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PHILIBERT, FLÛTISTE DU GRAND ROI

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Academic year: 2022

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PHILIBERT,

FLÛTISTE DU GRAND ROI

Philibert et Descôteaux, flûtistes incomparables de Louis X I V qui les tenait en réelle dilection, c'étaient aussi Oreste et Pylade.

De leur vivant, ils jouirent d'une égale renommée ; mais Descô- teaux demeuré beaucoup plus connu de la postérité que son ami, grâce à une page de L a Bruyère : l'amateur de tulipes. C'était lui. Avec cela lettré, cartésien passionné, et ami de Molière, chez qui i l fréquentait à A ù t e u i l .

Quant à Philibert, ce n'est là qu'un prénom. Son patronyme était Rébillé et oublions-le ou à peu près. Il naquit en 1639 à Thouars d'où les Descôteaux étaient originaires. Il y eut d'abord entre les deux hommes une de ces amitiés d'enfance qui prévalent sur toutes autres ultérieurement, lorsqu'elles se poursuivent par une amitié de communes études, pour aboutir à une même arrivée.

Tous deux eurent une charge de flûte douce, de hautbois et de musette, tant de la chambre du Roi que de sa grande écurie.

L a musique de la chambre servait au dîner, au souper et au coucher du Roi, l'accompagnait dans ses promenades, ou rem- plissait plusieurs barques qui suivaient sa galère dorée quand i l lui plaisait de parcourir le canal. Celle de la grande écurie partici- pait surtout aux défilés, aux cavalcades et aux revues militaires.

Le chef de la musique du Roi était, bien entendu, Lully, lequel devint aussi, en 1672, directeur de l'Opéra tout nouvellement créé. Il va de soi que Philibert et Descôteaux firent aussitôt par- tie de l'orchestre, en maîtres.

Ce Philibert était grand, beau, spirituel, éloquent, dans une mesure et un ensemble qui entraînaient les compagnies et qui y touchaient certains, ou certaines, d'un ravissement particulier. De

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P H I L I B E R T , F L U T I S T E D U G R A N D ROI 321 plus, i l devenait tout de suite le roi des tables où on le priait et où i l demeurait le dernier à rendre raison aux convives, tant sa force capacitaire était grande sur toutes autres. Avec cela un artiste célèbre, dès la jeunesse.

Mais i l avait bien d'autres talents que celui de la flûte. Il chan- tait à ravir, d'une voix chaude qui remuait l'auditeur jusqu'aux fibres les plus intimes. Mieux : on entendait parfois, dans une mai- son où i l y avait fête, des cloches, à faire croire que c'étaient celles d'une église prochaine échappées de leur clocher, pour venir se suspendre au toit de l'hôte ; et ces cloches, c'était Philibert, caché dans une pièce voisine. Ou l'on entendait les notes martelées d'un carillon argentin, celle's lugubres d'un tocsin ; et ce carillon, ce

tocsin, c'était encore Philibert. 1

Autre chose : i l devenait un Anglais, un Allemand, un Italien, récemment arrivés à Paris, qui commençaient à baragouiner un mauvais français : s'il y ajoutait un déguisement vestimentaire, c'était plus qu'une illusion. Il rendait à merveille le jargon et l'accent des provinces éloignées de Paris et de la cour. Il contre- faisait — mot impropre pour désigner le plus grand naturel' —

« les caractères et la langue de tous les âges, de tous les états, de toutes les professions ». Bref, i l y avait a tout cela plus qu'un parfait mimétisme, i l y avait un don psychologique.

Il se conçoit que ce grand flûtiste, ce grand chanteur, ce grand comédien ait été beaucoup « demandé ». U n jour qu'il avait montré ses talents dans une société où se trouvait le poète Alexandre Lainez, celui-ci, enthousiasmé, lui déclara ni plus ni moins : « Phi- libert, je t'immortaliserai. » Deux jours plus tard, notre Philibert recevait un poème d'Alexandre Lainez (on eût certes préféré L a Fontaine ou Molière) commençant ainsi :

Cherchez-vous des plaisirs ? Allez trouver Philbert.

Sa voix, des doux chants de Lambert Passe au bruit éclatant d'un tonnerre qui gronde.

Sa flûte seule est un concert.

La fleur naît sous ses mains dans un affreux désert;

Et sa langue féconde

• Imite en badinant tous les peuples du monde.

Un couplet manque au poème d'Alexandre Lainez : celui des amours. Philibert y était aussi un virtuose, et un virtuose heureux, j u s q u à ce que, vers 1665, i l rencontrât maître Jean Brunet, pour son bonheur et pour son malheur.

' LA BEVUE S" 2 5

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* * *

Maître Jean Brunet était un gros négociant — ne savons ea quelle marchandise — installé au Port-Landry, dans l'île de la Cité.

Il roulait snr l'or. Il aimait recevoir et i l était expansif. E n ce moment où nous le prenons, i l devait dépasser l a quarantaine, qu'il avait corpulente, haute, et peut-être congestive. De plus, maître Brunet était un mélomane éperdu.

Sa femme, née Catherine Bonnières, fille d'un orfèvre, l'avait épousé toute jeunette et lui avait donné deux filles. C'était, dans sa trentaine à peine dépassée, une superbe créature, l'esprit animé, les lèvres bien disantes, le cœur ouvert. Si « elle avait tout ce qu'elle voulait », comme on dit, par la grâce d'un mari excellent, elle- même donnait beaucoup, aidait, secourait : et nous la verrons tirer de prison une humble amie, ce qui suppose une bien grande force de crédit.

Le riche négociant, qui organisait chez lui des concerts,, dut un beau jour passer commande au jeune Philibert, de la musique du Roi, pour quelque fête musicale au logis du Port-Landry, et il y a tout lieu de croire que Descôteaux fit partie de la commande.

Jean Brunet eut le coup de foudre pour Philibert — on ne voit pas à dire autrement — pour l'homme aussi bien que pour l'artiste, esprit, caractère, charmes de tout ordre ; et i l n'eut rien de plus pressé que de communiquer son engouement à Mme Brunet, son épouse. Ce lui fut chose aisée : Catherine pouvait d'ailleurs s'échauf- fer pour Philibert sans la contagion maritale, et s'échauffa.

L'amitié eut vite submergé les simples rapports de courtoisie et de musique. Maître Jean Brunet voulut un Philibert presque quotidien et l'installer chez lui. Philibert avait sa maison assez proche de là, dans l'île Notre-Dame, et i l ne céda pas tout de suite.

Mais, peu à peu, i l céda et devint l'hôte nocturne aussi bien que diurne de ses amis.

Bien sûr la musique conservait ses droits et ses honneurs au Port-Landry^ Philibert dut y amener de nombreux collègues, en- plus de Descôteaux. Hautbois, flûtes, musettes, flageolets, violes ravissaient les hôtes et leurs invités. On chantait aussi toute espèce de chansons : des pastorales, des bergerettes, des gavottes, des branles de village, et celles qu'on nommait des « brunettes a, qui étaient une manière de pastorales. Lully lui-même ne dédai-

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gna pas d'en composer. Voici le début de l'une d'elles (non pas de Lully) qui primait alors :

Brunette, mes amours, Languirai-je toujours ?

Philibert ne languit pas toujours, ni même 'longtemps. Ne croyons pas au papillon qui s'abat sur la fleur, mais à la fleur qui vole et s'ouvre au papillon. Il convient d'ajouter que la réponse de Philibert combla ou surpassa les désirs de Catherine.

Comment vécurent-ils leurs amours sans que martre Brunei les soupçonnât ? Car i l ne les soupçonna jamais. Notons que notre mar- chand possédait une maison champêtre au village de Charonne;

Mme Brunei s'y rendait à tout propos, sans lui, trop occupé, et elle avait pour cela de bonnes raisons ; elle prétendait, et préten- dra toujours, qu'un trésor y était caché ; elle l ' y cherchait sans découragement ; plusieurs devineresses l'y aidèrent. Mais le trésor, pins malin que ces dames, se déroba toujours. Du moins «a recherche fournit-elle aux amants l'occasion d'une retraite commode. Tout le monde fila des jours heureux, des années heureuses, pent-être bien une demi-douzaine. Comme le bonheur n'a pas d'histoire, sautons-les, et arrivons à l'année 1673.

Maître Jean Brunet, toujours aussi féru de Philibert, avait firri par craindre quelque chose : son idole d'ami, plus célèbre à chaque saison, plus réclamé en tous lieux, n'allait-il pas se dépren- dre peu à peu du Port-Landry, préférer au sien d'autres salons, qui avaient le charme de l'inédit, et plus flatteurs, devenir une poussière et s'envoler ? On peut toujours remplacer un grand artiste par un autre grand artiste. Mais l'homme,- cet homme-là qu'il adorait plus encore que l'artiste, était irremplaçable. Alors maître Brunet caressa un projet, aussitôt m û r que caressé, par où i l s'atta- cherait à jamais son ami ; i l demanda tout simplement Philibert en mariage pour sa fille aînée.

Quatre personnages : le père, la fille, la mère et Philibert.

Passons le père.

L a fille, dont on regrette d'ignorer le prénom, vingt ans à, peine, fort jolie, était encore incertaine et n'offrait certes pas les annonces magnifiques de sa mère. D'autre part, les jeunes filles

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n'avaient pas voix au chapitre dans le projet matrimonial qui les concernait : i l s'agit, bien entendu, de voix opposante. Mais la nôtre n'avait aucune opposition à formuler : Philibert l'enchantait comme i l enchantait père et mère, et elle adhéra d'un cœur joyeux au projet formé pour elle.

Philibert, dame ! connut un débat gênant. Mais i l se dit, tout bien balancé, qu'il ne garderait pas toujours Mme Brunet, et qu'il s'assurait, avec la fille, un « établissement » comme i l n'en rencontrerait sans doute jamais de plus favorable. M . Brunet ne lui avait-il pas assuré « avec un très gros sac » ? Il avait trente-quatre ans, âge raisonnable pour renoncer aux aventures. I l se résolut donc au sacrifice nécessaire : i l délaisserait la mère pour la fille.

Et voilà déjà trois voix acquises sur quatre.

Quant à Mme Brunet, elle avait poussé un cri d'horreur, tout bas bien entendu. Pouvait-elle le faire entendre à son mari, dont elle partageait de façon ouverte l'engouement pour Philibert ? Aucune raison avouable de refuser un tel gendre. Mais i l y eut un âpre duel entre elle et son amant. Elle lui représenta qu'elle ne voulait à aucun prix le perdre, et qu'il était monstrueux qu'un homme épousât la fille de sa maîtresse ; i l devait refuser. Il inven- terait n'importe quoi, dût-il rompre avec l a famille. Charonne leur resterait. Mais Philibert n'y consentit pas.

Tant y a que Catherine, un masque crispé sur le visage, dut céder. Les fiançailles de Philibert.et de Mlle Brunet l'aînée furent déclarées. Il y eut un grand dîner de célébration, où la musique de Sa Majesté et de l'Opéra fut abondamment présente. Puis on pré- para le mariage, dont le faste éclabousserait tout le Port-Landry.

Hélas ! à ce moment et quand on y pensait le moins, Jean Brunet, qui était grand et gros et trop bien nourri, fut foudroyé par une apoplexie.

Ce deuil imprévu suspendit toutes choses pendant quelques semaines. Après une juste convenance de silence, Philibert ranima le propos et demanda à la veuve qu'on terminât son mariage avec la jeune fille. Elle refusa net. Elle lui fit entendre que la mort de

Jean Brunet avait modifié l'ordre des choses ; et i l n'était « pas séant de demander en mariage une fille qui avait une mère à marier ».

Philibert s'estimait toujours lié à la jeune fille, et même publi- quement ; le malheur survenu ne pouvait modifier les engagements pris. L a veuve 'trancha, insista, imposa. E t Philibert plia ; mais

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P H I L I B E R T , F L U T I S T E D U GRAND ROI 325 i l plia en jugeant qu'on devait à la jeune fille une compensation, égale au sacrifice exigé d'elle. Voici l'arrangement charmant qu'il trouva : i l possédait un frère cadet, qui avait d'ailleurs suivi son sillage chez les Brunet ; la jeune fille l'épouserait, tandis que lui- même épouserait la mère. Les deux mariages, par une touchante combinaison, se célébreraient le même jour, nommément le dimanche gras de 1674, avec un festin unique pour les deux couples.

Catherine applaudit sans réserve ; le frère cadet applaudit de même, mais la jeune fille se rebella ; elle ne voulait à aucun prix du frère; elle avait été accordée à M . Philibert, c'est lui seul qu'elle désirait et réclamait. Sur quoi Catherine mit sa Catherinètte au rancart, dans un couvent.

Le sort en était jeté. Philibert Rébillé épouserait Catherine Bonnières, veuve Brunet. Mais comme i l se sentait toujours un peu gêné aux entournures, i l consulta ses amis, au premier chef son cher Pylade, qui le poussèrent à accepter ces épousailles avec la veuve. I l ne craignit pas d'aller jusqu'au Roi, qui parla comme les amis, et qui promit même de signer au contrat de mariage.

Bien entendu Philibert n'épousa pas Catherine tout de suite ; la loi impose aux veuves une viduité de trois cents jours, avant de convoler en de nouvelles noces. Il y eut donc entre eux un an supplémentaire d'ardentes fiançailles et de vives prémices, qui d'ailleurs ne leur étaient point nouvelles. Le mariage eut lieu en 1674, orné par toutes les flûtes, tous les hautbois, toutes les musettes de la cour ; et Louis X I V , en effet, signa.

Philibert vécut des jours comblés, pleins d'or, et chauds, dans sa maison de l'île Notre-Dame, où i l avait amené la veuve de Jean Brunet. Les années n'usèrent aucunement l'adoration de sa femme pour lui. Elle alla à la cour de Saintrûermain, en qualité d'épouse d'artiste, et Philibert put la présenter à Sa Majesté.

Cinq années matrimoniales s'étaient déjà écoulées, lorsque, le 2 mars 1679, un exempt se présenta au logis de l'île Notre-Dame, arrêta Mme Philibert Rébillé, et l'emmena prisonnière au donjon de Vincennes. Voici la lettre que Louvois avait envoyée la veille à M . de L a Ferronaye, commandant du donjon : « Monsieur, le Roi ayant résolu de faire arrêter la- Philibert, S. M . a trouvé à propos de la faire conduire à Vincennes. Quoique S. M . soit bien informée que vous avez de la considération pour son mari, néanmoins S. M . s'attend que cela ne vous empêchera pas de faire votre devoir, en prenant soin que qui que ce soit n'ait aucun commerce avec ladite

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demoiselle ^darne) de vive voix ni par écrit, que (sauf) M . de L a TAeynie ou ceux qu'il pourra envoyer ».

Le Roi ne pouvait évidemment faire entendre par l'organe de Louvois : « E t bien que S. M . aussi ait une grande considération pour Philibert. »

A u temps de l'empereur Auguste, Canidie était la pl«s célèbre sorcière et empoisonneuse de Rome. E n réalité, elle s'appelait O a t i d i e et provenait de Naples. C'est le poète Horace qui "l'a nommée Canidie. Il l'a citée bien des fois. Il lui a même consacré deux épodes entières, la cinquième et la dix-septième. Dans la cinquième, i l nous conte une scène affreuse où Canidie égorge un jeune garçon pour ses expériences magiques. E t quand L a Bruyère introduisit dans ses Caractères notre célèbre empoisonneuse la Voisin; i l emprunta pour elle à Horace ce vocable de Canidie. .

On connaît trop cette horrifique affaire des poisons, qui tint la ville et la cour haletantes et où la Voisin, épouse légitime du mercier-joaillier Antoine Montvoisin, tint le rôle de vedette. Cette magicienne, devineresse, sorcière, empoisonneuse, recevait ses clients, qui étaient surtout des clientes, avec un grand luxe de céré- monies théâtrales^ et leur fournissait, entre bien d'autres choses, cette fameuse « poudre de succession », qui expédiait plus ou moins promptement époux et pères dans l'autre monde.

L a police devait opérer trois cent soixante-sept arrestations, dont deux cent dix-huit furent maintenues, et les juges prononcer trente-six condamnations à mort. L'une des raisons d'une telle cohue, c'est que la Voisin avait eu la malencontreuse idée de tenir un registre nominatif de tous ceux et de toutes celles qui venaient l'implorer, avec le quoi de chacun et le pourquoi et le comment, y compris des chiffres comptables.

Cependant ce n'est pas la Voisin et son registre qui avaient provoqué l'internement de Mme Philibert. E n effet, la Voisin fut arrêtée dix jours après Catherine, par le fameux Desgrez, celui-là même qui s'était emparé de la marquise de Brinvilliers à Liège, quelques années plus tôt. Il cueillit cette Voisin le dimanche 12 mars, au sortir de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, où elle venait d'ouïr l a sainte messe ; i l mit les scellés le même jour chez elle et saisit le registre.

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P H I L I B E R T , F L U T I S T E D U G R A N D ROI 327 Maïs, depuis plusieurs mois, diverses empoisonneuses étaient déjà sous les verrous et parlaient, parlaient, parlaient. Elles avaient nom la Marie Bosse, la Vigoureux, la Leroux, la Ferry, la Ché-

« m , etc., toutes employées de la Voisin. Néanmoins, ces arrestations avaient été tenues si secrètes que Catherine Bonnières ignorait encore tout, quand l'exempt s'était présenté au logis de l'île Notre-Dame.

L a Marie Bosse était une humble amie et une protégée de Mme Philibert. Elles s'étaient connues presque enfants dans le quartier de la place Maubert. Mme Brunet, ensuite Mme Philibert, l'avait souvent aidée, même dotée lors de son second mariage avec un Lyonnais nommé Mulbe. E t la Marie Bosse de se lamenter dans les interrogatoires qu'elle subissait depuis janvier : « A h ! si Mme Philibert savait que je suis prisonnière, elle s'emploierait à solliciter pour moi et à me faire sortir d'ici, comme elle m'a ci-devant fait sortir du Châtelét ». Car Marie Bosse avait déjà connu les geôles deux années plus tôt, et Mme Philibert l'en avait tirée, mais igno- rait que la Marie se trouvât présentement à Vincennes, en com- pagnie de plusieurs autres.

E t voilà que Marie Bosse, et ces autres, dans leurs interroga- toires incessants, dans leurs confrontations multiples, lâchaient des renseignements, se référaient à diverses personnes, voulaient s'abriter derrière les unes, démasquaient les autres. "Tant y a que huit semaines de toutes ces paroles firent apparaître de la part de Mme Philibert un rôle tel qu'on l'emmenait, le 2 mars, au

donjon de Vincennes.

Voici l'histoire lamentable.

Lorsqu'on 1672 Jean Brunet avait décidé de donner Philibert comme époux à sa fille, Mme Brunet fut atterrée, et aussitôt dit non. Elle tenta d'amener Philibert à un refus, n'y réussit pas, parut même céder, mais ne céda pas. Que faire ? Aller chez Canidie « qui a de si beaux secrets, qui promet aux jeunes femmes de secondes noces, qui en dit le temps et les circonstances », comme s'exprime L a Bruyère.

Mme Brunet connaissait Canidie. Elle l'avait rencontrée au moins une fois dans sa propriété de la porte Sainte-Denis nous -verrons cela plus loin), et surtout elle connaissait la Marie Bosse, l'une des principales « employées » de la Voisin.

Mme Brunet conta à Canidie sa passion et ses désirs : « Quand je devrais faire dix ans de pénitence, lui dit-elle, i l faut que le

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bon Dieu m'ôte M . Brunei.... Je ne puis me résoudre à voir Phili- bert, que j'aime passionnément, entre les bras de ma fille ».

L a Voisin comprit et admit ; et la cliente, au rapport de Marie Bosse, paierait bien. On fixa d'ailleurs les chiffres : 2.000 livres.

Moitié avant, moitié après.

On usa d'abord des moyens purs. Mme Brunet fit dire force messes à l'église du Saint-Esprit, auxquelles elle assistait avec ferveur. E n même temps, elle chargea la Voisin de faire une neu- vaine ou deux : elle, était persuadée que la Voisin jouissait d'un pouvoir intercesseur plus considérable auprès du bon Dieu. Mais prières et messes n'obtinrent pas que le bon Dieu ôtât M . Brunet à Mme Brunet.

Presque concurremment, on en vint à la chemise, dans la petite église de Sainte Ursule qui coiffait le plus haut point de la butte Montmartre, et spécialement affectée à cet usage. On présen- tait à l'autel, mais le vendredi seulement, des chemises du sexe masculin, parfois jusqu'à deux douzaines, parfois jusqu'à quarante ou cinquante unités. U n prêtre bénissait cette exposition de blanc, extraite de cinquante paniers, ainsi que ses présentatrices, et fai- sait toucher chaque unité à une image de Sainte Ursule. Ce bon prêtre croyait toutes ces chemises destinées à rendre amoureux de leur femme, présente ou future, les messieurs qui devaient s'en revêtir ; et i l y en avait à coup sûr parmi elles que l'on présentait à ce pieux effet. Mais la plupart des chemises ne s'offraient ainsi aux puissances d'en haut que pour être rendues propices à l'exode ad stellas de deux douzaines de maris.

Ici non plus, Mme Brunet n'obtint pas du bon Dieu qu'il opérât et qu'il se fît, non pas poudre de cantharide, mais arsenic. Il fal- lait donc appuyer ces prières, ces messes, ces supplications de poison divin, par des moyens plus terrestres ; aide-toi et le ciel t'aidera. E t l'on recourut à la chemise sans l'église de Sainte-Ursule, ce qui était de pratique courante. Faut-il rappeler que l'on baignait l'objet, et d'autres linges corporels de la personne qu'on voulait faire mourir, dans une solution empoisonnée, qu'on les en saturait, et que le patient, les revêtant, absorbait ainsi la mort par osmose ? Si la Voisin prépara l'objet, elle ne le porta pas elle-même au Port- Landry, elle en chargea la vieille amie, Marie Bosse. Mais soit que l'épiderme et le derme de Jean Brunet fussent imperméables au poison, soit que la chemise n'eût pas été traitée convenablement, i l n'en fut rien de plus que des neuvaines propitiatoires. E t Jean

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P H I L I B E R T , F L U T I S T E D U G R A N D ROI 329 Brunet continua de préparer dans l'exaltation les noces de sa

fille avec Philibert.

Aux surfaces épidermiques, i l fallut substituer les muqueuses.

L a Voisui composa un lavement, non de ceux dont i l est question dans Molière, détersifs et émollients, ni plus ni moins un lavement à l'eau forte 1 Ce fut encore la Marie Bosse qui servit de commis- sionnaire, mais ce fut Mme Brunet qui opéra. On devine les ravages et les corrosions terrifiantes, lés excessives douleurs provoquées par l'eau forte, qui est de l'acide azotique.

A un ou deux, jours de là, la Marie Bosse et la Leroux, celle-ci aussi promise à l'échafaud, errant au Port-Landry, certainement pour apprendre et peut-être pour réclamer à Mme Brunet le solde de sa dette, se trouvèrent nez à nez avec Jean Brunet, qui faisait sà promenade. Il avait le teint fleuri; une allure vive, un air de santé parfaite et de complet bonheur.

L'enquête n'a fourni aucune clarté sur cette eau forte inoffen- sive. Il va de soi qu'elle avait été remplacée par de l'eau douce.

L'auteur de ce tour de passe-passe n'était certainement pas la Voisin, ni Mme Brunet. Nous supposerons plutôt la grosse femme Marie Bosse opérant le changement des liquides entre la maison de la porte Saint-Denis et celle du Port-Landry. I l faut dire qu'elle nourrissait une certaine affection pour Jean Brunet et une vive antipathie à l'égard de Philibert.

Il n'en fallait pas moins finir. L'heure était pressante, le mariage pour le lendemain. L a Voisin prépara la poudre nécessaire, à absor- ber par la voie buccale, dans les aliments que Mme Brunet condi- tionnerait. Cette fois, Jean Brunet ne put résister à la poudre savante de la Voisin. Les apoplexies s'accompagnent souvent de vomissements : ce fut donc là une belle apoplexie. Nous en connais- sons les suites ; la jeune fiancée enfermée dans un couvent, l a veuve encore jeune devenant Mme Philibert Rébillé avec l'assentiment et la signature du Roi ; et un paisible, un harmonieux bonheur conju- gal se maintenant au cours des années, exactement cinq.

Nous ignorons si Philibert se trouvait au logis, le 2 mars, quand on vint arrêter sa femme. Sa surprise fut extrême, à coup sûr, et son angoisse affreuse. Il interrogea, courut à Vincennes.

Peut-être réussit-il à voir le commandant du fort, son ami. Si oui,

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M . de L a Ferronaye lui apprit ce qu'il en était de Catherine, et quelque peu ce qu'on essayait de dérober depuis des semaines au public, l a quantité de femmes emprisonnées, la chaîne et l'énormité de leurs crimes. I l lui révéla sans; doute certains noms, comme, celui de la Marie Bosse.

Alors un soupçon se répandit dans le public, qui était quand même un peu informé, et à la cour de Saint-Germain, qui était tenue au courant de tout. Philibert n'avait-il pas été le complice de sa femme dans l'assassinat de Jean Brunet ? L'adage bien connu joua contre lui r« Js fecU, oui prodest : celui-là a conamjs le crime, à qui le crime profite. » E t le crime lui avait singulièrement, profité.

Le roi, ému, fit venir Philibert et lui dit :

— Maître Philibert, pour peu que votre conscience vous reproche quelque chose, garantissez-vous par la fuite. Sinon, vous n'avez aucune grâce à espérer.

C'était là une faveur bien grande que le roi consentait à son cher flûtiste, de le laisser fuir, comme i l permettra de fuir à l a crirainelle comtesse de Soissons. Encore en fera-t-il donner l'avis à la comtesse par un émissaire, tandis qu'il usait ici, avec son Philibert, de la parole directe. Philibert répondit au Roi :

— Sire, je rends de très humbles grâces à Votre Majesté pour le conseil généreux qu'Elle veut bien m'ouvrir. Mais ma conscience t n'ayant rien à me reprocher, je ne me garantirai point par la fuite.

D'autres le poussaient à la même prudence. Descôteaux fut le plus insistant ; i l ajouta à ses conseils l'offre la plus émouvante ; il partagerait avec Philibert sa fortune malheureuse, i l fuirait en sa compagnie vers n'importe quel lieu que l'ami choisirait :

« Nous ne manquerons de pain nulle part, lui dit-il, i l n'y a aucun souverain qui ne veuille nous avoir à sa cour et qui ne s'en fasse une joie. Nous trouverons une autre patrie, puisque nous ne serons nulle patt étrangers. E t puis, nous serons si contents d'être ensemble, que tous les pays du monde nous seront indifféremment égaux. » Philibert demeura inflexible. E t il alla, comme un gentilhomme, se constituer prisonnier à Vincennes, entre les mains de M . de L a Fer- ronaye, son ami.

Voici donc, au début d'avril, les époux captifs des mêmes .murailles, mais sans communication entre eux. Leurs interroga-

toires et leurs procès se déroulent parallèlement et ne se joignent point. On confronte Philibert à la Voisin, plusieurs fois, au sinistre Lepage ; on ne voit nulle part qu'il ait été confronté à Catherine.

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L e sinistre Lepage avoua qu'il ne connaissait pas ce Philibert et n'avait jamais entendu parler de l u i .

L a Voisin affirma qu'elle l'avait reçu dans son jardin du temps que Jean ,Brunet vivait encore. (La Voisin avait son officine au lieu dit la Villeneuve. C'était un espace vide entre l'enceinte, de la ville et le quartier Saint-Denis. Quelques petites maisons y avaient été construites, entourées d'un vaste jardin ; quelques rues s'y dessinaient, qui devinrent rue de Cléry, rue de Bourbon, rue Beauregard. L a Voisin logeait- rue Beauregard)-.

— LV est vrai, expliqua Philibert, que je suis allé chex l a Voisin du vivant de Jean Brunet, Mine Brunei m ' y avait entraîné, par amusement, en me disant que nous verrions une femme qui se mêlait de lire dans la main. J'ai en effet trouvé une femme a » milieu d'un grand jardin ; mais elle était tellement soûle qu'elle n'a pu rien faire. E t j ' a i ignoré jusqu'à son nom.

, L a Voisin confirma le récit, tout en protestant qu'elle m'était point soûle, ou si peu, et qu'elle avait quand même pu examiner les Lignes de l'homme.. Elle ne l'avait point revu, i l s'était toujours trtwvé hors du chemin.

Marie Bosse avoua qu'elle connaissait Philibert du temps de Jean: Brunet, mais i l s'avait jamais participé à ses entretiens par- tjealiera avec Catherine, aux secrets, aux démarches. I l avait tout ignoré. Ora ne recueillit rien de plus des autres personnes interrogées et qu'en, l u i confronta.

Les procès étaient mamtenant tout proches, instructions closes. Louis X I V avait créé,, pour juger ces cas d'empoisonnement, une cour de justice spéciale, qui s'appela la chambare ardente, et qui se réunit pour l a première fois, le 10 avril $679 dans le palais de l'Arsenal.

Le 6 mai, Marie Bosse, la Vigoureux et la Ferry furent- condam- nées à mort. L e 9 mai, elles subirent la question ordinaire et extra- ordinaire. L a Vigoureux mourut pendaat la question. Le 10 mai, la Bosse dut assister à l'exécution de la Ferry, avant de périr elle-même, toute vive, dans les flammes.

Revenons d'ua jour. Le 9 mai, Philibert fut « absous du poison » ; ne subsistai* à son encontre qu'un blâme moral pour avoir entretenu des relations coupables avec Catherine du vivant de Jean Brunet.

E t six jours plus tard, le .15, Mme Philibert était condamnée à raort, tous ses biens confisqués. Philibert l'a-t-il su, même s'il ne le prévoyait que trop ? Qu'a-t-il pensé, soudîert ?

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Mais qu'est ceci ? On n'exécute Catherine ni le lendemain de la sentence, ni le surlendemain, comme i l est d'usage. Une semaine se passe, deux semaines, quatre. Point de nouvelles. Il dut y avoir un motif à cet énorme et insolite retard. Nous n'avons pu le découvrir. Les pièces d'archives, remplies de « la Philibert » jus- qu'au 15 mai, ne citent plus son nom jusqu'au 10 juin.

L a veille ou l'avant-veille du jour destiné, qui fut ce 10 juin, on la ramena de Vincennes à la Bastille. Elle supplia qu'on lui permît de voir Philibert une dernière fois et ses deux filles ; cette grâce lui fut refusée. Comme toutes les autres empoisonneuses, on la soumit à la question ordinaire — quatre coins — et extra- ordinaire — quatre autres coins — pour avoir révélation de ses complices ; elle ne nomma point Philibert.

Le tombereau, vint la chercher. On lui lut une première fois son arrêt de mort à la sortie de la prison, du côté de la rue Saint- Antoine. Puis le tombereau l'emmena et la déposa, jambes broyées, devant le grand portail de l'église Notre-Dame pour les cérémonies accoutumées de l'amende honorable, en chemise et pieds nus, la torche ardente entre les mains ; on lui avait fait au préalable une seconde lecture de son arrêt ; et elle eut, étant vivante, le poing droit tranché d'un coup de hache. Le tombereau la reprit ensuite pour la mener sur la place de Grève. On lui fit gravir les marches de l'échafaud ; là, entre la potence et le bûcher, on lui prononça une troisième et dernière fois son arrêt de mort. Les prêtres chantèrent deux fois le Salve. Sur quoi, elle fut pendue haut et court, enfin son corps jeté au feu ; et quand ce fut fini, ses cendres dispersées au vent.

Ce poing tranché étonne. Une clause semblable figurera dans la condamnation de la Voisin, et en plus la langue percée ; mais on les supprimera aussitôt qu'énoncées, comme inhumaines et inu- tiles. Pourquoi cette horreur ne fut-elle pas épargnée à la femme de Philibert, bien moins criminelle ? Aujourd'hui on ne lui eût peut-être infligé que ces dix ans de pénitence à quoi elle consentait, si Dieu lui ôtait M . Brunet.

E t Philibert, où se trouvait-il, ce 10 juin horrible ? Ici, un autre mystère s'étend, bien plus long que celui des quatre semaines qui séparèrent la condamnation et l'exécution de l'épouse. Les textes sont là ; i l avait été déclaré innocent de toute complicité de crime le 9 mai 1679. E t un autre texte, des mêmes archives, nous apprend qu'il fut acquitté le 7 avril 1680. D i x mois furent-ils nécessaires

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P H I L I B E R T , F L U T I S T E D U GRAND ROI 333 pour transformer l'absolution rendue par les juges enquêteurs en une absolution rendue par les magistrats de la chambre ardente ? Il le semble bien. Mais, en un tel cas, Philibert déclaré innocent le 9 mai 1679, aurait fait une longue prison supplémentaire, que rien n'explique.

Quoi qu'il en soit, sa liberté fut une aise générale, jusque chez les indifférents, jusque dans les provinces, jusqu'à la cour. E t Louis X I V témoigna la plus vive satisfaction à son premier flû- tiste quand celui-ci reparut à Saint-Germain ou à Versailles. Y joignit-il quelques mots de condoléances sur son tragique veu-

vage ? m

* *

Ne traçons pas le mot « fin », puisque Philibert devait longtemps' survivre à sa monstrueuse épouse. Mais une figure nous requiert d'abord, qu'on avait peut-être oubliée ; c'est Mlle Brunet.

Depuis sept ans pensionnaire d'un couvent, elle ne pouvait plus songer à en sortir. Elle ne possédait plus rien. Elle portait, malgré son innocence, la marque indélébile du crime maternel et du supplice infamant. Son beau-père Philibert pouvait-il enfin l'épouser ? Il n'est pas d'exemple, pensons-nous, qu'un homme ait successivement épousé une mère et sa fille, surtout avec un gibet et un bûcher dressés entre les deux mariages. Mlle Brunet adopta la seule solution possible et se fit religieuse dans le couvent où elle avait été pensionnaire par contrainte. Même, à la sollicitation de Philibert, le Roi permit qu'on prélevât, sur les biens de MmeHé- billé, qui avaient été confisqués, une dot pour l'entrée en religion de sa malheureuse fille.

Quant à Philibert, lui aussi privé des gros avantages de sa condition conjugale, i l gardait du moins dans la musique du Roi son rôle de premier flûtiste, honoré d'un or assez abondant.

L'homme ne pâtit point du tout qu'une femme amoureuse eût tué pour lui. Bien au contraire. A u procès, la Voisin, qui avait conté toutes les démarches faites auprès d'elle par Mme Brunet, 's'était arrêtée devant « certaines particularités qu'elle ne dirait

pour rien au monde ». Mais, plus tard, elle les chuchota confiden- tiellement à L a Reynie, qui les communiqua aux juges. De là, elles allèrent plus loin, publiant urbi et orbi les rares mérites du joueur de flûte. « Les femmes de la cour et de la ville se l'arrachèrent ».

Nous ne possédons pas de renseignements sur cette nouvelle carrière, mais voici encore L a Bruyère qui va nous éclairer, bien

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après le drame de la Grève, tout en affublant le héros d'un nom assez rude et vilain.

LéUe est en quête d'une passion, après une précédente qui s'est évanouie. Elle ne serait pas fâchée que Roscias (alias le célèbre et bel acteur Baron) lui répondît : mais « i l est à une autre », et Claudie attend son tour avant elle. Alors, Bathyle et Cobus, deux danseors de l'Opéra ? Hélas ï la presse est trop grande autour d'eux. « Mais vous avez Dracon, le joueur de flûte. N u l autre de son métier n'enfle plus décemment ses joues en soufflant dans le hautbois et le flageolet ; car c'est une chose infinie que le nombre des instruments qu'il fait parler. Plaisant d'ailleurs, i l fait rire jusqu'aux enfants et aux femmelettes. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas ? I l enivre toute la compagnie, et i l se rend le dernier. Vous soupirez, Lêlie. Est-ce que Dracon aurait fait un choix, on que malheureusement on vous aurait prévenue ? Se serait-il enfin engagé à Césonie qui l ' a tant couru, qui lui a sacri- fié une si grande foule d'amants (entendons soupirants), je dirais même toute la fleur des Romains, à Césonie qui est d'une famille patricienne, qui est si jeune, si belle, si sérieuse ? »

Draeon, bien entendu, c'est notre Philibert. Reste à savoir qui était Césonie. Oui, une patricienne, la fille du marquis de Riou, qui était président de la Cour des Aides. L a Bruyère, qui nous la peint avec une parfaite justesse, a omis de dire qu'çHe avait été mariée trois ans au marquis de Constantin. Les prétendants à la main de la jeune veuve furent nombreux ; mais on leur préféra Philibert, et leurs amours allèrent « jusqu'à l'extravagance ». D u moins, pas jusqu'au poison.

Elles n'allèrent pas non phis jusqu'au mariage. II n'était pas concevable qu'une fille noble épousât un roturier, qui phis est, un homme que son métier de flûtiste assimilait quand même un peu au monde des baladins. E t Philibert ne désirait sans doute pas se remettre dans l'état conjugal, bien qu'il y eût été, une pre- mière fois, singulièrement heureux.

Nous ignorons s'il se remaria jamais ; nous croirions volontiers la négative. Tout texte nouveau nous manque pour soutenir l'un ou l'autre terme.

Dangeau, dans son Journal, sous k date du 24 novembre 1694, le petit chansonnier Coulahges, dans une lettre du 3 février 1696 adressée à sa corsine de Sévigné, Donneau de Visé dans le Mercure galant de juillet 1701 e* dans celui de juillet 1702, nous relatent

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des fêtes brillantes au petit Luxembourg, à l'hôtel de Créquy, au château de Sàint-Maur, chez M . le Duc, chez les d'Albret et les L a Trémouille, chez le prince de Condé, dont les principaux enchanteurs furent Philibert et Descôteaux. Mais en mai 1703, le même Donneau de Visé, dans sa Relation des fêtes qui furent données- à Châtenay et à Sceaux chez l a duchesse do Maine, nous fait voir Descôteaux avec sa flûte et... Forcroy avec sa viole;

c'est bien la première fois que Philibert n'est plus hissé en compa- ,gnie de son ami sur la scène. Faut-il croire qu'il était mort à cette

date de 1703 ? Nous avons cherché et n'avons rien trouvé jusqu'ici.

E n revanche, les dates ultérieures et ultimes de Descôteaux nous sont connues. II prit sa retraite en 1716. On lui donna un logement au palais du Luxembourg, ainsi qu'un bout de jardin, où i l se consacra aux tulipes plus que jamais, restant jusqu'à la fin c un des grands fleuristes d'Europe *. Il mourut dans sa quatre- vingt troisième année, le 22 décembre 1728. H y avait un demi- siècle que la femme trop amoureuse de son ami Oreste avait été pendue et brûlée sur la place de Grève : un épisode complètement effacé.

GÉRARD-GAILLY.

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