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CoNFLUeNCeS. Directeur-adjoint à la Fondation pour la recherche stratégique et Professeur associé à l'université de Paris Panthéon-Assas

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INterNAtIoNALeS

LeS ArméeS ArAbeS et LeS révoLUtIoNS ArAbeS par

m. Jean-François DAgUZAN

Directeur-adjoint à la Fondation pour la recherche stratégique et Professeur associé à l'Université de Paris Panthéon-Assas

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n°5 (2015) ISSN 1112 - 5462

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L'Institut National d'Etudes de Stratégie Globale (INESG) est une institution de l'Etat algérien, placée auprès de la Présidence de la République.

Créé par Décret n°84.398 du 24 décembre 1984, l'INESG bénéficie du soutien de la plus haute institution de l'Etat algérien pour promou- voir ses activités. Il le fait avec une totale autonomie de réflexion en associant, de la façon la plus large possible, l'expertise algérienne.

Route les Vergers, BP 137 Birkhadem - Alger ISSN 1112 - 6035

INSTITUT NATIONAL D’ETUDES DE STRATEGIE GLOBALE

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tAbLe DeS mAtIereS

Introduction . . . 1. Les armées arabes du XIXe siècle à nos jours . . .

1.1. Très forte hétérogénéité des armées arabes au XIXesiècle . . . 1.2. Mouvements de révolte significatifs au début de la colonisation. . . . 1.3. Création des armées nationales après la période de décolonisation :

l’amalgame . . . 1.4. Avec les indépendances, les armées deviennent la colonne

vertébrale de la Nation. . . 1.5. L’armée : un acteur politique de stabilité et d’instabilité ;

la professionnalisation ; le conflit israélo-arabe . . . 1.6. La montée des leaders militaires au pouvoir . . . . 1.7. La confusion du leader militaire avec son corps d’origine . . . . 1.8. Multiplication des acteurs de la sécurité pour assurer

la pérennité du pouvoir. . . 1.9. L’hétérogénéité des armées . . . 2. Où en sommes-nous aujourd’hui ? . . .

2.1. Déclenchement de véritables ondes de choc de la part

des révolutions arabes . . . 2.2. La résistance du national . . . 2.3. La dictature : création des conditions d’émiettement du pouvoir. . . . En guise de conclusion : . . . Débat . . . . Appel à publication . . . .

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Au sein de l’INESG, les débats sont de caractère scientifique et

reposent sur le respect de la liberté académique de chacun. Dès

lors, les idées exprimées n’engagent que leurs auteurs.

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LeS ArméeS ArAbeS et LeS révoLUtIoNS ArAbeS1 m. Jean François DAgUZAN2

Introduction

L

a question des armées arabes à l’occasion de ce que l’on peut appeler soit « les révolutions arabes », soit « les mouvements arabes », soit le « printemps arabe », même si ce dernier terme est mal venu, est ab- solument essentielle, parce qu’elle nous renvoie aussi et fondamentalement à la question de l’Etat. En effet, ce qu’il y a de problématique, c’est ce processus de démembrement des entités nationales (Yémen, Syrie, Libye), qui a résulté de ces mouvements. Processus de fragmentation qui nous ramène à la question de l’Etat.

Comme j’aime bien faire référence à l’histoire, vous me pardonnerez de me faire un peu historien. D’une certaine manière, vous connaissez la situation, mieux que moi, mais comme dit le philosophe, sinologue français, François Jullien :

« Ce n’est pas mal de regarder les choses de temps en temps d’en dehors», c’est- à-dire avec la vision de quelqu’un qui est de l’autre côté, un peu plus loin, et qui observe, et donc vous voudrez bien considérer, que les questions, que je vais vous proposer, n’engagent que moi, Français, occidental, qui essaye de suivre la vie politico-stratégique du Maghreb en particulier, du monde arabe en général, depuis une trentaine d’années.

1. Les armées arabes du XIXe siècle à nos jours

1.1. très forte hétérogénéité des armées arabes au XIXe siècle

On ne peut parler de la situation présente, sans faire référence au passé. La question des armées est posée du fait de cette relation intime, que ce corps peut avoir avec sa société et l’Etat dans lequel elle exerce sa fonction.

1 Conférence-débat organisée à l’INESG le 26 mars 2015.

2 M. Jean-François Daguzan est Directeur-adjoint à la Fondation pour la recherche stratégique et Professeur associé à l'Université de Paris Panthéon-Assas.

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C’est vrai, que si on observe le XIXesiècle, il nous apparaît, que les armées arabes étaient marquées par une très forte hétérogénéité. On avait «les armées beyli- cales», mal équipées, souvent mal formées, qui ne pouvaient pas résister à la puis- sance technologique et organisationnelle des armées occidentales. Mais on avait aussi l’Egypte, qui est le pays arabe dont l’armée moderne a vu le jour. Moham- med Ali et Suleyman Pacha ont édifié une véritable armée à « l’occidental », qui va briser l’armée ottomane à deux ou trois reprises, jusqu’à devoir susciter l’in- tervention des puissances occidentales. Donc on a un moment de grande hétéro- généité et l’incapacité de repousser les agressions coloniales.

1.2. mouvements de révolte significatifs au début de la colonisation Au début du XXe siècle, lors des débuts de l’entreprise coloniale, on voit poindre des stratégies de résistance fort significatives : la résistance de l’Emir Abdelkader en Algérie, qui a créé le noyau d’une armée moderne; la rébellion d’Abdelkrim, qui va être une véritable claque donnée à l’Espagne de l’époque ou la révolte d’Omar El Mokhtar, en Libye, qui va mener la vie dure aux Italiens.

Dans les trois cas, la réponse occidentale, qui fut extrêmement vigoureuse, dure et sanglante, mettra un terme à ces expériences de construction des premières ar- mées modernes au Maghreb.

1.3. Création des armées nationales durant la décolonisation : l’amalgame

La période de la décolonisation voit, après l’intermède plus ou moins long de luttes pour les indépendances, la création des armées nationales. Souvent ces armées nationales étaient un amalgame de composants humains issus d’horizons divers. Le cas algérien est particulièrement significatif à cet égard. L’Armée Na- tionale Populaire (ANP) va se constituer d’anciens des forces de l’armée fran- çaise, qui vont passer du côté de la résistance, ce qu’on appellera « les DAF » (Déserteurs de l’Armée française) en Algérie – mais pas seulement en Algérie – d’éléments issus de la résistance des wilayas de l’intérieur, c’est-à-dire toute cette résistance structurée, à l’intérieur de l’Algérie, dès le 1er nombre 1954, qui pro- gressivement vont fondre, au bout d’un moment, en une véritable puissance mi- litaire, certes de faible intensité, mais puisant ses forces des liens entretenus avec les populations, et enfin, des bataillons de l’Armée dite des «frontières», qui s’ef- forçait de briser les lignes de défense édifiées, par l’armée française tout au long des frontières, afin d’etouffer l’insurrection à l’intérieur. Ce n’est pas

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un phénomène original, l’armée française de 1944, présentait la même structure : l’armée d’Afrique et l’armée Leclair fusionnant avec les forces françaises de l’intérieur, sous la férule du Maréchal Lattre de Tassigny. C’est ce qu’on appelle

« l’amalgame » ; c’est le terme officiel.

1.4. Avec les indépendances, les armées deviennent la colonne vertébrale de la Nation

Le phénomène très important qu’il faut avoir à l’esprit à ce moment-là, c’est que dans la quasi-totalité des pays nouvellement indépendants, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, les armées nationales deviennent la colonne verté- brale de l’Etat-Nation. C’est une réalité historique, qu’on a du mal à comprendre de l’extérieur, en Europe notamment. Aussi s’interroge-t-on pourquoi, tout d’un coup l’armée s’impose comme l’élément structurant de la configuration nationale avec, immédiatement, des réserves sur la démocratisation, l’autoritarisme, etc. ? En oubliant un détail extrêmement fort, c’est que dans la plupart de ces pays, il n’y a pas de structure administrative ni de force sociale puissante. La seule struc- ture administrative constituée, d’envergure nationale et disponible : c’est l’armée.

Donc il y a ce phénomène, pour un bon nombre de pays africains et asiatiques.

L’armée intervient comme une force de substitution à une administration défail- lante et à des forces sociales absentes, pendant une durée indéterminée. Dans le cas de l’Algérie, l’extrême faiblesse de l’appareil administratif colonial et l’ori- gine européenne des personnels administratifs disponibles firent, qu’en 1962, au- cune structure ou appareil ne pouvait assurer un minimum de stabilité à ce pays sinon les forces armées ?

C’est quelque chose, qui est relativement répandue, qu’on retrouve aussi en Egypte, au Maroc, en Irak, en Syrie, etc. Il n’y a que la Tunisie, qui est un cas particulier dans ce domaine, où l’armée n’a pas cette prégnance indispensable au démarrage, parce que la décolonisation ne s’est pas faite du tout de la même façon, et où l’armée est, du temps de Bourguiba, considérée comme un corps secondaire intégré dans un dispositif beaucoup plus large, administratif, politique et juridique.

C’est une analyse très générique de ce modèle-là, auquel il faut ajouter des ca- ractéristiques nationales qui sont attachées le plus souvent à l’histoire de chacun de ces pays. Si on prend le cas du Maroc, on a des forces armées royales. Le terme dit bien ce qu’il veut dire. Le souverain est le chef des armées, qui lui réfèrent finalement. Le terme en tant que tel est clair, puisqu’il assume en plus cette fonc- tion de « Commandeur des croyants », qui lui confère une « légitimité »

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supérieure à celle d’autres monarques, et avec une caractéristique très intéressante dans le cadre des armées espagnoles. Il y a un amalgame particulier, parce que l’armée marocaine est à la fois d’extraction espagnole et française. On va avoir des forces marocaines, qui ont été au service de l’Espagne; elles joueront un rôle d’ailleurs très important dans le cadre de la guerre civile, et celles qui ont été for- mées par la France. Donc on a un modèle assez particulier de ce point de vue-là.

On a aussi cet aspect d’armée marginale en Tunisie, qui le demeure jusqu’à main- tenant, et c’est pour cela qu’il est intéressant de regarder ces phénomènes histo- riques. Le cas libanais avec ce phénomène de mixité obligatoire, qui est une transposition dans l’armée de ce qui se passe au niveau de l’Etat : répartition selon la distribution confessionnelle: chrétien, chiite, sunnite, druze, que l’on va retrou- ver dans l’armée, dans les mêmes proportions que l’on retrouve dans la société, et enfin, des pays, où l’armée est au cœur du dispositif national, pour des raisons que l’on ne va pas évoquer ici, parce que, extrêmement, compliquées : l’Egypte et l’Algérie, où il y a un lien extrêmement puissant entre l’Etat lié aussi à une personnalité de leader, Nasser d’un côté ; Boumediene de l’autre, où l’armée est considérée comme un des piliers majeurs au cœur de la Nation.

1.5. L’armée : un acteur politique de stabilité et d’instabilité ; la professionnalisation ; le conflit israélo-arabe

Au fil du temps, l’armée évolue, forcément, en acteur politique, source de stabilité dans certains cas ou d’instabilité dans d’autres. On va avoir des armées, qui vont essentiellement se tourner vers la sécurité intérieure, c’est-à-dire gérer plus les conditions, qui assurent la pérennité du régime, que la dimension défense nationale au sens stricto sensu. Des armées qui sont aussi, pour certaines, des fauteuses de coups d’Etat, dans lesquelles on a créé des cycles de reproduction de remise en cause du pouvoir établi; la Syrie et la Mauritanie en furent un mo- dèle. Un autre élément très intéressant et positif de l’évolution de ces forces ar- mées, c’est la professionnalisation, qui caractérise évidemment cette période, où on a au départ les armées amalgamées, qui vont progressivement se plier à la lo- gique de la professionnalisation : modernisation de l’organisation, du format, de la formation, de l’armement, etc., selon les moyens des uns et des autres, et la coopération internationale, qui joue un rôle évidemment tout à fait significatif.

Il y a aussi un autre élément très important, qu’il ne faut pas oublier, c’est ce fil conducteur de toute cette période : le conflit israélo-arabe, qui va être un des éléments structurants, pour la plupart des pays de la relation armée-Nation, et

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plus globalement pris dans les relations internationales et interarabes, où chacun à un moment donné va contribuer à la bataille : les Algériens et les Marocains dans la guerre israélo-arabe de 1973, etc. Donc, ça c’est un élément important, parce qu’il conditionne aussi la vision globale de la stratégie, de la coopération et de la démarche avec un problème, qui aura son importance lors des révolutions arabes. Cette situation va servir dans certains pays à maintenir des situations d’état d’urgence pendant des dizaines d’années, ce qui sera à terme de moins en moins bien perçu par les populations, qui finiront par contester cet état de fait, que ce soit en Syrie ou en Egypte.

1.6. La montée des leaders militaires au pouvoir

Cette période-là fait aussi émerger des leaders militaires à la tête des Etats : en Egypte (Nasser, Sadat, Moubarak), en Syrie (Hafez El Assad père et fils). Mais avant il y en a eu d’autres : Abdellah Ali Saleh au Yémen ; Kadhafi en Libye ; Boumediene en Algérie ; Ben Ali en Tunisie. Phénomène qui n’est pas que nord africain, ni arabe en tant que tel, puisqu’on va le retrouver en Afrique et en Asie.

Cela prit, globalement, bien sûr. Il faut toujours avoir une vision élargie, pour bien voir que ce ne sont pas des phénomènes liés à une réalité civilisationnelle spécifique ou à des systèmes de valeurs comme on essaye parfois de nous le faire croire.

1.7. Confusion du leader militaire avec son corps d’origine

Mais cet état de fait, qui est souvent lié à une personnalité très forte, comme l’armée est, comme on le disait souvent, le creuset de l’élite dirigeante. Dans les premières phases de construction de l’Etat national, il ressort toujours qu’une fi- gure charismatique du leader cristallise la construction de l’Etat national. Mais ceci nous a amenés à une réflexion extrêmement importante. Il y a chez les ana- lystes, qui viennent de tous les pays un élément extrêmement important qu’on rencontre, c’est le fait qu’on a tendance à confondre le leader militaire et le corps dont il est issu. Ceci est sans doute une erreur d’interprétation majeure, parce que la plupart du temps, le leader, certes, est issu d’un corps militaire, mais il va s’en détacher. Souvent, ceux, qui vont durer le plus longtemps, devront leur survie à un équilibre des pouvoirs, qui va faire que l’on va s’appuyer, qui sur les forces de sécurité, qui sur les groupes industriels, économiques participant au pouvoir, et bien entendu sur la population. Donc la confusion chef d’origine militaire et armée au pouvoir a été une des grandes erreurs d’analyses sur les armées arabes

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en particulier de ces dernières années avec cette confusion pour des pays comme l’Espagne. Franco dictateur, 35 ans durant, certes, avait été le vainqueur et le chef militaire de la guerre civile, bien que, après sa prise du pouvoir, il construisit un équilibre des pouvoirs dans lequel l’armée n’était qu’un acteur parmi d’autres, et certainement pas le plus important.

1.8. multiplication des acteurs de la sécurité pour assurer la pérennité du pouvoir

Ce qui est intéressant notamment dans les régimes les plus autoritaires, le dic- tateur ou l’autocrate, qui veut se maintenir au pouvoir, va le faire en multipliant les acteurs de la sécurité, où l’on va avoir l’émergence d’une multitude de services de sécurité, d’éléments paramilitaires de sécurité ou de services de renseignement, qui s’autocontrôlent. Au final, vous avez un effet de « milles feuilles », qui va être tout à fait impressionnant. Le plus caricatural, c’est la Libye, où Kadhafi a multiplié à l’excès les services de sécurité, de renseignement militaire, paramili- taires, etc. La Syrie de Bachar El Assad et surtout de Haffez El Assad reproduit exactement sur ce modèle : la famille contrôle les différents services, groupes ou corps militaires, qui permettent de contrôler/dominer le pays (la Garde républi- caine, la IVe Division blindée, les forces spéciales). Le même phénomène se re- trouve dans le Golfe avec l’Arabie saoudite par exemple, où nous avons exactement la même structure, où les princes de la famille royale tiennent chacun un bout du système, afin que personne ne l’ait en totalité. C’est quelque chose qui va aussi être très caractéristique d’une bonne partie de ces pays. En Tunisie, d’ailleurs, Ben Ali s’appuiera beaucoup plus sur les forces de sécurité, notamment la «police», que sur l’armée, et il en paiera d’une certaine manière le prix direct.

1.9. L’hétérogénéité des armées

Au moment des révolutions, on se retrouve dans des situations contrastées.

On a différents modèles. C’est là où on voit que la question de l’hétérogénéité est très importante, elle doit être bien expliquée et bien précisée :

l’armée professionnelle est le pilier de l’Etat : l’Algérie et l’Egypte ; des armées de type néo-patrimonial, c’est-à-dire rattachées au pouvoir d’un monarque : le Maroc, la Jordanie, les pays du Golfe ;

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l’armée au cœur de politiques instables, comme ce fut le cas à de nom- breuses reprises en Mauritanie ;

des modèles claniques, où on va trouver finalement la sécurité et l’ordre à travers une coalition tribale : le Yémen, la Libye, la Somalie et en partie la Syrie ;

un modèle d’armée sous contrôle autoritaire : la Tunisie. Dans ce pays, l’armée n’a jamais eu droit au chapitre. Il n’est pas sûr qu’elle ne l’ait ja- mais. Le Président Ben Ali fut un militaire. C’est évident pour commencer sa carrière à un moment donné, il a divergé ensuite avec la sécession ; dans certains nombres de pays, le recours au mercenariat comme substitut de sécurité, quand vous commencez à ne plus avoir confiance en per- sonne, ni en l’armée ni dans les forces de sécurité traditionnelles. Donc vous allez finalement acheter votre propre sécurité en faisant appel à des mercenaires. Kadhafi va le faire en puisant un peu partout dans le monde, jusqu’à faire venir non seulement les Touaregs, les Toubous, les Africains, mais également des Colombiens, lors des dernières parties de la guerre.

Ces gens d’Amérique latine, vous les trouvez également dans le Golfe.

Vous avez une force spéciale colombienne dans les Emirats arabes unis, des Pakistanais dans l’armée de l’air saoudienne, etc. Ce modèle-là est aussi à prendre en compte.

2. où en sommes-nous aujourd’hui ?

2.1. Déclenchement de véritables ondes de choc de la part des révolutions arabes

On peut dire que les révolutions et mouvements arabes ont provoqué de vé- ritables ondes de choc, de véritables tsunamis, qui ont emporté un certain nombre de pays. A cela deux types de causes :

a. La crise économique mondialequi fut pour la Tunisie le facteur détermi- nant de la révolution. L’épuisement économique du pays a joué de façon centrale, et il ne vous sera pas surprenant, que c’est à Sidi Bouzid que la révolution a commencé, c’est-à-dire chez les plus pauvres des plus pauvres.

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b. Les ingérences extérieures, dans lesquelles l’effet de déstabilisation non analysé à l’origine va créer ou réanimer des phénomènes de fragmenta- tion, qui n’attendaient que cela pour s’exprimer : intervention en Irak en 2003 ; intervention en Libye en 2012, où là nous avons un modèle d’ac- tions venu d’ailleurs, qui tout d’un coup, ouvre la boîte de pandore, et laisse libre cours à l’émergence de forces centrifuges, qui étaient le plus souvent en attente, mais qui vont exploser, s’éparpiller d’une certaine façon à l’occasion de cette révolution. Mais il faut bien voir que ceci n’est pas un phénomène local. Vous allez le retrouver dans des événements comme l’intervention au Kosovo, quelques années auparavant en Europe.

Donc le phénomène est générique. Ce qui fait que la situation, au- jourd’hui, nous montre des phénomènes de tribalisation, d’émiettement du pouvoir et de la sécurité, ainsi que des fragmentations territoriales avec des ondes de choc, qui vont pour le cas de la Libye jusqu’à l’Atlantique à travers le Sahel, la Corne de l’Afrique jusqu’au Kenya et l’Afrique cen- trale avec Boko Haram, et de l’autre côté, l’onde de choc proche et moyen-orientale avec l’effondrement irako-syrien et l’enjeu Daech, Etat islamique, qui essaye de promouvoir une nouvelle voie transnationale, qui essaye de s’appuyer sur cet effondrement d’Etats. On est là sur un jeu géostratégique lourd, qui est à l’oeuvre, et pour lequel, dans le cas syro- irakien, les forces classiques ne fonctionnent plus. Il n’y a plus assez d’Etat irakien, pour que celui-ci fonctionne, et l’Etat syrien est en conflit direct de l’autre côté. Donc là, on a un véritable vide stratégique, qui s’ou- vre, et que l’on retrouve au Yémen, où les forces centrifuges ont détruit la structure étatique, qui avait mis tant de temps à s’esquisser.

2.2. La résistance du national

Ce qui est intéressant de constater ce n’est pas tant ce qui s’effrite, que ce qui résiste, parce qu’il y a aussi une résistance du national. On constate très bien que, dans un certain nombre de pays d’Afrique du Nord : Egypte, Tunisie, Algérie et Maroc, la résistance est toujours là. L’Egypte a fait un rétablissement sur le fil du rasoir l’année dernière ; la Tunisie, malgré les terribles difficultés que l’on connait, tient la barre ; l’Algérie et le Maroc, malgré les difficultés, malgré l’existence de groupes terroristes, malgré la déstabilisation du Sahel, etc., nous avons là aussi un phénomène de résistance du national qui demeure.

Il y a plusieurs éléments d’explication à cela : d’abord l’aspect professionna-

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lisation des forces, qui au fil du temps représente une véritable capacité opérationnelle.

L’armée tunisienne est faible certes, mais c’est une armée professionnelle également.

Dans le cas particulier de l’Algérie, vous ayez eu à subir les années noires, de ce que moi, j’appelle « une guerre civile », qui n’est pas appelée de la même manière ici. Vous me pardonnerez de jouer là mon rôle de chercheur. En Algérie, d’une certaine manière, le problème, vous l’avez vécu, et vous l’avez traité. C’est un problème, qui est donc plus derrière vous que devant. Et ça, à mon sens, c’est un élément extrêmement im- portant dans l’analyse globale, qu’on a aussi beaucoup de mal à entrevoir de l’autre côté de la Méditerranée.

Pour le Maroc, aussi, il y a un grand talent de management, d’engineering du pouvoir, que le Palais est capable de mener : ouvrir la voie aux isla- mistes, tout en contrôlant le pouvoir principal de l’Etat, qui est un exercice extrêmement talentueux, que semblent mener les Marocains.

Ce qui m’amène à une réflexion relativement majeure pour moi. Le national résiste là où il y a du national, et d’une certaine manière, il faut s’interroger sur les pays, qui ont tenu. Ce sont ceux dans lequel à la fois l’Etat, le peuple pris glo- balement, dans son immense majorité, et les forces armées représentent une struc- ture stable et cohérente. Ceux qui ont craqué, sont ceux dans lesquels l’Etat est déficient ou absent. La Libye en est l’archétype, puisque Kadhafi a passé toutes ses 42 ans de carrière à détruire tout ce qui pouvait représenter un élément de sta- bilité dans ce pays, hormis lui-même, puisqu’il se voulait comme le médiateur de toutes les problématiques libyennes, et donc à partir de là, déjà la réunion de provinces qui se fréquentaient fort peu depuis l’époque romaine, n’a pas permis de faire prendre « une mayonnaise étatique », suffisamment forte, pour surmonter ces problèmes. L’Irak et la Syrie ont fait éclater un certain nombre de contradic- tions, comme disent les marxistes, fortes, où des situations de pouvoir minoritaires des sunnites, Saddam Hussein, en Irak, et des sunnites face à une majorité chiite

; les problématiques d’un pouvoir alaouite en Syrie face à une majorité sunnite, qui est en partie sous contrôle et réprimée, ont fait que d’une certaine manière ces pays sont rentrés dans la voie de la déstructuration. Quant au Yémen, depuis le début, on sait que ce pays a eu toujours le plus grand mal à maintenir à la fois l’unité Nord-Sud, les relations intertribales, le lien avec l’Arabie saoudite, la ré- bellion houtie. L’ensemble de la crise yéménite fait que cette structure est très difficilement tenable.

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2.3. La dictature : création des conditions d’émiettement du pouvoir La dictature crée les conditions de l’émiettement. En effet, si la dictature dure trop longtemps, le pouvoir, qui assure sa survie par un excès de sécurité, crée en définitif une fausse sécurité. On le voit bien dans l’affaire tunisienne, où derrière la main de fer de Ben Ali, le système était beaucoup moins stable qu’on ne l’ima- ginait. Les forces centrifuges derrière les militants islamiques radicaux, qui étaient déjà latentes bien avant les révolutions, sont remontées à la surface, et frappent de plein fouet ce pays, même si, à mon sens, il a, en lui-même, les conditions de la résistance, de pouvoir restabiliser la situation. Mais, je pense qu’il y a eu un lien très fort, qui est quand même tout à fait significatif. Il est à noter que c’est chez les Tunisiens, que l’on retrouve le plus grand nombre de combattants exté- rieurs en Syrie avec les Libyens. Donc là, il y a clairement un problème.

en guise de conclusion :

vers où va-t-on ? Je vois trois éléments importants dans l’avenir : 1. Le risque que j’appelle « la tribalisation », mais qui est plus compliqué

que cela. C’est le retour, à la fois en termes de sécurité, comme en termes de pouvoir d’Etat, vers des formes unicellulaires, dans lequel finalement on abandonne ce sens du national, pour se replier sur la structure unicel- lulaire, c’est-à-dire la tribu ou le groupe, dans lequel l’armée représente le pouvoir. Sur cette base, si nous prenons l’exemple libyen, qui a l’avan- tage d’être à proximité, on voit que Zenten vit avec Zenten, Misrata avec Misrata, Tripoli avec Tripoli, les Touareg d’un côté, les Toubous de l’au- tre, etc.Ce système fonctionne sur la base du partage des ressources éco- nomiques. C’est là où le bât peut blesser. De la même façon, dans l’affaire syro-irakienne, on risque de s’acheminer, en plus à un affrontement géo- stratégique plus lourd impliquant l’Arabie saoudite et l’Iran sur le terrain proche et moyen-oriental, un bloc chiite, un bloc sunnite, qui ne sera pas un bloc homogène, mais en tout cas, tout d’un coup une réorganisation transfrontalière de cette zone. Donc ce risque-là est une réalité.

2. Désormais, dans un certain nombre de pays, eu égard à la défiance vis-à- vis de sa propre population, on fait appel de plus en plus au mercenariat, qui se substitue aux armées nationales, elles-mêmes, soit en effondrement, soit contrôlées ou assistées par des mercenaires, « les providers »,

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de la part de ces sociétés internationales de sécurité privées.

3. Le national qui – Dieu merci – semble tenir, parce que là d’une certaine manière être confronté à la crise, cela oblige à se demander qui on est ? J’étais très frappé par l’Egypte et la Tunisie, que je connais très bien. Dans ces deux pays, le retour au national a été un élément central de la révolu- tion. Non seulement de la première partie de la révolution de 2011-2012 pour les Tunisiens, mais également pour les Egyptiens et les Tunisiens, dans cette deuxième partie, qui est la lutte contre les éléments transnatio- naux, qui sont encore dans le Sinaï ou dans l’affaire du Bardo tunisienne, s’attaquent à ces deux pays. Les révolutions ont provoqué une poussée du sentiment national, comme sans doute on ne l’avait jamais vu depuis des années. C’est ce qui peut nous rendre optimiste, pour l’avenir. Face à la crise, les pays, qui ont une colonne vertébrale, sont capables de résister, de se resserrer sur l’intérêt national et de repartir. Ce sera mon mot de la conclusion « optimiste ».

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Débat :

Premier intervenant :

J’aimerais me pencher un peu sur la question de la hiérarchisation des facteurs de fragmentation et d’effondrement de certains Etats de la région. Je me demande dans quelle mesure, il ne faut pas introduire d’une manière très forte, pas seule- ment les facteurs endogènes, qui sont effectivement importants suivant la forma- tion historique des armées des Etats, mais aussi une situation économique comme on l’a vu pour la Tunisie ? Dans quelle mesure les facteurs exogènes à ces pays ont-ils contribué à l’effondrement de ces pays, comme les interventions armées, on l’a bien vu par exemple dans le cadre de la Libye ? Mais là, il est difficile de distinguer le cas de l’Irak. Quels ont été les facteurs les plus importants ? Est-ce que ce sont des facteurs endogènes ou exogènes à ces pays avec des armées puis- santes et quels sont les facteurs internes ? Peut-être que s’il n’y avait pas eu pré- cipitation vers l’intervention violente de l’extérieur, on aurait pu sans doute voir ces Etats se ressaisir et éviter les très graves et dramatiques effondrements, qui sont maintenant très difficiles à rattraper ?

m. Jean François Daguzan

Oui, vous avez raison, le facteur exogène est très important, comme je l’ai dit très schématiquement. Il est important, mais il est aussi le révélateur de quelque chose en réalité. C’est l’intervention étrangère, qui a provoqué l’effon- frement. Le plus souvent, cela se passe dans les configurations de régimes très autoritaires. Je pense à l’Irak de Saddam Hussein et ses capacités répressives, au mode de gestion répressif à la Kadhafi et avec la superposition de structures de contrôle qui, elles-mêmes, s’autocontrôlent, etc. Il faut que tout cela soit préalable.

Si une intervention sur un pays structuré ne donnera qu’un résultat relatif, sur les pays fragiles, dans lesquels il y a des vulnérabilités préexistants, vous pouvez être sûrs, que vous partez pour une situation d’émiettement. Encore une fois, il ne faut pas imaginer, que ce qui se passe ici, soit plus original, que ce qui se passe ailleurs.

La question yougoslave, personne – il y a eu d’autres événements extérieurs que l’effondrement soviétique – n’aurait parié un centime qu’en l’espace d’un an tout exploserait, et qu’on serait en guerre civile, dont on connait la violence abomi- nable. Donc cela veut dire, que les facteurs préexistants de fragilité tout d’un coup se cristallisent, et entrainent la pente vertigineuse vers le vide.

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Deuxième élément important, et là je vais aller dans votre sens, c’est la non anticipation, par ceux qui opèrent ces interventions de la suite, de l’après. La ges- tion de l’Irak, par le proconsul Bremer était une aberration. La suppression de l’armée irakienne fut sans doute un crime commis contre ce pays. C’est une évi- dence, parce que pour le coup, c’était un des rares éléments dans lequel, il y avait les ingrédients d’une structure à peu près solide, et à laquelle la population avait adhéré à cause de la guerre Iran-Irak. Donc on a supprimé la seule institution, qui pouvait représenter un élément d’unité d’un pays au bénéfice de ceux, qui ne l’était pas vraiment : les Kurdes, les Chiites du Sud, les tribus sunnites. Là est la source de tous les problèmes. De la même façon dans l’affaire libyenne – et là je parle en tant que Français – c’est bien le fait d’avoir considérer qu’éliminer Ka- dhafi n’entrainait pas de conséquences autres, qu’un problème marginal politique à régler entre Libyens. On n’a pas eu plus de capacité de projection et d’analyse.

Si vous vous imaginez qu’il y a des complots derrière l’intervention en Libye, hélas je suis obligé de vous dire que non ! J’aurais préféré qu’il y en ait eu, parce qu’au moins, qui dit complot, dit idée derrière la tête et plan d’action, tandis que là c’est une entreprise politique inspirée de la mauvaise analyse faite des révolu- tions arabes tuniso-égyptiennes, qui fait que le pouvoir français, à un moment donné, décide de se redonner une virginité sur la question libyenne ; malheureu- sement cela ne relève que de cela. A partir de là, la catastrophe est aux portes, puisque faute d’avoir prévu l’après, on va considérer, que la mise en place de la destitution démocratique, pourvu que cela soit marqué dessus. Le Conseil national de transition libyen (CNT) fait que là tout d’un coup, ça y est on a fini. La réalité est qu’on a ouvert la boîte de pandore.

Deuxième intervenant

Q1 : Ma première question a trait à la notion nouvelle de « professionnalisa- tion de l’armée ». C’est un concept nouveau, qui évolue dans les pays arabes et les pays développés. Ne pensez-vous pas que cette notion améliore les capacités d’intervention, et qu’elle ne court pas le risque de couper les armées de leur ressort populaire ?

Q2: Vous avez parlé des facteurs exogènes, qui sont un petit peu un coup de boutoir sur les armées. Vous n’avez pas été très explicite sur cet aspect-là. Ne pensez-vous pas que cela a été un élément très important, qui interviendrait dans un complot, d’un plan très élaboré, parce que la question, qui se pose, est : pourquoi on voit que seules les armées des Républiques ont été touchées, voire

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laminées, alors que celles des monarchies du Golfe ont été épargnées ? Est-ce que le fait de « gonfler » ces pays en termes de capacité, tels l’Irak ou la Syrie n’a pas permis de jouer un rôle d’argument pour les casser pour des besoins ré- gionaux. Je pense par là à Israël ?

Q3 : Selon les actualités de ce matin, l’intervention des Saoudiens avec quelques pays arabes au Yémen. Ce qui est intéressant de voir, c’est que même les Américains ont pratiquement applaudi cette intervention, qui met en confron- tation les Chiites aux Sunnites. Ce qui constitue en soi un risque énorme, telle la réaction de l’Iran dans une conjoncture pratiquement explosive. Est-ce que cela ne fait pas penser à la notion de complot, que j’ai évoquée tout à l’heure ? Parmi les éléments fondateurs, est-ce qu’il ne s’agit de créer des problématiques, telles chiisme, sunnisme, républicains, etc., en d’autres termes des éléments, qui fati- gueraient les armées et les rendraient vulnérables ?

m. Jean François Daguzan

La professionnalisation de l’armée peut être appréhendée effectivement comme un risque de rupture du lien armée-nation. Il y a quelques années en Al- gérie, ce débat a eu lieu, puisqu’il y a eu quelques séminaires et colloques dans lesquels cette problématique a été débattue vigoureusement. En France, cette question s’est posée lors du passage à la professionnalisation, parce qu’on avait d’abord opté pour une armée semi-professionnelle, qui a été un premier format mis en place qui, à l’arrivée du Président Chirac à la Présidence de la République, a été décidé comme le passage intégral à la professionnalisation. Ce choix a été très longuement pesé, et où l’on a considéré, que l’enjeu professionnalisation était supérieur à un risque éventuel de perte du lien avec le peuple, ce qui s’est révélé nul. Quand vous voyez la relation armée-nation, aujourd’hui en France, à travers Serval notamment et les manifestations symboliques, tel que le 14 juillet, on a un véritable lien armée-nation tout à fait exceptionnel. Donc, ça je crois qu’il ne faut pas en avoir forcément trop peur. Les Allemands préféraient rester dans le système de conscription. Mais, eux sont soumis à une situation tout à fait parti- culière, vu que la Constitution leur interdit quasiment de faire quoi que ce soit avec l’armée. Donc l’armée reste globalement cantonnée à l’espace territorial al- lemand. Il est vrai que la complexité des missions de combat aujourd’hui des forces est telle, que la professionnalisation devient au bout d’un moment une né- cessité absolue. Il faut quand même voir que dans un certain nombre de pays le fait d’avoir une armée de conscrits permet d’assurer une fonction économique,

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c’est-à-dire vous conservez à l’armée des gens, qui ne sont pas sur le marché de l’emploi. Cette question-là, il ne faut pas non plus la sous-estimer ; elle joue dans l’analyse de la décision. Donc non ! Professionnalisation n’égale pas perte du lien.

Le modérateur

Je voudrais faire juste une remarque. Nous sommes un pays (l’Algérie), où règne des confusions conceptuelles terribles. Qu’est-ce qu’on entend par « pro- fessionnalisation de l’armée » ? La majorité comprend par là, une armée « qui ne fait pas de politique ». Alors que « la professionnalisation de l’armée », en tant que concept, est liée – comme l’a si bien explicité notre conférencier – à la conscription, c’est-à-dire une armée, qui ne s’alimente pas de la ressource du ser- vice national. Donc une armée professionnelle, c’est une armée de gens réguliers, permanents, qui n’ont pour métier exclusif, que la préparation de la guerre. Alors qu’en Algérie, on lui donne un autre sens. Aussi une armée peut être profession- nelle tout en étant impliquée dans la gestion de la chose politique, et l’inverse est aussi possible. Donc il faut faire très attention, quand on utilise ce terme. Celui qu’utilise M. Daguson est le plus approprié, à mon sens.

m. Jean François Daguzan

Cette confusion est légitime, parce que les sociologues américains des années 60 l’ont utilisé dans ce sens. Je cite à ce propos les travaux de Maurice Yanowitz, Huntington, etc. Donc effectivement pour eux, professionnalisation de l’armée était forcément sortie du politique. C’était vu comme cela, et c’est là où il ne faut pas commettre d’erreur. Comme il vient d’être dit, vous pouvez avoir une armée professionnelle, et qui reste dans la politique. C’est pour cela qu’il faut être très prudent sur les termes dans ce domaine-là.

Le complot

1. Très honnêtement, cette question du complot, qui revient de façon récur- rente, moi, je n’y crois pas du tout. Je vais vous donner mon analyse des choses, pour avoir énormément suivi cette question de la guerre d’Irak. Ce n’est pas une question de complot au sens, où on va déstabiliser les Républiques moyen-orien- tales au profit des monarchies du Golfe, parce qu’en réalité, si on doit avoir un complot, cela veut dire qu’on donne les clés du Moyen-Orient à l’Iran. Si c’est

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ça le complot, alors les Américains sont bizarres, parce que la réalité, c’est plutôt cela. Ce qui s’est passé, à mon sens, c’est une approche idéologique, à la fois des rapports de force internationaux et du concept de « démocratie », qui a émergé chez ce qu’on appelait « les néoconservateurs américains », qui ont influencé en Europe un certain nombre d’intellectuels et de dirigeants. Mais les néoconserva- teurs américains qui ont considéré, finalement, et on le voit très bien chez Dick Cheney, le vice-président de l’époque, sa femme, Kagan, Wolfowitz et d’autres, tous ces gens, qui avaient servi sous le Président Reagan, considéraient, que la stabilité du monde arabe pris au sens large, avait été préjudiciable aux Etats-Unis, parce qu’il avait fini par générer du terrorisme, incarné par Al Qaïda, notamment, par toucher les Etats-Unis. Donc ils ont pensé que l’instabilité « créatrice », comme disait Schumpeter en matière économique « la destruction créatrice » à un moment donné allait rendre aux Etats-Unis plus de service que l’inverse. C’est parfaitement réussi, si on voit les choses comme cela, et si l’intérêt des Etats- Unis est de détruire le monde arabe.

2. Imposer la démocratie, par la force, par la contrainte, c’était possible. C’est l’Irak, qui devait en être la démonstration dans le monde arabe. C’était une option tenable pour les néo-conservateurs. Je vous invite à lire le discours de la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, prononcé à l’Université américaine du Caire, le 21 juin 2005. Les Américains ont quelque chose de merveilleux, c’est qu’ils disent, ce qu’ils vont faire en général. Ce discours avait été un camouflet terrible, pour Mou- barak à l’époque. C’est sur une vision idéologique complètement aberrante des réalités politiques, économiques, sociales, ethnosociologiques que la machine s’est emballée. L’affaire libyenne a été d’une certaine manière la continuation de cette perception des choses, où le coup de main militaire allait générer de facto un phénomène démocratique, qui allait améliorer la situation. Je crois que c’est cette aberration dans la perception de la part de ces néoconservateurs, que nous payons très largement aujourd’hui, parce que je ne crois pas du tout que cela aide Israël. Si vous pensez que cette situation aide Israël, alors là …. Israël a perdu son meilleur allié au Proche-Orient, la Syrie. La Syrie, c’était le bloc de stabilité, dont Israël avait besoin, pour avoir sa sécurité au Nord. L’état de guerre, certes, existait. C’est une situation dont tout le monde se satisfaisait de part et d’autre.

La Syrie avait un ennemi, dont on pouvait maintenir l’état de siège ; le Golan était gelé pour l’éternité, et là les Israéliens se retrouvent avec une situation ca- lamiteuse au Sinaï, en Jordanie, au Liban et en Syrie. Je trouve que c’est beaucoup pour un seul pays même le plus armé de la zone. Non ! Non ! Pour moi, c’est une situation, qui ne bénéficie pas du tout à Israël, sachant qu’en plus, on ne sait pas

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ce qui peut se passer derrière tout cela. Le seul élément que je dirais en revanche c’est que les grands perdants de toutes ces révolutions arabes et crises confondues, c’est les Palestiniens. Ils sont passés en perte et profit de cette période de désta- bilisation.

Le Yémen

C’est ceux, qui ont géré le départ du Président Saleh, qui sont en train d’es- sayer de recoller les morceaux. Le départ, à l’époque, a été négocié entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis, parce qu’il n’y avait plus de soutien, y compris même dans le camp du Président, pour qu’il puisse se maintenir, et là aussi l’erreur a été de penser qu’une option de remplacement était possible, et comme je l’ai ex- pliqué, la tension trop forte entre les différentes contradictions au sein du pays a fait que l’effondrement est allé beaucoup plus vite que prévu, et que finalement ceux qui ont gagné, c’est ceux qu’on n’attendait plus, les plus réprimés, les Hou- this, qui tout d’un coup, étant les mieux structurés, ont pris le contrôle. Est-ce qu’ils peuvent se maintenir avec une intervention de cette nature ? Cela reste à voir. Je rappellerais que ce n’est pas qu’avec des frappes aériennes, que vous ga- gnerez une guerre. On le voit bien avec Daech. C’est avec des troupes au sol. Qui va allez au sol ? Est-ce que c’est les Saoudiens ? Les tentatives d’incursion de l’armée saoudienne à plusieurs reprises au Yémen ne se sont pas soldées par des réussites. C’est un euphémisme. Donc là, il y a un effet de panique, qui est en train de se produire. Est-ce que c’est un effet de panique stratégiquement exploité pour briser la montée des Houthis ? Effectivement, comme vous avez évoqué der- rière, que va faire l’Iran par rapport à cette coalition « on the willing », comme disent les Américains, occasionnelle, qui se crée de façon à essayer de sauver les meubles ? J’utilise ce terme trivial à dessein.

Le modérateur

Je voudrais ajouter que le choix du chaos n’est pas toujours le résultat d’un complot. Je peux vous donner un exemple très significatif. Au début des années 30, la bourgeoisie allemande, étant fortement menacée par une révolution ou- vrière, a choisi l’option aventureuse du fascisme. Cela a provoqué la guerre mon- diale. Mais c’est un choix du pire, qui était délibéré et conscient, et qui répondait bien aux intérêts de l’heure de la bourgeoisie. L’Arabie saoudite peut très bien choisir cette option du pire, parce qu’elle débouche sur un affrontement sunnite/chiite, qu’elle appelle de tous ses vœux ; elle ne voudrait surtout pas que

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l’affrontement dans le monde arabe ait pour enjeu la question démocratique. Donc là aussi, il faut être nuancé.

troisième intervenant

Ne dit-on pas qu’il y a toujours des signes clignotants, qui ne trompent pas avant chaque événement important, comme celui des révolutions arabes ? Com- ment se fait-il que ces pays-là ont-ils été pris au dépourvu ? Est-ce que leurs ser- vices de renseignement ont failli à leurs devoirs ?

m. Jean François Daguzan

C’est un point très intéressant. Il y a un deuxième point, qu’il faut rajouter immédiatement suite à votre remarque, qui est on ne peut plus juste, encore faut- il aussi, que les dirigeants écoutent les services de renseignement. Est-ce que ces derniers sont écoutés ? Je ne prends pas de risque en disant, que, par exemple, sur la question tunisienne le pouvoir politique français de l’époque n’a pas caché de véritables soucis à suivre les alertes non seulement des services de renseigne- ment, mais également des chercheurs, parce qu’ils disaient : « Le régime de Be- nali est en train de craquer». Si les chercheurs le disent, donc effectivement les services le voient. A partir du moment, où le pouvoir n’accepte pas – et c’est quand même un trait caractéristique de tous types de gouvernement – de regarder ce qui fâche, vous éliminez de factole porteur de mauvaises nouvelles. C’est un classique quand même extraordinaire. Moi, je n’ai pas été dans un service de ren- seignement, mais dans un service d’évaluation du renseignement, puisque le Se- crétariat général de la Défense nationale était l’organe du Premier ministre, lequel organe assiste le Premier ministre dans ses choix. Donc vous recevez des infor- mations de partout. J’ai été impliqué dans la guerre du Koweït à l’époque. Le pouvoir politique n’a pas envie, qu’on lui serve une musique, qui ne lui convienne pas ; il n’avait envie d’entendre que la sienne. Et ça, vous avez beau dire, vous avez beau faire, c’est très difficile, sinon impossible de traverser le mur de verre, qu’il peut y avoir entre le pouvoir politique et les services de renseignement, qui en plus se méfie le plus souvent des services. « Est-ce qu’il me raconte la vérité ?».

Et souvent, on dit : « Mais comment on ne le savait pas ?». Et bien souvent, on le sait.

Sauf que la dernière marche n’a pas été franchie; le pouvoir ne voulant pas en entendre parler. J’ai vu des cas, où le porteur de mauvaises nouvelles se faisait tuer. Il y a aussi l’argument très pratique, « Et bien cela de toute façon, je suis désolé, j’ai mes sources». On l’a bien vu sur la question tunisienne, où l’incapacité à faire passer

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le message au niveau supérieur a entraîné cette espèce de flottaison préjudicable, et de « pas de deux » ridicules de Madame Alliot Marie, etc. Et ça c’est un élément extrêmement important de l’analyse en termes de prise de décision. Le service de renseignement fait son travail de renseignement. Mais après, il faut qu’il soit endossé, par le pouvoir lui-même. C’est sans doute là que la chose est la plus difficile.

Le modérateur

Savez-vous que la veille du déclenchement de la Révolution du 1erNovembre 1954, pour les services de renseignement français, pour l’armée française, pour les politiques français, tout était calme en Algérie ? Ce n’est donc pas toujours des dysfonctionnements dans le système, qui sont toujours en cause. Il est des moments, où personne ne voit rien venir; les révolutions, insurrections, explosions étant, par définition, « des phénomènes émergents ».

Quatrième intervenant

Vous avez souligné le retour du national. Est-ce que cette première vague du

« Printemps arabe » n’est pas révélatrice d’une crise profonde des nationalismes issus de la Deuxième Guerre mondiale et des mouvements de libération nationale, et en même temps d’une naissance complexe et douloureuse d’un début du post- nationalisme dans une grande partie du monde arabe ?

m. Jean François Daguzan

Question délicate. Moi, ce qui me frappe et notamment en France avec l’af- faire Charlie, c’est que les situations de crise amènent quand même dans les pays, dont la structure est suffisamment forte pour résister aux multiples paliers d’or- ganisation (sociale, sociologique, économique, etc.), tout pris globalement, pro- voquent un effet de resserrement sur le national. Quand vous êtes en crise, et vous l’avez vécue en direct pendant les années noires, on commence par se demander qui on est ? « Je suis Charlie », qu’on a vu lors de la manifestation gigantesque, s’est transformé très rapidement en « Je suis Français ». C’est tout à fait intéressant de voir ça sociologiquement parlant. Donc le retour à un ensemble de valeurs, qui est assez informel, qui n’est pas perçu intuitivement par la population, s’exprime comme une réalité. Le corps social se regroupe, et retrouve finalement son caractère national, alors que six mois ou deux ans avant, il aurait rigolé par rapport à ce type d’insertion. Il est intéressant de voir que les nouvelles

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générations « bobo », comme on dit en France, la petite et moyenne bourgeoisie riche, qui ne se pose pas trop de questions, autres que celles de la consommation.

Là, soudainement, vous avez un effet de regroupement, qui se produit. Je crois qu’on va avoir à l’occasion de ce moment très particulier, que nous vivons au- jourd’hui, une confrontation entre ceux, qui considèrent que la survie passe par l’espace du national, mais pas par l’espace du national étroit, c’est-à-dire pas l’Etat unicellulaire, dont je parlais dans l’introduction, mais par l’espace d’une communauté de valeurs, qui ne se pose pas la question de la religion, mais de la communauté des intérêts avec des symboles partagés, et en face des aspirations transnationales représentées par cette branche Al Qaïda, Daech notamment pour ne citer que ceux-là, qui sont d’un côté les tenants d’un nouvel universalisme, comme l’a été le communisme révolutionnaire des années 60-70, et qui, au- jourd’hui, est passé par le truchement d’une déformation de la religion à des fins politiques. Il y a deux mondes dans le conflit, qui s’opposent, mais vous en avez un troisième en même temps, qui est celui de la mondialisation, où vous voyez très bien qu’à travers les phénomènes de mondialisation accélérée le rapport à l’identité devient de plus en plus prégnant face aux multinationales, qui rasent tout, face aux financiers de type Wall Streat ou la City de Londres, pour lesquels l’individu n’est qu’un pion dans le jeu des milliards, qui circulent sur les places internationales. Finalement l’espace du national est pris dans ce sandwich, qui est l’option révolutionnaire transnationale d’un côté et la mondialisation finan- cière de l’autre, mais il résiste. Je crois que ce qui est intéressant que d’une cer- taine manière la crise, qui comme on dit en grec « crisis et decision », nous amène à devoir choisir qui on est, et comment on va continuer à vivre dans cet espace- là. C’est le côté positif de ces événements, qui ne manqueront pas d’être doulou- reux, quoi qu’il advienne.

Cinquième intervenant

Vous refusez catégoriquement le mot « complot », autant parler à ce mo- ment-là de « complicité », si on prend par exemple le cas de la France, qui a joué un double jeu envers la Tunisie et la Libye. On se rappelle de cette proposition qu’avait faite Mme Alliot-Marie, à l’époque ministre de l’Intérieur au Président déchu M. Ben Ali d’envoyer éventuellement des policiers français pour maîtriser la situation, qui débordait en Tunisie. Au sens inverse, on voyait un peu ce que le Président de l’époque, M. Sarkozy, avait fait pour sauver la population de Ben- ghazi. Donc nous voyons ici deux poids et deux mesures par rapport à ce que nous appelons communément « Révolution arabe » ; d’un côté on veut aider Ben

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Ali à rester en place et sauver son régime, et de l’autre, on fait tout pour liquider Kadhafi.

m. Jean François Daguzan

Oui, je crois qu’on ne peut pas comprendre, que si on suit la séquence histo- rique. La France n’a rien vu venir en Tunisie. Mais rien ! De rien ! De rien ! Donc, je crois qu’il faut partir de cet élément ; pourquoi ? Parce que l’on s’est bercé du sentiment, que le régime était extrêmement solide, tenait complètement la rue, et que le pacte global, qui s’était établi entre Ben Ali et le peuple, qui était « sécurité contre confort » – c’était cela le deal tunisien, était toujours respecté, par les pro- tagonistes. Vous êtes « tenus » de façon très ferme, mais en contrepartie, déve- loppement, amélioration des conditions de vie, voiture pour tout le monde… Le fait que cette vision-là était en train de se désagréger, n’a absolument pas été vu par les autorités françaises, et on en revient justement à la question du passage de l’information du service de renseignement vers la tête, où d’une certaine ma- nière le gouvernement, qui était au pouvoir à ce moment-là, et le Président de la République ont considéré que leur point de vue sur la Tunisie était le bon, c’est- à-dire que notre ami Ben Ali était indéboulonnable.

Mme Alliot-Marie n’a pas proposé d’envoyer des policiers, mais de fournir du matériel de sécurité. C’est en fait une très mauvaise façon de se sortir d’un débat parlementaire dans lequel elle était prise à partie, et qui ne relève pas d’une réalité nationale ni gouvernementale. Le fait est qu’elle a été emportée par le maelstrom, qui a suivi. Mais pour moi, c’est ça si vous voulez. Le fait est qu’on a été aveugle tant sur la Tunisie que sur l’Egypte. Il faut bien voir la réalité des faits ; pourquoi ? Parce que la France avait fondé toute sa politique maghrébine et méditerranéenne sur la Tunisie et sur l’Egypte. L’Union pour la Méditerranée, c’est avec Moubarak, qu’elle a été conçue. C’est ça qu’il faut avoir en tête. A partir de là, le fait que ce soit les amis intimes, qui soient totalement secoués par la révolution, a fait qu’on ne pouvait pas concevoir au plus haut niveau de l’Etat, qu’ils allaient s’effondrer. L’effondrement a laissé la France – l’Etat représenté par le chef de l’Etat et les ministres – complètement abasourdie, sous un état de choc. Malheureusement à partir de là, il est vraisemblable que le Président Sar- kozy a souhaité « se refaire », comme on dit au poker, en prenant la tête d’une opération, qui serait effectivement le soutien à ces révolutions (Tunisie et Libye), et la libyenne est arrivée juste à ce moment-là pour répondre à ça. Et encore, on en revient à ce que je disais tout à l’heure, l’absence d’analyse et d’anticipation

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sur l’après a fait considérer que Kadhafi, avec un petit coup de main porté aux insurgés de Benghazi, allait tomber, et on en revient à la notion néoconservatrice, que j’ai évoquée aussi tout à l’heure, avec de nouvelles institutions démocratiques, un Parlement élu. C’est ce qui va se produire d’ailleurs à la première phase. On avait dit : « C’est bien que les Libyens aient élu un Parlement, et que les choses allaient redevenir comme avant». Et c’est ça, qui est la clef de tout. Le fait qu’une fois de plus, le plus haut niveau de l’Etat n’écoute pas les spécialistes de la Libye, qui commençaient à dire : « Aie, aie, cela ne peut pas se passer comme on l’ima- ginait ». Donc qu’on écoute les services, ou qu’on ne les écoute pas, et bien tant pis. Je rappellerais que pour la petite histoire, les services secrets français ne s’étaient pas trompés. Ils ont donné le jour et l’heure du déclenchement de la Pre- mière et de la Deuxième Guerre mondiale, mais personne ne les a écoutés, per- sonne ne les a crus.

Dans l’affaire libyenne, c’est le fait d’avoir cru, ressortir par le haut d’une séquence d’échec, qui a entrainé la catastrophe. C’est pour cela, que je n’arrive pas à voir de complot, et comme je vous le disais tout à l’heure, je préférerais qu’il y en ait. Cela voudrait dire qu’il y a des gens, qui pensent des stratégies super élaborées, que celles-ci vont donner lieu à des phénomènes : la gestion du chaos, la reprise en main… Au bout du compte, qu’est-ce qui s’est passé ? Si on fait le final, on se retrouve avec les conséquences de l’intervention en Libye à faire la guerre au Mali, avec l’ « opération Serval », et croyez bien quelque chose, pour laquelle la France ne voulait pas aller en janvier 2014, c’est bien au Mali.

Le Président Hollande y est allé tout simplement, parce que c’était ça ou la ca- tastrophe. Personne n’a pu prévoir une chose pareille. Au moment où la prise de décision est faite, on vous explique, que la démocratie va suivre une fois de plus dans les fourgons des bombes et des opérations militaires.

Je suis allé en septembre 2012 aux Etats-Unis à l’invitation des autorités amé- ricaines. Lors d’un colloque fermé, qui portait sur l’évaluation « des Printemps arabes ». Je peux vous dire, que je suis ressorti de là en étant aussi persuadé, qu’il n’y avait pas de complot, parce que la vision complètement chaotique, qu’avaient les différents services de ce qui s’était passé, a mené à devoir considérer, que eux- mêmes étaient complètement débordés, par une situation, qui également n’avait pas été perçue pour exactement les mêmes raisons.

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Le modérateur

Je veux ajouter juste une petite précision. Il ne faut pas confondre « ingérence étrangère » et « théorie du complot ». La théorie du complot relève de la pensée magique. L’ingérence étrangère est un concept rationnel, parce que l’ingérence étrangère renvoie à des intérêts matériels d’un Etat ou d’un groupe d’Etats, qui sont inscrits dans une structure de pouvoir à l’échelle mondiale. Donc la théorie du complot, c’est la pensée magique, par contre l’ingérence étrangère est une donnée objective et structurelle, cohérente au plan logique et empiriquement vérifiable.

Quelle que soit l’ingérence étrangère, elle n’a d’impact sur un pays que si elle est reconduite par des contradictions internes, c’est-à-dire par des forces lo- cales. Les Algériens qui, avant 1830, avaient vaincu la plus grande armada de l’époque, qui était la flotte espagnole, sont complètement mis en déroute, par une flotte nettement plus faible, en l’occurrence française, parce qu’à Alger, un groupe de notables locaux avaient ouvert les portes d’Alger. Il y a des forces sociales, qui se sentaient une communauté d’intérêts matériels avec l’envahisseur français.

Ce sont les représentants de cette force sociale, qui ont ouvert la porte d’Alger, parce que les envahisseurs français sont venus avec une lettre promettant, que l’Etat français allait garantir la propriété privée et la libre entreprise, alors que l’Etat turc exerçait un monopole sur le commerce extérieur et certaines activités manufacturières. Donc, tant qu’on n’a pas des forces sociales locales promptes à ouvrir la porte, quel que soit l’envahisseur, qui se trouve à son seuil, une résistance efficace est possible.

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L’Institut National d’Etudes de Stratégie Globale (INESG) porte à la connais- sance des chercheurs universitaires, experts et spécialistes de la création d’une revue intitulée « Revue algérienne de prospective & d’études stratégiques ».

Elle a pour but de servir de forum pour des analyses critiques et des réflexions portant sur les plans national, régional et international.

C’est une revue trimestrielle qui porte sur des domaines perçus à travers nos réalités nationales et ses enjeux :

Géopolitique ;

Géostratégie de la zone «Middle East North Africa»;

les relations internationales, de sécurité et de défense ; les stratégies de développement économique et social ; l’énergie, l’agriculture et l’environnement ;

l’évolution des institutions politiques et la transformation des systèmes institutionnels ;

le développement culturel et éducatif ; la communication ;

le développement technologique.

Tous les chercheurs intéressés par l’une des thématiques citées ci-dessus sont invités à proposer leurs contributions sous forme d’articles en tenant compte des conditions suivantes :

les contributions devront être originales, et n’avoir fait l’objet d’aucune autre publication ;

l’article comporte entre 6000 et 9000 mots, soit entre 9 et 14 pages;

la page de garde comporte le titre de l’article et sous-titre si nécessaire, le (s) nom (s) de (ou des) l’auteur(s), ses (leurs) fonctions et ses (leurs) coordonnées (adresses postales personnelles nécessaires, le (s) nom(s) de (ou des) l’auteur(s), ses (leurs) fonctions et ses (leurs) coordonnées (adresses postales personnelle et professionnelle, téléphone, adresse élec- tronique) ;

la deuxième page comporte le résumé et les mots-clés (franç. et angl.);

les articles en arabe devront comporter des résumés et des mots-clés (arabe et français ou anglais) ;

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Times New Roman 11, en interligne simple, sans espacement, marge 2,5 cm (haut, bas, droite, gauche) ;

les textes écrits en arabe devront être rédigés en arabic simplified 14, les notes doivent figurer en bas de chaque page dans l’ordre 1, 2, 3, etc., (leur numérotation doit être continue pour l’ensemble du texte) avec un caractère Times New Roman 9 pour les textes écrits en latin et arabic simplified 12 pour les textes écrits en arabe ;

les schémas, graphiques et tableaux doivent être numérotés, comportés un titre et la référence à une source si nécessaire et intégrés dans le texte les références bibliographiques à la suite du texte, classées par ordre al- phabétique. Elles doivent être présentées suivant la norme ISO 690-2010.

les citations des noms d’auteur dans le corps du texte sans parenthèses, les noms cités doivent tous être repris dans la bibliographie.

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Tous les articles devront parvenir sous format Word au secrétariat de la revue

Secrétariat de la « revue algérienne de Prospective &

d’études stratégiques

».

M. Mohamed Belhadj E-mail : rapes.inesg@gmail.com

Institut National d’Etudes de Stratégie Globale (INESG) BP 137, les Vergers Birkhadem Alger

Tél. : 021 54 07 07

Fax : 021 54 01 39

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