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Secteur de la santé. État des lieux

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36 L’Économiste Maghrébin I du 23 Décembre 2020 au 6 Janvier 2021

Secteur de la santé

État des lieux

Depuis de longues années, la Tunisie a accordé plus d’intérêt au secteur de la santé en optant pour plusieurs réformes, et par conséquent on a connu des avancées importantes. Mais il manquait l’évaluation et le suivi, d’où les défaillances du secteur qui commençaient à se manifester, et ce, depuis l’année 2005. Des défaillances qui se sont de plus en plus aggravées et depuis 2011, le secteur de la santé n’a fait que souffrir.

Pour rattraper le coup, il demeure impératif aujourd’hui d’entamer une vraie réforme de financement de la santé et surtout arrêter de diaboliser le secteur public qui a beaucoup donné à la Tunisie. Il faut soigner le problème à la racine, ce qui implique une volonté politique nationale qui englobe toutes les parties concernées.

Nos anciens ministres de la Santé Sonia Ben Cheikh, Abdellatif Mekki et Abdelraouf Cherif nous dressent leur état des lieux et leurs solutions.

D

epuis les années 70/80, la Tunisie a opté pour la mise à niveau de la première ligne de soin (Centres de Santé de Base et hôpitaux de circonscription). « Cette grande réforme a connu un succès parce qu’en cette période, l’espérance de vie était faible et les citoyens décédaient à cause des maladies

infectieuses. En fait, les patholo- gies qu’on observait à l’époque ne sont pas celles d’aujourd’hui », a affirmé l’ancienne ministre Sonia Ben Cheikh. D’ailleurs, avec la création des Centres de Santé de Base, on a pu éradiquer beaucoup de maladies infectieuses. Aux termes de cette première ligne, la Tunisie a réalisé une avan-

cée considérable en comparaison avec les pays voisins. À partir des années 90, le ministère de la Santé a mis à niveau la troisième ligne de soin (Établissements Publics de Santé et Centres spécialisés). « Cette réforme s’est focalisée sur la révision de la gestion hospitalière pour la création des Établisse- ments Publics de Santé au lieu des

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Centres hospitaliers universitaires (CHU) », a précisé Mme Ben Cheikh.

Par la suite, le ministère a entamé la réforme de la deuxième ligne de soin (hôpitaux régionaux) à travers la mise à niveau des urgences mé- dico-chirurgicales. La nouveauté en cette période consistait en la mise en place d’un système natio- nal d’information sanitaire.

« Le secteur de la santé a connu des avancées, mais…»

De ce fait, le secteur de la santé en Tunisie a connu des avancées importantes, mais il manquait l’évaluation et le suivi de ces ré- formes pour rectifi er le tir quand il le fallait. Par contre, il n’y avait pas d’interconnexion entre les mises à niveau de ces trois lignes de soin.

D’où, à partir de l’année 2005, les insuffi sances et les défaillances du secteur commençaient à se mani- fester.

Dans le même sillage, l’ex ministre Abdellatif Mekki a estimé que la Tunisie a principalement enregis- tré ces avancées lorsqu’elle s’est fo- calisée sur l’amélioration de la qua- lité des eaux potables, des réseaux d’assainissement, de la vaccina- tion, de la médecine préventive,…

Ainsi, les pathologies sont passées de celles d’un système de maladies des pays non développés (manque d’hygiène, maladies infectieuses…) à celles d’un système de maladie des pays développés (diabète, obé- sité, cancer, stress,…). « Malheu- reusement, on a connu ces der- nières années une certaine rupture avec ces avancées. Citons à titre d’exemple, les maladies cardio- vasculaires qui sont aujourd’hui la première cause de décès (un tiers des Tunisiens) et qui ne sont pas déterminées génétiquement. Elles sont plutôt liées au style de vie (hygiène, sport, obésité, cigarettes, repas diététiques…). On pouvait donc les éviter grâce à la préven- tion et au diagnostic », a souligné M. Mekki. Face à cette situation, si on ne repense pas le système sanitaire en agissant sur le style de vie, le système médical sera encore plus alourdi par de nouvelles mala-

©Chokri Laabidi

Sonia Ben Cheikh

dies, ce qui augmentera le coût de la vie.

« Des défaillances de plus en plus aggravées »

Dans le même ordre d’idées, l’an- cien ministre Abderraouf Cherif a déclaré que les défaillances du secteur se sont de plus en plus aggravées pour multiples raisons.

Depuis la révolution, le secteur de la santé n’a fait que souff rir.

«À partir de 2011, la Tunisie a enregistré la fuite d’environ 2000 jeunes compétences. Ces der-

niers ne sont plus intéressés par la carrière hospitalo-universitaire et hospitalo-sanitaire, et ce, pour deux raisons. La première est la faiblesse des salaires qui ne sont pas conséquents avec le coût de la vie actuelle et les conditions de travail. La deuxième raison est le manque d’engagement et des moyens pour assurer la prise en charge des patients. Et par consé- quent, on a perdu énormément de ressources humaines, essen- tiellement les spécialistes. La qualité et la prestation de services s’en sont trouvées impactées, en- traînant le mécontentement des patients. D’ailleurs, le manque de personnel, le manque de moyens et l’ambiance générale font qu’on ne peut plus répondre à la demande », a-t-il signalé. Autre élément de taille : la privatisation.

Les problèmes de ce secteur per- durent depuis la fi n des années 80, au moment où l’État a opté, d’une manière ou d’une autre, pour la privatisation. « Or, on ne peut à mon avis privatiser le secteur de la santé, au contraire la politique de l’État doit être basée sur le sec- teur public. Chaque citoyen doit avoir les meilleurs traitements dans les meilleures conditions dans les hôpitaux publics, ce qui nécessite la révision du choix de l’État. On doit réformer le sys- tème sanitaire global. Même s’il collabore avec le secteur privé, le secteur public doit être considéré comme la colonne vertébrale de la Santé », a affi rmé Abdellatif Mekki. Pour rappel, la Tunisie a lancé, en 2012, le dialogue socié- tal dans lequel il y avait des textes relatifs à la prise en charge du sys- tème sanitaire global par l’État.

L’Instance Nationale de l’Évalua- tion et de l’Accréditation en Santé a été créée pour la signature des accords de soin avec des pays étrangers.

« Arrêtons de diaboliser le secteur public »

De par ces défaillances, le plus important problème du système de la santé est le fi nancement.

Le secteur de la santé en Tunisie a connu des avancées importantes, mais il manquait l’évaluation et le suivi de ces réformes pour rectifier le tir quand il le fallait.

Par contre, il n’y avait pas

d’interconnexion entre les mises

à niveau de ces trois lignes de

soin.

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cadres et agents qui ont beaucoup donné à la Tunisie. Il faut soigner le problème à la racine, ce qui implique une volonté politique nationale qui englobe toutes les parties concernées », a annoncé Sonia Ben Cheikh.Pour rattraper le coup, Abderraouf Cherif et Sonia Ben cheikh s’accordent à affirmer l’impératif de résoudre les pro- blèmes de financement du système de santé, tout en commençant

Infrastructure

- 5 487 : Nombre de résidents (à fin 2018) - 2 053 : Nombre d’internes

- 2 161 : Centres de Santé de Base - 110 : Hôpitaux de circonscription - 35 : Hôpitaux régionaux

- 23 : Établissements publics de santé - 9 : Centres spécialisés

- 21 356 : Total de lits (dont 10 103 dans les Établissements publics de santé et 8 139 dans les hôpitaux régionaux) - 5 345 : Nombre moyen d’habitants par Centres de Santé de Base

- 20% : des Centres de Santé de Base qui assurent une consultation médicale 6 jours par semaine

- 0,175 : Unités d’imagerie médicale de première ligne par 10 000 habitants

- 47 : Scanners dans le secteur public / 135 : scanners dans le secteur privé

- 13 : IRM dans le public / 53 IRM dans le privé Capital humain

- 3 231 (à fin 2018) : Médecins spécialistes actifs du secteur public

- 2 828 : Médecins généralistes

- 14,665 millions : Consultations externes effectuées par

tous les centres de soins - 827 382 : Admissions

- 3,248 millions : Jours d’hospitalisation Budget

- 517 MDT (exercice 2021) : Ressources propres des Établis- sements publics de santé

- 3 766 MDT : Budget du ministère de la Santé - 2 417 MDT : Masse salariale

- 415 MDT : Investissement

- 400 MDT : Dette de la CNAM envers les hôpitaux publics - 5,4 milliards DT (fin octobre 2020) : Cotisations non pré- levées par la CNAM auprès de la CNSS et la CNRPS

- 621 MDT (fin mars 2020) : Dette de la Pharmacie centrale (PhC) envers les fournisseurs étrangers

- 273 MDT : Engagements de la PhC envers les banques - 1050 MDT : Dette du secteur public auprès de la PhC - 254 MDT (à fin 2019) : Coût de subvention des médica- ments importés pour le secteur privé subi par la PhC Sources : Rapport du Budget de l’État pour l’exercice 2021, Dernier Rapport de la « Santé Tunisie en chiffres 2018 » publié par le ministère de la Santé-Direction des études et planification- en décembre 2019 n

CHIFFRES CLÉS

Abdellatif Mekki

Les pathologies sont passées de celles d’un système de maladies des pays non

développés (manque d’hygiène, maladies infectieuses…) à celles d’un système de maladie des pays développés (diabète, obésité, cancer, stress,…).

Les hôpitaux publics souffrent aujourd’hui énormément parce qu’ils ont des dus auprès des caisses sociales qui dépassent les 400 MDT. Par conséquent, ils ne peuvent plus payer ni leurs engagements envers la Pharma- cie Centrale, qui elle-même a des dus auprès de la CNAM d’environ 600 MDT, ni leurs engagements envers les fournisseurs privés. Le résultat de ce déséquilibre finan- cier se traduit par une qualité de services défaillante, une pénu- rie de médicaments ainsi qu’un manque de matériels… Face à cette situation, quel est le rôle des hôpitaux et de leur capital hu- main qui se trouvent aujourd’hui incapables de résoudre ces pro- blèmes ? « L’État doit trouver une solution pour honorer ses engagements envers la CNAM pour qu’elle puisse, elle-même, s’acquitter de ses engagements envers les hôpitaux publics, la Pharmacie centrale et les presta- taires de services dans le secteur

privé. Pour ce faire, nous devons entamer une vraie réforme de fi- nancement de la santé et surtout arrêtons de diaboliser le secteur public qui compte plus de 80 000

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par la CNAM. « Quand on a créé la CNAM, on a discuté du projet de couverture de soin universelle pour tous les Tunisiens c'est-à-dire la santé pour tous. Or, depuis 2015, la CNAM n’arrive même pas à payer ce qu’elle devrait payer pour les cotisations de ses Cnamistes parce

qu’elle n’a plus les moyens néces- saires. De ce fait, il faut que l’État assume sa responsabilité envers la CNAM qui lui doit 5,4 milliards DT. Ceci nécessite une décision politique pour développer le sec- teur public dans les cinq ans qui viennent au maximum. Sans ce secteur, on ne peut pas assurer

les services de santé ».

« Opter pour une thérapie de choc »

Pour conclure, M. Mekki a indi- qué qu’il est vrai qu’entamer ces réformes reviendrait à une thé- rapie de choc qui nécessite de la volonté politique. Il faut donc se lancer dans la restructuration de la CNAM, trouver d’autres méca- nismes de financement dédiés aux AMG1 et AMG2 (Assistance médicale gratuite), augmenter progressivement le budget de la santé pour atteindre 10 à 12%

du total budget de l’État, révi- ser la carte sanitaire tunisienne pour une équité sanitaire pour tous, résoudre le problème de la capacité, mettre en place des lois relatives à l’attractivité des cadres et agents de santé dans les trois lignes de soin en passant par la révision du système des salaires et des conditions de travail, accorder plus d’intérêt à la for- mation continue et la recherche scientifique n Imen Zine

Abdelraouf Cherif

On ne peut à mon avis privatiser le secteur de la santé, au contraire la politique de l’État doit être basée sur le secteur public.

Chaque citoyen doit avoir les meilleurs traitements dans les meilleures

conditions dans les hôpitaux publics, ce qui nécessite la révision du choix de l’État.

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BIMENSUEL DE L'ECONOMIE

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40 L’Économiste Maghrébin I du 23 Décembre 2020 au 6 Janvier 2021

Vision et investissement : un duo inséparable

Pour le Dr. Souhail Alouini, homme poli- tique et consultant en santé auprès de l’OMS, le problème est principalement lié à une absence de stratégie politique pour ce secteur vital. Les appels à l’accroisse- ment de l’investissement n’ont aucun sens sans une vision à moyen et à long termes. Ce n’est pas le fait de construire des hôpitaux qui va résoudre le problème.

Les murs à eux-mêmes ne se suffisent pas.C’est dire que la situation politique ins- table de la deuxième république ne per- met pas d’engager de grandes réformes.

Pour remédier à cette situation, Souhail Alouini, est en faveur de la création d’une instance indépendante, qui soit loin des tiraillements politiques, et aura la res- ponsabilité des grandes réformes.

Faouzi Charfi, secrétaire général de l'Union des médecins spécialistes libé- raux, déplore également, l’absence de vision dans la conduite des politiques publiques de santé. Au-delà de l'hôpi- tal public, le système public de santé a montré ses limites. Depuis longtemps, les signaux sont au rouge. Le droit à la santé pour tous a été décrété, sans se doter des moyens nécessaires. Les besoins de santé ont légitimement augmenté, constate Faouzi Charfi, mais le financement n’a pas suivi.

Quand bien même des tentatives ont été initiées, les résultats n’ont pas encore vu le jour. À ce titre, Souhail Alouini a salué l’expérience du dialogue sociétal sur la santé conduite en 2019. Adoptant une approche bottom-up, elle a fait participer tous les acteurs de la santé. Une stratégie de modernisation de notre système de santé garantissant l'accès de soin à tous

a été conclue. Toutefois, le processus de- vait aboutir sur la création d’une institu- tion pour concrétiser la stratégie arrêtée sur le moyen et long termes. Ce qui n’a pas été fait pour l’instant. Souhail Alouini appelle à l’accélération de l’institution- nalisation du dialogue sociétal au niveau d’une instance.

De son côté, Nazih Zghal, secrétaire géné- ral du conseil national de l’ordre des mé- decins, craint que le rapport de ce dit dia- logue sociétal ne soit déjà oublié dans les archives. Une pratique tunisienne. Il re- lève également que la Tunisie a un déficit médical dans les régions, tant au niveau de la médecine générale qu'au niveau des spécialités. La solution consiste à créer des pôles multidisciplinaires, équidis- tants entre les régions et bien répartis sur le territoire. Selon lui, il faut agir avec les moyens dont on dispose pour créer le meilleur système de soin possible.

Alors que les hôpitaux sont dans un état vétuste, une situation financière difficile et un budget de la santé de l’ordre seule- ment de 6% du PIB, il serait illusoire de s’attendre à un système de soins de quali- té pour tous. Nazih Zghal appelle à ce que le budget de la santé soit à deux chiffres, en pourcentage du PIB comme le recom- mande l’OMS depuis des années. Il consi- dère le ministère de la Santé comme un ministère régalien, et un des piliers du dé- veloppement économique. En effet, l’éco- nomie de la santé peut générer des points de croissance à l’économie. De surcroît, une bonne santé des travailleurs signifie une meilleure productivité au travail.

Dans le même sillage, Faouzi Charfi s’in- digne qu’on n’investisse plus dans la santé publique comme on le faisait auparavant.

Il rappelle que si la Tunisie a pu devenir une référence régionale et continentale

en la matière, c’est grâce aux investisse- ments dans des facultés et des centres hospitaliers universitaires pour la forma- tion de nos médecins et personnels para- médicaux. De nos jours, la médecine est devenue une discipline basée sur les nou- velles technologies. Il faut donc équiper nos établissements avec les technologies nécessaires pour rattraper le retard pris à ce niveau.

Cela nécessite une stratégie globale pour trouver d’autres mécanismes de finan- cement du système de soin. Ce qui est une décision d’ordre politique. Faouzi Charfi prend l’exemple de l’Europe qui a relevé les cotisations des dépenses de santé avec l’augmentation des dépenses de soins. Or, il faut discuter de tout cela avec les organismes payeurs des cotisa- tions patronales et salariales, en l’occur- rence l’UTICA et l’UGTT. Autour de cette question, Souhail Alouini estime, quant à lui, l’importance de reconsidérer le fonc- tionnement des caisses sociales, en parti- culier la CNAM, afin de résoudre son épi- neux problème de déficit. Tout d’abord, il est important de procéder à une évalua- tion de ladite caisse depuis sa création.

Faire un bilan exhaustif nous permettra de savoir si on est sur la bonne direction.

Souhail Alouini pense que le système ne pourra être soutenable économique- ment, avec une CNAM dépendante des autres caisses sociales, à savoir la CNSS et la CNRPS. Pour lui, la Caisse (CNAM) doit devenir indépendante et faire re- cours à d’autres sources de financement.

« En se limitant aux cotisations, on ne pourra réussir la couverture universelle de nos concitoyens », a-t-il indiqué. Il faut envisager d’autres taxes, directes ou indirectes, destinées spécialement au financent de la santé. Faouzi Charfi propose de constituer des taxes sur les produits dangereux, tels que le tabac et l’alcool.

La gouvernance : l’effet n’a pas encore pris

Le comité national de la bonne gouver- nance de l’ENA a publié un rapport sur

Des solutions à mettre en œuvre pour le secteur de la santé

Notre système de santé, longtemps pilier de la Tunisie moderne, est à bout de souffle. Instauré depuis l’indépendance, le droit à la santé pour tous n’est plus une garantie certaine. Les multiples problèmes auxquels fait face le secteur font que le système est à double vitesse. Ceux qui ont les moyens ont accès à des soins de qualité dans les cliniques privées, les autres doivent se contenter d’une offre de soins minimaux dans les hôpitaux publics.

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la gouvernance du système de santé en Tunisie, dans lequel il est proposé de constituer une centrale d’achat pour les dispositifs médicaux. L’objectif étant d’optimiser les procédures d’achat de matériel médical, tout en assurant une bonne gouvernance.

Faouzi Charfi insiste sur l’importance de considérer les recommandations du comité afin d’améliorer le système de gouvernance. « Quitte à repenser les structures hospitalières pour une admi- nistration publique de la santé plus effi- cace. Le processus administratif bien formalisé était instauré pour sécuriser un parcours de décision, notamment pour éviter la corruption. Malheureusement, on se retrouve avec un système lent, qui empêche toute prise de décision à temps, et où la corruption n’a pu être em- pêchée », précise-t-il. Pour Nazih Zghal, cette question est plus liée à un manque d’intégrité des intéressés qu’à un déficit de compétences.

Le secrétaire général du conseil de l’ordre attire l’attention sur l’importance de revoir la gestion du temps de travail des médecins. Il s’indigne du fait que les consultations soient à mi-temps dans les hôpitaux publics. Ce rythme provoque des congestions, et par conséquent des consultations bâclées. En outre, il insiste sur l’importance de répartir nos ressources humaines avec une certaine logique. Au-delà du problème de gou- vernance, il s’agit d’une question de bon sens. Il est absurde d’envoyer un chirur- gien dans un hôpital alors qu’il n’y a pas de réanimateur, martèle-t-il. En effet, pour être devenus des établissements pu- blics de santé, il était question d’accorder une certaine autonomie de gestion aux hôpitaux publics grâce aux réformes des années 1990. Mais dans les faits, ils sont restés entièrement dépendants du minis- tère de la Santé, selon Faouzi Charfi.

Tout en considérant le contexte actuel, il

appelle à poursuivre ces réformes, pour une meilleure efficacité des structures hospitalières, en termes de souplesse et d’adaptabilité dans la prise de décision.

Sur un contrat d’objectif préétabli, il est nécessaire de donner aux directeurs d’hôpitaux toutes les aptitudes à pouvoir prendre des décisions, de les assumer et d’en être responsables devant les autori- tés de contrôle. La question de l’autono- mie financière va de pair avec une culture de la transparence et de la redevabilité, affirme Souhail Alouini. Par ailleurs, il propose de permettre aux médecins li- béraux de travailler dans le public. Et ce pour alléger la surcharge de travail dans les hôpitaux. Il appelle également à arrê- ter cette dichotomie entre le public et le privé. Les deux secteurs sont complé- mentaires pour la bonne santé de notre population. Considérer le Partenariat Pu- blic-Privé comme une vraie opportunité pour sauver notre système de santé, dans un cadre de réforme globale où la méde- cine de première ligne est à réorganiser.

Pour que nos médecins ne quittent pas le pays

Nazih Zghal s’attriste du départ de nos médecins vers l’étranger, même s’il com- prend l’attitude de ses confrères. Si on veut garder nos compétences, ce n’est pas sorcier. Il faut améliorer les condi- tions de travail de nos médecins et les payer dignement. Les jeunes aussi bien que les séniors, partent parce qu’ils ne se voient plus travailler dans des hôpitaux délabrés.

De nos jours, la médecine est une disci- pline très technologique. La Tunisie a accusé un retard à ce sujet, et il n’y a pas moyen de s’épanouir dans son métier dans des conditions matérielles difficiles.

Pour Nazih Zghal, il est important éga- lement de revoir certaines décisions politiques, comme le service civil obli- gatoire, qui oblige les jeunes méde-

cins à travailler dans les régions. Une décision inefficace pour faire face au manque de médecins dans ces territoires.

« Non seulement on les fait fuir, du fait de conditions de travail pires que dans les grandes villes, mais on ne règle pas le pro- blème », lance-t-il. En outre, la politique du numerus clausus d’accès à la spécia- lité est à reconsidérer de fond en comble.

Un taux de réussite au concours de 30%

ne peut qu’encourager nos étudiants à quitter le pays. D’autant plus qu’avec la réforme de la médecine de famille, on a créé une inégalité, purement terminolo- gique, entre le médecin dit de famille et le médecin généraliste. Un autre cafouillage que nous pouvions nous épargner.

La question de la rémunération est un autre problème qui fait fuir nos méde- cins, dont le parcours universitaire est des plus longs et donc des plus coûteux.

Déjà, il n’y a aucune logique à ce que les médecins résidents soient payés comme les internes. De plus, un professeur uni- versitaire est rémunéré uniquement pour son service à l’hôpital et non pas pour sa prestation à l’enseignement. Une double responsabilité pour une seule rémunéra- tion. Pour Nazih Zghal, il faut donc revoir la double tutelle qui jusque-là est refusée.

De son côté, Faouzi Charfi considère qu’il faut tout mettre en œuvre pour que l’hôpi- tal public retrouve ses lettres de noblesse.

Il faut donner de l’espoir à nos jeunes médecins et qu’il est possible de travail- ler dans de bonnes conditions, avec une rémunération digne de leur efforts. Enfin, nos interviewés s’accordent à affirmer la nécessité de changer les mentalités. L’em- ployé et l’usager du service public en gé- néral doivent prendre conscience de leur citoyenneté et avoir le sens du bien com- mun. Le changement de culture est un travail éducatif qui commence dès l’en- fance, et a trait aux grands principes de la citoyenneté, de l’intérêt public et du sens de la société n Ahmed Bessrour

Faouzi Charfi Nazih Zghal

Souhail Alouini

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44 L’Économiste Maghrébin I du 23 Décembre 2020 au 6 Janvier 2021

Une réforme globale pour un sys- tème de santé équitable et acces- sible à tous

Ines Ayadi rappelle que les mesures ponctuelles et prises dans l’urgence ne peuvent pas changer la situation. Dans ce contexte, le Dialogue sociétal pro- pose un projet de politique nationale de santé à l’horizon 2030, dans lequel notre économiste était un membre du comité technique. Sa mise en œuvre a été lancée par le Chef du gouvernement lors de la présentation du budget de l’État pour l’exercice 2021.

Pour assurer une continuité des ser- vices de santé dans les meilleures

conditions, la santé familiale et de proximité constituera la porte d’entrée privilégiée du système de santé en asso- ciant le public et le privé. Ainsi, le méde- cin de famille va assurer la coordination des soins avec les autres intervenants.

Pour y parvenir, il faudra développer des parcours rationnels en réseaux de santé dans le cadre des schémas locaux et régionaux d’offre de services.

Des pôles interrégionaux, bien répartis sur le territoire et un réseau de trans- port médicalisé performant seront un élément fondamental dans la réorgani- sation de l’offre des services de santé de qualité.

Malgré la multiplicité de régimes de protection financière contre le risque maladie, près de deux millions de tuni- siens ne sont pas couverts. L’accès aux services de santé diffère selon le régime de protection. Outre sa complexité pour tous, en particulier les modali- tés de paiement, le régime d’assurance maladie constitue une entorse à la soli- darité. Le système tel qu’il est, met le citoyen face à un difficile choix : soit il renonce aux soins soit il fait face à des paiements élevés.

Face à ce constat, Ines Ayadi explique qu’un régime de base unifié et une protection financière inclusive pour l’accès aux services de santé de qua- lité devraient être assurés pour toute la population. L’intégration des bénéfi- ciaires de la gratuité et des tarifs réduits dans la Caisse Nationale d’Assurance Maladie serait un premier pas dans la défragmentation actuelle.

Ce régime de base unifié tel que défini par notre économiste doit s’accompa- gner par un paquet essentiel de ser-

vices de qualité répondant aux besoins des citoyens tout au long de leurs cycles de vie.

Repenser le financement

Le secteur public de la santé vit un déca- lage entre les ressources mobilisées et les obligations croissantes des missions dont il est en charge. Le financement des hôpitaux publics est mixte, rappelle Ines Ayadi. Leur budget est constitué de deux parties. La première est supportée par l’État et concerne le paiement des salaires des fonctionnaires. La seconde partie est quant à elle assumée par la CNAM et constitue le principal du bud- get de fonctionnement. Le gestionnaire de l’établissement n’est donc libre de gérer que la seconde partie de son bud- get, qui plus est versée en retard, vu les difficultés de liquidité de la CNAM. Avec un seul portefeuille, il n’a pas de marge de manœuvre pour créer les conditions d’un service de santé efficace. Dans ces conditions, il est impossible de fixer des objectifs aux directeurs d’hôpitaux, et de tenir compte de leurs résultats.

Le secteur public a besoin de moyens supplémentaires pour assurer un ser- vice public de qualité. Pour ce faire, il faut que tout service de soin soit payé, indépendamment de l’organisme qui assumera les frais. Cependant, il faut éviter de suivre la modalité de paie- ment à l’acte, qui serait inflationniste pour Ines Ayadi. En effet, il y a un risque de multiplication des actes, sans que ceux-ci ne soient nécessaires. C’est ce qu’on appelle la surmédicalisation, qui suivrait plus une logique de rentabilité de l’établissement, que la pertinence des actes prescrits. Alors que les moda-

Réformer le système de santé

Une question de gouvernance d’abord

Ines Ayad

L’accès à un service de santé de qualité est un droit universel dans la déclaration des droits de l’homme et un droit constitutionnel en Tunisie. La santé représente également un investissement dans le capital humain qui a des répercus- sions sur le bien-être de la population et la capacité productive des forces vives du pays.

Ines Ayadi, docteur en sciences économiques, spécialiste dans l’économie de la santé et actuellement conseillère au ministère de la Santé, ainsi que Chokri Hamouda, professeur agrégé en Médecine et directeur général de l’Instance Nationale de l’Évaluation et de l’Accréditation en Santé, nous livrent leurs lectures pour une politique nationale de santé, à la hauteur des attentes des tunisiens.

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lités de paiement par forfait adoptée par la Tunisie, n’est pas inflationniste.

Toutefois, son problème est que cette tarification n’a pas été établie de ma- nière scientifique, et n’est pas révisée de manière périodique.

En plus des moyens financiers, il est nécessaire d’améliorer la gouvernance du système, qui nécessite certains amé- nagements élémentaires, affirme Ines Ayadi. Il faut avoir une assise juridique, avec des lois claires qui définissent pré- cisément le rôle de chaque intervenant du secteur de santé. Ainsi l’évaluation de nos institutions et à la redevabilité de chacun des responsables, seraient possible.

L’INEAS : promouvoir la qualité et la sécurité des soins

Dans le système de santé, comme tous les autres d’ailleurs, une politique qualité est indispensable pour le bon fonctionnement des institutions et la satisfaction des usagers. Jusque-là, les établissements de santé se plaignaient de ne pas avoir une référence en ma- tière de bonne gouvernance. Plus main- tenant.

Un guide complet de bonne pratique a été élaboré par l’INEAS, Instance Natio- nale de l’Évaluation et de l’Accrédita- tion en Santé, pour une meilleure prise en charge des patients, ainsi que l’amé- lioration de la gouvernance. Ce docu- ment permettra aux établissements d’engager des réflexions sur leurs mo- dalités de fonctionnement, en termes des procédures internes et du type de management.

La démarche qualité cherche à renfor- cer l’efficience des établissements par l’amélioration de la performance du système de production des soins, en assurant un management de qualité et de la gestion des risques de l’établisse- ment. L’engagement des professionnels du secteur dans cette démarche per- mettra de diminuer le nombre d’erreur par le renforcement des compétences organisationnelles. En outre, le guide pratique comme outil d’aide à la prise de décision, assure la maîtrise des dé- penses grâce à une optimisation des activités.

Le directeur général de l’INEAS, Chokri Hamouda, indique que le référentiel est un élément central dans la régula-

tion du système de santé. Développé en collaboration avec les profession- nels de santé, pour prendre en compte le contexte tunisien et en adéquation avec critères internationaux de l’OMS.

“Toutes les causes d’échecs inhérents aux circonstances d’élaboration de ce manuel ont été vérifiées, en termes des moyens financiers et humains dont dispose le pays, ainsi que sur le volet légal ” précise Chokri Hamouda.

Pour avoir l’accréditation de l’INEAS, les établissements de santé, publics et privés devraient être engagés dans un processus d’amélioration continue de l’ensemble de son fonctionnement et de ses pratiques, ainsi que de la qualité et de la sécurité des soins. Cette accré- ditation est renouvelable tous les trois ans. Et au cours de la période, l’instance fait un suivi des actions entreprises par les structures sanitaires pour confirmer la validité de leur démarche.

Sur les 16 structures publiques (des CHU) étudiées pour accréditation, il y a 25% qui sont qualifiés à ce titre. Et dans chaque gouvernorat, on trouve au moins un dispensaire prêt pour l’accréditation, selon le directeur de l’instance. Il considère en outre qu’il est important de montrer les bons et les mauvais exemples, pour que ceux qui sont en retard à ce sujet s’inscrivent dans cette dynamique.

Toujours selon Chokri Hamouda, ce référentiel a été bien perçu par les pro- fessionnels qui le considèrent parfai- tement applicable. Car, ne nécessitant pas des moyens financiers supplémen- taires; mais plutôt des actions d’ordre organisationnel simples à implémenter.

Il n’en reste pas moins qu’ils requièrent un appui en termes d’engagement de leurs responsables hiérarchiques, pour créer une dynamique à l’échelle macro.

Par ailleurs, il est important d’inscrire cette démarche qualité dans une stra- tégie globale, d’ordre politique, pour qu’elle soit obligatoire dans toutes les structures publiques, au-delà du sys- tème de santé… Pour que la notion de qualité s’inscrive dans les esprits et devienne une culture dans les pratiques quotidiennes.

Selon le directeur de l’Instance, la bonne gouvernance intervient avant le financement. On a tendance à confondre les problèmes de gestion

avec les difficultés liées au manque de moyens financiers. Il ne suffit pas de gérer les problèmes organisationnels en augmentant les ressources finan- cières. Néanmoins, une meilleure gou- vernance, au niveau des procédures internes, que du type de management, ou de l’utilisation des ressources dispo- nibles, permet de surmonter la barrière des restrictions financières. Une fois les ressources disponibles optimisées, la demande d’augmentation du budget de la part des établissements publics devient plus légitime. Cela doit s’ins- crire dans une politique d’indexation des ressources allouées sur les résultats obtenus.

“Dans le secteur de la santé, il y a des performances individuelles et des résul- tats collectifs. La Tunisie reste encore une référence dans la région en termes de compétences individuelles, du fait que notre système de soin soit hérité du système français. Le meilleur à ce ni- veau. Mais sur le plan organisationnel, des progrès doivent être consentis. Il nous faut s’inspirer du concept de soins des anglo-saxons qui est plus perfor- mant sur le plan organisationnel. Pour bénéficier à la fois des performances individuelles du système français et collectives du système anglo-saxon"

conclut Chokri Hamouda n

Ahmed Bessrour

Chokri Hamouda

(9)

46 L’Économiste Maghrébin I du 23 Décembre 2020 au 6 Janvier 2021

U

ne population vieillis- sante se traduit par une augmentation de la popu- lation des retraités qui de surcroit vit de plus en plus longtemps avec la hausse de l’espérance de vie. Face à cet accroissement de la population des retraités, des actifs versent les cotisations pour financer les pensions des retrai- tés de la même période : c’est le fondement du système de retraite par répartition adopté en Tunisie.

néanmoins, un déficit annuelse reproduit et augmente de façon exponentielle. Une situation critique qui empire d’année en année. « Le déficit de la CNSS est passé de 645 MDT en 2016 à 1200 MDT en 2018. Pour la CNRPS, la situation n’est pas meilleure avec un déficit qui est passé de 606 MDT à 1000 MDT pour les mêmes périodes respectives. Plus grave encore : les deux caisses ont mis en difficulté la CNAM avec une dette de 5,4 milliards DT (fin octobre 2020). Les deux caisses ont aujourd’hui des difficultés à verser les pensions des retraités.

La CNRPS a dû recourir à un fi- nancement sur le budget de l’État depuis 2016 », a annoncé Mouna Ben Othman. des chiffres qui démontrent la situation critique du système de sécurité sociale en Tunisie. Celle-ci était prévisible.

Et c’est pour cette raison que les réflexions sur certaines réformes

ont été entamées depuis l’année 2011portant sur plusieurs chan- tiers à la fois. Parmi ceux-ci, on peut citer les questions de la re- traite et de l’assurance maladie.

« Le problème est qu’on a essayé seulement de traiter les urgences et les problèmes conjoncturels.

Nous n’avons pas pu mettre en place les réformes structurelles qui s’imposent. Et c’est à cause de ces retards que les réformes sont de plus en plus douloureuses et que la facture est très souvent alourdie», a affirmé Mehdi Ben Braham.

À vrai dire, l’accent a été mis sur le conjoncturel plus que le structurel pour deux raisons. La première consiste dans l’insta- bilité politique, et ce, essentiel- lement parce que les ministres, qui se sont succédé, ne se sont pas imposés dans une continuité et il n’y a pas eu de vision sur le long terme. La deuxième raison est liée aux difficultés imposant des réformes impopulaires. « Par conséquent, on s’est retrouvé au- jourd’hui face à un système qui souffre, d’où le déséquilibre finan- cier de la CNAM, la CNRPS et la CNSS. Ajouté à tout cela les pro- blèmes de bonne gouvernance et de justice sociale », a précisé M.

Ben Braham.

Des mesures paramétriques…

Face à cette situation et pour la

première fois en Tunisie, l’âge de départ à la retraite a été augmenté pour les fonctionnaires de l’État de deux ans. Cette mesure a été prise dans le cadre du projet « les grandes réformes » sous le gouver- nement Chahed. Sa mise en place s’est faite en deux étapes. D’abord, en juillet 2019 , l’âge de départ à la retraite a été porté à 61 ans.

Ensuite, à 62 ans en janvier 2020.

« Cette mesure est très impor- tante dans le sens où elle agit sur la situation financière de la CNRPS de deux manières. Cela augmente les recettes vu que chaque année ajoutée dans la vie active corres- pond à une année supplémentaire

Sécurité sociale

Une situation critique…

Le déficit des caisses sociales en Tunisie est assurément structurel. l’évolution démographique de la population tuni- sienne est, en grande partie, à l’origine de cette pression sur l’équilibre financier des caisses. Résultat, les caisses sociales publique et privée sont déficitaires depuis vingt ans. Comment ou par quels mécanismes la situation des caisses fra- gilise le système de santé ? Pour plus de détails, Mouna Ben Othman, docteur en sciences économiques spécialiste des caisses de retraite et Mehdi Ben Braham, Enseignant-chercheur en sciences économiques nous livrent leur diagnostic et propositions de réformes.

Mouna Ben Othman

1200

Déficit MDT de la CNSS

1000

Déficit MDT de la CNRPS en 2018

(10)

de cotisation. Et chaque année de vie active supplémentaire est aussi une année en moins pour les dépenses en pension pour la caisse de sécurité. La question qui se pose alors est : est-ce que cette réforme et suffisante pour assu- rer la pérennité financière des caisses ? », a indiqué Mme. Ben Othman.

En réponse à son interrogation, elle a expliqué que cette mesure s’est limitée aux adhérents de la CNRPS. La CNSS qui est aussi dans une situation financière aussi critique n’en a pas bénéficié.

Etd’aller jusqu’à affirmer que cette mesure n’est malheureusement même pas suffisante pour rééqui- librer les finances de la CNRPS.

Une autre mesure adoptée a trait au financement des caisses.

Il s’agit d’un impôt de 1% sur le revenu des personnes physiques et les sociétés. Elle correspond à la contribution sociale énon- cée dans la Loi de Finances 2018.

C’est une façon de chercher une autre source de financement des caisses de sécurité en dehors des cotisations sociales. « L’effet at- tendu sur les finances de caisses est positif mais le moyen utilisé implique plus de pressions fis- cales sur les contribuables dans un contexte où cette pression a atteint un degré assez élevé pou- vant mener à l’évasion fiscale », a-t-elle estimé. D’autres réformes ont été proposées mais n’ont pas été appliquées, faute de consen- sus entre les partenaires sociaux.

Pour les adhérents de la CNRPS, il s’agit d’une hausse du taux de co- tisation de 3%, qui passerait ainsi à 23,7%, et d’une baisse du salaire qui servira à calculer la pension de retraite. Pour les adhérents de la CNSS, il s’agit d’annuler les re- traites anticipées et d’augmenter la durée de cotisation minimale

pour prétendre à une pension.

Propositions de réformes De par ces réformes adoptées, Mme. Ben Othman a annoncé qu’il est urgent aujourd’hui d’agir sur la générosité des caisses. Et ce, en allongeant la période sur laquelle est calculé le salaire ser- vant de référence pour le calcul du montant de la pension et d’harmoniser le mode de calcul des pensions pour les caisses. Il faut aussi réduire le plafond du taux de la pension de retraite.

« Vu la situation des caisses, il n’est plus envisageable qu’elles continuent à financer des pen- sions de retraite dont le niveau est supérieur au salaire d’activité.

En 2018, ceci était le cas pour presque la moitié des retraités de la CNSS et les trois quarts des pensions de la CNRPS ».

Autre mesure proposée concerne l’augmentation de l’âge de départ à la retraite pour les adhérents de la CNSS et la réduction au maximum du départ à la retraite anticipée. Il faut savoir que les mécanismes qui permettant au- jourd’hui le départ anticipé à la retraite font que l’âge moyen de départ à la retraite est de 58 ans.

« Ces mesures peuvent alléger la pression financière sur les caisses mais aucunement leur en assurer une pérennité. Aussi, il est urgent de revoir le mode de financement des caisses. À notre sens, il faut développer un deuxième pilier de financement où le lien entre les cotisations et les pensions serait direct. Il est également impératif de développer l’épargne retraite avec des mesures incitatives », a- t-elle précisé.

Dans le même ordre d’idées, M.

Ben Braham a souligné qu’il faut amorcer les réformes du court terme pour donner une bouffée d'oxygène au système de sécurité

sociale et veiller parallèlement à mener les réformes de fonds. « La mise en place du Conseil national du dialogue social demeure néces- saire. Dans lequel il y aura une commission permanente spéciali- sée dans la protection sociale. Au bout de trois mois, on sera capable d’élaborer une vision globale pour mettre en place, par la suite, des mesures pratiques. Toutefois, il faut tout d’abord fixer et s'accorder sur les objectifs escomptés pour trouver les solutions et les sources de financement dans le cadre d’un arbitrage global à discuter d’une façon structurelle et constructive dans le cadre d’une approche par- ticipative. plusieurs pistes sont à privilégier : miser essentiellement sur les questions liées à la restruc- turation de la CNAM, l’accessibilité à la santé, la disparité régionale, la bonne gouvernance, l’utilisation des NTIC, la simplification des pro- cédures, la réduction des coûts afin d’établir un climat de confiance entre les bénéficiaires et leurs caisses n Imen Zine

Mehdi Ben Braham

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