
MÉDECIN DES HOPITAUX
OFFICIER D'ACADÉMIE
■
.
INTRODUCTION
Le
lupus tuberculeux
est unemaladie tellement
grave par les délabrementsqu'elle produit, tellement tenace
endépit
destraitements les
plus rationnels, qu'il est indispensable
d'avoir
plusieurs
moyens àsadisposition
pourla combattre.
Ici, comme dans bien
d'autres circonstances, la multiplicité
des moyens
thérapeutiques
prouvequ'aucun n'est absolu¬
ment bon.
Chaque dermatologiste, s'inspirant des idées de
son temps, a proposé un
procédé curatif
nouveau.On
a abouti ainsi à un nombre considérable de méthodesqui
ontsans doute à leur actifde bonnes et solides
guérisons, mais
dont le
passif,
comme nousle
verronsdans l'analyse rapide
que nous en
allons faire, peut compter
uneforte part d'in¬
succès, sans
parler de la douleur, de la lenteur désespérante,
et de la
proportion sensible des cicatrices vicieuses et des
brides saillantes. Serions-nous
capables d'arrêter,
pardes
méthodes
chirurgicales plus avancées, les
massesde lupus
dans les
parties saines de la
peauet de les détruire sans
léser les
parties environnantes,
quela question
neserait pas
moins intéressante, de
savoir si
nous pouvonsarriver
auxmômes bons résultats par
l'action élective et destructive de
— 8 —
certains agents
chimiques
surles nouvelles productions,
sans une intervention
chirurgicale
présentantquelques dan¬
gers et
difficultés.
C'est le but que nous nous sommes
proposé
enétudiant
le traitement institué par
Unna.
Avant d'entrer en matière, nous tenons à
remercier publi¬
quement M. le professeur agrégé W. Dubreuilh qui dans le
cours de nos études n'a cessé de nous donner
des
marques de sa bienveillantesympathie, qui
nous afourni ensuite
l'idée de ce travail, et ne nous a pas
abandonné
uninstant
dans son exécution.
M. le
professeur Piéchaud
adroit à toute notre recon¬
naissance pour
l'intérêt qu'il
nous atoujours témoigné
A M. le
professeur Arnozan
nousoffrons l'expression de
notre sincère et vive
gratitude
pourl'honneur qu'il
nousfait en acceptant
la présidence de notre thèse.
PLAN DU TRAVAIL
Dans la
première partie de
notretravail,
nousmontrerons
les inconvénients des différents traitements du
lupus,
etla
nécessité de trouver un agent
capable,
par uneaction élec¬
tive etdestructive, d'arrêter la marche du
lupus
etd'anéan¬
tir les
produits morbides.
Dans la deuxième
partie,
nous exposeronsle traitement
de Unna. montrant après
quelques
motsd'historique, l'action
de
l'emplâtre
àl'acide salicylique
etla créosote.
Puis nous présenterons nos
observations
etleurs résultats.
Enfin nous dirons,
d'après
cesrésultats, dans quel
casnotre Iraitemont doitêtre
employé de préférence, dans quels
cas il doit être laissé de côté, et dans
quels autres il est
indifférent.
Bernard 2
TRAITEMENT
DU LUPUS TUBERCULEUX
Par les
emplâtres à l'acide salicylique et la créosote,
CHAPITRE PREMIER
Autrefois la
thérapeutique du lupus consistait principale¬
ment en
l'usage de médicaments internes. Depuis
uneving¬
taine d'années, le traitement
chirurgical
apris le premier
rang et
la médication interne n'est plus qu'un adjuvant.
Trois
procédés sont surtout employés: le raclage, venu d'Allemagne, la scarification, importée d'Angleterre, mais
perfectionnée
etvéritablement transformée en France; la
cautérisation ponctuée,
née
enFrance.
On peut
laisser de côté l'excision qui ne saurait être qu'une
méthode
d'exception.
Ces
procédés,
sansêtre excellents sont ceux qui donnent
les meilleurs résultats, dans
la plupart des
cas.Il peut arri-
ver
cependant qu'un lupus, après avoir été rapidement
amé¬lioré par
le traitement chirurgical reste stationnaire
;quel¬
quefois
mêmeil s'étend. M. W. Dubreuilh
a vu unmalade
atteint de
lupus depuis huit
ansqui alla consulter La.illier
alors que
la lésion n'était
pasplus grande qu'une pièce de
un franc;
depuis lors il
a été constammenttraité
parLail-
lier et par un
des meilleurs dermatologistes de Paris. Malgré
toutes les scarifications et les cautérisations
auxquelles le
malade s'est
parfaitement soumis, le lupus
n'a cesséde
gran¬dir et occupe
maintenant les deux tiers de la face. Il est donc indispensable de changer quelquefois de méthode
pour ne pas user en pure pertela patience du malade; c'est alors
que peuventintervenir utilement les cautérisations chimiques.
De
plus les traitements chirurgicaux
ne sont pas sans inconvénients:Le
raclage,
parla simplicité de
sonmanuel opératoire,
serait la méthode la
plus
àla
portéedu praticien
etla mieux appropriée
à tousles
cas;mais l'expérience
nousapprend qu'après le raclage le mieux fait, tout n'est
pasfini
pourle
médecin : il lui faut surveiller attentivement le
bourgeonne¬
ment des
parties raclées
;l'opération si bien
menéequ'elle puisse
être, ne peutatteindre
toutle tissu pathologique
enchâssé dans les anfractuosités du derme, et l'on voit bien¬
tôt se
reproduire dans la cicatrice des infiltrats lupeux plus
ou moins étenduset
plus
oumoins nombreux. Aussi
voyons-nous Leioir,
qui préfère
cetteméthode
àtoutes les
autres,compléter
ses séancesde raclage
pardes cautérisations chi¬
miques.
Nous
ajouterons enfin
quec'est
untraitement douloureux qui exige le plus
souventl'emploi de l'anesthésie
et exposeaux auto-inoculations, c'est-à-dire tout à la fois à la réinocu¬
lation et à l'infection
générale.
- 13 -
Les scarifications,
employées d'abord
parVolkmann et Balmano-Squire
ontété vulgarisées et érigées
envéritable
méthode par
Vidal. Par
ce moyen, onentrave rapidement
l'extension du
lupus
vorax,les cicatrices obtenues sont remarquablement belles,
neprésentant ni saillies ni dépres¬
sions, n'amenantpas
d'atrésie
auniveau des orifices naturels,
mais à
quel prix
cesrésultats sont-ils atteints? Il faut un
très
grand nombre de séances douloureuses déterminant
chaque fois
unécoulement de
sangabondant; aussi la longue
durée de ce traitement le fait-eile
abandonner de
guerre lasse parla plupart des malades qui s'y soumettent tout
d'abord. L'auto-inoculation est d'ailleurs à
craindre
comme dans leraclage. Les cautérisations ignées, pratiquées en
masse
produisent de grands délabrements; elles sont inappli¬
cables dans les vastes
lupus de la face, et leur emploi, nous
semble-t-il, doit êtreégalement délaissé quand il s'agit de
traiter les
lupus des autres régions. Il faut, lorsqu'on inter¬
vient aussi
rapidement, faire
en uneseule séance une opéra¬
tion radicale. Or, sous l'action
du calorique employé, les
tissus
changent de consistance;
on nepeut plus, au cours rie
l'opération, distinguer les parties saines des parties malades ;
tout semble induré au
doigt explorateur;
onagit à l'aveugle
en s'exposant à
faire trop
ou pas assez.Les cautérisations
interstitielles fragmentées pratiquées
aumoyen
des pointes fines du thermocautère ou du galvanocau-
tère sont
plus recommandables
;les résultats obtenus par
E. Besnier sont très heureux.
Ce traitement n'en est
pasmoins une méthode
d'exception longue, douloureuse. On ne
saurait
l'employer contre de vastes placards lupeux, pas plus
que
dans lesformes congestives où l'action de la cautérisation
se trouve en
quelque sorte arrêtée après une première appli¬
cation par
les tissus plus
oumoins carbonisés qui viennent
— 14 -
encrasserles
pointes fines du thermocautère
oudu galvano-
oautère. Cette méthode ne peut-être
généralisée
à tousles
cas, elle rend surtout des services pour attaquer et
décrire
les récidives de
lupus
sefaisant dans les cicatrices
sous forme de tubercules miliaires isolés.Quant à la méthode d'excision, elle est
exceptionnelle
etpour en
attendre de bons résultats, il faut attaquer le mal
àson début
quand il
estde petites dimensions, bien limité, de
façon àle circonscrire
comme une tumeurmaligne.
Après
avoir
été momentanémentabandonnés, les topiques
électifs sont revenus en honneur : les tentatives que
l'on
necesse de faire pour trouverune
substance qui détruise le tissu
morbide ou
l'agent infectieux
en respectantles tissus sains
sont innombrables. Les traitements
qui
sontle plus
enhon¬
neur à l'heure actuelle sont les arsenicaux, les iodures, l'io- dure de soufre, les acides
pyrogallique
,chrysophanique, lactique, les préparations mercurielles. Mais chacun d'eux
est
passible de sérieux reproches.
L'arsenic a été fort
employé
parl'Ecole de Vienne. Cette
substance est fortement
caustique, mais elle semble limiter
son action aux.
produits morbides
et respecterles parties sai¬
nes. Elle donne par conséquent
des cicatrices
peuvicieuses,
mais elle a deux inconvénients
majeurs
:d'abord elle
cause des douleurs trèsvives,puis il
estimpossible
avecelle d'agir
surde trop
larges surfaces
car sonabsorption donnerait heu
à des phénomènes
d'intoxication. On
se sertde la
pâtedu
frère Côme ou de Rousselot, ou bien de la pâte
arsenicale
de Hebra, dont voici la formule : arsenic blanc, 0,50 centi¬
grammes;
cinabre artificiel, 2grammes; pommade
rosat,15
grammes.
D'après Kaposi, le nitrate d'argent,
grâce â sespropriétés
hémostatiques
etcaustiques, coagulerait le
sang,produirait
— 15 —
desthromboses vasculaires et
apporterait ainsi
unobstacle
réel aux récidives. Mais le
nitrate d'argent
attaquetout, tissus
sains comme tissus
malades
etn'est plus
untopique électif.
On peut, comme
Schwimmer, appliquer sur les surfaces
malades l'acide
pvrogallique
sousforme de pommades, jus¬
qu'à irritation suffisante ou les badigeonnant avec un pin¬
ceau imbibé d'une solution saturée
d'acide pvrogallique dans
l'éther et recouvrir la couche
d'acide ainsi déposée
avecde
latraumaticine : il se
produit
uneirritation
assezsemblable
à une forte vésication, souvent même
il survient de la tumé¬
faction. Lacicatrice que
l'on obtient
par ceprocédé est lisse,
disent lesauteurs
qui recommandent cette méthode.
L'acide
pyrogallique serait,
eneffet, un caustique électif qui
ne
s'attaquerait qu'au tissu morbide, mais les douleurs sont
vives, violentes; on ne peut
continuer l'application plus de
deux ou trois
jours.
L'acide
lactique
pur,concentré
enconsistance sirupeuse, a
été
employé
cesderniers temps à l'étranger. En France, le
docteur
Doyen
arepris
cesessais dans trois cas de lupus
ulcéreux de la face.
L'application est douloureuse, il est
moins bon dansles
lupus
nonulcéreux, et laisse parfois des
dépressions cicatricielles notables.
Depuis fort longtemps
ons'est servi de .préparations mer-
curielles contre le
lupus; les anciens dermatologistes ne
considéraient ces substances que comme
des toxiques; c'est
ainsi
qu'ils prescrivaient la pommade à l'iodo-chlorure. [mer-
cureux au
1/40,
au1/20; la pommade au biodure de mercure
au
1/100
ou àdoses plus fortes (caustique excellent, de la
plus grande efficacité, mais fort douloureux), la pommade
de liochard, etc.
Actuellement
onn'emploie guère comme pré¬
paration mercurielle
quele bichlorure, et c'est à cause de ses
vertus
antiseptiques
quel'on s'adresse à lui. Le sublimé sem-
blesurtout être un
adjuvant des
autresméthodes;
à elle seule, elle ne paraît pasavoir
uneefficacité suffisante.
En résumé, aucun traitement n'est absolument bon. On
reproche principalement
auxtraitements chirurgicaux, le
très
grand nombre de
séancesdouloureuses qu'ils nécessitent,
l'écoulement de sang assez
abondant
queredoutent de
nom¬breux malades et
qui
serenouvelle fréquemment
et surtout l'auto-inoculation.Les
caustiques
ontmoins d'inconvénients,
mais les uns ont le défautd'attaquer indifféremment
tous les tissus aveclesquels
ontles
met en contact,les
autres sont excessivement douloureux, ils ne peuvent êtretolérés
parles malades.
L'idéal est un
caustique qui,
respectantles tissus
sains,détruise
complètement
tousles foyers morbides,
tout en étantsupportable. C'est
à cette indication queréponde l'em¬
plâtre de Unna
àl'acide salycilique
et àla
créosote. Cesemplâtres dont la formule
et le mode demploi
ontétépubliés
par
M. Unna,
en1886,
sont fortemployés
enAllemagne
etaussi en
Angleterre, mais
sont peu connus en France.CHAPITRE II
Irlist-or'icji.xe et, exposé cLul traitement.
En
employant des emplâtres d'acide salicylique pour faire
tomber les croûtes du
lupus
etle
préparerà l'action d'autres
moyens
caustiques, Unna
remarqua qnel'acide salicylique
ulcérait
profondément les tubercules tout
enrespectant les
parties saines. Comme
cesapplications étaient très doulou¬
reuses, il
fallait
yjoindre quelque agent capable d'atténuer la
douleur, et ce
qui réussit le mieux fut la créosote. M. Unna
fit donc faire des
emplâtres contenant des doses élevées
d'acide
salicylique
et unequantité de créosote égale ou supé¬
rieure. Ces
emplâtres, fabriqués
parBeiersdorf (d'Altona),
présentent cette
particularité
quela substance médicamen¬
teuse n'est pas
incorporée à la
masseemplastique, mais seu¬
lement
déposée
â sasurface; il
enrésulte qu'ils agissent
beaucoup plus énergiquement
queles emplâtres ordinaires.
Le
dosage s'exprime
non parle rapport de poids entre le
médicament et la masse,
mais
parle poids de substance
active étendue sur le rouleau
d'un cinquième de mètre carré ( 1
mètrede long
sur20 centimètres de large).
Bernard 3
- 18 —
La série
d'emplâtres d'après le catalogue de Beiersdorf,
comporte
six
types :Nos du Catalogue. Acide salicylique. Créosote.
—
N° 76. . 10 20
N° 77 15 30
N° 78 . . 20 40
N° 79 30 50
N° 80 40 40
N° 81 50 50
Nous avons
employé les N08 76, 78
et79.
On
découpe l'emplâtre de façon
àcouvrir toute la surface
malade et débordant un peu sur
les parties saines;
onenlève
la tarlatane
qui
estlâchement appliquée
surle
côtéactif (1);
on le pose sur
la
peau et onle fixe
par unecouche de colle
de
gélatine
âl'oxyde de zinc qui dépasse les limites de l'emplâtre. Pendant
quela colle
est encorechaude,
onla
couvre de ouate
qui fait
corps avecelle
etmaintient le
pan¬sement en
place. Le
pansementdoit
êtrechangé
en moyenneune fois par
jour. On
peut sansinconvénient le laisser deux jours, mais il
estcertain
que sonaction
estplus rapide si
on le renouvelle deux fois parjour. Il s'enlève
sans aucunedifficulté, car il
n'y
ad'adhérence
que surles bords, lâ
oula
colle de zinc est en contactavec la peau; quant à
l'emplâtre,
s'il adhère bien au moment où on
l'applique, il
netarde
pas â être séparédu
tégument par unemince couche de sérosrité purulente visqueuse.
Les
premières applications
sontà peuprèsindolentes, mais
(1) Cette tarlatane protectrice qui sert à empêcher l'emplâtre de s'accoler à lui-
même est quelquefois dilficile àdétacher sile temps est chaud. 11 suflit alors de tremper un inslant l'emplâtre dans l'eau froide pour pouvoir l'enlever sans dificulté.
— 19 —
dès que
le lupus
commenceà s'ulcérer chaque application de
l'emplâtre est très douloureuse
:c'est
unesensation de brû¬
lure très vive, mais
qui
nedure
quetrès
peude temps.
D'après Unna, elle durerait de cinq à quinze minutes; nous ne
l'avons guère vu
durer plus d'une minute, puis elle disparaît
entièrement pour ne
reparaître qu'au pansement suivant
;on
peut
d'ailleurs la supprimer
par unbadigeonnage de cocaïne.
Dès que
le pansement est enlevé,
011éponge légèrement la
surface avec un tampon
de
ouatehumide et l'on réapplique le
pansement.
Môme dans les
casoù de larges surfaces étaient
excoriées, nous avons
toujours
vules malades supporter
par¬faitement
l'application et
ne pastrop
seplaindre de la minute
de douleur
qu'on leur occasionnait.
Au bout de trois ou quatre
applications de l'emplâtre, on
voitles tubercules
lupiques s'ulcérerisolément; ils
secreusent
et, au bout
de huit oudix pansements, l'on voit la surface ma¬
lade
profondément ulcérée
en nappesi les tubercules étaient
confluents, ou bien semée
d'ulcérations arrondies, creusées
engodets, de la grandeur d'un pois
enmoyenne. L'aspect très
remarquable du placard lupique, dans les cas de ce genre
démontre les
propriétés électives du caustique. Cette surface
ulcérée sécrète un
liquide visqueux, louche, peu abondant; il
n'y
ajamais de véritable suppuration, l'acide salicylique et la
créosote sont là en assez
grande abondance
pouraseptiser
complètement la plaie.
Le fond del'ulcération
présente
unaspect variable
;tantôt
il est blanchâtre, formé par un
réseau nacré de tissu fibreux
résistant, tantôt on y
distingue des points jaunâtres, mous,
friables,qui
sontdes tubercules lupiques qui ont persisté.
L'emplâtre d'acide salicylique respecte absolument la peau
normale. Il respecte
également les cicatrices qui sont tout à
fait saines; mais
lorsqu'il s'agit d'un lupus sclérosé, formé de
— 20 -
tubercules disséminésdans unecicatrice rouge,
dure, épaisse,
saillante,d'aspect chéloïdien,
onvoit les tubercules
super¬ficielset apparents
s'ulcérer tout d'abord; puis apparaissent
d'autres ulcérations,
punctiformes
audébut, qui s'élargissent
à leur tour et peuvent
confluer
;elles répondent probable¬
ment à des tubercules
plus profonds et invisibles. Si l'on
continue
l'usage de l'emplâtre et surtout
avecdes doses
fortes d'acide
salicylique, toute cette cicatrice dure est rongée
et détruite, de sorte que
tout le placard lupique
nefait plus
qu'une plaie.
Si l'on continue le traitement, le fond des ulcérations se relève etse
tapisse de bourgeons charnus
rougeset fermes, parmi lesquels
onpeut souvent distinguer
encorequelques points jaunâtres, plus
mous,qu'il est bon de détruire, soit
avecle crayon
de nitrate d'argent taillé
enpointe, soit
avecle
crayon
de sublimé qu'emploie M. Unna, mais
que nous avonstrouvé trop mou pour
cet
usage.Quelquefois il
sefait
sousl'emplâtre
undébut de cicatrisation et, dans'un
cas(Obs. III),
nous avons vu se faire dans ces conditions une cicatrisation
presque
complète. Le plus souvent, elle n'est qu'ébauchée et
les choses restent en l'état tant que
l'on continue l'usage de l'emplâtre. Si alors
onle remplace
par unpansement à l'acide
boi'ique
ou unepommade â l'oxyde de zinc, la cicatrisation
se fait très
rapidement.
Au commencement de l'année dernière, M. le docteur
Dubreuilh a eu â
soigner
unmalade qui, ayant consulté
M. Unna â
Hambourg, demandait
à êtretraité
parcette
méthode. Lesrésultats en ont été assez satisfaisants pour
nous encourager à
l'essayer
sur unplus grand nombre. Dix
malades ont été soumis â ce traitement et ce sont ces résul¬
tats que nous
allons
exposer.Les emplâtres
que nous avonsemployés
sontles
nos76,
contenant10
grammesd'acide sali-
— 21 -
cylique et 20
grammesde créosote; n° 78, contenant 20 et
40 grammes,
et
n°79, contenant 30
grammesd'acide salicy-
iique et 50
grammesde créosote par cinquième de mètre
carré. Nous avons choisi de
préférence les emplâtres les
plus forts
pourles lupus les plus profonds et le nombre
d'applications
aété
en moyenned'une vingtaine pour chaque
traitement.
Un
premier
groupecontient les
casde lupus à tubercules
isolés,
dans lesquels l'action élective de l'emplâtre s'est nette¬
ment manifestée.
CHAPITRE III
Observation I
Lupus ànodules
superficiels disséminés
surune cicatrice souple;
emplâtre d'Unna;
destruction élective des tubercules; récidive
modérée; améliorationtrès
marquée.
M. S..., quarante-cinq ans,
présente
unlupus fort ancien du côté
droit du cou. 11 est constituépar une
cicatrice mince, souple et blan¬
che, grande comme la
main, semée de tubercules rougeâtres et
mous, très superficiels et ne
produisant presque aucun épaississe-
mentdela peau àce niveau.
Ces tubercules sont disséminés discrète¬
mentsurtoute l'étendue de la cicatrice,
mais forment
surles bords
supérieur etantérieur
deux
groupesgrands comme des amandes, où
ils sont confluents. Ce malade, qui craint par
dessus tout les interven¬
tionsopératoires, m'est
adressé
parM. Unna avec ses instructions
relativement au mode d'emploi de ses
emplâtres.
Le traitementest commencé enjuin
1894. L'emplâtre n° 76 est
appliquétouslesjours
pendant environ trois semaines. Au bout de
quelquesjours tous les
tubercules étaient ulcérés, les parties inter¬
médiaires de la cicatrice restantintactes.
Pendant le traitement, les
ulcérations sontà plusieurs
reprises cautérisées
avecle crayon de
sublimé d'Unna. Après unedizaine
de jours de traitement, les ulcéra-
— 24- —
lions sont comblées parle bourgeonnementde leur base et il se lait
undébut de cicatrisation spontanée sous l'emplâtre, mais pendant
toute la troisième semaine la cicatrisation ne faisant aucun progrès, je me décideau bout de ce temps à cesser l'emplâtre et à laisser la
cicatrisation s'achever sous un pansement à lapommade d'oxyde de
zinc; elle est du reste très prompte.
La cicatrice résultant estsouple, mince, pâle; à-la place de chacun
des tuberculesil reste un petit nodule bien limité de tissu' cicatriciel
dur. En quelques jours cependant touts'aplanit.
Au bout de deux mois, il reparaît quelques tubercules, en très petit nombre et de faible dimension, sur la partie moyenne de la cica¬
trice, un peu plus nombreux sur les bords supérieur et antérieur, où
ils forment deux groupes beaucoup plus petits cependant qu'avant le
traitement. Ces quelques tubercules sont cautérisésaugalvanocautère
en trois ou quatre reprises.
Enjanvier1895, la plus grande partie de la cicatrice est tout à fait
saine; ontrouve seulement les deux groupes déjà signalés, mais for¬
més maintenant de tuberculesisolés etnon plus contluents.
Une nouvelle application de l'emplâtre, limitée à ces deux groupes, amèneune nouvelle amélioration ; mais, en juin 1895, on trouve
encore deux groupes de tubercules ayant chacun la grandeur d'une
olive et formés chacun dequinze ouvingt tubercules isolés.
Observation II
Lwpus à tubercules disséminés dans unelarge cicatrice; emplâtre;
ulcération élective très nette; récidiveprécoce.
Louise B...
Le 1L mai 1894. —Toute la joue gauche estoccupée par un pla¬
card delupus grand comme la paume de la main. Le pourtour est occupé parune bande continue d'un centimètre de large, formée de
tubercules confluentsjaunes rosés, un peu saillants, superficiels,sans
— 25 —
infiltration profonde. En dedans de cette
bordure est
unesurface
cicatricielle lisse, mince, blanche, semée de quelques petits
nodules
jaunes. Au centre estun groupe de
tubercules ulcérés et croûteux.
Après quelques séances de
scarification
oud'ignipuncture, la bordure
detubercules disparaît, mais il reste unecicatriceun peu
dure, semée
de nodules lupiques.
Le26 octobre. — On applique l'emplâtre d'Unna
n°76; le
panse¬ment est changé dix l'ois en seizejours.
L'emplâtre manifeste
ses pro¬priétés électives de la façon la plus
nette, tous les tubercules sont
énucléés et à la placedechacund'euxl'on trouveune
petite excavation,
ronde, en forme degodet, paraissant
creusée à l'évidoir. Les parties
intermédiaires de la cicatricen'ont pasété attaquées.
Le22 novembre. — Chaque tubercule lupique est
remplacé
par unnodule cicatriciel dur etun peu saillant.
Le 5 décembre.— La cicatrice s'estaplanie, mais reste un peu rou- geâtre, squameuse, et l'on y
découvre
ungrand nombre de petits
tuberculesjaunes disséminés.
Après quelquesséances
d'ignipuncture, la cicatrice prend meilleur
aspect, mais la malade étant
restée six mois
sans sesoigner, elle-
revient enjuillet 1895avec un placard
criblé de tubercules de récidive.
Larécidive s'est donc
produite très promptement, malgré
que
l'emplâtre ait, dès les premiers jours, paru énucléer les
tubercules comme l'aurait fait une curette.
ObservationIII
Lupus datantde quatre ans
à tubercules discrets-, ignipuncture;
récidive,emplâtre;
destruction élective des tubercules; récidive.
Mme M..., trente-six ans. Pas
d'antécédents tuberculeux, pas de
tuberculosedans l'entourage.
Il yaquatre ans, pendant la
convalescence d'une attaque d'influenza,
la malade a eu des accès dentaires etde petits
boutons dans la narine
Bernard 4
— 26 —
gauche, qui ont persisté depuis; puis sont apparus quelques petits
boutons sur lajoue, gauche, au niveau de l'os malaire. À partir de
mai 1892. les lésions s'étendent surlajoue etles faces latérales du nez.
En septembre 1893, la lèvre est envahie.
Le 19 mars 1894. -Le lupus occupe le lobule et lesfaces latérales
(ki nez, le sillon naso-génien et la joue gauche, le côté gauche de la
lèvre supérieure. Lalésionest constituée par unesurface un peu cica¬
tricielle, criblée de tubercules presque confluents, assez superficiels.
Après deux mois de traitement parles scarifications et l'ignipuncture,
la malade retourne chez elle avec une très belle cicatrice.
Le8 août. — La cicatrice est semée depetits nodules. Ignipuncture.
Le 13 décembre. — Nouvelle récidive. Application de l'emplâtre d'Unna, une foisparjour.
Le 21. — Tous les nodules sont profondément ulcérés, comme énu- cléés, la cicatrice intercalaire est simplement enflammée.
Pansementavec unepommade à l'oxyde de zinc.
Le31. — Cicatrice encore un peu rouge, mais souple et sans tuber¬
cules.
Le 20 mars 1893. — La cicatricea encore bon aspect, elle est blan¬
che, souple, mais semée de quelques tubercules isolés.
En résumé, les résultats fournis par
l'emplâtre
sontdans
ce cas égaux,
mais
nonsupérieurs,
à ceuxqu'auraient four¬
nis
l'ignipuncture
oule
curettagedes tubercules.
Observation IV
Lupus de la joue à gros tubercules disséminés sur une cicatrice
mince etsouple; iulcération nettement élective destubercules par
l'emplâtre;récidiveprécoce.
AndréaB..., seize ans.
Pas de tuberculose dans les antécédents héréditaires. Vers l'âge de
— 27 —
cinq ans, lésion dela troisième
phalange de l'annulaire gauche, qui
a suppuré longtemps et qui sembleavoir été
unspina ventosa.
Le lupusa débuté à l'âge de septans par un
nodule situé
aumilieu
de lajouedroite.
Le 18 mars 1803. — On trouvait sur la joue un placard cicatriciel
de 5 centimètres delong sur4 de large, criblé de
tubercules. Guret-
tage.
On enlèveàlacurette desrécidivessuccessives les 5 et 16mai, et le
30juillet.
Le30juillet1895. — La joue
droite est occupée
par unegrande
cicatriceblanche, lisse, souple, saine dansla plus
grande partie de
son étendue, mais semée de tubercules du volumed'un grain de chènevis,
au nombred'une douzaine; ces tubercules sontrouges,
bien limités,
non ulcérés etparaissentassez
superficiels.
Le Prfévrier. — Emplâtre
d'Unna
n°70
; onchange l'emplâtre
touslesjours.
Le 8. — Tous les tubercules sontprofondément
ulcérés. Les parties
saines de lacicatrice sont intactes, mais à chaque
tubercule
corres¬pond une petiteexcavation, comme
s'ils avaient été curettés.
Le 11. —Malgré laContinuation de
l'emplâtre, les ulcérations sont
combfées parles bourgeons charnus
et il
y a unecertaine tendance à
lacicatrisation. Onremplace l'emplâtre par un
pansement boriqué.
Le 13. —Quelques-unes des
ulcérations de la partie supérieure de
laplaque paraissent
suspectes, elles sont curettées avec le crayon de
nitrate d'argent et l'on applique
de
nouveaul'emplâtre d'Unna pen¬
dantdeuxjours.
Le lor mars. —La cicatrisation estachevée.
Le 8. —Lacicatrice adans son ensemble
très bon aspect, mais
ony distinguedéjà quelques
points de récidive.
Le 9. — Unedouzaine degros tubercules de
récidive. Gurettage.
Juillet1895. — Lacicatrice estsemée de
tubercules, absolument
commel'année dernière.
— 28 —
L'action élective de
l'emplâtre s'est
montrée très nette¬ment, mais l'ulcération n'a sans doute pas été assez pro¬
fonde,
malgré qu'elle ait
étéaidée parle nitrate d'argent, puisque les tubercules
ontrécidivé
àbrève échéance.
Ensomme, résultat médiocre.
Observation Y
Lupus ulcéreux rebelle; cicatrice beaucoup plus saine
obtenue par les emplâtres.
FêlicieB...
En 1888, à l'âgede treize ans, elle a eu un mal de Pott et, à la même époque, elle a eu des ganglions tuméfiés. Un de ces ganglions
s'est abcédé et a été le point dedépart du lupus qui s'est étendu en collier de l'une à l'autre oreille.
En1890, des croûtes sont apparues au centre de la face.
Le 14 décembre 1891.— La partie antérieure du cou présente une
large bande de lupus ulcérémou(scrofuloderme des auteurs anglaiset allemands), qui s'étend d'une oreille à l'autre. Tout le centre de la face, c'est à dire le nez. la lèvre supérieure, la partie avoisinante des deuxjoues, surtout àgauche, est couvert d'unvasteplacard de lupus fongueux et ulcéré.
Un seul raclage asuffi pour guérir définitivement le collier de lupus
du cou; mais les lésions du centre de la face persistentet même s'éten¬
dent un peu pendant les années suivantes, d'autant plus que la malade se négligequelquefois beaucoup. C'est ainsi qu'elle cesse tout traitement dejanvier 1892 à mars 1893.
En 1894, lesopérations répétéesamènent une notable amélioration,
mais le nezestpresque réduit à son squelette osseux et la lèvre supé¬
rieure a disparu,lamuqueuse étaléeoccupant l'espaceentre la bouche
— 29 -
et les narines. II se fait constamment des récidives, toujourssous forme ulcéreuse.
Le 28janvier 1895. — On applique l'emplâtre d'Unna n°78 sur
tout lecentre delaface, àl'exception de la lèvre supérieure.
Le8 février. — La surface traitée est
criblée d'ulcérations plus
nombreuses encore qu'on aurait pu lesupposer d'après le nombre de
tubercules visibles. Le fond des ulcérations, un peu jaunâtre, est curettéavec lecrayon denitrate d'argent.
Le22. —Le travail de cicatrisation commence à se faire sous l'emplâtre.
Pansement boriqué.
Le 1ermars. — Cicatrice souple dans toute la partie traitée par les emplâtres, àdroite seulement on voit quelques
points suspects.
Juillet. — La cicatrice qui couvrele milieu de la face s'est assez bien maintenue, elle est mince, souple, avecà peine quelques tuber¬
cules très petits ettrès superficiels, qui reparaissent
parfois et sont
aussitôt détruits au galvanocautère. Cependant, sa teinte rouge foncé persistante laisse des doutes sur sa
solidité. Il s'est produit
encorequelques ulcérations, mais en dehors
des parties traitées
par l'emplâtre.Le résultat aété en somme très satisfaisant et
l'emplâtre
a donné une cicatrice beaucoupplus saine
queles opérations
antérieures.
Observation VI
Lupus du nez datantde huitans;
opérations variées; amélioration
rapide au début;
persistance obstinée de quelques points
pen¬dantunan; cicatrisationparl'emplâtre
d'Unna.
MlleX..., vingt-sept ans, est atteinte
depuis sept à huit
ansd'un
lupus qui estsurvenu
consécutivement à
unedacryocystite double et
a débutéparl'angle del'œil, de
chaque côté. La dacryocystite
aguéri
àpeu près spontanément; le lupus est
resté stationnaire à gauche,
mais s'est étendu àdroite, gagnant le nez et la joue droite.
Traitées une première foispar M. Arnozan, les lésions se sont rapi¬
dement améliorées parl'ignipunctûre, mais lanégligence de la malade
a permis une rechute qui a pris en deux ans une extension
considé¬
rable.
En mars 1894,je constate l'état suivant: Sur la joue droite se trouve un placard fongueux de la grandeur d'une pièce de deux
francs. Au-dessous de l'angle de l'œil gauche, un nodule de la gran¬
deur d'un petit haricot, paraissant assez profond. Le nez est
envahi
dans satotalité, il est représenté par une masse du volume d'une
pomme, fongueuse, couverte decroûtes etsuppurant
abondamment;
sousles croûtes,on trouve une surface framboisée etvégétante. Les
deuxnarines sontcomplètement obstruéespar les végétations.
Par des scarificationspratiquées sousle chloroforme, les
végétations
s'affaissentrapidement eten trois mois les narines étaient libres et le
nezavaitrepris à peu près sonvolume etsa formenaturels,
sauf
queles deux ailes, surtout la droite, sont sensiblement échancrées. Le
foyer de l'œil gauche, curetté etcautérisé auchorure de zinc, a
guéri
et n'adonné lieu que six mois après à un seul tubercule,
qui
aété
détruit à son touretn'apasreparu. lia plaque delajouedroite,
curettée
à fond etcicatrisée, a fourni une cicatrice un peu dure, dans laquelle reparaissent encore parfois quelques tuberculesisolés.
Quant au nez. malgré l'améliorationconsidérable obtenue
très
rapi¬dement, deux points n'ontjamais cicatrisés et sont restés croûteux et
ulcérés. Pendant tout l'été de 1894, ils étaient situés : l'un sur l'aile droite, l'autre surle côté gauche dunez. Pendant toutl'été, les scari¬
fications et les cautérisations ponctuées, les curettages, sont
restés
infructueux.
Pendant l'hiver 1894-95, les récidives de tuberculesisolés sont deve¬
nues plus abondanteset lesparties déjà ulcérées se sontétendues. Les opérations répétées, consistant principalement encautérisations ponc-
— 31 -
tuées, ne donnaient plus d'aussi brillants résultats quele printemps précédent; elles avaient mêmefini parne plusproduire d'effet appré¬
ciable etl'état de la malade enjuin 1895 était sensiblement le même qu'enjuin1894.
La malade est extrêmement impressionnable, presque toutes les opérations avaient dû être laites sous le chloroforme ; pendant
l'été
de1894, j'avais bienpufairequelques petitscurettages aveclacocaïne,
mais cela même étaittrès difficile, parceque lamalade se mettait en défense dèsqu'ellevoyait l'aiguille de la serisgue s'approcher de sa figure : elleavait même fini par s'y refuser complètement et ne
plus
accepterque le chloroforme.
En présence de l'extrêmedifficulté des interventions et
de leur
peude résultats, jeme décidai à essayerlesemplâtres. L'emplâtred'Unna
n° 79 futappliqué sur les deux points lesplus rebelles,
l'aile droite et
le côtégauche dunez, en débordant largement sur
les parties cicatri¬
sées. L'emplâtre fut appliqué deux fois parjour
pendant neuf jours,
soitdix-huit fois. Dès les premières applications, les parties
déjà ulcé¬
rées se sont creusées etélargies, quelquestubercules non croûteux
despartiesvoisines se sont ulcérés,
mais
lesparties de la cicatrice qui
paraissaient saines ont bien résisté à l'emplâtre.
Lesparties ulcérées parl'emplâtre ne
présentaient
pasde points
jaunâtres suspects et, quand même il s'en
serait présenté, il n'y avait
pasà songerà les curetter au crayon
de nitrate d'argent chez
unemalade aussi susceptible. Aussi ai-jecherché à
compléter l'action de
l'emplâtreen pansant les ulcérations avec une
pommade à l'acide
pyrogallique à 1/10 d'axonge.
J'appliquai la pommade pyrogallique
(tendant trois jours, deuxfois dans
les vingt-quatre heures, puis
pen¬dant quatrejoursun simple
pansement boriqué; enfin, pendant trois
jours encore, lapommade pyrogallique;
deux jours après la cicatrisa¬
tion était achevée (1).
(1) Cette pommade pyrogallique, que j'expérimente
actuellement,
meparaît
appelée àrendre des services, mais son emploi a
besoin d'être minutieusement
surveillé, carsi quelques malades lasupportent
pariaitement, même à la dose de
207'o, chez d'autres,elle détermine très rapidement
de véritables eschares profon¬
des et étendues.