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TOULOUSE ET SA RÉGION

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LA FRANCE VIVANTE (1)

III

TOULOUSE ET SA RÉGION

L'action économique et sociale s'impose aujourd'hui aux administrateurs comme une tâche majeure aux objectifs à la fois précis et d'exceptionnelle envergure. Sa place est au premier plan de leurs impératifs quotidiens comme de leurs responsabilités permanentes. L'administration préfectorale, c'est la République en province. Cette affirmation, paraphrase de la définition célèbre, nous fait rejoindre ce que fut l'œuvre considérable des intendants de l'Ancien régime. Il y a quelques années, devant les étudiants de notre Institut d'Etudes politiques de l'Université de Toulouse, j'ai eu le privilège de présenter la grande figure de l'intendant Megret d'Etigny qui administra pendant seize ans la généralité de Gascogne et de Séarn et dont les réalisations ont marqué pro- fondément la vie et le développement de cette région.

Les problèmes qui se posent actuellement et les moyens de les résoudre ne sont certes plus les mêmes. Les nécessités de l'action pour l'amélioration de la condition humaine demeurent cependant et s'inscrivent dans nos mêmes volontés. C'est à ces grandes tra- ditions que, conscients de l'importance de la mission qui nous a été confiée, nous pouvons sans hésiter nous rallier. A cette époque des intendants, l'économique et le social apparaissent déjà solide- ment soudés et c'est au renforcement de cette vérité première que nous voulons, plus que jamais, travailler.

Lorsqu'on pénètre l'œuvre des. administrateurs de l'Ancien régime, qui furent réalisateurs en tous domaines et bâtisseurs

(1) Voir la Retme des 1" Juillet, 15 août, 15 septembre.

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— combien de cahiers, de mémoires, de biographies en sont les élo- quents témoignages ! — nous sommes souvent étonnés de leurs connaissances à la fois des ensembles et des détails d'une vie éco- nomique régionale.

Si les circonstances ont changé, les hommes restent les hommes à travers les siècles ; les Français surtout restent les Français en leurs tempéraments diversifiés ; les mêmes difficultés se retrou- vent, les mêmes réserves et souvent les mêmes hostilités s'opposent aux volontés toujours justement audacieuses d'agir et de réaliser.

Ce préambule inspiré de l'Histoire dans ses éternelles leçons nous a paru nécessaire, car la « France vivante » c'est bien la France soli- daire dans le temps et dans l'espace. Dans ce film des vastes réalités provinciales, je m'efforcerai de présenter une région dont depuis huit ans j'ai connu et vécu intensément les problèmes et lés hommes.

C'est aujourd'hui la fierté de notre corps préfectoral d'être associé à cette œuvre de rénovation économique et de progrès social dont nous ayons la certitude qu'elle fixe le présent et qu'elle conditionne l'avenir proche du pays dans la vaste compétition internationale.

Interprète fidèle de la politique gouvernementale, travaillant dans le sens d'une orientation définie sur le plan national, l'administrateur de province doit assurer l'orchestration nécessaire des efforts professionnels et individuels. Il sera l'élément moteur dans certains cas, mais son action ne devra jamais faire reculer les initiatives et, au contraire, les susciter et les soutenir. Placé au centre de ses Services, en contact permanent avec les Organismes représen- tatifs de l'économie et les Comités qui se sont créés, vivant avec les dirigeants élus la vie des collectivités départementales et commu- nales, collaborant avec les parlementaires, mandataires et défenseurs des intérêts régionaux, il saura établir à la fois l'unité de concep- tion et l'unité de documentation sans lesquelles rien de sain et de profond ne sera fait.

C'est d'abord le témoignage de cette action d'ensemble que nous voulons apporter. Un grand mouvement est né et se développe dans cette région de Toulouse qui, dans le redressement et le ras- semblement de ses énergies, veut vivre.

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En matière économique, sauf à définir les responsabilités diri- geantes, il vaut mieux parler « ensemble » que « région », car ce

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dernier terme paraît s'appliquer à des circonscriptions aux limites trop souvent artificiellement tracées. La vérité est que, sur le plan de l'action, nous sommes en présence d'un large territoire, ce grand rectangle du Sud-Ouest où dominent trois villes de l'Ouest à l'Est : Bordeaux, Toulouse, Montpellier. C'est à la fois le Midi aquitain et le Midi languedocien, le Midi de l'Océan et celui de la Méditerranée. La chaîne des Pyrénées dans sa jonction des deux mers en est la solide assise. Dans la conjoncture présente, des pro- blèmes communs, humains d'abord, se posent avec la même netteté et souvent la même acuité, tout au long de ce territoire. Cette situation commande une collaboration et une convergence d'efforts dont j'ai voulu toujours personnellement affirmer la nécessité.

Il ne doit plus y avoir de villes rivales mais des citées unies dans leur mission de métropole et de pilote. A l'Ouest, les noms de Lacq et de Parentis sonnent avec clarté le réveil de nos espérances, les Landes de Gascogne offrent les permanentes perspectives d'une économie nouvelle ; à l'Est, vers la Méditerranée, la viticulture est l'objet de notre continuelle attention parce que nous y trouvons les quatre départements dont elle constitue l'essentiel des ressources.

Il serait donc illogique d'isoler une région de Toulouse. Au pays toulousain proprement dit s'ajoute un ensemble formé autour de la métropole avec l'incontestable influence que, depuis des siècles, elle exerce dans tous les secteurs de la vie.

Voici donc Toulouse d'abord. Je ne pense pas qu'aucune autre grande ville en France ait, à ce point, le caractère de capitale provinciale. C'est la tête et le cerveau, mais aussi le cœur de cette région.

Son indépendance, son rayonnement, notamment dans le domaine culturel et économique, s'explique pour partie par son éloignement de Paris. Chargée d'histoire, Toulouse a la fierté de son passé : son Université est l'une des plus anciennes puisqu'elle fut fondée en 1229. Sa célèbre Académie des Jeux Floraux, gar- dienne de la langue d'oc et animatrice des belles lettres, a été fondée trois cents ans avant l'Académie française. Les œuvres de l'esprit, les productions artistiques y ont toujours été à l'honneur.

C'est la ville du Gai Savoir et du Bel Canto. « Les âmes paraissent vêtues de son », selon la belle expression de Marcel' Proust, tant la musique et le chant y sont aimés et cultivés. Des générations se sont succédé- dans le culte désintéressé des humanités classiques, préférant souvent, les honneurs aux richesses et les arts aux affaires.

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La ville s'étale au bord de la Garonne, fleuve aquitain, parfois turbulent comme l'est souvent la population elle-même. Le profil de ses monuments, ses décors de pourpre y sont incomparables.

L'Espagne proche se fait sentir, non seulement par sa colonie déjà importante, mais par la contagion de ses mœurs. La corrida attire des foules passionnées. C'est déjà l'appel du Sud.

Ainsi se présente notre Midi avec ses ardeurs, ses passions, son amour des discussions publiques, sa galté et aussi son labeur. L'étran- ger qui vient à Toulouse, de passage, risque d'en emporter des impressions superficielles. Qu'il puisse en pénétrer la vie, il décou- vrira cet exceptionnel et constant mélange de l'esprit et de la matière, de l'homme qui pense et de l'homme qui travaille. No voyons-nous pas aujourd'hui notre Université et ses professeurs collaborer étroitement à notre œuvre de rénovation économique régionale ?

Dans ses mémoires, Lamoignon de Basville, qui fut trente-trois ans intendant de Languedoc, donne cette appréciation sur ses admi- nistrés : « Les habitants y sont communément pleins d'esprit, d'activité, d'industrie, fort propres au commerce, aux arts et aux manufactures. » C'est alors l'époque de la grande richesse de Tou- louse dominée par la prospérité du négoce du pastel. Les vieux et beaux hôtels de notre ville portent enoore témoignage de cette prospérité d'antan. Celle-ci, hélas 1 ne fut pas durable. Au début de notre siècle, nos Languedociens paraissent à nouveau plus attachés à l'esprit qu'à la matière. Cette anecdote en est la preuve. Adrien Hébrard, le grand animateur du journal Le Temps, le plus Parisien des Méridionaux et le plus spirituel des Parisiens, était sénateur de la Haute-Garonne. Le Président de la République Armand Fallières vint en visite dans notre région et, curieux de tout savoir sur ses activités, demanda un jour à Adrien Hébrard : « Mon cher Sénateur, quelles sont les industries prospères du pays ?» et Hébrard de répondre : « Monsieur le Président, je n'en connais que deux : la sculpture et l'enthousiasme. »

Deux guerres ont passé, transformant cette région. Toulouse depuis 1910 a doublé sa population : de 150.000 à près de 300.000 habitants. Capitale administrative et militaire depuis des siècles, métropole religieuse depuis le début du Christianisme, foyer brûlant de culture depuis toujours, centre économique « important, Toulouse a bien, comme on l'a dit, ce caractère de cité équilibrée aux fonctions variées. Elle a, dans ce pays, une mission à remplir. Elle n'y a point failli et n'y faillira pas.

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Si nous regardons géographiquement cette unité régionale, en reconnaissant évidemment sa disparité, nous constatons bien d'Atlantique en Méditerranée le divorce de ses paysages et aussi la diversité des tempéraments de ses hommes cependant unis par leur individualisme. Tout au long des Pyrénées par exemple, nous / rencontrons le Basque et son • fier tempérament, le Béarnais fin comme l'ambre^ le Bigourdan solidement campé dans son décor de pastorale, l'Ariégeois avec ses rudes devises signifiant en bref

« Qui s'y frotte s'y pique », îe Catalan à l'esprit indépendant et au caractère accusé. C'est aussi la palette incomparable des couleurs depuis le vert grave du Pays basque jusqu'à l'or du Roussillon. Partout ailleurs c'est la féerie de la nature et ce climat de sympathie humaine généralisée qui fait le charme profond de ce pays.

Des liens, cependant nombreux, rapprochent ces petites régions dans leurs contacts et leurs aptitudes complémentaires. Ici joue à plein la notion de géographie humaine, car cette contrée est bien le produit de la collaboration de la terre et de l'homme. Les éco- nomies y sont solidement interdépendantes. La prospérité de la vigne, la prospérité agricole en général signifient le plein déve- loppement du commerce dans les grandes villes voisines. Nous avons devant nous toutes les images de la nature : les rivages des deux mers, la majesté de la montagne pyrénéenne, l'opulente vallée de la Garonne et le débouché de ses plaines, les plateaux et les Causses ; Massif central et Cévennes s'y rencontrent. A FOuest fleurissent les pêchers et à l'Est s'étendent les champs d'oliviers aux abords de la Méditerranée proche.

LE PROBLÈME HUMAIN

En ce vaste champ de manoeuvres de l'économie, quelles sont les réalités du présent et les perspectives de l'avenir ? C'est ce que nous allons essayer de déterminer sans vouloir nous appesantir sur les détails de ses productions. Le cadre de ce,t article ne per- mettrait pas une telle étude. Il convient d'abord, rapidement, de , poser le problème humain dont ici comme ailleurs les connaissances premières et les solutions sont intimement liées à l'action économique.

Pour un territoire constituant un 7e,5 du territoire français,

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LA FRANCE VIVANTE 591 la population de la Ve région représente seulement le un 13e,5 de la population totale. La densité moyenne au kilomètre carré est de 42 habitants contre 77,5 pour la France entière. Elle varie de 83 habitants dans la Haute-Garonne à 26 dans les Landes.

L'importance relativement peu élevée de la population tient à son caractère essentiellement rural et à l'activité agricole qui prédomine. La population active dans l'agriculture représente, en effet, 4 5 % de la population active totale contre 31,6 % environ pour la France entière. La part de l'industrie ressort à 28 % contre 35 % dans l'ensemble du pays.

La répartition de la population active suivant son statut fait apparaître un chiffre conséquent de non salariés (717.660 contre 649.120 salariés). Le nombre relativement impor-tant d'indépendants n'occupant pas de salariés (211.100 agricoles et 109.160 non agri- coles) est un élément caractéristique de la structure de cette population.

Dans l'ensemble des douze départements de la région, la dimi- nution de la population est extrêmement sensible de 1896 à 1946, soit 410.514 en moins. La Haute-Garonne et les Pyrénées-Orientales sont les deux seuls départements dont la population actuelle est supérieure à celle de 1896 (+14,4 % et +10,5 %). Tous les autres départements accusent une différence souvent sensible : Lot

— 38,8 % ; Ariège — 36 % ; Gers — 26 % ; Aveyron — 24 % etc..

Le simple examen de cette situation démographique a pu amener certains esprits à des considérations peu encourageantes sur la réussite et le plein développement de notre nécessaire expansion.

C'est contre une telle opinion, susceptible de peser sur les décisions à venir, que nous entendons fermement réagir et poser au départ, comme un fait d'évidence, l'existence dans notre région de dispo- nibilités importantes de main-d'œuvre susceptibles de permettre le développement de l'activité industrielle.

En vérité, les structures actuelles qui sont le reflet des structures économiques sont le propre d'un pays sous-développé et non sous- peuplé comme à priori on pourrait le croire. La petite propriété est le support insuffisant de la famille rurale et elle a offert au dépeu- plement et a l'exode un champ de culture idéal. Dans nos cam- pagnes trop de personnes vivent sur d'insuffisantes exploitations et la modernisation qui est en marche, libérant de plus en plus le travail manuel, risque d'aggraver encore cette situation. Nous avons donc, sans conteste, dans notre Midi, de la main-d'œuvre

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à offrir et, si celle-ci reste sur place, elle apportera à notre consom- mation régionale son large appoint. S'il faut la former pour d'autres professions, s'il faut l'encadrer, alors la responsabilité, tant de l'administration que des organismes professionnels, se trouve ainsi nettement posée. A Toulouse, nous sommes prêts à étendre les sections de notre Centre de formation professionnelle accélérée.

Pourquoi aussi, sans aucun parti pris, ne pas détruire cette légende d'une main-d'œuvre méridionale de moindre qualité alors que nous sommes en présence de travailleurs à l'esprit vif ? J'ai fait appel, plus d'une fois, pour m'élever contre une telle assertion, aux témoignages favorables d'industriels du Nord et de l'Est exploitant des usines dans notre région. Au demeurant, le rendement de nos mineurs des Houillères d'Aquitaine n'en est-il pas l'une des preuves les plus frappantes ? Ainsi, sur le plan qualitatif et quantitatif, se trouvent réalisées, pour la main-d'œuvre, les conditions les meilleures pour notre expansion avec l'objectif ferme que nous avons d'assurer le plein emploi.

NOTRE ÉCONOMIE DANS SES DIVERS SECTEURS Notre agriculture, base fondamentale de notre économie régio- nale, se caractérise par le morcellement excessif des terres. La poly- culture (blé, mais, vigne, fruits, etc..) se traduit par l'enchevêtre- ment des parcelles. Dans le seul département de la Haute-Garonne nous comptons plus de 36.000 exploitants. Sous ce climat favorisé, les terres cependant ne demandent qu'à être fécondées pour mieux produire. La prairie doit s'étendre et favoriser un élevage qui devrait être une source de grande prospérité. Nous touchons au problème essentiel, celui de l'eau, dont nous reparlerons dans notre conclusion.

Notre industrie est elle-même fragmentaire et dispersée dans son infinie variété. Elle est à base artisanale et la grosse industrie (électro-métallurgie, électro-chimie), qui a trouvé un premier développement dans l'utilisation des ressources hydro-électriques des Pyrénées, dans l'existence des charbonnages d'Aquitaine et des mines métalliques pyrénéennes, y est cependant généralement peu importante et surtout peu concentrée. En fait, toutes les branches de l'industrie sont représentées. Dans celles qui ont un caractère plus spécifiquement régional, nous citerons le délainage de Mazaniet, centre mondial, la mégisserie qui en est le prolon-

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LÀ FRANCE VIVANTE 593 gement, la ganterie de Millau, les fromageries de Roquefort, les fabriques de sandales et bérets de la région pyrénéenne, et j'en oublie.

A Toulouse, la masse industrielle est constituée par les fabri- cations aéronautiques qui, par ailleurs, venant de la région pari- sienne, ont, entre les deux guerres, essaimé dans notre région pyrénéenne. Cette industrie est nationalisée pour sa plus grande part (S. N. C. A. S. E.) comme est aussi nationale l'usine d'engrais azotés (0. N. I. A.) créée il y a plus de quarante ans à Toulouse.

Si Toulouse fut la première grande ville éclairée à l'électricité (1888) et qu'elle méritât alors le titre de capitale de l'électricité, sa région cependant est passée à côté des grands courants d'indus- trialisation du xixe siècle et aujourd'hui elle ne tire plus bénéfice de ses ressources hydro-électriques réparties sur le plan national.

Ses chances cependant restent grandes si on l'aide et si une seconde fois elle ne manque pas son destin.

L'artisanat, en raison des structures définies et des tendances des hommes, y trouve un domaine privilégié de développement.

Il nTéchappe cependant pas aux difficultés générales.

Le commerce, dont la prospérité est rigoureusement fonction de celle des autres secteurs- de l'économie — agriculture et viticulture d'abord — se concentre selon un phénomène général.

La prolétarisation du petit commerce rural et du petit artisanat n'est certes pas étrangère à un « mouvement » qui est parti de l'un des départements les plus appauvris de la région.

Une mention doit être faite de l'économie pyrénéenne. Il y a une « entité Pyrénées » dont nous voulons proclamer l'existence pour l'exploitation des richesses naturelles comme pour les ressources du tourisme et du thermalisme. C'est l'économie de la montagne avec ses caractéristiques propres : aménagement et utilisation des forces hydrauliques pour la production électrique, le grand réser- voir d'eau pyrénéen pour nos travaux d'irrigation agricole et d'alimentation en eau potable, la forêt et ses débouchés vers les industries de transformation du bois, les pâturages et l'élevage des bovins et des ovins, la gamme complète des sources curatives et des stations thermales, l'attrait de sites incomparables pour créer un mouvement touristique.

Dans tout cela il y a des arbitrages et des options à déterminer : assurer au principal l'équilibre agro-sylvo-pastoral ; déterminer la participation des ressources en eau entre l'agriculture et la pro-

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duction d'énergie électrique, équiper la montagne en général.

C'est un domaine d'études, de décisions et d'action qui, dans ses particularités, méritait d'être signalé.

L'exposé de cette situation d'ensemble de notre économie régionale nous amène aux conclusions suivantes. L'agriculture est en progrès, mais reste « marginale » dans beaucoup de ses exploi- tations ; la crise viticole est très inquiétante ; l'industrie est en stagnation sinon en nette dépression dans certains secteurs, comme Je textile, la chaussure, la confection ; l'artisanat souffre de certaines concurrences industrielles ; le commerce disparaît ou se détériore dans les localités de moindre importance. D'une façon plus générale, la lutte s'avère difficile pour une région qui entend maintenir sa place dans la nation et qui voudrait, au surplus, participer au combat de l'économie française. Nous sommes incontestablement une région sous-développée parce que le chômage sans être très grave y est latent, que les capitaux y sont peu abondants, que les rende- ments fiscaux sont au-dessous de la moyenne, que les conditions d'existence sont en maints endroits nettement insuffisantes, que faute d'industrie et en raison du niveau de vie généralement faible à la campagne, la main-d'œuvre a une tendance continue à l'émigration.

ACTION ET MOUVEMENT

Les inquiétudes du présent et les craintes de l'avenir ont vigou- reusement inspiré l'action de redressement et de rénovation qui sera le point principal de notre exposé. Le ressort des volontés est désormais solidement tendu. L'administration a senti dans cette situation l'importance de ses responsabilités.

Dès le début de 1954, nous nous sommes efforcés, avec les préfets de la région, les Chambres de Commerce, d'Agriculture et l'Artisanat, d'établir le diagnostic de notre économie en beaucoup de points devenue défaillante. C'est alors que j'ai établi en colla- boration avec M. Deveaud, inspecteur général de l'Economie natio- nale, ce qui fut le premier rapport au gouvernement sur l'état ' d'une économie régionale. Nous avons mis nettement en lumière en un vaste diptyque, d'une part nos difficultés et leurs causes, d'autre part les remèdes que nous pensions pouvoir proposer.

Il serait fastidieux de présenter ce rapport, même en une simple analyse ; la diversité de notre économie pose trop de problèmes

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pouf que l'on puisse en condenser les données. Ce bilan fut défi- nitivement mis au point dans une conférence qui réunit, sous ma présidence, à la fin de l'année dernière à Toulouse, dans le cadre traditionnel de la Ve région économique, les douze préfets des départements et les dix-huit présidents des Chambres de Commerce.

L'alerte était ainsi donnée.

Dans certains départements, comme celui de PAveyron, pré- sentant tant de points faibles, des Comités comprenant les plus hautes personnalités avaient déjà fait un fructueux travail de documentation. Ces Comités d'expansion économique ont été créés par la suite dans d'autres départements et dans le département de la Haute-Garonne, c'est une Commission d'étude dans le cadre du Conseil général qui collabore avec l'administration. A ces organes départementaux sont venus très heureusement se super- poser, grâce à un remarquable élan, des groupements d'initiatives privées qui se sont révélés rapidement d'une grande efficacité :

— Le Comité industriel d'action économique, ayant à sa tête de véritables capitaines d'industrie, a scellé une solidarité féconde entre les industries privées, les industries nationalisées et les grands services publics nationaux (S. N. C. F. —

— G. D. F. — Houillères de France). Un catalogue vivant des industries adhérentes à ce Comité a été récemment publié;

— Le Centre Régional de Productivité de Toulouse, véritable équipe d'hommes d'action, d'ingénieurs et de cadres où des universitaires éminents apportent leur précieux concours ;

— L'Association régionale de vulgarisation agricole dont la tâche est, pour plusieurs départements, d'instituer et de placer des vulgarisateurs, instructeurs d'élite et conseillers de nos agriculteurs, travaillant en liaison avec nos services officiels.

Le point culminant de notre action fut marqué par les Journées régionales d'Etudes économiques et sociales de Toulouse qui se déroulèrent — lieu et symbole en même temps — dans les nouveaux bâtiments de notre cité universitaire. Elles eurent, grâce à la Presse, la portée et le retentissement que méritaient de telles assises. Elles furent le témoignage le plus saisissant des efforts conjugués de toute une région qui proclame dans la sagesse et dans l'étude sa volonté de vivre et de faire prospérer ses hommes. Repré- sentants de toutes les professions, des organismes officiels, chefs d'administration, dirigeants des collectivités, parlementaires, uni- versitaires, syndicalistes ouvriers, ces hommes venus de tous les

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points de la région ont écouté des rapports solides, établi des contacts durables, amorcé des dialogues utiles, soumis leurs thèses et leurs projets à des confrontations vivantes, recueilli des paroles d'espoir, engagé des discussions courtoises et très objectives. Com- bien, en particulier, fut émouvante — et étonnante pour certains — cette journée au cours de laquelle chacun des préfets des douze départements de la Ve Région vint apporter, avec son tempérament personnel, à la fois l'image et les problèmes de son département ainsi que les solutions qu'il entrevoyait.

En une vaste fresque la vie de la région nous a été ainsi apportée par les administrateurs et mandataires de nos départements, conscients et fiers du rôle économique et social désormais fermement dévolu à notre corps préfectoral.

Ces réunions se développèrent devant les hauts représentants des ministères économiques et sociaux et plusieurs de nos plus impor- tants conseillers commerciaux à l'Etranger. Leurs conclusions furent tirées en leur dernière journée devant notre ministre de l'Intérieur, M. Bourgès-Maunoury. Ce relais lumineux de notre action, cette rencontre des responsables, ont permis de préciser les problèmes immédiats pour le redressement et la rénovation de notre éco- nomie.

Nous sommes ainsi en présence d'un vaste mouvement dont il est réconfortant de souligner la valeur, l'ampleur et la profondeur, ainsi que l'esprit qui l'anime. Les hommes de notre Midi ont pris une large et collective conscience de leurs difficultés mais aussi de leurs responsabilités. Il ne s'agit nullement de régionaliser une économie, de l'asseoir au détriment d'autres régions depuis long- temps prospères. Loin de nous l'idée de « déshabiller » le Nord, l'Est ou la région parisienne pour « habiller » notre Midi. C'est dans le cadre d'une expansion nationale que tous ici veulent travailler et 'agir, s'adapter à l'économie moderne où l'homme doit trouver la meilleure rémunération de ses responsabilités de direction et les justes fruits de son labeur. S'il est normal dans une région sous-développée de compter sur le concours des pouvoirs publics, sur le bénéfice de mesures exceptionnelles d'ores et déjà décidées, une vérité maintenant s'impose à tous : le salut est d'abord dans la volonté des hommes, de tous les hommes.

Plus personne n'oserait aujourd'hui déclarer que nous devons être abandonnés à notre mauvais sort et que nous risquons d'être la portion principale du « désert français ». L'idée est maintenant

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solidement ancrée dans l'esprit de tous : la France est un tout géographique et économique ; la prospérité nationale ne peut et ne doit être que la somme des prospérités régionales.

C'est dans ce climat de mutuelle confiance que s'amplifie désormais notre action. Sur le plan moral une victoire est gagnée, elle doit avoir ses répercussions prochaines sur le plan des réalisations.

L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Dans nos projets et dans nos travaux nous entendons tous nous relier à cette notion de base qui est celle de l'aménagement du territoire c'est-à-dire « la recherche, dans le cadre géographique de la France, d'une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et des activités économiques ». Aujour- d'hui ces ressources naturelles et ces activités sont nettement établies. Leur inventaire a été précisé par ces organismes qui constituent de véritables états-majors de l'action économique.

Le recensement des locaux industriels vacants a été fait dans chaque département. Les villes elles-mêmes n'ont pas manqué à leur devoir en prévoyant des zones industrielles. Nous sommes prêts, par l'effet du desserrement d'autres régions, à cette extension industrielle pour laquelle sont réunies les conditions les plus favo- rables. Nous savons que s'intéressent à notre situation à la fois le Commissariat général au Plan et la Direction générale de l'amé- nagement du Territoire.

En matière de science et d'action économique, nous avons bien l'impression que tout a été dit et écrit. La documentation de base est substantielle. Etudes, monographies, statistiques, travaux de conjoncture sont innombrables. C'est de cette matière, en apparence inerte, qu'il faut maintenant savoir extraire la vie en s'écartant surtout d'une planification trop rigide et d'une stan- dardisation trop poussée. Il faut savoir, en effet, et nous ne saurions trop le répéter, donner priorité au facteur humain. Ce qui est vrai à Lille risque de ne pas l'être à Toulouse. L'importance de l'action psychologique, surtout dans une région comme la nôtre, ne peut

être niée. C'est à elle que nous avons voulu d'abord vouer tous nos efforts.

Les premiers résultats sont donc tangibles. D'une part une région tout entière est lancée dans le mouvement, d'autre part les pouvoirs

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publics centraux, connaissant ses louables et sains efforts, n'ignorent pas que cette région sous-développée, trop vide d'industries, retardée dans son équipement agricole, doit être encouragée et vigoureusement appuyée.

RÉALISATIONS ET PROJETS

Si ce mouvement raisonné, coordonné vers l'expansion, est relativement récent dans son amplitude actuelle, cela veut-il dire que notre région de Toulouse était auparavant en léthargie ? Certes non. Depuis dix ans nos collectivités, départements, villes et communes, en étroite collaboration avec l'administration pré- fectorale, ont donné le signal d'un effort d'équipement et de moder- nisation. Pour ne citer qu'elle, la ville de Toulouse est en pleine et continue transformation. A ses réalisations d'avant-guerre comme son ensemble de piscines, unique en France, comme sa Bibliothèque municipale, l'une des plus belles d'Europe, elle a ajouté son aérogare inaugurée il y a deux ans et qui est actuellement la plus moderne de province. Elle a été construite, sans participation de l'Etat, par une entente entre le département, la ville et la Chambre de Commerce qui en assure la gestion. A son vieux marché de gros, mal situé dans le centre, elle va substituer un marché-gare dont les travaux sont largement en cours. Est-il besoin d'insister sur la valeur d'une telle création pour la rationalisation de nos débou- chés en fruits et légumes dont la production contribue à la prospé- rité de cette région ?

Exécution du plan d'urbanisme, amélioration et aménagement d'une voirie qui est longue de près de-1.000 kilomètres dans cette ville extraordinairement étendue, extension du réseau d'égouts et du réseau d'eau potable, modernisation du réseau des transports publics, construction d'écoles primaires répondant à l'importante augmentation de la population scolaire, construction de nombreux immeubles pour le logement — ce problème n° 1 dans une ville dont la population s'accroît — par l'intermédiaire des organismes spécialisés, des collectivités ou par l'initiative privée, Toulouse donne l'exemple de l'action et regarde délibérément vers l'avenir.

Son Université contribue, par son équipement en dévelop- pement, à cette progression. Des crédits d'Etat ont permis et vont permettre des réalisations importantes, et notam- ment le lycée moderne Bellevue dans la périphérie de la

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LA FRANCE VIVANTE 599 ville, une Ecole nationale d'enseignement technique, l'agrandisse- ment du lycée de filles, l'extension de la grande Ecole nationale d'électrb-technique et d'hydraulique, un Institut de Génie chi- mique, un Institut de physiologie, uh Institut d'électronique par décentralisation des organismes de la Recherche scientifique, l'amélioration des bâtiments des Facultés, la construction d'une nouvelle Ecole nationale vétérinaire. L'équipement culturel de notre métropole est ainsi constamment en évolution.

Dans toute la région, à moindre échelle certes selon les centres, cet esprit novateur et créateur des collectivités se manifeste, se joignant aux initiatives privées. Les oeuvres de l'habitat sont nombreuses dans les villes, et dans l'ensemble de la région ; depuis le début de 1953 plus de 40.000 logements ont été créés. A la cam- pagne, à un rythme, hélas 1 insuffisant, en parachevant l'électrifi- cation rurale, l'équipement se poursuit pour amener l'eau, sang de l'agriculture, dans les fermes ou dans les terres.

En dehors de nombreux syndicats intercommunaux, deux grands projets en cours d'exécution se distinguent :

— L'aménagement hydraulique de la Montagne Noire (Institution interdépartementale comprenant Haute-Garonne, Aude, Tarn) ;

•— L'irrigation des coteaux de Gascogne (Institution interdépar- tementale comprenant les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne, le Gers et le Tarn-et-Garonne).

La réalisation de ce grand projet, dont une première tranche est terminée, va permettre d'irriguer de vastes surfaces et de transformer littéralement une partie de cette région par l'extension de ses prairies et aussi celle de la culture du maïs. La création d'une Société d'Economie mixte est prévue pour son développement à l'image de ce qui est fait pour le Bas-Rhône-Languedoc, dans notre proche voisinage.

L'Electricité de France, grosse utilisatrice des ressources en eau de nos Pyrénées et des abords du Massif Central, a, depuis dix ans, investi près de 110 milliards dans cette région qui produit, à elle seule, 5 milliards de kwh, soit le quart de la production électrique française. La réalisation la plus importante est la Centrale de Pragnères dont la production est de 300 millions de kilowatts-heure.

La découverte du gaz naturel de la région de Saint-Gaudens en 1942 a permis à la Régie autonome des Pétroles (R. A. P.) de créer dans toute la région, et même jusqu'à Bordeaux, un vaste réseau de distribution. Elle doit être louée de ses efforts et de son

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incontestable participation aux progrès de D t r e région. Elle alimente, notamment, l'importante usine de l'O. N. I. A. à Toulouse qui doit trouver en çlle toutes les possibilités de nouveaux et nécessaires développements.

Sur le plan général de notre industrie privée ou nationalisée, l'esprit d'entreprise n'a pas été absent et, s'il y a eu des retardataires, il y a eu aussi des audacieux dans nos fabricants. Dans les Basses- Pyrénées, l'industrie des turbo-réacteurs manifeste sa classe inter- nationale et à Toulouse la Société nationale de Constructions aéronautiques du Sud-Est est justement fière de sa production aéronautique, de son avion « Armagnac », de son hélicoptère, comme surtout de son avion « Caravelle », dont la réussite doit entraîner d'importantes commandes, non seulement en France pour nos lignes aériennes, mais aussi à l'étranger. Dans la vallée de l'Aude, la chapellerie défaillante est victime du changement de mœurs et s'est en partie reconvertie ; la fabrication de matières plastiques a succédé à celle des chapeaux de laine et de feutre.

Des projets d'installation d'usines nouvelles devraient voir le jour en Haute-Garonne. Les Pyrénées proches et leurs ressources en bois feuillus nous font entrevoir la création d'une fabrique de pâte cellulosique nécessaire à notre Economie nationale. Les grands travaux de Toulouse ont déjà attiré une fabrique importante de ciment. L'excédent de notre production laitière a suscité l'instal- lation d'une usine de lait stérilisé trouvant ses débouchés en Afrique du Nord.

Nos agriculteurs, nos viticulteurs, nos producteurs de fruits et légumes, malgré les difficultés résultant des structures anciennes et déjà largement signalées, sont cependant loin de tourner le dos au progrès. Mécanisation, utilisation rationnelle des engrais, augmentation substantielle des rendements pour les blés par l'utili- sation de semences sélectionnées, recherche de la qualité par l'effort individuel ou la coopération, ont incontestablement permis une renaissance et une promotion du noble travail de la terre.

D'après une étude récente, un fait est à signaler : la région de Toulouse est celle dont la proportion d'accroissement de production en blé de 1948 à 1954 est la plus marquante, soit 87 %. L'élevage lui-même est en nette amélioration pour les gros animaux comme pour la volaille, l'économie avicole ayant dans notre Midi une grosse importance. Des productions de haute qualité comme celle de notre Armagnac sont en heureuse évolution.

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LES POSITIONS DE BASE ET LES SOLUTIONS DÉSIRÉES Cette projection de lumière, ces affirmations de réalités et d'espérance mélangées ne devraient-elles pas déjà nous pousser à l'optimisme ? Je ne le crois pas, car des ombres subsistent sous le ciel clair de l'Aquitaine et du Languedoc ; les inquiétudes demeurent et l'heure de la vérité a sonné pour notre économie.

Pour nous sauver définitivement, la volonté des hommes étant désormais assurée, nous saisissons plus que jamais l'impor- tance du traditionnel triptyque de toute vie économique : l'énergie, les transports, le crédit.

Pour l'énergie et les transports nous définissons notre position de très simple manière. Nous souffrons dans notre Sud-Ouest de notre éloignement des grands centres de production et marchés de consommation, et nos produits se trouvent grevés de lourds frais de transports, très sensibles notamment pour l'acier qui ne bénéficie plus depuis le Pool de la « parité Thionville ». Nous avons, par contre, dans nos montagnes pyrénéennes pour l'électricité, dans notre sous-sol pour le gaz naturel (Saint-Marcet actuelle- ment et dans un avenir proche Lacq) un potentiel énergétique considérable.

Nous savons bien que celui-ci ne peut être régionalisé entière- ment et qu'il est bien national. Nous demandons cependant que, pour ces ressources existant sur place, le prix de distribution soit moins élevé qu'ailleurs. C'est la juste compensation de nos charges de transport en général. Ce raisonnement parait sommaire.

Il est, à notre avis, irréfutable. A Paris, une commission siégeant au Commissariat au Plan et présidée par M. Robert Lacoste, ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, est chargée d'étudier le problème vital pour nous de l'industrialisation du Sud-Ouest en partant du gaz naturel, soit en transformation, pour l'industrie chimique, soit en distribution à l'industrie en général. J'ai le privilège d'être membre de cette commission qui a déjà fait de très sérieuses études. Pour Lacq, dont l'important gisement a été décou- vert par la Société des Pétroles d'Aquitaine, nous pouvons par- faitement admettre qu'une première réserve de ressources et un premier privilège de prix soient accordés au département produc- teur des Basses-Pyrénées, mais cette formule doit s'étendre ensuite, avec des degrés à définir, à l'ensemble de la région de Bordeaux et

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de Toulouse. Il eût été souhaitable qu'une telle décision fût prise au début de l'exploitation du gaz naturel de Saint-Marcet. Lacq, c'est la grande et juste espérance de cette région, qui doit trouver ainsi en elle-même son expansion à l'image de ce qui s'est passé en Italie du Nord, dans la vallée du Pô. Ce problème sera sans doute plus largement évoqué dans cette même revue.

Pour la région de Toulouse, nous demandons et nous insistons pour que cette politique de baisse du prix du gaz soit amorcée dès maintenant avec le réseau de la R. A. P. Nous connaissons les efforts de cette grande Société contrôlée par l'Etat pour les recherches pétrolières. Nous pensons cependant que ces dernières doivent être financées autrement que par un prélèvement sur le bénéfice d'une consommation uniquement régionale. Le gaz à bon marché, c'est invariablement un attrait pour les industries nouvelles et aussi un soutien des industries actuelles. Nous avons, tous les jours, des témoignages très nets dans ce sens.

Sur le plan des transports ferroviaires, nous sentons bien que les solutions sont plus difficiles. Nous pensons cependant que, pour certains produits, des tarifs préférentiels devraient être envisagés.

Pour le crédit, toujours dispensé avec parcimonie et de sévères garanties dans le cadre régional, nos industriels ne manqueront pas d'user des possibilités et facilités des décrets récents, pour favoriser la mise en valeur des régions sous-développées. Ils feront certaine- ment appel au « Fonds de développement économique et social » notamment pour la conversion de certaines industries, ou au jeu des primes spéciales d'équipement ou de bonification d'intérêt.

Des initiatives sérieuses ont déjà été prises pour la création, avec le concours des Chambres de Commerce, des industriels et éventuelle- ment des banques, de sociétés de développement régional prévues par l'un des décrets précités du 30 juin dernier. Il faut, d'une façon plus générale, prévoir l'extension du crédit à moyen et à long terme.

BREF RETOUR SUR LE PASSÉ ET VUE SUR L'AVENIR Nous sommes loin en matière de crédit et de financement de projets, de l'époque où, Louis XIV régnant, Paul Riquet, enfant du Languedoc et justement célèbre dans cette région, construisait le Canal du Midi. Les fonds manquants étaient un peu partout refusés pour la réalisation de cet audacieux projet. Dans cette œuvre d'intérêt général, Riquet engloutit sa fortune personnelle. Il fut

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cependant autorisé à ouvrir une souscription publique. Pour la réussite de cette opération il conçut l'intérêt de la publicité. Il fit construire un char qu'il promena jusqu'à la Cour de Versailles, surmonté d'une énorme oie en carton, l'oie chère à notre Languedoc.

Chacun pouvait apporter sa souscription précieusement recueillie par lui-même et il espérait, plus particulièrement, convaincre le Roi. Barrant le corps de l'important volatile on pouvait lire cette pittoresque et spirituelle inscription en vieux français « Mdnnoye fait tout ». L'œuvre de Riquet a traversé les siècles comme l'une des plus utiles pour l'économie de cette région. Un consortium s'est récemment créé à Toulouse pour tout le Sud-Ouest en vue de s'attacher à la modernisation de nos voies navigables et notam- ment de notre Canal du Midi. Nous est-il permis, à cet égard, de signaler aussi l'important projet dû Canal des Deux Mers, toujours d'actualité et plus que jamais à l'étude ?

NOS URGENCES

Nous avons présenté au gouvernement la hiérarchie de nos urgences pour les décisions à prendre dans le cadre des textes nouveaux et signalé les zones de dépression les plus profondes.

Pour les Houillères d'Aquitaine et ses ensembles industriels menacés, il faut d'abord sauver le bassin de Decazeville et éviter l'exode massif des ouvriers mineurs du pays. La direction générale des Houillères sent la gravité de ses responsabilités dans ce sens. Combien nous avons applaudi, lors de nos journées régionales économiques de Toulouse, une déclaration de M. Baseilhac, directeur général, faisant connaître que les Charbonnages de France étaient disposés à contri- buer à 30 % du capital des industries nouvelles s'installant à proxi- mité des mines. Les Houillères de France donnent ainsi l'exemple de ce que peut faire un grand service national public pour participer à une œuvre de redressement et de rénovation économique régionale.

Nous ne pouvons ici présenter les détails de ce vaste bulletin de la santé économique de notre région. Des départements très '! pauvres, comme celui du Lot, méritent d'être spécialement aidés,

notamment pour les problèmes de remembrement ou de reboise- ment qui se posent avec une particulière urgence. D'une façon plus générale nous souhaitons voir s'accroître le volume des inves- tissements pour assurer l'équipement d'une région incontestable- ment en retard. Le drame permanent de la sécheresse commande

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d'abord que soient poussés les projets d'adduction d'eau potable et d'irrigation. Nos départements viticoles, et je le dis au-delà de ma région pour l'Hérault et pour le Gard, subissent depuis plu- sieurs années une crise et un malaise qui font s'élever parfois des colères. Par la résorption des stocks pesant lourdement sur le marché, par l'action de l'Institut des vins de consommation cou- rante, il faut assurer le plus tôt possible l'assainissement définitif du vignoble dans le cadre d'une politique de prix de revient et de qualité. Nous savons que le gouvernement et le Parlement s'atta- chent à obtenir de sages et durables solutions à cet égard.

Nous n'ignorons pas, ici comme ailleurs, cette vérité essentielle de toute économie : il faut produire pour vendre et, pour vendre davantage, il faut rechercher des débouchés. Des efforts sont donc déjà très solidement tentés pour ouvrir des fenêtres d'abord et des portes ensuite vers les marchés extérieurs : plan métropolitain, plan de l'Union française (Afrique du Nord et Afrique noire d'abord), plan international. Nous souhaitons ensuite voir s'intensifier, en partant de nos aérodromes et de nos ports, nos liaisons marchandes par air et par mer. Dans le domaine du réseau intérieur de trans- ports aériens est-il normal qu'une grande ville comme Toulouse, à 700 kilomètres de la capitale, ne soit pas rattachée à celle-ci par une ligne régulière ?

L'Espagne est proche et nous avons ainsi une naturelle vocation pour apporter vers elle de nombreux produits dont elle a un besoin certain. Des contacts sont déjà pris entre les responsables des éco- nomies des deux pays. Nous désirons qu'ils aient des conséquences heureuses pour la conclusion d'accord officiels.

LE TOURISME

Il y a un domaine de notre économie méridionale qui mérite d'être mis en lumière et surtout mis en valeur : c'est le Tourisme, cette vivante synthèse des richesses naturelles, monumentales, culturelles et humaines d'une région, riche aussi de ses traditions folkloriques. Tous les paysages s'offrent à nous en cet isthme où d'Atlantique en Méditerranée paraissent se rencontrer la France, l'Italie, la Grèce et l'Espagne.

Toulouse, cité palladienne, domine avec sa campagne environ- nante dont l'aspect souriant, analogue à celui de la campagne florentine, avait si fortement impressionné, il y a quelques années,

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LA FRANCE VIVANTE 605 notre illustre visiteur S. Exe. le comte Sforza, venu ici voir ses compatriotes qui nous aident à fertiliser nos terres souvent en risque d'abandon.

Nos Pyrénées, montagnes « au front de glace et de gazon », dont Louis Bertrand disait qu'elles lui apparaissaient comme les plus belles montagnes du monde, nous présentent leurs saisissantes images. Nous avons voulu les mieux-faire connaître. Il y a quelques années, nous avons fondé la Conférence pyrénéenne touristique pour assurer, avec le concours financier des Conseils généraux associés, une vaste propagande en France, dans l'Union française et surtout à l'Etranger. Lourdes, haut lieu de la spiritualité, est comme le phare de cette région pyrénéenne mais partout ailleurs, sur les côtes ou dans les terres, que de richesses et d'attraits dans ces œuvres de l'art et de la nature souvent mélangées I

En vérité, dans ces douze départements, tout est à voir, tout est à connaître, tout est à admirer et à aimer, mais pour recevoir des touristes, des curistes, des visiteurs toujours plus nombreux, il faut s'attacher à l'extension de l'équipement hôtelier, à l'aména- gement de la montagne, à la création de routes nouvelles, à la cons- truction de téléfériques et de télébennes pour la desserte des points culminants. Des projets sont'établis ou déjà en cours d'exécution : ils seront soutenus jusqu'à leur aboutissement, dans toute la mesure de leur rentabilité.

VOLONTÉ, CONFIANCE, ESPOIR

Nous avons voulu présenter la figure nouvelle de no*tre région, souriante certes, mais aussi parfois songeuse devant son destin.

Si nous avons déterminé le rôle d'une administration consciente de ses responsabilités, s'écartant elle-même des vieilles routes sur lesquelles elle a trop longtemps cheminé, nous sentons bien que l'effort collectif en cours doit faire l'objet de notre plus grande attention et de notre plus ferme soutien. S'il fait bon vivre dans ce doux et gai pays, chacun a la conviction qu'il faut secouer les rou- tines anciennes. La jeunesse est souvent impatiente de prendre sa place dans la compétition qui s'engage et, dans ce pays de sportifs, le mot de compétition revêt bien son plein sens. Cette jeunesse doit gagner partout où se durciront de communes volontés, mais il appartient aux pouvoirs publics de ne pas la décevoir dans ses espérances de meilleure vie.

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Sous la lumière du soleil aquitain ou languedocien, l'ombre des clochers se profile toujours aussi pure mais elle ne protège plus ceux qui veulent vivre loin de l'action.

Pour la promotion de cette région des conditions optima sont assurées : éléments humains et ressources de la nature. Il nous appartient de donner à cet équilibre son plein effet.

Elle a produit pour l'honnaur de la France de grands hommes d'Etat, de grands administrateurs, de grands soldats et, à leur tête, nos trois maréchaux pyrénéens. Foch, le plus prestigieux d'entre eux, avait coutume de dire dans les situations les plus . critiques : « De quoi s'agit-il ? » Notre Midi répond : il s'agit de notre salut, nous savons bien qu'il nous appartient de l'assurer d'abord, mai» nous voulons être aidés. Cet appel est déjà entendu.

EMILE PELLETIER, Préfet de la Seine,

ancien préfet de la Haute-Garonne et inspecteur général de VAdministration

pour la Ve région.

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