LES PERSPECTIVES DE L’APICULTURE FRANÇAISE
COMPTE RENDU D’UNE
JOURNÉE
D’ÉTUDES.BURES-SUR-YVETTE, LE IO JANVIER
I968
Claude DOUAULT
J. LOUVEAUX
Station de Recherches sur l’Abeille et les Insectes sociaux, 91 - Bures-sur-Yvette Institut national de la Recherche
agronomique
SOMMAIRE
Les
perspectives
del’Apiculture française
ont été étudiées par un groupe despécialistes
réunis àBures-sur-Yvette le 10
janvier
1968.Après
un rapport introductif de R. BORNECK, Président de l’Union desGroupements apicoles français, qui
dresse un tableau détaillé de la situationéconomique
actuelle de
l’apiculture
de notre pays, huit rapports sont présentés et discutés : ils traitent de l’évo- lutionprévisible
des facteurséconomiques
et humains,techniques
etécologiques qui
conditionnent l’avenir del’Apiculture française.
INTRODUCTION
Depuis y 66,
la Station de Recherches sur l’Abeille et les Insectessociaux,
orga- nisechaque
année unejournée
d’études sur unsujet
d’actualité àlaquelle
sontinvités des chercheurs
étrangers spécialistes
del’Abeille,
desreprésentants
de la pro- fessionapicole,
descollègues
de l’I. N. R. A. ou du C. N. R. S. et d’unefaçon générale,
les personnes
qui,
par leurscompétences particulières
sont à même de nousapporter
des informations utiles.En
19 68,
le thème choisi était «Perspectives
del’Apiculture française
»,sujet
d’actualité au moment où des difficultés
économiques
sérieuses menacent la pro- fessionapicole.
Nous avons demandé à noscollègues
del’Économie
rurale de bien vouloir sepencher
sur cesproblèmes.
Ils l’ont fait avecempressement,
bien que d’autresproductions beaucoup plus importantes
que le miel retiennent actuellementleur attention. Souhaitons que la
journée
d’études dont nousprésentons
ci-dessous lecompte
rendu constitue lepoint
dedépart
d’une collaboration active pour leplus grand
bien de laprofession apicole.
Ont
participé
à lajournée
d’études du 10janvier i 9 68 :
Invités : M
lle Dr A. MAURIZIO,
I,iebefeld-Berne,
Suisse.D
r G.
VoRwoar&dquo; Stuttgart-Hohenheim,
R. F. A.M. B.
TROUV!r,oT,
anciennement Chef dudépartement
deZoologie
de l’I. N. R. A.M.
K ERN , Inspecteur divisionnaire,
Service de laRépression
des Fraudes et du Contrôle de laQualité
1VIM. R.
B ORN E CK ,
X. BURY, A.B ROU C HO T,
F.JE ANN E,
8.I. OuvR.éRD et 1I.P A T AUI ,T, représentant
l’Union desGroupements apicoles français (U.
G. A.F.)
M. P.
L ECLERCQ ,
Président de laCoopérative
« France-311eÎ » M. B.G AYE ,
F. N. S. I;.A.,
Associationsspécialisées
1!I. A.
G AUSSEL , Laboratoire coopératif d’Analyses
et de Recherches Rechey
che
agronomique et Enseignement su!érieaiy agvicole :
M. E.
B IL IO TTI ,
Chef dudépartement
deZoologie
de l’I. N. R. A.1!T. M.
J ACAMON ,
Directeur du Laboratoire deBotanique
du Centre national de Re-cherches forestières
M. P.
CORDONNIER,
Laboratoire de Recherchesd’Economie
rurale deGrignon
M.
J. PWr,-D!sRmss!AUx,
Laboratoired’Organisation scientifique
duTravail,
ParisM. M.
RICHARD,
Chaired’Agronomie,
E. N. S. A. deGrignon
M.
J. M ISSON mER,
Professeur deZoologie,
I;. N. S. A. de RennesM.
J. ME SQUIDA ,
Chaire deZoologie,
E. N. S. A. de RennesM.
EcAi,T,E,
Station d’Amélioration des Plantesfourragères, Lusignan,
ainsi que l’ensemble du
personnel scientifique
ettechnique
des Stations de l’I. N. R. A.ayant une activité
apicole :
Station de Recherches sur l’Abeille et les Insectessociaux,
Stationexpérimentale d’Apiculture,
Laboratoire dePathologie apicole
du Sud-Ouest
( 1 ).
M. E. BARBIERreprésentait
la Rechercheagronomique marocaine,
Station de Recherches
apicoles
d’!1-Koudia.COMPTE RENDU
J.
NOUVEAUXI,e but de cette
journée
d’études estd’essayer
de voir ce que seral’Apiculture française
dans 10 ou i5ans, en fonction de ce que nous savons de sa situation actuelle et de ce que nous savons aussi de son évolution au cours des 10, 20 ou 25 dernières années.( 1
) Sont intervenus dans la discussion ou ont présenté un rapport : M1!I. J. LouVEAUX, J. LECOMTE, J. ALBI-
SFTTI, P. LAVIE.
Cet avenir
dépend
debeaucoup
de choses mais un facteur meparaît
essentiel : c’est la consommation. L’avenir de laproduction
dumiel,
c’est d’abord l’avenir desa consommation. C’est
pourquoi je
pensequ’il
seranécessaire,
pour commencer, d’entendre 31. GAUSSELqui
nous donnera lepoint
de vue du consommateur et nousdira comment il
envisage
l’avenir de la consommation du miel dans les 10ou i5annéesqui
viennent.Mais il existe un autre
type
de consommateur : c’est le consommateur d’insectespollinisateurs.
Dansl’avenir, l’apiculture
sera deplus
enplus
considérée comme unservice
public
à l’intérieur del’agriculture, chargé d’assurer,
au moins engrande partie,
lapollinisation
desplantes
cultivées. 1 jonc, il sera nécessaire de voir comment vont seprésenter
les besoins en insectespollinisateurs
del’Agriculture française
etcomment, dans cette
perspective, l’apiculture
devra évoluer et sedévelopper
pour satisfaire ces besoins. C’estpourquoi
nous demanderons à 1!I. I,I,COMT! de nous faireun inventaire
rapide
des besoinsapproximatifs
del’Agriculture française
au coursdes ro ou i5 années
qui
viennent en insectespol1inisateurs
et,particulièrement,
enabeilles.
L’avenir de
l’Apiculture
e!tégalement
fait de l’avenir des ressources mellifères du pays. Ces ressources mellifères ne sont pas immuables. La France n’est pas unpays où la nature est livrée à
elle-même ;
l’homme a une action tellementimportante
sur la flore
qu’on
est amené à se poser laquestion
de savoir si l’évolution de la floremellifère,
dans sonensemble,
va se faire dans un sens(lui permettra
uneaugmenta-
tion de laproduction
ou, au contraire, dans un sens défavorable. Ceci nous amènera à entendre troisexposés
successifs.J’essaierai
tout d’abord de faire l’inventaire des ressources mellifères de la France dans leurensemble,
et de voir dansquel
sens elles évoluent actuellement,ensuite,
nom aborderons un secteur
particulier
de cetteflore,
le secteur forestier. M.J AC B1BiI OX
nous exposera le sens de l’évolution de la Forêt
française
et sonimportance
pour l’avenir del’Apiculture.
Toujours
dans cette mêmeoptique,
M. At,l3is!’rTi nousparlera
du sous-bois dela forêt landaise. Ce sous-bois
qui
est, parendroits,
un véritabletapis
debruyère,
n’est pas, lui non
plus, quelque
chose deparfaitement
stable. Ilpeut s’étendre,
ou se réduire sous l’influence de nombreux facteurs.Cet
exposé
viendra donccompléter,
sur unpoint
dedétail, l’exposé plus général
de JT.
J ACAMOX qui, lui,
intéressera l’ensemble de la Forêtfrançaise.
I;n!uite, je
crois que l’avenir del’Apiculture française dépend
del’homme,
c’est-à-dire del’apiculteur.
Va-t-il savoir évoluer? Va-t-il mêmeévoluer,
et dansquel
sens ? Cette évolution sera, engrande partie
fonction du niveau d’instructiongénérale
quel’apiculteur
pourra atteindre et fonctionégalement
du niveau de sesconnaissances
techniques.
C’est
pourquoi j’ai prévu,
pourterminer,
troisexposés :
31. PiEL-DESRUissEAUX pourra nous dire dans
quelle
mesurel’organisation scientifique
du travail estsusceptible
de faire évoluer les conditions dereproduction,
de les
améliorer,
doncd’augmenter
la rentabilité del’apiculture
et de luipermettre
de mieux surmonter les difficultés
économiques qu’elle
rencontre.D-I.
JÉ ANN E, qui
est lespécialiste
desquestions d’enseignement auprès
de l’Uniondes
Groupements apicoles français,
pourra nous dire comment va sedévelopper
dans les 10 ou i5 années
qui
viennentl’enseignement professionnel apicole. Enfin,
M. LAVIE nous
parlera
de l’évolution destechniques
de conditionnement et depré- paration
dumiel,
facteurqui
estégalement susceptible
d’influer d’unefaçon impor-
tante sur sa valorisation.
Mais il
appartient
tout d’abord à M. BORNECK, Président de l’Union desGroupe-
ments
apicoles français,
de nous exposer la situationprésente
del’Apiculture
fran-çaise.
R. BORNECK
Je
ne voudrais pas intituler cerapport
« Lagrande
misère del’Apiculture
fran-çaise
», mais vous serez à même de constater les énormes difficultés que nous rencon- trons etqui
sont liées à unproblème capital :
celui desprix.
Toutd’abord, j’aimerais reprendre
avec vous un document que nous avionsrédigé
au sein du groupe d’étudessur
l’apiculture
dans le Ve Plan.Au cours de cet examen, nous pourrons mesurer le chemin parcouru
pendant
les deux années
qui
se sont écouléesdepuis
la rédaction du document. Au passage,je soulignerai
cequi
vient d’êtreréalisé,
cequi
est en cours de réalisation et cequi
doit être fait dans un avenir
proche,
si l’on veut retrouver en 1975 uneapiculture
bien
équilibrée.
Le fait que
l’apiculture
ait été absente des orientations souhaitées par le IVePlan, n’implique
en rien que la situation de ce secteur soit restée dans un état stationnaireau cours de la
période
couverte par ceplan.
Les événements
économiques
de la dernière décennie ont, aucontraire, profon-
dément influencé
l’équilibre
traditionnel del’apiculture.
Les
productions
dites « traditionnelles o de miel et de cire ont accusé unelégère
baisse. Par contre, la concentration des moyens de
production
etl’apparition
denouveaux
produits
tirés de laruche,
ont conservé àl’apiculture
son revenu brutglobal.
L’augmentation
du volume desimportations
au cours descinq
dernières annéesa déterminé une baisse des cours des miels
français,
sans entraîner uneaugmentation
de la consommation. No
exportations
demeurent stables avec toutefois une tendance très nette àl’augmentation
en direction des pays de la Communautéeuropéenne
et,en
particulier,
de laRépublique
fédérale allemande.L’abandon du miel par le secteur industriel
qui
l’utilisait autrefoislargement
pour la fabrication de
pain d’épice,
ledépeuplement
des campagnes, leremplacement
de la cire d’abeille par des cires
microcristallines,
sont autant de facteursqui
ontconduit à une stabilisation excessive de la consommation des
produits
du rucherpar les
Français.
L’évolution de
l’agriculture
conduit à une raréfaction des ressourcesmellifères,
donc à une baisse de3 rendements à la
ruche,
dans toutes lesrégions
oùl’agriculture
progresse
rapidement.
Un conclusion de ce
rapide
examen de la situation actuelle del’Apiculture
fran-çaise,
on serait tenté de conclure que devant les difficultés deproduction,
l’effondre- ment des cours, lastagnation
de la consommation et ladisparition
de certains débou- chésindustriels,
il seraitpréférable
d’abandonner à elle-même uneproduction qui,
enapparence, ne
présente plus qu’un
intérêtéconomique
restreint.Il
s’agirait
là d’un raisonnement à courte vue car le maintien en France d’uncheptel apicole
d’une densité suffisante doit être considéré comme un facteur essentiel de laproductivité agricole.
Le rôle de l’Abeille
domestique
dans lapollinisation
de laquasi-totalité
des arbresfruitiers,
d’ungrand
nombre deplantes fourragères
ou industrielles ainsi que deslégumes,
est tellementimportant
que les techniciens considèrent que, dans lamajorité
des pays
d’Europe,
la valeur de laproduction apicole
nereprésente
que le douzièmeou même le
quinzième
de laplus-value apportée
aux culturesfruitières, légumières
ou
grainières
par le travail depollinisation
des abeilles.La stabilité
apparente
de la consommation dumiel,
soit environ 400 g par habitant et par an, demande uneanalyse
sérieuse.En
effet,
on constate la très forte diminution de l’utilisation du miel dans les industries dupain d’épice,
des bonbons au miel et desnougats.
En r923, 25 ooo tonnes depain d’épice représentaient
l’utilisation de 6 00o tonnes de miel. Enig6 3 :
&dquo;27 00
o tonnes de
pain d’épice
nereprésentent plus
que 1 500tonnes de miel.La consommation du miel de bouche a
augmenté
en fonction de l’abandon destonnages
traités par l’industrie. La chose était d’ailleursgrandement
facilitée par lesprogrès techniques
réalisés par lesproducteurs
dans l’extraction de certains miels par desprocédés
nouveaux. C’est le cas du miel de Callune.La diminution de la consommation locale à la campagne en
rapport
avec l’exoderural et les transformations au niveau de la
production
dans le sens de la concentra-tion du
cheptel apicole,
constitue encore une descaractéristiques
de la situationactuelle.
Parallèlement,
on constate uneaugmentation
de la consommationurbaine,
unequantité
croissante de mielpassant
par des circuits commerciaux normaux.Du fait du
phénomène précédent,
laconsommation,
autrefois entièrement hiver-nale,
a tendance à s’étaler dans letemps,
et les ventes, autrefois réservées aux seuls moisd’hiver,
débordentlargement
sur les autres. Les traditionnels stocks familiaux tendent àdisparaître
et nous avons eu, dans le courant de l’annéedernière,
confirma- tion duphénomène
par uneenquête
réalisée parl’Organisme
E. T. M. A. R. et dontje
vais vous lire la conclusion :« Une personne sur
deux, environ,
consomme dumiel,
au moins occasionnelle- ment. Le miel est consomméprincipalement
dans une boisson et aupetit déjeuner,
mais cette dernière
façon
de consommer le miel estbeaucoup plus répandue
dans lesmilieux aisés que dans les milieux modestes. Pour les milieux
modestes,
c’est la consommation dans une boissonqui
est laplus
courante. Laprincipale période
deconsommation du miel est
l’hiver,
mais on constate une tendance à en consommertoute l’année chez les personnes aisées. »
Quelles
sont lesperspectives
pour lapériode r 9 6 5 -z 97 o ?
Nous pensons que la consommation intérieure devrait normalement continuer à sedévelopper
dans lesvilles,
la distribution du miel segénéraliser
dans le commerce dedétail,
et,grâce
àune transformation de la
législation
sur la fabrication des bonbons ou despains d’épice,
nous pensonsqu’un
renouveaupourrait
être donné aux utilisations indus- trielles du miel.L’accroissement de la consommation
qu’on peut envisager
au taux de 3 p. 100par an, semble lié aux efforts
portant
sur l’amélioration de laqualité
et sur le déve-loppement
de lapublicité.
Cette
publicité
semble d’autantplus
facile à réaliser que le miel est un des raresproduits
de l’économie alimentairemoderne, qui puisse s’enorgueillir
d’être resténaturel. L’année dernière nous avons fait un assez gros effort
publicitaire puisque
nous avons obtenu la
publicité
télévisée. Cettepublicité
n’a malheureusement pas pu être renouvelée cette année.Je
pensepersonnellement, qu’elle
avait eu un certaineffet, quoiqu’il
soittoujours
très difficile dejuger
de laportée
d’une tellepublicité.
I,’étude
du détail de nos mouvementsd’exportation
montre que,malgré
l’aban-don
progressif
de nosexportations
versl’Afrique
duNord,
cellesqui
se font vers lespays
européens
et, enparticulier,
versl’Allemagne,
sont enprogression. Ceci,
sans tenircompte
naturellement de certains fléchissements dus à la crise de sous-consom-mation
qui
aatteint,
eni 9 6 4 ,
toutel’Europe.
Il semble raisonnable de penser que les
producteurs français,
aidés en cela par le commercespécialisé, pourraient
doublerl’exportation
de certains miels bienspé-
ciaux chez
plusieurs
de leurspartenaires
du Marché Commun. Un abandonrapide
des droits de douane intra-communautaires sur
les
miels deproduction
nationaledes pays de la C. E.
!.,
donnerait unavantage
certain auxproducteurs français.
La mise au
point
d’unrèglement
« miel » à Bruxelles et d’unelégislation
intra-communautaire semble nécessaire.
Quelles
sont lescaractéristiques qualitatives
de la demande extérieure et inté- rieure ?Ces demandes sont,
naturellement,
axées sur unproduit soigné,
bienprésenté
et
qui
soitégalement
dequalité
constante.Ces
exigences
du consommateur amènentprogressivement
lescoopératives
deproducteurs spécialisées
dans la vente du miel às’équiper
d’une manière rationnelle et moderne pour laconservation,
le traitement et le conditionnement du miel. Lapolitique
de laqualité
entraîne celle de la détermination et de laprotection
d’un cer-tain nombre de crus de miel dont les
qualités intrinsèques
sontappréciées
et recher-chées par les consommateurs
français
etétrangers.
Depuis
deux ou trois ans, dansplusieurs directions,
laprofession
a fait desefforts considérables pour
s’équiper
en vue d’offrir aupublic
unproduit
de mieux enmieux
présenté
et de mieux en mieux traité. Lescoopératives
sont à lapointe
de ceprogrès,
suivies d’ailleurs par un certain nombre denégociants.
En ce
qui
concerne laprotection
dequelques
crus demiel,
nous avomégalement attaqué
leproblème grâce
à la Station de Bures-sur-Yvette etgrâce
toutspécialement
à la
diligence
de son directeur. Nousespérons qu’à
la fin de cetteannée,
nous aurons réalisé la détermination d’un certain nombre de crus de miel.Avec sa
production
moyenne de r5 00o tonnes, la France se situerait aupremier
rang des
producteurs européens. Depuis quelques années,
une nouvelleapproche
duproblème
de!statistiques (fig.
i à6)
nouspermet
de penser quejusqu’ici
la récoltede miel en France était surévaluée.
En ce
qui
concerne les moyens deproduction,
la tendance actuelle est à la concen-tration,
surtout entre les mains desemi-professionnels.
L’apparition
deproductions
annexes(pollen, gelée royale)
ou le renouveaud’anciennes
productions
sur des donnéesmodernes,
ontpermis
àl’apiculture profes-
sionnelle de faire face aux difficultés de l’actuelle
période
de baisse des cours du mielqui
reste,malgré
tout, leproduit
traditionnel.J’insiste
sur cepoint
parce queje
nepense pas que dan; les année; à
venir, l’apiculture puisse
être sauvée par une orien- tationdifférente,
même en admettant que la rétribution du travail depollinisation, qui
a fait une entrée timide dans le;régions
vouées à l’arboriculturefruitière,
sedéveloppe
assezrapidement.
Lesoptions
nouvelles ne suffiront pas, enFrance,
àassurer à
l’apiculture professionnelle
des revenU3luipermettant
de subsister.Une
augmentation
dutonnage
de miels degrande qualité
et l’établissementrapide
d’un code des usages, en lamatière,
est un despremiers objectifs
à atteindre.La diminution de la
production
de certains mielstrop
difficiles à commercialiser devrait être facile à réaliser.L’utilisation
de cesmiels, grâce
à un processus de trans- formationpourrait
être étudiée.F,nfin,
lapromotion
desentreprises
depollinisation
dans les
régions
de cultures fruitières etgrainières
devrait être menée avecplus
devigueur.
En ce
qui
concernel’organisation
même desproducteurs,
celle-cis’est,
dans lecourant des dernières
années, développée
de deux manières :- d’une
part, organisation
sur leplan syndical
avec unregroupement
desprin- cipales
centralessyndicales,
dans le cadre de l’Union desGroupements apicoles français.
Ondiscute,
à l’heureactuelle,
unregroupement plus
étroitqui
constitueraitune
fusion,
mais nous ne savons pas encoresi,
dansl’avenir,
la fusion serapréférable
à l’union.
En ce
qui
concerne lacoopération,
sa restructuration a été amorcée dèsig6i
et surle
plan
desinvestissements, je
crois que nous sommes arrivés à la limite des nécessités.’Lorsque
laCoopérative
desApiculteurs
du Gâtinais et du Centre aura achevé sesinstallations,
on pourra considérer que lescoopératives
n’ontplus
rien à investir.Dans le cadre de
l’organisation interprofessionnelle,
un pas décisif a été fait avecle
projet
de création d’un Comité nationalinterprofessionnel
du Miel. Cetorganisme
est à l’étude
depuis
maintenant trois ans, mais nous avons bonespoir
de le voir sortirdans le courant de l’année
( 1 ).
( 1
)
Cet espoir n’a pas été déçu puisque le décret de création du C. N. I. M. vient d’être publié au journal Officiel (!i. D. L. R.).Le C. N. I. 1B1.
participera
à des actions tendant :- à une meilleure
organisation
des diversesprofessions intéressées ;
- au
développement
de la formationprofessionnelle ;
- à un soutien des
organismes
et laboratoires de recherche et de contrôle s’inté- ressant au miel et aux autresproduits
de laruche,
et dans le cadre de lapolitique agricole
des Pouvoirspublics;
- au
progrès
destechniques ;
- à l’accroissement de la
production ;
- à
l’amélioration,
tant de laqualité
desproduits
que de leur commercialisation.Il aura vocation
naturellement,
pour être associé à toute action depublicité
etde
propagande,
concernant lesproduits
de la ruche.J’en
arrive maintenant àl’organisation
des marchés.Il y a trente ans, on considérait que la distribution du miel
s’effectuait,
pour 40p. 100, du
producteur
au consommateur et pour 35p. 100environ duproducteur
aux
épiciers.
Le reste( 25
p.100 ) passait
par les industrielsspécialisés
dans le traite- ment et le conditionnement du miel.Depuis
1050, la distribution du miel a subid’importantes
transformations.La
réorganisation
des circuits de distribution(groupements d’achats, magasins
à succursales
multiples, etc.),
a amené des difficultés de vente pour lespetits
etmoyens
producteurs qui
vendaient à cesmagasins.
Ceci est d’ailleurs une des raisonsmajeures
dudéveloppement
descoopératives.
La nécessité d’offrir de
plus
enplus,
au consommateur, desproduits
dequalité
constante entraîne des
dépenses
d’investissement et destockage importantes
et fermel’accès du marché à
l’apiculteur
isolé. Nous assistonsdonc,
à l’heureactuelle,
à une évolutionqui
ne semble pas toucher les ventes directes duproducteur
au consomma-teur. C’est ainsi
qu’à
la suite d’une secondeenquête
E. T. 11. A.R.,
nous nous sommesaperçus que 5o p. 100des gens
qui possédaient
du miel chez eux au moment de l’en-quête,
l’avaient acheté directement chez leproducteur,
leplus
souvent à l’occasion des vacances.Nous sommes certains que la consommation ou l’autoconsommation des cam-
pagnes a
beaucoup diminué,
que les ventes duproducteur
au consommateur restent d’environ 4o à 50 p. 100mais que, par contre, les ventes desapiculteurs
auxpetits magasins
vont diminuer dans de fortesproportions.
Lescoopératives
et lenégoce
ont d’ailleurs
profité
de cette évolution.I;n ce
qui
concerne les moyens deproduction
et lesinvestissements,
onpeut prévoir
que certaines modifications amèneront une réduction desdépenses d’exploi-
tation. Les méthodes modernes
d’exploitation
ont faitdepuis longtemps
leurappari-
tion et en
conséquence,
lerapport kg
demiel/heure
de travail est enlégère progression.
Dans l’état actuel des
choses, l’équipement
individuel deproduction,
tout enlaissant à
désirer,
a faitbeaucoup
deprogrès.
Onpourrait arriver,
par l’intermédiaire de lavulgarisation
et del’enseignement,
àparachever rapidement
l’actionentreprise auprès
desproducteurs
pour la mise en marché de miels convenablement récoltés et extraits dans de bonnes conditionsd’hygiène.
Il n’en était pas de même
jusqu’à
ces dernièresannées,
dans le domainecollectif,
où les investissements nécessaires avaient fait défaut.A l’heure
actuelle,
à la veille de l’entrée envigueur
du MarchéCommun,
deux outrois de nos
entreprises coopératives
sont convenablementéquipées
poursoutenir,
sur le
plan technique,
la concurrence des paysqui
nous entourent.Toutes ces
entreprises peuvent
être aidées parl’application
en leurfaveur,
dudécret du 17mars
r96.!.
Nous avions
prévu
dans l’étude pour le VePlan,
unbudget global
de l’ordre de8 000 ooo
F, qui
nousparaissait
nécessaire pour mener à bien lesopérations
coor-données des
producteurs
et desindustriels,
en vue del’équipement
collectif souhai- table.Avant d’aborder les moyens
d’intervention, je
voudraisreprendre
les mouve-ments
d’import-export
de l’annéequi
vient de s’écouler. Bien que l’année soit termi-née,
nous n’avons pas encore les résultats définitifs de l’année19 6 7
et les chiffres queje
citerai auront trait au mouvement,jusqu’à
fin novembre.Avec
4 6 99
tonnes, lesimportations
ont atteint le niveau des six dernières années.Nos
principaux
fournisseurs ont étél’I;spagne,
pour 1 c!94 tonnes, et, fait nouveau, lesÉtats-Unis
pour r o62 tonnes. Leprix
moyen dukg
de miel se situe àjf,5 ’5
Fhors-droits de douane. Ceux-ci sont, à l’heure
actuelle,
de 30 p. zoo.Avec
7 f> 9
tonnes, lesexportations
sont en netteaugmentation
et ontrejoint
leniveau de la
période 1050 - 10 6 2 .
Nos
principaux
clients ont été la R. F. A. avec4 6 3
tonnes, et laSuisse,
avec r5o tonnes. Leprix
moyen de cesexportations
a été de3,55
F lekg.
Toutefois,
il n’est paspossible
deprendre
l’année19 6 7
comme unexemple
par- faitement valable. De même que nous ne pouvons pas nonplus prendre
en référenceles
vingt
dernièresannée3,
car, eneffet,
lapériode économique
de guerre ne s’est ter-minée,
pour lemiel, qu’en
1051 environ.En
réalité,
si l’onanalyse
la seulepériode
de référencevalable,
c’est-à-dire lesd
uinze
dernièresannées,
on estfrappé
par les faits suivants :nous
importons
trois foisplus
de mielqu’en
1952,nous
exportons
trois foisplus
de mielqu’en
1952. Lerapport exportation-importation
est donctoujours
de i à 6.Les
prix
àl’importation, malgré
ladépréciation
de lamonnaie,
sont enlégère régression
parrapport
auxprix
despremières
années de lapériode
de référence. Lesprix
del’exportation
sont, eux, en hausselégère.
Le
problème
du miel n’asuscité, jusqu’ici,
aucune initiative au sein de la C. E. E.en matière de
réglementation.
Il resterait àrégler
la difficilequestion
des miels d’im-portation
des pays tiers. Eneffet,
les mielsd’importation
arrivent sur les marchésallemands et hollandais à des cours encore
plus
bas que ceuxpratiqués
dans lesports français. Ceci,
pour deux raisonsprincipales :
Les
importateurs
des deux paysprécités
achètent desquantités
dix foisplus importantes
de miel que leurscollègues français
et le mielétant,
dans ces pays, tota- mentlibéré,
lenégoce peut,
enprincipe,
acheter avecbeaucoup plus
desouplesse
dans les pays de
production, Amérique
du Nord et du Sud.Le
négoce français
a donc tendance à réclamer une libération totale dumiel,
mais lesenseignements
que viennent d’amener les deux crises de sous-consommation de19 6 3
etr 9 6q,
ont faitqu’il n’y
a pas, à l’heureactuelle,
unanimitéd’opinion
chezles
négociants.
Il semble que dans tous les pays, aussi bien du côté des
importateurs
que desproducteurs,
on soit d’accord pour que leproblème
« miel» fasse,
dans sonensemble, l’objet
d’unrèglement
à Bruxelles. Il conviendrait d’examinerd’urgence :
- d’une
part,
l’harmonisation deslégislations,
chosequi
est maintenant encours ;
- d’autre
part,
l’établissement sur les mielsimportés
d’unsystème
derégle-
mentation intra-communautaire.
Je voudrais,
avant de traiter ceproblème intra-communautaire,
examiner laquestion
duprix
de revient du mielfrançais.
A l’heure
actuelle,
leprix
de revient moyen d’unkg
de miel est de l’ordre de3,00
F. En-dessous de cettelimite, l’exploitation
des abeilles pour la seuleproduction
du miel n’est
plus
rentable.(Nous chiffrerons,
tout àl’heure,
lesprix
de la concurrencemondiale).
Il est facile decomprendre
que si l’on ne fait pasquelque
chose pourempêcher
lesprix
du mielfrançais
de tomberplus
bas ou, mieux encore, pour les relever au-dessus de ceprix
limite de3,00
F lekg, l’apiculture
mourra lentementdans les dix années
qui
viennent.Il n’est que
trop
évident que les basprix pratiqués
sur le marchémondial,
sontresponsables
du marasme. Nous sommesobligés
de nous raccrocher à la seule solutionqui
nous est laissée par le traité de Rome et que nous avonspréconisée depuis plu-
sieurs années
déjà,
celle d’unrèglement européen
dont nous allonsjeter
lesbases,
et
qui, théoriquement,
relève duprincipe
suivant : les droits de douane sur les mielsd’importation
sontsupprimés ;
ils sontremplacés
par une taxecompensatoire équi-
valente
qui
alimente la Caisse del’Organisation Européenne
du Marché du Miel. I,eComité
Européen peut, lorsque
c’estnécessaire, procéder
à des soutiens de courssuivant un processus déterminé à
l’avance,
et dontje
vais essayer de vous exposer l’essentiel.En vue de
régulariser
le marché en cours de campagne, lesorganismes
d’inter-vention intra-communautaires
pourront
conclure des contrats destockage
pour le mield’origine communautaire,
conformément auxdispositions
arrêtées par le Conseil et aux différentespropositions
de la Commission.Les
organismes
d’intervention nepourront
vendre à l’intérieur de la Commu- nauté le miel naturel acheté par eux dans des conditionsempêchant
la formation desprix
au niveau duprix
indicatif du marché.En vue d’atténuer les effets de
l’irrégularité
des récoltes surl’équilibre
entrel’offre et la
demande,
et d’obtenir ainsi la stabilisation desprix
à laconsommation,
le
Conseil,
statuant surproposition
de la Commission selon laprocédure
de vote del’article 32,
paragraphe
2 du traité de Rome, pourra décider la constitution par lesOrganismes
d’intervention d’un stockrégulateur
de miel naturel.I,e
projet
arrête selon la mêmeprocédure
les conditions relatives à la constitu-tion,
lagestion
et l’écoulement du miel.C’est par le truchement de ces
dispositions
clueje
pense que la France a lapossi-
bilité
d’intégrer
sa structurationcoopérative
dans unsystème européen. Je
pense que lesFrançais
sont très en avance sur les autres paysd’I;urope
etqu’à
l’heureactuelle,
iln’y
aqu’eux qui
aient lapossibilité
de faire passer dans lapratique
lerèglement
que nous avonsprojeté
dans le cadreeuropéen.
Le C. N. I. M. lui-même
pourrait
d’ailleurs par l’intermédiaire de cetterégle-
mentation être étendu à l’ensemble de
l’Europe.
Iln’y
a donc pasincompatibilité
entre une
réglementation
comme celle que nous essayons d’obtenir par le C. N. I.M.,
et la future
réglementation européenne.
Sans entrer dans la discussion de l’ensemble du contexte
européen,
onpeut prendre
unexemple chiffré, simplement
en tenantcompte
des donnéesfrançaises.
Cette
année,
lesimportations françaises
s’élèveront à 5ooo tonnes environ. Une taxecompensatoire
de1I,40
F parkg (c’est
à peuprès
le montant des droits de douaneactuels),
auraitproduit
2 ooo ooo F soit dequoi
soutenir les cours de0,50
F parkg
pour 400o tonnes de miel
français,
c’est-à-dire lapresque-totalité
de la récolte de miel desapiculteurs professionnels
etpratiquement
deux mois de leur salaire brut.On
comprend
aisément que si nous arrivions à faire admettre cettelégislation
à
Bruxelles,
et d’abord la faire admettre par nosgouvernements, l’apiculture
seraitsauvée,
et sauvée pourlongtemps,
car elle seraitégalement
mieux armée pour assurerson avenir.
J’espère
que nous pourrons vaincre dans l’annéequi
vient unegrande partie
des obstacles
qui
ne vont pas manquer sur cette route extrêmement difficile del’orga-
nisation du marché
européen
du miel. Mais cette route me semble la seule voie pos- sible pourmaintenir,
enFrance,
uneapiculture
rentable.Espérons également
que laprofession
fera cettefois,
la preuve de la cohésion laplus parfaite,
nécessaire à la réalisation d’unprojet
aussi vaste.J.
NOUVEAUXLa
parole
est à 3I. A. GAUSSEI,qui
va nous exposer lepoint
de vue du consomma-teur en matière de miel.
A. GAuss:nr<
Exposer
lepoint
de vue du consommateur est une tâche diflicile. Eneffet,
il n’existe pas un consommateurtype,
mais une infinité de consommateursqui
ont tousune
opinion
différente. D’autrepart,
les idées que les consommateurspeuvent
avoirsur un
produit risquent toujours
d’être influencées par lapublicité.
Finalement lesopinions
recueillies au cours desenquêtes
sont souvent le reflet de cettepublicité
sibien
qu’on
ne connaît pas vraimentl’opinion
du consommateur, mais le résultat d’un conditionnement.En matière de miel la
publicité porte
leplus
souvent sur sespropriétés médicales,
de telle sorte que le consommateur,
interrogé
par desenquêteurs,
est tenté derépondre qu’il
achète du miel en raison de sa valeurthérapeutique
ou de sa richesse en vita-mine!. Si la
publicité
était axée surtout sur le fait que le miel est un excellent alimentsucré,
il est vraisemblable que lepoint
de vue du consommateur serait autre etqu’il répondrait qu’il
mange du miel pargourmandise.
Il faut donc être très
prudent
pour utiliser les résultats desenquêtes
effectuéesauprès
des consommateurs car onrisque
de tomber dans un cerclevicieux,
la moti- vation se trouvant confondue avec le résultat de l’actionpublicitaire.
Il faudrait informer le consommateur de miel d’une
façon objective.
Actuelle-ment, cette information est faussée. Il suffit pour s’en
convaincre,
de consulter lagrande
presse, les ouvrages devulgarisation
ou des tractspublicitaires.
Les idées lesplus
fausses sontlargement répandues
et elles sont en fait de nature à détourner leconsommateur