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Vous pensez •

diplôme.

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Nous nous entourons de jeunes talents qui ont le goût du défi et le sens des responsabilités. Vous avez obtenu d'excellents résul- tats à votre diplôme de fin d'études et disposez de compétences sociales incontestées? Vous remplissez ainsi les conditions pour réussir chez nous. Découvrez les opportunités de carrière qui vous sont offertes.

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De nouvelles perspectives. Pour vous.

CREDIT SUISSE

È D I T O

Ce vent de Gog qui noiu vient d'Amérique

O

ui a entendu parler de Gog et de Magog? Ras­

surez-vous, cher lecteur ou chère lectrice, vous êtes une très large majorité à hausser les sour­

cils. Vous comprendrez d'autant mieux la perplexité de Jacques Chirac qui a entendu, un jour de 2003, George W. Bush lui expli­

quer qu'il fallait intervenir militairement en Irak, parce que Gog et Magog y étaient à l'œuvre.

Ne cherchez pas ces désaxés du mal parmi l'état-major de Saddam Hussein. Ils n'y ont jamais travaillé. Et pour cause : Gog et Magog sont les vedettes d'une obscure prophétie, que l'on doit à un certain Ezé- chiel et qui figure dans l'Ancien Testament.

Quand il livre ses convictions les plus intimes sur la politique proche-orientale, George W.

Bush ne pense donc pas au pétrole ou à des bases susceptibles d'accueillir ses GI. Il ne parle ni d'économie ni de géostratégie. Il réagit comme un croyant qui attend que se réalise une prophétie biblique...

Si «Allez savoir! » a choisi d'évoquer ces ahurissantes confidences de W. à Jacques Chirac dans ce numéro, c'est parce qu'un chercheur de l'UNIL s'est trouvé impliqué dans l'affaire. Le professeur de théologie Thomas Rômer a ainsi été appelé par l'Ely­

sée, qui cherchait à éclaircir les références ésotériques du président des Etats-Unis.

Jacques Chirac ayant pris sa retraite, le chercheur lausannois peut s'exprimer libre­

ment sur cet entretien, qui appartient désor­

mais à l'histoire.

Outre l'intérêt qu'il y a à découvrir les coulisses de la politique internationale, cet extrait des échanges Bush-Chirac sur l'Irak doit encore attirer notre attention sur les conséquences problématiques de notre méconnaissance de plus en plus crasse en matière de culture chrétienne.

Car, comme Jacques Chirac, nombre d'Européens n'auraient pas su que répondre

Jocelyn Rochat Rédacteur en chef

à la référence biblique invoquée par George W. Bush en 2003.

Par inculture religieuse, mais aussi parce que nous sommes nombreux à croire, en Suisse romande comme dans la France voisine, si fière de sa laïcité, que le religieux a été définitivement chassé de la conduite des affaires des Etats démocratiques avancés.

Nous sommes aussi nombreux à imagi­

ner que ce sentiment est désormais confiné à la sphère privée, où il peut s'exprimer sans (trop) faire couler de sang. Un espoir qu'il faudra relativiser très vite, sous peine de ne plus rien comprendre à la marche actuelle du monde.

Le 11 septembre nous avait rappelé que, dans le monde musulman, certains fana­

tiques sont prêts aux pires extrémités pour remettre leur Dieu au pouvoir. Et les réfé­

rences surréalistes de George W. Bush (c'ejt en page 34 de ce magazine) achèveront de vous convaincre, si besoin en était, qu'il existe aussi des chrétiens qui travaillent à remettre l'Eglise au milieu du village pla­

nétaire.

Le hic, c'est que la bonne réponse à ces nouveaux fous de dieu passe par un retour aux textes religieux. Histoire de rappeler aux uns que le Coran interdit notamment d'attaquer des non-combattants, les femmes et les enfants, et d'expliquer aux autres que l'Irak d'hier et que l'Iran demain ne sont pas cette Perse ennemie de Dieu dont parlait le prophète Ezéchiel, quand il imaginait la fin des temps, il y a plus de 2000 ans.

Davantage de paix dans le monde passe par cet effort d'explication. Le problème, c'est qu'il faut une excellente connaissance des Ecritures poury parvenir. Un domaine qui n'est vraiment plus notre point fort. Et là, ce ne sont ni Gog, ni Magog, qui nous contrediront.

Jocelyn Rachat

Magazine de l'Université de Lausanne :

№ 39, septembre 2007 Tirage 27'000 exemplaires 48'400 lecteurs (Etude M.I.STrend 1998) http://www.unll.ch/unicom/

page6524.html Rédaction:

Rédacteur en chef:

Jocelyn Rochat, journaliste au Matin Dimanche

Collaborateurs: Sonia Amai, Geneviève Brunet, Pierre-Louis Chantre, Elisabeth Gilles, Elisabeth Gordon Photographies : Nicole Chuard Infographies: Stéphanie Wauters Photos de couverture:

Bush et Chirac : REUTERS/

Jacky Naegelen en 2003, au G8 d'Evian Hodler: Un détail de »La Nuit», Ferdinand Hodler, 1890, Kunstmuseum de Berne Reproduction : www.photos.com Champignons: N. Chuard

Correcteur: Albert Gain Concept graphique:

Richard Salvi, Chessel Publicité: EMENSI publicité, Cp 132, 1000 Lausanne 7 Tél. 078 661 33 99 E-mail : emensi@bluewin.ch Imprimerie IRL

1020 Renens

Editeur responsable:

Université de Lausanne Marc de Perrot, secrétaire général Jérôme Grosse, resp. Unicom Axel A. Braquet, adjoint Florence Klausfelder, assistante Unicom, service de communication et d'audiovisuel - Université de Lausanne Amphimax - 1015 Lausanne

tél. 021 692 22 80 uniscope@unil.ch

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

(3)

ire.

La demande

De plus en plus de couples suisses ont recours à l'insémina­

tion artificielle.

Dans les années qui viennent, on estime ainsi que 2% des bébés naîtront grâce à ce genre d'assistance.

Ce qui pose des questions délicates.

La réglementation limite en effet à huit le nombre de grossesses qu'il est possible d'obtenir avec la semence d'un même donneur volontaire.

L'idée est d'éviter l'émergence de «super­

papas» comme on en voit décrits dans la littérature, et parfois même dans la réalité, puisqu'un médecin de Washington s'est substitué aux don­

neurs, et qu'il aurait eu 80 enfants avant d'être démasqué.

Au CHUV, où les réserves de sperme congelé utilisables arriveront bientôt à épuisement, on craint que le recrutement ne se complique.

En brisant l'anonymat garanti jusqu'alors aux donneurs, la nouvelle réglementation a en effet de quoi découra­

ger nombre de volon­

taires potentiels.

Davantage d'explica- tioiu en page 52

Edito

L ' U N I L en livres

page 1 page A

S C I E N C E S

«

«Les Experts»

de la série TV passés au crible

par un scienti-flic suisse page 6

Les séries T V «Les E x p e r t s » à Las Vegas, à Miami et à M a n h a t t a n sont r é g u l i è r e m e n t sui­

vies p a r p r è s de 300 000 R o m a n d s . Elles sont i n c o n t e s t a b l e m e n t bien faites. Sont-elles p o u r a u t a n t r e p r é s e n t a t i v e s des m é t h o d e s de police scientifique? Sont-elles réalistes? F r é d é r i c S c h ù t z , d o c t o r a n t en police scientifique et cri­

minologie à l ' U N I L , t r o u v e le résultat plutôt c o n v a i n c a n t .

B E A U X - A R T S

Comment Hodler a

conquis Paris page 16

C'est en novembre prochain que la capitale fran­

çaise fêtera Hodler, au M u s é e d ' O r s a y . M a i s l'admiration de Paris p o u r le p e i n t r e suisse a c o m m e n c é bien plus tôt. Histoire d ' u n e recon­

naissance i n t e r n a t i o n a l e qui p r e n d sa source d a n s le refus q u ' o p p o s a un j o u r G e n è v e d e v a n t

«La Nuit», l'un des c h e f s - d ' œ u v r e du p e i n t r e .

I N T E R V I E W

Voici comment l'UNIL

injecte chaque année 128 millions

dans l'économie vaudoise page 26

Quel impact économique l'Université de Lau­

sanne ( U N I L ) a-t-elle sur le canton de Vaud?

Pour le calculer, Délia Nilles, du C R E A , à la Faculté des H E C de l ' U N I L , a analysé une période de sept ans (1999 - 2005). Les résultats sont s u r p r e n a n t s .

P O L I T I Q U E

George W. Bush

et le Code Ezechiel ,page 34

Q u a n d il évoque la situation politique au Proche- Orient, le président des Etats-Unis voit Gog et Magog à l'œuvre. Deux créatures qui apparais­

sent dans une vision apocalyptique de l'Ancien Tes­

tament! Les explications de Thomas Römer, un ex­

pert de l ' U N I L qui a été contacté par l'Elysée en 2003, quand J a c q u e s Chirac cherchait à élucider les références troublantes de George W. Bush.

L'info

Quand vous allez à la chasse aux champi- gnons, ne vous fiez jamais aux limaces. Ce n'est pas parce qu'elles mangent un cham- pignon que celui-ci est comestible pour les humains. Les limaces avalent notamment les amanites tue-mouches

(photo), parce qu'elles ont les enzymes pour dégrader les toxines qu'elles pro- duisent. Un conseil

parmi d'autres que voiu découvrirez en page 44

ALL

N A T U R E

La cueillette est une vraie quête.

Ce qu'il faut savoir pour

trouver de bons champignons page 44

D a n s le monde fascinant, complexe et parfois dangereux des champignons, tout peut arriver.

Ce ne sont pas des plantes et ils forment un règne à eux tout seuls. Pour faire un peu connaissance avant de se lancer sur le terrain, voici quelques précisions à leur sujet et un retour sur certaines idées reçues. En compagnie de Heinz Clémen- çon, professeur honoraire de l'Université de Lau­

sanne, biologiste et mycologue de renom.

M E D E C I N E

Menace sur la reproduction

médicalement assistée page 52

D e plus en p l u s de c o u p l e s o n t r e c o u r s à l'in­

s é m i n a t i o n artificielle. D a n s les a n n é e s qui v i e n n e n t , 2 % d e s b é b é s n a î t r o n t g r â c e à ce g e n r e d ' a s s i s t a n c e . Le p r o b l è m e ? O n m a n q u e de d o n n e u r s . La b a n q u e de s p e r m e du C H U V a r r i v e au b o u t de ses r é s e r v e s et va p r o c h a i n e ­ m e n t r e c r u t e r de n o u v e a u x d o n n e u r s . Q u e l est le profil de ces h o m m e s ? Q u e l l e s sont leurs m o t i v a t i o n s ? T o u r d ' h o r i z o n avec D o m i n i q u e de Ziegler, m é d e c i n - c h e f du réseau r o m a n d de p r o c r é a t i o n m é d i c a l e m e n t assistée.

L A V I E À L ' U N I L

Formation continue page 61 Abonnez-vous, c'est gratuit! page 64

ez savoir l

E N A P A R L E !

2007 boules de cristal

L

es économistes sont-ils plus fiables que les astrologues quand il s'agit de nous prédire avenir? Voilà la question que nous posions l'automne dernier*. Cette couverture d'« Allez savoir! », datée d'octobre 2006, a-t-elle tenu ses promesses? Les paris sur l'avenir développés par les économistes sur Internet, et notam­

ment à l'UNIL, dans le cadre de leurs mar­

chés d'idées, sont-ils plus efficaces que les astres ou que la boule de cristal?

Près d'un an après, nous pouvons déjà vérifier quelques-unes des visions de nos pythies économiques, que nous avions alors sélectionnées sur la Toile.

En octobre 2007, «Allez savoir! » suivait ainsi les parieurs pour annoncer que Nicolas Sarkozy allait battre Ségolène Royal en finale de la course à la présidentielle française. Autre pronos­

tic qui s'est vérifié : l'acteur Daniel Craig restera l'interprète de l'agent secret 007 au cinéma, après la sortie de «Casino Royale».

Rappelons à ceux qui haussent les épaules qu'à l'époque où nous avons choisi ces paris, Ségolène Royal chahutait Nicolas Sarkozy dans les sondages, et le blond Daniel Craig suscitait les pires craintes chez les «Bondologues».

A ce jeu des paris sur l'avenir, «Allez savoir! » annonçait encore que Tony Blair allait prendre sa retraite avant le 2 mai 2007.

C'était un peu imprécis, puisque le leader anglais a quitté son poste à la fin juin seulement.

Voilà ce qu 'il en est pour les pronostics dont on connaît la conclu­

sion. Restent, parmi notre liste de paris ouverts sur l'avenir, plusieurs scénarios qui n'ont pas encore connu leur épilogue.

Nous signalions en effet qu'Hillary Clinton devrait être la can­

didate des Démocrates à la prochaine élection présidentielle américaine, contrairement à Condoleezza Rice, qui n'aurait aucune chance. Nous ne donnions que très peu de chances à Arnold Schwarzenegger de devenir un jour président des Etats- Unis. Nos parieurs sur Internet ne croyaient pas davantage que les Etats-Unis allaient frapper militairement l'Iran ou la Corée du Nord. Enfin, les parieurs n'imaginaient pas qu'Al­

bert de Monaco puisse se marier en 2007. Ce qui, dans l'en­

semble, est plutôt bien (pré)vu.

En revanche, nos amateurs de prédictions économiques s'at­

tendaient à ce que la capture ou la mort d'Oussama Ben Laden intervienne durant la présidence de George W. Bush. Cela semble plus compromis, mais pas impossible, à l'heure où nous écrivons ces lignes.

Bref, ces prévisions auront montré qu'elles méritaient qu'on leur accorde un minimum de crédit. Ce qui, en économie, est toujours un indice intéressant.

Jacelyn Rachat

«Mieux que les astrologues, les économistes

voient déjà 2007», «Allez savoir!» № 36, octobre 2006, sur Internet à l'adresse:

www2.unil.ch/unicom/allez savoir/as36/index.html

(4)

L'UNIL en livree.

FiedW.Mttt lui. Jäncke

Edilofi

Spatial Processing in Navigation, Imagery and Perception

La représentation A spatiale

Ce livre présente les derniers déve­

loppements de la recherche sur la représentation spatiale. Cette représentation est impliquée dans notre exploration de l'espace perçu mais également dans les mouve­

ments, l'attention, la navigation et l'imagerie mentale.

Grâce aux connaissances acqui­

ses sur les structures corticales et sub-corticales, nous compre­

nons désormais mieux les méca­

nismes sous-jacents contribuant à la représentation de l'espace.

La conjonction de nouvelles ap­

proches neuroscientifiques a

élargi ce domaine d'étude et con­

firmé ses perspectives de déve­

loppement.

Les connaissances dans ce domaine ne sont pas limitées à la recherche de base et permet­

tent des applications pratiques en lien avec la vie courante. Il est important de connaître le fonc­

tionnement des mécanismes spa­

tiaux qui rendent possibles des activités a priori banales (comme la conduite d'une voiture, l'orien­

tation dans une ville ou l'appren­

tissage d'un nouveau sport) mais qui nécessitent en réalité des pro­

cessus cérébraux complexes pour être réalisées. Connaître les mé­

canismes du traitement de l'infor­

mation spatiale permet égale­

ment d'intégrer d'une manière efficace de nouvelles techniques et technologies à la vie de tous les jours.

Les découvertes présentées dans ce livre émanent de diverses disciplines telles que les neuro­

sciences cognitives, la psycholo­

gie cognitive, la neuropsycho­

logie, la neuroanatomie, les sciences informatiques et la robo­

tique. Ed.

«Spatial Processing in Navigation, Imagery and Perception» Fred W. Mast et Lutz Jëncke (Eds), 442 pages.

Europe-les-Bains

Voilà une série de chroniques caustiques sur un sujet qui a pas­

sionné les Français : l'Europe. Ré­

digées à Paris entre les émeutes de novembre 2005 et les manifes­

tations d'avril 2006 par un Russe ébaubi qui désormais habite en Suisse. Et l'heure est grave : l'Eu­

rope, et la France au premier chef, est en train de devenir un lieu de villégiature quatre-étoiles. Plus d'usines, plus d'industries, plus d'ouvriers, plus de travail mais de plus en plus de gens pressés quand même, et surtout des tou­

ristes de toute nationalité qui énervent bougrement les autoch­

tones. Des musées bondés où l'on admire des tableaux sur la

«mélancolie». Une civilisation en plein spleen, qui ne se remet pas de sa grandeur passée et se lamente sur les petits Chinois, où les politiques ont perdu le Nord.

Mais au lieu de vivre ce tournant en faisant l'autruche, mieux vaut l'assumer. Quelles sont les pers­

pectives dans ce nouveau parc balnéo-culturel? Devenu oisif par

choix ou par contrainte, l'Euro­

péen pourra servir de guide aux visiteurs, mais surtout aura enfin du temps pour prendre soin de lui, pour jouir pleinement de ses désarrois et des aléas de son des­

tin. Ed.

«Europe-les-Bains» Michail Maiatsky, Michalon, Collection D'ores et déjà, 160 pages.

Michail Maiatsky est maître-assistant à la Section des langues et civilisations slaves de l'UNIL.

M I C H A I L M A I A T S K Y

EUROPE-LES-

Le cheval de Troie Emblème même de l'intelligence stratégique et d'une victoire de­

venue légendaire, mais aussi por­

teur de ruines et de massacres, le cheval de Troie donne à pen­

ser et à dire. Ruse et tromperie à la fois, machine de guerre et objet d'art, il a stimulé l'imagination des poètes, des artistes et des archéologues, tout au long des siècles. Sept enseignants de l'Université de Lausanne ont choisi de suivre l'histoire de ses

représentations littéraires et figurées de l'Antiquité à nos jours. Les variations toujours nou­

velles de cet épisode fameux apparaissent liées aux change­

ments de contextes et de genres, à l'évolution des conceptions de la guerre, au gré de ce que l'art à chaque fois choisit de dire ou de montrer.

C'est le premier volume d'une nouvelle collection, Regards sur l'Antiquité, créée pour permettre la publication des conférences

Discours et fictions Comment le discours s'articule- t-il avec le réel? La fiction doit- elle être limitée à un monde potentiel?

Ce volume présente des contribu­

tions qui abordent cette réflexion en parlant d'un voyage lointain (en l'occurrence au Tibet) en des formes proches de la littérature d'imagination et en traitant des liens entre littérature et politique.

Dans un autre texte, «c'est l'iden­

tité des Israéliens d'origine maro­

caine qui est étudiée à partir de leurs pratiques et de leurs dis­

cours où l'on découvre un atta­

chement surprenant de la part de cette diaspora pour son pays d'origine».

C'est ensuite une contribution au débat sur la dimension fonction­

nelle des travaux scientifiques, à travers l'exemple de textes eth­

nographiques.

Ce volumme comporte également des notes de lecture et des comptes-rendus d'ouvrages ainsi qu'une communication sur le débat parlementaire français de 1981 consacré à l'abolition de la peine de mort. A.B.

«A contrario, revue interdisciplinaire de sciences sociales»

Vol. 5, no 1,139 pages, Editions Antipodes.

a contrario

Paysaßt et norrtítdíjrnrj

dans Le Tibet révolté Littérature et politique i le roman contractuel La mise en scene de l'identité marocaine en lirai1

î.'tiitf ni: icijîlr nuriit m quatto

l'exemple de la fiction

L ' o m b r e d e C é s a r

PkMie-Yvei DONI

Ì l i

B H M s

Les chirurgiens vaudois Ce livre invite le lecteur à une plon­

gée dans les fondements de notre médecine contemporaine. Il met en lumière le rôle joué par les chirur­

giens dans l'affirmation de nou­

velles techniques opératoires qui font de l'hôpital le lieu par excel­

lence de l'exercice de la médecine, et montre l'importance de la Faculté de Lausanne dans la for­

mation de plusieurs générations de chirurgiens vaudois et romands.

Le développement de la médecine hospitalière implique alors l'a­

doption de nouvelles méthodes gestionnaires et s'accompagne d'une intervention de l'Etat, non seulement comme bailleur de fonds, mais aussi comme organi­

sateur du système.

C'est donc une histoire de la médecine abordée sous ses mul­

tiples aspects (technique, finan­

cier et politique) que nous pro­

pose cet ouvrage. Ed.

«L'ombre de César. Les chirurgiens et la construction du système hospitalier vaudois (1840-1960)» 369 p., Bibliothèque d'histoire de la médecine et de la santé.

Pierre-Yves Oomé est docteur en histoire.

Il a été assistant à l'Institut d'histoire de la médecine et de la santé de l'UNIL puis à l'Université de Neuchâtel et a dirigé le Centre jurassien d'archives et de recherches économiques à Saint-lmier.

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

L'UNIL en l t v reo

tenues dans le cadre des cours publics organisés par l'Institut des sciences de l'Antiquité. Cette collection vise un large public intéressé par l'approche d'un thème à travers le temps et les différentes disciplines attachées à l'étude de l'Antiquité. Ed.

«Le cheval de Troie. Variations

autour d'une guerre» sous la direction ^ de Danielle van Mal-Maeder,

avec la collaboration de Florence Bertholet, coll. Regards sur l'Antiquité, vol. 1, Gollion, Infolio, 2007,190 pages.

A

I

LE C H E V A L D E T R O I E I VARIATION* AUTOUR D'UNI f.tJIRM

Le Parti socialiste ^ vaudois

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, le Parti socialiste vau­

dois tente de survivre à une scis­

sion qui, en 1939, l'avait amputé de l'immense majorité de ses membres. Menacé par le jeune POP, il mène une lutte contre ce meilleur ennemi qui lui conteste son rang de parti des travailleurs.

Peu à peu, il l'emporte... et entame, dès 1947, une progres­

sion fulgurante. Il s'en prend alors

La violence des jeunes Peut-on tenter d'enrayer la proli­

fération des actes de violence chez les jeunes? Les trois au- teures de ce livre répondent oui.

Psychologues, chercheuses, en­

seignantes, elles sont avant tout sur le terrain, confrontées à des enfants ou des ados qui vivent mal leur impuissance, leur manque de ressources pour expri­

mer ce qu'ils ressentent. Elles ont mis en évidence le concept d'analphabétisme émotionnel, principale source de violence parmi les jeunes.

Racket, exclusion, incivilité ou coups ne sont pas des fatalités.

Avec des outils simples et créa­

tifs, appliqués ici et maintenant, on peut faire face à la violence Ce livre propose des jeux de rôle, des dessins, des contes, etc. pour permettre aux enfants, adoles­

cents et adultes de gérer les situations difficiles sans violence.

L'enjeu est immense : développer l'estime de soi, les habilités cognitives, comportementales et sociales qui favoriseront une meilleure gestion des conflits. Ed.

«Prévenir la violence des jeunes»

Corinne Bonnet-Burgener, ^ Chantai Brouze, Evelyne Chardonnens,

224 pages, Editions Favre.

f. Chardonnens est maître d'enseignement à l'Institut de psychologie de l'UNIL, les deux autres auteures sont diplômées de l'UNIL

Corinne Bonnet-Burgener Chantai Brouze Evelyne Chardonnens

P r é v e n i r K

l a v i o l e n c e des j e u n e s _

1

"ON NE MONTE PAS SUR LES BARRICADES POUR RÉCLAMER LE FRIGIDAIRE POUR TOUS"

mil IMMUSII

à un Parti radical hégémonique mais vieillissant. En jouant sur le double tableau de la participation gouvernementale et de l'alterna­

tive aux partis en place, il devient rapidement l'une des principales forces du canton.

Parallèlement à sa progression dans les urnes, sa structure évo­

lue : création d'une base solide de militants, autonomisation d'une classe de cadres et système de financement tirant profit des vic­

toires électorales sont trois des principaux piliers qui font du PSV un outil électoral capable d'assu­

mer son rôle de premier plan.

Dans ce livre, on voit comment se comporte une petite formation face à ce que l'historien Jacques Droz appelle «la contradiction profonde dans laquelle se débat la social-démocratie», l'intégra­

tion progressive à un système que l'on s'était promis d'abattre. Ed.

«On ne monte pas sur les barricades pour réclamer le frigidaire pour tous».

Julien Wicki, 245 pages.

Editions Antipodes.

De l'adolescence au ^ grand âge

De la naissance à la mort, les existences individuelles suivent des cheminements qui, loin d'être déterminés par la seule volonté ou le hasard, s'inscrivent dans des causalités sociales et psychologiques fortes. Les auteurs, psychologues et socio­

logues, se fondant sur de vastes enquêtes réalisées en Suisse, aux Etats-Unis et en Allemagne, apportent un éclairage original sur les «parcours de vie». De l'adolescence au grand âge, cet ouvrage analyse les étapes et les transitions marquant ces tra­

jectoires, en soulignant les dé­

fis propres à chacune et les stra­

tégies d'adaptation déployées par les individus. Si ces trajec­

toires sont marquées par des contraintes biologiques et le contexte historique, elles le sont tout autant par l'horloge sociale qui, tant du point de vue fami­

lial que professionnel, rappelle à chacun son heure. De cette combinaison d'influences se

39 Mariènc Sapin, Dirio Spini, Eric Widmer E L E S P A R C O U R S

: D E V I E

t* l'AIXMUŒNCE AU «AN AGI.

I I M

Pie ]

2 savoir

2 suisse

dégagent, dans toute leur com­

plexité, les «parcours de vie»

caractéristiques du temps pré­

sent. Ed.

«Les parcours de vie. De l'adolescence au grand âge» Marlene Sapin. Dario Spini.

Eric Widmer, 144 pages, Collection Le savoir suisse, Presses polytechniques et universitaires.

M. Sapin est doctorante à l'UNIL. D. Spini prof, associé et f. Widmer prof, ordinaire.

Un éditeur engagé En 1958, la parution d'un livre va produire un petit séisme dans la société française de cette époque. Publié sous l'égide des Editions de Minuit, «La Question»

d'Henri Alleg, militant du Parti communiste algérien, présente le récit des tortures subies par son auteur dans la banlieue d'Alger.

Saisi le 27 mars par les autorités françaises, le livre est réédité à Lausanne à l'enseigne d'une

i

nouvelle maison d'édition, La Cité Editeur.

Ce sera le premier d'une série de livres dénonçant la torture en Algérie ou se rapportant à cette guerre. Le catalogue s'élargira par la suite à des textes de théâtre d'auteurs suisses, puis à des publications prochinoises qui vaudront à Nils Andersson, le fon­

dateur et animateur de ces Edi­

tions, son expulsion de Suisse en 1967.

Cet ouvrage propose un éclairage sur la Suisse durant la guerre froide et les luttes politiques et idéologiques des années 1950 et 1960. Ed.

«Livre et militantisme. La Cité Editeur 1958-1967» Léonard Burnand, Damien Carrón, Pierre Jeanneret sous la direction de François Vallotton, 208 pages, Editions d'en bas.

Léonard Burnand est assistant

et doctoran! en histoire moderne à l'UNIL et assistant à l'Institut Benjamin Constant, Damien Carrón est assistant diplômé à l'Université de Fribourg et Pierre Jeanneret est docteur ès Lettres de l'UNIL.

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7 5

(5)

S C I E N C E S

«Les Experts»

de la série TV passés au crible par un

scienti-flic suisse

ed dérled TV «Led Expertd» à Lad Vegad, à Miaml et à Manhattan dont régulièrement dulvled

par prèd de300 000Romandd. Elled dont Incon- tedtablement bien falted. Sont-elled pour

autant reprédentatlved ded méthoded de

^ police dclentlflque? Sont-elled réa- m lldted?Frédéric Schutz, doctorant m en police dclentlflque et crlmlno- f logle à l'UNIL, trouve le rédultat

plutôt convaincant.

(6)

«Lej Experts » de la dérie TV pajjéj au. crible par un tfcîenti-ftic dui<t<te

F

rédéric Schiitz est un expert.

Formé à l'Institut de police scien­

tifique et criminologie (rebaptisé depuis Ecole des sciences criminelles) de l'Uni­

versité de Lausanne ( U N I L ) , il a eu la chance de suivre son cursus dans l'un des deux seuls centres universitaires de sciences forensiques au monde — l'autre est à Glasgow.

Aujourd'hui, il termine une thèse sur la traçabilité des armes à feu : il s'attache entre autres à analyser le cheminement qu'empruntent les armes depuis leur fabrication et le vol de pistolets ou autres fusils détenus par les armuriers et/ou les particuliers. Ces armes volées sont-elles utilisées pour commettre des crimes ou des délits? S'agit-il de réseaux organisés qui opèrent ces vols? Autant de questions auxquelles il essaie d'apporter des ré­

ponses.

Une analyse de la série TV

Même quand il n'est pas plongé dans ses recherches, Frédéric Schiitz reste un amateur de police scientifique; il aime d'ailleurs à faire partager ses connais­

sances. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé à expliquer la nature de cette discipline très particulière dans un cours mis sur pied pour les universités populaires.

«Mon premier cours était une intro­

duction générale sur la police scienti­

fique, explique le chercheur. Mais, de plus en plus, les questions que l'on me posait étaient liées à la série «Les Experts». J'ai donc décidé de m'adap- ter aux attentes de mon public, et, aujourd'hui, mon cours est devenu une analyse de la série. J e choisis un épi­

sode, nous le visionnons ensemble, et

j'arrête le film chaque fois qu'un élément me semble important.»

«Dans l'ensemble, c'est très bien fait»

Avant de se lancer dans cet enseigne­

ment particulier, Frédéric Schiitz n'était pas spécialement fan de la série. Depuis qu'il s'y est mis, il porte un regard plu­

tôt positif. «Dans l'ensemble, c'est très bien fait: les réalisateurs sont conseillés par de vrais professionnels. Restent évi­

demment des aspects invraisemblables, le plus souvent nés de deux contraintes incontournables pour une série télé: le temps - il faut un problème, une enquête et un dénouement par tranche de 50 minutes, et le suspense-l'intérêt doit

être constamment maintenu, parfois au détriment de la réalité.»

Entre effet narratif, contrainte tem­

porelle et vérité, comment y voir plus clair? Décodage avec un expert. Un vrai.

Au labo tu resteras

Le scénario est, au début de chaque épisode, relativement similaire : une per­

sonne se retrouve nez à nez avec un mort, ou découvre qu'un cambriolage a été commis. Elle perd ses nerfs, panique, court chez son voisin, sa sœur, son mari.

Ce second personnage, un soupçon plus calme, appelle la police, l'ambulance ou

8 A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

Dès qu 'un cadavre e<tt découvert à Laj Vcgcu, l «Expert» en chef Gil GrUdom fait don apparition

T

les pompiers, qui à leur tour contactent les experts indispensables au recueille­

ment des indices ou à l'analyse de la scène du crime.

«Jusque-là, c'est assez proche de ce qui se passe dans la réalité. Il est rare que la première personne confrontée au délit ou au crime alerte elle-même les secours», commente Frédéric Schiitz.

Mais les choses se gâtent à l'étape sui­

vante: dans un grand crissement de pneus, les Experts de la télé arrivent sur place, franchissent d'un bond les cordons de sécurité, se précipitent sur le cadavre ou le carreau fracturé et recueillent des indices à tour de bras.

Frédéric Schiitz explique qu'il s'agit là d'une dramatisation télévisuelle sans grand écho dans le travail quotidien d'un expert.

Les experts ne mènent pas l'enquête

«Nous passons presque tout notre temps au labo - il est vraiment très rare que nous en sortions. Mais forcément, des gens en blouse blanche penchés sur des microscopes, ça n'est guère specta­

culaire. Dans les différentes séries, les experts vont donc sur les scènes de crime, se lancent dans des courses poursuites, voire se battent avec des suspects. »

Ce n'est évidemment pas ce que font les spécialistes de l'université, qui quit­

tent rarement leur blouse blanche.

Mandatés par le juge d'instruction, ils ont pour mission d'analyser un indice ou une pièce à conviction qu'on leur livre sur place, en répondant à une série de questions directes posées par le

magistrat. v

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7 9

(7)

Dans la série TV (ici deux scènes tirée*) des «Expert)» à Las Vegas), les scienti-flics cherchent de<tpistes sur le terrain comme da.ru leur labo. Dans la réalité suisse, les véritables

••experte» ne minent pas l'enquête. Ils analysent seulement les indices qu 'on leur confie

La réalité est de ce point de vue moins spectaculaire que la fiction, plus cloison­

née aussi : les experts ne mènent pas l'en­

quête. Parfois, mais c'est peu fréquent, le juge peut leur demander d'aller voir une preuve sur place. Les choses sont un peu différentes pour les experts incorporés dans une police, généralement à ce qu'on appelle «l'identité judiciaire». Eux ont, outre leur formation en sciences foren- siques (pour certains), un background de policiers puisque de fait, ils le sont. «Ils vont recueillir des indices sur le terrain, inspecter la scène du crime, voire prendre des photos, explique Frédéric Schùtz.

Mais ils n'arrivent de loin pas les premiers - ils passent plutôt après tout le monde, y compris après le médecin légiste.»

Les lieux tu respecteras

Si un expert doit se rendre sur les lieux d'un crime ou d'un délit pour analyser la scène et recueillir des indices, une chose est sûre : il fera tout le contraire des personnages de télévision. Ceux-ci ne respectent en effet aucune des règles du métier: ils se précipitent sur la vic­

time, sur la partie de son corps blessée, même.

«C'est le plus sûr moyen de saccager une scène et de détruire des indices, explique Frédéric Schûtz. Dans la réa­

lité, on commence toujours par recréer le chemin que l'on pense avoir été celui

du coupable, et on avance très lentement en direction de la victime, en analysant tout ce qui peut être une trace du pas­

sage de l'agresseur: un pas sur la moquette, une empreinte sur une poignée de porte, un cheveu, du sang, une fibre textile.»

Une tenue blanche et antistatique

Afin d'apprendre le bon cheminement et l'art de chercher les indices au bon endroit, les étudiants de l'Institut de police scientifique et criminologie de l'Université de Lausanne peuvent d'ailleurs s'entraîner dans l'une des trois cheminées du Batochime, ce grand bâti­

ment à l'allure de paquebot construit à Dorigny.

Un espace est dévolu à cet apprentis­

sage, sorte d'appartement meublé à la configuration changeante et aux indices éparpillés au gré des envies des ensei­

gnants. Pour entrer, il faut d'abord enfi­

ler une tenue blanche intégrale et anti­

statique: «Cet élément très important n'est pas non plus respecté dans la série.»

N e pas détruire la trace que l'on cherche

Car le plus grand danger lorsqu'on arpente une scène de crime est un risque que connaissent bien les archéologues : détruire une trace en la cherchant. Les experts de sciences forensiques sont quant à eux exposés à une menace sup­

plémentaire : chaque fois qu'ils entrent dans une pièce, un transfert de textiles et d'autres petits éléments (poussière, terre, etc.) peut se faire. Cet échange inévitable est appelé «principe de

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«Les Experts » de la série TV padded au crible par un dcienti-flic s u i s •< e S C I E N C E S

Locard». D'où la nécessité de s'isoler dans une combinaison, afin d'éviter d'analyser en labo des indices que l'on a soi-même déposés sur les lieux du crime...

Le temps nécessaire tu attendras

Dans les séries, qu'elles soient tour­

nées à Las Vegas, à Miami ou à Manhat­

tan, le groupe des Experts a quelque 50 minutes pour résoudre une affaire - moins si l'on considère toute la mise en condition du spectateur avant la décou­

verte du crime, souvent un meurtre.

Autant dire que les indices sont récoltés en un tour de main, traités en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, et les résultats livrés dans la seconde.

«L'analyse de l'ADN, bien qu'on ait réalisé des progrès spectaculaires dans ce domaine, peut prendre plusieurs jours, précise Frédéric Schiitz. Dans la série, ils ont un résultat quelques minutes seu­

lement après le prélèvement. » Il en va de même pour tous les échantillons à exploi­

ter - de la trace de pneu à l'empreinte digitale.

«A la télé, ils ont la science infuse»

Autre élément un brin agaçant pour les vrais spécialistes : il suffit à un Expert de télévision de lire deux ou trois élé­

ments biographiques ou de voir un cadavre pour pouvoir en déduire que le malheureux a été victime d'un tueur en série ou qu'il avait les caractéristiques qui le destinaient à périr violemment.

«Les Experts» de la TV, comme Horatio Caine de Miami, n 'ont besoin que

d'un seul coup d'œilpour savoir qu 'un cadavre a été victime d'un tueur en série. Dans la réalité, ce genre de déductions prend un peu plus de temps

«Dans la réalité, ce genre d'hypo­

thèses ne se construit que très lentement : il faut bien plus d'éléments et de temps pour en élaborer qui tiennent la route.

A la télé, ils ont la science infuse, l'ex­

plication leur vient en une fraction de seconde et c'est bien sûr toujours la bonne. La vraie police scientifique consi­

dère l'ensemble des hypothèses alterna­

tives qui pourraient expliquer les faits.»

Le suspect point tu ne trouveras

Forcément, les experts trouvent, du moins à la télé, toutes sortes d'indices, qu'ils analysent à toute allure et qu'ils ne

tardent pas à utiliser pour identifier un suspect. Dans une vraie enquête, les indices peuvent effectivement être pré­

sents en nombre, sans être forcément visibles à l'oeil nu, mais leur analyse prend toutefois plus de temps qu'à la télé.

Tout se passe donc de façon plus ou moins comparable pour les deux pre­

mières étapes. C'est au moment de conclure que la fiction est largement plus optimiste.

En effet, il arrive très souvent, après un crime ou un délit, q u ' u n échantillon de sang, de salive ou un cheveu soit étudié p o u r en séquencer l ' A D N . Mais p o u r savoir à qui appar­

tient l'échantillon et mettre la main sur un suspect, encore faut-il pouvoir croi-

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

«Les Experts» de la TV (ici Sara Sidle, à Las Vegas)

trouvent fréquemment des indices invisibles à l'œil nu. Mais ils analysent ces preuves bien plus vite que dans la vraie vie

ser le résultat avec une base de don­

nées complète.

Les auteurs de la série sont souvent confrontés à un problème scénaris- tique : comment faire progresser l'en­

quête et trouver le bon coupable sur la base des indices matériels? «L'un des subterfuges a été de créer différentes bases de données (d'empreintes digi­

tales des étudiants d'un campus amé­

ricain par exemple) qui n'existent pas dans la réalité et qui crachent sans délai l'identité du quidam tant recherché», confirme Frédéric Schiitz. Dans une vraie enquête, il arrive souvent qu'une empreinte ne corresponde à aucun des suspects et ne se trouve dans aucune

base de données... v

i

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

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«Les Experts» de la série TV passés au crible par un scienti-flic suidée S C I E N C E S

Dans les séries TV, «Les Experts» (ici Sara Sidle) assument tous les métiers de la police. Ils vont même jusqu'à arrêter les suspects. Ce n'est pas le cas en Suisse

tu connaîtras

Si les Experts de fiction identifient eux-mêmes le suspect, c'est évidemment parce que tous les indices les conduisent directement à une personne. Mais c'est aussi parce qu'ils mènent eux-mêmes l'enquête. Or les choses se passent en vérité de façon bien différente: c'est le juge d'instruction qui conduit les recherches, formule des hypothèses, demande des examens, et va jusqu'à poser des questions très précises sur les objets ou indices qu'il confie aux experts pour analyse.

De fait, parce qu'il a accès à tous les dossiers, les auditions de témoins, les rap­

ports de police, «le juge d'instruction a une vision globale de la situation et il est clairement le mieux placé pour donner une direction aux recherches, poursuit le chercheur. Dans la série, il y a claire­

ment une confusion des rôles, et pas seu­

lement par rapport au juge d'instruction.

Les Experts assument tous les métiers liés à la police ou à l'enquête, ils vont même jusqu'à interpeller des suspects...»

Toutes les réponses en 10 secondes!

Autre excès, la maîtrise complète dans tous les domaines des sciences forensiques (et au-delà) : «Nous savons où chercher l'information, mais nous avons souvent besoin de poser la ques­

tion à un spécialiste pointu, rectifie Fré­

déric Schütz. J ' a i dû une fois analyser des tuyaux de servofrein d'un véhicule qui portaient des traces dont l'origine était indéterminée. Le juge voulait savoir si la façon dont ils étaient déchi­

quetés était l'œuvre d'une fouine. Hon­

nêtement, je n'ai aucune compétence particulière quant aux morsures de fouine et des traces qui en résultent; j'ai donc été voir un connaisseur pour me renseigner. Dans la série, ils savent tous absolument tout, et ils ont toujours une réponse dans les 10 secondes. De vraies encyclopédies! »

«Moins performants qu'à la télé»

La série télé est incontestablement basée sur une réelle compétence en

matière de sciences forensiques. Mise en scène oblige, elle obéit néanmoins plus souvent aux lois du téléfilm policier, avec courses poursuites, arrestations, enquê­

tes concluantes et suspects identifiés, qu'aux lois de la recherche scientifique - pour le plus grand plaisir des specta­

teurs d'ailleurs, qui, à moins d'être de fins chimistes ou des passionnés, finiraient par s'ennuyer sérieusement. Alors forcé­

ment, les Experts du petit écran savent tout faire et assument sans fléchir quatre ou cinq professions en un seul homme, que ce soit juge d'instruction, inspecteur de police ou médecin légiste. Et Frédé­

ric Schùtz de conclure modestement : «Je crains que nous ne soyons moins perfor­

mants qu'à la télé...»

Sonia Arnal

A voir :

«Les Experts», une série TV à voir

le dimanche soir, dès 21h05, sur TSR 1

Tacha Hicks Champod, l'experte de l'UNIL qui fait parler le verre

A coup de pierre, de marteau et de... pistolet, la chercheuse a cassé une centaine de vitres pour en analyser les fragments.

Explications.

V

ous avez déjà rêvé de vous passer les nerfs en faisant voler en éclats une vitre? Docteur ès sciences foren­

siques de l'Université de Lausanne et chercheuse du F N R S (Fonds national suisse de la recherche scientifique), Tacha Hicks Champod s'est offert le luxe d'en briser une centaine. Pas pour se défouler, mais pour les besoins de sa thèse.

Généreusement sponsorisée par une vitrerie, elle s'est attaquée aux vitres à coup de pierre, de marteau et de... pis­

tolet, avec l'aide, dans ce dernier cas, de Frédéric Schùtz. But de l'opération?

Apprendre à interpréter les éclats, faire parler les fragments.

«Comparer des fragments de verre, c'est relativement facile, explique la cher­

cheuse. Entre l'indice de réfraction et l'analyse élémentaire, on arrive à distin­

guer la majorité des verres parce que les éléments qui les composent ne sont presque jamais présents dans les mêmes proportions.»

D'où vient le verre trouvé sur le pull d'un suspect?

Ce qui est nettement moins évident, c'est l'interprétation des résultats d'a­

nalyses effectuées sur des fragments de 0.2 mm. Concrètement, comment être sûr que les minuscules particules de verre retrouvées sur le pull d'un homme sus­

pecté d'avoir commis un cambriolage proviennent du bris de la baie vitrée ou sont le fruit du hasard?

«La réponse est d'autant plus difficile que le suspect peut être appréhendé plu­

sieurs heures après avoir commis son délit», précise Tacha Hicks Champod.

Elle a donc fait une étude avant tout sta­

tistique (eh non, une thèse ne se résume pas qu'à la partie jouissive de briseur de vitres) pour identifier les éléments dont il faut tenir compte au moment d'évaluer la probabilité des indices.

Un répertoire d'indices

La chercheuse a ainsi pu mettre au point une sorte de répertoire d'indices de probabilité, qui reflète la variété des facteurs déterminants et peut être utilisé à peu près dans tous les cas de figure. Un travail reconnu à l'étran­

ger, moins en Suisse où les microtraces ne sont pas encore exploitées à leur maximum.

Tacha Hicks Champod n'a pas re­

noncé pour autant à sa marotte, l'in­

terprétation des données incomplètes.

Elle travaille aujourd'hui à l'Université de Lausanne avec un financement du F N R S et essaie d'établir un outil sta­

tistique comparable, mais pour l'inter­

prétation cette fois des traces d ' A D N trop dégradées pour être utilisées direc­

tement dans la base de données natio­

nale. La même démarche donc, mais sans marteau ni pistolet.

S.A.

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B E A U X - A R T S

Comment Hodler conquis Paris

En 1891, la «lubricité» et «l'immoralité» de ce tableau de Hodler ont choqué les autorités genevoises. Mais l'œuvre a séduit Paris

1 6 A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

edt en novembre prochain que la capitale fran- çaise fêtera Hodler, au Musée d'Orday. Mai) l'ad- miration de Paru pour le peintre duldde a commencé bien plud tôt. Hldtolre d'une reconnalddance Inter- nationale qui prend da dource dand le refud qu'op- poda un jour Genève devant «La Nuit», l'un ded

chefd-d'œuvre du peintre.

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7

(11)

Comment Hodler a conquis Paris B E A U X - A R T S

C

) est une toile de trois mètres de long sur plus d'un mètre de haut. On y voit huit corps nus d'hommes et de femmes, pour la plupart endormis, par­

tiellement recouverts de tissus sombres.

On y voit un homme saisi de terreur devant une forme noire, assise sur lui comme la Mort à l'affût. On y voit sur­

tout une très belle paire de fesses.

Au premier plan, montrée de dos, une femme entièrement nue enlace un jeune homme. Lesyeux fermés, ce dernier res­

pire la chevelure de sa partenaire comme un parfum enivrant. Pas de doute, ces deux-là entament l'un de ces jeux de corps qu'on ne montre pas aux enfants.

Genève, février 1891

Nous sommes à Genève, au mois de février 1891. Devant la dimension hors norme du tableau, devant cette atmo­

sphère morbide et surtout, devant ces fesses rondes et entières, le sang des auto­

rités ne fait qu'un tour. Le lendemain s'ouvre l'Exposition municipale qui se tient chaque année au Palais de l'Athé­

née. Comme le veut la tradition, le gou­

vernement de la Ville vérifie que les toiles sont conformes aux bonnes mœurs.

Un expert de la Commission scolaire fédérale a déjà averti : le tableau intitulé

«La Nuit», présenté par Monsieur Fer­

dinand Hodler, présente des nudités potentiellement néfastes pour le peuple.

Les douze membres du jury de l'exposi­

tion, Théodore Turrettini en tête, ont pourtant admis l'œuvre à l'unanimité.

Qu'à cela ne tienne. C'est avec une même unanimité que les trois membres du Conseil administratif de Genève interdi­

sent la toile pour cause de «lubricité» et d'«immoralité».

Le lauréat du pain sec

A vrai dire, vu les rapports d'amour- haine que le peintre entretient avec Genève, ce geste de censure n'a rien

d'étonnant. Lorsqu'il arrive dans la ville de Calvin en 1872, à 19 ans, Ferdinand Hodler reçoit rapidement du soutien.

Peintre apprécié, professeur à l'Ecole des beaux-arts et personnage éminent de la vie mondaine, Barthélémy Menn encou­

rage le Bernois dès leur première ren­

contre. C'est sous son aile que le jeune peintre va découvrir les techniques de la peinture moderne.

La toute-puissante Société des Arts de Genève, qui organise chaque année deux concours de peinture, accueille aussi Hodler d'un bon œil. Le Bernois figure même parmi les personnes les plus pri-

Philippe Kaenel, professeur en histoire de l'art à l'Université de Lausanne

Le peintre et son épouse, par lui-même

mées par la scène artistique locale: en vingt ans de participation aux divers concours genevois, Hodler a figuré dix fois parmi les trois premiers lauréats. Il aurait empoché un cinquième de toutes les sommes attribuées pendant cette période.

Malgré de réels soutiens, Hodler reste très pauvre

Mais les notables officiels ou fortunés de la ville ne regardent pas le jeune artiste avec la même aménité. En 1881, le jury de l'Exposition municipale recommande

«Une prière dans le canton de Berne» à l'achat pour le patrimoine public. Mais déjà, sourdes à l'avis des experts, les autorités de la Ville de Genève décident de ne pas entrer en matière.

L'année suivante, l'Exposition muni­

cipale se dote d'un nouveau règlement qui semble directement viser Hodler en interdisant les toiles de trop grandes dimensions. Et, bien que plusieurs por­

traits témoignent de ses liens avec des personnalités haut placées, les com­

mandes lucratives sont rares.

Hormis quelques amateurs, les bour­

geois de Genève préfèrent les gentils pay­

sages familiers au réalisme hodlérien ins­

piré de la vie populaire. Malgré de réels soutiens, Hodler reste longtemps très pauvre. L'argent des concours finance tout juste l'achat de toiles et des couleurs.

Son menu se compose souvent de pain sec trempé dans une fontaine. Et le soir venu, il décroche la porte de son armoire pour en faire un sommier, son manteau militaire pour seule couverture.

Le peintre de la laideur

On retrouve la même ambivalence du côté de la scène littéraire et journalistique locale. Dès ses premières expositions genevoises, la presse parle beaucoup de Hodler. Rapidement, le peintre réunit derrière lui une tribu de critiques et

Cette composition montre un autre registre de Hodler, plus poétique et mystérieux

(12)

Comment Hodler a conquis Paris B E A U X - A R T S

Hodler a aussi peint les évocation.) de l'histoire et du patrimoine que le public suisse attendait de lui

Fâché par les critiques qui s'abattaient

sur ses œuvres, Hodler a aussi exprimé sa colère en peinture, comme dans cet autoportrait

d'écrivains enthousiastes. Professeur en histoire de l'art à l'Université de Lau­

sanne, Phil ippe Kaenel parle même d'une

«clique Hodler, qui promeut le peintre en héros national».

On y trouve le journaliste et poète Mathias Morhardt, l'écrivain et fonda­

teur de «La Revue contemporaine»

Edouard Rod, le peintre et architecte Albert Trachsel, ou encore Louis Ducho- sal, éminent poète symboliste, directeur de «La Revue de Genève» dédiée aux idées artistiques nouvelles.

«M. Hodler voit laid»

Mais plusieurs autres critiques, notamment dans le «Journal de Genève»

ou la «Tribune de Genève», rudoient régulièrement les œuvres du jeune peintre. On lui reproche son réalisme à

la Courbet. On lui parle parfois comme à un amateur qui ferait mieux de retour­

ner à l'école. Un critique juge que «mal­

heureusement, M. Hodler n'a pas - si nous pouvons nous exprimer ainsi - le procédé habile». Un autre estime que son travail «manque de dessin».

«Le Genevois» lui reproche un jour de

«prendre ses fautes d'orthographe pour de l'originalité». Devant «Une prière dans le canton de Berne», «Le Journal de Genève» écrit: «M. Hodler voit laid.»

Bien sûr, comme le souligne Philippe Kaenel, «c'étaient les règles du jeu». Mais ce jeu avait l'art de mettre Hodler dans une rage qu'il exprimait facilement en public - et parfois en peinture, comme dans un autoportrait intitulé «Le Furieux», où il semble vouloir consumer le specta­

teur de son seul regard.

Le déchirement du paysage

Alors pourquoi tant de je-t'aime-moi- non-plus entre le peintre et sa ville d'adoption? Philippe Kaenel explique le phénomène par un déchirement entre attentes nationales et courants interna­

tionaux que tout peintre suisse vit à cette époque: «Peu de temps après l'arrivée de Hodler à Genève, le paysage artistique suisse change radicalement. En 1888, on crée la Commission fédérale des Beaux- arts que l'on dote d'une somme de

100 000 francs, ce qui est considérable à l'époque. La Confédération peut désor­

mais lancer des commandes publiques, organiser des salons, effectuer des acqui­

sitions, attribuer des bourses.»

Et pour décrocher ces soutiens allé­

chants, les artistes réorientent leur stra­

tégie de manière souvent explicite. Dans le but de participer à la construction iden­

titaire de la nation suisse, ils produisent une peinture nationale, essentiellement tournée vers les paysages de montagne et les hauts faits de l'histoire helvétique.

Pendant ce temps, à Paris et à Vienne...

Or, dans les autres pays d'Europe, les attentes sont très différentes. Dès le début des années 1880, dans la foulée du mouvement littéraire initié par Baude­

laire, Paris vit sa révolution symboliste avec Odilon Redon, Gustave Moreau et Pierre Puvis de Chavannes.

Vienne et Berlin vont bientôt con­

naître des révoltes d'artistes, avec des peintres comme Gustav Klimt, Fritz von Uhde ou le Suisse Arnold Bôcklin, qui vont se démarquer des courants domi­

nants en créant une sécession dans leurs capitales. Rebelles au naturalisme en vogue, leurs groupements militent pour un art nouveau, fondé sur l'expression d'une idée ou d'un état d'âme plutôt que sur la reproduction plate de la réalité.

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 9 S E P T E M B R E 2 0 0 7 2 1

(13)

Comment Hodler a conquis Paris B E A U X - A R T S

Hodler est enfin célèbre pour ses paysages suisses

Le choix de Ferdinand

«Dès les années 1880, les artistes suisses sont donc placés devant un dilemme, dit Philippe Kaenel. Soit ils orientent leur travail vers des thèmes proprement helvétiques, soit ils cher­

chent à s'inscrire dans le mouvement international.» Ou alors, ils jouent sur les deux tableaux.

Ferdinand Hodler va faire ce choix exigeant. D'une part, il répond à la demande locale et nationale avec des pay­

sages et des évocations de l'histoire suisse qu'il place dans des institutions, des expositions nationales ou dans le popu­

laire Turnus, exposition itinérante orga­

nisée par la Société suisse des Beaux- Arts. Pour Genève, il peint «La Mère Royaume» et «Le Cortège de l'Escalade».

Pour la Suisse, une foule de personnages et de batailles légendaires de la saga hel­

vétique.

Mais dans le même temps, dès le début de sa carrière, Hodler entame un virage stylistique de plus en plus marqué.

Hodler travaille sur un double registre

«Dès 1884, il travaille sur un double registre, dit Philippe Kaenel, puis il passe progressivement d'une esthétique naturaliste à une esthétique symboliste.

O n le voit notamment dans un tableau comme «Regard dans l'infini», avec ce personnage de menuisier plongé dans ses pensées, la barbe à la main. Cette pose ne correspondait pas à la manière habituelle de traiter une peinture de genre.»

Moins réaliste encore et peint pendant la même période, le «Dialogue intime avec la Nature» est une composition poé­

tique et mystérieuse très inspirée des symbolistes français.

Une erreur de public

Sous cette lumière historique, la cen­

sure genevoise de «La Nuit» prend une certaine logique. Certes, il y a la nudité frontale de ces fesses qui bondissent au regard, mais en proposant ce tableau à l'Exposition municipale genevoise, Hod­

ler crée surtout un malentendu. Sorte de manifeste de sa nouvelle esthétique sym­

boliste, le tableau peut difficilement se comprendre dans une Genève qui ne connaît encore rien de ce langage.

«Hodler estimait que «La Nuit» était sa première œuvre à part entière, dit

Philippe Kaenel, mais avec ses figures placées de façon rythmique, ces chairs terreuses bleutées et verdâtres et son ca­

ractère morbide, elle se situe totalement en dehors des attentes helvétiques et des normes d'un salon municipal.»

Autrement dit, lorsqu'il propose «La Nuit» à la ville de Calvin, Hodler s'a­

dresse à un autre public. Il montre à Genève une œuvre peinte pour Paris.

Une provocation délibérée?

A moins qu'il ne joue volontairement du malentendu? Le lendemain de son exclusion, Hodler loue la salle de garde du Bâtiment électoral à Genève pour y accrocher l'œuvre répudiée. Malgré le prix de l'entrée (un franc), la foule s'y précipite et permet à l'artiste de récolter une belle somme d'argent, de quoi se ren­

dre ensuite à Paris avec le tableau. Reçu membre de la Société nationale des artis­

tes français, il expose «La Nuit» au Salon du Champ-de-Mars et remporte un grand succès.

Gustave Moreau, Puvis de Chavanne, Monet, Degas le félicitent, l'admirent. En quelques mois, Hodler passe du statut de peintre local à celui d'artiste d'avant- garde, et entame un parcours internatio­

nal qui le mènera jusqu'aux sécessions de Vienne et Berlin. Tout cela était-il cal­

culé? «La Nuit» est-elle une provocation délibérée? Rien ne permet de l'affirmer.

Mais ce n'est pas impossible, tant Hod­

ler, comme tout grand artiste, a mené sa carrière avec habileté.

Pierre-Louis Chantre

A voir :

Expo Hodler, Paris, Musée d'Orsay, du 13 novembre 2007 au 3 février 2008

Alors que, de son vivant, le peintre a subi la pauvreté, ses lui la ne cessent désormais de battre des records dans les ventes aux enchères. Ce «Léman» a ainsi été adjugé en juin dernier pour

la somme de 10,9 millions de francs à un collectionneur suisse

(14)

Comment Hodler a conquis Paris B E A U X - A R T S

Hodler était-il

le Thomas Hirschhorn du XIX e siècle?

De Genève à Berne, Ferdinand Hodler a maintes fois agité le monde artistique et politique suisse, jusqu'à déclencher parfois des polémiques nationales.

S

a réputation d'artiste national a finalement plongé cette facette dans l'ombre. Mais de tous les artistes suisses, Ferdinand Hodler fut sans doute le plus discuté, le plus contesté, le plus pour­

voyeur de batailles esthé­

tiques et politiques.

Après lui, il faut at- a v e c' tendre cent ans, avec Ben

et sa Suisse qui n'existe pas, puis Thomas Hirsch-

horn, avec son Blocher outragé, pour retrouver un tel niveau d'émoi public. Et encore ces deux derniers n'arrivent-ils pas à la cheville du Bernois de Genève, dont les polémiques ont jalonné toute la carrière.

Le banquet de la colère

Cinq ans après le scandale de «La Nuit» en 1891, Hodler déclenche une nouvelle affaire. Chargé de décorer le pavillon des Beaux-Arts pour l'Exposi­

tion nationale suisse de 1896, qui se tient

En 1897, Hodler fait encore scandale

i esquisses pour «La Retraite de Marignan», qui montrent des soldats aux jambes sectionnées

à Genève, le peintre prépare 26 immenses peintures de Suisses en costumes, dont treize hallebardiers, une demi-douzaine de guerriers, des artisans et un pâtre, tous figurés de pied en cap. Hautes de plus de deux mètres, ces toiles doivent orner une façade longue de 44 pylônes.

Sur ordre du Comité central de l'Ex­

position, Hodler se voit obligé de rem­

placer huit tableaux et d'en retoucher sept autres, pour des raisons aussi pri­

mordiales qu'un gilet mal boutonné ou des jambes trop grêles.

Peu après, la veille de l'ouverture, une main ano­

nyme enlève trois pan­

neaux en pleine nuit et les remplace par des ara­

besques. C'en est trop pour Hodler, qui croit l'acte vandale commandé en haut lieu. Pendant le banquet d'ouverture, il lance une diatribe jupité- rienne qu'il entame en bombardant le mot de Cambronne. S'ensuivent d'interminables débats en ville et dans la presse entre détracteurs et admira­

teurs de l'artiste.

Le sang de Marignan

Mais c'est en 1897, avec «La Retraite de Marignan», que le peintre déclenche sa plus grande polémique. Cette année- là, Hodler gagne le concours de décora­

tion du Musée national suisse, organisé par la Commission fédérale des Beaux- Arts. Destiné à de hautes voûtes, son pro­

jet obéit au thème imposé, soit la fameuse

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Cette fresque monumentale, intitulée «La Retraite de Marignan», est désormais visible à Zurieb, au Musée national suisse (Landesmuseum)

bataille de 1515 perdue par les Suisses contre les Français.

Mais le peintre ne fait pas dans la joliesse patriotique. Les esquisses de ses fresques murales montrent des soldats aux jambes sectionnées, des costumes déchirés, des visages ruisselants de sang, des Suisses qui ploient sous la douleur.

Une polémique gigantesque

Cette débauche de réalisme guerrier ne convient pas du tout au patron du Musée. Heinrich Angst, qui ne fait pas partie du jury, «reproche certaines incor­

rections historiques, des scènes incom­

préhensibles, et surtout le caractère trop brutal de l'ensemble», dit Philippe Kae- nel. Le désaccord du directeur est si pro­

fond qu'il prend pour un devoir sacré de tout mettre en œuvre pour qu'un «pareil détritus» ne soit jamais exposé dans ses locaux. Quelques jours après l'annonce du lauréat, il publie dans la «Neue Zûr- cher Zeitung» un long pamphlet hostile au projet de Hodler.

«Son opposition a déclenché une polé­

mique gigantesque», dit Philippe Kaenel.

Derrière le directeur se rangent la Muni­

cipalité de Zurich, la Commission du Musée national, quelques artistes et cri­

tiques. Face à eux, une critique romande qui fait bloc derrière le peintre, des cri­

tiques bernois enthousiastes et une majo­

rité d'artistes : «Les premiers défendaient une conception illustrative proche des conventions historiques, les seconds une vision décorative et moderne de l'art.»

L'écho public est aussi énorme. En une semaine, 20000 visiteurs viennent voir l'exposition des projets présentés au concours. Il faut finalement le déplace­

ment du Conseil fédéral «in corpore»

pour mettre fin à la bataille. Et cette fois, en faveur de Hodler, les sept Sages esti­

mant que la Commission fédérale des Beaux-Arts devait l'emporter sur l'opi­

nion d'un directeur d'institution.

Dernières polémiques

Les deux décennies suivantes verront d'autres discussions autour de Hodler, la dernière en date étant une fronde d'ar­

tistes suisses pour contrer son influence.

En 1912, le Lucernois Johannes Wink-

ler publie un pamphlet pour dénoncer ce qu'il appelle «le trust» de Hodler.

«Ces artistes prolongeaient l'esthé­

tique naturaliste, dit Philippe Kaenel, ils estimaient que la distribution des sub­

sides ne représentait pas la diversité de l'art suisse.» Il est vrai que les adeptes de Hodler occupent alors des places stra­

tégiques dans le monde de l'art suisse.

Soutenue par des milieux politiques proches, la plainte des contestataires monte jusqu'aux Chambres fédérales, qui acceptent de répartir les subventions dif­

féremment. Ce désaveu n'empêche cependant pas Ferdinand Hodler, déjà membre éminent de l'establishment hel­

vétique, reconnu en Europe comme une figure majeure de l'art moderne, de domi­

ner la scène nationale jusqu'à sa mort, en 1918. Et même au-delà.

P.-L. Ch.

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2005).

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