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Vasques et terrasses de tuf et de travertin
PITTARD, Jean-Jacques, DELLA SANTA, Jean
PITTARD, Jean-Jacques, DELLA SANTA, Jean. Vasques et terrasses de tuf et de travertin.
Revue polytechnique , 1942, p. 3-12
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142130
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SOCIÉTÉ SUISSE DE SPÉLÉOLOGIE
VASQUES
ET TERRASSES DE TUF ET DE TRAVERTIN
PAR
Jean-]. PITTARD et Jean DELLA SANTA
Extrait du Bulletin de la Société Suisse de Spéléologie du 25 novembre 1942
GENÈVE
IMPRIMERIE DE LA TRIBUNE DE GENÈVE Rue du Stand, 42
1942
VASQUES
ET TERRASSES DE TUF ET DE TRAVERTIN
par
J.-J. PITTARD et Jean DELLA SANTA
Dans les roches tufeuses se trouvent parfois des bassins de plus ou moins grande étendue que l'on appelle vasques.
Les végétaux concourent généralement à l'édifi- cation des murs de retenue. Ils peuvent le faire de deux façons :
r) Des débris végétaux s'entassent sur le passage de ruisseaux dont l'eau est très calcaire. Ils s'incrus- tent alors et forment des barrages.
2) Divers organismes, des algues et des mousses facilitent le dépôt calcaire et permettent ainsi la constitution de digues.
Nous avons eu l'occasion d'étudier en Suisse quel- ques cas de vasques qui se sont formées selon la première façon. Aux Chaudannes, près de Gryon (et. de Vaud), on trouve un important gisement de tuf qui est indiqué dans la feuille Diablerets del' Atlas géologique de la Suisse 1 . On peut y voir une petite vasque dont les bords sont constitués par une agglo-
1 LUGEON, Maurice : Atlas géologique de la Suisse, Feuille N° I9, Diablerets, I.25000.
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mération de feuilles de saule enserrées par une con- crétion calcaire; une petite cascade dont l'eau tombe sur un sol plat emmène avec elle des feuilles et des brindilles qui proviennent d'un saule situé au-dessus.
Ces matériaux, entraînés par un faible courant, finissent par se déposer en demi-cercle autour du point de chute. Qu'il survienne une période de séche- resse et, à la suite de l'évaporation de l'eau, le carbo- nate de chaux se déposera sur ces feuilles, les fixant ainsi au sol. Dès que le ruisseau reprend son cours, de nouveaux corps flottants viennent s'arrêter sur ce petit seuil circulaire et ainsi, peu à peu, un barrage s'édifiera, retenant l'eau d'une vasque.
(Photo J. Della Santa) Petite vasciue en formation aux Chaudannes près de Gryon. - Les bords sont constitués par une agglomération de feuilles de saule
enserrées par une concrétion calcaire.
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Un autre exemple, beaucoup plus joli, se remarque sur la rive gauche de la Gryonne, dans la forêt de Fenalet, un peu au-dessous de la route du Coulat.
Là apparaît une source très tufeuse qui a laissé
(Photos J, Della San la) Pet!tes vasques de la forêt du Fenalet près de Bex. - Les rebords sont constllués par des débris végétaux agglomérés par le tuf calcaire.
d1abondants dépôts s'étendant sur deux cents mètres environ. Le petit cours d'eau, constitué par cette source, se nomme le Bey de la Coulisse. Il passe au-dessus des vastes galeries des mines de sel de Bex (niveau du Bouillet) et notamment dù grand puits de la Coulisse 1. De la source à la Gryonne, où elle
1 Le puits du BeY, de la Coulisse, haut <le 84 m., est un importa nt travail de recherche qui s'élève au-dessus de la galerie principale du Boui.Ilet, longue de près de
km.
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se jette, la différence de niveau est de cinquante mètres. Un peu au-dessus nous trouvons un massif peu important de gypse appartenant au Trias et, plus haut, séparées par des formations glaciaires, des roches appartenant au Lias. Le ruisseau descend dans une magnifique forêt de sapins au pied desquels on peut voir, au printemps, de grands champs de perce-neige. Il a construit dans la première partie de son cours une série de vasques disposées en escalier, formant une quinzaine de petits bassins. Là aussi nous voyons l'influence de débris végétaux qui, s'accumulant sur le parcours de sources fortement calcaires, ne tardent pas à favoriser la construction de barrages aux dimensions très variables.
(Photo Jean Della Santa) Les vasques du Fenalet en période de crue : l'eau passe au-dessus
et au travers des petits murs de retenue.
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Un autre mode de construction est dû à l'action d'organismes vivants qui fixent le carbonate de chaux.
On sait par exemple que dans les mers tropicales, Bacterium calcis effectue la sécrétion de très fines particules calcaires; les coraux proprement dits
(Photo E. Chaix) Grande terrasse de travertin dont l'épaisseur atteint une trentaine
de mètres (Yellowstone, U.S.A.).
(Madrépores) sont principalement formés de CaC03 ; dans les Alcyonaires, on trouve aussi du carbonate de magnésium et du phosphate de calcium (chez Phyllogorgia quercifolia on a trouvé IS,73% de MgC03 et 8,57% de Ca3P 208). La participation fré- quente de matières organiques à la formation des calcaires explique l'existence de matières bitumi- neuses dans beau'coup de ces roches. ·
« Le carbonate formé est en partie de la calcite, en partie de l'aragonite. On peut admettre avec certi- tude que le carbonate de calcium séparé primitive-
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( PJ,olo E. Chaix) Succession de terrasses de travertin formant une quantité de petits
bassins (Yellowstone, U.S.A.).
ment recristallise souvent ultérieurement sous l'in- fluence de l'eau et de l'anhydride carbonique. Ainsi s'explique la fossilisation diagénétique des calcaires coralliens par la dissolution de l'aragonite et son dépôt à l'état de calcite, ainsi que par une dolomitisation. 1 n
Le travertin se forme quelquefois sous les eaux de la mer: alors le mélange de l'élément calcaire avec le gravier donne naissance à une roche particulière, connue sous le nom de panchina.
Dans les eaux douces, on constate que certaines algues s'incrustent de calcaire même dans des sources thermales à température élevée. Des dépôts siliceux sont dus à des algues de la famille des bactériacées (Calothrix, Leptothrix, etc.) qui vivent dans de l'eau ayant 90° et même 93° !
1 RINNE, F. : La science des roches.
J.
Lamarre, édit., Paris. 1928.- g -
Des plantes aquatiques, notamment celles du genre Chara, ont la propriété de précipiter du carbonate de chaux dans l'intérieur de leurs parois cellulaires.
D'autres, comme les mousses Hypwum, Bryum, ou les phanérogames comme Ranunculits, Potamogeton s'incrustent de calcaire à l'intérieur de leurs tissus et donnent lieu à des dépôts de travertin. <<Près de Weissenbrunnen, dans l'Allemagne centrale, on remar- que que les mousses du genre Hypnum font naître un calcaire caverneux mais compact, tandis que le tuf incrustant du Didymodon est poreux. En Ecosse, les tufs calcaires se forment surtout autour des touffes cl'Hypnum commutatum. » (A. de Lapparent.)
L'accumulation de ces incrustations dans les eaux courantes, tombant en cascades, constitue des dépôts de travertin, lequel peut aussi s'établir dans des bassins d'évaporation s'il s'agit d'eaux thermales.
On conçoit, pour le cas des eaux tombant en cascade,
(Photo E. Chaix) Vasques avec rebord en surplomb, ce qui permet d'expliquer la formation d'une ceinture de stalactites (Yellowstone, U.S.A.).
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(Photo E. Chaix) Vasques avec ceinture de stalactites sur le parement aval du barrage
(Yellowstone, U.S.A.).
qu'il puisse s'élever, grâce à des périodes alternati- vement sèches et humides, des bourrelets créani autant de petits barrages retenant l'eau des vasques.
Lorsque le phénomène prend de l'ampleur on a ces magnifiques terrasses étagées . contenant des petits lacs aux eaux limpides. Ces terrasses peuvent prendre d'énormes proportions. Citons, par exemple, le cas des anciens bains de Hiérapolis, en Turquie ; à Pan- bouk-Kalessi, près de Smyrne, les tufs déposés par les eaux calcaires de ces anciens thermes forment une cascade de roo mètres dè hauteur sur 4 kilo- mètres de large, avec un pont naturel semblable à une voûte d'albâtre. Le fond de la vallée du Gardiner's River (Yellowstone, U.S.A.) est tapissé d'une croûte épaisse de travertin calcaire où coule un ruisseau de z mètres de largeur et de o m. 60 de profondeur, à une température de 56°. En remontant, on voit l'incrustation s'étaler sur une pente sous la forme de terrasses ayant près d'une centaine de mètres de
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hauteur. Les plus belles sont celles du White Moun~
tain, dites aussi sources chaudes du Mammouth, où on peut admirer une succession de stalagtites d'un blanc de neige, suspendues à des bassins circulaires étagés.
L'eau des petits bassins circulant très lentement aux périodes sèches franchit goutte à goutte la crête des digues. Grâce à l'évaporation, des dépôts se for- ment sur le bord extérieur du bassin qui finit par s'avancer en surplomb. Les gouttes tombent alors verticalement et les stalagtites s'établissent, se dispo- sant en ceinture autour du parement aval du barrage.
Dans d'autres ·cas, les vasques situées en escaliers sont réunies les unes aux autres par des concr~tions
mamelonnées. Le travertin issu de ces dépôts peut avoir diverses couleurs dues à la présence d'impuretés telles que sels de fer ou de manganèse, par exemple.
On peut voir de ce fait de vastes nappes de ces roches roses ou brunâtres. Si le travertin e.st pur, il est blanc, si blanc même que, de loin, on peut le confondre
(Dessiné par C. Albanesi) Vasques dans les travertins d'Hammam-Meskoutine (Algérie).
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avec de la neige ou de la glace; èomme cette dernière, il peut présenter sur les parois de rocher des succes- sions de colonnes et des sortes de draperies aux plis compliqués.
C'est ainsi que s'obtiennent ces décorations natu- relles si belles que l'on peut admirer tout particuliè- rement au Yellowstone (U.S.A.) , aux thermes de Hiérapolis (Turquie), à Hammam-Meskoutine (Algé- rie) et dans bien d'autres endroits encore.
Stalactites formées sur le parement aval des murs de retenue de vasques importantes. Photo prise dans les vastes dépôts
de travertin de Pamakkale près de Denizli (Turquie).
