COMPARAISON ENTRE L’ÉQUIPEMENT ENZYMATIQUE
DES GLANDES SALIVAIRES ET DE L’INTESTIN MOYEN
DE DIVERSES ESPÈCES D’ABEILLES SOCIALES
B. DELAGE-DARCHEN J. RAMOS de CONCONI I. CUADRIELLO AGUILAR
RÉSUMÉ
Une nouvelle
espèce
d’abeille sans dard duMexique, Scaplotrigona
mexicana(Guérin)
a été étudiée dupoint
de vue del’équipement
en enzymesdigestives
de ses diversesglandes
salivaires et de son intestin moyen.Les résultats obtenus sont donnés sous forme de tableau
synoptique
où sontprésentés
en même temps les résultatsdéjà acquis
avec d’autresespèces
d’abeilles sociales.On peut ainsi constater que la
répartition
des enzymes recherchées n’est pasidentique
chez toutes cesespèces qui,
pourtant sont toutes consommatrices de nectar, depollen,
etproductrices
de cire. Les différen-ces
métaboliques
que l’on note sont sans doute à mettre en rapport avec laqualité
du milieu floralqu’elles fréquentent.
Cette étude peut donc servir àappréhender
la nature des coévolutionsqui régissent
les rap- portsplantes-abeilles.
Nous
avonsdéjà étudié à l’aide d’une technique simple (méthode Apizym) l’équipement enzymatique des glandes métamériques annexées
autube digestif anté- rieur,
etde l’intestin moyen d’un certain nombre d’abeilles sociales, trigones, mélipones, Api
S (A RNOLD
etD ELAGE -D ARCHEN , 1978; D ELAGE -D ARCHEN
etC oll., 1979;
D ELAGE -D AR C HEN
, 1981
souspresse).
A
notregrand étonnement,
nous nous sommesaperçus
que cesabeilles ayant
tou-tes
le même régime alimentaire de base, miel
etpollen
etprésentant, par ailleurs, des développements glandulaires comparables, révélaient néanmoins des différences quant à la distribution de diverses enzymes recherchées. Ceci laisse présumer, bien entendu,
des métabolismes digestifs quelque peu dissemblables d’une espèce à l’autre.
Continuant
cetinventaire,
nous avonsanalysé les
enzymesproduites par
unetri- gone mexicaine Scaptotrigona.
Plutôt que de décrire simplement
nosrésultats,
nousallons les
exposer en untableau récapitulatif où ils pourront être comparés
auxrésultats déjà acquis
avecApo- trigona nebulata, trigone centrafricaine, Melipona beecheii, mélipone du Sud du Mexi-
que, et
Apis mellifica de France.
* Station
biologique,
24620 LesEyzies.
TECHNIQUE
Elle est
identique
en touspoints
à celleprécédemment
décrite.Compte
tenu de la taille relativementpetite
de Scaptotrigona, nous avons utilisé pourchaque
test,respectivement
35 ou 30paires
deglandes
d’ouvrièresprises
dans le nid. Nous n’avons pasdisséqué
d’ouvrières trèsjeunes,
reconnaissables à leurstéguments
clairs et à leur tubedigestif chargé
depollen,
car, chez ces individus, lesglandes
sont encore peu turgescentes et des dissections en nombre sontsujettes
à souillures par apport involontaire de tissus étran- gers.Il est difficile de dire si 15
paires
deglandes hypopharyngiennes
deMelipona
sontpondéralement identiques
à 30paires
de ces mêmesglandes
chezScaptotrigona,
mais néanmoins il est intéressant de constaterqu’avec respectivement
15 et 30paires
de ces mêmesglandes
chez les deuxespèces
on obtienttantôt une
hydrolyse
d’une même intensité(par exemple
estérase(C 4)
dans lesglandes mandibulaires)
tan- tôt des intensités très différentes[par exemple Lipase (C 14)1.
C’est ainsi que nous comprenons ces compa- raisons, c’est-à-dire en termes relatifs.RÉSULTATS
Il
estinutile de paraphraser le tableau des résultats. Les petites croix indiquant la plus
oumoins forte intensité des réactions de digestion enzymatique, parlent d’elles-
mêmes.
Mais
onpeut dire qu’à part certaines enzymes totalement absentes à
unniveau donné chez
toutesles espèces, la plus
oumoins grande abondance desdites enzymes
estgénéralement très var’abte, pour
unemême glande, chez les 4 espèces étudiées. Et il n’y
a pas
plus de ressemblances
entreles 2 trigones Apotrigona
etScaptotrigona, qu’entre trigones
etmélipone. Parfois, même, la distribution des
enzymesrapproche plus Scap- totrigona de Melipona,
queScaptotrigona de Apotrigona.
CONCLUSION
Cet inventaire de routine n’est
pas unefin
ensoi.
Dans unpremier temps il permet de
mettre enévidence des différences dans le fonctionnement de glandes à la fois homo-
logues
etmorphologiquement très comparables appartenant à diverses abeilles ayant
parailleurs
unealimentation du même type.
Ces différences
quel’on perçoit, à la faveur de
testsaisément reproductibles,
per- mettentalors d’envisager
uneétude plus approfondie du métabolisme de
cesinsectes,
enrelation
avecla qualité des
nectars etdes pollens récoltés. Car, l’éclectisme de
cesdiffé-
rentesabeilles n’est qu’apparent. Elles choisissent
pourbutiner, les fleurs dont la taille,
la forme, les cycles biologiques
sontaussi les mieux adaptés à leur anatomie
età leur
rythme
propre,mais aussi celles dont l’odeur
oule goût leur conviennent le mieux.
Ainsi l’étude de la distribution des enzymes digestives chez les abeilles
avec ou sansdard,
est unbiais
parlequel
onpeut aborder le problème de la coévolution des
plantes
etdes insectes pollinisateurs.
Une récente étude (F EBVAY , 1981), à l’aide de la même technique, des
enzymesdigestives de la fourmi champignoniste sud-américaine A cromyrmex octospinosus
amontré
que cettefourmi
a unéquipement enzymatique des plus réduit.
Les abeilles
aucontraire,
encomparaison,
sonttrès richement dotées. Et si,
auniveau de leur intestin, des bactéries symbiotes les aident à digérer le pollen, elles
assu-rent
quand même
parelles-mêmes
unegrande part de la dégradation
etdu métabolisme des aliments qu’elles ingèrent
etceci grâce à des sécrétions produites
endes sites très
divers. Il faut aussi penser
que cessites sécrétoires si diversifiés
sont enrelation,
nonseulement
avecles
processusde digestion proprement dits, mais aussi
avecla fabrica- tion du miel. Il
estbien évident
que cesrecherches d’enzymes
auniveau des glandes
salivaires n’impliquent
paspour
autantqu’on
supposequ’elles
nepeuvent produire
quecela. Chez Apis mellifica, par exemple, les glandes mandibulaires de la reine
etde l’ou- vrière
ontété l’objet d’études dans
un tout autredomaine (voir l’ensemble des
travauxde PAIN,
enparticulier). Les glandes mandibulaires des
autresespèces d’abeilles
quenous avons
disséquées produisent des substances très odorantes dont la fonction étholo-
gique
estindéniable.
Nous
nous sommespenchés ici
sur unaspect, seulement, des sécrétions
et il reste encorebeaucoup à découvrir. Une portion de glande
enparticulier
conserveintacte,
oupresque,
sonénigme, chez
toutesles abeilles étudiées, il s’agit de la glande labiale céphalique dont la sécrétion huileuse, incolore contient fort peu d’enzymes
etqui
nedevient turgescente
quechez les abeilles âgées. Jusqu’ici
onn’a
pu marquerles sécré- tions qu’elle contient. Serviraient-elles
autravail de la cire? Mais,
au momentoù la glande s’emplit, l’abeille n’est plus,
enthéorie, occupée
auxconstructions.
Malgré l’abondance des
travauxdont
aété l’objet Apis mellifica,
on estdonc loin d’avoir
tout vu, etpeut-être
quela comparaison
avecdes abeilles
sansdard amènera à soulever certains voiles de la physiologie de l’abeille domestique, comparaisons intéres-
santes
à faire
entredes animaux à mode de vie vraiment très proches, mais, la distribu- tion des
enzymes nousle montre,
nontotalement superposables.
Reçu pour
publication
enfévrier
1982.Eingegangen
im Februar 1982.ZUSAMMENFASSUNG
VERGLEICHENDE UNTERSUCHUNGEN DER ENZYMAUSSTATTUNG DER SPEICHELDRÜSEN UND DES MITTELDARMES VON VERSCHIEDENEN ARTEN SOZIALER BIENEN
MATERIAL UND METHODE
Mit einer leicht anwendbaren und gut standardisierten Nachweismethode wurde bei verschiedenen sozialen Bienenarten die
Enzymausstattung
derAnhangsdrüsen
des vorderenVerdauungstraktes
und desMitteldarmes untersucht.
Technik. — Die zu bestimmenden
Enzyme
wurden in kleinen Schälchen von 0,2 ml Inhalt mitspezifischen
Testsubstanzen unterZugabe
einesgeeigneten
Puffers zur Reaktiongebracht.
Die Testsubstanzen wurden auf einen kleinen Faserbauschaufgetropft,
dann wurde einwässriges Homogenisat
der Drüsen oder eines anderen Gewebes
zugegeben.
Nach vier Stunden Inkubation bei 37°C wird durchgeeignete
Farbindikatoren dieeingetretene
Reaktion sichtbargemacht
und nach der Farbintensität klassifiziert.Jede Serie umfasste in 20 Schälchen 19 Substrate zum Nachweis der
wichtigsten Enzyme
imVerdauungstrakt
der Insekten, sowie eineLeerprobe
als Kontrolle.Untersuchte Gewebe. — Bei allen von uns studierten Arten sozialer Insekten haben wir bei Arbeiterinnen die drei
paarigen Anhangsdrüsen
des vorderenVerdauungstraktes
untersucht: DieMandibeldrüsen,
dieHypopharyngealdrüsen
und die Labialdrüsen; letztere treten in zwei Teilen auf - demKopfteil
und dem Thoraxteil der Labialdrüsen. Diese beiden Abschnitte wurden getrennt untersucht, denn ihre sehr verschiedeneMorphologie legt
unterschiedliche Funktionen nahe. Ausserdem wurden dieVerdauungsenzyme
des Mitteldarmes untersucht, da dieVerdauung hauptsächlich
dort stattfindet.Untersuchte Bienenarten. — Zuerst wurden die
Enzyme
von Apismellifera
untersucht, denn erstaunlicherweisegab
es für sie bisher keine umfassende,vergleichende
Studie derEnzyme.
Anschliessend wurden dieVerdauungsenzyme
voneinigen
stachellosen Bienen untersucht, und zwar von Apotrigona nebulata aus Afrika und vonMelipona
beecheü undScaptotrigona
mexicana, beide aus Mexiko; die Daten der letzteren werden hier zum ersten Mal veröffentlicht.Die Resultate sind aus den Tabellen ersichtlich.
RESULTATE
Wie man sieht, wurden bei den verschiedenen Arten ganz unterschiedliche
Ergebnisse erzielt,
obwohldie
Untersuchungen
von denselben Autoren mit denselben Methodendurchgeführt
wurden, und obwohl die Tiere alle dieselbeErnährungsweise
haben(Honig
undPollen)
und obwohl dieDrüsensysteme
nach Auf- bau undEntwicklung vergleichbar
sind. Man muss daraus schliessen, dass die Rolle der Drüsen bei den einzelnen Arten nicht dieselbe ist, etwa bei derZubereitung
desHonigs.
Man muss sich auch dieFrage stellen,
ob nicht die Unterschiede derenzymatischen Ausstattung
nachQuantität
undQualität
Ausdruckder Präferenz und der
Anpassung
an dieVerwendung
ganzspezifischer Kohlehydrate
und Pollen ist.Diese
Untersuchung
zielt auf einekünftige Analyse
der Koevolution dieser Insekten und der Pflanzen, die ihreNahrungsgrundlage
bilden.SUMMARY
THE ENZYMATIC EQUIPMENTS OF THE VARIOUS SALIVARY AND MIDGUT GLANDS OF APIS MELLIFICAWORKERS AND SOME AFRICAN AND AMERICAN WORKER STINGLESS BEES
With the
help
of an easy and well standardized detectiontechnique
we havecompared
theenzymatic glandular
system annexed to the upperdigestive
tract and those of themidgut
of variousspecies
of socialbees.
MATERIALS AND METHODS
The method used consists of
testing
reactions between the different enzymes on various substratesplaced
in smallcupels
moulded sideby
side on aplastic
tray, with acapacity
ofapproximately
0.20 cm’. The bottom of each of thesecupels
was lined with a material of unwoven fibres which wasimpregnated
with aspecial
substrate and anadequate
buffer. Eachcupel
was filled with an aqueoussuspension
of maceratedglands,
or other tissues to be studied. After four hours of incubation at37 °C,
the reactions obtained were identified
using
theappropriate
reagents. Colours are thus obtained whoseintensity
varies in relation to the level ofhydrolysis
of the substrate. A scale of coloursusing
standardswere
prepared
at the same time as thepreparation
of thesubstrate,
forcomparisons
of each reaction.The
cupels
were distributedby
theresponsible laboratory
in sets of 20placed
on a tray. Nineteen with substrates(and
one a blankcontrol).
Theserepresented
the mainenzymatic
families encountered in thedigestive
tract of these insects.In all
species
of social bees studied todate,
we have taken away the threepairs
of metamericglands
annexed to the upper
digestive
tract withoutprejudging
their otherpossible
functions. Theanalysed glands
were : the mandibularglands,
thehypopharyngeal
and the labialglands
which were divided intotwo
parts-labial cephalic
and labial thoracicglands.
These two parts have been treatedindependently
astheir very
differing morphology
suggests distinct functions.Finally,
we also studied thedigestive
enzymes of the
midgut,
as it is in this part ofdigestive
tract, that the maindigestive
processes takeplace.
In thisstudy, only
the workers were taken into account.We have
analysed,
in variousarticles,
the enzymesproduced by
severalspecies
of bees. Apismellifica
was the first to bechosen,
becauseparadoxically,
we had no exhaustive andcomparative study
ofthe enzymes of the various
glands.
Later, we looked at the
digestive
enzymesproduced by
thestingless
social bees. We havealready
described the situation in the case of an African
Trigona :
Apotrigona nebulata and a MexicanMelipona : Melipona
beecheii. Hereunder webring
new resultsconcerning
another American Trigona,Scaptotrigona
mexicana.RESULTS
The different
species
ofbees,
studiedby
the same authorsutilising
the sametechnique,
gavediffering
results
according
to thespecies. However,
the insects used in theexperiments
all had the same diet -honey
andpollen -
and theirglands
hadcomparable morphologies
anddevelopments.
It may thus bethought
that from onespecies
toanother,
therespective
role of theseglands
may vary(for
instance withregard
tohoney preparation).
It is alsopossible
that these differences in thequantity
andquality of enzy-
mes
produced,
reflect a subtleadaptation, permitting
thepreferential
use of variouscarbohydrates
orpol-
lens.
This
study
suggests a prospect for mutualanalysis
of the evolution of these insects and theplants ensuring
their diet.BIBLIOGRAPHIE
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1967. — Estudocomparativo
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das abelhas(Hymenoptera,
Apoi-dea)
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1979. - Sécrétionenzymatique
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salivaires et de l’intestin moyen d’une abeille sans dardApotrigona
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Traité debiologie
del’abeille,
p. 263-290.F
EBVAYG., 1981. -
Quelques
aspects(anatomie
etenzymologie)
des relations nutritionnelles entre la four- mi Attine Acromyrmex octospinosus et sonchampignon symbiotique.
Thèsed’ing 1 nieur
Docteurn° IDI 2 8115.
Pour une
bibliographie plus
détaillée sur lesujet,
consulter celle contenue à la fin des articles cités enréférence.