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Formation, travail et origines sociales: une analyse quantitative des liens entre origines sociales, parcours de formation et intégration en emploi en Suisse à l’aide d’analyses de séquences et de Machine Learning

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Formation, travail et origines sociales: une analyse quantitative des liens entre origines sociales, parcours de formation et intégration en

emploi en Suisse à l'aide d'analyses de séquences et de Machine Learning

UNTERLERCHNER, Léonhard

Abstract

Cette recherche a pour objet les modalités de la reproduction sociale en Suisse. Deux étapes clefs des parcours de vie sont abordées. Premièrement, la formation afin de déterminer quels liens entretient l'origine sociale des élèves avec les parcours de formations. Deuxièmement, l'intégration dans le monde du travail 14 ans après la fin de l'école obligatoire. Deux aspects sont étudiés, le salaire et le fait d'être en emploi ou non. Cette recherche utilise les données de l'enquête longitudinale Transition de l'école à l'emploi (TREE1, n = 2'708). Les parcours de formation sont étudiés en recourant à l'analyse de séquence afin de produire une typologie de parcours; l'intégration en emploi est abordée sur la base de la situation en emploi en 2014.

Les résultats indiquent que l'origine sociale est liée de manière particulièrement forte aux parcours de formation, notamment aux parcours universitaires et secondaires professionnels.

Ces premières orientations jouent un rôle déterminant quant au salaire perçu par la suite.

L'effet de l'origine sociale contrôlé pour les parcours de formation joue [...]

UNTERLERCHNER, Léonhard. Formation, travail et origines sociales: une analyse quantitative des liens entre origines sociales, parcours de formation et intégration en emploi en Suisse à l'aide d'analyses de séquences et de Machine Learning. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154159

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Une analyse quantitative des liens entre origines sociales,

parcours de formation et intégration en emploi en Suisse à l’aide d’analyses de séquences et de Machine Learning.

Leonhard Unterlerchner, Juin 2021

Mémoire de maîtrise en socioéconomie réalisé sous la direction de Matthias Studer. Le jury est composé du Professeur Matthias Studer (Unige) et du Docteur Andrés Gomensoro (Unibe).

Résumé: Cette recherche a pour objet les modalités de la reproduction sociale en Suisse. Deux étapes clefs des parcours de vie sont abordées. Premièrement, la formation afin de déterminer quels liens entretient l’origine sociale des élèves avec les parcours de formations. Deuxièmement, l’intégration dans le monde du travail 14 ans après la fin de l’école obligatoire. Deux aspects sont étudiés, le salaire et le fait d’être en emploi ou non. Cette recherche utilise les données de l’enquête longitudinale Transition de l’école à l’emploi (TREE1, n = 2’708). Les parcours de formation sont étudiés en recourant à l’analyse de séquence afin de produire une typologie de parcours; l’intégration en emploi est abordée sur la base de la situation en emploi en 2014. Les résultats indiquent que l’origine sociale est liée de manière particulièrement forte aux parcours de formation, notamment aux parcours universitaires et secondaires professionnels. Ces premières orientations jouent un rôle déterminant quant au salaire perçu par la suite. L’effet de l’origine sociale contrôlé pour les parcours de formation joue un rôle moindre à ce moment des carrières professionnelles rencontrées dans notre échantillon. Ce travail aborde par ailleurs une méthode innovante et alternative à l’analyse de séquences, celle de l’extraction et de sélection de caractéristiques par Machine Learning. Sur le plan méthodologique, cette approche s’avère complémentaire à l’analyse de séquence et offre de nombreuses possibilités d’analyses exploratoires.

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Langage épicène

Ce mémoire est rédigé en langage épicène dans le but de limiter les biais de genre induits par la langue, les formes englobantes ont été préférées aux autres alternatives, les formes contractées et des néologismes ont été employés lorsque nécessaire. Par exemple il et elle deviennent iels, elles et eux elleux, chacun et chacune devient chacun.e.

Genre et sexe

Bien que la notion de sexe ne soit pas à même de dépeindre la réalité sociale du genre – notamment en termes de transidentité ou d’orientations sexuelles – et que la non-prise en compte de celui-ci constitue un raccourci dommageable, les données quantitatives à disposition dans la majeure partie des enquêtes, celle-ci comprise, ne permettent d’analyser les effets de genre qu’au travers de la dichotomie femme / homme. Ce pour quoi nous prenons le parti d’employer dans ce travail le terme sexe plutôt que genre.

Remerciements

Je tiens ici à remercier nommément : Matthias Studer et Andrés Gomensoro pour leur suivi sans failles, leurs conseils et leur bienveillance ; Alexandre Petot, Helga Unterlerchner et Julie Dubois pour leurs indispensables relectures ; les ingénieurs des services de calcul haute performance de l’Unige (HPC Unige) pour avoir répondu à toutes mes questions ; Helga et Victor, mes parents pour m’avoir toujours soutenu dans mes études; mes ami.e.s Garance, Gala, Samantha, Macaire, Till, Jeremi, Simon, K-ro, Alexia, Jorge, Youri, Harold et les membres du Nadir pour leurs oreilles toujours attentives à mes questionnements et mes obsessions ; et finalement la Conférence Universtiaire des Association d’Étudiant.e.x.s (CUAE) pour mes conditions d’études. Merci à vous et encore à tou.te.s celleux que je n’aurais pas cité ici et qui le mériteraient.

L’usage de la première personne du pluriel s’est imposé pour ce travail, car la forme singulière ne paraissait pas à même de restituer le soutien, les conseils et les ressources qui m’ont été apportées tout au long de sa réalisation. Sans eux ce travail ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

Ce mémoire a été réalisé à l’université de Genève dans le cadre de la maîtrise en Socioéconomie entre le mois de mars de 2020 et le mois de juin 2021. Il est édité en cinq versions originales reliées.

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Table des matières

1 Introduction... 7

1.1 Stratification et mobilité sociale: une revue de la littérature...8

1.1.1 Cadre général...8

1.1.2 Origine sociale et parcours de formation...10

1.1.3 L’insertion en emploi...14

1.2 Problématique, question de recherche et hypothèses...19

2 Données... 21

2.1 Sous-échantillons...21

2.2 Parcours de formation...22

2.2.1 Typologie...24

2.3 Qualité de l’emploi...28

2.4 Variables indépendantes...30

2.4.1 Le capital culturel...30

2.4.2 Capital économique d’origine...39

2.4.3 Variables de contrôle...40

2.4.4 Données manquantes...42

3 Modélisations...43

3.1 L’origine sociale et le parcours de formation...44

3.1.1 Typologies distinctes...45

3.1.1.1 Parcours secondaire général et tertiaire professionnel (SG-Tpro)...51

3.1.1.2 Parcours secondaire général et tertiaire universitaire (SG-Tuni)...52

3.1.1.3 Parcours secondaire professionnel et autres formations...52

3.1.1.4 Parcours secondaire professionnel puis hors formation...53

3.1.1.5 Parcours secondaire professionnel puis tertiaire professionnel immédiat (SP-Tpro1) ...53

3.1.1.6 Parcours secondaire professionnel puis tertiaire professionnel différé (SP-Tpro2)..54

3.1.1.7 Synthèse intermédiaire...54

3.1.2 Modélisation multinomiale...55

3.1.2.1 Origine sociale...58

3.1.2.2 Variables de contrôle...59

3.1.2.3 Synthèse des résultats de la régression multinomiale...60

3.1.3 Conclusion intermédiaire...61

3.2 L’origine sociale et la qualité de l’intégration dans l’emploi...63

3.2.1 Accès à l’emploi...63

3.2.1.1 Variables de contrôle...63

3.2.1.2 Activités culturelles...65

3.2.1.3 Communication culturelle...69

3.2.1.4 Possession de biens culturels...72

3.2.1.5 Diversité de la lecture...75

3.2.1.6 Plaisir à la lecture...78

3.2.1.7 Niveau matériel du ménage d’origine...81

3.2.1.8 Niveau d’éducation des parents...82

3.2.1.9 Conclusion et synthèse de l’accès à l’emploi...85

3.2.2 Origine sociale et salaire...87

3.2.2.1 Variables de contrôle...87

3.2.2.2 Communication culturelle...90

(5)

3.2.2.5 Diversité des lectures...94

3.2.2.6 Niveau matériel du ménage d’origine...96

3.2.2.7 Niveau d’éducation des parents...99

3.2.2.8 Conclusion et synthèse sur l’analyse des salaires...102

3.2.3 Conclusion sur l’intégration en emploi...103

4 Machine Learning: analyse de parcours atypiques...105

4.1 Technique et théorie de la sélection et de l’extraction de caractéristiques...105

4.2 Caractéristiques sélectionnées et modélisations...107

4.3 Conclusion sur l’extraction et la sélection de caractéristiques...112

5 Conclusion générale, limites et ouverture...114

6 Bibliographie...117

7 Annexes...122

Table des illustrations

Figure 1: Représentation des séquences...23

Figure 2: Séquences individuelles pour la typologie en 5 groupes avec la méthode PAM...25

Figure 3: Fréquence des états pour la typologie en 5 groupes avec la méthode PAM...25

Figure 4: Séquences individuelles pour la typologie en 6 groupes avec la méthode PAM...26

Figure 5: Fréquence des états pour la typologie en 6 groupes avec la méthode PAM...26

Figure 6: Diagrammes en barres de la variable Emploi_dummy...28

Figure 7: Boites à moustaches du salaire ETP...29

Figure 8: Diagrammes en barres des attitudes face à la lecture...32

Figure 9: Diagrammes en barre de la diversité des lectures...33

Figure 10: Diagrammes en barres du niveau d’éducation des parents...34

Figure 11: Diagrammes en barres de la contribution aux axes de l'ACM des variables du capital culturel... 35

Figure 12: Diagrammes en barres de la contribution aux axes de l'ACM des variables du capital culturel - hormis l'éducation des parents...36

Figure 13: Diagrammes en barre de la contribution des différents indices synthétiques aux trois axes retenus... 38

Figure 14: Boite à moustaches du niveau de confort matériel du ménage (Wealth_num)...39

Figure 15: Diagrammes en barres des variables de contrôle...41

Figure 16: R² ajustés des régressions binomiales contenant uniquement les variables de contrôle..48

Figure 17: R² ajustés des régressions binomiales contenant après ajouts des variables de l'origine sociale... 48

Figure 18: Différences absolues des R² après ajouts des variables de l'origine sociale...49

Figure 19: Différences relatives des R² après ajouts des variables de l'origine sociale...49

Table des tableaux

Table 1: Acronymes...6

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Table 2: Critères d'information bayésiens pour les modèles de régression des avec les typologies

comme variables indépendantes...27

Table 3: Résultats des régressions binomiales portant sur les variables de contrôle...47

Table 4: Résultats des régressions binomiales portant sur l'appartenance aux différents parcours de formation...50

Table 5: Synthèse des coefficients de l'origine sociale dans les régressions binomiales...55

Table 6: Résultats de la modélisation multinomiale portant sur l'appartenance aux différents parcours de formation...57

Table 7: Synthèse des coefficients de l'origine sociale dans la régression multinomiale...60

Table 8: Résultats des modèles binomiaux portant sur les variables de contrôle et l'activité...64

Table 9: Résultats de la modélisation des activités culturelles et de l'emploi...67

Table 10: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et les activités culturelles sur l'emploi...68

Table 11: Résultats de la modélisation de la communication culturelle et de l'emploi...69

Table 12: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et la communication culturelle sur l'emploi...71

Table 13: Résultats de la modélisation de la possession de biens culturels et de l'emploi...73

Table 14: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et la possession de biens culturels sur l'emploi...74

Table 15: Résultats de la modélisation de la diversité des lectures et de l'emploi...76

Table 16: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et de la diversité des lectures sur l'emploi...77

Table 17: Résultats de la modélisation du plaisir à la lecture et de l'emploi...79

Table 18: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et le plaisir à la lecture sur l'emploi...80

Table 19: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et le niveau de confort matériel sur l'emploi...81

Table 20: Résultats de la modélisation du niveau d'éducation des parents et de l'emploi...84

Table 21: Synthèse des résultats des modèles à interaction portant sur l'origine sociale et l'emploi. 86 Table 22: Résultats de la modélisation des variables de contrôle et du salaire ETP...89

Table 23: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et le plaisir à la lecture sur le salaire ETP...93

Table 24: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et la diversité des lectures sur le salaire ETP...94

Table 25: Résultats de la modélisation du niveau matériel du ménage d’origine et du salaire ETP. . .96

Table 26: Résultats de la modélisation du niveau matériel du ménage d’origine et du salaire ETP. . .98

Table 27: Résultats de la modélisation du niveau d'éducation des parents et du salaire ETP...100

Table 28: Résultats de la modélisation des interactions entre les parcours de formation et le niveau d'éducation des parent sur le salaire ETP...101

Table 29: Synthèse des résultats des modèles à interaction portant sur l'origine sociale et le salaire ETP... 103

Table 30: Caractéristiques sélectionnées (1): indices de complexité, durées et timings...108

Table 31: Caractéristiques sélectionnées (2): transitions entre états...109

Table 32: Résultats de la modélisation de caractéristiques des séquences et du salaire ETP...111

Table 33: Construction de la variable Formation...122

Table 34: Contribution aux axes de l'analyse de composante multiple des variables culturelles...122 Table 35: Contribution aux axes de l'analyse en composante principale des indices synthétiques

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Acronymes

Table 1: Acronymes

ACM Analyse de Composante Multiple ACP Analyse de Composante Principale

CATI Computer-Assisted Telephone Interview [entretien par téléphone assisté par ordinateur]

EDOS Effet Direct de l’Origine Sociale ETP Équivalent Temps Plein (salaires) HES Haute École Spécialisée

ML Machine Learning

N/A Donnée manquante

p. ex. Par exemple

PISA Programme for International Student Assment “programme international pour l’évaluation des étudiant.e.s” [traduction par nos soins]

SG – Tpro Parcours de formation Secondaire Général puis Tertiaire professionnel SG – Tuni Parcours de formation Secondaire Général puis Tertiaire universtiaire SP – AF Parcours de formation Secondaire Professionnel et Autres Formations SP – HF Parcours de formation Secondaire Professionnel puis Hors Formation

SP – Tpro1 Parcours de formation Secondaire Professionnel puis Tertiaire professionnel immédiat

SP – Tpro2 Parcours de formation Secondaire Professionnel puis Tertiaire professionnel différé

STW School to Work Transition [transition de l’école à l’emploi] (concept théorique) TREE TRansitions de l’École à l’Emploi (base de données)

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1 Introduction

Ce travail est né d’un questionnement, a priori ingénu : comment s’organise la transmission de patrimoine matériel et immatériel en Suisse ? Autrement dit, comment la structure sociale se reproduit-elle, si tant est qu’elle se reproduise.

Comme le montrera une partie de la littérature présentée dans la section suivante, la reproduction sociale est bien à l’œuvre en Suisse. Dès lors, comprendre les mécanismes la matérialisant m’a paru fondamental, et ce non pas uniquement du côté des “perdant.e.s”

de la reproduction, mais aussi, et surtout du côté de celleux qui parviennent à se maintenir en haut de l’échelle sociale.

L’éducation est souvent présentée comme un des principaux vecteurs de démocratisation de la société, permettant à chacun.e d’occuper la place qu’iel souhaite dans la structure sociale en travaillant dur à l’école et en obtenant le diplôme nécessaire à l’occupation de telle place. En effet, dans une société méritocratique le statut social, la classe, ne saurait être dépendante d’autre chose que des efforts et des compétences de chacun.e. Ainsi se dresse un double écheveau : d’une part, quel est l’impact du milieu social d’origine sur le parcours de formation ? D’autre part, ce parcours est-il le seul prédicteur de la position occupée dans la société à l’âge adulte ?

Afin de répondre à ces questions, nous employons les données longitudinales de l’enquête TREE (TREE, 2016). Cette dernière porte sur la population suisse et renseigne très précisément à la fois les épisodes de formation et d’emploi tout en permettant de nombreux contrôles par des variables sociodémographiques. Cette base de données va nous permettre de mener une analyse de séquence des parcours de formation et de lier par la suite avec la situation en l’emploi en début de carrière.

La section une, présente une revue des littératures portant sur la reproduction et la mobilité sociale dans le contexte scolaire et professionnel. La littérature sur la transition de l’école à l’emploi – School to Work Transition (STW) – est aussi abordée. Cette revue de la littérature nous permet de présenter ensuite notre problématique et d’établir nos hypothèses de travail. La section deux est dédiée à la présentation des données employées pour les analyses. La section trois présente les différentes modélisations explorant les liens entre l’origine sociale, les parcours de formation et la situation en emploi. La section quatre constitue une discussion générale des résultats et une conclusion de ce travail.

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1.1 Stratification et mobilité sociale: une revue de la littérature

Cette revue de la littérature est structurée en trois parties distinctes et complémentaires.

Le fond du sujet est la stratification sociale et nécessite donc une étude approfondie des différentes théories expliquant les modalités de cette dernière. Cependant, en raison du foisonnement de cette littérature, les analyses des parcours de formation et de l’insertion en emploi doivent être réalisées successivement et se baser chacune sur un cadre théorique dédié. Il est nécessaire de souligner ici que les frontières entre ces parties sont fluctuantes et relèvent souvent de choix instrumentaux plus que de distinctions claires et nettes; ainsi, certain.e.s auteur.ice.s et certaines productions académiques sont transversal.aux.es aux trois parties de cette revue.

1.1.1 Cadre général

La sociologie française a été prolifique dans sa contribution à la compréhension de la stratification sociale. Deux traditions sociologiques se répondent et se font face sur ce sujet: celle de Pierre Bourdieu et celle de Raymond Boudon. Depuis leur spécification dès la fin des années 1960 et suivantes, ces traditions ont lourdement influencé la recherche sur les classes sociales en général et en particulier dans le domaine de l’éducation.

La tradition Boudonienne se concentre principalement sur le statut social atteint à l’âge adulte en le comparant à celui des parents. Le statut social – parler de classe dans ce contexte n’étant pas approprié – est donc principalement lié à l’emploi occupé (Boudon, 2017). La perspective de Boudon prévoit la mobilité sociale comme la conjonction de deux effets liés au milieu social d’origine, le premier – l’effet primaire – est dû à une dotation différente des groupes en termes économique, cognitif et culturel. Selon les tenant.e.s de ce courant, ce mécanisme est marginal dans la détermination de la mobilité sociale. Le second – l’effet secondaire – repose sur la rationalité de l’agent, issue des théories économiques néoclassiques. Ainsi les agent.e.s font un calcul rationnel de coût-bénéfice pour évaluer l’opportunité de l’engagement dans le système scolaire. Ces différences subjectives entrainent des phénomènes d’autoséléction et de disqualification, à l’origine de la reproduction sociale (Forquin, 1975; Hauser, 1976; Ress & Azzolini, 2014)

Le deuxième corpus littéraire permettant d’appuyer les analyses qui vont constituer le corps de ce travail résulte des travaux de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron portant sur le système éducatif français et la reproduction sociale, notamment au travers [des] Héritiers et de La Reproduction (Bourdieu & Passeron, 1970; Bruno, 2009). Leur contribution à la sociologie de l’éducation sera détaillée plus avant dans cette revue.

Découle de ces travaux et des suivants une sociologie de la stratification sociale basée sur

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la conjonction de quatre capitaux: économique, soit l’ensemble des ressources financières;

culturel, soit l’aisance verbale, la proximité avec le monde scolaire et académique, et la maîtrise des canons artistiques; social, soit l’ensemble des relations mobilisables pour valoriser les deux premiers capitaux; et finalement, le capital symbolique s’y ajoute, somme de la légitimité associée à la dotation relative des précédents capitaux (Bourdieu, 1979a).

Un élément majeur de cette tradition est la transférabilité d’une forme de capital dans une autre, associant ainsi les opportunités de mobilité sociale à une dotation préétablie en capitaux. Dès lors, la principale pierre d’achoppement entre Boudon et Bourdieu apparaît.

En effet, alors que la notion boudonnienne de rationalité met en avant le poids du choix dans la mobilité sociale, Bourdieu tend à l’évacuer au profit d’une forme de déterminisme social, la convertibilité des capitaux étant présentée comme un puissant vecteur de reproduction sociale (Bourdieu, 1978).

La description de ces deux grandes orientations théoriques a priori concurrentes a pour but de souligner les nécessaires choix à effectuer entre celles-ci, mais aussi à mettre en lumière certaines complémentarités. Les principales différences ne résidant pas dans les constats à l’origine de leur énonciation, mais dans les mécanismes invoqués pour leur compréhension.

La perspective bourdieusienne sera approfondie pour plusieurs raisons. D’une part pour la finesse qu’apportent les types de capitaux à la compréhension de la structure sociale et tout particulièrement la notion de capital culturel. Il demeure que l’approche de Boudon ouvre la porte à l’évocation de mécanismes moins déterministes que l’approche des capitaux Bourdieusiens qui évacuent en quelque sorte le rôle et le pouvoir des individus sur leurs parcours.

Le capital culturel revêt plusieurs états qui correspondent également à des modalités de transmission intergénérationnelle distinctes. Le premier est l’état incorporé, il constitue la somme des compétences linguistiques, des manières, de la culture artistique ou scientifique qui lui est transmise par le milieu dès la naissance. Cet état du capital culturel ne peut s’acquérir que par un investissement actif long et direct de la part de personnes en disposant – p. ex. le cercle familial. Il constitue aussi la condition de consommation du deuxième état du capital culturel – l’état objectivé. Il s’agit ici de livres, de collections de disques ou encore d’œuvres d’art. Cet état peut être transmis de la même manière que le capital économique et peut recourir à ce dernier pour être acquis. Le dernier état est le capital institutionnalisé ; les titres scolaires cristallisant et garantissant dans une certaine mesure le capital culturel incorporé, donnant une stabilité à ce dernier. Nous verrons par la suite que de nombreuses études font un lien entre la réussite scolaire et le capital

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incorporé. Il en résulte que l’état incorporé permet une conversion directe du capital culturel en capital économique via les titres scolaires, tout en prenant au passage un aspect méritocratique (Bourdieu, 1979b; Jæger & Breen, 2016).

En raison de son aspect essentiellement incorporé dans un premier temps, puis à son éventuelle institutionnalisation à la fin du parcours, le capital culturel détient des propriétés rares et peut avoir un impact particulièrement fort sur la stratification sociale en confondant, in fine, le don de l’acquis, l’inné de l’héritage.

L’intérêt porté à ce concept est motivé par le fait que lorsque Bourdieu et Passeron

étudièrent le capital culturel, la relation à la culture légitime peut avoir changé (Peterson

& Kern, 1996). Par ailleurs, la sélection scolaire intervenant de manière différente dans le parcours de formation en Suisse. Ce travail est ainsi aussi l’occasion d’aborder le concept de capital culturel dans sa contemporanéité et dans le contexte suisse.

1.1.2 Origine sociale et parcours de formation

Dans cette section, nous allons nous attacher à passer en revue les principaux déterminants sociaux des parcours de formation, en nous focalisant dans un premier temps sur l’origine sociale, puis en étendant la revue à d’autres facteurs pouvant présenter des effets d’interaction sur cette dernière.

Ress et Azzolini (2014) ont étudié l’effet du milieu social sur la réussite scolaire en Italie, dans une perspective boudonnienne. Ainsi, le milieu social produit des effets primaires, liés à des traits génétiques, des aptitudes cognitives particulières et au bagage socioculturel. Cet effet conduit à de meilleures performances chez les étudiant.e.s issu.e.s de familles privilégiées. L’effet secondaire, quant à lui, provient de différences de perception par les agent.e.s et leur entourage – la famille – des coûts et des bénéfices de la formation. Ainsi les milieux privilégiés investissent davantage dans la formation que leurs pendants modestes (Ress & Azzolini, 2014).

Cette étude cherche à départager lequel des deux effets influence le plus la réussite scolaire. Leurs résultats indiquent que les effets secondaires sont les plus importants, de plus iels mettent en lumière un effet de médiation du sexe. Celui-ci peut être expliqué selon elleux de deux manières. D’une part, les agentes et leur famille peuvent être poussées à investir plus dans l’éducation afin de compenser les désavantages liés au sexe dans l’emploi. D’autre part, une ségrégation horizontale des domaines d’études et d’emploi peut conduire à ces différences d’orientations, les professions du domaine des soins [care], perçus comme féminins nécessitant le plus souvent une formation générale (Ress &

Azzolini, 2014).

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Bourdieu (1966) propose une autre lecture des processus de sélection dans le système éducatif – au cœur de laquelle se place sa théorie sur le capital culturel – et ce via plusieurs mécanismes. Quant aux choix des parcours de formation, les familles populaires semblent prendre des décisions d’orientations compatibles avec les effets secondaires de Boudon. Cependant Bourdieu met en avant non pas un choix rationnel, mais “[…]

l’intériorisation du destin objectivement assigné […] à l’ensemble de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent.”. Cette intériorisation conduit à des comportements de classe différenciés. Les familles ouvrières ayant peu d’expériences de mobilité sociale ascendante se détourneront plus vite de l’école que les classes moyennes ayant “ [...] un ethos de l’ascension sociale et de la réussite par l’école et à l’école [...]” (Bourdieu, 1966).

Ensuite, le processus d’orientation et de sélection dépasse le cadre familial et se place dans le champ scolaire. Ainsi les enseignant.e.s partagent avec les élèves des classes supérieures des capitaux culturels similaires, incorporés dans un cas, institutionnalisés de l’autre. En ressort une proximité de ces élèves avec le style et le langage valorisé, consciemment ou non par les enseignant.e.s, les élèves des classes dominantes étant plus souvent perçu.e.s comme “doué.e.s”. Cela conduit à un phénomène de “sursélection” des classes populaires, leurs résultats doivent ainsi être meilleurs que ceux de leurs condisciples pour être orienté.e.s vers des formations générales et tertiaires, ce qui les conduits à réduire au fur et à mesure leurs désavantages face à l’école vis-à-vis de leurs condisciples des classes supérieures qui sont “sous-séléctionné.e.s.” (Bourdieu, 1966;

Bourdieu & Passeron, 1970).

Jæger et Karlson (2018) ont conduit une étude en 2018 afin de déterminer quel est le bénéfice éducatif de la détention du capital culturel en fonction du niveau socioéconomique des élèves. Leurs résultats indiquent que le nombre d’années d’études atteint par les étudiant.e.s dont les parents investissent beaucoup de capital culturel en elleux augmente plus pour les niveaux socioéconomiques bas que pour les hauts niveaux.

À l’inverse, la pénalité pour un faible investissement en capitaux culturels est plus faible pour les ménages privilégiés (Jæger & Karlson, 2018).

Cela semble indiquer un effet de modération entre la transmission de capital culturel et le niveau socioéconomique des ménages. De plus, cela tend à confirmer la convertibilité de capitaux. Les ménages aisés étant capables de compenser leur manque de transmission de capital culturel, et ce par une transmission de capitaux sociaux ou économiques comme le prévoit la théorie de la convertibilité des capitaux de Pierre Bourdieu (1978).

Le contexte suisse a, bien entendu, déjà été étudié, et ce notamment par le biais de l’enquête TREE, les paragraphes qui vont suivre ont pour but d’affiner la revue de la

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littérature et de déterminer précisément quelles modalités de sélection sociale peuvent être attendues en Suisse.

Thomas Meyer (2009) a mené une recherche sur les inégalités de formation en Suisse, ce faisant, il met en avant certains éléments saillants du système éducatif helvétique, selon lui l’un des plus sélectifs de l’OCDE.

Ainsi la précocité de l’orientation entre filières générales et professionnelles conduit à un impact fort du milieu d’origine sur le parcours scolaire. La mise en silos des parcours scolaires conduit en outre à la création de débouchés logiques. Ces derniers étant les voies guidant les étudiant.e.s. une fois la première orientation effectuée; il en résulte que les passages d’une filière à l’autre de manière ascendante sont peu envisagés par les enseignant.e.s et les élèves une fois la première sélection opérée, pérennisant ainsi l’orientation initiale. Ces éléments sont compatibles avec la perspective Bourdieusienne présentée plus haut: l’institution scolaire légitime et naturalise la reproduction sociale (Meyer, 2009).

Par ailleurs, le fait que l’éducation revête de la compétence des cantons apporte de grandes disparités dans l’orientation des élèves entre ceux-ci, de même qu’entre régions linguistiques. En effet,les cantons appliquent différents systèmes de promotion scolaires et de passerelles entre filières. La probabilité de suivre une formation générale est plus importante dans les cantons romands qu’alémaniques, ce qui conduit à un nombre de personnes sans formation du secondaire II supérieur en Romandie. Cette segmentation cantonale est aussi confirmée par Felouzis et Charmillot (2017). Ils relèvent que la segmentation précoce des systèmes scolaires conduit aux systèmes les plus inégalitaires, alors que les systèmes mixtes ou intégrés – c’est-à-dire les systèmes dans lesquels les niveaux à l’intérieur des classes conservent une hétérogénéité jusqu’à la fin du secondaire I – conduisent à plus d’égalité (Felouzis & Charmillot, 2017; Meyer, 2009).

Une série d’études portant spécifiquement sur les inégalités dans les parcours de formations générées par les origines migratoires ont permis de mettre en lumière certains mécanismes (Falcon, 2016a; Gomensoro & Bolzman, 2015, 2016; Meyer, 2009).

La politique migratoire suisse sélectionnant des entrant.e.s soit hautement qualifié.e.s soit à l’inverse non qualifié.e.s, l’effet de la migration se superpose ainsi bien souvent avec celui des niveaux socioéconomiques. Thomas Meyer (2009) montre que l’origine sociale des élèves originaires de France, de Belgique et d’Allemagne est au-dessus de la moyenne suisse, alors que pour les élèves issus de pays européens méridionaux, d’ex-Yougoslavie et de Turquie, l’origine sociale est inférieure à la moyenne. En outre, la segmentation des étudiant.e.s lors du secondaire I entre filières élémentaires, étendues et prégymnasiales varie en fonction des origines migratoires. Cela rend l’appréhension de la migration

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largement plus complexe que la dichotomie étranger.ère.s / suisse.esse.s. Il demeure que la sélection des écolier.ère.s autochtones semble moins forte dès le primaire (Falcon, 2016a; Meyer, 2009).

En allant plus avant dans ces processus de sélection, le phénomène de sursélection a été étudié dans le contexte migratoire et confirme que chez les étudiant.e.s de la seconde génération l’accès à la formation est plus difficile que pour les autochtones – à l’exception des personnes d’origine espagnole ou italienne. Cependant, un regard attentif a été posé sur les trajectoires ascendantes de jeunes d’origine albanaise afin de mettre en lumière les mécanismes favorables à cette mobilité. En ressortent deux mécanismes principaux, d’une part, le projet de mobilité sociale à la base du projet migratoire conduit les parents à pousser plus volontiers leurs enfants vers les études ; d’autre part, le soutien et l’orientation qu’apportent les proches. Un dernier élément à prendre en compte concernant le lien entre la migration, le niveau socioéconomique des parents et les parcours de formation est une tendance à la sous-estimation du niveau socioéconomique d’origine des personnes migrantes. C’est tout particulièrement le cas des personnes originaires d’ex-Yougoslavie. En effet, la migration est accompagnée d’une mobilité professionnelle descendante impliquant une déconnexion entre le statut professionnel en Suisse et le niveau de formation acquis dans le pays d’origine (Gomensoro & Bolzman, 2015, 2016).

Le sexe a lui aussi un impact sur le parcours de formation, ainsi comme le relèvent Ress et Azzolini (2014) en Italie. Le système de formation suisse est lui aussi segmenté horizontalement, les filières générales et universitaires étant plus fréquentées par des femmes que les filières duales pour lesquelles elles doivent présenter de meilleurs certificats à l’entrée. Au sein des filières professionnelles, une seconde ségrégation s’opère;

les cursus les plus prestigieux, longs et rémunérateurs étant considérés comme masculins (Giudici & Gauthier, 2009; Zimmermann & Seiler, 2019).

De plus, Andres Gomensoro (2014) a étudié la réussite subjective des projets de formation, il en ressort que les femmes atteignent moins fréquemment leurs objectifs; de plus, le processus de sélection semble être bien accepté, y compris parmi la population orientée vers des parcours à exigences élémentaires (Gomensoro, 2014).

Il est par ailleurs relevé dans plusieurs travaux que les inégalités se cumulent bien souvent durant le parcours de formation, notamment quant à l’origine migratoire, au sexe ou aux niveaux socioéconomiques, ce que les sciences sociales décrivent comme l’intersectionnalité des statuts (Falcon, 2016a; Meyer, 2009).

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1.1.3 L’insertion en emploi

S’il semble clair au vu de la littérature présentée précédemment que l’origine sociale ait un effet sur les parcours de formation, il est possible qu’une fois ces premiers déterminismes passés, la mobilité sociale soit réellement méritocratique – c’est-à-dire que les statuts sociaux soient entièrement dépendants du niveau d’éducation.

Il s’agit maintenant d’étudier ce que dit la littérature sur l’impact de l’origine sociale sur la mobilité abstraction faite de l’éducation. Cet effet est nommé par la littérature anglophone Direct Effect of Social Origin on status attainment (DESO) que nous avons traduit par Effet Direct de l’Origine Sociale sur le statut atteint (EDOS) (Jackson et al., 2005).

De nombreuses études tendent à infirmer le postulat de la méritocratie, que ce soit en Suisse ou en Europe. De plus, il semble que la tendance de l’EDOS ne soit pas à la diminution de son intensité, mais à la stagnation voire à l’augmentation (Ballarino &

Bernardi, 2016; Falcon, 2016b; Jackson et al., 2005).

L’origine sociale des élèves semble agir de différentes manières sur la mobilité sociale, tant ascendante que descendante. Une étude sur le cas britannique a mis en lumière deux effets opposés, un plafond et un plancher de verre. Ainsi, les personnes issues de milieux favorisés arrivent à éviter une mobilité descendante ; à l’opposé, celles issues de milieux populaires sont bloquées dans leur ascension statutaire. Plusieurs explications sont apportées à ce phénomène. Tout d’abord, le locus of control qui représente la perception qu’ont les agent.e.s du contrôle qu’iels exercent sur leur parcours (Gugushvili et al., 2017).

Le locus of control est corrélé positivement à la position sociale. D’autre part, les aptitudes cognitives tendent aussi à être corrélées positivement à la classe sociale. Ainsi le manque de confiance de personnes issues de milieux populaires peut créer un plafond de verre et les capacités cognitives peuvent permettre à des personnes privilégiées une plus grande progression dans leur carrière. Il demeure tout de même que le niveau d’éducation atteint a un fort impact sur la position occupée (Gugushvili et al., 2017).

Une recherche menée par Wiedner et Schaeffer (2020) sur des données allemandes et britanniques explore plus avant les conditions de possibilité du maintien intergénérationnel du statut social de personnes n’ayant pas de hautes qualifications, mais étant issues de milieux favorisés. Tant en Allemagne qu’au Royaume-Uni, ce type de trajectoire est observé en contradiction avec les théories du capital humain. En effet, les diplômes doivent permettre aux employeur.euse.s d’évaluer la productivité potentielle des demandeur.euse.s d’emploi et leur adéquation avec le poste offert. Deux pistes sont explorées par Wiedner et Scheaffer (2020) : le capital social et la socialisation de classe – le capital culturel. Selon eux, le capital social peut permettre d’avoir des informations sur les places vacantes et les opportunités professionnelles. L’importance des réseaux sociaux

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dans la recherche d’emploi a, par ailleurs, souvent été pointée comme source d’embauches, notamment par les informations sur les postes disponibles obtenues par l’entremise du réseau social (Granovetter, 1973).

En revanche, cela ne peut pas expliquer pourquoi des personnes a priori inadaptées à un poste donné l’obtiennent face à des concurrent.e.s mieux qualifié.e.s. Différentes variables portant sur des traits cognitifs et non cognitifs sont utilisées pour prédire la sous- éducation. Le locus of control, les traits entrepreneuriaux, l’International Socioeconomic Index of occupational status (ISEI) parental (Ganzeboom & Treiman, 1996) et la propension au risque sont liés positivement à la sous-éducation dans les deux pays. Le Quotien Intellectuel (QI) n’y est lié qu’au Royaume-Uni. Il faut encore relever que l’influence de l’ISEI parental est plus forte en Allemagne, cela permet de penser que le poids de l’origine sociale est plus fort dans le pays de Goethe et que celui de Shakespeare donne plus d’importance aux caractéristiques individuelles (Wiedner & Schaeffer, 2020).

Bernardi et Ballarino (2016) ont, eux aussi, étudié le lien entre formation emploi et classe sociale en se focalisant sur les milieux privilégiés dans 14 pays occidentaux. Ils soulignent deux effets. Le premier, l’effet compensatoire est le même que précité. Parmi les personnes avec un bas niveau d’étude, l’ISEI des parents permet de compenser le désavantage sur le marché du travail. Le second, l’effet boost, permet dans certains pays de maximiser l’avantage obtenu par une éducation tertiaire parmi les familles nanties. Il demeure que selon eux cet effet ne se présente pas de manière forte en Suisse en raison de la relative faible participation de la population à l’éducation supérieure accroissant de manière forte la demande pour ces qualifications (Ballarino & Bernardi, 2016).Par ailleurs les formations duales sont fortement valorisées en Suisse, rendant le passage vers ces formations très acceptable socialement, baissant de ce fait l’engouement pour les formations générales. Une explication alternative et compatible avec la faible proportion d’universitaires serait la sélectivité du système scolaire conduisant à une sursélection des classes populaires et conduisant à ne retenir parmi elles que des personnes hautement performantes et motivées, leur donnant un avantage dans l’emploi (Bourdieu & Passeron, 1970).

Plus avant dans leur analyse, Ballarino et Bernardi (2016) explorent les mécanismes à l’origine de ces effets. Le capital économique peut avoir deux effets, d’une part le transfert financier direct, soit d’une entreprise soit des ressources pour en fonder une; d’autre part, avoir une sécurité financière permet de faire des choix risqués en début de carrière, ce que l’on peut relier avec l’effet positif de l’ouverture au risque chez Wiedner et Schaeffer (2020). Le capital social peut, lui aussi, avoir deux effets distincts, mais pouvant se superposer. D’un côté, l’accès à des canaux d’informations utiles – via les réseaux

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familiaux – pour se positionner dans l’emploi, de l’autre l’ingérence directe dans le processus d’embauche afin de favoriser la candidature d’une personne venant de la classe sociale dominante. Ces éléments sont similaires à ceux avancés par Wiedner et Schaeffer (2020) et Granovetter (1973). Ensuite vient la transmission de compétences non cognitives, pouvant être cruciales dans certains milieux professionnels, notamment la confiance en soi ou les compétences sociales. Finalement viennent les aspirations de carrière qui peuvent avoir un impact sur la motivation à éviter une mobilité descendante parmi les privilégié.e.s. (Ballarino & Bernardi, 2016).

Ingrid Schoon (2008) a travaillé tout particulièrement sur la motivation à l’école et son lien avec le statut social d’origine et le statut professionnel en début de carrière au Royaume- Uni. L’usage de modèles à équations structurales lui permet de comparer les effets conjoints des aptitudes cognitives et du milieu d’origine sur la motivation à l’école, puis de cette dernière sur le nombre d’années passées en études et finalement le lien avec de cette dernière variable sur le statut atteint. Et ce, tout en contrôlant les effets successifs de la classe d’origine et des aptitudes cognitives sur la chaine motivation-éducation-emploi. Il ressort que la motivation est plus influencée par le milieu social que par les aptitudes – pour la cohorte de 1970 – et qu’à son tour la motivation a un impact fort sur le nombre d’années passées en formation (Schoon, 2008).

De manière analogue, Schoon et Polek (2011) ont étudié les aspirations professionnelles, plutôt que la motivation scolaire, des résultats très similaires ont été trouvés. Une médiation des aptitudes et du milieu par, respectivement, la motivation scolaire et l’aspiration professionnelle est vraisemblable selon elles (Schoon & Polek, 2011). Dans le prolongement de ces articles, il est possible que l’aspiration professionnelle et la motivation scolaire soient fortement liés, expliquant ainsi la similitude de ces résultats.

Michelle Jackson (2007) met, quant à elle, un autre mécanisme en avant pour expliquer l’effet de plancher de verre. Toujours au Royaume-Uni, au travers d’une analyse de contenu des offres d’emploi un codage des prérequis méritocratiques – p. ex. leniveau d’étude, les compétences techniques, les langues maîtrisées – et non méritocratiques – p. ex.

l’apparence, l’aisance sociale, le langage – met en lumière que les postes codés comme prestigieux comportent d’importantes proportions des deux types de prérequis. La combinaison d’attentes méritocratiques ou non méritocratiques varie pour différents types de postes codés prestigieux, par exemple les postes de cadres supérieurs requièrent d’importants prérequis non méritocratiques, alors que des postes d’experts ou de spécialistes sont plus orientés vers des prérequis techniques. Il est donc possible d’avoir une mobilité ascendante via un haut niveau d’éducation tandis que les personnes issues

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d’un milieu privilégié évitent une mobilité descendante via des compétences transmises par le milieu social (Jackson, 2007).

Une étude qualitative sur les candidat.e.s à l’embauche dans des cabinets d’avocats prestigieux aux États-Unis, montre que la classe sociale joue effectivement un rôle majeur sur les probabilités d’embauche dans ce segment du marché de l’emploi. De plus, un effet de sexe1 y est lié, alors que l’effet est positif pour les hommes, les femmes issues de la haute société sont pénalisées en raison des normes de maternité intensives en vigueur dans ce milieu et le manque de motivation financière qu’on prête à leur activité professionnelle, perçue comme accessoire (Rivera & Tilcsik, 2016).

La mobilité sociale en Italie a été abordée par le biais d’analyses de séquences d’emploi par Ivano Bison (2011). Alors que la majeure partie des séquences montrent une immobilité (78%) – y compris chez les personnes détenant un diplôme tertiaire, la classe d’origine joue un rôle crucial dans les trajectoires professionnelles ascendantes et descendantes.

L’impact de la classe sociale est tout particulièrement fort pour les personnes ayant un niveau de formation moyen (Bison, 2011).

La durée et l’efficacité de la transition semblent aussi être liées à la classe sociale d’origine des personnes en raison de plusieurs mécanismes. Les personnes d’origine privilégiées bénéficient de plus d’appuis et d’informations pour planifier leur carrière. De plus, elles affichent des aspirations plus élevées que leurs homologues de milieu populaire. La fonction qu’accordent ces dernier.ère.s au travail est plus souvent de l’ordre de la survie alimentaire que de la réalisation de soi (Blustein et al., 2002; Schoon & Polek, 2011). Ces différences d’atouts et d’attentes vis-à-vis de l’emploi conduisent les personnes de milieu populaire à passer plus de temps dans des emplois précaires et peu valorisés (Furstenberg, 2008).

Il faut maintenant considérer plus spécifiquement la période de transition entre la sortie de l’école et le début de la carrière professionnelle. Une littérature abondante traite de ce sujet nommé en anglais School To Work transition (STW). Nous garderons ici l’expression anglaise pour ne pas confondre ce concept théorique avec notre base de données.

Cette période des parcours de vie s’apparente plus à une séquence d’événements qu’à un événement unique – la prise du premier emploi. La littérature considère en effet qu’elle s’étend jusqu’à l’obtention d’une situation stable en emploi. Durant cette période, il n’est pas rare que les personnes soient dans des situations d’emploi précaire, caractérisées notamment par de faibles rémunérations, des contrats à durée déterminée ou des emplois en inadéquation avec la formation (Gebel, 2019).

1 L’article de Rivera et Tilcsik (2016) utilise le terme gender [genre], cependant seule la dichotomie homme /

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La STW est impactée par différents facteurs agissant sur la durée de la transition et ses résultats. Le parcours de formation initiale joue un rôle important, les personnes étant spécialisées tendant à trouver plus vite un poste en adéquation avec leur formation, et ce tout particulièrement dans le cas des apprenti.e.s. À l’inverse, les personnes ayant une formation générale doivent attendre plus longtemps avant de trouver une situation stable.

Cet avantage initial est particulièrement prononcé dans les pays avec un système d’apprentissage. Cependant, cet avantage se réduit avec le temps, une moins grande progression salariale et de plus hauts taux de chômage sont attestés par la suite (Hanushek et al., 2017; Oesch & Korber, 2016).

Étudiant le contexte de l’entrée en emploi en Suisse, Thomas Meyer (2018) montre qu’il est fortement impacté par le système de formation. Des schémas de transition distincts entre personnes au bénéfice d’une formation professionnelle et celles ayant accompli une formation générale sont ainsi créés. Tant la mobilité professionnelle et la sécurité de l’emploi à long terme sont devenues l’apanage des détenteur.ice.s d’un diplôme de degré tertiaire (Meyer, 2018).

De plus, une étude récente a étudié l’activité professionnelle et le salaire tout au long de la carrière pour différents types de formation en Suisse (Oesch & Korber, 2016). Il en ressort qu’entre 20 et 30 ans pour les hommes et entre 20 et 25 pour les femmes, le fait de détenir un titre du secondaire II professionnel est associé à des taux d’emploi plus hauts que pour toutes les autres catégories. Cependant, cet avantage se réduit au cours de la vie. De plus, les emplois liés à ces formations affichent des progressions salariales bien moindres que celles des personnes détentrices d’un diplôme du tertiaire. S’ajoutent à cela des effets de sexe, faisant que les hommes disposant d’un diplôme du secondaire II professionnel sont mieux lotis en termes de progression salariale que les femmes dotées de diplômes similaires.

De fortes discriminations sur le marché de l’emploi sont observées, et ce, notamment en fonction du sexe ainsi que des origines migratoires et sociales. Ces discriminations sont plus faibles parmi les personnes ayant une formation universitaire. Deux mécanismes sont pointés pour expliquer ce phénomène. D’une part, la forte ségrégation horizontale des emplois requérant une formation professionnelle – de même que celle préalable de ces formations – génère d’importants effets de sexe; d’autre part, la faible proportion de personnes disposant d’une formation tertiaire accroit la demande pour ces profils. Les chances d’accès à la classe moyenne supérieure sont systématiquement plus importantes pour les personnes issues de ces mêmes classes, quel que soit le niveau de diplôme atteint. Ce constat est cependant particulièrement marqué pour les titulaires d’un diplôme professionnel supérieur, tant bien même que ces formations sont particulièrement mixtes

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socialement (Falcon, 2016a, 2016b; Meyer, 2018). Zimmermann et Seiler (2019) mettent en lumière une interaction entre le sexe et la classe sociale quant à l’écart salarial, ainsi, le fait d’appartenir à un milieu d’origine populaire prétérite les femmes tout particulièrement.

Dans le cadre d’un travail sur les données TREE, Gauthier et Gianettoni (2013) ont abordé le poids du sexe sur la transition de l’école à l’emploi. La ségrégation genrée des filières professionnelles produit et est produite par différents phénomènes sociaux impactant la transition de l’école à l’emploi et la construction des identités de genre. Les filières professionnelles les plus prestigieuses, consécutives à des formations plus longues, donnant à accès à de meilleures rémunérations et à plus d’évolutions de carrière sont associées à la masculinité. Cela a un impact direct sur l’estime de soi des personnes issues de l’éducation professionnelle, les femmes ayant une moindre estime d’elles-mêmes que leurs homologues, excepté dans le cas où elles suivent une voie contraire à leur stéréotype de genre. Cela se répercute sur un moins bon sentiment d’intégration à l’entreprise. Cette socialisation différentielle, accrue par le système de formation professionnelle à pour effet de renforcer, ou du moins de maintenir la division genrée du travail productif et reproductif (Gauthier & Gianettoni, 2013). À cela s’ajoute que la transition à la parentalité accroit encore ces écarts de positions dans l’emploi, dans le contexte suisse d’état providence conservateur (Palier, 2006). Une baisse du taux d’emploi des femmes ainsi qu’une forte augmentation de temps partiel pour ces dernières est attestée (Giudici &

Schumacher, 2017; Strub, 2003)

1.2 Problématique, question de recherche et hypothèses

Cette revue de la littérature permet de définir notre problématique et d’élaborer deux séries d’hypothèses. La première série (notées H.ed.n) portera sur les parcours de formation et la seconde (notées H.em.n) sur l’insertion en emploi. La question de recherche pour laquelle nous allons proposer des réponses est la suivante:

Quelles relations entretient l’origine sociale avec les parcours de formation et l’intégration en emploi en Suisse?

En se basant sur les travaux de Pierre Bourdieu l’on peut s’attendre à ce que les personnes d’origine sociale privilégiée aient des parcours de formation tendant vers l’obtention de diplômes de niveau tertiaires (Bourdieu, 1966). Par ailleurs, le système de formation suisse étant très segmenté horizontalement une interaction avec le sexe a probablement lieu, les femmes étant plus susceptibles de suivre une voie générale et donc d’atteindre un niveau d’éducation tertiaire (Giudici & Gauthier, 2009).

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L’impact de l’origine migratoire sur les parcours de formation ne sera pas étudié en tant que tel, car ses effets sont trop complexes à modéliser en raison de leur probable hétérogénéité, nous l’introduirons tout de même en tant que variable de contrôle dans nos modélisations (Gomensoro & Bolzman, 2016; Meyer, 2009). Un contrôle pour les régions linguistiques sera aussi effectué dans nos différents modèles.

H.ed.1: Les personnes d’origine sociale supérieure ont plus tendance à suivre des formations tertiaires que les autres.

H.ed.2: Les femmes ont plus tendance à suivre une formation comprenant des épisodes de niveau tertiaire.

La seconde série d’hypothèses se concentre sur l’insertion en emploi – considérée sur le plan salarial et sur l’activité. De prime abord, il semble pertinent de s’attendre à ce que le milieu social ait des effets différents – du moins en intensité – en fonction des parcours de formations, les formations supérieures lui donnant moins de force. Nous nous attendons à ceci en raison des effets compensatoires et de boost ainsi qu’en raison des plafonds et planchers de verre (Ballarino & Bernardi, 2016; Gugushvili et al., 2017; Jackson, 2007).

Dans le cas des effets de sexe, nous nous attendons à ce qu’ils soient particulièrement forts pour les personnes ayant un niveau de formation professionnelle en raison de la forte ségrégation horizontale des apprentissages, de plus une interaction avec la classe sociale est attendue, accroissant les effets négatifs de cette dernière (Falcon, 2016a; Meyer, 2018;

Zimmermann & Seiler, 2019). Les effets mis en avant par Rivera et Tilcsik dans les études d’avocat.e.s étatsuniennes ne sont pas en l’état généralisables et peuvent être localisés particulièrement sur ce segment du marché du travail, il n’est donc par certain que le genre médie l’effet de la classe sociale pour les femmes issues des classes privilégiées (Rivera & Tilcsik, 2016).

Finalement, nous attendons encore que la durée de la transition en emploi soit plus longue pour les personnes au bénéfice d’une formation générale vis-à-vis de celles au bénéfice d’une formation professionnelle (Hanushek et al., 2017).

H.em.1: L’effet de la classe sociale est plus fort chez les personnes avec une formation professionnelle.

H.em.2: Les effets de sexe sont particulièrement forts parmi la population bénéficiant d’une formation professionnelle, de plus une interaction avec la classe sociale à lieu dans ce cas.

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2 Données

Ce travail se fonde sur les données de la première cohorte de la base de données TRansitions de l’École à l’Emploi ( TREE1), cette dernière est produite par l’institut éponyme de l’Université de Berne avec le financement du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNS) et porte, comme son nom l’indique, sur la transition de l’école à l’emploi en Suisse.

La première cohorte concerne un échantillon représentatif de la population, suivie longitudinalement entre 2000 et 2014. L’année 2000 correspond au moment où la cohorte a passé l’examen du Programme for International Student Assessment (PISA), un programme international de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) ayant pour objectif de recueillir des données sur la situation scolaire des étudiant.e.se parmi les états membres de l’OCDE. La population initiale de l’échantillon a été construite avec des personnes ayant terminé le secondaire I en 2000 et ayant répondu à l’enquête PISA.

Neuf vagues d’enquête successives ont été réalisées entre 2001 et 2014, annuellement jusqu’en 2007 (vague 1 à 7), puis en 2010 et 2014. Les quatre premières vagues ont été réalisées à l’aide de questionnaires écrits combinés à des entrevues téléphoniques; les vagues cinq à neuf ont été réalisées par entrevues téléphoniques assistées par ordinateur (CATI), complétées par des questionnaires écrits complémentaires.

Les données TREE contiennent plusieurs bases de données complémentaires portant sur les mêmes observations. Plusieurs d’entre elles sont employées dans ce travail, d’une part celle portant sur les résultats de l’enquête PISA de 2000, d’autre part les données issues de différentes vagues longitudinales de l’enquête et finalement une base de données longitudinale regroupant les épisodes mensuels de formation entre 2000 et 2014, cette dernière est une version non publiée des données TREE.

2.1 Sous-échantillons

L’échantillon brut comportait 6’343 observations en 2000, deux sous-échantillons sont employés dans ce travail. Le principal comporte 2’708 observations ; le second utilisé dans la partie traitant spécifiquement de l’emploi en comporte 2’167, ce dernier est un sous- ensemble du premier échantillon. La réduction du nombre d’observations dans ces sous- échantillons est due à diverses raisons.

En premier lieu, l’attrition de l’échantillon pendant la récolte de données par l’institut TREE a rapporté ce nombre à 3’142 observations en 2014, il est en effet courant dans les

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enquêtes longitudinales que certaines personnes cessent de répondre. Afin de produire par la suite une typologie des parcours, seules les observations suivies jusqu’en 2014 peuvent être conservées.

Ensuite, un travail de nettoyage de la base de données a été nécessaire afin de produire le fichier séquence. En effet, la base de données contenant les épisodes de formation mensuels n’ayant pas été publiée un certain nombre de séquences comportait des données manquantes ou incohérentes rendant l’analyse ultérieure de ces séquences impossible. Le nettoyage a concerné tout d’abord des observations dont le début des épisodes de formation était antérieur à 2000, cela concerne 506 observations. Ensuite, un contrôle des dates de début et de fin des épisodes de formation a été nécessaire, afin de s’assurer que la première était inférieure à la seconde, dans le cas contraire, les observations concernées ont dû être supprimées, deux observations ont été concernées par cette procédure.

Finalement, il a été nécessaire de s’assurer que l’ensemble des individus ont été observés jusqu’en 2014, afin de s’assurer qu’une absence de statut de formation corresponde bien à une sortie du système de formation et non pas à une absence de récolte. Ainsi, la base de données finale employée dans cette recherche comporte 2’708 observations, pour lesquelles l’ensemble du parcours de formation est connu mensuellement. L’usage des pondérations fournies dans la base de données TREE permet cependant de compenser partiellement les biais de sélection engendrés par le tri des données.

Le second sous échantillon a été produit, car les analyses portant sur l’emploi et impliquant des techniques de Machine Learning ne tolèrent aucune donnée manquante parmi les variables, il a donc fallu supprimer toutes les observations pour lesquelles des valeurs étaient manquantes, cela ramène ce second échantillon à 2’167 observations.

2.2 Parcours de formation

Afin de rendre compte des trajectoires de formation et de proposer une synthèse de la diversité des parcours rencontrés, un fichier contenant l’ensemble des séquences

individuelles a dû être produit par nos soins. Ce fichier ainsi que la typologie de parcours présentée par la suite ont été réalisés à l’aide du package R TraMineR (Gabadinho et al., 2011; R Core & Team, 2020)

La première étape de ce processus a été de définir les différents états possibles dans les séquences, ces états correspondent au statut de formation que peuvent rencontrer les membres du sous-échantillon. La variable originale contenant cette information – educ22 – comprenait 24 modalités différentes en incluant l’absence d’épisode de formation. Ces dernières correspondent à des données manquantes portant sur des personnes toujours suivies par TREE, mais qui ne sont plus en formation.

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La création d’un fichier de séquences comprenant 24 états possibles n’étant pas envisageable ni souhaitable, les modalités de la variable educ 22 sont regroupées en une nouvelle variable Formation comprenant 6 modalités. Ces états sont: Secondaire II professionnel, comprenant les CFC et les diplômes; Secondaire II général et maturités, comprenant les formations gymnasiales et les maturités professionnelles; Tertiaire pro comprenant les formations tertiaires professionnelles ; Tertiaire uni comprend les formations tertiaires universitaires; Autre formation, comprenant les formations continues, complémentaires et les cours de langue notamment; Hors formation, comprend les épisodes de formation manquants, mais non liés à une absence de réponse au questionnaire. Le tableau 33 en annexe présente le détail complet des recodages effectués pour produire cette variable.

Figure 1: Représentation des séquences

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Le début des séquences a été fixé au mois de septembre 2000. En effet à cette date, l’ensemble des individus entamant une transition en 2000 peuvent être codés selon leur état de l’année évitant ainsi les imprécisions liées au flou entre la fin d’une formation en juin et le début de la suivante fin août – début septembre.

La figure 1 ci-dessus représente l’ensemble des séquences ainsi produites, la partie de gauche selon leur la fréquence des états de l’échantillon à chaque période, il est donc possible d’y voir comment se répartit l’échantillon en fonction des états au fil du temps. La partie de droite présente l’ensemble des séquences classées à partir du mois de septembre 2000, il est donc adapté pour observer quels sont les différents parcours présents dans l’échantillon.

2.2.1 Typologie

Afin de déterminer plus précisément quelles trajectoires sont fréquentes dans l’échantillon, la création d’une typologie de séquences a été nécessaire, la création de cette typologie se résume à placer chaque séquence d’états (les parcours individuels) dans un certain nombre de groupes. Diverses méthodes ont été employées pour obtenir une typologie optimale. La recherche d’optimalité de la typologie est à la fois théorique et technique. Sur le plan théorique, l’objectif est d’obtenir des groupes cohérents avec les objectifs fixés par les analyses. Sur le plan technique, il s’agit de se baser sur des statistiques indiquant une typologie techniquement optimale.

Sur le plan technique, deux étapes sont nécessaires pour aboutir à une typologie. En premier lieu, les séquences sont comparées afin de déterminer quel est leur degré de proximité, le résultat de cette étape produit une matrice de distance. En second lieu, une classification des séquences est opérée via des techniques de clustering. Il s’agit de créer des groupes cohérents sur le plan statistique, notamment en minimisant les différences entre séquences à l’intérieur des groupes retenus ou en maximisant les différences entre groupes de séquences distincts.

Nous avons testé différents algorithmes pour produire la matrice de distance à la base du clustering, les différentes méthodes introduisant in fine des différences dans les typologies produites. En effet, afin de produire les mesures de distances, chaque méthode se focalise sur l’une ou l’autre des propriétés des séquences.

Certaines mesures se centrent sur le Timing, soit le moment où un individu se trouve dans tel ou tel état. La méthode Longest Common Subsequence (LCS) regroupe les séquences avec le plus d’épisodes en commun, prend donc en compte la durée des états. Cette mesure est plus à même de différencier des typologies selon le morcellement des états. Le séquençage met quant à lui l’accent sur l’ordonnancement des états. Ces différentes

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propriétés des séquences ne sont évidemment pas indépendantes les unes des autres, il est donc courant que les typologies issues de mesures de distances distinctes produisent des résultats similaires (Studer & Ritschard, 2016).

Les mesures de Hamming sont particulièrement sensibles au Timing des états, les mesures LCS sont plus sensibles à la distribution des états et au séquençage. L’Optimal Matching (OM) prenant en compte la complexité de l’ensemble des séquences a donné des résultats similaires sur un plan statistique, les mesures LCS sont légèrement meilleures sur ce plan, bien que ne présentant pas de résultats se démarquant massivement des autres méthodes.

Dans un deuxième temps, deux méthodes de clustering ont été testées, le clustering hiérarchique de Ward et la Partition Autour des Médoïdes (PAM) [traduction de l’anglais Partition Around Medoids]. La méthode de Ward, divise l’échantillon en sous-groupes afin de minimiser l’hétérogénéité des séquences à l’intérieur de ceux-ci. La méthode PAM construit des groupes centrés autour d’une valeur centrale – le médoïde ; les typologies issues de cette méthode tendent à être de même taille. De plus afin de minimiser la dépendance liée au point de départ employé par PAM pour produire les typologies nous avons utilisé les clustering hiérarchiques de Ward pour initialiser les typologies.

Les trois différentes mesures de distance ont donné lieu à deux clustering chacun, un selon la méthode Ward et un selon la méthode PAM. Après avoir comparé les différentes solutions de clustering proposées, les meilleures solutions ayant émergé sont les répartitions en cinq ou six groupes avec une matrice de distance LCS, et la méthode PAM, les figures 3 et 4 ci-dessous présentent les résultats du clustering en cinq groupes.

Figure 3: Fréquence des états pour la typologie en 5Figure 2: Séquences individuelles pour la typologie

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La solution en cinq groupes présente les typologies suivantes, la première caractérisée par un passage du secondaire professionnel au niveau tertiaire professionnel (SP – Tpro), une deuxième typologie concerne les parcours de personnes ayant fait le secondaire général et poursuivant ensuite la voie universitaire (SG – Tuni). La typologie suivante se caractérise par une formation secondaire générale suivie d’une formation tertiaire professionnelle (SG -Tpro). Les deux dernières typologies sont proches l’une de l’autre, les deux impliquent une formation secondaire professionnelle, dans un cas suivi l’arrêt de la formation (SP – HF). Dans l’autre groupe (SP – AF), on peut relever la présence de formations avant et après le passage par le secondaire, ainsi que des durées plus longues des formations secondaires professionnelles.

Les solutions à 6 groupes présentées par les figures 4 et 5 ci-dessus proposent une typologie proche de celle ci-dessus. La différence étant que la catégorie concernant les personnes issues du secondaire professionnel et entreprenant des études de niveau tertiaire professionnel, se trouve dédoublée, la catégorie SP – Tpro1 regroupant les personnes entamant directement une formation tertiaire professionnelle et la catégorie SP – Tpro2 regroupant les personnes entamant une formation tertiaire après une période hors du système de formation.

Afin d’avoir une indication plus précise de la pertinence de l’ajout d’une catégorie supplémentaire à notre typologie nous avons conduit des analyses de régression entre nos typologies en variable indépendante avec comme variables dépendantes pour un modèle Figure 5: Fréquence des états pour la typologie en 6

groupes avec la méthode PAM

Figure 4: Séquences individuelles pour la typologie en 6 groupes avec la méthode PAM

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