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«NE MINIMISONS JAMAIS LE HARCÈLMENT SEXUEL»

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« NE MINIMISONS JAMAIS LE HARCÈLMENT SEXUEL »

Campagne de la Région Île-de-France, Île-de-France mobilités, RATP, SNCF Transiliens, mars 2018

Une étude réalisée par Roxane Lhoirit, Léna Jolivet et Marina Radishevskaya, avril 2019.

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne — Master 1 Direction de projets ou établissements culturels

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2 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Conception

ENTRETIEN CONCEPTION

Florian Roussel, Directeur Artistique et Guillaume Blanc, Concepteur rédacteur chez Havas Paris. Interviewé par Léna Jolivet et Marina Radishevskaya en avril 2019.

Qui était le commanditaire du projet ?

Guillaume Blanc (G) : C’est la RATP qui est un de nos clients, mais en partenariat avec la SNCF, la région Île-de-France, et le STIF.

Florian Roussel (F) : C’est une campagne qu’ils ont faite en commun.

À quelle occasion souhaitaient-ils communiquer, quelles étaient leurs intentions ? G : C’est clairement communiquer contre le harcèlement dans les transports, ce n’était pas à l’occasion d’une journée en particulier, mais c’était surtout une prise de parole commune au même moment.

Et quels étaient les destinataires du projet de communication ?

G : C’est les usagers, tous les usagers que ça soit des filles ou des garçons, parce que c’est vrai qu’on mettait des filles sur les affiches, mais c’était pour montrer qu’il ne faut pas minimiser ce que vous voyez. Ce qui est intéressant aussi c’est que nous ce brief on l’a eu avant l’affaire Weinstein. Après dans la foulée il y a eu « balance ton porc », etc., et nous on n’avait pas encore sorti la campagne. Elle est sortie un peu après, pile au bon moment, mais on n’a pas rebondi sur ça pour le coup.

Quelles étaient les intentions de communication du commanditaire ?

G : Le but ce n’était pas de s’adresser aux gens qui harcèlent, car c’est compliqué par la com- munication de faire réfléchir des gens qui sont déjà un peu détraqués dans leur tête. L’idée c’est de parler aux victimes et aux témoins, avec cette mécanique d’être dans l’exagération, dans la métaphore et de se dire que quand une femme se retrouve avec un harceleur, elle est aussi peur que si elle se retrouvait avec un animal sauvage dans la nature, elle a cette sen- sation d’être seule, et d’avoir ce truc-là. C’est pour ça qu’on disait « ne minimisons jamais le harcèlement sexuel ». C’est-à-dire qu’à un moment, toi tu peux croire que c’est juste un gars un peu lourd, mais en fait non : cette femme, elle est vraiment seule, elle ne sait pas comment réagir, avec la peur elle va pas forcément réussir à s’exprimer, ça peut tétaniser les gens. Donc si tu es victime ou témoin, il faut donner l’alerte, essayer d’agir. Se dire que ce n’est pas rien. Un mec qui est lourd dans le métro, ce n’est pas rien. Une femme elle est déjà face à un prédateur.

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Qu’est ce que le commanditaire voulait éviter ?

F : Non, on n’a pas eu vraiment de contraintes dans ce sens-là.

G : Après on avait eu cette discussion de comment vraiment représenter le harceleur. C’est compliqué, tu vois là, on s’est fait reprendre parce qu’on avait mis des animaux, mais si on avait mis des hommes : si on avait mis un gros on nous aurait dit qu’on fait de la grossophobie, tu mettrais un arabe on dirait que c’est du racisme, enfin.... Et c’est hyper compliqué de représen- ter le harceleur en fait, parce que c’est monsieur tout le monde, il n’y a pas de profil type. Voilà, nous on pensait que cette mécanique de passer par les animaux ça permettrait d’éviter tous ces débats. Puis en fait ça en a créé d’autres.

Il y a tout le temps des gens qui se sentent vexés par quelque chose.

G : Ah là c’est dans l’air du temps en plus, après ils ont sûrement leurs raisons. Je trouve que c’est des bonnes causes de défendre les animaux, sauf que le problème c’est que nous aussi on voulait défendre une cause et à cause de ça la campagne n’a pas pu durer non plus. Ça a été au détriment aussi de la cause.

Parce que la campagne a duré combien de temps ?

G : T’as eu une vague d’un mois, et elle devait repasser dans l’année et puis ils ont décidé de ne pas la repasser.

Comment et pourquoi votre agence a-t-elle été choisie pour ce projet ? G : Parce que Havas Paris est l’agence de la RATP.

Quel était votre rôle dans le projet ? F : Directeur artistique

G : Concepteur-rédacteur. Mais on travaille toujours en binôme. C’est des équipes créatives et nous on est à la base vraiment de l’idée on prend un briefing sur « victime ou témoins ». Voilà notre brief c’est qu’il faut que ça s’adresse aux victimes et aux témoins, et puis après on trans- forme ça de manière créative en une image.

Et est-ce qu’il y avait d’autres intervenants dans ce projet ?

G : Oui il y avait un photographe, et après en agence il y a des consultants, une équipe com- merciale qui est en relation avec le client, et qui est garante de la conception à la réalisation du projet. Du début à la fin il suit chaque étape.

Donc la diffusion c’est aussi vous ? F : La diffusion c’est autre chose.

G : Après c’est de l’achat de médias. La personne que vous devez allez voir c’est le réseau

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d’affichage. Je crois que c’est la RATP. Ça aurait été intéressant aussi d’aller voir l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), qu’ils nous expliquent pourquoi cette campagne a été créée.

Est-ce que vous avez accompagné le commanditaire dans la (re) formulation de ses intentions, de ses attentes, de sa demande, ou alors le projet était assez bien directe- ment ?

G : Non il y a toujours un travail de reformulation du briefing. En fait il y a une demande qui est assez large sur le harcèlement. Avant la création il y autre partie qui s’appelle la stratégie, où tu décides vraiment du fond de ton message, la création on va s’occuper de la forme, de comment tu transformes ce truc. Le fond du message est décidé ici en stratégie. Donc le fait de s’adres- ser aux victimes et aux témoins, et pas aux harceleurs, bah c’est nous qui l’avons décidé, et puis on le partage avec le client.

Et donc quel était le pitch du commanditaire ?

G : C’est campagne Île-de-France contre le harcèlement sexuel dans les transports. C’était assez général.

Et à part la contrainte de la représentation du harceleur, est-ce que vous en aviez d’autres ?

G : Ce n’est pas des contraintes qui sont clairement évoquées, mais sur une campagne d’affi- chage grand public, tu ne peux pas faire des trucs trop gores, trop salaces, car il va y avoir des enfants qui vont passer devant. Tu ne peux pas heurter tu vois, et pourtant on a quand même heurté la sensibilité des gens avec cette campagne. Quand tu fais de l’affichage dans la rue, et d’ailleurs l’ARPP veille à ça, il ne faut pas sortir des images trop dérangeantes non plus. C’est un sujet qui est un peu dur, mais tu ne peux pas aller dans des trucs trop glauques ou salaces quand tu fais de l’affichage.

F : Et ça, c’est valable pour n’importe quel sujet.

G : Par exemple on fait une campagne pour Halloween au parc Disney, et tu ne peux pas mettre un vampire qui est plein de sang, parce que pareil il va y avoir des enfants qui vont regarder.

Comment avez-vous traduit la demande, les objectifs et les attentes du commanditaire en produit de communication ?

G : Bah nous on a utilisé la métaphore animale, en vivant au pays de La Fontaine on ne pensait pas que ça créerait un scandale. Après, la forme créative, c’est toujours quelque chose qu’on peut discuter, c’est subjectif la création. Donc on comprend que des gens n’aient pas aimé, qu’ils trouvent que c’est trop facile de montrer des animaux. Mais nous avec cette contrainte de ne pas montrer le harceleur, et en utilisant cette mécanique-là, on s’est dit qu’on avait la possi- bilité de proposer des univers assez forts. On a cette femme qui tient la barre de métro, et il y a que le sol du métro, et c’est comme si tout un monde hostile venait l’entourer à ce moment-là.

C’est que au moment où tu te fais harceler bah tu es plus dans le métro. Voilà tu te retrouves dans une forêt avec des loups autour de toi. Bon sans dire qu’il faut tuer les loups, mais bon si

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tu te retrouves avec trois loups autour de toi t’es pas super à l’aise non plus. Mais nous les gens nous ont dit « mais non les animaux ne sont pas des harceleurs sexuels. Ils sont bien mieux que les humains, etc. »

Mais en un sens ça nous fait réfléchir sur les prochaines campagnes. Avec les réseaux sociaux, tous les sujets deviennent sensibles maintenant. C’est de plus en plus compliqué de ne pas provoquer des réactions.

Et est-ce que vous aviez fait plusieurs propositions pour votre campagne ?

G : Ouais. Y avait eu déjà une campagne, mais on avait proposé une autre campagne qui était vachement bien aussi, ils avaient beaucoup aimé. C’était une campagne où on donnait une solution en cas de harcèlement. En fait le truc ça s’appelait « appelez moi Sarah » et en fait ça voulait dire « Savoir Réagir Au Harcèlement sexuel ». Et l’idée c’est que quand tu vois une femme avec un homme où tu sens qu’il est lourd, tu vas vers elle et tu dis « ah Sarah comment ça va ? ». Pour sortir la fille de la situation. Le souci c’est que la RATP avait peur qu’on pense que c’était leur seule solution face au harcèlement sexuel. En fait ils voulaient vraiment faire la promotion du 3117, des numéros à appeler en cas de problème, des moyens mis en œuvre. Ils avaient peur que les gens pensent que la seule solution que la RATP avait à proposer c’est en gros « ok on se débrouille nous même quoi ». Donc la campagne n’est pas passée et on est allé sur un truc plus institutionnel : « ne minimisons jamais le harcèlement sexuel, en cas d’alerte composez le 31... » C’est vraiment la promotion de ces moyens d’agir.

Et est-ce qu’il y avait eu des projets qui étaient en concurrence pour cette campagne, ou alors vous étiez les seuls ?

F : Non non, on était les seuls, ce n’était pas un appel d’offre. Mais en interne il y avait deux équipes de briefées.

Ok, et est ce qu’il y a eu des désaccords dans la réalisation de ce projet ?

G : Non, tout s’est bien déroulé, on n’a pas du tout vu venir le mécontentement. Les comman- ditaires ne l’avaient pas vu venir non plus. 100 % des filles ont vécu un moment de harcèle- ment dans les transports, plus ou moins grave, mais c’est arrivé à tout le monde. Donc ici dans l’agence ça parlait à tout le monde.

Et ce projet c’est vous qui l’avez choisi ou on vous a mis dessus ? F : Non on nous a mis dessus.

G : On ne choisit pas, mais ça nous a plu, c’est toujours sympa de travailler pour une grande cause tu as l’impression d’être utile. C’est pour ça qu’on était un peu dégouté que ça n’ait pas fonctionné auprès de la cible, car le combat des femmes est aussi important.

Quelle était la réaction du commanditaire ? F : Ils avaient beaucoup aimé.

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Et qui a eu l’idée de ce visuel ? F : C’est tous les deux.

G : On échange beaucoup, on discute et l’idée vient de nous deux. Il y en a un qui dit un truc, l’autre qui rebondit...

Et comment se sont faits les choix des visuels ?

G : On a pris trois animaux symboliques, devant lesquels tu te sentirais en danger, et on est resté dans une imagerie qui parle à tout le monde, par exemple on n’a pas été prendre des lions ou des tigres.

Est-ce que vous pouvez me parler de la composition de l’image, les couleurs, les formes...

G : Oui tu as une composition de ces images avec toujours la barre qui symbolise le métro, la femme qui se tient à la barre et on sent qu’elle ressent la pression qu’il y a autour d’elle, et l’idée vraiment de ce monde sauvage qui vient l’entourer. Et le focus de lumière est fait sur la femme, et les animaux sont plus dans une pénombre. Et il y a toujours ce sol qui recouvre un peu le sol du métro.

Les trois affiches sont composées pareil, avec le personnage sur la droite.

Et comment ont été conçus les textes ? Comment vous y avez réfléchi ?

G : Le « ne minimisons pas » il avait du sens, justement pour désamorcer le truc. Si on ne l’avait pas mis, on n’aurait pas forcément compris que la femme elle le vit comme ça.

[directeur d’agence rentre et ils reparlent de la polémique]

Oui on a eu des spécistes, de braconnage. C’est monté tellement loin que même l’associa- tion professionnelle de la publicité a interdit la campagne. Alors que nous notre but c’était de défendre les femmes... Le truc a déclenché un raz-de-marée alors que c’était une campagne assez simple, assez classique. Il y en avait qui disaient « défendre les femmes oui, mais pas au détriment des requins ».... Tout le monde a nié le côté « prédateur ». C’est des prédateurs sexuels, les animaux qu’on a utilisés ce sont aussi des prédateurs. Ça a totalement décalé le discours, d’un coup le sujet c’était plus de défendre les femmes c’était de protéger les animaux.

Autre question, selon vous, qu’est ce que l’image raconte ?

G : C’est vraiment ce moment de malaise. On a voulu imaginer le ressenti de la victime, com- ment elle se sent seule. Soit elle est complètement tétanisée, elle peut plus bouger elle arrive plus à parler, c’était ce message, c’est presque aussi inquiétant que quand il y a des animaux dangereux autour de toi.

Que pensez-vous du rapport entre les textes et le visuel ?

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G : Ils sont complémentaires, sans l’accroche la métaphore elle semble encore plus gratuite.

On n’aurait pas été au bout de la signification sans l’accroche. C’est toujours ça, les mots te donnent une clef pour comprendre le visuel. Après c’est des mécaniques, des techniques, l’idée c’est de ne pas répéter dans les mots ce que tu montres dans l’image. L’idée c’est que ça soit complémentaire, que ça soit une clef de compréhension.

Est-ce que vous aviez voulu faire un choc visuel ?

G : Oui nous on veut toujours que l’image arrête. C’est notre métier d’arrêter les gens et là il fallait quand même qu’il se passe quelque chose dans ce visuel, il fallait que la mécanique soit surprenante.

Quels sont les qualités et les défauts de l’image, selon vous ?

G : Alors les qualités c’est que ce sont des visuels impactant, qui arrêtent. Ce sont des visuels qui sont nouveaux, il y a une composition, un travail de réalisation avec un très bon photo- graphe. Ses défauts ce sont les débats qu’elle a provoqués, le fait qu’elle n’ait pas fait l’unani- mité. Il y avait un biais qu’on n’avait pas vu, c’était l’utilisation des animaux.

Pour la partie diffusion, qui était chargé de la diffusion ?

G : Alors il y a un réseau d’affichage, mais je ne pourrais pas te dire lequel.

Parce qu’on avait déjà travaillé avec Havas, pour une autre campagne, et eux avaient dit que c’était des gens de Havas aussi qui s’en étaient occupés, est-ce que c’est pareil pour cette campagne ?

G : En fait il y a l’achat d’espace et les médias. Il y a les propriétaires comme JC Decaux et avant il y a une étape d’agence média, nous on a Havas Media et ce sont eux qui achètent la diffusion, ils décident du plan média. Ils décident où, quand diffuser. Et après le client achète les espaces. Après à qui vous adresser vous pour avoir cette information... On vous donnera les contacts de quelqu’un qui était sur la com. Il y avait Aurélien et Carole je crois.

Et au niveau de l’impact, les conditions de diffusion ont elles un impact sur la création du document ?

G : Oui quand c’est une campagne d’affichage 4x3, dont le format est un peu plus horizontal, on le sait avant pour pouvoir prévoir quand on fait nos photos. C’est comme quand tu fais des pubs TV si c’est de 15 s ou de 30 ça influe sur ta création.

Selon vous quelle a été l’interprétation de la campagne par le public ?

G : Le problème c’est que les seules personnes qui s’expriment ce sont les gens qui ne sont pas contents. Il n’y en a pas beaucoup qui viennent et disent « tiens je trouve cette campagne géniale ». Souvent c’est les avis négatifs qui s’expriment le plus.

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Après les gens qui se sont insurgés pour la cause des animaux c’est des gens un peu exces- sifs, je pense… Alors là où ils ont raison c’est que depuis la nuit des temps ces animaux là on leur a fait une mauvaise pub, on les a massacrés facilement. Le scandale il est là, c’est plus les gens qui font du mal aux animaux par plaisir. Et c’est vrai que du coup cette mauvaise pub a fait qu’on les a beaucoup tués. Là où je les comprends, c’est que le regard aujourd’hui a changé sur ces animaux-là. Les animaux ne sont pas méchants. Donc on peut comprendre, mais de là à ce qu’on l’interdise c’est un peu excessif. Si tu trouves ça pas bien, ok, mais de là à en faire un scandale. C’est là où ils ne sont pas honnêtes, et comme je le disais c’est une campagne contre le harcèlement, et ce n’est pas les Parisiens qui vont aller tuer les animaux, la campagne elle est diffusée qu’à Paris. Et les boites comme la RATP ils ne veulent pas faire de vagues, ils sont grand public, ils ne sont pas là pour créer des débats.

Quelles réactions pensiez-vous que le public pouvait avoir face à cette image-là ? G : On pensait que les gens allaient accrocher, qu’ils allaient adhérer. Qu’ils allaient la voir déjà l’affiche. Ça pour le coup, le pire c’est de provoquer zéro réaction en fait. Là on sait qu’elle a été vue l’affiche, puisqu’elle a provoqué des réactions. Ça veut dire que ceux qui l’ont aimée l’ont vue aussi, même si on n’a pas eu leur retour.

Et selon vous, est-ce qu’on doit avoir des connaissances de conventions, de codes né- cessaires pour comprendre ce message ?

G : Non, et sur les campagnes grand public ça serait rater sa campagne de faire jouer des co- des culturels, parce que nous on veut vraiment s’adresser à tout le monde. Et c’est presque le plus dur à faire, c’est de faire simple et compréhensible. Pas simpliste, simple. Arriver à créer une image qui soit simple à comprendre, mais qui arrête le regard et qui soit créative. Les gens n’ont pas le temps de passer 10 minutes sur une affiche : il faut que ça arrête le regard, on dit toujours qu’une affiche c’est une feuille blanche avec une tache rouge (nous la tache rouge c’est la fille avec autour la forêt). Quand il y a trop d’informations, de textes, c’est une mauvaise affiche, on veut te perdre, tu n’as pas envie de la regarder.

Et avez-vous imaginé que le public puisse construire autre chose que ce à quoi vous pensiez en la réalisant ?

G : Sur le coup on n’y avait pas pensé, mais la preuve oui il y a des personnes qui n’ont pas compris la même chose que ce qu’on voulait montrer. Ça a été assez vite, même quand le photographe a publié la photo sur sa page, des amis à lui commençaient à critiquer. Mais on ne pensait pas que ça irait jusqu’aux associations et compagnie.

Comment vous avez essayé de contrôler l’interprétation du public ?

G : On ne peut pas contrôler ça, ils ont préféré arrêter la campagne plutôt qu’essayer de s’ex- pliquer, ils n’ont pas voulu provoquer de nouveaux débats.

Vous aviez connaissance des bénéfices de cette campagne pour le commanditaire ?

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G : Et on n’a pas eu de retour sur les bonnes réactions. Il faudrait voir si le 3117 a mieux fonc- tionné après.

F : on n’a pas eu le bilan, car elle n’est pas restée assez longtemps.

G : Non malheureusement on n’a pas eu de retour. Alors que normalement le bénéfice c’est déjà que c’est un sujet important. Pour eux, en termes d’image, c’est compliqué parce que la RATP quand ils font une campagne sur le harcèlement, y a des gens qui vont dire « oui, mais les trains sont en retard »... EDF, La Poste c’est pareil, il y a toujours des gens qui ne sont pas contents du service. Ikea ou Nike par contre y a beaucoup moins de critiques par exemple.

Le public des 11-15 ans n’était pas visé par la campagne ?

G : On avait voulu représenter différents âges. Y a une fille qui avait l’air jeune, de 16-17 ans, car c’est vrai que dès que tu commences à ne plus ressembler à une petite fille tu commences à être concerné.

Selon vous est-ce qu’un collégien peut comprendre facilement cette campagne ? G : Oui elle était simple à comprendre, universelle.

Quand on communique pour des adultes, est-ce qu’on doit prendre en considération que des enfants ou des jeunes adultes peuvent le voir ?

G : Oui c’est ce qu’on disait tout à l’heure, il faut faire attention à certaines choses quand on fait une campagne grand public.

Est-ce qu’il y avait une revue de presse pour cette campagne ? F : Non, on n’en a pas fait.

Pourquoi avez-vous accepté de faire cette campagne ?

G : Alors nous on n’a pas le choix. Mais comme je le disais avant, on travaille pour des produits et parfois pour des grandes causes. Et ça, c’est un travail sociétal, tu fais quelque chose d’utile quoi. Nous on était contents de travailler dessus. On a aussi fait des campagnes pour Reporter sans frontières, ou contre l’Alzheimer. Quand tu travailles sur ces projets, tu as une sorte de bouffée d’oxygène, tu sens vraiment que tu fais quelque chose d’utile. Même si faire de la pub pour un produit c’est utile aussi, car ça fait vivre des gens. Moi je considère notre métier comme utile là ou on pourrait dire que la pub ça sert à rien, bah si en fait ça sert encore à vendre un produit et il y a de l’emploi derrière quoi.

Est-ce que vous trouvez important de développer l’éducation à l’image à l’école ?

G : Très important oui. Aux images et à l’information. Parce que c’est vraiment le gros pro- blème. Moi j’ai des ados et apparemment ils le font à l’école, et c’est surtout une grosse partie sur la vérification de l’information. Regarde toutes les théories du complot aujourd’hui, mais

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c’est la foire. Et les infos qui viennent des médias on a tendance à ne pas les croire, alors qu’un gars sur Twitter qui va faire une fake news on va le croire. Et aujourd’hui il faudrait éduquer les enfants à vérifier les informations qu’ils lisent surtout. Après, l’éducation à l’image de la publici- té, je pense que maintenant ils sont experts là dedans. On arrive plus trop à les bluffer comme on pouvait le faire dans les années 80 avec le « lave plus blanc que blanc », tu vois la pub qui était super prometteuse. Aujourd’hui les gens sont nés avec ça, ils sont plus critiques et les marques doivent être plus honnêtes. Aujourd’hui dès que tu fais un pas de travers les critiques sont super présentes. Par contre il faudrait un peu les éduquer aussi au business des influen- ceurs quoi. Qu’ils réalisent que ce sont des personnes qui sont payées pour parler de trucs, ils sont payés. Ça oui il faut les éduquer à ces nouvelles manières d’avoir l’information.

Et vous pensez que c’est à l’école de développer cette éducation à l’image ?

G : Ouais clairement parce que tu as les parents qui peuvent être dépassés, qui ne connaissent pas. Il y a l’information, il y a l’utilisation des réseaux sociaux, et les pervers qui sont sur ces réseaux, les nudes qui tournent et tout ça...

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ENTRETIEN DIFFUSION

Olivier Guder, animateur du réseau Île-de-France et respon- sable Lynxs de l’association Ferus qui lutte pour la protection des grands prédateurs en France. Interviewé par Léna Jolivet et Roxane Lhoirit en avril 2019.

La décision des commanditaires d’annuler la deuxième vague de diffusion de la campagne fait suite à une polémique lancée par des associations anti-spécistes (dont FERUS). Ces dernières réclamaient le retrait de la campagne, qui selon eux, en jouant sur la métaphore animale et les habitudes de représentation négatives que l’on a des grands prédateurs, nuisait à l’image de ces derniers en contribuant à perpétuer l’image négative que nous avons d’eux. L’annulation de la diffusion avait pour but de stopper l’implication des commanditaires dans cette polémique qu’ils n’avaient pas souhaité. Nous n’avons donc pas pu rencontrer les diffuseurs (Zénith Op- timédia) ni les commanditaires, qui ne souhaitaient pas raviver la controverse, c’est donc en discutant avec Havas Paris (les concepteurs de cette campagne) que nous avons pu connaitre les modalités de la diffusion de celle-ci.De plus, nous avons pu rencontrer FERUS et recueillir leur point de vue en ce qui concerne cette campagne.

Selon vous qu’est ce que cette image peut raconter ?

O : Elle montre une jeune femme qui est isolée au milieu d’une forêt et qui se retrouve avec une meute de loups autour d’elle, prêts à l’attaquer, à la mettre en pièce, et à la dévorer, c’est ça que suggère l’image, je suppose. Elle est en insécurité, dans un univers hostile.

Il faut savoir en plus que le loup n’est pas un danger pour l’homme, il n’attaque jamais l’homme.

C’est l’image ancienne du loup, du Grand Méchant Loup qui est complètement obsolète, puisque toutes les études récentes montrent que le loup n’est pas un danger pour l’homme. Il a peur de l’homme surtout dans les pays comme la France où il est chassé.

L’image qui est véhiculée sur la faune sauvage, sur ces grands prédateurs que nous défendons est une image complètement négative. C’est l’image du grand méchant Loup, à l’époque du Petit Chaperon Rouge et qui n’a absolument aucun rapport avec ce que peut être un prédateur sexuel. C’est la terminologie « prédateur sexuel » qu’il faudrait revoir, car le prédateur au ni- veau de la faune c’est un animal qui a toute son utilité et qui au contraire est quelque chose de très positif par rapport à l’équilibre de la nature ; alors qu’un violeur ou quelqu’un qui va harceler les jeunes femmes dans le métro n’est absolument pas quelqu’un qui peut être comparé à un animal.

Justement, les concepteurs de l’affiche, eux, ils avaient considéré qu’au pays De la Fon- taine, où il y a beaucoup d’imagerie animale dans la création artistique. Il trouvait que c’était pertinent d’utiliser des animaux, car dans l’imaginaire collectif, c’est ce que vous disiez avec le petit Chaperon Rouge, etc.

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12 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Diffusion

O : C’est des fables d’il y a 400/500 ans.

Vous considérez qu’il ne faut plus faire de métaphore ?

O : Absolument et je pense que le loup est un bon exemple parce que l’ours, c’est un peu dif- férent. Le loup il y a toujours cette image du Grand Méchant Loup qui est véhiculée par des contes pour enfants qui doivent à mon avis être revu ou du moins expliquer aux enfants. Au- jourd’hui heureusement notamment dans les bandes dessinées pour jeune, il y a de plus en plus de bandes dessinées où le loup a une image positive, mais il reste tout ce passif a essayer de faire disparaître avec effectivement cette image du Grand Méchant Loup dévoreur d’enfant et qu’il faut craindre.

Par exemple, une affiche comme ça, ça participe inconsciemment au fait de tuer des loups ?

O : On participe au fait de maintenir l’image du loup qui est un danger pour l’homme, de la mau- vaise image du loup. Donc oui cette image est complètement négative par rapport à l’image qu’on peut se faire du loup avec cette jeune femme qui est en danger parce qu’elle a des loups autour d’elle. Donc pour nous c’est contre-productif et complètement en dehors de la vérité et utilisant à mauvais escient l’image du prédateur animal en le faisant passer pour un prédateur aussi de l’homme, ou en tout cas ayant cette capacité de nuire à l’homme.

Quelles alternatives vous auriez pu proposer ?

O : Pour moi s’il faut faire une campagne sur le harcèlement sexuel, il faut peut être plus mon- trer une foule humaine autour, car les dangers pour les jeunes femmes dans les transports en commun c’est bien des hommes, ce ne sont pas des animaux alors pourquoi ne pas montrer des hommes. Là ils auraient pu mettre des silhouettes humaines un peu inquiétantes, peut être sombres et non visible en termes de faciès, mais à la limite sur cette affiche vous mettez deux trois silhouette humaine dans la forêt, je pense que là effectivement le message passe.

On a pu aborder les défauts de cette image, mais quelles sont les qualités de cette image ?

O : Alors on a surtout vu les défauts, après la qualité c’est si vous mettez des silhouettes hu- maines à la place des loups, ça montre l’isolement d’une jeune femme avec des gens hostiles autour d’elle et qui sont potentiellement dangereux, mais ce n’est surtout pas des loups qu’il faut mettre.

Et selon vous quelles étaient les destinataires qui étaient visés par cette campagne ? O : Pour moi c’est tous les usagers des transports en commun, puisque là il est bien précisé que « témoin il faut réagir ». Donc si vous observez dans votre rame de métro ou dans votre bus des personnes qui ont un comportement qui est jugé agressif vis-à-vis d’une femme, il faut réagir et ne pas laisser faire.

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13 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Diffusion

Est-ce que vous pensez que les usagers ont été touchés par cette campagne ?

O : Je pense que oui, mais je n’ai pas d’élément pour le dire, mais nous ce qu’on espère c’est qu’ils l’ont mal perçu dans la mesure où on espère qu’ils ont perçu que l’animal n’est pas le dan- ger pour l’homme et que les animaux qui étaient montrés ce n’est pas eux qui sont des dangers pour les femmes dans les transports.

Et selon vous quelles réactions le public peut avoir face à cette image ?

O : Bah je pense que le public lambda effectivement il va avoir peur pour la jeune femme, et va se dire qu’elle est en danger, ce qui est dommage c’est que le public va penser qu’effective- ment c’est l’ours qui est la sale bête qui risque d’attaquer la jeune femme.

Est ce que vous pensez du coup que les gens n’arrivent pas à faire la différence entre une pub imaginaire et la réalité des choses ?

O : Non parce que je pense que chez beaucoup de gens ça va véhiculer l’image de l’ours dangereux, agressif, alors que j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de fois l’ours, il faut le connaître, il faut apprécier ses réactions, quand on est chez lui effectivement on est chez lui, mais l’ours n’est pas agressif sans raison. Mais je pense que ce genre d’image ne peut que conforter l’image du danger par rapport à l’ours.

Vous pensez que cette campagne loupe sa cible en quelque sorte ? On pense plus aux animaux qu’aux harceleurs ?

O : Alors je ne sais pas si elle loupe sa cible, mais en tout cas elle ne véhicule pas le message de la bonne manière, et surtout je pense que là, par rapport à l’isolement de la jeune femme, c’est souvent lié à un isolement par rapport à une foule qui est passive. Je pense qu’il y a beau- coup d’agressions qui se produisent dans les transports en commun sur des femmes avec une foule autour qui ne réagit pas et là c’est pas le cas, là, la jeune femme est complètement isolée et elle se retrouve face à un agresseur qui vient par derrière.

Est-ce que selon vous, il faut quand même avoir des connaissances pour comprendre cette image, le message ?

O : Je ne sais pas. Là effectivement ça serait comprendre que l’ours n’est pas un animal dange- reux et qu’il ne va pas attaquer sans raison. Peut-être savoir dissocier l’image et la réalité. Mais c’est trop compliqué de faire passer ce message dans ce genre de campagne, il vaut mieux ne pas utiliser l’image de l’animal en tant que danger.

Est-ce que vous pensez que le public puisse avoir d’autres significations que celles que vous avez ?

O : Pour moi la signification qui peut aussi arriver, c’est le danger d’être dans la nature. On peut aussi penser que la nature est dangereuse, hostile, alors que ce n’est pas le cas. Au contraire, allez dans la nature ça vous fera le plus grand bien.

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14 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Diffusion

Quelles sont les répercussions de cette campagne sur le public d’après vous ?

O : Ça je ne sais pas, il faudrait interroger le public, j’espère qu’il a su faire la part des choses et avoir en tête qu’effectivement les prédateurs qui étaient montrés n’étaient pas les vrais dangers pour les voyageuses du métro ou de la RATP.

Est ce que selon vous il y a eu des bénéfices de cette campagne pour le commanditaire ? O : J’espère que non. En tout cas j’espère que les dénonciations qui ont eu lieu de notre part et d’autres associations ont eu plutôt l’effet inverse et qu’ils s’en sont mordu les doigts.

Vous pensez qu’un collégien aurait compris facilement cette campagne ?

O : Je suppose qu’au collège on commence à leur parler du harcèlement sexuel, à les mettre en garde, enfin du moins je l’espère. Le collège commence à 11 ans, donc après entre les col- légiens de 11 ans et ceux de 14 ou 15 ans y a une différence de perception du danger. Ici, ça va dépendre du niveau du collégien, de son âge.

Est-ce que vous trouvez que c’est important de développer l’éducation à l’image à l’école ou dans les collèges ?

O : Oui ça peut être intéressant après il faut que ça soit bien fait, que ça soit des gens spécia- listes de ça. Ça peut être intéressant pour que les gens sachent décrypter ce qu’on veut leur faire passer par une image, notamment dans tout ce qui est publicité, et là ça peut aller très loin parce qu’effectivement la publicité qui va vanter des produits formidables avec des super images il faut savoir avoir une appréciation par rapport à ça.

C’est vous qui avez réussi à faire supprimer cette campagne ?

O : Je ne saurais pas dire si c’est nous, il a surement d’autres associations qui ont réagi en même temps que nous et qui ont fait valoir la demande de retrait de la campagne. Il faut savoir que les prédateurs sont en danger, et là on les montre comme véhiculant une agressivité alors que ce n’est pas le cas et qu’eux-mêmes sont en danger.

Comment est-ce que vous avez demandé le retrait de la campagne ?

O : C’est le communiqué de presse qui a demandé l’arrêt de la campagne après je ne sais pas, je suppose qu’il y a eu des courriers, mais je n’en ai pas eu copie.

Et vous aviez déjà eu d’autres problèmes avec des publicitaires ?

O : Je n’ai pas le souvenir, ce n’est pas impossible, mais je n’en ai pas le souvenir. Aujourd’hui il faut savoir que le loup est utilisé dans le cadre de publicité, mais avec une image positive plutôt de force, etc.

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15 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Diffusion

Par exemple, il y a 20 est-ce que vous pensez qu’il y aurait eu les mêmes réactions ? O : Il y a 20 ans nos associations auraient réagi surement de la même manière. C’est possible aussi que l’époque évoluant, les signaux d’alarme avec toute cette perte de biodiversité ayant été lancée, peut-être qu’effectivement la période est plus favorable au fait qu’il y ait une prise de conscience sur l’image complètement négative véhiculée par ces campagnes.

Est-ce vous pensez qu’on doit faire plus attention à la façon dont on s’exprime, est-ce que ça peut porter atteinte à notre façon de s’exprimer, à représenter les choses ?

O : Je pense qu’il faut faire attention à la manière dont on utilise la terminologie concernant la faune sauvage parce qu’il y a un certain nombre d’expressions, notamment avec les grands prédateurs qui ont une image négative. Quand on dit « le loup est un loup pour l’homme », ou par rapport au requin « quel requin celui-là » c’est une image complètement négative. Il faut faire attention à ça.

Quel est le but de votre association ?

O : Alors l’objectif de l’association FERUS c’est de protéger les grands prédateurs en France.

Nous on est sur les mammifères, les grands prédateurs avec l’ours, le loup et le lynx.

Moi je suis coordinateur lynx pour l’association, j’anime souvent des stands pour l’association et en effet le lynx c’est le grand méconnu de nos grands prédateurs en France, parce qu’on parle beaucoup moins du lynx que de l’ours ou du loup. Le loup c’est souvent parce qu’il a fait des attaques sur des troupeaux, l’ours c’est parce qu’il y a beaucoup de polémiques dans les Pyrénées.

Quelles actions mène votre association ?

O : On a des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics, donc ministère de l’environne- ment, pour conforter et renforcer les statuts de protections de ces espèces. On fait des actions de sensibilisation du grand public par le biais de stands ou par le biais d’actions de bénévolat qui consistent à distribuer des prospectus. Sinon on a des actions en justice aussi pour faire condamner les actes de braconnages, pour essayer de faire interdire les autorisations de tirs sur les loups données par les préfets. Car les éleveurs de moutons ne veulent pas du loup en France, et tous les ans le gouvernement fixe un plafond du nombre de loups qui peuvent être tués, avec des pourcentages supplémentaires donnés si le plafond est atteint avant la fin de l’année. En 2018 ce plafond était de 10 % de l’estimation de l’espèce, avec une population es- timée à 430 loups en France donc 43 loups ont été tués, et comme ces 43 ont été tués avant la fin de l’année ils ont accordé 3 % supplémentaires, il y a eu 51 loups tués au total en 2018.

Les loups attaquent les troupeaux qui ne sont pas protégés ou mal protégés et certains éle- veurs disent qu’ils ne veulent pas mettre en place toutes ces protections. Il y a 3 moyens de protections : il y a les chiens de protections appelés Patous, ce sont des bergers des Pyrénées, qui sont des chiens de protections très efficaces. Il faut aussi qu’il y ait une présence humaine, car le loup a peur de l’homme, et il faut que le troupeau soit regroupé la nuit dans ce qu’on appelle un parc de contention, car la plupart des attaques ont lieu la nuit. Donc tout ça ce sont des contraintes pour les éleveurs, il faut savoir que tous ces moyens de protection sont

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16 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Diffusion

financés par l’État, mais la présence humaine, c’est-à-dire un berger ou un aide-berger et c’est là où on intervient avec notre programme de bénévolat FERUS qui s’appelle Pastoraloup. On a des bénévoles que l’on forme et qui vont aider les bergers à surveiller les troupeaux dans les zones où il y a des risques d’attaque. Et l’association FERUS a justement cette vocation à montrer que la cohabitation est possible grâce à ce programme de bénévolat Pastoraloup.

Quel est l’intérêt pour votre structure de travailler justement pour la protection de ces prédateurs ?

O : On croit en la biodiversité et à l’équilibre de la nature et les grands prédateurs ont tout à fait leur place en France, notamment parce qu’il y a beaucoup de gibiers sauvages en France. Et il y a assez de gibiers pour satisfaire les chasseurs tout en satisfaisant en nourriture les grands prédateurs.

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17 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

A –PREMIÈRE PRÉSENTATION DU DOCUMENT

Aviez-vous déjà vu cette image auparavant ? Si oui, où et quand l’avez-vous vu ?

- Non.

Aujourd’hui, quelle a été votre première impression quand vous avez vu l’image ? Quels sentiments ou émotions avez-vous ressentis en voyant cette image ? Décrivez quelle a été votre première réaction ?

- Une fille va être attaquée par quelqu`un, comme par un animal sauvage, je pense à de la prudence.

- Ce n’est pas très compréhensible. Il y a un léger sentiment d’anxiété et de ma- laise.

- Les images ont provoqué un léger malentendu en raison du fait qu’elles sont plu- tôt sombres. Au fond, il y a des animaux qui font peur.

Même si vous l’avez vu brièvement, une seule fois, essayez de décrire cette image.

Selon vous quelle est la signification principale de l’image, qu’est-ce que qu’elle veut dire ? Qu’est-ce qu’elle veut vous faire faire ?

- C’est une publicité sophistiquée, sur laquelle les concepteurs et les sociologues ont l’air d’avoir beaucoup travaillé. Une fille sans défense se retrouve parmi des animaux sau- vages qui se préparent à attaquer. Cela signifie qu’une attaque peut avoir lieu à tout moment et que personne n’est prêt à y faire face.

- Au début, je n’ai pas compris ce qu’il se passait. Mais ensuite, j’ai regardé avec plus d’attention et réalisé que c’était une barre de métro et que c’était les transports en com- mun. L’animal prédateur représente une sorte de maniaque ou quelqu’un d’autre. Il me semble que la signification principale est d’être prudent et toujours vigilant.

- Ce qui a attiré mon attention c’est le traitement de la photo avec Photoshop. Dans l’image, on pouvait voir un poteau et des filles en vêtements de ville, ce qui montrait que l’action se déroulait dans la rue/dans un espace public. Mais autour c’est la nature sauvage avec les animaux, qui sont dangereux selon la majorité. Il me semble que cela montre la sauvagerie des gens et des villes à notre époque.

ENTRETIEN RÉCEPTION — FOCUS GROUPE

Sergueï, Artyom, Bogdan, Anastasia, élèves de quatrième d’un collège de Saint-Pétersbourg (Russie), interviewés par Marina Radishevskaya en Avril 2019

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18 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

1— LES ÉCARTS DE COMPRÉHENSION

Maintenant que vous pouvez regarder cette image sans limites de temps, est-ce que vous la comprenez de la même manière que la première fois ? Est-ce que sa signification a changé ? Si c’est le cas, quelles sont les différences entre la première et la seconde vision ?

- À première vue, la signification de la barre de métro n’est pas claire.

- On comprend vite que c’est dans un lieu public, mais ce n’est pas tout de suite clair que c’est dans les transports en commun.

Selon vous, quelle est la signification de cette image ?

- Que les gens doivent prendre des précautions, qu’ils soient alertes. Si jamais il se passe quelque chose comme ça, il faut appeler immédiatement, crier, appeler au secours.

2— SIGNIFICATION ET COMPRÉHENSION

Dans un premier temps aviez-vous tout compris de cette image ? - 5/5

- Non, pas tout à fait. Mais quand j’ai revu l’image, j’ai compris ce qui était repré- senté et quelle était la signification.

- J’ai compris tout de suite. J’ai tout de suite compris que ça se passait en ville. Et que les animaux sont aussi les humains. C’est juste leur comportement qui est montré. Donc c’était clair.

Est-ce que maintenant vous avez l’impression de tout comprendre ?

- Oui

- J’ai compris ce que cette image voulait transmettre. Mais à mon avis, elle ne transmet pas des concepts tout à fait corrects.

Y a-t-il des détails que vous n’aviez pas remarqués auparavant ? - Les visages de femmes

- Oui, les visages sont effrayés, ce n’était pas perceptible dès la première fois.

- Particulièrement dans l’image avec le requin, maintenant c’est visible que la fille a peur.

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19 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

Pensez-vous que l’on peut comprendre le message de l’image au premier coup d’œil ? - Oui (tous ensemble)

Qui sont les personnages dans cette image ? - Les féministes et les hommes

- Les femmes sans défense et les violeurs - Les animaux

Où sont-ils situés ?

- C’est dans la ville

- Les femmes sont dans un environnement qui leur est étranger Lequel vous touche le plus ?

- L`ours ! (tous ensemble) - C’est clair qu’il va attaquer

Y a-t-il des informations qui sèment le doute ou qui vous semblent contradictoires dans ce document ?

- Oui, pourquoi n’y a-t-il que des femmes dans l’image ? Ni les enfants ni aucune autre minorité ne sont indiquées, juste les femmes. Les attitudes envers les personnes handi- capées ne sont pas montrées, le fait que la société peut se moquer d’eux.

- Et pour les hommes, le harcèlement n’existe pas ?

- Et pourquoi est ce qu’on représente des animaux ? C’est en quelque sorte inhu- main.

- Cela peut être compris comme une négation des droits des hommes hétéro- sexuels.

Est-ce que le texte et l’image vont bien ensemble ? – Oui

– Ça pourrait être plus simple donc plus compréhensible

– Oui, mais le texte et l’image pourraient être à propos du mauvais comportement et attitude en général dans la société.

3— INTENTIONS ET OBJECTIFS DE COMMUNICATION :

À votre avis, qui communique au travers de cette image ?

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20 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

- Le gouvernement, qui voit le mécontentement des gens et veut calmer la mau- vaise attitude de la part d’un certain groupe de personnes

- Et à mon avis c`est les féministes qui sont représentées là - Oui, les femmes qui sont sous pression

- Dans le sens où l’État lui-même veut s’adapter aux féministes, pour que les fémi- nistes, cette grande société, ne dit pas que l’État ne les respecte pas, ne les aide pas, etc. Donc c’est le gouvernement qui communique, pour montrer qu’il est loyal à une certaine couche de la société.

À votre avis, qui est-ce qu’ils visent comme public, comme utilisateur ?

- Les personnes qui montrent un comportement provocant envers les femmes, et, je pense que le public visé c’est toutes les personnes qui peuvent potentiellement présenter ce comportement.

À votre avis, quel est le message ou la cause qu’ils veulent diffuser ?

- Que votre comportement, qui est confortable pour vous, peut perturber la vie d’une autre personne et la mettre mal à l’aise

- Je suis d’accord

À votre avis qu’est-ce qu’ils attendent comme réaction des « gens » ?

- Le changement de sa vision du monde, de sa vision de vies des autres, de ses actions qui peuvent empêcher quelqu’un de se sentir bien

- La diffusion de cette publicité. Afin que les gens s’envoient des photos de cette publicité, dans la façon « regardes ce que j’ai vu, il y a du sens, il faut y penser ». Comme ça, ça va marcher plus vite.

À votre avis est-ce que c’est réussi, est-ce que c’est efficace et pourquoi ça marche ou ça ne marche pas ?

- La publicité attire bien l’attention grâce à la luminosité de l’image et le bon traite- ment de photo. Et en général, si tu es dans le métro et tu n’as rien à faire, elle va bien attirer ton attention et va te faire réfléchir. Donc je crois qu’ils ont réussi à diffuser leur message, expliquer aux gens ce qu’ils voulaient.

Cette image vous donne-t-elle envie d’agir ? - Non, juste de changer le…

- De penser à notre propre comportement

- Elle ne mène pas à l`action, mais elle te fait simplement abandonner certaines de tes habitudes, dont tu as besoin en quelque sorte, mais qui en réalité nuisent aux autres, je ne sais pas comment le formuler correctement

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4— IMPACT et CHANGEMENT

Trouvez-vous que cette image est bien faite ?

- Oui

- Oui, elle est de très haute qualité

À votre avis, cette image, est-elle facilement compréhensible par les jeunes de votre âge ?

- Je crois que oui

- En général, oui. Mais pour certains ce ne sera pas clair. Mais si la personne veut y penser, si ça l’intéresse la personne va y penser.

À votre avis, qu’est-ce qui pourrait être amélioré ?

- Ils auraient pu ajouter plus de détails de métro ou de bus, de manière à ce qu’on comprenne directement de quel l’environnement il s’agit exactement. Pas d’une manière telle qu’une fille se tient avec un morceau de barre de métro au milieu de la forêt, dans une cave.

- Faire la forêt dans la rame de métro, pour que ça soit clair que c’est la rame, ce serait cool.

- Genre couvrir l’intérieur avec un film, créer une image à l’intérieur de la rame.

- Pour qu’au moins quelque chose nous permette de comprendre le lieu d`action.

Parce que comme ça c`est juste la ville et la barre.

Est-ce que cette image vous interpelle sur la cause dont il est question ?

- Je crois que maintenant je vais prêter plus d’attention aux gens autour de moi, avec qui je me trouve dans une espace public.

- Oui, c`est vrai

- Et que je vais prêter plus d’attention à leurs comportement et attitude envers les autres, à quoi ils ressemblent et qu’est-ce qu’ils font.

- Je crois que je me comporte assez adéquatement. Plutôt, l’image me rend mé- fiant, parce qu’elle montre le sexisme contre les hommes, donc j’ai une réaction un peu néga- tive.

Pensez-vous que c’est utile de montrer ça ?

- Oui, afin que les gens réalisent que tout le monde peut être...

- Peut être mal à l’aise dans certaines situations. Et il faut penser que peut-être c`est toi qui causes l’inconfort chez certaines personnes.

- Il me semble qu’une telle publicité, qui s’adresse au public de plus de 16 ans, elle ne sera pas trop efficace, car l’esprit de l’enfant est déjà formé, et même si le sens de cette publicité lui est expliqué, il se comportera toujours de la même manière. Le sens de la publicité

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22 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

sera plus clair et nécessaire, si elle était dirigée vers un public plus jeune.

À votre avis cette image, peut-on changer les opinions, les idées des gens ?

- Si une personne fait attention à se comporter de cette manière, elle réfléchira

« Ho, je fais comme ça, ce n’est pas bon ». Mais il y a les gens qui ne se soucient pas de ce que les autres pensent, donc ça dépend de la personne.

- De l’éducation donnée

À votre avis cette image, peut changer des habitudes, les comportements ?

- Pas beaucoup pour le public auquel elle est destinée, s’il y aura des change- ments, ils seront minimes. C’est-à-dire que la personne essaiera de faire plus attention au fait qu’elle peut toucher quelqu’un et c’est tout. Il n’y aura pas de changement global de comporte- ment.

À votre avis, est-ce que les jeunes de votre âge sont visés ?

- Je pense que oui, parce qu’un tel comportement peut en principe se manifester chez des personnes de tout âge. Il y a autant d’enfants qui se comportent de manière provo- cante que d’adultes. (N’oublions pas que le sujet de la publicité est le harcèlement sexuel. Il peut être dirigé vers les enfants, mais il ne vient pas d’eux.)

- Plus de 14 ans

À votre avis, est-ce que les jeunes de votre âge se sentent concernés ? (Y a-t-il un tel problème à cet âge ?)

- À cet âge ce problème commence - Oui, approximativement, petit à petit - Oui

Cette image, vous a-t-elle personnellement concerné ? - Ça concerne tout le monde

- Je ne pense pas

- En général, tout le monde peut se tromper

Cette image, vous donne-t-elle personnellement envie d’agir ?

- Cette image m’intéressait et je voulais l’examiner plus précisément. C’est très bien fait et c’est agréable de regarder cette palette de couleurs.

À votre avis, est-ce que les jeunes de votre âge peuvent changer après avoir vu cette image ?

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23 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

- Oui c’est possible. La conscience d’une personne se forme pendant longtemps.

Par conséquent, même si elle n’est pas encore forte, certaines informations peuvent y apporter des modifications.

- Je pense que cela ne fonctionnera pas sur les personnes de 14 à 20 ans en raison du leur manière de tout exagérer, la testostérone et les autres choses similaires. Ils ont leurs propres soucis et problèmes.

Avez-vous l’impression d’avoir changé ?

- J’ai envie de recommencer à apprendre Photoshop

À votre avis, est-ce que les jeunes de votre âge peuvent agir ? À votre avis qu’est-ce que le « communiquant » pense que vous allez comprendre et penser de son image ?

- La publicité a toujours comme but que les gens comprennent quelque chose, à ce qu’ils passent, à l’action. Elle vise à intéresser les gens.

- Il veut que nous ressentions des émotions, qu’on prenne conscience, pense quelque chose

- Il veut transmettre que nous pouvons tous être sujet à…

- Des émotions et devenir des animaux sauvages

- Qu’en général, il n’y a pas de gens à qui cela ne s’applique pas. En principe, cela s’applique à tous.

- Quoique tu sois, ours, loup ou requin, tu peux devenir sauvage en tout cas 5— ÉDUCATION À L’IMAGE ET AUX MÉDIAS

Est-ce que ça change votre manière de percevoir l’image maintenant que vous l’avez étudiée de plus près ?

- Non, je pense que non

- Non

- Non

Est-ce que vous avez aimé en discuter en groupe ?

- Oui

- Le travail en équipe c’est toujours cool, surtout quand vous partagez vos opinions et dirigez une discussion. Bien qu’elle ne soit pas arrivée maintenant, c’était intéressant d’en- tendre d’autres points de vue.

Est-ce que vous trouvez intéressant d’en discuter en groupe ? - Oui (tous ensemble)

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24 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Réception

À votre avis, est-ce que cette discussion va influencer votre relation aux images en gé- néral et comment ?

- Non

- Elle ne change rien, car on a le même avis. Mais elle peut compléter, aider à re- marquer les détails que tu n’as pas compris auparavant.

- Tu entends le point de vue de quelqu’un d’autre et cherches toi-même certaines choses qui peuvent te toucher

- Tu entends l’autre point de vue et comprends : « c’est ce que je voulais dire, tu as bien exprimé mes pensées »

- « C’est ce que je voulais entendre »

Est-ce que vous trouvez important de développer l’éducation aux images à l’école ?

- Il est important que l’enfant puisse analyser, chercher le sens qu’ils voulaient transmettre dans des choses apparemment incohérentes. Afin que l’enfant puisse comprendre lui-même, sans explications, ce qui est représenté.

Est-ce que vous pensez que l’école doit développer l’éducation aux médias ?

- Il me semble que non, ce sera un cours superflu. La personne doit comprendre par elle-même.

- En plus les parents peuvent participer au développement de la perception et de l’analyse, afin que l’enfant navigue dans la vie facilement.

- Les deux, les parents et l’école doivent expliquer à l’enfant que les choses qu’il peut percevoir d’une manière, peuvent aussi être interprétées d’autre manière complètement différente. Et ce qu’il pouvait entendre de ses amis n’est pas nécessairement vrai, et cela pour- rait avoir un sens complètement différent.

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25 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Médiation

La campagne « Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel » a été déployée sur l’ensemble du réseau de transports franciliens. Elle avait pour but de sensibiliser les voyageurs au harcè- lement sexuel dont ils pouvaient être témoins ou victimes. En effet, dans ce genre de situation les témoins n’osent pas intervenir, ainsi le but de cette campagne était de responsabiliser les voyageurs et de leur montrer que leur rôle peut être important. De plus, les commanditaires souhaitaient mettre en avant les dispositifs mis en place pour lutter contre le harcèlement sexuel, avec notamment un numéro d’alerte, ou l’utilisation des bornes d’appel, ou bien le si- gnalement auprès des agents présents dans les transports.

Cette campagne est apparue au même moment que l’affaire Weinstein et de balance ton porc mais a été commanditée avant, elle n’est donc pas en lien avec une libération de la parole des femmes, mais surgit conjointement.

Elle a été conçue par l’agence Havas Paris, qui travaille régulièrement avec la RATP, et dif- fusée par l’agence Zénith Optimédia. C’est le binôme composé de Florian Roussel, directeur artistique, et Guillaume Blanc, concepteur-rédacteur qui a conçu cette campagne. Les affiches ont été visibles pendant un mois à partir du lancement de la campagne en mars 2018, et la deuxième vague d’affichage a été annulée suite à des demandes de retrait d’affichage, lancées par différentes associations de protection animale. Nous reviendrons un peu plus tard sur ces plaintes.

Pour cette campagne, trois affiches ont été réalisées, qui présentent la même composition.

Sur chacune d’elle, une femme s’agrippe à une barre de métro, et est entourée par un univers sombre et hostile. Son expression de visage est marquée par la peur. Le métro est représenté uniquement par la barre, par le sol ainsi que par les vêtements de ville portés par la femme, qui ne serait pas adaptés à une balade en forêt par exemple. Cette représentation métonymique du métro n’a pas été très bien comprise par les collégiens interrogés, peut-être parce que les collégiens prennent moins souvent les transports en commun. Une médiation sera donc né- cessaire.

Autour de la femme, on distingue des animaux prédateurs : selon l’affiche, un loup, un ours ou un requin. Ces trois animaux ont une forte résonance dans l’imaginaire collectif pour être dan- gereux. Le choix d’utiliser des animaux plutôt que des hommes pour représenter le harceleur réfère selon Havas à la complexité de représentation du harceleur qui est finalement « mon- sieur tout le monde ». Pour être sûrs de ne stigmatiser aucune catégorie de personne, ils ont préféré utiliser l’imaginaire collectif de l’animal, que l’on retrouve dans de nombreux contes et films (le petit chaperon rouge, les dents de la mer...). Les animaux représentent donc les har- celeurs. Ce choix de représentation a été vivement critiqué par différentes associations, dont

ANALYSE ET SYNTHÈSE DES MÉDIATRICES

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26 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Médiation

FERUS (association de protection des grands prédateurs en France), que nous avons rencon- trés. En effet, selon eux, l’utilisation de ces animaux contribue à perpétuer l’image négative que nous avons d’eux, et donc favorise leur chasse et leur extinction. Olivier Guder (animateur du réseau Ile-de-France de FERUS) considère cette campagne comme étant à la fois nuisible envers la cause animale, et contre-productive, car elle empêche les harceleurs de se recon- naître dans la campagne. Cette réaction n’avait pas du tout été anticipée par les concepteurs, il est donc particulièrement intéressant de mettre en avant les écarts de compréhension dans l’utilisation de la métaphore animale : cela montre la difficulté de représenter le sujet complexe qu’est le harcèlement sexuel.

L’accent est mis sur la femme, la victime : dans chaque affiche le personnage est décentré et le focus de lumière est orienté sur elle, pour accentuer l’effet hostile et montrer que c’est le

« personnage principal ». Le but des concepteurs était de montrer les sentiments des femmes qui se retrouvent en situation de harcèlement. Les créateurs voulaient non seulement montrer la situation comme un fait afin d’attirer l’attention sur le problème, mais aussi transmettre des émotions afin d’évoquer l’empathie du public et lui donner envie de réagir. Le choix de s’adres- ser aux victimes et aux témoins peut être discuté, pourquoi ne pas s’adresser directement aux harceleurs ?

Le texte, « ne minimisons jamais le harcèlement sexuel - victimes ou témoins, donnez l’alerte » est complémentaire de l’image, et permet de désamorcer la métaphore animale. Le but est de mettre en avant les numéros d’appels et les moyens mis en œuvre par les commanditaires pour lutter contre le harcèlement, afin que cette campagne ait un impact sur le long terme.

Un autre effet important sur lequel les réalisateurs ont travaillé est la création d’une telle image, dont le sens sera clair dès le premier coup d’œil. L’utilisateur des transports en commun qui voit accidentellement cette publicité dans le métro n’a pas besoin de temps pour bien comprendre le sens de l`image. Toutes les personnes interrogées étaient d’accord pour dire que le traite- ment de l’image était impactant et arrêtait le regard.

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27 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Synthèse et tableau comparatif

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L’item et son contexte

Déployée en Mars 2018 sur l’ensemble du réseau de transports franciliens, cette campagne avait pour but de sensibiliser les voyageurs au harcèlement sexuel dont ils pouvaient être té- moins ou victimes. En effet, dans ce genre de situation les témoins n’osent pas intervenir, ainsi le but de cette campagne était de responsabiliser les voyageurs et de leur montrer que leur rôle peut être important. De plus, les commanditaires souhaitaient mettre en avant les dispositifs mis en place pour lutter contre le harcèlement sexuel, avec notamment un numéro d’alerte, ou l’utilisation des bornes d’appel, ou bien le signalement auprès des agents présents dans les transports.

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Communauté de production

La campagne a été conçue par l’agence Havas Paris qui travaille régulièrement avec la RATP.

C’est le binôme composé de Florian Roussel, directeur artistique, et Guillaume Blanc, concep- teur-rédacteur qui a conçu cette campagne. Le but était de s’adresser aux victimes et témoins en représentant l’état de peur dans lequel pouvait se trouver une victime quand elle est face à un harceleur. Leur choix a donc été de représenter une femme seule qui tient une barre de métro au cœur d’un lieu hostile pour symboliser le fait qu’au moment d’un harcèlement sexuel, la victime n’a plus l’impression d’être dans le métro, mais est seule et livrée à elle même avec le harceleur. Des animaux considérés comme étant des prédateurs et face auxquels l’homme se sentirait en danger ont été pris pour représenter le harceleur.

SYNTHÈSE ET TABLEAU COMPARATIF

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28 Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel — 2018 — Synthèse et tableau comparatif

04

Communauté de réception

Les collégiens Russes que nous avons rencontrés n’avaient évidemment jamais vu cette cam- pagne auparavant. Ils ont apprécié l’esthétique de l’image, qu’ils ont trouvé sophistiquée, mais ont trouvé que la représentation du métro n’était pas assez appuyée, ils n’ont pas compris directement que l’affiche représentait le harcèlement dans le métro. Ils ont compris le sens glo- bal de la campagne, mais n’ont pas compris qui étaient les commanditaires : ils pensaient qu’il s’agissait du gouvernement.

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Communauté de diffusion

L’agence Zénith Optimédia était en charge de la diffusion de la campagne qui fût déployée sur les réseaux de transports franciliens des quatre commanditaires. Près de 20 000 affiches ont été diffusées au sein des arrêts de métro, tram, bus, RER et Transiliens. Les écrans digitaux des trains franciliens ont aussi diffusé les visuels. Des stands d’informations avaient été instal- lés deux jours, et des dépliants étaient disponibles aux guichets. De plus, un partenariat avec trois influenceuses du réseau social Instagram avait été mis en place afin de sensibiliser leur communauté sur les moyens d’alerte. La première vague de diffusion de la campagne a duré un mois à partir du 5 mars 2018, et une deuxième vague de diffusion, prévue plus tard dans l’année, a été annulée suite aux polémiques soulevées par certaines associations.

Références

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