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Alimentation des vaches laitières : Comparaison des
recommandations d’apports en minéraux
F. Meschy, L. Guéguen
To cite this version:
F. MESCHY L.
GUÉGUEN
INRA Laboratoire de Nutrition et
Sécurité Alimentaire
78352
Jouy-en-Josas
CedexAlimentation des vaches
laitières :
Comparaison
des
recommandations
d’apports
en
minéraux
Les
apports
minéraux
recommandés
publiés
par
l’INRA
en1978
servent
toujours
de base
enFrance
pour
l’alimentation
minérale de la vache
laitière.
Depuis
lors,
des recommandations
ont
été
publiées
dans
plusieurs
pays,
les valeurs
adoptées
étant
parfois
très
différentes. Il
n’est donc
pas
inutile de
procéder
à
unecomparaison critique
des
principales
&dquo;normes&dquo;
existantes.
Les écarts entre les différents
systèmes
sont surtoutimportants
pour lephosphore
et lecal-cium
(tableau
1) dont lesapports
recomman-dés
peuvent
être évalués par la méthode facto-rielle àpartir
des besoins nets(entretien,
croissance,
gestation
et lactation) et ducoeffi-cient
d’absorption
réelle ou CAR(figure
1).La concordance est meilleure pour le
magnésium,
lesodium,
lepotassium
(tableau1) et les
oligo-éléments
pourlesquels
lesbesoins sont estimés par une méthode
plus
glo-bale basée sur l’observation de
symptômes
de carence ou la mesure de marqueursbiolo-giques
de subcarence.Pour P et Ca notamment, il
peut
existerplusieurs
niveaux de besoin :- le seuil de
carence
correspond
aupremier
degré :
unapport
inférieur se traduit par destroubles
pathologiques ;
- le besoin minimum
apparent,
plus
élevéque le seuil de carence,
représente l’apport
ali-mentairequi
évite toute baisse deproduction
pendant
unepériode
donnée. Ce niveaud’ap-port,
souvent retenu dans lapratique,
paraît
trop
restrictif car il ne tient pascompte
del’état des réserves minérales osseuses : un
apport
insuffisant en Ca et P n’a pas deréper-cussion à court terme sur les
productions
del’animal,
mais se traduit par unedéminérali-sation osseuse ;
- le besoin
optimal,
retenu dans les normesINRA,
est celuiqui
vise àpréserver
l’intégrité
dusquelette,
c’est à dire à assurer un bilan nulchez l’adulte et suffisamment
positif
chezl’ani-mal en croissance.
Il est évident que retenir l’un ou l’autre de
ces niveaux de besoin
peut
conduire à depro-fondes
divergences
dans l’évaluation del’ap-port
alimentairerecommandé,
lui-mêmesupé-rieur au besoin
optimal puisqu’il
inclut unemarge de sécurité tenant
compte
de la forte variabilité inter-individuelle.Résumé
___________________________Il existe un bon accord international pour les recommandations
d’apport
enmagné-sium, sodium, potasmagné-sium,
soufre etoligo-éléments
chez la vachelaitière ;
il subsiste néanmoinsquelques
différences en cequi
concerne lephosphore
et le calcium. L’essentiel de cesdivergences
concerne le besoin d’entretien en P etl’absorption
réelle de Ca. Le faible besoin d’entretien des normes américaines (NRC 1988)correspond
à desrégimes
pauvres enfourrages
pourlesquels
lerecyclage
salivaire de P est faible.L’absorption
réelle de Ca se situe entre 35 et 38 % pour l’ensemble dessystèmes,
àl’ex-ception
du SCA australien (60 %) ; cette valeur résulteprobablement
del’adaptation
parfaite
d’unorganisme
animal soumis à un apportcalcique
très insuffisant, parconsé-quent peu
compatible
avec les conditionspratiques.
Les valeurs retenues pour lacroissance,
lagestation
et la lactation sont par ailleurs trèsproches
dans les différentssystèmes.
Le
système
français
(INRA 78 et INRA 88)représente
en fait de véritablesrecomman-dations
pratiques d’apport
visant à la satisfaction des besoinsphosphocalciques
de tousles
animaux,
incluant parconséquent
une marge de sécurité et prenant en compte lecycle
mobilisation-restauration des réserves minérales osseuses chez la femelle laitière.Ces recommandations sont nécessairement
supérieures
à cellescorrespondant
au strict1
/ Phosphore
et
Calcium
l.i / Les bases
théoriques
du calcul
Les basesthéoriques
desapports
recom-mandés par l’INRA ont été
justifiées
àplu-sieurs
reprises
dans les années 80(Guéguen
1982,
Bouchet etGuéguen
1983,
Guéguen
et al1987,
Guéguen
et al 1989) dans le but de réfu-ter les valeursadoptées
en 1980 parl’Agricultural
Research Councilbritannique
(ARC) pour le besoin d’entretien en P et le coefficient
d’absorption
réelle(CAR)
de Ca. Cette controversescientifique
internationale amaintenant
pris
fin et, àquelques exceptions
près,
les bases de calcul de l’ARC ont été aban-données. Il en résulte un meilleur accordinter-national,
notamment entre les apportsrecom-mandés américains (NRC
1988),
soviétiques
(Annenkov
1979) etfrançais
(INRA 1978,
1988). Les valeurs de l’ARC (1980) sont
indi-quées
dans le tableau 1 comme références debesoin
minimum,
sachantqu’il
nes’agit
pasd’apports
recommandés (avec une marge desécurité) et
qu’elles
n’ontjamais
étéappliquées
sur le terrain.
Pour les vaches en
lactation,
les éventuellesdivergences
sur le besoin d’entretien sontlactation,
lacomposition
minérale du lait étantbien connue et peu variable.
Toutefois,
il subsiste des discordances dans l’évaluation de ce besoin d’entretien (tableau 2)et des CAR de Ca et de P (tableau 3)
qui
sont illustrées par lesapports
recommandés austra-liens (SCA1990),
d’inspiration britannique,
basés sur des CAR encore très élevés pour Ca
(60 %) mais
aussi,
defaçon plus
surprenante,
pour P (70
%).a / Le besoin net d’entretien
Le besoin net d’entretien est souvent
assi-milé à la
perte
endogène
(renouvellementcel-lulaire,
minéraux non réabsorbés contenusdans les secrétions salivaires et
digestives...) ;
;pour
P,
seule lapartie
incompressible
de cettedernière doit être considérée comme le strict
besoin d’entretien dans la mesure où
l’excré-tion
endogène
de Paugmente
linéairementavec
l’ingéré.
Cetteperte
minimale est obtenuequand l’apport
alimentaire de Ppermet
de satisfaire les besoins de l’animal (Braithwaite1985,
Guéguen
et al 1987).Les
régimes
alimentaires à base defour-rages entraînent une excrétion
endogène
fécalenettement
plus
élevée que lesrégimes
conte-nant uneproportion importante
d’alimentsconcentrés
(figure
2). Pour l’évaluation du besoin d’entretien les mesures réalisées dansdes conditions alimentaires normales pour un
ruminant,
c’est à dire avec desrégimes
à basede
fourrages,
ont été retenues pour l’élabora-tion des recommandations INRA. Enrevanche,
les études
ayant
conduit à de faibles valeurs du besoin d’entretien ont été effectuées avecdes
régimes
riches en aliments concentrés(jus-qu’à
100 %) (ARC 1980 dont les données ont étéreprises
par le NRC 1988). Même si lapro-portion
de concentréspeut
êtreimportante
dans le cas de la vache laitière haute
produc-trice,
nos structures et modes deproduction
visent à la valorisation maximale des four-rages, ce
qui
n’est pas nécessairement le casdans d’autres pays.
Par
ailleurs,
des valeurs deperte
endogène
de P inférieures à 20mg/kg
depoids vif/j
ontété obtenues sur des animaux carencés en P se
trouvant dans des conditions
physiologiques
anormales : bilan
phosphocalcique négatif,
chute del’appétit
et de laphosphatémie
(Field
et al
1982,
Boxebeld et al1983,
Meschy
etGuéguen
1987).De
plus,
pour tenircompte
de lalégère
aug-mentation de laperte
endogène
avec laquanti-té de P absorbée (Braithwaite 1985) et avec le
niveau de besoin dans le cas des fortes
lai-tières (Bouchet et
Guéguen
1983),
la valeur du besoin d’entretien en P établi par l’INRAs’ac-croît avec le niveau de
production
laitière (1mg
supplémentaire
par tranche de 5 1 de lait). Les valeursrapportées
dans le tableau 2indiquent
un meilleur accord pour le besoinnet d’entretien de Ca.
Toutefois,
laprise
encompte
de travaux récents montrant que laperte
endogène
de Caaugmente
avec laquan-tité de MS
ingérée
(Braithwaite1983,
Field et al1985,
Chrisp
et al 1989) a amené l’INRA àmoduler là aussi la valeur du besoin net
d’en-tretien :
majoration
de 1mg/kg
de MSsupplé-mentaire
ingérée.
b / Le
coefficient d’absorption
réelleLes valeurs du tableau 3 montrent une
bonne convergence entre les &dquo;normes&dquo;
sovié-tiques,
américaines etfrançaises
tant pour le CAR de P que pour celui de Ca. Cesrecom-mandations s’accordent pour
adopter
unemarge de sécurité afin de tenir
compte
des variations individuelles (le coefficient de varia-tion observé lors de mesures sur animaux est de l’ordre de 10 %) et il estlogique
d’introduirecette marge de sécurité au niveau du facteur le
plus
variable : le CAR(figure 3) ;
ceciexplique
que les valeurs retenuespuissent
êtrelégèrement
inférieures à la moyenne des résul-tatsexpérimentaux.
Le besoin
d’entretien en P est
plus
élevé dans lesystème
français:
ila été déterminé avec des rations à
Les
coefficients
d’absorption
réelle du calcium retenuspar l’INRA sont
plus faibles
que dans les autressystèmes :
ilscomportent
unemarge de sécurité pour tenir
compte
de la variabilité indiaiduelle.
Les valeurs élevées retenues par l’ARC
(1980) doivent être
considérées,
selon les auteurseux-mêmes,
comme des valeurs maxi-mumsupposant
uneadaptation parfaite
de lacapacité d’absorption
intestinale etn’intégrant
aucune marge de sécurité. Les CAR élevés du
SCA (1990) sont
supposés
inclure une margede
sécurité,
cequi
rend encoreplus
surpre-nants les chiffres retenus.
1.
2
/ Les
recommandations
pratiques
d’apports
Le besoin alimentaire strict est obtenu en
multipliant
la somme des besoins nets(entre-tien, croissance, gestation
etlactation)
par100/CAR et
correspond
au besoin alimentaire au&dquo;jour
lejour&dquo;.
Laprise
encompte
decer-taines
particularités physiologiques
conduit àraisonner
l’apport
minéral en termes destraté-gie
cequi
estparticulièrement important
dansle cas de la vache laitière. En
effet,
dans lecadre de la
prévention
des accidentsmétabo-liques,
les recommandationspratiques
d’ap-port peuvent
êtretemporairement
inférieures(pour
stimuler la mobilisation minérale osseu-se en début de lactation dans le cas de la fièvrevitulaire) ou
supérieures (pour
compenser lafaible
digestibilité
dumagnésium
au cours despériodes
où les crises de tétanie sont àcraindre) aux besoins alimentaires stricts.
Pour la vache en
lactation,
ilimporte
de rai-sonnerl’apport phosphocalcique
sur la totalitédu
cycle
deproduction.
Braithwaite (1983) amontré sur brebis que s’il existe un
phénomè-ned’adaptation
del’absorption
de Ca (et de P)durant la
lactation,
celui-ci est décalé dans letemps
et ne devient sensiblequ’à
mi-lactationenviron. Au début du
cycle
deproduction,
etquel
que soit le niveaud’apport,
la femellelai-tière est
incapable
d’absorber suffisamment deCa pour faire face à ses
besoins ;
enrevanche,
pendant
la seconde moitié de lalactation,
l’ab-sorption calcique
peut
être sensiblementsupé-rieure à la demande
(figure
4).La mobilisation des réserves minérales
osseuses est un processus
physiologique
inévi-table en début de lactation et il faut
profiter,
pour lesreconstituer,
de lacapacité
d’absorp-tion
plus
élevéependant
la deuxièmepartie
de la lactation. Deplus,
la brebis allaitante n’est certainement pas le meilleur modèle de lavache laitière haute
productrice
pourlaquelle
il est
permis
de penser que cephénomène
estau moins
équivalent.
En
conséquence,
les recommandations de l’INRAproposent
desapports
modulés selon le stade de lactation :légèrement
inférieurs auxbesoins alimentaires stricts au début du
cycle
et un peu
supérieurs pendant
la secondemoi-tié. Pour
simplifier
lestechniques
derationne-ment, l’effet du stade de lactation a été
pris
encompte
dans l’effet du niveau deproduction
laitière :apports
limités au delà de 30 1 de laitpar
jour
etsupérieurs
aux besoins pour desproductions plus
faibles.Les limites de validité de cette méthode se
situent à des niveaux de
production compris
entre 5000 et 9000 1 de lait. Pour desproduc-tions
plus
élevées il semble difficile d’éviterune certaine fonte osseuse
après plusieurs
lac-tations ;
par contre, pour desproductions
infé-rieures à 5000 1
l’apport phosphocalcique
estlégèrement
excédentaire.2
/
Oligo-éléments
Le tableau 4
indique
les différentesrecom-mandations
d’apports
enoligo-éléments.
Misesà
part
les valeurs de l’ARC(1980),
qui
sont des besoins minimacomparables
aux seuils de carence retenus par les autresorganismes
(NRC et
INRA),
les valeurs des autressys-tèmes sont similaires. Il faut
rappeler
que lebesoin en
oligo-éléments
n’est pas établi par la méthode factorielle(figure
5) et que la margede sécurité
adoptée
peut
varierquelque
peuréévaluation
apparente
del’apport
ensélé-nium par le NRC 1988 (en fait de
0,1
à0,3
ppm)
s’explique
par uneplus grande
marge desécurité pour cet élément tenant
compte
enparticulier
des facteursqui
peuvent
entraînerune diminution de sa
disponibilité
(naturechi-mique
del’apport,
interférencespossibles).
De
plus, l’apport
de Se doit se raisonner dans sonéquilibre
avec la vitamineE,
notammentdans le cadre de la
prévention
des troubles de laparturition
(rétentionplacentaire,
métri-tes...) où la
synergie
entre Se et vitamine E est bien connue chez le ruminant.Conclusion
En
conclusion,
si les recommandationsd’ap-port
minéral sont moins discordantesqu’elles
ne l’ont
été,
des différences subsistent notam-ment en cequi
concernel’apport
phosphocal-cique.
Les recommandations
françaises
intègrent
les résultats de travaux récents tant pour les basesthéoriques
de calcul des besoins que pour lastratégie
d’apport.
Pour ce dernierpoint,
il serait souhaitable depouvoir
pour-suivre les travaux, si
possible
avec un meilleurmodèle que la
brebis,
dans le but dequantifier
avec
davantage
deprécision l’amplitude
duphénomène
mobilisation-reconstitution desréserves minérales osseuses. Il est
possible,
notamment avec lesplus
forteslaitières,
que l’intensité et la durée de la mobilisation miné-rale osseuse de début de lactationatteignent
des valeurs
supérieures
à cellesqui
ont étéadoptées
pour les recommandations de l’INRA.De
même,
des incertitudes subsistent ausujet
de l’efficacité et du niveau de restauration de
ces réserves.
Il convient ensuite de
rappeler
que, commepour les autres
catégories
de besoin alimentai-re, les recommandationsd’apport
minéral sont établies pour unanimal-type placé
dans desconditions alimentaires et sanitaires &dquo;nor-males&dquo; et que,
lorsque
l’on s’en écarte sensible-ment (acidose parexemple),
ellespeuvent
serévéler insuffisantes ou excessives.
Il faut enfin
souligner
que les différentesnormes
d’apport
sont établies pour unsystème
de
production défini ;
ellespossèdent
une cohé-rence interne : INRA 78 ou 88 sont basés sur une meilleureprise
encompte
de laphysiolo-gie
du ruminant et avec unobjectif
devalorisa-tion des
fourrages qui
demeure la base de notresystème
deproduction.
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Summary
Mineral
requirements of dairy
cows,comparison of
dif-ferent
systems.There is
good
internationalagreement
fordietary
allowances of
Mg, Na, K,
S and trace elements.Nevertheless,
somediscrepancies
still exist formain-tenance
requirement
of P and trueabsorption
of Ca.The low level of P for maintenance in the NRC
system
(1988) is reliable for low
forage
level diets in which therecycling
of P via saliva is also low. Trueabsorp-tion of Ca ranges between 35 and 38 % in almost all
systems, except
the Australian one (60 %). This data resultsprobably
from agood
adaptation
to very lowcalcium levels in the
diet,
but this is notrepresentati-ve of
practical
conditions of animalfeeding.
Data forgrowth,
pregnancy and lactation are very close in the differentsystems.
French recommendations (INRA 1978 and 1988) are in
fact
practical dietary
allowances with asafety margin
included,
theirobjective
is tosatisfy
mineralrequire-ments of all animals. These data also take into
account the bone mineral mobilisation at the
begin-ning
of the lactation. These recommendations arenor-mally higher
than minimum mineralrequirements.
MESCHY F.,GUÉGUEN
L. 1992. Alimentation desvaches laitières : comparaison des recommandations
d’apports en min6raux. INRA Prod. Anim., 5 (4),